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Luc Carvounas
Question N° 9213 au Secrétariat d'état Secrétariat d'État auprès du Premier ministre


Question soumise le 12 juin 2018

M. Luc Carvounas attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, sur la campagne de prévention contre le harcèlement sexuel des réseaux de transports d'Île-de-France du mois de mars 2018. Une femme seule au beau milieu d'une forêt sombre, l'air inquiet, se cramponne à une barre de métro. Derrière elle, avancent, tapis dans l'ombre, plusieurs loups visiblement affamés. Même mise en scène pour les autres versions de l'affiche : une femme seule au fond de l'océan ou dans une grotte sombre. Ces affiches au goût douteux sont totalement déconnectées de la réalité et contre-productives. En premier lieu, elles laissent penser que les femmes qui se font harceler sexuellement ont pris des risques : que font ces femmes seules dans une forêt inquiétante ou dans une grotte ? Cela témoigne de l'ignorance totale de ce qui vivent les femmes au quotidien dans les transports en commun. C'est très souvent en pleine journée, c'est très souvent au milieu d'une foule de personnes que les femmes se font sexuellement harceler ou agresser. 87 % des usagères des transports en commun d'Île- de-France ont déjà été victimes de harcèlement sexuel, selon l'enquête Virage faite par l'INED (2016). Pourquoi ne pas représenter la réalité telle qu'elle est ? Rares sont les personnes témoins de tels comportements qui réagissent. En outre, c'est encore une fois une manière de faire culpabiliser les femmes victimes. Or, inutile de rappeler qu'une femme n'est jamais responsable du harcèlement ou de l'agression sexuelle dont elle est victime. En second lieu, symboliser les hommes qui harcèlent ou qui agressent par des loups, des requins ou des ours c'est dire que ces hommes sont des prédateurs. Les hommes qui ont de tels comportements dans le métro ne sont pas nécessairement des prédateurs. Ce sont des hommes ordinaires. Une telle repésentation revient donc à attribuer de tels comportements à une infime partie de la population masculine. Par conséquent, les hommes qui harcèlent ou agressent ne peuvent pas se reconnaître dans ces animaux sauvages. Ces affiches n'atteignent pas les cibles qu'elles sont censées atteindre. En troisième lieu, une bonne affiche c'est une affiche qui arbore un slogan qui frappe les esprits et reste en tête. « Ne minimisons jamais le harcèlement sexuel ». Certes. Et donc ? D'une part, le slogan n'est pas explicité par l'image, et d'autre part ce n'est pas un message fort. Ce message n'invite pas les personnes à se remettre en question. Condamner pour condamner, ce n'est ni intéressant, ni efficace. En dernier lieu, l'idée d'un numéro spécifique à joindre pour les victimes ou témoins de harcèlement sexuel n'est pas une mauvaise idée en soi. Cependant, comment une femme qui est en train de se faire harceler ou agresser est censée pouvoir sortir son téléphone portable et appeler le 3117 - dans l'hypothèse, fort probable, où personne autour ne réagirait ? La bonne volonté ne suffit pas, c'est d'efficacié dont ces femmes ont besoin. Il faut que les femmes puissent se réapproprier l'espace public. Cela se fait par un changement de mentalité. Une campagne publicitaire est un moyen parmi d'autres. Encore faut-il qu'elle soit élaborée de manière à pouvoir réellement représenter la réalité afin d'interpeller les citoyens et les amener à se remettre en question, les agresseurs comme les témoins passifs. On ne saurait brandir la lutte contre le harcèlement sexuel comme étant une des priorités du Gouvernement, et en parallèle, mettre au point des campagnes de publicité aussi peu efficaces. Les moyens utilisés doivent être à la hauteur de la finalité poursuivie. Il lui demande donc si une réelle campagne contre le harcèlement sexuel dans l'espace public allait être mise en place, que ce soit à travers la publicité, des interventions dans les collèges et lycées ou encore le renforcement de la présence d'agents dans les transports en commun.

Réponse émise le 15 janvier 2019

La prévention et la lutte contre toutes les violences sexistes et sexuelles constituent une priorité de l'action du Gouvernement,  où figure naturellement la lutte contre ces violences dans tous les espaces publics. Plusieurs études permettant de mieux identifier ce phénomène et de produire des outils adaptés pour le prévenir et le combattre sont ainsi en cours de réalisation : une étude sur « la mobilité des femmes et les violences qu'elles subissent ou redoutent dans les transports collectifs terrestres », qui a pour objectif de compléter l'état des connaissances des pratiques de mobilité des femmes dans les transports collectifs terrestres et d'analyser les violences subies ; une étude relative aux marches participatives pour la sécurité des femmes dans les transports collectifs terrestres, avec un état des connaissances des marches exploratoires pour la sécurité des femmes dans les transports et l'élaboration d'un guide méthodologique permettant d'accompagner les acteurs du transport français dans la mise en œuvre de cette pratique. Des actions de prévention sont déployées, à l'instar du développement de marches exploratoires pour permettre aux femmes de se réapproprier l'espace public, pratique qui a essaimé sur plus de 30 nouveaux sites en 2017, et pour laquelle il est prévu une généralisation dans les quartiers politique de la ville. Des actions renforcées de formation des acteurs des entreprises de transporteur sont également menées. Les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP par exemple suivent au titre de la formation initiale et de la formation continue un module d'appropriation des dispositions relatives à la lutte contre les violences et les atteintes à caractère sexiste dans les transports publics collectifs de voyageurs. Enfin, les actions de protection des victimes ont été sensiblement renforcées. La présence de caméras dans les transports a été généralisée (100% des bus grande couronne seront équipés de caméras d'ici fin 2018 et 100% des trains et RER en 2021). Des travaux ont été engagés pour faciliter l'alerte et le signalement des violences sexuelles et sexistes dans les transports par la création d'un outil commun à tous les opérateurs. La généralisation de la descente à la demande proche du domicile dans les transports de nuit pour sécuriser les femmes a été inscrite dans le projet de loi d'orientation des mobilités après son expérimentation sur le territoire (Nantes, Bordeaux, Brest, Île-de-France, Amiens). Parallèlement, l'arsenal juridique pour sanctionner ces violences a été complété par la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes avec la création d'une contravention pour outrage sexiste. Enfin, une campagne gouvernementale de communication d'envergure de 4 millions d'euros a été lancée en septembre 2018, sous la forme d'une campagne télévisuelle, de vidéos en ligne et d'un fil rouge digital, incitant les personnes, dont les témoins, à agir et couvrant quatre thématiques, dont les violences sexistes et sexuelles dans les transports. Aux côtés de l'Etat, plusieurs actions sont également menées à l'initiative des acteurs locaux, illustrant de manière très positive la mobilisation générale qui doit être mise en œuvre pour lutter contre ces violences inacceptables.

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