Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mardi 10 avril 2018

La séance est ouverte à seize heures vingt.

(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la Commission)

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La commission des affaires sociales procède à l'audition de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre ordre du jour appelle l'audition de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous être rendue disponible pour cette réunion. La semaine dernière, j'ai été auditionnée par le groupe de travail « Procédure législative » de notre Assemblée et j'ai rappelé l'importance de travailler en amont du dépôt des projets de loi : de ce point de vue, la démarche que nous avons entreprise sur le projet pour la liberté de choisir son avenir professionnel est exemplaire : notre commission a constitué un groupe de travail associant l'ensemble des groupes politiques – il a travaillé pendant près de trois mois ; nos deux rapporteurs, Catherine Fabre et Aurélien Taché, ont été désignés par anticipation ; les délais d'examen qui nous sont annoncés sont tout à fait satisfaisants et tranchent avec certains projets examinés par le passé.

Jeudi dernier, devant le groupe de travail de la Présidence, j'ai rappelé l'inutilité d'une telle anticipation si nous ne disposions pas d'un texte – même s'il ne s'agit que d'un document provisoire – pour travailler. L'avant-projet de loi a été diffusé le lendemain.

Votre audition s'inscrit dans ce processus : vous pourrez nous présenter les grandes lignes de la réforme. Je ne doute pas que nos collègues, à commencer par les rapporteurs, auront de nombreuses questions à vous poser. Pour autant, le projet n'étant pas déposé, cette audition ne vise pas à le présenter dans les détails ; ces premières informations ne se substituent pas à votre audition et à la discussion générale qui auront lieu mi-mai.

La présente audition est totalement ouverte et les questions peuvent concerner l'ensemble du champ de compétences de la ministre.

Permalien
Muriel Pénicaud, ministre du travail

Madame la présidente, chère Brigitte Bourguignon, je vous remercie pour cette invitation. J'ai la chance de bien connaître la commission des affaires sociales car j'y ai déjà défendu un projet de loi. J'ai pu apprécier la qualité de nos travaux et de nos débats. Je suis ravie de pouvoir vous présenter et discuter avec vous des grandes lignes de l'avant-projet de loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel.

Le projet de loi ne sera présenté au conseil des ministres que fin avril. Il a fait l'objet de concertations avec les partenaires sociaux, les régions et le groupe de travail de votre commission. Il s'agit d'un engagement du Président de la République, mais également d'une réforme attendue par nos concitoyens qui aspirent à davantage de liberté, mais aussi à plus de protections. En réalité, ce projet renoue avec la promesse républicaine d'émancipation sociale, à travers la formation, l'apprentissage, mais également grâce à certaines dispositions relatives à l'assurance chômage, à l'accès à l'emploi des travailleurs handicapés, à l'égalité entre les femmes et les hommes. Il déclinera nos valeurs fondamentales de liberté, d'égalité et de fraternité.

Pourquoi est-ce important ? À l'heure actuelle, nombreux sont nos concitoyens qui ne perçoivent pas que le développement de leurs compétences et leur travail peuvent être un véritable ascenseur social et qu'ils ont la liberté de choisir leur avenir professionnel. Comment pouvons-nous tolérer qu'un 1,3 million de jeunes ne soient ni à l'école, ni à l'université, ni en apprentissage, ni employés ? Plus d'un million de jeunes ne se projettent pas dans l'avenir ! C'est un drame pour eux, une angoisse pour leurs parents, mais aussi une perte pour l'économie et un risque majeur pour la cohésion sociale.

Comment tolérer qu'à diplôme, âge et parcours équivalents, même avec une formation de niveau baccalauréat ou supérieur, un habitant des quartiers prioritaires de la politique de la ville ait trois fois plus de mal à accéder à l'emploi que la moyenne des Français ?

Comment expliquer que seuls 6 % des ouvriers et 12 % des employés déclarent avoir choisi leur formation, alors que 75 % des Français sont conscients de l'enjeu stratégique de la formation professionnelle ?

Comment ne pas être choqué qu'un ouvrier ou un employé ait deux fois moins accès à la formation qu'un cadre, alors qu'il en a autant besoin ? De même, un salarié d'une petite ou moyenne entreprise (PME) a deux fois moins accès à la formation que celui d'une grande entreprise.

Comment accepter que le taux de chômage des personnes handicapées soit deux fois supérieur à celui du reste de la population et que 500 000 travailleurs handicapés soient au chômage ?

Enfin, comment accepter qu'à travail égal, les femmes et les hommes n'aient pas un salaire égal – l'écart est de 9 % à travail égal et de 25 % pour l'ensemble de la carrière ?

Tous ces sujets sont à l'ordre du jour du projet de loi que j'aurai l'honneur de vous présenter. Nous ne pouvons pas nous satisfaire du système actuel, car il ne parvient ni à endiguer le chômage de masse, ni à protéger les plus vulnérables contre le manque ou l'obsolescence des compétences, ni à permettre le développement de nos TPE-PME – faute de trouver les compétences dont elles ont besoin sur le marché du travail.

Le moment est propice : nous assistons à une reprise de la croissance ; pour qu'elle se transforme en emplois et qu'elle soit inclusive, les compétences sont stratégiques. L'année dernière, la France a créé 268 000 emplois nets, mais de très nombreuses entreprises témoignent de leurs difficultés à recruter certains profils. Cela a toujours été le cas dans quelques secteurs, mais tous les secteurs et toutes les tailles d'entreprises sont désormais concernés. L'enquête sur les besoins en main-d'oeuvre (BMO) publiée par Pôle emploi ce matin montre une augmentation de 18 % de l'impossibilité de recruter pour des raisons liées aux compétences, alors que les entreprises veulent recruter dans la construction, dans l'industrie et dans de nombreux secteurs où l'économie repart. Il devient stratégique pour les entreprises de trouver ces compétences, mais également fondamental que chaque demandeur d'emploi, chaque jeune, chaque salarié puissent bénéficier des fruits de cette croissance. Ces derniers doivent pouvoir monter dans le train qui passe !

En conséquence, notre devoir est non seulement de conforter le retour de la croissance en libérant les initiatives, mais de faire en sorte que cette croissance soit inclusive.

La politique de lutte contre le chômage de masse que mène le Gouvernement comporte trois principaux volets : le premier est issu de la loi du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances des mesures pour le renforcement du dialogue social. Les ordonnances ont permis de libérer les initiatives et l'énergie. La confiance des entreprises est de retour – elles sont prêtes à embaucher – et les marchés rebondissent.

Le deuxième est notre stratégie de renforcement des compétences : elle sera au coeur du projet de loi et constitue la raison d'être du plan d'investissement compétences qui vise à former un million de jeunes et un million de demandeurs d'emploi.

La politique d'inclusion constitue le troisième volet : certains de nos concitoyens et certains demandeurs d'emploi sont trop éloignés du travail pour accéder directement au marché du travail, même lorsqu'ils ont une formation technique. Nous devons développer une stratégie inclusive pour leur remettre un pied à l'étrier, afin qu'ils regardent l'avenir avec confiance. La compétence est la meilleure protection contre le chômage, c'est ma conviction profonde. Le taux de chômage varie du simple au double entre une personne qualifiée et une personne qui ne l'est pas. L'absence de qualification ou de compétence est donc le premier marqueur du chômage.

Le projet de loi sera l'occasion d'engager des transformations profondes en la matière. Mon audition intervient à un moment charnière, après la ratification des ordonnances pour le renforcement du dialogue social – le Conseil constitutionnel les a définitivement validées il y a une dizaine de jours. Nous faisons le pari de la confiance et de la convergence entre performance économique et progrès social. En sillonnant la France ces derniers mois, j'ai constaté les effets matériels et psychologiques des ordonnances, mais cette agilité supplémentaire – qui donne envie aux chefs d'entreprise d'embaucher – et le contexte économique – les carnets de commandes se remplissent – doivent se concrétiser en projets de recrutement.

Quelles sont les compétences dont nous avons besoin ? Les métiers se sont considérablement transformés, pour certains en moins de cinq ans ! Différentes études – dont celle du Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) – soulignent que 50 % des emplois vont être profondément transformés au cours des dix prochaines années. Cela commence déjà, nous le constatons tous les jours : tous les secteurs d'activité et toutes les entreprises sont touchés par la transformation numérique et la transition écologique. Le sujet ne concerne pas uniquement les grandes entreprises ou l'industrie numérique : demain, un artisan ou un commerçant n'aura plus le même rapport à ses clients et à ses fournisseurs qu'aujourd'hui, grâce par exemple au e-commerce ou à la fabrication en 3D à proximité de son entreprise.

Le rapport de Cédric Villani met clairement en lumière les enjeux de l'intelligence artificielle : ce n'est plus une abstraction lointaine pour les entreprises et les salariés, mais un bouleversement profond du travail qu'il est essentiel d'anticiper et d'accompagner.

Le rapport au Gouvernement de François Taddei, « Vers une société apprenante », va dans la même direction : si 50 % des emplois se transforment tous les dix ans, nous devons revoir nos dispositifs de formation, pour que chacun y ait accès en permanence, dans l'entreprise, autour de l'entreprise, mais également en apprentissage ou dans le cadre de son éducation.

Il n'y a pas de fatalité. Il y a quelques jours, avec mon collègue Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État chargé du numérique, nous avons lancé dans les Hauts-de-France le volet numérique du plan national d'investissement dans les compétences : nous ouvrons 10 000 formations numériques – de forgeurs numériques, rédacteurs web, codeurs, climaticiens, domoticiens – dont beaucoup sont accessibles à partir du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou du baccalauréat professionnel. Il n'y a pas que des ingénieurs dans l'industrie numérique ! C'est un nouveau domaine de compétence, qui ne raisonne pas en termes d'années d'expérience ou de diplômes. Il est ouvert à tous les niveaux de qualification. Les méthodes de ce secteur pourraient d'ailleurs « diffuser » vers d'autres métiers et d'autres secteurs : les bouleversements actuels sont une chance pour construire les compétences de demain, dans une optique beaucoup plus ouverte que celle du passé.

Il faut éviter que ces changements importants soient synonymes de rupture, de relégation ou de déqualification pour nos concitoyens. Au contraire, nous devons investir massivement dans un système rénové de formation et d'apprentissage. Le développement de passerelles et l'accès facilité à la formation doivent permettre au plus grand nombre de rebondir. Je le répète, les compétences sont l'atout majeur du XXIe siècle : elles donneront au salarié la liberté de choisir son avenir et lui fourniront la meilleure des protections.

C'est le sens de mon action à la tête du ministère du travail et l'objectif du plan précité, d'investissement dans les compétences. Il est doté de 15 milliards d'euros sur cinq ans, incluant la garantie jeunes. Il s'agira de former et d'accompagner un million de demandeurs d'emploi peu qualifiés et un million de jeunes décrocheurs, en collaboration avec les régions. Plus d'une dizaine de régions ont accepté de co-investir. Un volet innovant permettra aux personnes les plus éloignées de la qualification d'y accéder grâce aux établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), aux écoles de la deuxième chance et à travers l'insertion par l'économique. Ces personnes ne disposeront pas uniquement d'une qualification au sens technique du terme, mais seront également formées aux savoirs être et aux savoirs transversaux, qui sont souvent un des principaux obstacles à l'embauche. Cette remédiation est nécessaire : il n'est pas facile de connaître les codes sociaux quand on a trente ans et que l'on n'a jamais travaillé, ou lorsque l'on a quitté le monde du travail il y a deux ou trois ans.

Nous devons valoriser les compétences au coeur de nos quartiers et lutter contre l'assignation à résidence, qui est intolérable. Les emplois francs, lancés le 1er avril, mobiliseront particulièrement les services de l'État. De même, les parcours emploi compétences se substituent aux contrats aidés, tout en développant la formation et l'accompagnement des personnes concernées. Ce dispositif reprend les préconisations du rapport « Donnons-nous les moyens de l'inclusion » que m'a remis Jean-Marc Borello, président du groupe SOS – vous l'avez auditionné. Nous continuerons à nous appuyer sur les conclusions de ce rapport car le triptyque emploi-formation-accompagnement est efficace.

Ces nouveaux dispositifs programmatiques sont au coeur de notre projet de loi. Les dispositifs actuels de formation ont été conçus dans les années soixante-dix et quatre-vingt : ils ont alors permis à la France de faire des progrès, voire d'être en avance – c'est à cette époque qu'est née l'idée de formation continue tout au long de la vie. Aujourd'hui, nous sommes en retard, en termes tant d'investissements que d'accessibilité réelle de la formation : 77 % des Français jugent que le système de formation professionnelle n'est pas efficace. Les auditions de votre groupe de travail vous ont sans doute permis de faire le même constat…

Comme pour les ordonnances, nous sommes partis du terrain et des acteurs pour reconstruire un système viable. Nous n'avons donc pas abordé l'apprentissage, la formation ou l'assurance chômage en partant des institutions, mais des besoins, des attentes des jeunes, des demandeurs d'emploi, des salariés et des entreprises, car tous ces dispositifs sont à leur service. Nous souhaitons permettre à tous les actifs de mobiliser facilement de nouveaux droits concrets, adaptés à notre temps afin que, demain, ils choisissent au lieu de subir leur avenir professionnel.

Le premier volet du projet de loi est consacré à une profonde rénovation de la formation professionnelle : les salariés et les demandeurs d'emploi disposeront de droits plus importants mais, surtout plus facilement mobilisables. Nous nous appuyons pleinement sur l'accord interprofessionnel signé il y a quelques semaines. L'utilisation du compte personnel de formation (CPF) sera élargie et simplifiée. Nous ne créons pas de nouveau dispositif puisque ce compte existe. C'était une innovation intéressante mais, dans les faits, il était complexe à utiliser et peu accessible aux salariés, hormis pour les demandeurs d'emploi.

Il s'agit de favoriser l'autonomie des salariés et d'aider les plus fragiles à construire leur parcours professionnel. Les droits liés au CPF seront désormais calculés en euros et non plus en heures, afin de rééquilibrer le dispositif en faveur des moins diplômés : en effet, une heure de formation marketing à HEC est beaucoup plus coûteuse qu'une heure de spécialisation climatique pour un ouvrier du bâtiment…

Les droits pourront par ailleurs être directement exercés par le salarié. Actuellement, seuls 6 % des ouvriers, 12 % des employés et 28 % des cadres choisissent eux-mêmes leur formation. Bien sûr, l'entreprise continuera à assurer sa part de responsabilité, en concevant un plan de formation lié à ses métiers. Mais beaucoup de nos concitoyens veulent améliorer leurs qualifications, obtenir une certification, évoluer dans leur métier ou en changer. Ces nouveaux droits, en euros, leur permettront de comparer, de décider, de s'inscrire et de payer. Le compte pourra être crédité jusqu'à 5 000 euros pour l'ensemble des actifs. Il sera porté à 800 euros par an, avec un plafond de 8 000 euros pour les moins qualifiés – ceux qui n'ont pas de diplôme.

Les femmes représentent 80 % des salariés à temps partiel. Il s'agit d'une véritable trappe vers les emplois les moins qualifiés et les moins payés. Les difficultés d'accès à la formation empêchent souvent ces femmes de progresser dans leur vie professionnelle. Nous proposons donc que les droits à formation accordés une personne à mi-temps ou plus soient égaux à ceux des salariés à temps plein.

Une application numérique permettra à chacun de connaître les taux d'insertion et les taux de réussite à la certification ou au diplôme de chaque formation. Ainsi, la formation deviendra un véritable droit. Vous me direz que certains ne savent pas – ou ne sont pas outillés – pour choisir eux-mêmes. Bien entendu, c'est la raison pour laquelle nous avons pleinement suivi la recommandation des partenaires sociaux et proposons de développer le conseil en évolution professionnelle. Il existe déjà mais reste confidentiel. Demain, nous souhaitons qu'il soit disponible et financé à grande échelle, afin de mieux accompagner nos concitoyens dans leurs choix individuels. Qu'est-ce que cela veut concrètement dire ? Une assistante administrative qui rêve de devenir fleuriste, qui a travaillé dix ans et a cumulé 5 000 euros sur son CPF pourra prendre rendez-vous avec un conseiller en évolution professionnelle. Ce dernier lui présentera les CAP disponibles prêts de chez elle. Une fois sa formation terminée, elle pourra alors démarrer sa nouvelle aventure professionnelle.

Depuis que nous avons commencé à évoquer ces nouveaux droits, je reçois de très nombreux témoignages de personnes disposant de qualifications modestes, qui me font part de leur satisfaction car, demain, elles pourront décider de leur formation.

Nous sommes également soucieux de la qualité de ces formations. Les organismes de formation devront obligatoirement être certifiés pour prétendre à un financement public ou mutualisé. Pour simplifier la vie des entreprises, la mission de collecte des fonds de formation des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) sera transférée aux Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf). Les OPCA deviendront des opérateurs de compétences, chargés de missions de conseil et d'ingénierie. Ils contribueront au développement de l'alternance, soutiendront les branches pour la co-construction des diplômes et pour la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Enfin, ils aideront les TPE (très petites entreprises) et PME à construire leurs plans de formation.

Par ailleurs, les règles seront simplifiées pour toutes les entreprises et les fonds mensualisés pour les TPE-PME.

L'apprentissage va connaître une révolution copernicienne. Nous devons relever un défi majeur : développer massivement l'offre de formation en apprentissage dans l'ensemble du territoire. Seuls 400 000 jeunes ont la chance d'accéder à l'apprentissage, alors que sept apprentis sur dix ont un emploi six mois après la fin de leur apprentissage. C'est une voie de réussite et de passion qui permet de se former, du CAP au diplôme d'ingénieur – beaucoup de parents ou de jeunes l'ignorent encore.

Nous devons également arrêter d'opposer apprentissage et lycées professionnels : 1,3 million de jeunes ne se projettent pas dans l'avenir, 700 000 jeunes étudient en lycée professionnel, 400 000 sont apprentis. Nous devons développer tous les types de formation et créer des passerelles. Il faut faciliter le passage du statut scolaire à l'apprentissage au statut d'étudiant, et inversement. Nous avons besoin de campus communs, où les formations puissent se développer sous toutes les formes.

Avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, et Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, nous portons cette vision intégrée et souhaitons lever tous les freins. Désormais, les entreprises et les organismes de formation pourront créer des centres de formation des apprentis (CFA) sans contraintes administratives. Nous sommes un des rares pays en Europe où persistent des barrières administratives à la création de CFA. Les centres devront être certifiés – garantie de leur qualité – mais pourront enfin se développer sans avoir à subir un parcours du combattant bureaucratique.

Un second frein sera levé : le financement sera désormais garanti au contrat. Ce point n'est pas que technique, il est fondamental : si une entreprise et un jeune décident de signer un contrat l'apprentissage, le financement sera garanti par la loi, la péréquation et la mutualisation étant organisées au plan national. Bien sûr, les financements seront distribués régionalement par les opérateurs de compétences. Grâce à cette nouvelle organisation, toutes les branches, tous les secteurs, toutes les régions où l'apprentissage va se développer bénéficieront de cette péréquation. En outre, les jeunes et les entreprises ne seront plus freinés dans leurs projets. Parallèlement, tout l'argent de l'apprentissage ira à l'apprentissage – ce n'est pas le cas aujourd'hui, sans même parler de la fraction hors quota.

Troisièmement, les entreprises et les jeunes pourront signer des contrats d'apprentissage toute l'année. Pour des raisons historiques, sans réels fondements philosophiques, les contrats doivent actuellement être signés entre septembre et décembre. En conséquence, les jeunes qui trouvent leur entreprise en janvier ou février se découragent et décrochent. Rien ne justifie le maintien de ce système. Cette modification impliquera de moduler l'offre de formation, la formation continue et l'évaluation, mais cela fonctionne déjà pour les contrats de professionnalisation. La plupart des CFA sont enthousiastes à l'idée de disposer d'une offre plus personnalisée – la formation pourra être adaptée en fonction des acquis du jeune.

Les meilleurs réseaux d'apprentis – Compagnons du devoir, maisons familiales rurales, chambres des métiers – pourront se développer dans l'ensemble du territoire sans être bridés.

Tout commence par l'orientation et la perception de l'apprentissage par les jeunes et les familles. Nous tentons depuis des années d'améliorer son image. Nous devons désormais réaliser un saut qualitatif et quantitatif important ; nous allons donc publier les taux d'insertion dans l'emploi, de poursuite d'études, de réussite aux examens et les salaires de première embauche des 995 000 centres de formation et lycées professionnels de France. Beaucoup de jeunes et de familles vont découvrir avec stupéfaction que l'apprentissage permet d'accéder à des métiers passionnants, où l'on recrute et qui permettent de bien gagner sa vie.

Il faut également améliorer l'information sur les métiers. Elle ne peut être uniquement le fait de sites et de brochures. Les régions verront leurs compétences renforcées en matière d'orientation et d'information. Elles pourront ainsi permettre aux jeunes de rencontrer des entrepreneurs, des tuteurs, des salariés qui sont passés par l'apprentissage, dans et en dehors des établissements – collèges, lycées et universités. Le témoignage est souvent la meilleure des convictions.

Nous allons également développer les campus des métiers qui forment les élèves – quel que soit leur statut – du CAP à l'ingénieur. L'Aérocampus Aquitaine de Bordeaux ou celui d'Égletons pour les travaux publics sont, à ce titre, exemplaires.

Deux autres dispositions viendront soutenir l'apprentissage : afin d'améliorer l'accès à l'apprentissage en zone rurale, une aide de cinq cents euros – soit environ la moitié du coût négocié – permettra au jeune de financer son permis de conduire ; nous permettrons également aux apprentis de passer un semestre dans un pays d'Europe en développant Erasmus pour les apprentis. Ces derniers sont des étudiants – même si le format pédagogique de leurs études est différent. Ils préparent souvent les mêmes diplômes, ont les mêmes aspirations que les jeunes d'autres pays européens et sont eux aussi des citoyens européens. Vous avez commencé à aborder le sujet dans le cadre des ordonnances travail. Nous allons continuer ensemble afin que 15 000 jeunes puissent bénéficier d'Erasmus d'ici la fin du quinquennat.

Le troisième volet de notre réforme concerne l'assurance chômage. À la différence de la formation professionnelle et de l'apprentissage, il ne s'agira pas d'une refonte systémique du dispositif, mais d'un élargissement et d'une amélioration du système, afin que ce filet de sécurité soit plus universel. Actuellement, les protections sont conçues par statut. Les dispositifs de sécurisation fonctionnent mal dès que l'on change de statut – de salarié à entrepreneur ou travailleur indépendant par exemple. Sous certaines conditions, nous souhaitons permettre aux indépendants et aux salariés démissionnaires de disposer de ce filet de sécurité.

Quel sera le dispositif pour les indépendants ? Les agriculteurs, les commerçants, les artisans, les micro-entrepreneurs, les travailleurs de plateforme prennent des risques entrepreneuriaux et, lorsqu'ils se retrouvent en difficulté ou en liquidation judiciaire, ils n'ont aucun filet de sécurité puisqu'ils n'ont pas cotisé au régime général d'assurance chômage. Nous prévoyons de leur permettre de bénéficier de ce filet le temps de se retourner.

Lors de sa campagne électorale, le Président l'avait promis : les salariés démissionnaires doivent aussi pouvoir bénéficier de l'assurance chômage, sous conditions. Un projet professionnel, la création d'une entreprise, une reconversion lourde après un certain nombre d'années de salariat demandent du temps et de l'argent. Il s'agira donc d'une mesure démocratique afin que nos concitoyens soient plus nombreux à accéder à ces nouveaux horizons. Dans des conditions définies par l'accord national interprofessionnel – sur la base d'un projet, avec un conseil en évolution professionnelle et une intervention paritaire –, nous permettrons aux démissionnaires de bénéficier de l'assurance chômage.

Enfin, nous allons renforcer l'accompagnement précoce des chômeurs. Ce dispositif a été testé dans plusieurs régions, qui ont mis en place un journal de bord avec le demandeur d'emploi. Nous améliorerons également le contrôle afin de le rendre plus juste. Le système de sanctions est complexe et peu cohérent. Il doit devenir progressif et plus logique pour être mieux compris et accepté.

En ce qui concerne l'égalité entre les femmes et les hommes, le projet de loi comportera également des avancées sur deux points : la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Comme l'a indiqué le Premier ministre aux partenaires sociaux le 7 mars dernier, en présence de Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les hommes et les femmes, et de moi-même, l'ambition du Gouvernement est forte. Nous passerons d'une obligation de moyens à une obligation de résultats pour les écarts de salaires injustifiés. Les partenaires sociaux nous ont transmis des propositions concernant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Nous avons ensuite réalisé des concertations bilatérales sur l'égalité hommes-femmes. Depuis le 7 mars et jusqu'au 3 mai, nous avons entamé un processus multilatéral avec les partenaires sociaux pour discuter de quinze actions. Celles d'entre elles qui nécessiteront une traduction législative seront intégrées ultérieurement au projet de loi – ce qui explique qu'il soit actuellement peu disert à ce sujet.

En ce qui concerne l'accès à l'emploi des personnes handicapées, nous avons engagé la même démarche avec ma collègue Sophie Cluzel, secrétaire d'État aux personnes handicapées – vous l'avez auditionnée le 21 février dernier. Nous avons retenu un principe simple : inclure au maximum les personnes en situation de handicap en milieu ordinaire. Les partenaires sociaux ont été consultés sur les évolutions nécessaires. 500 000 travailleurs handicapés sont au chômage. Plus de quarante ans après le vote de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées, les entreprises ne comptent que 3,4 % de personnes handicapées, alors que l'obligation est à 6 % et qu'environ 7 % de la population active est handicapée. On ne peut s'en réjouir ; tout juste peut-on considérer qu'on est à mi-chemin… Il faut désormais accélérer et faire en sorte que davantage de personnes handicapées trouvent leur place dans le marché du travail.

L'avant-projet de loi traite de deux autres sujets d'importance : le détachement des travailleurs et la liberté de circulation.

En ce qui concerne le détachement, il ne s'agit pas de transposer la directive, puisqu'elle devrait être définitivement adoptée par le Conseil européen dans les prochaines semaines. Vous le savez, le trilogue a été conclusif. Je vous remercie pour votre soutien lors des négociations. Nous souhaitions que la révision de la directive soit beaucoup plus ambitieuse que le projet initial proposé le 15 juin dernier. Cela n'a pas été facile, car nous venions d'être élus, mais nous avons réussi à convaincre nos partenaires européens afin que les nouvelles dispositions soient beaucoup plus protectrices des salariés – un travail égal donnera lieu au versement d'un salaire égal, tout compris. La nouvelle directive sera également beaucoup plus respectueuse de la concurrence loyale, notamment pour nos TPE-PME qui étaient pénalisées.

Les dispositions de l'avant-projet de loi complètent le volet européen sur deux points : un renforcement et une amélioration de l'efficacité de la lutte contre la fraude, les sanctions étant plus dissuasives. Demain, une entreprise qui omet ses déclarations sera davantage pénalisée. Si elle ne répond pas aux injonctions, il sera possible de suspendre son activité ou son chantier. En outre, les moyens de contrôle seront élargis.

S'agissant de la liberté de circulation et de prestations, elle sera améliorée : un allégement des formalités administratives est prévu dans certaines situations spécifiques. Nous sommes les seuls en Europe à en prévoir pour les zones frontalières. Cela n'a pas vraiment de sens… En l'état actuel du droit, un musicien belge qui joue en France pour une soirée doit être déclaré comme travailleur détaché… Nous allons désormais concentrer nos efforts de régulation sur le véritable travail détaché.

Le projet de loi ne constitue pas non plus une réforme de la fonction publique – le projet en la matière vous sera proposé l'an prochain. Mais la liberté de choisir son avenir professionnel concerne également les fonctionnaires : il faut reconnaître la valeur ajoutée des mobilités professionnelles. De nombreux fonctionnaires passent du public au privé – à tous les niveaux de qualification, pour accompagner un conjoint ou vivre une autre expérience. Il est important que le secteur public comprenne le secteur privé et inversement. Chacun doit rester dans son rôle, les droits et devoirs ne sont pas les mêmes, mais ces passerelles sont utiles au développement des compétences de chacun. Le projet le reconnaîtra.

L'avant-projet de loi est en ligne sur le site du ministère du travail. Il a été adressé au Conseil d'État et aux partenaires sociaux la semaine dernière. Douze instances consultatives doivent donner leur avis sur tout ou partie. J'étais d'ailleurs ce matin à la réunion du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CNEFOP).

Madame la présidente, l'audition à laquelle vous m'avez conviée me donne à nouveau l'occasion d'articuler étroitement démocratie sociale et démocratie politique en amont de la discussion des amendements, puisque je présenterai le projet de loi en conseil des ministres le vendredi 27 avril prochain. Je vous remercie par avance pour vos questions, qui enrichiront le débat et notre réflexion.

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Madame la ministre, je vous remercie – ainsi que vos équipes –, pour ce beau projet de loi, qui concrétise le travail engagé depuis de long mois en concertation avec l'ensemble des acteurs. Ce texte reprend les principales dispositions des accords nationaux interprofessionnels (ANI) conclus par les partenaires sociaux sur la formation professionnelle, sur laquelle je me concentrerai, et sur l'assurance chômage, à laquelle se consacrera plus spécifiquement mon collègue Aurélien Taché. Il les enrichit tout en simplifiant le fonctionnement de la formation au bénéfice des entreprises et des actifs, qui sont au coeur de nos préoccupations.

La révolution copernicienne de l'apprentissage remettra les entreprises et les actifs au centre du système. Elle permettra de mieux répondre à leurs besoins, en passant d'un système rigide et administré à un fonctionnement plus attractif, plus souple et mieux adapté à la réalité des métiers. La formation par apprentissage doit se déployer largement dans notre pays car elle favorise l'insertion professionnelle des jeunes. De ce point de vue, les mesures annoncées sont prometteuses. Nous nous investirons avec vous pour que l'apprentissage soit enfin reconnu comme une voie de passion et d'excellence.

Concernant la formation professionnelle, les enjeux sont majeurs et ne sont plus les mêmes que ceux qui ont motivé la création du système dans les années 1970. Dans notre société de la connaissance, la compétence est un atout pour la compétitivité de notre économie et un rempart contre le chômage et la précarité. Demain, 50 % des emplois seront transformés, 20 % de nouveaux emplois seront créés et autant vont disparaître. Les salariés seront donc amenés à changer plusieurs fois d'employeur ou de métier au cours de leur vie professionnelle, d'où l'importance de leur permettre de se former indépendamment du souhait de leur employeur.

Il convient également de clarifier le rôle de chaque acteur de la formation : aux entreprises la responsabilité d'y investir pour assurer leur compétitivité et l'adaptation de leurs salariés ; à l'État et aux régions de permettre aux demandeurs d'emploi de construire un projet professionnel viable et de le réaliser ; aux salariés la possibilité d'engranger de nouvelles compétences tout au long de leur vie professionnelle.

Cette réalité appelle une refondation du système, qui donne une vraie marge de manoeuvre aux individus dans la conduite de leur projet professionnel. Là aussi, les mesures annoncées vont résolument dans la bonne direction, en créant les conditions de l'autonomie réelle des actifs. Ainsi, le compte personnel de formation monte en puissance, grâce à l'octroi à chacun d'un capital formation significativement augmenté, à la mise à disposition d'un outil ergonomique et simple d'utilisation, à une information plus transparente et à un accompagnement renforcé, qui permettront à chacun de faire des choix éclairés. Avec ce système, les actifs pourront progressivement monter en compétence dans les domaines qu'ils auront choisis, et se construire une trajectoire de formation sur mesure.

Enfin, répondre au défi d'une société de la compétence suppose aussi de ne laisser personne au bord du chemin. Les mesures annoncées créent ainsi un droit réel et opposable à la qualification, puisque les salariés non qualifiés auront des droits majorés à 8 000 euros leur permettant concrètement d'accéder à la qualification. C'est à mon sens un droit nouveau et majeur qu'il s'agit de souligner.

On estime aujourd'hui à plus de deux millions les « outsiders » du système, jeunes décrocheurs et demandeurs d'emploi de longue durée. Vous consacrez à ces exclus du marché du travail un effort sans précédent, dans le cadre du plan d'investissement compétences (PIC), doté d'un budget conséquent : 15 milliards d'euros sur cinq ans.

Ce PIC a vocation à réinsérer professionnellement ces publics, grâce à des parcours articulant emploi, formation et accompagnement. Il est également l'occasion de mettre en place un dispositif pérenne capable d'accompagner ces personnes avant leur exclusion durable du marché du travail.

Ce plan s'appuyant sur des expérimentations régionales et des approches innovantes, pouvez-vous nous indiquer les principes directeurs qui ont guidé les premiers accords que vous avez passés avec les régions, en les illustrant par un ou deux exemples ?

Enfin, toujours dans cet objectif de sécurisation des parcours, il me paraît important de porter une attention particulière aux salariés les plus vulnérables, à ceux qui ont traditionnellement le moins accès à la formation, afin d'anticiper et de les accompagner vers la compétence avant qu'ils ne connaissent des ruptures professionnelles.

Je salue notamment la possibilité ouverte aux entreprises de faire de la formation en situation de travail, l'introduction d'outils pédagogiques innovants ainsi que le renforcement des moyens consacrés à la formation dédiée aux TPE-PME.

Pour que ces nouveautés soient pleinement utilisées, il faudra réfléchir à la manière dont on peut identifier les salariés les moins qualifiés, et ceux qui vont le moins spontanément vers la formation traditionnelle.

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Vous l'avez rappelé, madame la ministre, nous avons, l'an dernier, dans cette assemblée, contribué à libérer et à déverrouiller l'économie française avec la réforme du code du travail. Il s'agit maintenant de s'assurer que tous les Français vont pouvoir se saisir des possibilités créées, et que les nouvelles protections que nous mettons en place, en réponse aux mutations du monde professionnel – je pense en particulier à la place de plus en plus importante que prend l'activité non salariée dans l'économie –, seront, elles aussi, de nature à favoriser les parcours non linéaires, à redonner tout son sens à l'idée de seconde chance, bref à accentuer la mobilité.

Favoriser l'apprentissage et faire de la formation un droit accessible à tous, lancer les emplois francs sont autant d'initiatives qui vont dans ce sens. De même, la refonte de l'assurance chômage, avec un régime véritablement universel, qui ouvre des droits nouveaux – et impose donc des devoirs à proportion – et dont la gouvernance et le financement seront revus en profondeur, permet un accompagnement au plus près des demandeurs d'emploi. Favoriser enfin un emploi de qualité, en CDI, s'inscrit dans la même perspective.

Vous avez mentionné cette catégorie particulière de travailleurs que sont les travailleurs indépendants travaillant pour des plateformes. On sait que la loi du 8 août 2016 a constitué une première étape en reconnaissant la responsabilité sociale de ces plateformes et en précisant les droits de ces travailleurs, notamment à la formation professionnelle. Que peut-on envisager pour sécuriser davantage leur parcours ?

L'ouverture de l'assurance chômage aux travailleurs indépendants et aux démissionnaires constitue une avancée majeure, qui concrétise l'engagement de campagne du Président de la République. Néanmoins, outre leur indemnisation, ces travailleurs devront bénéficier de mesures de formation qui favoriseront leur transition d'activité et seront de nature à leur ouvrir de nouvelles perspectives professionnelles. Quelles sont, à ce stade, les mesures qu'envisage le Gouvernement pour garantir l'accès adapté de ces demandeurs d'emploi à la formation professionnelle ?

L'accord national interprofessionnel du 22 février 2018 prévoit une négociation des partenaires sociaux sur la modération du recours aux contrats de travail courts. Vous avez annoncé, madame la ministre, que, si les mesures issues de la négociation étaient insuffisantes, le Gouvernement pourrait envisager un dispositif de type bonus-malus sur les cotisations patronales d'assurance chômage. Sans préjuger du résultat de ces négociations, que l'on espère fructueuses mais dont le calendrier est plus lointain que celui de ce projet de loi, pouvez-vous nous préciser quelles sont les attentes du Gouvernement pour ces contrats courts ?

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a supprimé – totalement à compter d'octobre prochain –, la cotisation d'assurance chômage des salariés et a réduit la cotisation patronale afin de renforcer les allègements généraux de charges sociales à compter de 2019. Si un mécanisme de compensation est prévu pour 2019, les modalités ultérieures de financement de l'assurance chômage restent à définir. Quelles sont à ce stade les options envisagées par le Gouvernement, dans le respect des décisions qui pourraient être prises par les partenaires sociaux ? La question du financement pose également celle de la gouvernance. Dans les mêmes limites, pourriez-vous nous indiquer, si elles sont connues, les pistes considérées par le Gouvernement ?

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Le mot réforme est associé pour certains à une idée du changement synonyme de régression des acquis ou de perte de pouvoir. Elle suscite donc une forme d'anxiété face à l'avenir. Pourtant, le projet de loi que vous nous proposez crée de nouveaux droits, en matière d'assurance chômage notamment. Il est le volet cohérent, complémentaire et protecteur, des ordonnances sur le code du travail, dont l'objectif était de libérer l'économie du travail.

Ce projet de loi veut donc libérer les travailleurs mais en les responsabilisant, en favorisant leur autonomie et en privilégiant l'intérêt général plutôt que des intérêts catégoriels. Parce qu'il procède à une vraie réforme, il nécessitera sans doute de la pédagogie, pour que nous puissions y associer les citoyens qui en bénéficieront. Chacun aura sa place : l'État, les partenaires sociaux, les régions, dans la clarté et la cohérence. L'objectif est que chacun puisse avoir la liberté de choisir son avenir professionnel, grâce à des dispositifs qui ne laissent pas au bord du chemin ceux qui auraient le plus de difficultés à choisir, le choix étant pour certains un luxe.

Cette réforme ne doit pas être l'affaire des seuls spécialistes. Pour ce qui nous concerne, je ne doute pas que le prochain débat parlementaire sera riche et nous permettra de revenir sur l'ensemble de ces sujets. Le groupe La République en Marche y participera avec détermination.

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Si chacun peut souscrire à votre propos liminaire, qui brosse le tableau de la situation actuelle, nous pouvons diverger sur les réponses.

Pour le groupe Les Républicains, votre projet de loi risque de créer de nouvelles fractures territoriales, dans la mesure où il retire aux régions la quasi-totalité des ressources de l'apprentissage – elles n'en conservent que 5 %. Cette fracture territoriale sera d'autant plus aggravée que votre avant-projet ne fait pas clairement apparaître – même si vous avez laissé entendre qu'elle existait – la question de l'orientation et de la complémentarité entre les lycées professionnels et les CFA.

Vous risquez également d'aggraver les inégalités d'accès à la formation car, si l'idée d'une application mobile est séduisante, elle n'est pas nécessairement adaptée à tous les publics.

Enfin, votre pari de gouverner sans les corps intermédiaires – puisque c'est de cela qu'il s'agit – est un risque en soi, et la réforme de l'assurance chômage que vous proposez en modifie radicalement la nature : en la faisant financer par la TVA et la CSG, vous lui ôtez son caractère assurantiel. Il me semble que vous déséquilibrez le système sans pour autant apporter des réponses. Comment va s'organiser France Compétences ? Que va-t-il advenir du quadripartisme ? Qui sera majoritaire ? Quelle sera la position de l'État dans toutes ces structures ?

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Je commencerai, au nom du groupe Nouvelle gauche, par un regret, celui qu'une fois de plus vous affirmiez écouter, mais sans les entendre, les parties prenantes. J'en veux pour preuve le fait qu'à peine les partenaires sociaux étaient-ils parvenus à un projet d'accord national interprofessionnel que vous le jugiez déjà insuffisant.

Qu'en est-il donc réellement de votre projet de loi provisoire et de ses soixante-sept articles ?

En ce qui concerne la formation professionnelle, vous proposez de libéraliser le secteur de la formation professionnelle, tout en en nationalisant la gouvernance. En monétisant le CPF et en supprimant les intermédiaires, vous prétendez vouloir libérer les salariés et leur offrir plus de droits. Dans les faits pourtant, dans votre nouveau système le coût moyen d'une formation sera de 14 euros l'heure contre 32 euros aujourd'hui. En ne prévoyant aucun effort particulier pour le volet accompagnement, vous priverez les individus de toute autonomie. En fragilisant les acteurs, alors que leurs missions sont stabilisées depuis 2009, vous mettez à mal tout le secteur. À ce propos, que vont devenir les cinq mille salariés des OPCA ? Comment éviterez-vous un plan social massif ?

Vous avez annoncé un plan d'investissement compétences de 15 milliards, que vous dites vouloir financer par un prélèvement de 0,3 % de la masse salariale, à hauteur de 5 milliards : où sont donc les 10 milliards restants ?

Vous vous fixez ensuite pour objectif la formation d'un million de jeunes et d'un million de demandeurs d'emploi pendant le quinquennat. Vous promettez donc un grand Big Bang, pour faire en réalité, permettez-moi de le dire, deux fois moins bien que sous le quinquennat précédent.

Vous promettez une assurance chômage, « plus universelle », formulation qui nous éloigne de la promesse d'universalisation de l'assurance chômage faite par le candidat Macron pendant sa campagne électorale.

Pour conclure sur le cas particulier des territoires ultramarins, je note l'élément positif que constituent les plans de convergence, et vous annonce que nous préparons, avec Justine Bénin et Josette Manin, un rapport sur cette question.

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La situation de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) est aujourd'hui préoccupante. Il s'agit pourtant d'un acteur majeur de notre système de formation. Elle forme chaque année cent cinquante mille stagiaires, dont près de 60 % de demandeurs d'emploi, et salarie environ huit mille personnes, contre onze mille en 2008.

Cet organisme a subi de plein fouet à la fois la décentralisation de la commande publique et de la formation des chômeurs vers les régions, engagée en 2004, et, à partir de 2009, l'ouverture du marché de la formation à la concurrence. Désormais soumise aux procédures d'appels d'offres, l'AFPA s'est progressivement transformée en organisme concurrentiel, alors même que son mode de fonctionnement était organisé autour d'une activité de service public. Parallèlement, ses effectifs ont diminué du fait des transferts de personnel vers Pôle emploi, au moment de la fusion entre l'ANPE et les Assédic en 2010.

Tous ces bouleversements sont à l'origine de lourdes difficultés financières. Sous la législature précédente, de nombreuses tentatives de réorganisation ont été tentées, doublées de mesures de soutien financier. En janvier 2017, l'AFPA a été transformée en en établissement public, ce que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine avait alors salué. Toutefois ce changement a été sans incidence sur le plan d'économies engagé il y a quatre ans, qui se poursuit à raison de trois cents départs par an en 2017, puis en 2018, sur un effectif – je le rappelle – de huit mille personnes. Les syndicats s'inquiètent et dénoncent régulièrement la souffrance au travail, mais la situation continue de se dégrader, et l'on parle de nouvelles suppressions d'emploi massives, sans qu'à notre connaissance le Gouvernement ait réagi. Pouvez-vous donc nous indiquer quelles sont vos intentions et quelles sont les actions que vous comptez engager à court terme pour pérenniser l'AFPA et ses personnels ?

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La formation professionnelle doit retrouver sa finalité première : être un vrai levier économique. Le groupe UDI, Agir et Indépendants partage certaines des orientations du projet que vous portez, notamment la monétarisation du CPF, mais de nombreuses questions restent en suspens, notamment la définition précise de ce que sera la mission des nouveaux opérateurs de compétences. Peut-être pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

En ce qui concerne l'apprentissage, il nous paraît nécessaire que les régions, qui ont une connaissance fine des bassins d'emploi et du caractère spécifique que revêt le développement économique dans leur territoire, en termes de débouchés comme en termes de métiers, conservent leur rôle en matière d'orientation, les branches professionnelles ayant parfois une vision trop sectorielle, qui pourrait être contreproductive. La compétence de la région en matière d'apprentissage nous paraît donc parfaitement cohérente avec ses compétences en matière de formation professionnelle et de développement économique. Comment entendez-vous prendre en compte les besoins propres des territoires ?

Il est par ailleurs primordial de transmettre à nos jeunes, notamment aux collégiens, l'idée que l'apprentissage est une filière valorisante, riche en débouchés. Comment améliorer, malgré les blocages et les résistances que semble opposer l'éducation nationale, la promotion de l'apprentissage et des métiers vers lesquels il ouvre ?

Enfin, je viens d'être saisie par la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) d'un article publié dans La France agricole au sujet de la suppression de l'exonération de la taxe d'apprentissage pour les agriculteurs. Cela aurait pour eux de lourdes conséquences financières, à l'heure où le Gouvernement s'est pourtant engagé à restaurer leurs prix et leurs marges. Confirmez-vous cette information ?

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Le groupe de la France insoumise a pris note de vos annonces, madame la ministre, notamment sur le contrôle des chômeurs. Je fais pourtant observer que les chômeurs sont déjà contrôlés par Pôle emploi. : 86 % de ceux qui sont contrôlés sont en recherche active d'emploi ; quant aux 14 % restant, près des deux tiers ne perçoivent aucune indemnité. Mais cela n'est pas suffisant à vos yeux, et il faudrait encore renforcer le contrôle et les sanctions. Rappelons pourtant que les chômeurs ne sont pas indemnisés par charité mais parce qu'ils ont payé des cotisations sociales sur leurs précédents salaires.

Le Gouvernement compte multiplier les effectifs de ceux qui contrôlent les chômeurs pour augmenter le nombre de sanctions ; il refuse en revanche de créer les trois mille postes de contrôleurs fiscaux qui permettraient de revenir aux effectifs de 2010 et de récupérer 80 milliards d'euros de fraude et d'évasion fiscales – à titre de comparaison, la fraude aux allocations chômage représente chaque année 58 millions, soit 1 380 fois moins.

Dans les pays où il a été adopté, le contrôle renforcé des chômeurs n'a eu aucun effet sur le retour à l'emploi. Le mythe de la responsabilité des chômeurs face à leur situation provient de la thèse des emplois non pourvus. Regardons-y de plus près : selon Pôle emploi, en un an, environ190 000 offres d'emplois ne sont pas pourvues, chiffre qu'il faut rapporter aux 24 millions d'offres pourvues, soit 99,6 % du total des offres proposées ce qui équivaut à dire qu'il reste une offre non pourvue pour quarante-quatre chômeurs. Si l'on prend le nombre d'offres qui sont retirées du marché, faute de candidats adéquats, on obtient le chiffre d'une offre non pourvue pour trois cents chômeurs, ce qui est dérisoire.

La cause du chômage de masse est avant tout la pénurie d'emplois, et ce fléau ne peut cesser qu'à la condition d'un plan de relance public, qui porte sur des activités productives et écologiquement responsables. N'est-il pas absurde d'exiger des chômeurs qu'ils recherchent frénétiquement un emploi dans ce contexte de pénurie ?

Que pensez-vous par ailleurs d'une extension de l'expérimentation d'ATD Quart-Monde « Territoires zéro chômeur de longue durée », qui permet de transformer les aides en contrats de travail pérennes ?

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Le groupe Modem et apparentés est particulièrement sensible à cette ambition sociale et démocratique que vous défendez, qui vise à faire de notre République, partout et pour tous, une république de citoyens libres et égaux en droits. Les besoins sont immenses, les urgences absolues et les attentes sociales à la hauteur. Nous devons donc, vous l'avez dit, ranimer la promesse républicaine.

La première de mes questions, auxquelles j'associe ma collègue Michèle de Vaucouleurs, porte sur la rémunération des apprentis. Le critère du diplôme préparé qui semblait satisfaire la plupart des acteurs concernés n'a pas été retenu, malgré les préconisations du rapport Brunet, qui recommandait d'aligner la rémunération sur le niveau de diplôme préparé jusqu'à l'âge de vingt-six ans, afin de ne pas décourager l'embauche des plus âgés, et de prévoir une majoration du pourcentage de SMIC appliqué pour les apprentis de plus de vingt-six ans. Pourquoi avez-vous écarté cette solution ?

Par ailleurs, n'est-il pas dangereux de cloisonner branche par branche le financement de l'apprentissage ? En effet, au-delà des compétences métier, les besoins en compétences transversales – je pense notamment à la prise de parole en public, à l'informatique, à la gestion de projet – sont nombreux. Qui plus est, toutes les branches n'ont pas la capacité de mener une véritable politique de l'apprentissage. Le montant des cotisations tiendra-t-il compte des interprofessions ?

Enfin, comment la qualité, la spécificité de chaque formation seront-elles prises en compte dans leur coût ? En effet, toutes n'ont pas les mêmes niveaux d'équipement ni les mêmes taux de réussite : ces différences seront-elles répercutées dans leur prix ?

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Muriel Pénicaud, ministre du travail

Merci pour toutes ces questions qui vont me permettre d'approfondir beaucoup des points que j'ai évoqués.

Le plan d'investissement compétences s'adresse en effet aux jeunes NEET (Neither in Employment nor in Education or Training), c'est-à-dire qui ne sont ni en emploi ni en formation, ainsi qu'aux demandeurs d'emploi, notamment aux plus éloignés de la qualification et de l'emploi.

Nous avons finalisé des accords avec onze des treize régions métropolitaines, seules PACA et Auvergne- Rhône-Alpes, n'ayant pas souhaité pour l'instant s'associer à cette démarche – nous espérons qu'elles reconsidèreront leur position. Dans toutes les autres régions, cela a débouché sur des démarches très intéressantes, car la programmation stratégique à cinq ans permet de planifier une montée en puissance des dispositifs – j'ai pu le vérifier très récemment dans les Hauts-de France où ont été lancées des formations aux métiers du numérique.

Nous sommes tous d'accord pour dire que les travailleurs des plateformes sont dans une situation particulière. La Cour de cassation a reconnu récemment qu'ils sont bien des travailleurs indépendants et qu'ils n'ont donc pas à faire l'objet d'une requalification, bien que, dans le même temps, leur activité dépende d'un ou de plusieurs donneurs d'ordre. Nous réfléchissons dans ces conditions au type de protection qui leur serait le mieux adapté, et j'espère que nous aurons suffisamment avancé pour que je puisse vous en reparler au moment de la discussion du projet de loi.

Plusieurs questions m'ont été posées sur l'assurance chômage. En ce qui concerne les contrats courts et la lutte contre la précarité, il faut savoir que, si le taux de contrats à durée indéterminée (CDI) est en France de 85 %, les 15 % restants étant des emplois précaires, les contrats à durée déterminée (CDD) ou l'intérim constituent néanmoins de 80 % du flux d'embauche, même si les chiffres sont en amélioration puisque, pour la première fois depuis dix ans, l'embauche en CDI a augmenté de 14 % au dernier trimestre de l'année dernière, ce qui témoigne d'un retour de confiance dans l'avenir.

Interpellés au sujet de la précarité dans le document d'orientation, les partenaires sociaux ont demandé à pouvoir négocier jusqu'à la fin de l'année, dans le cadre de leurs compétences en matière d'assurance chômage, pour revoir éventuellement les modalités de recours au CDI, au CDD et à l'intérim en fonction des branches, l'idée étant que si, au sein d'une même branche, des entreprises d'envergure comparables recourent massivement au CDD et d'autres beaucoup moins, le principe de mutualisation pénalise ces dernières. Si les partenaires sociaux ne parvenaient pas à se mettre d'accord, l'État a prévu d'intervenir, mais nous laissons pour l'heure le temps à la négociation.

Le principe de la compensation des cotisations chômage sera inscrit dans le projet de loi de façon à être pérennisé, puisque l'État en a ainsi décidé. Le gain de pouvoir d'achat pour les salariés constitue évidemment une perte pour l'assurance chômage, laquelle sera compensée par l'impôt et la CSG.

J'ai également été interrogée sur le contrôle des chômeurs. Avant qu'il en soit question, il me semble que nos efforts doivent prioritairement porter sur leur accompagnement précoce.

Dans les pays qui luttent efficacement contre le chômage de masse, des propositions sont très rapidement faites aux demandeurs d'emploi, qu'il s'agisse de formations de reconversion ou de bilans de compétences. Aujourd'hui, nos dispositifs le permettent d'autant moins qu'une part importante du temps partagé entre un conseiller et un demandeur d'emploi est consacrée à la mise à jour des informations concernant ce dernier, au détriment du conseil. Nous allons donc expérimenter dans quelques régions un journal de bord, qui serait rempli par le demandeur d'emploi, ce qui dégagerait du temps de dialogue pour la recherche de solutions personnalisées. Tous les demandeurs d'emploi n'ont en effet pas les mêmes attentes : certains ont besoin d'affiner leur projet professionnel, d'autres doivent envisager une reconversion, d'autres encore ont besoin de se former aux entretiens d'embauche ou qu'on les aide à régler certains problèmes périphériques.

Il faut d'autre part que la logique des contrôles soit revue pour être mieux adaptée à la réalité. Pôle emploi a réalisé ces deux dernières années des contrôles aléatoires sur 230 000 demandeurs d'emploi : 66 % des chômeurs contrôlés recherchaient très activement un emploi, tandis que 20 % s'étaient découragés, après de multiples démarches qui n'avaient rien donné. Le contrôle, en l'occurrence, a permis de les repérer et de les remobiliser. Il ne faut donc pas voir le contrôle comme le préambule à une sanction, mais comme une occasion de faire le point, ce qui peut être fort utile.

Quant aux 14 % restants, il s'agit de personnes qui ne sont pas en recherche active d'emploi, sans que cela soit justifié par des difficultés particulières. Certaines étaient indemnisées, par l'UNEDIC (Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce) ou le RSA (revenu de solidarité active), d'autres ne l'étaient pas mais pouvaient utiliser les services de Pôle emploi, ce qui représente un coût. Or, à Pôle emploi comme ailleurs, que ce soit aux Urssaf ou dans les services fiscaux, dès lors que l'on a affaire à des financements publics mutualisés, il n'y a aucune raison qu'une petite minorité qui ne respecte pas les règles continue à bénéficier d'un service payé par la collectivité – et je suis d'accord avec vous, monsieur Quattenens, il ne s'agit que d'une petite minorité.

Nous n'avons évidemment jamais envisagé le contrôle comme une solution au chômage de masse : une bonne stratégie axée sur les compétences est beaucoup plus importante. Néanmoins, tout système a ses droits et ses devoirs.

Cela étant, nous devons revoir l'échelle des sanctions, en vertu de laquelle vous pouvez être radié pendant deux mois pour ne pas vous être rendu à une convocation de Pôle emploi, mais quinze jours seulement si vous ne faites aucun effort pour trouver un emploi, ce qui manque totalement de logique. De même, il y a aujourd'hui deux décideurs, le préfet et Pôle emploi, ce qui doit être corrigé.

Pour ce qui concerne l'apprentissage, vous avez parlé, monsieur Cherpion, du risque de fracture territoriale : j'ai la conviction que c'est tout le contraire. Aujourd'hui, la fracture territoriale existe bel et bien entre les régions qui ont fait des investissements extrêmement importants et sont très dynamiques en matière d'apprentissage et celles qui n'utilisent que 80 % de leurs dotations, ce qui est leur droit le plus strict puisqu'il s'agit d'une compétence décentralisée et que, si la recette est liée, la dépense, elle, ne l'est pas. Il en résulte une inégalité d'accès à l'apprentissage très importante entre les territoires. De plus, le mécanisme de subventions fait qu'au bout d'un moment la région n'est plus en mesure de financer de nouveaux apprentis. Le principe du coût au contrat va permettre de résoudre ces difficultés partout.

Nous allons également mobiliser les lycées professionnels, car nous sommes persuadés, avec Jean-Michel Blanquer, que l'une des pistes pour relancer l'apprentissage est de multiplier les passerelles entre les deux systèmes, afin de créer à l'échelle régionale de véritables campus des métiers. Non seulement les régions pourront mutualiser les équipements entre lycées et CFA, mais nous souhaitons aussi que chaque lycée professionnel puisse ouvrir une section d'apprentissage, ce qui permettra de développer une offre dans certains endroits qui en sont dépourvus. Beaucoup d'acteurs de l'apprentissage nous ont d'ailleurs fait savoir qu'ils étaient prêts à s'engager plus avant dès lors que le système ne les limiterait plus autant.

Pour en revenir aux compétences des régions, il leur reviendra en premier lieu d'assurer l'orientation ou, plus exactement, l'information sur les métiers. J'appelle ici votre attention sur le fait qu'on ne peut juridiquement conférer aux régions une compétence générale d'orientation, car le terme désigne à la fois l'affectation individuelle des élèves – ce que pas une région ne revendique – et l'information sur les métiers, ce dont il est question ici et qui leur permettra d'organiser, avec les établissements scolaires, des sessions d'information sur les métiers.

Ensuite, la compétence de la région reste pleine et entière en matière d'investissements. La recette qui les finance est dynamique, assise sur une taxe, qui va représenter 200 millions cette année. C'est sans précédent et ces capacités d'investissement vont aller en se renforçant.

Les régions vont par ailleurs se voir attribuer, en plus de l'enveloppe du coût au contrat, une dotation d'aménagement du territoire ciblée sur les zones rurales ou les quartiers prioritaires de la politique de la ville, là où le dispositif du coût au contrat ne couvrirait pas les frais d'un CFA de proximité, important pour le bassin d'emploi mais trop petit pour parvenir à l'équilibre. Nous avons prévu que 20 % des CFA puissent être dotés de ce complément par les régions, sachant par ailleurs que le coût au contrat intègrera un certain nombre de critères que nous aurons à définir avec elles et avec les partenaires sociaux.

Au rang des mesures visant à réduire les inégalités territoriales, j'insiste également sur le fait qu'un appel d'offres sera organisé pour l'installation de conseils en évolution professionnelle. Beaucoup de territoires aujourd'hui n'en sont pas dotés, car ceux qui existent opèrent au sein de Pôle emploi ou des missions locales et sont donc réservés aux demandeurs d'emploi.

La formation en alternance des apprentis devrait être financée selon des modalités qui se rapprochent de celles des contrats de professionnalisation – lesquels connaissent un bel essor – et en reprenant le principe du coût au contrat. Cela permettra de corriger des déséquilibres dont je ne vous donnerai qu'un seul exemple : dans certains CFA la subvention pour la formation d'un cuisinier est de 2 500 euros par apprenti – vous conviendrez qu'il est difficile de dispenser une formation de qualité pour ce prix-là –, tandis qu'elle s'élève ailleurs à quatorze mille euros ! Certains critères objectifs peuvent certes justifier des différences de coûts, mais jamais d'une telle amplitude, et le nouveau système permettra de rétablir l'équité des financements et de les sécuriser.

La rémunération des apprentis va augmenter de 30 euros par mois – soit 360 euros par an – pour tous les jeunes entre quinze et vingt ans ; ils bénéficieront en plus de l'aide au permis de conduire.

Pour les autres, le système actuel est conservé, conformément aux souhaits des partenaires sociaux, soit une combinaison entre un critère d'âge et une dégressivité des aides aux entreprises. Avec une rémunération équivalente, l'apprenti coûte beaucoup moins cher à l'employeur la première année que la deuxième, ce qui se justifie par le fait que, d'une année sur l'autre, il gagne en autonomie et en productivité. Afin d'inciter les entreprises à recruter des jeunes en apprentissage, nous ouvrons une aide unique de 6 000 euros pour toutes les entreprises de moins de cent cinquante salariés, ce qui diminuera leur reste-à-charge sans pénaliser les apprentis en termes de rémunération puisque, jusqu'à vingt ans, ils y gagneront.

Enfin, vous m'avez fait part, Madame Firmin Le Bodo, des inquiétudes de la FNSEA. Il existe, depuis 1923 ou 1930 selon les taxes, des exonérations de taxe d'apprentissage sectorielles. Or, le Conseil constitutionnel considère qu'elles constituent une rupture d'égalité. La suppression de l'exonération n'est donc pas un choix politique mais un impératif juridique. Le projet de loi entend en revanche exonérer de taxe d'apprentissage, toutes les entreprises de moins de onze salariés. Par ailleurs, l'agriculture étant l'un des secteurs le plus investi dans l'apprentissage, il devrait très largement bénéficier du système de péréquation : on estime entre 80 et 100 millions le montant de ses gains après redistribution.

Plusieurs questions m'ont été posées sur la formation. Nous sommes conscients que tous ne seront pas à l'aise avec l'application mobile que nous voulons lancer. C'est la raison pour laquelle nous tenons à ce que le conseil en évolution professionnelle puisse se matérialiser par un échange personnel avec un conseiller, de visu ou par téléphone. Ce conseil ne portera d'ailleurs pas que sur les métiers mais également sur le maniement des outils numériques, le cas échéant.

J'ajoute qu'un volet important du plan d'investissement compétences doit être consacré à l'éducation numérique pour tous, car il est essentiel que tous nos concitoyens puissent utiliser les outils numériques pour ne pas se retrouver socialement handicapés. Il est donc de notre devoir de les former et de les accompagner.

Nous n'avons pas l'intention de gouverner sans corps intermédiaires, dans aucun domaine, mais la conception de la régulation commune doit évoluer.

Quant aux prises en charge des formations, elles alimentent un faux débat dans la mesure où les coûts moyens de formation sont inférieurs à ceux que nous avons prévus dans la réforme. Nous avons prévu 14,28 euros par heure, un tarif supérieur au prix moyen actuellement pratiqué pour les CPF et par l'AFPA – 12 euros –, ainsi que pour les formations des demandeurs d'emploi. Certains OPCA financent à un coût supérieur, me direz-vous. En fait, de nombreux OPCA gonflent les prix et financent à un prix supérieur à celui du marché pour ne pas avoir à restituer des sommes en fin d'année. Ils le reconnaissent eux-mêmes. Nous avons testé toute une série de formations. Avec 800 euros, vous pouvez vous préparer au TOEIC (Test of English for International Communication) ou passer le Certificat d'aptitude à la conduite de chariot en sécurité (CACES), qui est très demandé. Au vu de la liste de formations accessibles, on peut dire que nombre de nos concitoyens auront les moyens de faire la formation de leur choix.

Vous m'interrogez aussi au sujet des salariés des OPCA. Une fois transformés en opérateurs de compétences, ils n'assureront plus la collecte des fonds – où ne réside pas la valeur ajoutée du paritarisme – mais les opérateurs de compétences joueront un rôle majeur dans divers domaines. Ils financeront les CFA, en application des coûts contrats définis au plan national, et les plans de formation des entreprises, sachant que ce système aura une dimension interprofessionnelle. Le financement étant garanti, ce n'est plus un problème.

Le dialogue social et le paritarisme seront nécessaires dans bien d'autres domaines, notamment pour aider les entreprises et les branches à une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Former pour former, cela ne sert à rien, mais nous n'avons pas forcément une vision très claire de ce que deviendront les métiers de tel ou tel secteur dans trois à cinq ans. Certains pays sont plus en avance que nous en la matière, et nous allons améliorer la situation en regroupant des branches. Pour les branches qui ne sont pas très outillées, les opérateurs de compétences deviendront un lieu très important où elles pourront identifier les métiers d'avenir, mettre au point de nouvelles formations, définir des plans d'investissement dans les compétences. Ces lieux seront utiles aux salariés et aux entreprises.

La réforme de l'apprentissage modifie la manière dont les certifications, titres et diplômes sont élaborés et on donne aux partenaires sociaux, au niveau des branches, la responsabilité d'élaborer les référentiels professionnels des diplômes. C'est une grosse révolution pour la France mais c'est très courant dans les autres pays. Le bon sens nous incline à penser que les professionnels sont ceux qui savent le mieux quels sont les métiers d'avenir. Il y aura ensuite un système de validation de ces diplômes. Les opérateurs de compétences pourront venir en aide aux branches les moins bien armées pour élaborer ces référentiels.

Les personnes chargées de la collecte seront certes amenées à changer de métier mais, la réforme s'effectuant par étapes, il sera possible de les aider à évoluer au sein des opérateurs de compétences.

J'en viens à l'AFPA, un très bel outil dont les 170 sites couvrent tout le pays. Cependant, l'AFPA accuse tous les ans un déficit structurel d'environ 100 millions pour un chiffre d'affaires de 800 millions, ce qui nous incite à repenser le modèle. Ce problème traîne depuis trop longtemps. L'AFPA a perdu beaucoup de marchés car, depuis la décentralisation, les régions font moins appel à ses services, ce qui est leur droit. L'AFPA s'est aussi trouvée en concurrence avec des organismes privés sans disposer des mêmes armes. Je ne suis pas sûre que sa mission de service public soit de former des cadres dans des domaines où il existe une offre de formation. Rappelons que lorsqu'elle a été créée, après la guerre, il y avait une faille générale de la formation professionnelle et des besoins immenses dans le pays.

Cette année, nous allons nous attacher à donner à cet organisme une vision, une visibilité et un plan stratégique de long terme. Les salariés et leurs partenaires supportent mal d'avoir à vivre au jour le jour. Nous avons besoin d'une AFPA recentrée sur des missions de service public qui font sens et pour lesquelles elle dispose d'un savoir-faire.

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Vous avez souhaité redonner du pouvoir aux entreprises, en simplifiant le plan de formation rebaptisé plan de développement des compétences, et en mutualisant une partie des fonds alloués à la formation pour soutenir les investissements des TPE et des PME françaises. Diverses mesures vont replacer les entreprises au coeur du système : simplification des démarches administratives, harmonisation des aides allouées pour favoriser l'apprentissage, contribution unique dont la collecte sera confiée à l'Urssaf.

L'entreprise doit être également une ressource pédagogique en tant que telle et l'incubatrice d'ingénieries pédagogiques innovantes. Pour les patrons de TPE ou de PME la construction d'un plan de formation reste un parcours du combattant. Contrairement aux chers de grandes entreprises, ils n'ont pas les moyens d'avoir un service dédié à la gestion de leurs ressources humaines.

Comment inciter davantage les chefs d'entreprise à devenir parties prenantes dans la construction du plan développement des compétences de leurs salariés ?

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Vous nous avez donné les grandes lignes de votre projet de loi mais j'aimerais avoir des précisions sur la place qu'il réserve à l'insertion par l'activité économique (IAE). Nous avons une ambition partagée pour cet outil qui recèle un véritable potentiel de développement territorial et une capacité à favoriser les parcours d'insertion. Je pense qu'il faut lui donner un deuxième cycle. Dans les parcours d'insertion, l'IAE exige des formations qui sortent du droit commun ; il y a des spécificités à intégrer. Quelle est votre position à ce sujet ? Dans quelle direction va votre projet ?

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Si votre projet de réforme inclut nécessairement les outre-mer, seul l'article 22 du texte témoigne d'une volonté d'adaptation spécifique à leurs singularités – chômage endémique, tissu économique très majoritairement constitué de TPE et PME, éloignement géographique.

Ce texte devrait revêtir une importance vitale pour nos économies. L'actuel article 22 dispose que les modalités particulières d'application outre-mer des nouveaux dispositifs – notamment celles qui concernent le financement de la formation – seront déterminées par décret. Cependant, les disparités sont telles entre l'hexagone et l'outre-mer que ce texte devrait comporter, il me semble, un titre spécifique à l'outre-mer.

J'appelle votre vigilance sur plusieurs points.

Premièrement, vous transformez les OPCA en opérateurs de compétences. De nouveaux agréments seront octroyés en 2019 et 2020. À partir de cette date, combien d'opérateurs seront-ils présents outre-mer ? Je crains que tout soit géré depuis l'hexagone, ce qui entraînerait un véritable déficit en matière de services de proximité et une doctrine d'intervention inadaptée. Quand on connaît l'étroitesse des marchés ultramarins, comment assurer l'implantation d'une offre de formation couvrant l'ensemble des champs de compétences nécessaires ?

Ma deuxième inquiétude porte sur la monétarisation des droits de formation : 500 euros par an, voire 800 pour les moins qualifiés, des sommes qui me semblent insuffisantes pour l'outre-mer. Comment prévoyez-vous de maîtriser les coûts de formation outre-mer, qui sont d'ores et déjà beaucoup plus élevés que dans l'hexagone ?

Dernier point et non des moindres : le transfert du pilotage de l'apprentissage aux branches professionnelles. Quand elles existent hez nous, les branches sont très insuffisamment structurées. Comment ne pas craindre cette privatisation du système pour nos territoires ? Quel avenir pour nos CFA ? Sachez que, quand un CFA ferme, nos jeunes sont obligés de se déraciner et d'aller se former à des milliers de kilomètres de chez eux.

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Je vous remercie pour vos explications très détaillées sur une réforme si importante pour notre pays, dont l'un des points cruciaux est de corriger notre système d'orientation. À titre d'exemple, il est frappant de constater que les collégiens d'un quartier défavorisé de Strasbourg sont orientés de manière massive vers les filières générales du lycée, au détriment des filières professionnelles d'apprentissage, ce qui illustre le déficit d'image de ces dernières.

Vous proposez donc, à juste titre, des améliorations significatives de l'orientation, en associant et en fédérant mieux la multitude des acteurs impliqués dans cette démarche essentielle : éducation nationale, services de l'État, branches professionnelles, entreprises, régions etc. Pouvez-vous expliciter le rôle précis assigné à chacun de ces acteurs ? Quel dispositif envisagez-vous pour les responsabiliser au profit d'une orientation réussie pour tous ?

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Alors que le projet de loi relatif à la formation professionnelle et à l'apprentissage sera prochainement débattu à l'Assemblée, nous clôturons les Assises des outre-mer, lancées par le Gouvernement en début de quinquennat.

Permettez-moi, chers collègues, de faire un lien entre ces deux calendriers, en souscrivant pleinement aux propos de ma collègue Hélène Vainqueur-Christophe. L'ambition, pour ne pas dire la copie finale, doit être dans les deux cas à la hauteur des enjeux et des attentes particulières – j'insiste sur ce terme – suscitées dans nos territoires.

Du fait de l'éloignement et de la taille de nos territoires, des adaptations seront nécessaires pour répondre au contexte et aux besoins particuliers des outre-mer en matière d'emploi, de formation professionnelle et d'apprentissage, d'accompagnement à l'emploi et dans l'emploi.

Le texte que vous nous présenterez comportera-t-il un volet ou un titre dédié aux territoires dits éloignés pour ne pas dire les outre-mer ?

Pouvez-vous me confirmer que le Fonds de gestion des congés individuels de formation (FONGECIF) et les Centres interinstitutionnels de bilan de compétences (CIBC) seront pérennisés, tout particulièrement dans ces petits territoires ?

L'opportunité d'ouvrir le CPF aux jeunes n'ayant pas encore exercé d'activité professionnelle pourrait-elle être étudiée, à titre expérimental, en Guadeloupe ?

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On entend parler de big bang de la formation, de révolution copernicienne de l'apprentissage, de sécurité sociale professionnelle. En fait, il y a un peu loin de la parole aux actes. À dire vrai, on a d'abord été saisi par la modestie de la réforme. Peu de gens entreront dans l'assurance chômage ; on ne sait pas comment le grand plan d'investissement sera financé si ce n'est par de la tuyauterie ; et vous vous engagez à former un million de chômeurs dans les cinq prochaines années, alors qu'il était d'abord question de former 500 000 demandeurs d'emploi en un an.

À mon tour, je voudrais revenir sur deux points qui suscitent des inquiétudes : la monétarisation des droits à la formation avec un prix de l'heure de cours estimé à environ 14 euros, et l'individualisation des droits.

Contrairement à ce que vous prétendez, dans certaines branches comme celle des industries électriques et gazières, il y aura moins d'heures pour les salariés, particulièrement pour les moins qualifiés d'entre eux dont les heures de formation étaient valorisées jusqu'à 64 euros. La formation des salariés va donc être affaiblie par la réforme.

Dans le système d'individualisation des droits, les catégories de formation sont supprimées. Or, les deux catégories existantes – l'une obligatoire et l'autre participant à l'enrichissement des compétences – faisaient partie du coeur du dialogue social dans l'entreprise. En les supprimant, vous avez individualisé les droits et rompu le lien entre l'entreprise et le salarié. Je crains que vous n'ayez fait le choix de faciliter les licenciements plutôt que celui de la formation interne à l'entreprise.

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Muriel Pénicaud, ministre du travail

La première et la dernière question portent sur la simplification du plan de formation qui devient le plan de développement des compétences. Le plan de formation actuel comporte quatre catégories et il est devenu un exercice très administratif dans les entreprises. En fait, ceux qui connaissent le monde de l'entreprise voient bien que les sujets se sont rejoints au fil du temps. Le système avait du sens au moment où il a été créé mais il n'en a plus beaucoup à présent. Sacrifier les catégories du plan va, au contraire, permettre le dialogue social.

Nous voulons simplifier la définition de l'action de formation. Actuellement, il existe des définitions différentes qui obligent à faire entrer les actions dans des cases, ce qui contribue à bloquer l'innovation. Notre pays est l'un de ceux qui ont le moins développé des systèmes hybrides où les formations peuvent être dispensées en partie à distance, comportent des phases très pratiques et d'autres plus théoriques. Nous devons faciliter ces innovations.

Qu'en est-il de la proximité des opérateurs de compétences ? La proximité est l'un des critères de leur agrément. L'État, les régions et les partenaires sociaux veilleront à un maillage très fin du territoire. Pour être efficace, ce service doit être de proximité. Cette réforme va donc simplifier le système, mais aussi apporter un soutien aux salariés et aux TPE et PME sur lesquelles portait la première question.

Nous allons instaurer une mutualisation des moyens qui vont aller des grandes vers les petites entreprises. Toutes les entreprises vont cotiser pour constituer une dotation qui sera affectée aux entreprises de moins de cinquante salariés. Compte tenu de la mutation des métiers, nous craignons en effet que de très nombreuses PME ne parviennent pas à prendre le virage et ne se trouvent en grande difficulté, au risque de menacer leur activité et leurs emplois. Il est donc essentiel d'anticiper. Une entreprise ne se développe pas dans un désert ; elle fait partie d'un écosystème constitué de fournisseurs et de distributeurs de proximité. C'est la raison pour laquelle nous allons demander à toutes les entreprises d'aider les plus petites d'entre elles.

Dans la liste des choses dont vous pourriez être choqués, j'aurais pu ajouter le fait que la mutualisation fonctionne actuellement à l'envers : les grandes entreprises récupèrent en moyenne plus d'argent qu'elles n'en ont mis dans les OPCA alors que c'est l'inverse pour les petites entreprises. Dans ce système de mutualisation un peu aberrant, des petites entreprises payent pour des grandes, sans forcément le savoir. Nous allons faire en sorte que la mutualisation soit à sens unique, des grandes vers les petites entreprises.

À cela, il faut ajouter que les opérateurs de compétences auront plus de temps pour développer un service de proximité auprès des TPE-PME, faire des ingénieries, monter des plans de formation pour une entreprise ou un groupement d'entreprises d'un même secteur ou d'un même bassin d'emploi. Quoi qu'il en soit, l'un des points essentiels est que les salariés des PME aient enfin accès à la formation.

Monsieur Viry, je partage votre intérêt pour l'IAE qui a fait ses preuves auprès de certains publics : les demandeurs d'emploi très peu qualifiés, très éloignés de l'emploi ou pas en mesure de prendre tout de suite le rythme d'un poste de travail à temps plein. L'IAE permet de procéder par étapes. Il est vrai qu'il faut parfois des compléments de formation. Dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences, une enveloppe sera réservée aux compléments pour l'IAE. Pour l'instant, nous n'avons pas prévu d'inscrire des mesures particulières dans la loi, mais je suis prête à y réfléchir : nous avons un grand réseau d'IAE mais le volet des compléments de formation pèche souvent car les OPCA ont tendance à considérer que les personnes concernées ne sont pas prioritaires car elles ne sont pas des salariés comme les autres. Cela va changer. Dans le cas des apprentis, des financements pourront aussi être accordés en fonction du coût contrat de chaque diplôme.

Madame Vainqueur-Christophe et madame Bénin, vous m'avez interrogée sur les outre-mer. Vous avez raison, c'est un sujet très important sur lequel les idées peuvent aussi venir des Assises des outre-mer qui se déroulent en même temps que les autres concertations.

Dans l'avant-projet de loi, il est prévu que les dispositifs puissent être adaptés en fonction des besoins de chaque territoire des outre-mer car entre la Guadeloupe et la Guyane, La Réunion et Saint-Martin, les situations sont assez différentes. Il faut pouvoir adapter certains dispositifs. Le caractère insulaire et éloigné de la métropole de ces territoires crée des contraintes et l'offre est moins mobile. Nous avons prévu d'en tenir compte.

Vous posez, à juste titre, la question de la représentation ou de la représentativité des branches professionnelles. Nous avons commencé à y travailler. Si madame la présidente en est d'accord, je souhaiterais aussi travailler avec les députés qui sont experts de ce sujet, afin de déterminer par avance quelles mesures devront être adaptées. La réforme de l'apprentissage va beaucoup aider au développement de ce type de formation outre-mer car le coût contrat sera garanti, alors que les financements sont actuellement très faibles dans certains territoires. Restera à régler le problème de l'offre et de la qualité des formations.

L'Accord national interprofessionnel, conclu par les partenaires sociaux, a abouti à l'idée de remplacer le FONGECIF par le CPF de transition professionnelle, sorte de complément du CPF. Il faut garder un dispositif – également géré par les partenaires sociaux – pour les formations qui sont trop longues et trop coûteuses pour entrer dans le cadre du CPF. Actuellement, le FONGECIF prend aussi en charge des formations courtes mais refuse un dossier sur deux. À l'avenir, les salariés n'auront plus ce frein pour les formations courtes dont ils pourront décider eux-mêmes. L'enveloppe dédiée aux formations les plus longues sera discutée au niveau territorial.

Nous avons repris une autre bonne idée émise par les partenaires sociaux : cesser d'obliger un salarié à faire toute une formation quand il maîtrise déjà une partie des savoirs dispensés, ce qui est assez décourageant pour lui et coûteux pour le système. Nous devons développer la validation des acquis avant formation afin de personnaliser et de raccourcir le parcours.

En ce qui concerne les montants alloués, j'aimerais insister sur le fait que le plan de développement des compétences est un tout qui peut être alimenté de diverses manières : par le salarié via son CPF, par l'entreprise sous forme d'accord de branche, d'accord collectif ou d'accord individuel avec son salarié. Pour en avoir discuté avec les responsables de la plupart des branches, je ne doute pas qu'ils seront prêts à financer tout ou partie des formations longues, certifiantes, très chères mais nécessaires à la profession. En revanche, ils seront moins intéressés par les formations qui n'ont pas d'utilité économique, qui ne seront pas reconnues ensuite dans l'entreprise et qui ne déboucheront pas sur un emploi.

Il faut que les mentalités changent en même temps que le système. Nous donnons plus de responsabilités et de liberté à l'entreprise mais les salariés et les demandeurs d'emploi peuvent aussi avoir leur avis. Dans un contexte où les métiers évoluent et où les salariés ne passent plus toute leur vie professionnelle dans une même entreprise, il n'est pas possible de s'en tenir au seul plan de formation d'entreprise. Seulement un salarié sur trois accède à une formation qui dure en moyenne trente-cinq heures. Il n'est pas possible de faire une formation longue, certifiante et qualifiante en trente-cinq heures.

Nous allons changer le paysage et les comportements en créant un double droit, l'un pour l'entreprise, l'autre pour le salarié qui aura aussi son mot à dire tout en étant accompagné. Pour décrire l'individualisation, je dirais que l'entreprise et le salarié seront dans le siège du conducteur. Pour le moment, les salariés se plaignent de ne pas avoir leur mot à dire et de devoir attendre qu'on leur propose éventuellement une formation. À l'avenir, l'entreprise et le salarié pourront exprimer leurs besoins. C'est une vision moderne du sujet, fondée sur une logique d'acteur. En adoptant cette démarche nous prendrons une longueur d'avance car elle préviendra beaucoup de ruptures sur le marché du travail. Les nombreux salariés qui ont envie d'évoluer pourront changer de métier et anticiper les mutations au lieu de les attendre passivement.

Monsieur Michels, vous m'avez interrogée sur l'orientation, sujet très important auquel je travaille avec Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal. Nous voulons que les régions puissent développer les échanges entre les établissements scolaires et les entreprises, et généraliser les nombreuses initiatives qui existent déjà, afin que les élèves puissent découvrir concrètement différents métiers par le biais de rencontres et de visites. Les régions pourront s'appuyer sur les directions régionales de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) pour créer des documents en ligne ou des supports papier adaptés au plan territorial. Dans les régions qui le souhaitent, des expériences seront menées pour faire évoluer les relations qu'elles entretiennent avec les services d'orientation.

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Ma collègue Marie Tamarelle-Verhaeghe s'associe à ma question sur les décrocheurs, quelque 100 000 jeunes qui sortent chaque année du système éducatif sans aucun diplôme. La région des Hauts-de-France en détient le triste record, avec un taux bien supérieur à la moyenne nationale.

Le taux de chômage des Français sans diplôme est de 18 % contre 5,6 % pour les titulaires d'un bac+2. Pour la collectivité, le coût du décrochage d'une personne, tout au long de sa vie, est estimé à 230 000 euros. Madame la ministre, vous avez donc raison d'affirmer que la compétence est la meilleure protection contre le chômage.

Le plan d'investissement dans les compétences appelle à faire preuve de solidarité collective afin de ne laisser personne sur le quai au moment où nous connaissons de grands changements sur le marché du travail, et afin que l'espace de liberté des plus vulnérables ne se rétrécisse pas davantage. Ces jeunes décrocheurs nécessitent une prise en charge spécifique pour qu'ils puissent valoriser leurs compétences et retrouver le désir d'apprendre.

Dès lors, madame la ministre, quels outils et quels efforts spécifiques d'accompagnement, de coordination et de prévention, comptez-vous renforcer et déployer afin que ces jeunes décrocheurs retrouvent la voie de l'emploi, leur dignité, la confiance et l'estime de soi ?

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Le chômage continue de frapper durement les personnes atteintes de handicap : près de 500 000 d'entre elles étaient inscrites à Pôle emploi à la fin juin 2017. Face à ce terrible constat, Sophie Cluzel a annoncé une réforme des dispositifs d'emploi pour les personnes souffrant de handicap. Ce plan visera à sortir de la seule politique des quotas pour inciter et ne pas utiliser seulement la coercition.

Ma question portera plus spécifiquement sur les personnes autistes qui subissent l'un des taux d'emploi les plus bas parmi tous les travailleurs en situation de handicap, alors qu'ils souhaitent un emploi et qu'ils ont les capacités de travailler. Les problèmes qu'ils rencontrent dans l'accès à l'emploi découlent de leur difficulté à comprendre les relations sociales et à gérer leur hypersensibilité sensorielle, ainsi que de l'intolérance des employeurs vis-à-vis de ces particularités, bien plus que de leur présumée déficience intellectuelle.

L'entretien d'embauche, basé sur les compétences sociales, est particulièrement discriminant pour les adultes autistes. Le système de l'emploi accompagné – dit job coaching – paraît donc intéressant et même pertinent pour résoudre leurs difficultés au moment du recrutement. Il faudrait surtout améliorer la formation, encore trop marginale, et dissiper le flou d'une appellation du handicap qui recouvre des situations extrêmement variées.

Quelles mesures spécifiques comptez-vous prendre en faveur des personnes autistes pour que leur handicap ne soit plus un frein à l'emploi ?

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Madame la ministre, étant donné que le projet de loi n'est pas déposé, je vais en profiter pour vous interroger sur un autre sujet : la situation du responsable syndical Gaël Quirante, militant de Sud Activités postales dans les Hauts-de-Seine.

Le groupe La Poste fut en son temps une belle entreprise nationale, avant que l'offensive contre le service public ne provoque une déréglementation, un démantèlement et une privatisation qui répondaient aux attentes des tenants du libéralisme. Militant infatigable contre ces logiques de restructuration et de précarisation du statut de La Poste, Gaël Quirante a subi un acharnement d'une rare violence. En quatorze ans, ce salarié a fait face à dix tentatives de licenciement et quasiment un an de mises à pied cumulées. Fort heureusement, l'inspection du travail a toujours refusé de suivre les procédures de licenciement, au motif que les sanctions étaient sévères, disproportionnées voire discriminatoires.

La dernière demande d'autorisation de licenciement, qui court depuis 2010, a été rejetée par l'inspection du travail en 2010, par le ministre du travail Xavier Bertrand en 2011, enfin par le tribunal administratif en 2014. La cour d'appel du tribunal administratif de Versailles a annulé ces décisions en avril 2017 et a renvoyé le dossier au ministère du travail. Vous avez choisi de valider ce licenciement, de vous associer à cette forme de chasse à courre à laquelle s'est livrée l'entreprise pendant quatorze longues années. En prenant cette décision qui ne vous honore pas, vous portez l'estocade. Nous souhaitons vivement que vous reveniez sur cette décision qui relève de l'injustice la plus insupportable.

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Ma question portera sur les allocataires du RSA. Le département du Nord, où je suis élue, compte plus de 115 000 allocataires du RSA dont 45 000 n'étaient pas engagés dans un processus d'insertion professionnelle. Le département s'est mobilisé, a innové, a créé des plateformes de retour à l'emploi. Dans votre projet, nous retrouvons cette conviction qu'il faut innover et avoir l'ambition de faire en sorte que le travail reste un vecteur d'émancipation et d'intégration dans notre société.

À l'heure où l'emploi repart – ce matin, nous avons eu de bonnes nouvelles à propos des intentions d'embauche – je sais que vous êtes attachée à ce que personne ne reste au bord de la route. Dans ce projet de loi et dans le plan d'investissement dans les compétences, quelle place ferez-vous aux allocataires du RSA ?

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Je souhaite vous interroger sur l'accompagnement des seniors en chômage de longue durée. La mise en oeuvre des parcours emploi compétences (PEC) repose sur le triptyque emploi-formation-accompagnement ; il positionne l'individu au centre et respecte la logique de parcours des personnes, ce qui se distingue finalement peu du contrat aidé tel qu'il avait été imaginé par le législateur.

Nos collègues sénateurs, qui ont rendu un rapport en février dernier, constatent cependant que ce PEC va exclure toute une partie des actuels bénéficiaires des contrats aidés sans leur ouvrir de nouvelles perspectives d'insertion. Les bénéficiaires des contrats aidés pour lesquels le volet formation est d'une utilité réduite – les chômeurs âgés de longue durée qui sont souvent des travailleurs reconnus handicapés mais ne bénéficiant pas de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) – risquent d'être exclus alors que le contrat aidé leur permettait de terminer leur vie professionnelle en attendant de pouvoir faire valoir leurs droits à la retraite.

Que proposez-vous comme dispositif spécifique en direction des seniors chômeurs de longue durée ?

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À la faveur d'une table ronde, j'ai eu l'occasion de rencontrer des directeurs de CFA qui, dans l'ensemble, étaient plutôt enthousiastes à l'égard des mesures annoncées. Ils m'ont toutefois fait part de quelques craintes. Ils redoutent notamment que les branches ne délaissent les diplômes professionnels pour développer une offre de formation centrée sur les titres professionnels. Les formations à des gestes opérationnels se feraient alors au détriment du socle de compétences et de l'enseignement général qui comporte, par exemple, l'éducation à l'exercice de la citoyenneté, comme le prévoit l'article L. 6231-1 du code du travail. Quelles garanties pouvez-vous leur apporter ?

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Muriel Pénicaud, ministre du travail

Madame Elimas, nous travaillons en étroite collaboration avec Sophie Cluzel et, une fois les concertations terminées, dans quelques semaines, nous communiquerons ensemble sur les points importants de ce projet de loi concernant le handicap.

Vous avez raison, il y a une méconnaissance très profonde de la diversité des handicaps, le cas des autistes l'illustre. Nombre d'employeurs ne pensent qu'aux personnes dont la mobilité est réduite, c'est-à-dire à 2 % des situations de travail, pour estimer que les caractéristiques de leur métier les empêchent d'employer des personnes handicapées. En outre, il y existe des tas de manières d'aménager un emploi pour le rendre accessible à une personne à mobilité réduite.

Les autistes souffrent beaucoup de cette image floue. L'un de nos objectifs est de changer de regard et nous pouvons nous appuyer sur des expériences extrêmement réussies. Certaines entreprises ont recruté des salariés autistes, c'est-à-dire des personnes qui possèdent des qualités différentes et qui ont bien d'autres choses à apporter qu'un handicap. L'un de nos objectifs est de valoriser l'apport des travailleurs handicapés, de mettre l'accent sur ce qu'ils ont au lieu de se focaliser sur ce qu'ils n'ont pas. Pour faire ce travail à la fois législatif et culturel, toutes les propositions seront les bienvenues.

Vous l'avez dit, monsieur Delatte, les jeunes décrocheurs représentent un problème majeur, même si, depuis quelques années, leur nombre est passé de 150 000 à 100 000 par an. Pour une cohorte de 750 000 jeunes d'une classe d'âge, ce nombre de 100 000 est énorme. En cumulé, nous avons 1,3 million de jeunes qui ne se projettent pas dans l'avenir.

Pour remédier à cette situation, nous allons mener diverses actions dont l'une concerne l'apprentissage. Nous constatons que beaucoup de ces jeunes n'accèdent pas à l'apprentissage parce qu'ils n'ont pas les codes sociaux et la manière de faire pour y parvenir. Dans les CFA, nous allons financer des prépas apprentissage à travers le plan d'investissement dans les compétences, afin de permettre aux jeunes de découvrir des métiers pendant deux ou trois mois, en reprenant une expérience très intéressante qui avait été conduite dans les Hauts-de-France.

Le plan d'investissement dans les compétences comportera aussi des formations qualifiantes et tout un programme d'innovations pédagogiques sur les compétences douces ou comportementales – les soft skills – qui consistent à maîtriser des savoirs de base, transversaux, et les codes sociaux. Une partie importante de ces jeunes ne pourra acquérir la compétence technique qu'une fois développées d'autres connaissances en matière de relations sociales, d'expression, de respect, de travail en équipe.

Madame Biémouret, pour créer le parcours emploi compétences à destination des seniors, qui repose sur le triptyque emploi-formation-accompagnement, nous avons en effet utilisé le socle juridique du contrat aidé. En revanche, il est faux de considérer que les seniors ne devraient pas avoir accès à la formation. Premièrement, on est senior longtemps. Deuxièmement, une formation peut être utile ne serait-ce que pour adapter une personne à un poste de travail. Le parcours emploi compétences est une formule limitée à neuf mois. Les seniors peuvent aussi évoluer et ils sont l'une des priorités des parcours emploi compétences confiés aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et à Pôle emploi.

Des craintes ont été exprimées concernant les CFA. Les diplômes et les titres professionnels nationaux sont conservés. Les partenaires sociaux qui, aujourd'hui, ne peuvent élaborer que des certificats de qualification professionnelle, pourront travailler au contenu professionnel des diplômes. Je rappelle aussi que le répertoire national des qualifications et des certifications ne comprend qu'une partie des qualifications de branche. Tous les certificats de qualification professionnelle n'appartiennent pas au répertoire. En clair, contrairement à vos craintes, les partenaires sociaux auront des responsabilités augmentées qui s'exerceront en amont sur les diplômes. Par ailleurs, nous prévoyons des dispositions relatives aux diplômes transversaux et nous assurerons leur financement.

Avec la reprise de la croissance, un certain nombre de nos concitoyens au RSA qui n'avaient plus d'espoir retrouvent celui de reprendre le chemin du travail. Dans cet état d'esprit, le travail n'est pas seulement une rémunération pour une activité, mais aussi du lien social. On se rend compte à quel point le chômage ou le RSA sont souvent « désocialisants ». Travailler est une fierté par rapport à ses enfants, à soi-même et à sa valeur sociale. Le travail reste la priorité à chaque fois que c'est possible, pour le plus grand nombre possible. Nous commençons à nouer des partenariats innovants avec les départements. Le plan d'investissement dans les compétences s'adresse aux plus vulnérables, donc nécessairement à des allocataires du RSA. Les partenariats avec les régions et les départements peuvent être des pistes intéressantes.

La question qui m'a été posée sur M. Quirante est un peu hors sujet, mais elle me donne l'occasion de rappeler les faits. En 2011, après une séquestration de cadres de la Poste qui avait eu lieu l'année précédente, onze personnes, dont M. Quirante, ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Nanterre. En 2013, la condamnation de M. Quirante a été confirmée par la cour d'appel de Versailles, avec deux autres des onze condamnations de 2011. Avant que la justice ne se prononce, l'inspection du travail et le ministre du travail, M. Xavier Bertrand, avaient successivement refusé le licenciement de M. Quirante, demandé par son employeur. J'insiste sur le fait que, depuis, la justice a condamné M. Quirante au pénal à deux reprises, en première instance et en appel. Il s'agit d'une condamnation lourde qui n'est pas fréquente.

Une fois les faits établis par la justice, en avril 2017, la cour administrative d'appel a annulé la décision de l'inspection du travail et du ministre. Dès lors, refuser à nouveau ce licenciement aurait constitué un déni de justice : ce serait s'asseoir sur l'autorité de la chose jugée, principe fondamental de notre droit. Je ne considère pas qu'une décision ministérielle l'emporte sur une décision judiciaire. À partir du moment où la justice pénale et la justice administrative se sont prononcées, il est clair que la ministre que je suis doit respecter leurs décisions et autoriser le licenciement. Il s'agit d'un acte totalement corrélé à une décision de justice.

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Chaque année, des centaines de jeunes quittent l'Alsace afin de signer un premier contrat d'apprentissage en Allemagne. Si l'article 30 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, et le code du travail étendent la possibilité pour un apprenti d'effectuer une partie de sa formation dans une entreprise d'un autre État sans restriction géographique, ce premier contrat d'apprentissage en Allemagne n'est malheureusement pas pris en compte pour le calcul de la rémunération du contrat d'apprentissage suivant.

En cas de succession de contrats d'apprentissage, la prise en compte de l'ancienneté acquise à l'étranger peut-elle être prévue dans votre projet de loi afin de valoriser ces expériences très enrichissantes pour nos apprentis ?

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Dans l'article 10 de l'avant-projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, vous souhaitez étendre les missions des régions en matière d'orientation, ce qui m'amène à faire un lien avec l'apprentissage et les lycées professionnels.

Vous prévoyez de transférer les directions régionales de l'ONISEP aux régions. Près de trois cents fonctionnaires de cet opérateur rattaché au ministère de l'éducation sont concernés. Ils disposeraient de deux ans pour exercer leur droit d'option, et, éventuellement, pour rejoindre la fonction publique territoriale.

Dans le même temps, le ministre de l'éducation nationale propose, dans le cadre de la réforme du lycée, la fermeture du réseau des centres d'information et d'orientation (CIO). Les 3 700 psychologues de l'éducation nationale qui travaillent dans ces centres seront affectés dans les lycées, sans autre forme de négociation.

Les mots ont un sens y compris lorsqu'ils qualifient une fonction ou une mission. Les conseillers d'orientation ont une mission d'information et d'accompagnement auprès des jeunes, alors que les psychologues jouent un rôle important dans les collèges et lycées, plus particulièrement pour la prise en charge de toutes les difficultés personnelles, psychologiques et familiales de certains de nos adolescents. Les problèmes spécifiques que ces derniers rencontrent peuvent évidemment être liés aux parcours d'apprentissage, mais il faut qu'ils soient entendus et reconnus par des professionnels dont c'est la mission.

Ces deux réformes inquiètent les acteurs de l'orientation. En fragilisant l'ONISEP et les CIO, vous prenez le risque que des organismes privés, déjà bien implantés dans certains territoires, prennent le relais en matière d'orientation. Les élèves et les familles qui bénéficient d'un service public gratuit de proximité pourraient être amenés à payer pour un service auquel ils ont droit. Enfin, nous devons être attentifs à ce que l'information donnée aux élèves et aux étudiants par le nouveau service régionalisé ne se limite pas aux frontières de la région, ce qui serait un non-sens à l'heure où les parcours de formation se réalisent à l'échelle nationale et internationale.

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Grâce aux mesures annoncées, nous pouvons espérer plus d'autonomie dans la recherche des formations et dans la construction des parcours professionnels. L'accès à l'information sur les offres de formations, mais également l'accès à une bonne orientation sont deux conditions indispensables à la réussite de ces parcours. On ne peut donc que se réjouir du renforcement du compte personnel de formation dans la prochaine loi. Je m'interroge cependant sur le lien crucial entre les formations proposées et les besoins des territoires comme des entreprises. Comment envisagez-vous d'articuler cette plus grande autonomie de choix dans la recherche de formation avec les réalités territoriales ?

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Vous avez évoqué les savoir-être en parlant de la prépa apprentissage. Quel renforcement prévoyez-vous, en coordination avec les ministères responsables, pour que l'éducation aux savoir-être soit assurée systématiquement dès le plus jeune âge ? Cet apprentissage doit se faire en symbiose avec la construction de la personne et de sa personnalité. Avez-vous travaillé sur ce sujet ?

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Si 66 % des cadres suivent une formation dans l'année, ce pourcentage chute à 38 % pour les employés, 34 % pour les ouvriers, et 10 % à 15 % pour les chômeurs. Les moins qualifiés ne voient pas assez l'intérêt de se former. Pour les aider à franchir le pas culturel qui les sépare du droit à la formation que le Gouvernement entend accroître, il faut que les entreprises elles-mêmes se saisissent de ce dispositif et invitent leurs salariés à en user. Or, nous savons que les TPE et les PME au sein desquelles travaillent l'immense majorité des salariés accusent un retard en matière de formation professionnelle et d'apprentissage. Comment accompagner ces PME et TPE ? Si elles sont d'accord pour que le contenu des formations proposées aux salariés soit défini au niveau des branches, elles craignent que la gestion des fonds dédiés à ces formations réponde surtout aux besoins des grands groupes qui dominent les différentes branches.

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Avec la révision de la directive de 1996 sur les travailleurs détachés, l'Europe a obtenu une nouvelle victoire pour sa construction sociale. Ce texte doit être encore voté, mais la qualité des négociations reflète notre ambition pour une Europe sociale qui protège ses salariés. Le 12 février dernier, lors de la réunion de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, vous annonciez seize mesures concrètes de lutte contre la fraude au détachement et au travail non déclaré dans notre territoire, afin de préserver les intérêts des salariés. Dès 2019, la création d'une autorité européenne du travail marquera significativement la sécurisation des droits, le contrôle des salaires, la coordination des règles de protection, l'accès aux informations…

Seize millions d'Européens vivent et travaillent dans un État membre autre que celui dont ils sont ressortissants : ils sont deux fois plus nombreux qu'il y a dix ans. Ma question concerne les compétences acquises sur le sol européen, et la protection des personnes concernées. Comment encouragerez-vous Erasmus Pro, destiné aux apprentis, tout en protégeant ces travailleurs européens ?

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Muriel Pénicaud, ministre du travail

Aujourd'hui, 6 500 jeunes apprentis bénéficient d'Erasmus Pro. J'en ai rencontré beaucoup lors de diverses remises de prix et j'ai été frappé par leur formidable enthousiasme. Comme les étudiants passés par Erasmus, les apprentis qui ont vécu Erasmus Pro sont plus matures et plus ouverts. Ils ont appris d'autres manières de faire, d'autres manières d'être, et ils sont devenus Européens. Ils comprennent ce qu'est l'Europe parce qu'ils se sont fait des amis partout, et qu'ils ont créé du lien social.

Erasmus Pro est un extraordinaire accélérateur de maturité, d'ouverture, et de savoir-faire. Un certain nombre de freins s'opposent toutefois à son développement, nous aurons l'occasion d'en parler lors de l'examen du projet.

La question de la suspension du contrat de travail est maintenant réglée, mais celle de la reconnaissance des formations se pose toujours. Les étudiants bénéficient de la reconnaissance des diplômes, mais les compétences acquises par l'apprenti qui aura passé six mois à l'étranger ne sont pas prises en compte. Ce sujet fait partie des éléments importants du projet de loi.

Aujourd'hui, Erasmus Pro s'apparente à un stage de découverte pendant deux ou trois semaines. Demain, il sera possible de travailler vraiment dans un autre État membre durant tout un semestre, et le jumelage de CFA permettra une reconnaissance des acquis. Les choses seront donc très différentes, et l'expérience européenne entrera dans le cursus de formation de l'apprenti, contrairement à ce qui se passe actuellement. Cette solution devrait régler une partie des questions qui se posent en cas de passage par l'Allemagne. La meilleure hypothèse étant celle où un jeune disposant d'un contrat en France fait une partie de son apprentissage, pendant six mois ou un an, en Allemagne. Nous saurons valoriser cette expérience. Il restera la question du contrat d'apprentissage effectué uniquement en Allemagne : comment le reconnaître dans notre système ? Qu'en sera-t-il de la réciproque ? Nous pourrons nous intéresser à la question.

Le principe « à travail égal, salaire égal » introduit dans la directive « travailleurs détachés » constitue une grande avancée – les suppléments de salaires seront également pris en compte. Il assurera une meilleure protection des travailleurs, et rendra plus efficace la lutte contre la concurrence déloyale. Le contrôle sera renforcé, et la France est favorable à la création d'une autorité européenne du travail. Si aucun contrôle commun n'est effectué, il sera assez facile de passer entre les mailles du filet, et de créer des sociétés boîtes aux lettres. Certes, j'ai déjà signé huit accords bilatéraux, mais le traitement au niveau européen est préférable.

Ajoutons que le détachement sera limité à douze mois, avec un prolongement de six mois possible par dérogation pour finir un chantier. Nous avons voulu construire un système protecteur, en particulier pour les petites et moyennes entreprises et les salariés. Nous viendrons un jour devant vous pour transposer la directive sur les travailleurs détachés qui constituera un texte très utile.

Deux questions se posent s'agissant de l'orientation.

L'article 10 fait référence à une convention qui fixera les modalités de participation des services et des établissements de l'État au service public régional d'orientation. La région dispose déjà d'une compétence en matière de service public régional d'orientation. Pour répondre à l'une de vos questions, nous n'imaginons pas qu'elle revienne à une autre entité que l'État et la région : l'orientation est bien un service public. Évidemment, cela n'empêche pas de faire intervenir des professionnels pour rencontrer des jeunes et leur expliquer les métiers ; c'est du bon sens. L'organisation reste toutefois entre les mains du service public, sous la houlette de la région, avec les concours des personnels de l'éducation nationale et des établissements.

Les modalités, définies par décret, connaîtront probablement une phase expérimentale qui pourrait durer trois ans. Nous envisageons ce délai avec M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, car certaines régions sont déjà prêtes alors que d'autres le sont beaucoup moins.

Les CIO ne sont pas dans mon champ de compétences, toutefois je peux vous dire qu'il ne s'agit pas de les fermer mais simplement de rapprocher les conseillers d'orientation des élèves. Il est logique de les trouver dans les lycées et les collèges plutôt que dans des lieux séparés. Les évolutions auront, de toute façon, lieu de façon progressive, dans le cadre d'une coopération entre le ministère de l'éducation nationale et les régions, et dans le respect des uns et des autres – en particulier du personnel, bien évidemment.

L'apprentissage des savoir-être est essentiel. On estime que ce problème est à l'origine d'une partie significative des emplois et des formations non pourvus. Le sujet n'est pas franco-français : on le retrouve dans tous les pays. De nombreux jeunes rencontrent cette difficulté, car ils n'ont connu ni les apprentissages collectifs, ni les situations de travail, ni la vie associative, autant d'expériences qui permettent d'apprendre les codes sociaux.

Je ne commenterai pas la réforme présentée par le ministre de l'éducation nationale, mais vous avez constaté que, dès l'école primaire, on ajoute l'apprentissage du respect au triptyque « lire, écrire, compter ». Les choses commencent aussi là.

La question du lien avec les besoins des entreprises et des branches avait fait l'objet d'une longue discussion avec les régions afin qu'elles passent des contrats d'objectifs et de moyens avec les branches. Les régions ont en effet une compétence en matière de développement économique, une compétence renforcée en matière d'information sur les métiers, et une compétence en matière de formation des demandeurs d'emploi. De leur côté, on peut dire que dans le système actuel, les branches et les entreprises sont peu mobilisées s'agissant de l'apprentissage. Or l'apprentissage ne sera jamais une réussite, quel que soit le pays concerné, si on laisse le service public s'en préoccuper seul, qu'il s'agisse de l'État ou des régions. Il faut mobiliser les partenaires sociaux et les entreprises qui sont prêtes à agir, et il faut qu'ils puissent se parler, en particulier s'agissant des investissements.

Certaines branches sont prêtes à abonder les investissements des régions, il faut qu'un cadre commun le leur permette. Le contrat de plan État-région doit permettre de discuter d'un sujet qui concerne l'éducation nationale, les régions, les branches, et les professions. Il faut aussi qu'il puisse y avoir des contrats d'objectifs et de moyens des régions avec les opérateurs de compétences pour le compte des branches.

Toute cette articulation territoriale est très importante. Les quatre schémas régionaux concernant ces sujets pourraient être fusionnés afin que les partenaires disposent d'un « tout en un », et qu'ils puissent décider, dans une logique d'aménagement du territoire, où il faut investir, dans quel secteur, ce que va faire la branche, ce que fait la région…

Je connais bien le secteur territorial, et je suis assez confiante. Aujourd'hui s'expriment des positions de principe, mais, dans l'action, la très grande majorité des acteurs de terrain n'auront qu'une idée : aider nos jeunes et nos entreprises. Je suis confiante : nous y arriverons.

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Madame la ministre, vous avez décidé d'intégrer au projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de nombreux éléments qui constituent autant de régressions. Parmi celles qui se cachent dans le texte, citons le retrait des partenaires sociaux de la formation professionnelle, de nouvelles dérogations favorisant le travail détaché, l'organisation du pantouflage des fonctionnaires…

Durant sa campagne électorale, le candidat Macron s'est engagé à ce que les démissionnaires bénéficient de l'assurance chômage, mais un nouveau renoncement se profile – on ne les compte plus désormais. En effet, cette indemnisation sera tellement conditionnée que le champ d'application de la mesure se réduira à quelques milliers, voire quelques dizaines de milliers de personnes.

En revanche, vous poursuivez l'oeuvre entreprise avec vos ordonnances en supprimant encore des protections prévues par le code du travail. Cette fois, vous comptez vous attaquer aux droits des apprentis. Vous prévoyez notamment de nouvelles dérogations pour augmenter le nombre d'heures travaillées par jour ou pour faciliter les ruptures de contrat par les employeurs. Il y avait pourtant mieux à faire pour nos apprentis, en particulier augmenter leur rémunération, car, aujourd'hui, l'apprentissage est surtout un réservoir de main-d'oeuvre pas chère – raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables à son développement. Nous proposions plutôt, durant la campagne présidentielle, celui des filières professionnelles, avec la création de lycées professionnels spécialisés dans des domaines liés à leurs zones d'implantation – je pense aux lycées des métiers de la mer, par exemple à La Réunion.

Madame la ministre, n'avez-vous pas encore une fois manqué l'occasion d'améliorer concrètement la vie des travailleurs et de les protéger ?

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Pour favoriser l'entreprise inclusive, vous proposez de renforcer les obligations d'emploi des personnes handicapées. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Comment comptez-vous renforcer le cadre d'intervention des entreprises adaptées ? Quelles sont les dispositions contenues dans le volet handicap ? Que visez-vous précisément lorsque vous proposez d'inclure dans la représentation des salariés les bénéficiaires d'un contrat unique d'insertion ?

Nous serons amenés à nous poser une question lorsque nous examinerons votre texte : pouvons-nous faire encore plus ?

Vous avez confié à Mme Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées, une mission sur l'employabilité des personnes en situation de handicap. Nous nous appuierons sur son rapport pour vous soumettre plusieurs contributions.

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J'appelle votre attention sur un dispositif d'insertion professionnelle relativement méconnu : le service militaire volontaire. Il est en phase expérimentale, et le site pilote en Île-de-France se trouve à Brétigny-sur-Orge, au coeur de ma circonscription. Avec des financements qui proviennent aujourd'hui exclusivement du ministère de la défense, les résultats enregistrés sont remarquables. En deux ans, plus de 1 000 jeunes en grande difficulté, éloignés de l'emploi, ont pu s'intégrer dans la vie active avec une nouvelle perspective d'avenir

Bénéficiant d'une formation militaire de sept semaines, puis de seize semaines de remise à niveau scolaire et de formation complémentaire, ils accèdent ensuite à une véritable formation professionnelle de 400 heures en lien avec les organismes de formation, la mission locale, Pôle emploi, et les entreprises partenaires de l'opération. Ces jeunes retrouvent confiance en leurs capacités, ils se resocialisent et ils décrochent des métiers dans diverses filières.

L'expérimentation prenant fin en 2018, et compte tenu de son efficacité, que serait-il envisageable de faire au titre des prochaines mesures de la réforme pour pérenniser ce modèle sur tout le territoire et mieux inscrire et identifier ce dispositif dans l'offre de formation ?

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Qu'est ce qui justifie que la limite d'âge pour devenir apprenti soit fixée à trente ans ? Si l'on considère que l'apprentissage est une voie d'insertion professionnelle, est-il nécessaire de retenir un critère d'âge. Pourquoi ne pas envisager l'apprentissage tout au long de la vie active ?

Le financement de la formation en alternance reposera sur une cotisation unique qui ne sera plus collectée par les OPCA, mais par les Urssaf qui les redistribueront aux acteurs concernés. Pourquoi les Urssaf ? Ne craignez-vous pas que leur image trop administrative, et la façon dont les entreprises les perçoivent constituent un frein ?

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J'associe Mme Fiona Lazaar à ma question. Madame la ministre, vous avez évoqué l'enjeu qui consiste à accompagner la croissance et à s'assurer qu'elle est inclusive. Il est vrai que personne ne doit être exclu des réformes que nous menons. Aussi, quand nous parlons d'apprentissage et de formation professionnelle, comment ne pas évoquer les disparités entre les hommes et les femmes, inégalités persistantes qu'il faut combattre dans toutes les strates de notre société ?

L'apprentissage et la formation professionnelle ne sont pas exonérés des efforts à fournir. Aujourd'hui, les femmes sont clairement désavantagées dans l'accès aux principaux dispositifs de formation, seules 40 % des salariées éligibles bénéficient du plan de formation des entreprises. Même après avoir bénéficié d'une formation, les femmes continuent de subir les inégalités puisque la valorisation financière des rémunérations des hommes du fait des formations est supérieure à celle des rémunérations des femmes. Un rapport a été rédigé sur ces sujets par Catherine Smadja-Froguel, après des échanges avec le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui dresse un bilan critique de la formation professionnelle. Le constat est net : elle ne permet pas de renforcer l'égalité entre les hommes et des femmes, et elle renforcerait même les inégalités déjà fortes dans le monde du travail.

Comment la réforme de la formation et de l'apprentissage peut-elle participer à la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes ?

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Je m'interroge sur la mise en oeuvre du droit à la démission, qui semble dépendre de l'existence d'un projet professionnel assez formalisé. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Sera-t-il par exemple possible de démissionner dans ces conditions pour chercher un emploi plus adapté à sa vie de famille ? Quid de la personne qui voudrait changer de cadre professionnel sans avoir une vision précise de son futur poste ? Par ailleurs, que se passera-t-il si l'on a annoncé son projet, et que l'on fait marche arrière en cours de route ?

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Madame la ministre, au nom des habitants de l'outre-mer aujourd'hui sans emploi, je vous demande des réponses directes.

Il faut dire que, depuis le début de la législature, nous ne vous avons pas vraiment entendue sur les spécificités de nos régions, alors qu'elles sont particulièrement sinistrées en termes d'emplois et que le taux de chômage y est deux fois plus élevé qu'en métropole. Où en êtes-vous dans votre politique de l'emploi outre-mer, en particulier à La Réunion ? L'investissement dans les formations n'a pas été réellement efficace. La plupart du temps, elles n'ont pas abouti à un emploi à la sortie des cursus, et le taux de chômage est resté identique : plus de 23 %, tous âges confondus, et plus de 55 % pour les jeunes.

Par ailleurs, Pôle emploi n'est pas assez efficace pour aider et accompagner les chercheurs d'emploi à trouver du travail. Il faut consentir des efforts supplémentaires pour améliorer la coordination des équipes en diminuant l'externalisation des services de suivi afin d'éviter la multitude des prestataires. Il faut assurer un suivi régulier renforcé et personnalisé. Cela implique d'augmenter le nombre de conseillers de Pôle Emploi : aujourd'hui submergés par le nombre de dossiers à traiter, ils ne peuvent plus le faire efficacement quand ils ont encore le temps d'en prendre connaissance.

Quelle méthode et quels investissements ciblés seront choisis pour assurer une meilleure efficacité de Pôle emploi ?

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Dans une publication récente, l'UNEDIC a montré que les contrats courts avaient un impact sur l'équilibre financier du régime de l'assurance chômage. Un déficit de 8 milliards est constaté pour les CDD et les missions d'intérim alors que l'écart entre les allocations versées et les contributions reçues pour les CDI présente un excédent de plus de 10 milliards.

Dans ses orientations pour la réforme de l'assurance chômage, si les mesures proposées par les partenaires sociaux se révèlent insuffisantes, le Gouvernement envisage de recourir à un système de bonus-malus visant à lutter contre le travail précaire qui pèse lourdement sur les comptes de l'UNEDIC. Pouvez-vous nous en dire plus des objectifs fixés avec les partenaires sociaux ? Quel est l'ordre de grandeur de l'effort attendu en valeur ou en nombre ?

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Muriel Pénicaud, ministre du travail

S'agissant des démissionnaires, nous nous conformons à l'accord national interprofessionnel. Les partenaires sociaux ont appelé notre attention sur les conditions à respecter pour créer un vrai droit et non un trompe-l'oeil. La pire des situations consisterait à provoquer chez un grand nombre de salariés un raisonnement du type : « Maintenant, j'ai un droit à la démission avec la garantie de bénéficier de deux ans d'assurance chômage. Si j'ai un conflit dans le travail ou que quelque chose ne va pas, je me mets au chômage, et on verra après. » Ce « on verra après » cache un danger terrible, car les démissionnaires risquent de devenir des chômeurs de longue durée. Nous aurions ainsi fait miroiter une démarche dangereuse. En accord avec les partenaires sociaux, nous avons donc retenu la logique du projet. Il peut s'agir de la création d'une entreprise, d'une reconversion, d'un changement de cadre après une mutation, ou encore d'un souhait de changer de secteur. Ça peut être tout cela.

Un conseil en évolution professionnelle sera systématiquement assuré : si quelqu'un veut se reconvertir dans un secteur où il y a plus du tout d'embauche, on lui dira « non », et on lui expliquera que son projet l'emmène dans le mur. En revanche, pour se reconvertir ou créer une entreprise dans un secteur porteur, il pourra bénéficier de la sécurité qu'apporte le dispositif – le compte personnel de formation pourra aussi être utilisé.

Pourra-t-on revenir en arrière ? Pour cela, il faudrait retrouver un emploi. Le conseil en évolution professionnelle appellera l'attention sur le fait que démissionner, c'est renoncer à un CDI. Il faut tout de même bien réfléchir. Cela dit, je pense que pas mal de gens ont un projet personnel. Depuis que le dispositif a été présenté, on me demande souvent dans la rue : « C'est pour quand ? Je voudrais créer mon entreprise. » Plein de gens ont des idées qu'ils pourront mettre en oeuvre grâce aux conseils qui leur seront dispensés.

Ce dispositif donnera le sentiment de ne pas être coincé quelque part pour toute la vie. Une telle situation n'est d'ailleurs pas non plus idéale pour les entreprises : si des salariés restent chez vous parce qu'ils n'ont pas d'autre choix, ce n'est pas la meilleure des configurations en termes d'engagement, d'efficacité et de productivité. Je crois que cette souplesse sera bonne.

Les contrats courts, CDD et intérim, coûtent 8 milliards par an à l'assurance chômage, soit beaucoup plus que les cotisations, sachant que ses dépenses annuelles s'élèvent à 33 milliards, et son déficit à un peu plus de 3 milliards. Le système pérenne d'emploi finance donc le système plus précaire. C'est logique puisqu'un travailleur précaire aura plus souvent recours à l'assurance chômage.

Au sein des mêmes branches, dans les mêmes métiers, on constate toutefois des différences de pratique énormes qui relèvent plutôt de la gestion de ressources humaines que des spécificités d'un métier. Il est par exemple évident que tout le secteur des vendanges est concerné puisqu'il fait appel à un travail saisonnier par nature, mais nous parlons d'autre chose. Les partenaires sociaux ont souhaité que nous les laissions prendre des dispositions au niveau des branches d'ici à la fin de l'année. Nous ne disposons pas d'un chiffrage a priori, mais nous ferons des simulations à partir des résultats de leurs négociations pour voir si les avancées sont suffisamment significatives. La loi prévoit la possibilité d'aller plus loin ou d'étendre les dispositions à d'autres branches par décret.

Nous considérons qu'au moment où la croissance reprend, il n'est pas bon de conserver un déficit d'assurance chômage aussi élevé en même temps qu'une telle précarisation : des personnes restent dans la précarité alors qu'elles pourraient accéder à un emploi plus permanent. Je rappelle que l'emploi permanent donne plus d'autonomie, une capacité d'emprunter, une capacité à se loger… Bref, il s'agit tout de même d'une autre situation. Il existe bien une petite minorité, en général des jeunes, pour laquelle ce n'est pas une priorité, mais la grande majorité des gens cherchent un CDI. En conséquence, si la précarité n'est pas rendue nécessaire par des raisons économiques liées à l'activité d'un secteur, il n'y a pas tellement de raisons de ne pas avancer sur ce dossier.

Madame Ramassamy, je n'ai pas un avis aussi négatif que vous sur Pôle emploi. Tout n'est pas égal partout, mais le taux de satisfaction des demandeurs d'emploi et celui des entreprises augmentent chaque année pour atteindre 75 %. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'efforts à faire. Il faudra en particulier proposer un accompagnement plus rapide et plus personnalisé. Pôle emploi compte 55 000 agents, ce qui représente une belle force de frappe. Un processus de dématérialisation de nombreux actes administratifs est en cours. Il libérera le temps consacré à ces tâches et permettra d'en prendre davantage pour conseiller les demandeurs d'emploi et les entreprises.

Nous faisons évoluer certains éléments du droit du travail concernant les apprentis car, pour un petit nombre de métiers, il comporte encore des éléments aberrants. Aujourd'hui, les apprentis boulangers ne peuvent, par exemple, pas apprendre à faire le pain car, n'étant pas majeurs, ils ne sont pas autorisés à travailler à l'heure à laquelle on le fabrique. Ils viendront plus tôt et ils partiront plus tôt : nous ne proposons que des modifications de bon sens. Elles ne sont d'ailleurs pas nombreuses. J'ai eu la surprise de constater que beaucoup de choses avaient déjà été réglées, mais que les entreprises n'étaient pas toujours au courant. Nous avons besoin de communiquer. Par exemple s'agissant de la hauteur des échelles sur lesquelles les mineurs peuvent monter, il existe un décret de 2015 qui règle en grande partie le problème, mais qui n'est pas connu des entreprises. Il y a moins de freins que ce que l'on croit.

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Muriel Pénicaud, ministre du travail

Il faut effectivement régler cette question.

S'agissant des ruptures de contrat, le licenciement sera possible pour faute lourde ou grave, mais cette situation est rare, et, inversement, la démission de l'apprenti sera possible alors qu'elle n'est pas reconnue aujourd'hui. Il faut des droits clairs. En gros, il s'agira du droit commun qui est équilibré. Nous souhaitons aller dans ce sens.

Le service militaire volontaire est un bon dispositif en outre-mer et dans certaines parties de la métropole. Il faut évoquer à ce sujet la question des centres de l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDE), et le futur service national universel. Pour certains, ces dispositifs permettent l'orientation professionnelle. Nous aurons à revenir sur ces sujets, même s'ils ne sont pas traités dans le projet de loi.

L'avant-projet est incomplet en matière de handicap. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui ce qu'il comprendra à propos de l'entreprise inclusive puisque les concertations sont en cours : je ne veux pas aller plus vite que la musique. Mme Dominique Gillot doit remettre son rapport d'ici à la fin du mois ; nous pourrons donc en reparler. C'est évidemment un aspect très important du futur projet de loi.

Nous avons fait passer la limite d'âge pour l'apprentissage de vingt-six à trente ans parce qu'un certain nombre de jeunes se trouvent après avoir un peu cherché leur voie. Certains, après deux ou trois ans à la fac, découvrent qu'ils veulent devenir tailleur de pierre ou électricien. Il fallait repousser cette limite pour les jeunes parce qu'ils ne font pas tous leur chemin à la même vitesse. Le droit de tâtonner est fondamental. Fallait-il la supprimer ? L'apprentissage peut-il être un dispositif d'accès à l'emploi et à la reconversion ? Dans cet esprit, nous disposons déjà le contrat de professionnalisation, et aucun des partenaires sociaux n'a fait de proposition en ce sens. Cette possibilité est toutefois déjà ouverte pour les travailleurs handicapés et les sportifs en reconversion. Nous pouvons réfléchir à une extension à d'autres cas à titre expérimental, je ne suis pas fermée sur le sujet. Voyons tout de même si cela fait sens. Il existe aujourd'hui deux dispositifs, et il ne faut pas créer de la complexité pour la complexité.

Les inégalités professionnelles sont multiples, celles relatives aux salaires et aux carrières sont évidentes. Mme Marlène Schiappa et moi-même connaissons bien ce sujet sur lequel nous sommes actives depuis plusieurs années. La concertation en cours avec les partenaires sociaux est très intense – nous avons prévu huit réunions. Ils sont très engagés et nous devrions aboutir à ces conclusions intéressantes.

Nous réglons le problème du temps partiel, qui concerne à 80 % les femmes, en donnant un droit égal à la formation pour les personnes à mi-temps et à temps plein. Au-delà, nous verrons dans les semaines qui viennent s'il faut proposer autre chose en matière de compétence – en matière de salaire, c'est en revanche une évidence.

La question du contrat unique d'insertion est déjà réglée à ma connaissance. Vous évoquez des publics déjà bénéficiaires, et des prises en charge majorées existent.

Les entreprises, surtout les petites, nous disent qu'entre l'apprentissage, la formation et les autres droits, elles font une dizaine de virements à des endroits différents. Nous voulons seulement simplifier la collecte. L'Urssaf n'aura en revanche aucun pouvoir de répartition. La loi prévoira que ce qui relève du compte personnel de formation ira directement à la Caisse des dépôts et consignations, qui paiera les organismes sur décision des individus. La partie alternance et apprentissage ira directement à France compétences qui fera la répartition avec les opérateurs de compétences d'une façon régulée entre l'État, la région et les partenaires sociaux – elle effectuera la péréquation entre les branches. L'Urssaf sera uniquement un canal de recouvrement qui simplifiera la vie des entreprises. Les aides aux entreprises pourront aussi être versées immédiatement.

Je crois avoir répondu à toutes vos questions. Elles montrent l'importance que vous accordez à ce texte et augurent d'un débat riche qui apportera beaucoup au projet de loi.

La séance est levée à dix-neuf heures cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 16 heures 15

Présents. - Mme Delphine Bagarry, Mme Ericka Bareigts, Mme Gisèle Biémouret, M. Bruno Bilde, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, Mme Patricia Gallerneau, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Jean-Carles Grelier, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, M. Mustapha Laabid, Mme Charlotte Lecocq, Mme Geneviève Levy, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, Mme Valérie Petit, Mme Michèle Peyron, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Aurélien Taché, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Élisabeth Toutut-Picard, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, M. Olivier Véran, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner

Excusés. - M. Belkhir Belhaddad, M. Paul Christophe, Mme Claire Guion-Firmin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nicole Sanquer, M. Adrien Taquet, Mme Corinne Vignon

Assistaient également à la réunion. - Mme Justine Benin, Mme Sylvie Charrière, M. Pierre Cordier, M. Fabien Di Filippo, Mme Cendra Motin, Mme Michèle Victory