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Loïc Prud'homme
Question N° 9103 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 12 juin 2018

M. Loïc Prud'homme interpelle M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le projet de « bio-raffinerie » de la Mède. Le 16 mai 2018, la préfecture des Bouches-du-Rhône a autorisé ce projet de reconversion d'une des neuf raffineries françaises appartenant à l'entreprise Total. L'activité démarrera cet été sur ce site d'une capacité de plus de 500 000 tonnes. Si le ministère a assuré avoir obtenu de Total le fait que l'usine ne traite pas plus de 300 000 tonnes d'huile de palme par an, cet engagement n'a aucune valeur juridique ni contraignante. De plus, le reste des huiles traitées, dites « végétales », contiennent en réalité aussi de l'huile de palme. Enfin, les fraudes sur cette matière étant récurrentes, il faudrait que Total dévoile son plan d'approvisionnement et sa liste de fournisseurs afin que l'on soit en mesure de savoir si elle tient effectivement parole. Un exercice de transparence auquel l'entreprise a toujours refusé de se soumettre. En tout état de cause, cette seule « bio-raffinerie » aura pour effet d'augmenter significativement les importations d'huile de palme en France : de 30 % si Total respecte son engagement ; de plus de 60 % si elle utilise les capacités maximales du site. Visiblement, cette autorisation a été prise dans le déni complet des procédures de concertation publiques. En effet, syndicats et ONG portaient un projet viable de reconversion dans la production d'hydrogène qui aurait protégé tous les emplois sur le site. Les syndicats agricoles sont également vivement opposés à ce projet. Les arguments sur la sauvegarde de 250 emplois, de la part de Total et des pouvoirs publics, omettent le fait que le projet actuel entérine la disparition de 180 postes. D'autre part, les agro-carburants de première génération et autres biodiesel dont la fabrication absorbe la grande majorité de l'huile de palme importée en France ne sont en aucun cas une production d'avenir. Les constructeurs et les institutions, dans de nombreux pays dont la France, les abandonnent et les pénalisent à cause de leurs effets néfastes sur l'environnement. Un vote du Parlement européen de janvier 2018 prévoit d'arrêter l'importation d'huile de palme. Or le Gouvernement français s'active dans les coulisses de Bruxelles pour que ce vote ne soit pas respecté. Selon la presse, ce même mois, Mme la ministre des armées s'est rendue en Malaisie afin d'assurer au pouvoir local que l'huile de palme trouvera un débouché en France. Dans le même temps, elle devait finaliser un contrat de commande de 18 avions Rafale. La production d'huile de palme contribue entre 3 et 4 fois plus au réchauffement climatique que les énergies fossiles. En Indonésie, plus de 200 communautés indigènes appuyées par des ONG et des syndicats locaux viennent d'alerter la communauté internationale sur ses ravages sur la biodiversité, le respect des droits de l'Homme, la cohésion sociale ou l'environnement. Rappelons que cette culture fait disparaître 117 000 hectares de forêt chaque année en Indonésie. De toute évidence, l'ouverture de cette raffinerie contrevient aux engagements internationaux sur le climat pris par la France, comme à l'axe 15 du plan climat, présenté par M. le ministre d'État en juillet 2017, qui prévoyait de « mettre fin à la déforestation importée. » Il souhaite savoir qui décide de la politique écologique et énergétique de la France et, si l'on admet qu'il en existe encore une, le ministère de la transition écologique ou le ministère des armées.

Réponse émise le 31 juillet 2018

La transformation de la raffinerie de Total située à La Mède en bioraffinerie, décidée en 2016 et autorisée le 16 mai dernier par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, s'inscrit dans le cadre de la réorganisation du secteur du raffinage. Elle permet, d'une part, de maintenir 250 emplois sur le site industriel de La Mède et, d'autre part, de produire des produits spécifiques, des huiles végétales hydrotraitées (HVO), qui sont jusqu'à présent produites à l'étranger à partir d'huile de palme puis importées en France. L'usage des matières premières utilisées pour produire ces biocarburants, et notamment l'huile de palme, sera strictement encadré. À ce jour, les filières d'approvisionnement de cette installation ne sont pas entièrement arrêtées. Outre les huiles végétales brutes, trois autres types de ressources sont ciblées : les huiles de cuisson usagées, les graisses animales et les résidus acides issus du raffinage des huiles alimentaires. Le Gouvernement a imposé, à cet égard, qu'une part minimale de 25 % de l'approvisionnement provienne de cette économie circulaire. Il s'agit d'un effort considérable pour structurer les filières françaises. Le Gouvernement a également demandé à l'entreprise Total de faire en sorte de limiter, autant que possible, l'approvisionnement en huiles végétales brutes (palme, colza, soja) à des quantités inférieures aux 450 000 tonnes par an autorisées pour l'usine. Il a ainsi été obtenu de l'entreprise une limitation volontaire de sa consommation d'huile de palme à 300 000 tonnes, soit moins de 50 % des matières premières utilisées à la Mède. Concernant la part qui proviendra d'huiles végétales brutes, le Gouvernement a rappelé à Total le caractère obligatoire de la réglementation communautaire relative à la durabilité des biocarburants. Le respect de ces critères, qui sont très stricts, est scrupuleusement contrôlé par les autorités françaises compétentes en la matière, et sera publié chaque année. Ainsi, l'autorisation de la bioraffinerie de La Mède va permettre de remplacer des HVO importées, produites avec 100 % d'huile de palme, par des HVO produites en France avec 50 % d'huile de palme. En outre, le Gouvernement s'est engagé à tout mettre en œuvre pour, d'une part, diminuer l'emploi de matières premières à usage énergétique entrant en concurrence avec l'usage alimentaire et, d'autre part, réviser les critères de durabilité concernant les matières premières à fort impact sur l'utilisation des sols à des fins alimentaires. Par ailleurs, et comme annoncé dans le Plan climat le 6 juillet 2017, le Gouvernement a rappelé sa volonté de ne voir que de l'huile de palme durable utilisée en France. Le Gouvernement a porté ces positions lors des négociations européennes sur la directive énergies renouvelables qui ont abouti à un plafonnement puis à une élimination progressive des matières premières à fort impact ILUC (impact du changement indirect de l'utilisation des terres sur les émissions de gaz à effet de serre) d'ici 2030. Le Gouvernement a également demandé à la Commission européenne de lancer rapidement les travaux pour élaborer une stratégie sur la déforestation importée et, en parallèle, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, a engagé une politique ambitieuse dans ce domaine. En effet, l'axe 15 du Plan climat prévoit de mettre fin à l'importation, en France, de produits contribuant à la déforestation, et de publier, en 2018, une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Cette stratégie, soumise à la consultation publique du 3 au 24 juillet 2018, vise à lutter contre la perte nette de forêt, et en particulier de forêts tropicales. Plusieurs mesures seront prises, notamment pour le secteur privé qui devra intégrer des critères de durabilité dans ses plans de filière.

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