La réunion

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L'audition commence à quatorze heures cinq.

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Mes chers collègues, l'Assemblée nationale a constitué une commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques.

Il ne s'agit pas de faire le procès de qui que ce soit, ni de juger, ni de punir. Nous voulons essayer de comprendre, afin que tout cela ne se reproduise plus.

Le rapporteur et moi-même avons pensé qu'il était légitime d'auditionner d'abord l'Association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles. Après cette première audition, nous avons entendu les administrations chargées des contrôles : l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), la direction générale de l'alimentation (DGAL), la direction générale de la santé (DGS) et la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) de Mayenne. Nous auditionnerons ensuite les associations de consommateurs, la grande distribution, le e-commerce, les hôpitaux, les crèches, les pharmaciens, le président de Lactalis et les trois ministres concernés.

Nous recevons aujourd'hui M. François Bourdillon, directeur général de Santé publique France, Mme Nathalie Jourdan-Da Silva, médecin épidémiologiste de l'unité infections entériques, alimentaires, zoonoses, à la direction des maladies infectieuses, et Mme Henriette de Valk, responsable de l'unité infections entériques, alimentaires, zoonoses à la direction des maladies infectieuses.

L'Agence nationale de santé publique, Santé publique France, a été créée en 2016 par la loi de modernisation de notre système de santé. Elle résulte de la fusion de trois agences : l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS).

Santé publique France, qui est sous la tutelle de la ministre chargée de la santé, reprend les compétences des trois agences préexistantes, dont notamment l'observation épidémiologique et la surveillance de l'état de santé des populations, la veille sur les risques sanitaires menaçant les populations, la préparation et la réponse aux menaces, alertes et crises sanitaires et le lancement de l'alerte sanitaire. Nous sommes bien au coeur du sujet.

Je précise que cette audition est ouverte à la presse et retransmise sur le portail vidéo de l'Assemblée nationale.

Monsieur le directeur général, mesdames, comme il s'agit d'une commission d'enquête, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais demander à chacun d'entre vous de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. François Bourdillon, Mme Nathalie Jourdan-Da Silva et Mme Henriette de Valk prêtent successivement serment.

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Mesdames, monsieur, pouvez-vous décrire vos missions dans la chaîne allant du recueil des premiers signalements aux réponses apportées et à l'information communiquée à la population ?

L'articulation de vos missions avec celles de l'ANSES vous paraît-elle satisfaisante ? Et avec celles de la DGS ?

Le centre national de référence (CNR) de la salmonellose repose sur 1 200 laboratoires volontaires publics et privés. Son efficacité ne serait-elle pas renforcée si tous les laboratoires étaient tenus de transmettre les souches dont ils disposent ? Hier, il a été question de la conservation des souches. Qu'en pensez-vous ? Le centre national de référence de la salmonellose est-il en lien avec le réseau Salmonella géré par l'ANSES ?

D'un point de vue épidémiologique, comment la situation se présente-elle aujourd'hui ? Quelles améliorations devraient être apportées, selon vous, afin d'éviter de nouveaux dysfonctionnements ?

Pensez-vous qu'il est nécessaire d'organiser un suivi des victimes contaminées par la souche Salmonella Agona ? Nous avons déjà eu des réponses, mais peut-être êtes-vous mieux placés pour nous le dire. Si oui, pendant combien de temps et selon quelles modalités ?

Il a été fait mention de cas épars de salmonellose entre 2005 et 2017 liés à la souche Salmonella Agona présente sur le site de Craon. Savait-on, au moment où ils sont survenus, que ces cas étaient liés à l'usine de Craon ou ce résultat a-t-il été connu grâce aux analyses demandées à la suite de la crise de décembre 2017 ?

Quelle est votre appréciation des outils dont vous disposez pour faire face à ce type de crise ? Permettent-ils une bonne réactivité ? Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

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Monsieur le directeur général, mesdames, je vous remercie de vous être déplacés dans le cadre de cette commission d'enquête qui est extrêmement importante à nos yeux. Je me joins aux propos liminaires du président qui reflètent exactement ma pensée.

Quels ont été les outils de communication mis en place à destination des consommateurs et des différents distributeurs ? S'agissant du numéro vert, avez-vous été impliqués dans la préparation des fiches qui ont été utilisées par les prestataires qui ont répondu aux appels ?

Un plan de communication à destination des professionnels de santé a-t-il été mis en place pour les assister dans la gestion de la crise ? Si oui, quelles ont été les informations qui leur ont été communiquées et par qui a-t-il été élaboré ?

Dans quelle mesure vous êtes-vous concertés avec les autres organismes publics, et par quels moyens ? Selon vous, comment la concertation pourrait-elle être améliorée ?

La communication de crise globale sur cette affaire vous semble-t-elle avoir été satisfaisante ? Comment aurait-elle pu être améliorée ?

Les procédures de retrait-rappel vous semblent-elles avoir été menées de façon efficace par les pouvoirs publics ? Les différentes vagues de retrait-rappel et l'extension progressive des lots concernés ont pu nuire à la clarté des opérations et conduire à des erreurs chez les distributeurs. Aurait-il été possible de procéder autrement ? Sur cette question, je souhaiterais avoir une réponse assez précise.

Les pharmacies disposent d'un système d'alerte spécifique en cas de procédure de retrait-rappel d'un produit qu'elles commercialisent. Pouvez-vous présenter ce système ? L'alerte au niveau de la caisse apparaît-elle une seule fois au moment où le rappel est effectué, ou à chaque fois qu'un produit visé par une procédure de rappel est scanné ?

À votre connaissance, la liste des produits concernés a-t-elle été régulièrement mise à jour, et par qui ? Était-elle facilement accessible ? Quelles mesures préconisez-vous afin que ce type de contaminations ne se reproduise pas ?

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie d'auditionner Santé publique France sur cette affaire pour laquelle nous avons joué un rôle important, celui de l'alerte.

Je voudrais tout d'abord rappeler le positionnement de l'Agence nationale de santé publique, Santé publique France, et ses liens avec les autres agences sanitaires ou administrations centrales.

Notre métier dans ce domaine est de faire l'alerte. Il était donc particulièrement important d'identifier un signal et de pouvoir lancer l'alerte. C'est notre métier régalien sur lequel je reviendrai.

L'autre aspect de notre métier, c'est d'assurer la surveillance, en particulier des maladies transmissibles, et plus exactement de surveiller les salmonelles dans notre pays. Pour que vous ayez une vision globale de l'importance des salmonelloses en France chaque année, je vous livre quelques chiffres : une étude que nous avons menée il y a quelques années nous laisse penser qu'il y a environ 200 000 cas de salmonellose par an en France avec 4 400 hospitalisations et environ 72 décès. La difficulté pour nous, c'est de savoir quand nous devons lancer l'alerte pour informer notre ministère de tutelle, la DGS, et les autres partenaires concernés, en particulier la DGAL, le ministère de l'agriculture et l'ANSES.

Nous sommes une agence en santé humaine tandis que l'ANSES est une agence en santé animale et végétale qui s'intéresse aux questions environnementales et de travail sur la dimension du risque, alors que nous travaillons sur l'épidémiologie dans les populations. C'est une différence très forte, très marquée. Nous sommes l'agence populationnelle comme il y en a dans tous les pays du monde. La troisième grande agence qui existe, c'est celle du médicament et des produits de santé. Avec ces trois agences, vous couvrez en gros le spectre de la sécurité sanitaire. On doit rajouter le sang qui est à part.

Quand lançons-nous l'alerte ? Comprenez bien la chaîne : quand quelqu'un attrape une salmonellose, il présente des signes cliniques. En fonction de sa gravité, du médecin qu'il consulte, une coproculture est adressée soit à un laboratoire de ville, soit à un laboratoire hospitalier. Lorsqu'une salmonelle est identifiée, ce prélèvement est adressé au centre national de référence qui, grâce aux nouvelles techniques, va faire du séquençage et va être capable de déterminer le type de salmonelle. En fonction de ces données qui nous sont adressées, nous allons analyser la fréquence de ces souches, et le faire dans le temps et dans l'espace.

Ce sont 1 200 laboratoires qui envoient leurs souches au CNR. Comme je vous le disais, la difficulté pour nous c'est de savoir quand il faut tirer la sonnette d'alarme. Avec 200 000 cas de salmonellose par an, si on la tirait tous les jours, c'est comme si on criait au loup tous les jours : il n'y aurait plus de signal. Inversement, on ne doit pas passer à côté d'une épidémie qui pourrait être grave.

Le 1er décembre, nous avons eu un signalement de huit cas de salmonellose chez des enfants de moins de six mois – mes collègues ici présentes ont construit, avec l'aide du CNR, des algorithmes pour que l'ordinateur sonne, ce qui enclenche pour nous une investigation. Les épidémiologistes de Santé publique France se sont mobilisés immédiatement. Ils ont appelé les parents de ces huit enfants pour faire une enquête épidémiologique et essayer d'identifier une source commune. C'est ce qui a été fait en vingt-quatre heures. La souche commune, c'était du lait maternisé produit à l'usine de Craon, en Mayenne. Notre métier a été de lancer immédiatement l'alerte au niveau de la DGS qui assure son rôle de gestion de la crise et réunit, par conférence téléphonique ou physiquement en fonction des crises – je crois qu'il s'agissait ici d'une conférence téléphonique – l'ensemble des parties prenantes pour prendre en compte les éléments de l'alerte et faire en sorte qu'on agisse le plus rapidement possible. Les lots incriminés par notre enquête épidémiologique ont été immédiatement retirés.

Il faut bien comprendre qu'il peut se passer un mois entre le moment où une personne présente un symptôme, réalise une coproculture, et où les résultats arrivent au centre national de référence. Il faut en moyenne une semaine entre le moment où est fait le séquençage, où on nous adresse les résultats et où nous les introduisions dans le système informatique. Le délai est donc parfois long avant de déclencher l'alerte. Mais je tiens à souligner la très bonne réactivité de mes équipes, puisqu'à partir du moment où nous avons eu les souches et que notre système a fonctionné, nous avons identifié la source commune en vingt-quatre heures, et nous avons lancé l'alerte. Quand des cas d'Ébola, de dengue, de maladies vectorielles, d'arboviroses surviennent sur le territoire français, nous sommes tenus d'alerter les autorités pour qu'elles prennent des mesures. Nous assumons plutôt bien cette mission régalienne. L'unité qui m'accompagne aujourd'hui est très axée sur la sécurité sanitaire, et sa capacité à déclencher les alertes est reconnue au niveau européen. Ce que j'ai dit sur le signalement français, je pourrais le dire sur le signalement européen car nous avons fait les signalements européens, ce qui nous a permis d'identifier les deux cas en Espagne et le cas en Grèce.

Au fur et à mesure que le CNR identifiait de nouveaux cas de Salmonella Agona, nous avons pu les rapprocher des huit cas que nous avions, puisque le génome est une véritable signature. C'est ainsi que nous avons pu identifier trente-huit cas de Salmonella Agona sur cette épidémie-là.

Grâce à sa nouvelle technique de séquençage qui date de décembre 2017, le CNR est remonté sur les Salmonella Agona des années précédentes. Nous nous sommes souvenus qu'il y avait eu une épidémie dans la région en 2005. C'était la même signature. En rapprochant l'épidémie de 2005 et celle de 2017, nous avons pu déterminer qu'il s'agissait du même germe. L'épidémie de 2005 avait fait l'objet d'une investigation, mais on ne disposait pas alors de cette capacité technique pour pouvoir en faire une signature. Toutefois, elle avait été décrite et publiée par Santé publique France.

Tous les laboratoires n'envoient pas toutes leurs coprocultures au CNR. Nous finançons le centre national de référence qui est retenu après un appel à candidature. J'en profite pour souligner l'extrême compétence du CNR, situé à l'Institut Pasteur, et de François-Xavier Weill et Simon Le Hello. On pourrait se poser la question de la nécessité de séquencer l'ensemble des salmonelles sur notre territoire, puisque cela a un coût pour l'Institut Pasteur et pour nous qui le finançons dans ce domaine.

Vous nous interrogez sur la manière dont nous travaillons avec les autres administrations. Chaque semaine, une réunion a lieu au ministère de la santé sur la sécurité sanitaire – elle a eu lieu ce matin – à laquelle assistent les directeurs généraux de toutes les agences et les représentants des administrations centrales. Ce matin, nous avons parlé de cas de salmonellose. C'est un sujet que nous abordons très régulièrement. En cas de crise, il y a une conférence téléphonique. Et, comme dans toute crise, il y a séparation des métiers : il y a ceux qui font l'alerte, ceux qui continuent à assurer la surveillance, ceux qui prennent la main pour la gestion, ceux qui prennent la main pour la communication, ceux qui s'occupent du retrait des lots, ceux qui font le lien avec le politique – aujourd'hui, cette affaire a pris une dimension politique. Nous sommes extrêmement attentifs à la répartition des rôles en situation de crise, car, comme chez les militaires, chacun doit être à sa place pour fonctionner dans de bonnes conditions.

Nous n'avons pas été impliqués dans toute une série de questions sauf à indiquer les lots que nous identifions à partir de nos enquêtes épidémiologiques. C'est en effet grâce aux enquêtes épidémiologiques que nous avons pu dire que tous les laits provenaient de l'usine de Craon et, par extension, que l'usine devait être probablement contaminée. Mais la décision de fermer cette usine relevait de la DGS et du ministère de l'agriculture.

Quant à la question du nombre de prélèvements à faire en milieu agricole et de leur rythmicité, elle ne relève clairement pas d'une agence populationnelle. En la matière, mes équipes et moi-même exerçons notre devoir de réserve parce que ce n'est ni le rôle, ni la mission de Santé publique France.

Vous demandez s'il y a des liens entre le centre national de référence et le Laboratoire national de référence (LNR), c'est-à-dire la santé animale. La réponse est oui. Nous essayons autant que faire se peut de partager nos souches. Nous voyons tous les mois l'ANSES et nous essayons de balayer l'ensemble des sujets, de manière que les liens entre nos deux institutions, qui sont éminemment complémentaires sur bon nombre de sujets, soient les plus fluides possible.

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Je voudrais revenir sur l'épidémie de Salmonella Agona de 2005. Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe lorsqu'une telle épidémie est repérée dans un lieu de production industrielle ? Comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu de suivi pluriannuel à la suite de l'épidémie de 2005 ?

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Je précise que Mme Bannier est députée de la deuxième circonscription de Mayenne, là où est implantée l'usine de Craon.

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Henriette de Valk, responsable de l'unité infections entériques, alimentaires, zoonoses à la direction des maladies infectieuses

J'ai mené des investigations sur l'épidémie de 2005. Après cette épidémie, il y a eu de multiples enquêtes dans deux lieux, dans l'usine de Craon et en ce qui concerne Blédilait. Un suivi a été installé. On a noté une absence de souche pendant des années. Rétrospectivement, on a comparé cette souche de Salmonella Agona de 2005 et toutes les Salmonella Agona en France, et on peut dire qu'on ne l'a pas retrouvée entre 2005 et 2010. Après cette épidémie de 2005, on avait interrogé pendant un an tous les cas de Salmonella Agona qui apparaissaient, mais il n'y avait pas de lien. L'ANSES a travaillé sur les meilleures méthodes d'échantillonnage et sur l'analyse des produits et de l'environnement et a édité un rapport dont M. Gilles Salvat vous a parlé, je crois, lors de son audition.

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Vous avez parlé de 200 000 cas de salmonellose, de 4 400 hospitalisations et de 72 décès. Chaque décès donne-t-il lieu à une enquête ? Recherche-t-on la souche ?

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Henriette de Valk, responsable de l'unité infections entériques, alimentaires, zoonoses à la direction des maladies infectieuses

Ces chiffres correspondent à des estimations faites en utilisant des modélisations. Ce ne sont donc pas des décès qui nous sont signalés. Chaque année, des personnes décèdent à la suite d'une infection de salmonelles. Il est souvent difficile d'établir la cause exacte du décès. Elle n'est pas forcément due à une salmonellose. Très souvent, il y a des comorbidités. Il faut donc étudier le dossier médical de la personne pour déterminer la cause exacte du décès, ce qui n'est pas fait de façon systématique.

Le nombre d'infections d'origine alimentaire est encore élevé en France et on estime que chaque année 300 décès environ sont dus à une infection alimentaire. Il peut s'agir de salmonelles, mais aussi de campylobacter, etc. Or ces décès ne sont pas signalés systématiquement comme étant d'origine alimentaire et on n'affirme pas que le décès est vraiment dû à cette infection. Une expertise est nécessaire pour établir cela.

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la porte d'entrée, c'est soit une coproculture, soit une épidémie de diarrhée, de vomissements, de fièvre dans un groupe de population qui s'est réuni par exemple l'été autour d'un buffet campagnard qui a un petit peu traîné et qui peut donner lieu à l'éclosion de salmonelles sur les aliments. C'est à partir de ces deux types de signaux que l'on va mener des investigations et essayer de décrire l'épidémie. En fonction de ces signalements, on suit, bien entendu, la population. Mais on ne fait pas l'inverse, c'est-à-dire qu'on ne fait pas d'investigations sur 700 000 décès pour savoir s'il y avait une salmonelle. Je le répète, il faut bien comprendre la porte d'entrée du signalement qui nous permet de mener les investigations.

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Monsieur Bourdillon, lors de votre audition au Sénat, vous avez déclaré : « Nous nous étions beaucoup interrogés sur l'épidémie de 2005, et sur certains cas survenus en amont de l'alerte du 1er décembre. » Vous conviendrez en fin de compte les conséquences n'ont pas été tirées.

Pourquoi les services de l'État n'ont-ils pas été plus présents depuis 2005 ?

L'enquête de 2005 a-t-elle été faite sur des autocontrôles ou ces contrôles ont-ils été réalisés par les services de l'État ?

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

Pour ma part, je n'étais pas là en 2005. À l'époque, l'épidémie de 2005 a fait l'objet d'une investigation par l'Institut de veille sanitaire (InVS). Elle a été décrite et même publiée. Je le répète, la mission de l'InVS s'arrête là. Ensuite, s'agissant des questions de sécurité alimentaire, c'est l'entreprise elle-même qui est tenue de faire un certain nombre de contrôles, ainsi que d'autres agences et le ministère de l'agriculture. Il faut bien comprendre que c'est la règle. Santé publique France ne va pas mesurer si tout est rentré dans l'ordre après toutes les épidémies qui ont lieu. Ce sont d'autres acteurs qui ont d'autres missions que les nôtres. Pour notre part, nous nous occupons de la santé humaine et nous intervenons dans les intoxications alimentaires en ce qui concerne l'alerte et la surveillance des d'épidémies qui surviennent sur notre territoire pour voir si elles augmentent ou si elles diminuent.

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Henriette de Valk, responsable de l'unité infections entériques, alimentaires, zoonoses à la direction des maladies infectieuses

Les souches de salmonelles sont sérotypées pour identifier celles qui sont liées. Il existe une technique assez récente, le séquençage du génome entier, dont on ne disposait pas avant 2017. C'est cette technique qui nous a permis d'identifier ce clone épidémique qui a causé l'épidémie en 2017. Rétrospectivement, le CNR a repris toutes les souches de Salmonella Agona depuis 2005, et a identifié, parmi elles, ce clone épidémique spécifique qui a permis de démontrer qu'il n'y en avait pas eu entre 2005 et 2010. Mais, en 2010, on n'avait pas encore la possibilité d'identifier spécifiquement ce clone, on avait juste le moyen d'identifier les Salmonella Agona. Chaque année, il y a un certain nombre de Salmonella Agona, mais elles n'ont aucun lien ni avec Lactalis, ni avec ce clone épidémique.

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

Je veux revenir sur ce que j'ai dit au Sénat. Quand on a vu qu'il y avait des Salmonella Agona en 2005 et en 2017 sur le même lieu, comme on peut désormais séquencer le génome entier, notre première question a été de savoir s'il s'agissait des mêmes. Le CNR a repris les souches et fait les analyses qui ont abouti aux conclusions qui étaient les siennes.

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Je voudrais revenir sur le dispositif de l'alerte. Je crois que tout le monde reconnaît que le dispositif a bien fonctionné à votre niveau : votre réactivité a été bonne et vous avez donné l'alerte rapidement. Mais c'est la coordination qui me pose problème. Vous venez de dire qu'ensuite chacun prend ses responsabilités, qu'il y a des gens qui doivent surveiller, d'autres qui doivent prendre des décisions, etc. Ce lien se fait-il rapidement ? Est-il efficace ? Les boîtes de lait ont mis du temps à être retirées du marché.

Vous êtes obligés de faire une coordination chaque semaine avec les autres services de l'État. Voilà un élément qui fait qu'il y a eu un peu de perte de temps.

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

En routine, nous nous voyons toutes les semaines, dans le cadre des réunions de sécurité sanitaire du mercredi matin. Lorsque survient une crise et que nous lançons une alerte, cela donne systématiquement lieu à une conférence téléphonique, pilotée par le centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires et sociales (CORRUSS), qui constitue la cellule de crise de la DGS, chargée de prendre les mesures de gestion et de coordonner l'ensemble des acteurs, y compris dans le secteur de l'agriculture.

Ces conférences téléphoniques, au cours desquelles sont prises un certain nombre de décisions – retrait d'un produit, fermeture d'un établissement et autres mesures de gestion – donnent lieu à l'établissement de comptes rendus.

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Nathalie Jourdan-Da Silva

Le jeudi 30 novembre 2017, nous avons été informés par le CNR salmonelles de l'apparition de huit cas en huit jours de Salmonella Agona chez des nourrissons. Ces cas groupés dans le temps, présentant un sérotype peu fréquent et touchant une population particulière – les bébés de moins d'un an – constituaient déjà un signal fort.

Dès le lendemain, le vendredi 1er décembre, nous avons commencé les interrogatoires des parents concernés, dont nous avions récupéré les coordonnées téléphoniques par l'intermédiaire des laboratoires ayant envoyé des souches au CNR. Nous avons soumis le même questionnaire à tous les parents, portant sur la date de début des symptômes, le terrain, le recours aux soins, le fait qu'il y ait eu ou non une hospitalisation, ainsi que les consommations alimentaires. Les enfants concernés, d'un âge médian de quatre mois, consommaient exclusivement du lait premier âge, ce qui nous a permis de repérer rapidement que le point commun à tous ces cas était la consommation de lait infantile de la marque Lactalis.

Nous avons aussitôt demandé à la DGS d'organiser une réunion téléphonique associant tous les acteurs habituels dans une alerte de ce type, à savoir la DGS et Santé Publique France, le CNR salmonelles, l'ANSES, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) – qui a vocation à ordonner le retrait-rappel des poudres de lait – et la DGAL.

Lors de la réunion téléphonique, nous avons fait un point épidémiologique sur les dates, les faits, les produits impliqués et l'état des victimes – les bébés allaient mieux –, et avons produit notre conclusion, à savoir que le point commun entre tous les bébés touchés était la consommation de lait fabriqué par une même entreprise.

Sur la base de ces premiers éléments, les autres acteurs prenant part à la réunion téléphonique pouvaient prendre le relais. Ainsi, la DGCCRF et la DGS se sont rapidement mises en contact avec la départementale de la protection des populations (DDPP) de Mayenne – ce département étant celui où était implantée l'usine Lactalis concernée – afin de réaliser des inspections et d'essayer d'identifier les numéros de lots incriminés à partir des informations que nous avions obtenues dans le cadre de l'interrogatoire des parents : ceux-ci nous avaient en effet indiqué les dates d'achat, parfois même les numéros de lots eux-mêmes quand les boîtes de lait étaient encore en leur possession.

Cette réunion téléphonique a été la première d'une série de huit, répartie tout au long de la crise : nous avons ainsi consolidé progressivement les premières informations recueillies sur les laits consommés, les dates de début des symptômes et les périodes d'achat, en faisant très régulièrement le point avec l'ensemble des autres acteurs sur l'avancée de nos investigations. La DGCCRF, notamment, était informée en temps réel de toutes les informations de nature à lui permettre d'identifier les numéros de lots et les périodes de fabrication suspects.

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Une contamination de ce type, survenant sur ce genre de produit, vous semble-t-elle présenter un caractère extraordinaire, c'est-à-dire inhabituel, et le cas échéant pourquoi ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous donner une évaluation de la gravité de la crise sanitaire et de ses suites – par le nombre de cas, la gravité des affections, la durée de récupération, etc. ?

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

Sur ce point, je vais laisser la parole aux deux épidémiologistes qui m'accompagnent, qui comptent parmi les meilleures spécialistes des intoxications alimentaires en France.

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Nathalie Jourdan-Da Silva

D'autres épidémies à salmonelles sur des poudres de lait ont déjà été décrites en France. Nous avons connu une crise majeure en 2005, avec plus de 140 cas, et une autre épidémie en 2008, impliquant un autre sérotype et un lait premier âge d'une autre marque, qui avait touché une quarantaine de bébés.

Le lait infantile est un produit à risque, car il est consommé par une population extrêmement sensible, celle des très jeunes enfants – dans l'affaire qui nous occupe, l'enfant le plus jeune n'avait que deux semaines –, pour lesquels la dose infectante est probablement plus faible que pour des adultes, et qui, du fait de leur jeune âge et de leur faible poids, nécessitent une prise en charge rapide, afin d'éviter cette grave complication qu'est la déshydratation.

Pour ce qui est de la gravité de la crise, je précise que nous avons identifié trente-huit bébés victimes de la même souche, et que dix-huit d'entre eux avaient dû être hospitalisés – tous étaient cependant déjà ressortis de l'hôpital quand nous avons procédé à l'interrogatoire de leurs parents.

Les symptômes constatés chez les bébés touchés correspondaient aux symptômes classiques d'une salmonellose, à savoir des diarrhées, de la fièvre, parfois du sang dans les selles. Il ne nous a été signalé aucun cas de forme grave et, je le répète, tous les enfants avaient récupéré et allaient bien lorsque nous avons contacté leurs parents.

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J'aimerais savoir pourquoi, après avoir lancé une première alerte et procédé au rappel de certains lots, vous avez dû déclencher une deuxième alerte et rappeler des lots supplémentaires. L'alerte initiale n'a-t-elle abouti qu'à un rappel de lots, ou a-t-elle également déclenché des procédures de contrôle au sein de l'entreprise concernée, afin de vérifier l'étendue de la contamination et de s'assurer que le rappel de lots initial était suffisant ?

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Nathalie Jourdan-Da Silva

Au départ, sur la base des huit cas en huit jours – causés par un sérotype rare et sur une population particulière – qui nous avaient été signalés, nous avons interrogé les parents des bébés, en cherchant un point commun. Dès les premiers interrogatoires, nous avons identifié ce point commun comme étant la consommation d'une poudre de lait premier âge fabriquée par une entreprise. Ayant suffisamment d'éléments pour le faire, nous avons lancé l'alerte auprès de la DGAL, de la DGCCRF, de l'ANSES et de la DGS, tout en continuant à mener des interrogatoires au fur et à mesure que de nouveaux cas nous étaient signalés par le CNR. La poursuite de nos investigations nous a permis de consolider nos informations, mais nous a également conduits à élargir la période d'achat des boîtes de lait et les numéros de lots correspondants.

En revanche, comme vous l'a indiqué M. Bourdillon, il n'est absolument pas de notre ressort de déclencher une procédure d'autocontrôle au sein de l'entreprise concernée. Notre rôle consiste à identifier la cause de l'épidémie et, en l'occurrence, à déterminer quels sont les numéros de lots incriminés, que nous transmettons en temps réel. Sur la base de ces informations, la DGCCRF et la DDPP de Mayenne cherchent à identifier une période de fabrication à risque.

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Si je comprends bien ce que vous nous avez dit tout à l'heure, s'il n'y avait pas eu la crise de 2005, vous n'auriez pas pu identifier celle de 2017… Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce point ?

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

Ce qui nous a permis de repérer qu'il y avait un problème, en 2005 comme 2017, c'est le fait que nous étions en présence d'un sérotype rare. Certaines des personnes chargées d'enquêter en 2017 se sont souvenues que la souche responsable en 2005 était l'Agona, ce qui nous a conduits à effectuer le rapprochement. Nous avons alors demandé au CNR de retrouver les souches de salmonelle de 2005 et de les sérotyper, ce qui a permis de déterminer qu'elles étaient très proches l'une de l'autre.

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C'est donc grâce à la « mémoire » du service que vous avez effectué un rapprochement entre les événements de 2017 et ceux de 2005 ?

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

Oui, mais les cas qui nous ont été signalés en 2017 auraient, en tout état de cause, déclenché une procédure d'investigation.

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M. le rapporteur et moi-même, qui préside cette commission et dirige donc l'enquête que nous menons, avons une totale confiance l'un envers l'autre, ce qui est très important. Si M. le rapporteur écrivait dans son rapport que l'ensemble des souches de salmonelle identifiées dans des laboratoires – qu'ils soient privés ou hospitaliers – devait obligatoirement être communiqué au CNR, cela vous semblerait-il intéressant, voire légitime, en dépit du coût financier qu'une telle mesure représenterait ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous en dire plus au sujet de la communication, un sujet auquel vous avez simplement fait allusion pour le moment ?

Enfin, avez-vous une explication sur le fait qu'il n'a été signalé que trois cas à l'étranger – deux en Espagne, un en Grèce –, alors que Lactalis exporte le tiers de sa production dans le monde entier ? Est-ce dû à l'efficacité de nos moyens de surveillance épidémiologique, ou au fait que très peu de bébés ont consommé du lait contaminé en Espagne et en Grèce ?

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Henriette de Valk, responsable de l'unité infections entériques, alimentaires, zoonoses à la direction des maladies infectieuses

Actuellement, le CNR reçoit 60 % des souches de salmonelles d'origine humaine identifiées en France. S'il recevait 100 % des souches, cela augmenterait sa sensibilité à identifier les épidémies.

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Si je comprends bien, l'obligation de transmettre 100 % des souches – qui serait extrêmement intéressante en termes de santé publique – ne vous choquerait donc pas. Mais aurait-on les moyens de séquencer toutes ces souches ?

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Henriette de Valk, responsable de l'unité infections entériques, alimentaires, zoonoses à la direction des maladies infectieuses

Comme je l'ai dit, le fait de recevoir 100 % des souches augmenterait la sensibilité du CNR à identifier les épidémies. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que, pour être en mesure de mener des investigations sur l'ensemble des cas à la recherche d'une cause commune, il faut disposer d'une certaine masse critique de cas : il est pratiquement impossible d'identifier une source à partir d'un seul cas. En augmentant le nombre de souches, on augmente la possibilité de détecter des cas groupés, même s'il faut toujours attendre de disposer de suffisamment de cas avant de commencer à faire des investigations.

Cela dit, la question des moyens est essentielle, et le fait de recevoir et de devoir examiner 100 % des souches détectées en France aurait pour effet de doubler le budget du CNR.

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Le budget du CNR ne doublerait tout de même pas exclusivement en raison de l'augmentation du nombre de souches de salmonelles transmises ?

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

Peut-être ne doublerait-il pas, mais il augmenterait sensiblement, en raison des coûts de transport et des coûts d'investigation.

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Cela dit, d'un point de vue scientifique et épidémiologique, le fait de transmettre 100 % des souches représenterait un réel gain, qui pourrait justifier le coût qui en résulterait.

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

Le problème, c'est que si l'on met en oeuvre l'obligation de transmettre toutes les souches de salmonelles au CNR, demain il faudra peut-être faire la même chose avec la listériose et toutes les autres bactéries pouvant être à l'origine d'intoxications alimentaires. L'obligation de transmettre les souches de salmonelle pourrait répondre à la crise Lactalis, mais sans doute convient-il d'engager une réflexion plus large afin de s'interroger sur les décisions qu'il faudrait prendre ultérieurement au sujet des autres germes – qui sont extrêmement nombreux, comme vous le savez – et éventuellement des priorités à établir. En d'autres termes, il ne faut pas perdre de vue qu'une recommandation qui paraît simple au départ peut avoir des conséquences beaucoup plus importantes qu'il n'y paraît.

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Nathalie Jourdan-Da Silva

Selon les informations provenant du Rapid Alert System for Food and Feed (RASFF), les lots de lait retirés et rappelés avaient été exportés dans plus de 85 pays. Or, il n'y a effectivement eu que deux cas humains confirmés en Espagne et un cas en Grèce, contre 38 cas identifiés en France. Notre pays dispose d'un système de surveillance des infections alimentaires très performant, en particulier pour ce qui est des infections à salmonelles, ce qui n'est pas le cas de tous les pays – cela dépend des priorités et des moyens –, ce qui peut constituer une première explication.

Par ailleurs, je précise que la contamination de poudre de lait par des salmonelles se fait souvent de façon hétérogène, ce qui signifie que, sur la même période, certaines boîtes de lait seront contaminées, d'autres le seront à un degré moindre, et d'autres encore ne le seront pas du tout. Pour cette raison, personne ne peut savoir quel était le niveau de contamination des boîtes de lait exportées.

Enfin, pour ce qui est de la communication, Santé publique France a fourni des informations au sujet du bilan sanitaire – c'est-à-dire du nombre de bébés malades, ou encore de la gravité des symptômes –, sur son site internet, à sept reprises du 5 décembre 2017 au 7 février 2018. Nous avons aussi régulièrement répondu aux questions des journalistes, et rédigé une communication à destination des professionnels de santé via la revue médicale Eurosurveillance, spécialisée dans la surveillance des épidémies et éditée par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies – European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC).

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J'imagine que toutes ces informations étaient disponibles sur internet ?

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Nathalie Jourdan-Da Silva

Absolument.

Les différents points d'informations que nous avons fait paraître sur notre site comprenaient une communication spécifique à l'intention des parents. Il s'agissait de recommandations de ne plus consommer certains lots de lait, d'informations sur les moyens de substitution, notamment durant un week-end où les parents n'auraient pas eu la possibilité de se procurer du lait d'une autre marque – il était possible, par exemple, d'utiliser du lait Lactalis à condition de le faire bouillir, puis refroidir avant de le donner à consommer aux bébés –, ou encore de rappels de certaines règles d'hygiène à respecter lors de la préparation des biberons – le lavage des mains, le fait de ne pas préparer les biberons à l'avance, le lavage des biberons à l'eau et au savon, etc.

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Pouvez-vous nous indiquer quelle était la date de fabrication du lait incriminé, combien de boîtes de lait ont été rappelées, si tous les échantillons testés étaient infectés, et enfin si les lots rappelés a posteriori étaient également infectés ?

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Nathalie Jourdan-Da Silva

Toutes ces questions se trouvent hors du champ de nos compétences, et ont plutôt vocation à être adressées à la DGCCRF ou à la DDPP de Mayenne.

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Le délai d'un mois entre le déclenchement des symptômes et la remontée des souches au CNR vous semble-t-il pouvoir être réduit ?

Par ailleurs, avant la crise de 2017, il y avait déjà eu des incidents en 2005 et en 2008, ce qui fait que 180 bébés répertoriés ont été atteints par une salmonellose en douze ans. Doit-on considérer que l'administration française a failli à ses obligations de protection du public ? Le cas échéant, quelle est selon vous, monsieur le directeur, l'agence qui aurait dû mettre une pression plus importante sur la filière de production du lait en poudre ?

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Nathalie Jourdan-Da Silva

Il y a forcément un délai entre la consommation d'un aliment contaminé et la transmission des souches au CNR. Après l'apparition des premiers symptômes et la consultation médicale initiale, il faut du temps pour la prescription et la réalisation d'une coproculture, mais aussi pour qu'une salmonelle soit isolée par le laboratoire et que celui-ci envoie la souche au CNR. Ensuite, le CNR doit encore réaliser le sous-typage et nous informer des résultats.

Nous travaillons régulièrement avec le CNR à essayer de réduire autant que possible le délai total, mais l'addition des différentes phases que je vous ai décrites aboutit à un délai incompressible.

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

Pour ce qui est de votre question portant sur une éventuelle défaillance du dispositif, j'ai envie de vous dire que le système d'alerte est fonctionnel et performant, et qu'il a d'ailleurs fait la preuve de son efficacité, même s'il est sans doute possible de l'améliorer. Sur ce point, c'est une discussion bénéfice-coût qui doit s'engager : peut-on sans cesse augmenter les coûts afin d'obtenir des bénéfices supplémentaires ? La réponse à cette question constitue une décision d'ordre politique.

En matière de sécurité alimentaire, nous devons chercher à réduire au maximum les risques – même si le risque zéro n'existe pas – et nous poser exactement la même question que celle concernant le dispositif d'alerte, à savoir : quelles sont les mesures – de protection, de contrôle, d'analyses biologiques, d'inspection des établissements alimentaires – à mettre en place pour obtenir une réduction du risque, et pour quel coût ? Nous devons également nous demander s'il faut prioriser certaines usines ou certaines industries – en l'occurrence, on sait que les productions alimentaires destinées aux très jeunes enfants sont particulièrement sensibles.

Je considère pour ma part qu'en termes de population humaine, le système français est très performant par rapport à tout ce que l'on peut voir à l'étranger – peut-être les auditions auxquelles vous procédez vous permettront-elles de déterminer si une augmentation du niveau de sécurité sanitaire est justifiée.

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Vous avez parlé de l'information que vous aviez mise à disposition des parents sur votre site. Cependant, pour y accéder, encore faut-il que ceux-ci connaissent l'existence d'une alerte et effectuent la démarche consistant à se connecter. Envisagez-vous de contacter les parents de manière individuelle, ou de mettre au point un système d'alerte plus généralisé, éventuellement au moyen de messages diffusés à la radio ?

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

Mme Jourdan-Da Silva vous a décrit l'information que nous avons diffusée par différents moyens, à savoir les bulletins épidémiologiques régulièrement mis à jour, l'information aux parents mise à disposition sur notre site – qui a été très consulté durant l'épidémie de Lactalis, car nous fournissions des recommandations et d'autres éléments, portant notamment sur l'évolution du nombre de cas, très attendus tant par les parents que par la presse.

Cela dit, la communication grand public n'est en principe pas de notre ressort dans le cadre d'une crise sanitaire : elle relève clairement de la responsabilité du ministère de la santé, qui s'adresse à la population, et de la DGCCRF, voire du ministère de l'agriculture, pour tout ce qui relève des produits alimentaires concernés. C'est donc à la fois le directeur général de la santé et la ministre de la santé qui se sont exprimés à l'intention du grand public. Nous avons cependant tenu à ce que notre agence fasse preuve d'une transparence exemplaire durant l'épidémie Lactalis, notamment au moyen de l'information diffusée sur son site, car il nous est apparu que cela était nécessaire pour rétablir la confiance dans notre système de sécurité sanitaire.

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M. le président et moi-même, qui sommes tous deux médecins généralistes, sommes bien placés pour savoir que certaines alertes peuvent échapper aux médecins, qui reçoivent chaque jour une masse considérable de courriers, de bulletins épidémiologiques et d'informations en tout genre.

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Effectivement, la masse d'informations reçue chaque jour, et le stress continu résultant à la fois des consultations et des démarches administratives, font qu'il est impossible aux médecins de prendre connaissance de tout ce qui leur est adressé chaque jour.

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François Bourdillon, directeur général de Santé publique France

Je suis moi-même médecin, et ne peux donc qu'être d'accord avec vous sur ce point.

Nous souhaitons être en mesure de pouvoir fournir demain une « météo des maladies » accessible à partir de notre site et répondant aux attentes du grand public et des professionnels de santé. Ce projet est en chantier, et devrait aboutir dans le courant de l'année 2018 – nous y tenons beaucoup. Je précise cependant qu'en décembre 2017 la requête « Lactalis salmonellose » sur Google indiquait déjà notre site parmi les premiers résultats : c'est pourquoi nous avons tenu à assumer une communication grand public à ce moment, ne serait-ce que sous la forme de premiers conseils en réponse aux questions que beaucoup de personnes se posaient.

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Mesdames, monsieur, je vous remercie pour la qualité des informations que vous nous avez fournies.

Je confirme que nous auditionnerons bien M. Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis, M. Michel-Édouard Leclerc, PDG de l'enseigne E. Leclerc, M. Alexandre Bompard, PDG de l'enseigne Carrefour, M. Régis Degelcke, président du conseil d'administration de l'enseigne Auchan, ainsi que les ministres de l'économie, de l'agriculture et de la santé.

Je veux souligner que l'organisation des auditions peut se révéler extrêmement difficile. Si la prise de contact avec les personnes à auditionner se fait généralement dans de bonnes conditions, la recherche d'une salle équipée pour la diffusion audiovisuelle de l'audition peut, elle, devenir un véritable cauchemar, ce qui nous oblige parfois à devoir effectuer nos auditions à des horaires peu pratiques – tant pour les personnes auditionnées que pour les députés. Je remercie la présidente de la commission des affaires européennes qui nous prête aujourd'hui cette salle, ainsi que le président de la commission des affaires culturelles, qui nous a rendu le même service ; il faudra que j'évoque cette question avec Mme la présidente de la commission des affaires étrangères, qui est la commission dont je suis membre.

Afin de faciliter les choses aux personnes que nous souhaitons entendre, nous leur proposerons plusieurs dates, et espérons qu'une simple invitation suffira ; à défaut, même si nous préférons éviter de le faire, nous devrons adresser des convocations en bonne et due forme. Les premiers courriers d'invitation ont été signés hier par M. le rapporteur et moi-même.

L'audition prend fin à quinze heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 18 avril 2018 à 14 h 00

Présents. - Mme Géraldine Bannier, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Séverine Gipson, M. Christian Hutin, Mme Frédérique Lardet, M. Michel Lauzzana, M. Sébastien Leclerc, M. Didier Le Gac, M. Arnaud Viala

Excusé. - M. Richard Ramos