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Emmanuelle Anthoine
Question N° 9201 au Ministère de l'économie


Question soumise le 12 juin 2018

Mme Emmanuelle Anthoine alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur une des mesures du projet de loi PACTE visant à supprimer, pour certaines entreprises, l'obligation de faire appel à un commissaire aux comptes pour certifier leurs comptes annuels. En effet, le Gouvernement en proposant le projet de loi « PACTE » (Plan d'action pour la croissance et la compétitivité des entreprises) prétend vouloir faciliter la croissance des entreprises et rapprocher les Français de leurs employeurs. Or, parmi les mesures envisagées, l'une d'elle vient modifier le périmètre d'intervention du commissaire aux comptes en relevant le seuil déclenchant l'obligation de certification des comptes pour les entreprises de 2 à 8 millions d'euros de chiffre d'affaires. Or, en se passant de la certification du commissaire aux comptes, les petites entreprises ne bénéficieront plus de la garantie de la sincérité des comptes, argument essentiel pour asseoir les ambitions d'innovations, de transformation et de croissance auprès des organismes financiers et des acteurs publics. À défaut de créer des emplois, cette mesure en supprimerait même. Avec le relèvement des seuils, de nombreux commissaires aux comptes indépendants seront contraints de cesser leur activité puisque les grosses structures font appel majoritairement à des cabinets spécialisés. Le rapport de l'Inspection générale des finances, qui recommande ce relèvement des seuils, note que l'impact de cette mesure entraînera mécaniquement la concentration du marché au profit des 7 plus grands cabinets mondiaux, étrangers, implantés à Paris et dans les grandes métropoles, au détriment des l'économie locale des territoires et de la proximité. Appliquée en Suède depuis 2010, l'augmentation des seuils est remise en question car elle a permis l'augmentation de la criminalité économique et fragilisé la croissance des petites entreprises. Cependant, le Gouvernement n'est pas sans ignorer que le commissaire aux comptes est le seul garant de comptes réguliers, sincères et fidèles à l'égard des parties prenantes de l'entreprise (investisseurs, financeurs, partenaires économiques) et des salariés. Le commissaire aux comptes est la clé de voûte de la confiance avec un rôle majeur d'alerte et de prévention des défaillances d'entreprise. Selon une étude d'Ellisphère (décembre 2017 tous secteurs confondus), les entreprises avec commissaire aux comptes présentent un taux de défaillance de 10,9 % contre 18,4 % sans commissaire aux comptes. Par ailleurs, de plus en plus d'entreprises font appel à de l'épargne de proximité. La loi PACTE entend d'ailleurs favoriser le retour de l'épargne vers les entreprises. Or la confiance dans l'entreprise se base d'abord sur des faits et une appréciation indépendante des comptes et des pratiques, d'où là encore l'importance du rôle du commissaire aux comptes. Par ailleurs, la mission de sécurisation de la base fiscale par le commissaire aux comptes est d'autant plus fondamentale que les entreprises devront prochainement mettre en œuvre le prélèvement à la source et qu'à l'évidence les risques d'erreurs, de fraude ou de défaillance concernent majoritairement les plus petites entreprises. Ne serait-ce d'ailleurs pas un paradoxe de la part de l'État lui-même qui, d'une main, introduit plus de transparence dans les comptes de la sphère publique à travers notamment la certification des hôpitaux, des universités, bientôt des collectivités locales, pour de l'autre, retirer à certaines entreprises cette même garantie ? Et n'est-ce pas étonnant, au moment où nos responsables aspirent à libérer les énergies créatrices, de songer à supprimer l'une des clés de cette liberté, la sécurité financière ? Le Gouvernement ne semble pas vouloir prendre la mesure des conséquences réelles qu'entrainerait une telle réforme tant pour les PME que pour les petits cabinets d'audit. Aussi, nombre de citoyens et de parlementaires s'interrogent également sur la pertinence du choix du Président, désigné par le Gouvernement, de la mission sur l'avenir de la profession qui vient d'être mise en place. Celui-ci est, en effet, président l'Autorité des normes comptables mais également président d'honneur d'un groupe privé, grand cabinet d'audit et de conseils, qui profitera pleinement de cette réforme, si elle était adoptée. De là à se demander s'il n'y aura pas conflit d'intérêt, il n'y a qu'un pas. Aussi, avant d'opérer une évolution qui pourrait s'avérer contre-productive, elle demande au Gouvernement de reconsidérer la question des seuils obligatoires de contrôle légal des entreprises et d'envisager de manière concertée avec la profession les aménagements acceptables et profitables aux ambitions du projet de loi PACTE.

Réponse émise le 10 juillet 2018

Dans le cadre du plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), le Gouvernement souhaite alléger les obligations pesant sur les petites entreprises, afin de faciliter leur développement. Parmi les mesures envisagées, à cet effet, le relèvement de certains seuils, réglementaires et fiscaux, constitue une orientation importante pour réduire les charges administratives qui leur sont applicables. Dans ce cadre, le Gouvernement envisage, en effet, de relever les seuils de certification légale des comptes, par un commissaire aux comptes, au niveau prévu par le droit européen, c'est-à-dire 8 M€ de chiffres d'affaires, 4 M€ de bilan et 50 salariés. Une analyse, conduite par l'inspection générale des finances (IGF), a en effet démontré que la pertinence de seuils d'audit légal, plus faibles que ceux fixés par le droit européen, n'est pas établie tant du point de vue de la qualité des comptes des petites entreprises, que de leur accès au financement. Le rapport de l'IGF démontre, en outre, que les coûts supportés par les petites entreprises françaises, qui ne sont pas visées par l'obligation européenne de certification légale des comptes, sont élevés (de l'ordre de 600 M€, soit en moyenne 5 511 € par an pour une entreprise située sous les seuils européens). Pour cette raison, il semble pertinent, au regard des enjeux financiers limités associés, de rendre facultative l'intervention d'un commissaire aux comptes dans les petites entreprises, alors que 75 % d'entre elles recourent, en parallèle, aux services d'un expert-comptable, qui concourt, d'ores et déjà, à la qualité comptable dans ces structures. Cette démarche est conforme à l'objectif fixé par le Premier ministre, dans la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise des flux réglementaires et de leur impact, d'identifier et d'éliminer les surtranspositions du droit européen dans notre droit national, alors qu'un nombre significatif d'États membres ont fixé des seuils identiques ou supérieurs à ceux prévus par le droit européen. Elle est également pleinement cohérente avec les orientations du Gouvernement visant à établir un nouveau contrat avec les entreprises, fondé sur la restauration de liens de confiance mutuelle entre l'État et les acteurs économiques, et, ainsi, une diminution du poids des contrôles et une responsabilisation individuelle accrue, comme en témoigne la création d'un droit à l'erreur, prévu par le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance. Le relèvement des seuils d'audit constitue un défi pour la profession de commissaires aux comptes, impliquant une évolution en profondeur de son activité. Afin d'étudier, de manière précise, les conséquences de cette réforme et d'envisager les mesures d'accompagnement nécessaires, l'appui d'une mission présidée par M. Patrick de Cambourg - Président de l'Autorité des normes comptables, a été sollicitée sur l'avenir de la profession. Cette mission aura, notamment, pour objectif d'identifier des missions nouvelles, légales ou non, pouvant être confiées aux commissaires aux comptes ; de rechercher les moyens pour renforcer l'attractivité de cette profession et de permettre le maintien d'un maillage territorial suffisant de la profession dans les territoires ; de proposer des mesures d'aide aux professionnels les plus touchés par la réforme ; enfin, de formuler des propositions visant à favoriser le développement de l'expertise comptable et à enrichir ses missions d'appui et de conseil aux entreprises ne disposant pas d'un commissaire aux comptes. Les conclusions de cette mission permettront au Gouvernement d'adopter, d'ici à l'été 2018, un plan d'action visant à accompagner la mise en œuvre du relèvement des seuils d'audit.

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