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Pierre Dharréville
Question N° 9363 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 19 juin 2018

M. Pierre Dharréville attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur la situation du site Total de La Mède suite à l'autorisation accordée à l'entreprise d'importer 300 000 tonnes de l'huile de palme pour produire du « biocarburant ». Depuis fin 2016, la raffinerie a cessé toute opération de raffinage, débouchant sur une augmentation des importations de produits raffinés. Les volumes de l'activité de négoce sont aujourd'hui supérieurs à la capacité de production antérieure. Pour autant, le site n'a conservé que 250 emplois sur 430 et, peu convaincus par le projet actuel, les salariés continuent de s'inquiéter pour la pérennité du site. En effet, inscrit dans un plan de conversion 2015-2022, le site a été transformé pour accueillir un dépôt, une ferme solaire, un centre de formation et une activité de production d'additifs pour les moteurs poids lourds et de 500 000 tonnes de « biodiesel ». Pour cette production dont l'intérêt écologique fait de plus en plus débat, la raffinerie mise sur l'importation de 450 000 tonnes d'huiles végétales brutes dont 300 000 tonnes d'huile de palme, faisant bondir, au passage, de 64 % les importations françaises. À l'heure de la COP 21 et les ambitions du Plan climat, ce choix suscite de vives réactions. En effet, l'engagement d'importer de l'huile de palme labellisée ne suffit pas à régler le problème, car cela s'inscrit dans le cadre d'une extension de la demande globale. Les plantations de palmiers à huile remplacent désormais les forêts tropicales et prennent place sur les tourbières provoquant le bouleversement des écosystèmes, des atteintes à la biodiversité, le grignotage des cultures vivrières et une aggravation du défi climatique sans compter l'impact des modes de transport. Si le recyclage des huiles usagées est un défi à relever, cela implique un véritable circuit de collecte et une ambition publique. Enfin, avant de se lancer dans ces importations, l'utilisation des volumes actuels de la production nationale de colza, de soja et de tournesol devrait être mieux étudiée dans le cadre d'un projet de ce type. Sujet à de nombreuses interrogations, le projet de reconversion doit être revu. Les salariés et leurs organisations doivent y être pleinement associés. Et Total doit en garantir et en démontrer la viabilité dans ce contexte. En effet, la transition énergétique appelle des transformations industrielles pour mettre en adéquation les outils avec les besoins et les exigences en matière de modes de production, de déplacement, de développement. Elle doit faire l'objet d'une action volontaire des États et d'un contrôle démocratique pour être pleinement écologique et sociale. Il lui demande ce qu'il compte faire pour répondre à ces enjeux.

Réponse émise le 31 juillet 2018

La transformation de la raffinerie de Total située à La Mède en bioraffinerie, décidée en 2016 et autorisée le 16 mai dernier par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, s'inscrit dans le cadre de la réorganisation du secteur du raffinage. Elle permet, d'une part, de maintenir 250 emplois sur le site industriel de La Mède et, d'autre part, de produire des produits spécifiques, des huiles végétales hydrotraitées (HVO), qui sont jusqu'à présent produites à l'étranger à partir d'huile de palme puis importées en France. L'usage des matières premières utilisées pour produire ces biocarburants, et notamment l'huile de palme, sera strictement encadré. À ce jour, les filières d'approvisionnement de cette installation ne sont pas entièrement arrêtées. Outre les huiles végétales brutes, trois autres types de ressources sont ciblées : les huiles de cuisson usagées, les graisses animales et les résidus acides issus du raffinage des huiles alimentaires. Le Gouvernement a imposé, à cet égard, qu'une part minimale de 25 % de l'approvisionnement provienne de cette économie circulaire. Il s'agit d'un effort considérable pour structurer les filières françaises. Le Gouvernement a également demandé à l'entreprise Total de faire en sorte de limiter, autant que possible, l'approvisionnement en huiles végétales brutes (palme, colza, soja) à des quantités inférieures aux 450 000 tonnes par an autorisées pour l'usine. Il a ainsi été obtenu de l'entreprise une limitation volontaire de sa consommation d'huile de palme à 300 000 tonnes, soit moins de 50 % des matières premières utilisées à la Mède. Concernant la part qui proviendra d'huiles végétales brutes, le Gouvernement a rappelé à Total le caractère obligatoire de la réglementation communautaire relative à la durabilité des biocarburants. Le respect de ces critères, qui sont très stricts, est scrupuleusement contrôlé par les autorités françaises compétentes en la matière, et sera publié chaque année. Ainsi, l'autorisation de la bioraffinerie de La Mède va permettre de remplacer des HVO importées, produites avec 100 % d'huile de palme, par des HVO produites en France avec 50 % d'huile de palme. En outre, le Gouvernement s'est engagé à tout mettre en œuvre pour, d'une part, diminuer l'emploi de matières premières à usage énergétique entrant en concurrence avec l'usage alimentaire et, d'autre part, réviser les critères de durabilité concernant les matières premières à fort impact sur l'utilisation des sols à des fins alimentaires. Par ailleurs, et comme annoncé dans le Plan climat le 6 juillet 2017, le Gouvernement a rappelé sa volonté de ne voir que de l'huile de palme durable utilisée en France. Le Gouvernement a porté ces positions lors des négociations européennes sur la directive énergies renouvelables qui ont abouti à un plafonnement puis à une élimination progressive des matières premières à fort impact ILUC (impact du changement indirect de l'utilisation des terres sur les émissions de gaz à effet de serre) d'ici 2030. Le Gouvernement a également demandé à la Commission européenne de lancer rapidement les travaux pour élaborer une stratégie sur la déforestation importée et, en parallèle, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, a engagé une politique ambitieuse dans ce domaine. En effet, l'axe 15 du Plan climat prévoit de mettre fin à l'importation, en France, de produits contribuant à la déforestation, et de publier, en 2018, une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Cette stratégie, soumise à la consultation publique du 3 au 24 juillet 2018, vise à lutter contre la perte nette de forêt, et en particulier de forêts tropicales. Plusieurs mesures seront prises, notamment pour le secteur privé qui devra intégrer des critères de durabilité dans ses plans de filière.

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