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Philippe Huppé
Question N° 9475 au Ministère du travail


Question soumise le 19 juin 2018

M. Philippe Huppé attire l'attention de Mme la ministre du travail sur l'utilisation frauduleuse qui peut être faite des plans de départ volontaire et sur la pertinence de leur recours. Les plans de départ volontaire, régi par l'article 1233-61 et suivants du code du travail, peuvent être mis en place dans le but de favoriser le départ de salariés ayant un souhait avéré de reconversion professionnelle. Peu encadrés juridiquement, ils peuvent parfois être employés de manière abusive afin d'éviter un recours à des plans de sauvegarde de l'emploi et en obtenant par exemple frauduleusement le consentement des salariés. En 2007, la société SFR cède ses centres d'appels de Lyon, Toulouse et Poitiers et supprime ainsi 1 877 postes en recourant massivement à un plan de départ volontaire. Dans ce dossier, la Cour de Cassation a condamné SFR pour violation d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et compétences. Dix ans plus tard, en 2017, 5000 employés de la société SFR intègrent à nouveau un plan de départ volontaire, et notamment la quasi-totalité du service client de l'entreprise. Le protocole de rupture des contrats était ainsi dénommé « Protocole de rupture d'un commun accord pour motif économique ». Les raisons avancées étant la nécessité de remonter la trésorerie du groupe. Il apparaît dans ce dernier cas que l'ensemble du processus a eu pour seul objet de réaliser des économies. Or nul motif économique au sens de l'article 1233-3 du code du travail n'existe. Si un tel motif existait, l'entreprise aurait en effet dû mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi. De même, l'article 1233-61 du même code, n'est applicable qu'au cas où les règles en matière de motifs économiques et de loyauté sont respectées. Les obligations concernant l'accompagnement des salariés vers des reconversions professionnelles souhaitées semblent, là encore, non respectées. Les conséquences d'une telle utilisation des plans de départ volontaire, peuvent être désastreuses pour ces hommes et femmes qui ont dû quitter leurs postes mais aussi pour l'ensemble de la collectivité. Ainsi, il souhaiterait connaître ses intentions afin de mieux encadrer cette pratique, si elle devait subsister.

Réponse émise le 9 octobre 2018

En l'état du droit antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, la jurisprudence distinguait deux types de plans de départs volontaires : les plans de départs volontaires « autonomes », c'est-à dire ne donnant lieu à aucune suppression d'emploi contrainte même si les objectifs du plan en terme de réduction d'effectifs ne sont pas atteints, et les plans de départs volontaires « mixtes » susceptibles de conduire à des licenciements si les objectifs en terme de nombre de départs fixé dans le plan ne sont pas atteints. Néanmoins, dans les deux cas, ces plans de départs volontaires étaient rattachés au régime du licenciement économique et donc assimilés à des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE). En tant que tels, ils sont soumis en particulier à la procédure propre aux PSE, incluant l'information consultation des institutions représentatives du personnel et une décision d'homologation (document unilatéral) ou de validation (accord majoritaire) de l'administration via les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Les plans de départs volontaires sont donc bien assimilés à des PSE et ne peuvent ainsi être considérés comme un contournement des PSE. C'est dans ce cadre que la société SFR a conclu un accord cadre le 4 août 2016 prévoyant la mise en place d'un plan de départs volontaires autonome, décliné en différents accords au niveau de chacune des entités concernés, soumis à la procédure PSE, et qui ont fait l'objet d'un dépôt et d'une demande de validation auprès des services de l'Etat. Ces accords ont tous été signés par des syndicats majoritaires au sein de l'entité concernée. Ainsi, le plan de départs volontaires de la société SFR a bien été soumis à la procédure de PSE. A ce titre, l'entreprise a dû respecter les règles jurisprudentielles dégagées par la Cour de cassation s'agissant des plans de départs volontaires autonomes, adaptant le régime des PSE : - exigence d'un motif économique ; - mise en place d'un PSE tenant compte des spécificités du plan de départs volontaires (absence d'obligation de mise en place d'un plan de reclassement interne et d'application des critères d'ordre) ; - procédure d'information-consultation encadrée ; - mesures de reclassement externe. Force est de constater qu'aucun de ces accords majoritaires n'a été contesté devant le juge administratif. L'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 précitée a créé un nouveau dispositif de restructuration à froid pour les entreprises : la rupture conventionnelle collective (RCC). Ce nouvel outil, dont la logique est assez proche de celle des plans de départs volontaires autonomes, procède de la volonté du législateur, dans le prolongement de la loi relative à la sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013, de privilégier le dialogue social et la connaissance qu'ont les partenaires sociaux de la situation de l'entreprise et des enjeux qui s'y attachent. Reposant exclusivement sur le volontariat, la RCC est déconnectée du régime du licenciement économique et des PSE. Elle est néanmoins entourée de fortes garanties visant à assurer la protection des salariés et à prévenir le risque de contournement des règles du licenciement pour motif économique. La mise en place de la RCC est ainsi conditionnée à l'engagement de l'employeur de ne procéder à aucun licenciement dans le périmètre de la RCC pendant toute sa durée, et est soumise à un triple accord :  - celui des partenaires sociaux matérialisé dans l'accord collectif ; - celui de l'administration, qui valide l'accord et s'assure en particulier de son caractère non discriminatoire et de la réalité des mesures de reclassement et d'accompagnement ; - celui du salarié, dont le consentement doit être libre. La RCC devrait ainsi devenir l'un des outils principaux de la gestion prévisionnelle de l'emploi dans un contexte d'anticipation. Elle ne met toutefois pas fin à l'existence des plans de départs volontaires autonomes qui présentent la spécificité de pouvoir être négociés dans le cadre d'un accord, comme la RCC, mais également fixés de manière unilatérale dans un document unilatéral : dans ce cas, les règles propres aux PSE s'appliquent.

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