Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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L'audition débute à quatorze heures.

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Cette audition va nous permettre d'entendre M. Richard Abadie, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT), accompagné de M. Olivier Mériaux, qui exerce les fonctions de directeur général adjoint et de directeur technique et scientifique. Établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère du Travail, l'ANACT a été créée en 1973 et emploie, dans une logique pluridisciplinaire, des ergonomes, des ingénieurs, des psychologues, des sociologues ou encore des économistes.

L'ANACT a pour vocation d'améliorer les conditions de travail en agissant notamment sur l'organisation du travail et les relations professionnelles. Pour ce faire, elle réalise des études sur les conditions de travail et conçoit une série d'outils dont elle assure la diffusion auprès des salariés, de leurs représentants, des directions d'entreprises et des différents acteurs qui interviennent auprès des entreprises.

L'ANACT anime un réseau composé d'associations régionales (ARACT), qui sont des associations de droit privé administrées de manière paritaire. La mission des ARACT est de favoriser l'amélioration des conditions de travail dans les entreprises de leur région, en ciblant en priorité les PME-PMI. Les actions menées peuvent être l'occasion de mettre en oeuvre des expérimentations qui permettent de proposer de nouveaux outils à l'ensemble des entreprises. Nous allons avoir l'occasion d'évoquer avec vous les actions de l'ANACT et les recommandations qu'elle pourrait nous faire pour lutter contre les maladies professionnelles dans le secteur de l'industrie.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, les personnes entendues déposent sous serment. Je vous demande donc de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

MM. Richard Abadie et Olivier Mériaux prêtent successivement serment.

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Richard Abadie, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

En introduction, pour présenter un peu plus précisément l'ANACT et vous permettre de contextualiser les réponses que nous sommes susceptibles d'apporter à vos questions, je vous propose de développer très rapidement les trois postulats identifiés en 2013 par les membres d'un groupe de travail tripartite qui avait été chargé de réfléchir au repositionnement de l'ANACT et de son réseau, dans le prolongement de la grande conférence sociale de l'été 2012.

Ensuite, pour illustrer concrètement la contribution qui peut être celle de l'ANACT sur le champ plus spécifique de la commission d'enquête, M. Mériaux, directeur technique et scientifique de l'ANACT, fera une présentation rapide de deux dossiers : l'un axé sur la prévention de l'usure professionnelle ; un deuxième qui vise à se projeter sur l'industrie du futur, à travers une expérimentation menée en région Auvergne-Rhône-Alpes.

Nous continuons à travailler sur des sujets tels que l'évaluation. J'ai évoqué les conclusions d'un groupe de travail tripartite de 2013. Ces conclusions ont de fait été prises en compte dans la rédaction du décret du 31 juillet 2015, qui a refondé et précisé les missions de l'Agence et de son réseau, conduisant à sa réorganisation.

Dès sa création, l'Agence a été spécialisée sur les conditions de travail, mais l'objectif qui lui est plus précisément fixé est de conduire des actions visant à agir sur les éléments déterminants des conditions de travail. Cette approche a d'ailleurs été reprise pour l'élaboration du troisième plan consacré à la santé au travail (PST 3), qui affiche l'ambition de s'intéresser aux déterminants des conditions de travail, et non seulement aux effets comme le fait une approche par les risques – qui reste bien entendu nécessaire.

Le premier postulat identifié par le groupe de travail est un postulat de fond : l'organisation du travail et les relations de travail sont des déterminants majeurs des conditions de travail. Il importe donc de travailler le plus en amont possible sur l'organisation et la conception des systèmes de travail. Si une organisation est mise en place sans prendre en compte les réflexions utiles, par la suite l'approche ne sera que corrective.

Le deuxième postulat pourrait être qualifié de postulat de méthode : en matière d'amélioration des conditions de travail, seules les démarches participatives, à savoir le dialogue social et, plus largement, le dialogue professionnel, permettent d'obtenir des effets durables. D'où l'importance du paritarisme et des démarches de co-construction, puisque, sans implication des principaux acteurs concernés, il est très difficile de prévenir les risques professionnels. Le travail ne se prescrit pas de manière unilatérale. Les conditions dans lesquelles le travail se réalise sont souvent contredites dans la réalité. Comme nous l'enseigne l'ergonomie, un écart existe nécessairement entre le travail réel, tel qu'il a été pensé, et le travail prescrit. La parole des travailleurs, au sens des directives européennes qui ne font pas de distinction de statut dans la définition de cette notion, est donc nécessaire pour élaborer des modalités de travail satisfaisantes, qui aillent à la fois dans le sens des employeurs, en favorisant la productivité, mais aussi dans le sens des salariés, en améliorant le bien-être et la santé au travail. Toute démarche unilatérale, réduite à elle seule, est vouée à l'échec.

Le troisième postulat concerne l'existence d'une synergie entre conditions de travail, qualité de vie au travail et performance de l'entreprise. Pour pouvoir concilier leurs enjeux économiques et sociaux, les entreprises doivent être amenées à considérer les conditions de travail comme un paramètre stratégique, à côté de leurs paramètres techniques et économiques.

Ces trois postulats justifient que l'agence ne soit pas exclusivement positionnée sur le champ de la prévention des risques professionnels stricto sensu, mais soit plutôt à l'interface avec d'autres champs, tels que l'emploi – qu'il s'agisse du développement des compétences ou de l'égalité professionnelle –, le dialogue social ou encore la performance globale et durable des entreprises.

Pour mener à bien ses missions, l'agence dispose d'un budget de moins de 15 millions d'euros et emploie un peu moins de 80 agents. Basée à Lyon, elle peut s'appuyer sur réseau territorial de dix-sept associations régionales, associations privées paritaires, établies dans les chefs-lieux de région. Le réseau s'appuie ainsi sur les 80 agents de l'ANACT et sur 200 agents répartis dans les associations régionales.

Si le réseau fonde la légitimité de ses productions sur l'intervention en entreprise, il n'est donc pas crédible d'imaginer qu'il puisse intervenir dans toutes les entreprises du territoire – et ce n'est pas son modèle.

L'organisation de l'agence en découle, autour d'un cycle non impératif se subdivisant en quatre étapes : un travail de veille et de prospective pour formuler des hypothèses ; une expérimentation de ces hypothèses en entreprise, grâce à notre réseau régional, et dans la perspective d'une capitalisation et modélisation de l'expérience, conduite dans un cadre participatif et paritaire – les enseignements tirés sont ainsi considérés, avec l'accord de l'entreprise, comme un bien commun ou un bien public dont tout le monde peut profiter ; le développement d'outils et de méthodes visant à élaborer des solutions de transfert, qu'il s'agisse de guides pratiques ou de jeux pédagogiques ; la diffusion des solutions de transfert, avec l'appui de partenaires relais identifiés et formés au développement des outils développés par l'ANACT et par son réseau.

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Olivier Mériaux, directeur général adjoint et directeur technique et scientifique de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

L'ANACT est avant tout un acteur de recherche et développement dans le domaine des conditions de travail. C'est pourquoi nous ne serons pas en mesure – et je le regrette – de répondre à l'ensemble de vos questions, car notre approche du sujet ne passe pas seulement par les risques.

Il s'agit plutôt d'une approche globale par le travail. Elle ne fait pas l'impasse sur la prise en compte des risques professionnels, mais nous accompagnons les entreprises dans des démarches plus globales et plus systématiques. Car se contenter de soustraire le travailleur aux risques s'est révélé une solution d'une efficacité limitée. Cette approche fait en effet du travailleur un sujet passif.

Tout se joue au contraire dans le rééquilibrage des contraintes et des ressources disponibles. Plutôt qu'une simple mise à l'abri du travailleur, nous proposons d'outiller l'organisation de travail pour que le travailleur s'affirme comme un agent de la construction de sa santé au travail, ce qui va bien au-delà du stade de la prévention.

L'agence promeut davantage qu'une prévention primaire ; elle met en avant, pour ainsi dire, une « prévention à la racine », dès la formation des systèmes d'organisation de travail. On s'inscrit ainsi dans les orientations retenues par les partenaires sociaux et par les pouvoirs publics dans le troisième plan consacré à la santé au travail, plan qui retient une approche large de la santé au travail, approche fondée sur la définition de la santé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à savoir le bien-être physique, émotionnel et psychique.

Nous concevons donc le travail comme un facteur de santé. Vous percevez la différence entre notre approche et celle d'une approche par les risques. Dans cette perspective, le salarié doit être considéré comme un agent actif de la construction de sa santé. Sous certaines conditions, l'organisation d travail peut ainsi devenir un des éléments de la performance durable de l'entreprise. C'est pourquoi nous insistons beaucoup sur des notions telles que l'autonomie, les possibilités offertes et la marge de manoeuvre.

Permettez-moi de vous présenter deux illustrations de cette approche globale et systématique.

Je commencerai par le problème de la prévention de l'usure professionnelle. L'allongement de la durée de vie professionnelle est en effet devenu un problème de santé au travail. Mais les solutions envisageables activent des leviers très différents, à savoir tous les leviers de la gestion des ressources humaines dans les entreprises. Confrontés à ce problème de santé au travail, nous devons sortir du ghetto des acteurs spécialisés dans la prévention pour en faire un enjeu stratégique de management : il s'agit donc d'une solution à mettre en oeuvre au plus haut niveau décisionnel des entreprises.

L'agence a ainsi développé des outils et des méthodes axés sur la capitalisation de ses expérimentations en entreprise. Sur cette base, elle propose une approche qui combine la réduction des risques professionnels et une refonte des parcours professionnels.

Le premier volet inclut un aménagement des postes, des rythmes et des horaires de travail, mais aussi des collectifs de travail ; cela repose sur une mobilisation des savoirs issus de l'expérience de chaque salarié et développés par lui pour réduire la pénibilité. Le deuxième volet envisage le travail dans sa durée ; il s'agit de construire des parcours professionnels de telle sorte que les salariés puissent échapper à l'usure professionnelle.

Or ces deux leviers – organisation du travail et construction de parcours professionnels – sont activés à des endroits très différents dans les entreprises. Cette remarque vaut encore plus lorsqu'on songe à l'action publique. Pour lutter contre la pénibilité au travail, il faut mobiliser à la fois les acteurs de la santé au travail et ceux de la formation professionnelle, de façon à permettre aux salariés d'entrer dans une logique de mobilité. L'enjeu est ici de décloisonner la politique des ressources humaines et la politique classique de prévention sanitaire – c'était l'un des axes du troisième plan consacré à la santé au travail. Car les gens qui mettent en oeuvre l'une et l'autre ne travaillent pas souvent ensemble dans les entreprises.

Récemment, conjointement avec les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), nous avons ainsi mis en place des équipes mixtes de conseillers et d'ergonomes appartenant à notre réseau. Elles ont construit des outils de sensibilisation : guides pratiques, outils de formation… Nous allons former ensemble les conseillers « implémenteurs » des CARSAT à des approches qui combinent l'organisation du travail et la mobilisation des outils de ressources humaines dans les entreprises.

J'en viens à la deuxième illustration de mon propos. Les schémas classiques d'organisation du travail, envisagés comme des facteurs générateurs de risques, ne permettent sans doute pas d'appréhender tout ce qui est en train de se transformer dans l'industrie et dans les conditions de la performance des organisations.

Nous sommes engagés dans une phase de changement accéléré, marqué par une convergence entre le numérique, les méga-données, ou big data, et les nouvelles technologies de production. Nous n'en mesurons pas encore toutes les conséquences, qu'il s'agisse du management, de la qualité du travail ou de l'environnement de travail. Ces questions sont peu documentées et explorées, même de manière prospective. Pourtant, les classes de risques potentiels n'ont rien à voir avec celles que nous avons l'habitude d'appréhender.

Aussi avons-nous fait travailler ensemble des spécialistes de la performance opérationnelle des entreprises, tels des gens engagés dans le management numérique, ou e-management, avec des ergonomes et spécialistes de la santé au travail pour concevoir des systèmes de travail où le facteur humain est appréhendé comme un facteur de performance et d'efficacité de l'industrie du futur. Cela suppose d'anticiper l'impact sur l'homme des systèmes de travail que l'on conçoit. Il s'agit aussi d'accompagner la réflexion de ceux qui soutiennent les petites et moyennes entreprises (PME) sur le terrain de leur transformation.

Une expérimentation a ainsi été menée dans la région Rhône-Alpes, associant pôles de compétitivité, laboratoires universitaires et écoles d'ingénieurs. Bien sûr, personne ne peut dire de quoi l'avenir sera fait. Mais, si nous ne voyons le travail que sous l'angle des risques, nous risquons de passer à côté d'enjeux fondamentaux. C'est pourquoi nous plaidons en faveur d'une approche plus globale et plus systémique. Car l'homme au travail ne saurait être le bénéficiaire passif de mesures décidées par d'autres ; il doit être au contraire l'acteur d'une transformation négociée, où la délibération collective sur ce qui « fait santé » au travail devient un enjeu organisationnel partagé et porté par le plus haut niveau décisionnel des entreprises.

En tout état de cause, l'expérience montre que, paradoxalement, si on veut faire capoter une démarche, il suffit d'en faire l'affaire exclusive des experts de la prévention. Ce sont alors, en définitive, d'autres acteurs qui auront le dessus. Convainquons, par l'exemple, que la santé au travail et le développement de cette santé sont un gage de l'efficacité des entreprises, comme ils sont un gage d'économie pour la collectivité.

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Je vous remercie de l'éclairage que vous nous apportez sur votre institution et sur les enjeux qui nous occupent. Il est en effet nécessaire de parler du travail et de le penser pour s'efforcer de peut-être le transformer. Nous nous y intéressons plus particulièrement dans l'industrie, en adoptant cette démarche. Car – j'en suis d'accord – l'approche par les risques ne saurait être conçue comme une approche limitative.

Il faut marier plutôt la nécessité de transformer le travail avec la prise en compte des risques concrets et réels auxquels sont confrontés les salariés, avant de s'attaquer à la cause de ces derniers. Comment voulez-vous rendre complémentaires ces deux approches ? Quelles démarches l'ANACT poursuit-elle en ce sens ?

L'organisation de travail conditionne beaucoup de choses et les salariés doivent en être les acteurs, en effet. Que produit par exemple la sous-traitance et quels sont ses effets sur la santé, telle qu'elle est définie par l'OMS ? Que constatez-vous et où vous conduisent les études que vous menez en la matière ? Que proposez-vous ?

Peut-être pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le lien entre l'organisation du travail et les risques ou troubles psycho-sociaux ? Dans l'industrie, objet de notre commission d'enquête, la question du développement des cancers se pose. Quel est votre regard sur les statistiques disponibles, mais aussi sur le processus de reconnaissance de ces maladies, ainsi que sur la manière dont celui-ci influe sur la perception du travail elle-même ?

De quelle manière votre organisme est-il lié aux autres acteurs dans le domaine, qu'il s'agisse de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail (INRS), de la médecine du travail ou de l'inspection du travail ? Comment vos réflexions finissent-elles par avoir un impact large dans le monde du travail et dans la société ?

Enfin, y a-t-il des préconisations méritant d'être portées plus loin qu'aujourd'hui ? Des dispositions législatives vous sembleraient-elles utiles à prendre ?

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Richard Abadie, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

S'agissant des risques psycho-sociaux et des maladies chroniques évolutives, notre réseau a, vis-à-vis des autres acteurs, la volonté qui lui est dictée par le ministère, à savoir celle de faire ressortir la valeur ajoutée comparative de notre action.

Nous intervenons ainsi, à chaque fois, dans une perspective de complémentarité et de subsidiarité. Vu les moyens qui sont les nôtres, il n'est pas utile de nous intéresser à des champs déjà investis par les acteurs de la prévention. Si nous évoquons l'approche par les risques, ce n'est certes pas pour la mettre en cause, mais pour rappeler que l'Inspection du travail et d'autres acteurs la prennent déjà en compte.

Quand l'ANACT a été créée, en 1973, c'était justement pour prendre en compte d'autres aspects, dans une vision plus globale. Elle est vue comme un organisme venant en appui documentaire et méthodologique aux entreprises. C'est sur ce plan-là que notre apport peut être le plus important. À l'occasion du repositionnement du réseau de ces dernières années, notre politique éditoriale a tendu à éviter les ouvrages fondamentaux, également publiés par des universitaires ou par l'INRS, au profit de formats plus directement exploitables par les entreprises, tels que « Dix questions sur un sujet ».

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Dans quelle proportion vous auto-saisissez-vous et dans quelle proportion êtes-vous saisis par une autorité extérieure ?

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Richard Abadie, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

Comme établissement public, l'ANACT est signataire d'un contrat d'objectifs et de performance nous fixant, tous les quatre ans, des orientations. Nous déclinons ensuite ces orientations en un programme d'activité, d'une durée de deux ans, validé par notre conseil d'administration – celui-ci est tripartite puisqu'il rassemble des représentants des organisations professionnelles d'employeurs, des organisations professionnelles de salariés et des représentants de l'État.

Le programme d'activités actuel nous donne quatre priorités : l'accompagnement et la mise en oeuvre du troisième plan consacré à la santé au travail, et notamment de son deuxième axe, consacré à la qualité de vie au travail ; le développement d'actions relatives à l'égalité professionnelle, notamment l'outillage de la négociation en ce domaine ; le développement du dialogue social dans les TPE et PME ; une action dirigée vers la transition numérique et le développement de nouvelles formes de travail, notamment le développement de l'emploi sous statut d'indépendant, par le biais des plateformes.

Nous proposons une déclinaison de ces orientations dans notre programme d'activité, que nous ajustons en fonction des réactions et souhaits des partenaires sociaux et de l'État.

S'agissant des risques psychosociaux, le réseau a plutôt travaillé, pendant plusieurs années, au développement d'outils de méthode. Ce sujet était en effet très peu investi par les consultants existants. La situation a changé et nous nous désinvestissons donc progressivement de ce sujet, pour ne plus l'envisager que sous des formes innovantes, telle la ludopédagogie.

En 2017, nous avons ainsi édité un jeu permettant la prise en compte des risques psychosociaux dans l'élaboration du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP). Développée par l'ANACT et par son réseau, la méthode retenue part d'une « situation-problème ». Sur cette base, elle fait réfléchir les joueurs à l'arrière-fond de cette « situation-problème », en les guidant des effets – irritants, problèmes, accidents du travail – vers leurs causes.

Dans le cadre du troisième plan consacré à la santé au travail (PST 3), nous veillons à ce que des réseaux compétents en ce domaine soient présents sur l'ensemble du territoire. Depuis quelques années, nous nous efforçons aussi d'élargir le sujet en y intégrant la problématique de la qualité de vie au travail, en montrant que, pour l'individu, le sens qu'il donne à son travail est également important, de même que sa capacité à pouvoir s'exprimer sur la qualité du travail qu'il fait, le tout contribuant à la performance globale de l'entreprise en matière de qualité.

Nous travaillons aussi sur l'évaluation de la charge de travail, sujet de plus en plus actuel du fait du développement de formes de travail dans lesquelles la comptabilisation du nombre d'heures effectuées ne permet pas d'embrasser la complexité de la situation ni la totalité de la charge de travail, mentale et cognitive. En revanche, nous ne travaillons pas sur des sujets qui ont déjà pu être traités par d'autres acteurs comme les services de santé au travail, qui sont plus directement en lien au quotidien avec les entreprises.

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Olivier Mériaux, directeur général adjoint et directeur technique et scientifique de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

Les TPE et les PME sont le coeur de cible de l'ANACT, sachant que 50 % des salariés français travaillent dans des entreprises de moins de cinquante salariés. Une TPE ou une PME n'est pas une grande entreprise en miniature. Il y a toute une série de fonctions qui n'existent pas dans les TPE-PME et, de plus, la catégorie est extrêmement hétérogène. Nous devons donc impérativement rester modestes quand nous essayons d'appréhender ces milieux. Notre agence n'a pas une approche réglementaire, au contraire. Le pire, dans notre domaine, serait de conforter les habitudes de formalisme. Nous essayons de favoriser la prise de conscience, par la pédagogie, qu'il y a un lien positif à établir entre les conditions de travail des salariés et la performance durable de l'entreprise. Je parle de performance durable car on peut être performant en dégradant considérablement le capital humain. Nous nous attachons avant tout à développer les capacités d'action des acteurs de l'entreprise sur les questions de conditions de travail. Nous ne faisons pas non plus de constats, de mesures ou d'enquêtes : nous sommes plus centrés sur la production de solutions que sur le constat de la situation, ce qui explique peut-être qu'on ne puisse pas répondre à la totalité de vos questions.

Pour en revenir aux maladies chroniques évolutives, sur lesquelles vous nous avez interrogés, nous travaillons en partenariat avec l'Institut national du cancer (INCa) pour aider les entreprises à détecter les organisations de travail qui compliquent le maintien en emploi des personnes atteintes de cancer. Nous insistons beaucoup sur la situation des femmes et expérimentons avec des entreprises un accompagnement qui permette de faire dialoguer autrement les salariés, leurs représentants et les directions d'entreprise sur les aménagements à apporter pour que ces femmes puissent être maintenues dans l'emploi le plus longtemps possible. On sait en effet que le travail est un facteur important de récupération des capacités physiques et morales.

En ce qui concerne la sous-traitance, nous avons effectivement expérimenté – non pas dans l'industrie mais dans les services – une manière d'associer l'ensemble des parties prenantes et d'intégrer dans les contrats commerciaux qui lient les centres d'appel à certaines grandes entreprises la prise en compte des conditions de travail. Dans le domaine de la sous-traitance, on a besoin de passer par d'autres vecteurs que le droit du travail – le droit commercial, en l'occurrence – pour faire en sorte que les conditions de travail soient prises en compte.

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Quelles solutions préconisez-vous pour éliminer les maladies professionnelles et, plus globalement, pour favoriser la santé en tant que bien-être au travail ?

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Auriez-vous des pistes ou des orientations à nous soumettre en matière de prévention de l'usure des travailleurs de l'industrie ? Comment travaillez-vous concrètement au contact d'acteurs tels que la médecine du travail ?

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Olivier Mériaux, directeur général adjoint et directeur technique et scientifique de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

Le secteur industriel où l'ANACT a le plus d'antériorité est l'agroalimentaire. Nous accompagnons depuis 2009 les acteurs de la branche professionnelle et de la filière dans le cadre d'un contrat de filière comprenant un chapitre sur la qualité de vie au travail comme facteur de performance. Nous sommes amenés dans ce cadre à mener des actions de sensibilisation et d'accompagnement des entreprises. Nous développons notamment des outils et des démarches de simulation de la conception des systèmes et des organisations de travail. Ces dispositifs de simulation associent ceux qui ont le plus de connaissances sur les travailleurs au sens générique. Nous formalisons des méthodologies de conduite de projet permettant d'associer dès la conception ceux qui vont travailler au design organisationnel des systèmes, des machines et des environnements de travail. Ce faisant, nous tirons profit de leurs connaissances et de leur capacité à anticiper les maladies professionnelles que l'écart entre travail prescrit et travail réel est susceptible d'engendrer. Encore une fois, notre cible est constituée de TPE-PME et non pas de grandes entreprises qui peuvent se débrouiller toutes seules. Nous développons des outils de simulation permettant de mettre les acteurs autour de la table et de les faire concevoir ensemble leur futur atelier, en prenant appui sur la connaissance que peuvent mobiliser les opérateurs.

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Vous avez évoqué tout à l'heure l'idée que vos méthodes deviennent un bien public…

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Richard Abadie, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

Oui, c'est l'objectif, même si, sur ces sujets, nous avons rarement des solutions clés en main. Notre objectif est plutôt de rendre autonomes les acteurs pour qu'ils trouvent des marges de manoeuvre au plus près du terrain et qu'ils arrivent à concilier des intérêts qui peuvent paraître contradictoires. Concrètement, nous proposons notamment un kit de mise en place d'un espace de discussion permettant d'organiser un débat dans l'entreprise sur le travail réel et de trouver des voies d'amélioration. Dans ce kit, on trouve notamment la méthode du diagnostic photo qui permet de dépersonnaliser les problèmes et de les objectiver. La photo permet en effet à l'individu de prendre un peu de distance par rapport à ce qu'il souhaite dire. La démarche d'animation qui entoure cette méthode paraît plutôt efficace, si l'on en croit les commentaires que nous recevons, pour parler différemment dans l'entreprise de sujets dont on a bien souvent déjà parlé mais sur lesquels on n'arrive pas à avancer. Nous ne ferons pas de kit clés en main sur la manière de supprimer demain le risque chimique dans l'entreprise. S'agissant des troubles musculo-squelettiques (TMS), nous avons travaillé avec un réseau de mutuelles sur le contenu d'outils qu'ils souhaitaient diffuser en la matière. Le même type de guide existe sur les risques psychosociaux.

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Vous nous avez indiqué qu'il fallait aller au-delà de la prévention primaire et intégrer la logique de prévention des risques et de santé au travail dans l'organisation du travail et la stratégie même des entreprises. Je partage entièrement votre point de vue. Les entreprises industrielles prennent-elles ces enjeux en compte dans leur stratégie ? Y a-t-il des secteurs plus avancés que d'autres en la matière ? Quel chemin reste-t-il à parcourir ? Quels leviers peut-on actionner pour inciter les entreprises à adopter cette approche de performance humaine dans leur stratégie ?

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Olivier Mériaux, directeur général adjoint et directeur technique et scientifique de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

Le levier le moins exploité est celui de la formation des managers. C'est pourquoi, dans son premier contrat d'objectifs, l'ANACT avait développé un programme, intitulé « Faire école », qui s'est traduit par plus de 150 auditions d'écoles d'ingénieurs, de managers et d'entreprises. Ces auditions ont malheureusement confirmé ce que l'on sait : il y a une excellence française dans les écoles d'ingénieurs et de managers mais on y apprend à tout gérer, sauf l'humain au travail. D'ailleurs, la part de ces enseignements dans ces écoles décline de façon continue. Toutes les enquêtes européennes sur la qualité managériale, qui analysent la capacité des systèmes de management à promouvoir et à soutenir un environnement de travail permettant au salarié de travailler dans de bonnes conditions, placent schématiquement la France entre la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo. Je le dis sur le ton de la boutade, mais cela reflète une culture managériale dont on ne peut pas dire qu'elle soit excessivement fondée sur la confiance a priori ni sur l'exercice de l'autonomie. La prévention « plus que primaire » passe donc par l'intégration de ces préoccupations dans la conception même des systèmes d'organisation du travail. Il faut s'intéresser au travail tel qu'il va être effectué et à la conception de cadres et de systèmes managériaux qui soutiennent cette dynamique. On n'est pas très bon dans ce domaine en France. C'est pourquoi l'accent est mis, tant dans notre contrat d'objectifs que dans le plan Santé au travail, non seulement sur la sensibilisation des managers aux problématiques de santé et de sécurité au travail mais aussi, au-delà, sur la manière d'orienter les pratiques managériales vers l'exercice de l'autonomie et la prise d'initiative – toutes choses qui, par ailleurs, entrent en résonance avec les aspirations des plus jeunes générations sur le marché du travail. Si les entreprises ne répondent pas à ces aspirations, elles ne seront plus attractives.

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On a beaucoup parlé de risques professionnels, de parcours professionnels, de sécurité et de santé. Vous intéressez-vous également aux problèmes de déplacements domicile-travail, de durée du travail et d'horaires ?

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Olivier Mériaux, directeur général adjoint et directeur technique et scientifique de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

Nous prenons forcément en compte ces problèmes. Fort heureusement, nous ne découpons pas la vie des individus en tranches, encore que ce soit une spécialité des politiques publiques. Nous essayons d'avoir une perception globale et sommes typiquement amenés à travailler avec les entreprises pour expérimenter des modes d'organisation du temps de travail qui prennent en compte la question du travail à distance et du travail effectué en dehors du lieu de travail. Les ordonnances sur le droit du travail ont d'ailleurs créé un cadre plus favorable à l'exercice du télétravail, mais en France, on adore le management visuel. Va donc se poser la question de la capacité des organisations et des managers à trouver les cadres de confiance pour gérer les situations de travail à distance.

Sur d'autres sujets, tels que l'usure professionnelle, il faut adopter une approche longitudinale. Si l'on s'attaque à la question du vieillissement au travail en ne ciblant que les travailleurs âgés, on aura déjà perdu la bataille. En réalité, c'est tout au long de la vie professionnelle qu'il faut avoir cette préoccupation. Si l'on veut construire des parcours qui n'engendrent pas systématiquement de l'usure et des risques, il faut avoir une gestion active de ces parcours, non seulement au regard de l'usage des compétences mais aussi au regard des situations de travail rencontrées. Or, on ne sait pas le faire aujourd'hui parce qu'on ne sait même pas documenter dans le temps les situations de travail rencontrées par les individus. On ne sait le faire que sous l'angle de l'exposition à quelques facteurs de risques précis, mais cela reste limité. C'est pourquoi nous développons des outils permettant aux entreprises de mieux analyser leurs données sociales, y compris de manière longitudinale, pour mieux comprendre les populations au travail, comprendre dans quels environnements elles ont été amenées à travailler tout au long de leur vie professionnelle et construire des parcours de travail, tout autant que des parcours d'emploi. Évidemment, il peut paraître injuste que l'employeur paie les pots cassés à l'instant t quand ses salariés ont eu des parcours professionnels fragmentés dont il n'est pas responsable.

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Je ne serai guère objectif concernant l'ANACT, y ayant travaillé en 2003 sur la question de la qualité de vie au travail et siégeant encore à son conseil d'administration. L'une des spécificités de l'Agence est d'être un réseau à la fois national et régional. Les agences régionales étant au plus près du terrain, elles peuvent capitaliser et transmettre au niveau national les travaux qu'elles mènent. La capacité d'expertise de l'ANACT est excellente car on y trouve des sociologues, des ergonomes et des chercheurs en pointe sur beaucoup des sujets dont nous discutons aujourd'hui. Ainsi, l'ANACT a travaillé sur la mise en place des trente-cinq heures mais elle a très vite abordé les questions de troubles musculo-squelettiques, d'égalité professionnelle et de qualité de vie au travail.

Votre agence présente la spécificité d'avoir un conseil d'administration tripartite, composé de représentants des employeurs, des salariés et de l'État : comme ce modèle n'est plus très à la mode, pourriez-vous nous dire en quoi il est efficace ? Considérez-vous avoir des moyens suffisants pour mener à bien vos missions ? Il a souvent été question de rapprocher certaines structures : pensez-vous que l'ANACT et son réseau régional aient vocation à se fondre dans un ensemble plus vaste ? Longtemps, c'étaient les très grandes entreprises qui faisaient appel à vous. Vous avez évoqué la question, aujourd'hui centrale, des TPE-PME. Dans quels secteurs d'activité avez-vous le plus de demandes et sur quels sujets ?

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Olivier Mériaux, directeur général adjoint et directeur technique et scientifique de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

Si vous connaissez un organisme qui se satisfait de son budget, surtout en période de réduction budgétaire, dites-le moi… (Sourires.)

Pendant très longtemps, l'ANACT était beaucoup plus en prise avec la demande qui lui était adressée. C'est toujours le cas aujourd'hui mais nous essayons d'être davantage dans la construction d'actions en partenariat plutôt que simplement le réceptacle d'une demande, car le propre de celle-ci est d'être myope sur ses problèmes. Nous recevons beaucoup de demandes concernant les risques psychosociaux et le burn-out mais nous répondons aux demandeurs que nous n'avons pas vocation à intervenir pour résoudre ces problèmes dès lors que des opérateurs du champ concurrentiel proposent une offre de qualité. Notre travail est de faire de la recherche-développement, d'expérimenter l'innovation et, ensuite, de la diffuser. Nous avons en ce moment beaucoup de demandes en provenance du secteur public, en particulier du secteur hospitalier. Nous avons l'habitude de dire aux entreprises que la manière dont elles conduisent leurs transformations détermine à plus long terme les conditions de travail en leur sein. Or, la manière dont les transformations s'opèrent dans le secteur public ne permet pas toujours de concilier à long terme la qualité du service rendu et la préservation de la santé des agents. Nous essayons de développer d'autres manières de procéder à ces transformations, notamment dans le secteur hospitalier.

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Richard Abadie, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

Le paritarisme est pour nous capital, en particulier au niveau national, car la gouvernance au quotidien d'un réseau comme celui de l'ANACT et des ARACT est un défi. Il nous faut rester dans une voie étroite, en évitant, d'une part, d'avoir une approche trop restrictive et, d'autre part, de disperser nos forces au point que notre action ne soit plus lisible et que nous ne soyons plus en lien avec notre spécialité – l'amélioration des conditions de travail. Avoir une gouvernance tripartite est donc un atout. Nos administrateurs veillent en effet à nous demander systématiquement de justifier pourquoi nous traitons d'un sujet, s'il est bien en lien avec l'amélioration des conditions de travail, si d'autres acteurs ne le traitent pas déjà ou ne sont pas susceptibles de le faire et quelle plus-value nous pourrons apporter.

La réponse pourrait être légèrement différente s'agissant du niveau régional car à la différence de ce qu'était l'état du dialogue social au niveau territorial lorsque les ARACT ont été créées, depuis se sont structurés les comités régionaux de prévention des risques professionnels, lieux dans lesquels les partenaires sociaux peuvent débattre des orientations et du rôle des uns et des autres en matière de prévention des risques professionnels.

Il est difficile d'évoquer la question de nos moyens sans les relier à nos objectifs. Si nous souhaitons toucher les TPE, leur nombre et leur dispersion demandent plus de moyens. Ainsi, il nous faut des moyens si nous voulons pouvoir accompagner, dans le cadre de clusters à l'échelon territorial, la transformation des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en comités sociaux et économiques (CSE). L'objectif de cette transformation est de faire en sorte que la définition des conditions de travail soit établie au niveau stratégique, tout en maintenant des compétences spécifiques en matière de prévention des risques professionnels et en conservant le souci de la proximité.

Autre exemple : nous développons actuellement un transformateur numérique. L'idée est de travailler avec des développeurs de produits numériques innovants susceptibles d'être utiles en matière de prévention des risques professionnels. Nous souhaitons aider ces développeurs à prendre en compte le plus en amont possible l'impératif de la promotion de la santé au travail. Là encore, si on voulait démultiplier ce type d'actions, ce serait une question de moyens. Ayant lancé un appel à projest visant au développement d'outils numériques pour promouvoir l'égalité professionnelle, nous ne pouvons accompagner que quatre ou cinq lauréats. Si nous pouvions en accompagner quinze, ce ne serait que mieux car c'est un thème sur lequel les moyens, s'ils sont affectés à des projets bien déterminés, peuvent être renégociés chaque année sans être forcément pérennes.

Enfin, en ce qui concerne une éventuelle rationalisation du système de prévention des risques professionnels, nous défendons l'idée qu'il y a un lien indissociable entre l'ANACT et son réseau. L'ANACT n'aura la capacité d'expérimenter et d'agir sur le territoire que si elle peut s'appuyer sur les ARACT. De même, les ARACT seules, si elles n'étaient pas épaulées et coordonnées par une instance nationale, ne pourraient pas agir de manière efficace. Dans une structure plus globale, construite sur d'autres perspectives, l'ANACT et son réseau risqueraient peut-être de se diluer par rapport à des organismes ayant des experts plus techniques et juridiques. Nous travaillons déjà avec ces organismes sans forcément partager un plan d'action commun.

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Je vous remercie de la prudence de vos réponses relatives au financement, qui auraient éventuellement pu être interprétées comme une critique de la majorité précédente. La mise en place du CSE traduit une volonté d'intégration globale au sein de l'entreprise ; il faut donc attendre avant de tirer des conclusions de la réforme.

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Vous nous avez dit tout à l'heure que vous étiez tenus par des objectifs de performance et de résultats. Quels sont les critères qui ont été retenus pour fixer ces objectifs ? Sur quoi vous fondez-vous pour atteindre ces objectifs ?

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L'ANACT est intervenue à l'automne dernier dans une entreprise de plasturgie et y a constaté une surexposition des femmes aux maladies professionnelles. Pourriez-vous nous décliner les facteurs de cette surexposition dans le domaine de l'industrie ? Que préconisez-vous, tant en matière de prévention que de correction ?

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Richard Abadie, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

Il y a dans le contrat d'objectifs et de performance (COP) actuel des indicateurs d'activité du réseau sur plusieurs actions prioritaires. C'est donc un chantier du prochain COP que nous sommes en train de formaliser que de déterminer les critères pertinents d'évaluation. Ces critères sont assez difficiles à définir pour un organisme comme le nôtre qui n'a pas vocation à toucher directement les entreprises. Comme nous faisons essentiellement des expérimentations, le taux de satisfaction des entreprises dans lesquelles nous intervenons nous importe mais, à lui seul, serait un peu réducteur : expérimenter conduit aussi parfois à faire des erreurs et à réajuster les choses par la suite. Ce qui importe, c'est la qualité des enseignements que nous tirons de ces expérimentations. Nous travaillons donc avec des indicateurs qualitatifs, ciblés sur l'usage des outils que nous développons. Nous avons notamment travaillé avec l'Agence du patrimoine immatériel de l'État (APIE) pour déterminer quel était le patrimoine immatériel que créait notre agence avec ses outils et méthodes et comment nous assurer de sa bonne utilisation. Ce n'est qu'un exemple.

L'égalité professionnelle est un sujet qui nous tient à coeur, notamment en matière d'analyse de la sinistralité. Si nous ne faisons pas de travaux sur la sinistralité en termes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, nous faisons en revanche chaque année un point sur l'approche de ces statistiques par sexe. Cela nous a permis de mettre en évidence des différences et de montrer que la mixité des emplois reste encore très insuffisante, que même quand il y a mixité des emplois, les activités correspondant à un même emploi ne sont pas les mêmes selon qu'elles sont exercées par un homme ou une femme et, plus généralement, qu'il y a un phénomène de sous-évaluation des contraintes physiques et des risques dans les emplois traditionnellement féminins, tels que les services, les soins ou le commerce. On note également des différences d'exposition qui peuvent être liées à la morphologie et à la taille des individus, dans des entreprises où tout a été pensé pour des salariés de sexe masculin. Ce sont des choses qui peuvent arriver si l'on ouvre des emplois à la main-d'oeuvre féminine sans adapter les postes de travail.

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Olivier Mériaux, directeur général adjoint et directeur technique et scientifique de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

Je ne connais pas le cas précis qu'a mentionné Mme Corneloup, mais il y a à coup sûr un manque de prise en compte des conditions de travail spécifiques des femmes, un manque de prise de conscience de l'absence de mixité sur les postes de travail et un effet « Mercator » : dans les entreprises, les salariés sont tous censés peser le même poids et avoir la même taille, en particulier quand sont conçus les espaces de travail, ce qui n'est pas le cas dans la réalité. Même si l'on est attaché à l'égalité professionnelle, les caractéristiques physiques diffèrent nettement entre les sexes. Je citerai le cas d'une entreprise de distribution de courrier dont les vélos avaient été conçus exclusivement pour les hommes alors que la main-d'oeuvre y était à 40 % ou à 50 % féminine.

Enfin, si nous avions plus de moyens budgétaires, nous pourrions peut-être les consacrer à une meilleure évaluation de la portée de nos actions. Cette évaluation est extrêmement coûteuse dans la mesure où nous n'avons pas vocation à toucher toutes les entreprises de France et de Navarre mais des segments de cible très spécifiques. Plus on s'adresse à des acteurs spécifiques, plus il est coûteux de savoir si l'on touche bien la cible et si l'on répond bien à ses attentes. Souvent, on met plutôt l'accent sur les moyens de production opérationnelle que sur l'évaluation des effets de nos actions. C'est regrettable, mais cela fait partie des axes de progrès de notre contrat d'objectifs. Cela étant, comme nous avons beaucoup mis l'accent sur le développement des outils digitaux, nous sommes en mesure de trouver des solutions grâce aux canaux de diffusion numérique qui nous permettent d'avoir des retours de cible de manière moins coûteuse qu'auparavant.

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Je vous remercie de votre présence et de vos réponses.

L'audition s'achève à quinze heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 14 heures

Présents. – Mme Delphine Bagarry, M. Julien Borowczyk, Mme Josiane Corneloup, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Josso, M. Régis Juanico, Mme Charlotte Lecocq, Mme Annaïg Le Meur, M. Frédéric Reiss, M. Stéphane Trompille, M. Stéphane Viry

Excusés. – M. Belkhir Belhaddad, Mme Anne Blanc, M. Bertrand Bouyx, M. Alain Ramadier, Mme Stéphanie Rist, Mme Hélène Vainqueur-Christophe