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José Evrard
Question N° 9027 au Ministère de la culture


Question soumise le 5 juin 2018

M. José Evrard attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la mainmise des groupes financiers sur la presse française. La quasi-totalité de la presse écrite est désormais la propriété de groupes financiers. En 1944, le gouvernement provisoire de la République publiait des ordonnances sur la presse dont le but était de soustraire les journaux à la domination des puissances d'argent. Ces ordonnances s'inspiraient des conditions de la défaite de 1940 et de la politique de collaboration qui s'ensuivait. Autre temps, autres mœurs. La mainmise de la finance sur le secteur s'est accompagnée d'une accélération de la concentration des journaux (facilitée par la loi de 1986) et d'une diminution globale du nombre de lecteurs. Les groupes financiers propriétaires de groupes de presse entretiennent des relations serrées avec l'État dont ils sont souvent les fournisseurs, voire les bénéficiaires d'aides publiques de toute sorte. Cette confusion des genres n'est pas sans causer de préjudices aux valeurs démocratiques et républicaines. Il lui demande ce qu'elle envisage pour mettre de l'ordre dans ce secteur essentiel pour la diffusion de la connaissance et de la culture en général.

Réponse émise le 25 septembre 2018

Historiquement, le choix a été fait en France d'éviter la constitution de groupes trans-médias puissants, mais de ne pas chercher à empêcher un actionnaire actif en dehors de la presse d'investir dans ce secteur : le dispositif anti-concentrations pluri-médias actuel, inscrit dans la loi de 1986 sur la régulation audiovisuelle, interdit de posséder à la fois un quotidien, une radio ou une télévision dont l'audience dépasse un certain seuil. Pour autant, il n'en résulte pas que la presse écrite en France soit à ce jour sous la mainmise de groupes financiers. En premier lieu, il existe encore aujourd'hui de très nombreux titres de presse indépendants de tout groupe et de nombreux groupes de presse indépendants, qui n'appartiennent pas à un ensemble industriel ou financier plus large. C'est le cas, par exemple, de Bayard Presse, du groupe La Dépêche du Midi, de SIPA Ouest France, de La Montagne Centre France, etc. Ensuite, de nombreux groupes de presse font partie d'un conglomérat européen d'activités du champ des médias. Il s'agit par exemple du groupe La Provence, de Rossel France Investissement, de Prisma Media, de Mondadori, de Czech Media Invest, etc. Enfin, certains titres appartiennent effectivement à des éditeurs dont les actionnaires directs ou indirects, d'ailleurs pas toujours majoritaires, sont des groupes financiers ou industriels. La présence de groupes financiers dans l'actionnariat n'est pas en elle-même problématique. En effet, elle permet à des éditeurs en difficulté de bénéficier de l'apport d'importants fonds propres pour financer leur modernisation, en particulier vers le numérique ; certains titres auraient pu disparaître depuis de nombreuses années en l'absence de ces apports, ce qui aurait porté une atteinte grave au pluralisme de la presse. L'enjeu essentiel est de protéger l'indépendance des rédactions et de leurs journalistes contre d'éventuelles velléités d'ingérence d'actionnaires. Il existe de nombreuses garanties en ce sens, en particulier à travers la clause de conscience des journalistes et les chartes déontologiques prévues par la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. À cet égard, l'État négocie actuellement avec les groupes de presse qui perçoivent le plus d'aides des conventions-cadres dont l'objet est de conditionner le bénéfice d'une partie des aides au respect d'obligations légales, parmi lesquelles la signature d'une charte déontologique négociée avec les représentants des journalistes. Plusieurs groupes de presse détenus par des groupes financiers sont concernés par ces conventions-cadres. Enfin, plusieurs aides à la presse comportent des mécanismes de plafonnement par groupe. C'est notamment le cas de l'aide au pluralisme de la presse régionale et du fonds stratégique pour le développement de la presse. L'État continue donc de veiller à ce que la presse dispose des fonds propres privés nécessaires à sa pérennisation, sans que ces apports ne remettent en cause l'indépendance des rédactions.

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