Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Réunion du jeudi 26 avril 2018 à 8h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Jeudi 26 avril 2018

La séance est ouverte à huit heures trente.

Présidence de M. Alexandre Freschi, président de la commission d'enquête

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La commission d'enquête procède à l'audition commune des syndicats de médecins.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre commission reçoit aujourd'hui les représentants des syndicats de médecins, auxquels je souhaite la bienvenue.

Je précise que cette audition est ouverte à la presse.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, les personnes entendues déposent sous serment. Je vous demande donc de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Les personnes auditionnées prêtent successivement serment.

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Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

La CSMF est très sensible au problème des déserts médicaux, qu'elle préfère appeler les zones sous-denses, et l'a beaucoup étudié. Il s'agit en effet de l'accès aux soins pour tous les Français sur le territoire. La situation actuelle en ce qui concerne la médecine libérale, tant des spécialistes, dont on parle moins, que des généralistes est le résultat d'une évolution sur plusieurs années, et s'il y avait une solution simple pour y remédier, on l'aurait déjà trouvée. Il faut donc envisager une série de mesures, sachant que pour la démographie médicale globale, nous allons traverser une dizaine d'années difficiles. En effet, le numerus clausus dans les facultés a limité le nombre de médecins. Cependant, depuis quelque temps un quart des nouveaux inscrits au Conseil de l'Ordre possèdent un diplôme délivré par une faculté étrangère, européenne ou non. Malgré ce contournement du numerus clausus, la densité médicale va diminuer pendant les dix années à venir.

Une série de mesures devraient donc être immédiatement mises en oeuvre, mais la plupart n'auront que des effets décalés dans le temps. Ainsi l'ouverture du numerus clausus - que nous ne préconisons pas – ne permettra de produire de nouveaux praticiens que dans dix à douze ans, donc trop tard car, dans dix ans, le nombre de médecins en exercice augmentera nettement.

La première série de mesures concerne la formation. Elle est centrée uniquement sur les centres hospitaliers universitaires (CHU). Seuls les médecins généralistes font six mois de formation à la fin de leur troisième cycle dans des cabinets de médecine générale en ville. Il faut élargir ce temps de formation et surtout étendre, en troisième cycle, la formation en médecine spécialisée libérale à l'extérieur des CHU. Il faut même pratiquer cette ouverture dès le deuxième cycle, car il est anormal que la délivrance d'un diplôme à exercer une profession ne prépare pas au véritable exercice professionnel qui sera celui de la plupart, la médecine de ville libérale. En troisième cycle, il faut repenser l'accompagnement des stages y compris sur le plan financier, pour le déplacement et l'hébergement, surtout en zone sous-dense, et aussi indemniser les surcoûts que subiront les étudiants pour effectuer ces stages.

En second lieu, l'accès à la vie professionnelle doit être facilité et se faire par étapes. Les étudiants sont un peu angoissés à l'idée de s'installer en exercice libéral, qu'ils connaissent mal. Il faut les accompagner par des périodes de remplacement, d'assistant, de collaborateur. La réglementation y met trop d'obstacles et il faut la simplifier. De même, il faut faciliter l'exercice mixte libéral et salarié. Les jeunes y aspirent, mais même les anciens avaient de grands regrets de ne pas garder un pied à l'hôpital. Les ordonnances de 1958 devraient donc être revues, voire remises en question.

Il faut aussi développer l'exercice multisites. Mesdames et messieurs les élus, il faut faire comprendre à la population que l'exercice à la Charles Bovary est du passé. Nous ne mettrons plus un médecin au pied de chaque clocher. Les médecins veulent travailler en équipes, regroupés, car c'est l'exercice médical moderne. Pour autant, il ne faut pas délaisser les populations plus éloignées des centres importants. Il va donc falloir développer des consultations avancées, des exercices multisites et accompagner ce mouvement pour assurer la fluidité de l'accès aux soins sur le territoire.

Toujours sur la vie professionnelle, il faut prendre en compte les conjoints. Cela nécessite de penser à ces choses simples comme l'accès à l'éducation, pour faciliter son installation. Il faut aussi faire que la vie professionnelle soit viable, grâce à une bonne organisation de la permanence des soins et des gardes. Malheureusement, en beaucoup d'endroits les pouvoirs publics ne soutiennent pas cette organisation de la continuité des soins. Il convient de développer la délégation de tâches chaque fois que c'est possible. Par exemple, il faudrait une évolution réglementaire pour faire appel aux médecins retraités, même à temps partiel. Or ils ne sont pas très encouragés à le faire sur le plan financier.

Enfin, les nouveaux modèles de pratiques autour de la télémédecine doivent faciliter l'accès aux soins dans les territoires. Nous avons beaucoup travaillé avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) sur la téléconsultation et la téléexpertise. La télésurveillance reste au stade expérimental, mais est une voie à développer, accompagnée de l'extension à tous les Français du dossier médical partagé.

Tel est l'éventail de mesures que nous avons présentées à plusieurs reprises pour assurer l'accès aux soins sur tout le territoire.

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Marguerite Bayart, première vice-présidente du Syndicat des médecins généralistes (MG France)

Je voudrais, sans développer les solutions que nous préconisons, rappeler les valeurs des médecins généralistes regroupés dans MG France. Nous nous centrons sur la prise en charge globale de la personne et insistons sur l'organisation des soins et la notion de médecin traitant. À nos yeux, il ne faut pas considérer la désertification comme une catastrophe face à laquelle on mettrait en place de fausses bonnes solutions, mais comme un levier pour améliorer l'organisation, avec ce principe essentiel : les professionnels sur le terrain doivent être les promoteurs du changement. Nous préciserons les solutions au fil des échanges.

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Philippe Vermesch, président du Syndicat des médecins libéraux (SML)

Les médecins libéraux sont les premiers à vouloir maintenir une médecine de proximité. Mais toutes les solutions ne se valent pas, et il faut recourir à un ensemble de mesures à construire avec les médecins libéraux. Qu'en est-il des « déserts » médicaux ? En réalité, les territoires où l'on n'a accès ni à un médecin, ni aux urgences, ni à une pharmacie, sont peu nombreux, même si c'est déjà trop pour ceux qui y vivent. En revanche, de nombreuses disparités d'accessibilité à un généraliste ou à un spécialiste, dans des zones qui ne sont pas en situation de pénurie médicale, traduisent une répartition inégale. Quand on superpose les cartes, on distingue que ce sont les zones où la population est faible, où les pouvoirs publics ont démissionné en y fermant écoles et bureaux de poste et qui sont aussi des déserts numériques où l'on a le plus de problèmes. Dans les centresvilles, les normes d'accessibilité des locaux ont forcé les médecins qui ne pouvaient pas faire les aménagements nécessaires, à déménager. Dans les zones où les médecins sont présents, la charge administrative qu'ils subissent les empêche d'accepter de nouveaux patients en tant que médecins traitants.

Je le répète, les médecins libéraux sont les premiers à vouloir maintenir une médecine de proximité, car il y va de leur outil de travail et de la transmission. Nous vous demandons donc de renoncer à la facilité que s'accordent certains en nous plaçant en permanence en position d'accusés et en agitant la menace de mesures contraignantes. Des mesures coercitives et des contraintes de toutes sortes auront pour effet de détourner les jeunes des filières médicales et de précipiter le départ des plus âgés.

Le plan proposé par le Gouvernement va dans le bon sens, parce qu'il a repris certaines propositions du SML. Les allégements de cotisation dans le cadre du cumul d'emploi sont effectivement un encouragement pour les médecins retraités à apporter leur aide à l'offre de santé publique. Cela ne va cependant pas assez loin, puisqu'ils continuent à payer une cotisation retraite pénalisante sans obtenir en retour une majoration de leurs revenus. Ce point est fondamental.

La généralisation des stages en milieu libéral pour les futurs médecins est une attente forte pour ne plus enfermer la formation initiale à l'hôpital et la découverte de l'exercice libéral. Le SML défend cette mesure, qui doit être complétée par l'ouverture des facultés à des enseignants issus de la médecine libérale afin d'initier les étudiants à l'entreprise médicale, ce qui n'est pas le cas actuellement, d'où leur peur de s'installer.

La création d'un statut de collaborateur, que nous préconisons, permettrait de renforcer l'exercice libéral et de le rendre compatible avec les exigences de la vie personnelle.

Il faut aussi simplifier la coordination entre professionnels de santé, soutenir l'exercice coordonné, mettre en place plus rapidement la télémédecine qui permettra aux professionnels de santé de mieux travailler entre eux, à la condition que ces mesures profitent aux différentes formes d'exercice et pas uniquement aux structures. Il faut favoriser aujourd'hui les 90 % de médecins qui ne travaillent pas dans des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP). Certaines mesures auront des effets contreproductifs. Ainsi, le développement de la médecine salariée dans des dispensaires communaux ou départementaux entre souvent en concurrence avec les structures libérales existantes et les fragilise, alors qu'il faudrait plutôt soutenir des projets leur permettant de se maintenir. Le cas s'est présenté la semaine dernière en Dordogne, et il y a bien d'autres exemples en France de maires ou de conseils départementaux qui installent des médecins salariés alors que le territoire dispose de médecins libéraux.

Pour donner aux jeunes médecins la possibilité de s'intéresser à l'exercice libéral et de s'installer alors qu'ils sont formés à l'hôpital, nous recommandons de leur permettre de découvrir la médecine libérale au cours de leur formation. Nous proposons donc un compagnonnage des étudiants dès la troisième année, avec des stages en milieu libéral, et éventuellement, un accompagnement pendant toutes leurs études. Nous prônons la création de stages d'internat en libéral pour toutes les spécialités et toutes les années. Cela va de pair avec une extension de la couverture sociale et de l'avantage maternité à toutes les femmes médecins quelle que soit leur activité, et nous demandons le pendant pour la paternité. Le projet de maternité est, actuellement, le principal frein à l'installation des jeunes femmes en ville pendant trois ou quatre ans à la sortie de leurs études.

Il s'agit ensuite de sécuriser les conditions d'installation des jeunes médecins, qui seront, en majorité, des femmes, et de favoriser leur installation en libéral par des dispositifs tels qu'un contrat de solidarité de succession active avec leur prédécesseur, afin d'éviter les fermetures de cabinet sans successeur. Le médecin sortant, dans le cadre d'une retraite active, pourra transmettre sa patientèle au nouveau qu'il aura épaulé pendant plusieurs années.

Les jeunes médecins doivent disposer d'un réel choix dans leur installation en libéral, notamment au niveau des structures permettant l'exercice de groupe. Le SML souhaite que les dispositifs d'aide existant ne soient plus fléchés uniquement vers les maisons de santé pluridisciplinaires, mais aussi vers d'autres modèles entrepreneuriaux, notamment les cabinets de groupe. Un effort de simplification doit être engagé pour débureaucratiser les modalités d'obtention et de maintien de ces aides.

Ces entreprises médicales doivent aussi pouvoir créer des emplois afin de libérer du temps médical. Le secteur de la santé comprenait 117 000 salariés il y a huit ans ; ils sont 87 000 aujourd'hui. Le SML propose d'instaurer une exonération durable de charges et de taxes pour toute création d'emploi administratif et d'augmenter le forfait conventionnel « structure » afin de rendre possible l'embauche par les entreprises médicales. À défaut, il faudra revoir le niveau des honoraires pour que les médecins puissent recourir à des salariés dans leur cabinet.

Notre syndicat est satisfait que le concept de « médecin volant » qu'il défend soit retenu. Inciter les médecins à exercer quelques jours par an dans une zone fragilisée est une mesure à privilégier, pour peu qu'elle soit accompagnée de réelles incitations financières et fiscales, avec la prise en charge des frais d'exercice et de déplacement.

Au total, nous vous appelons à faciliter et simplifier la vie des médecins libéraux. Cela commence par des choses simples, comme le stationnement, qui devient un casse-tête dans certaines communes qui n'accordent plus aucune tolérance aux véhicules professionnels. Cela continue par le retour du tiers-payant généralisé, qui sera source d'impayés et de temps médical perdu si l'on persiste dans la voie actuelle.

Enfin, l'insécurité est un facteur aggravant de désertification médicale dans certains secteurs difficiles comme les banlieues. Les agressions contre les médecins libéraux lors des visites à domicile qui se multiplient doivent être traitées de façon très énergique et volontaire par les pouvoirs publics. Nous avons proposé des initiatives en ce sens, mais le ministère de l'Intérieur reste immobile sur ce dossier au prétexte d'impuissance. Nous le regrettons.

D'autre part, selon nous, en attendant l'arrivée des médecins en formation, des solutions permettent d'atténuer le problème démographique, notamment le cumul emploi-retraite grâce à des mesures d'exonération et d'incitation. Mais le SML reste méfiant face aux mesures en faveur des infirmières de pratique avancée qui sont en discussion. Ce modèle est importé de l'hôpital où il est, au demeurant, assez peu développé. Derrière l'effet cosmétique des annonces politiques, nous redoutons la poursuite du « mercato » des compétences médicales. Attention à ne pas dégrader la qualité de notre système de soins pour boucher les trous en urgence. De notre point de vue, les infirmières de pratique avancée sont nécessaires et leur nombre doit se développer, mais elles doivent être placées en grande partie sous l'autorité du médecin.

Pour conclure, ce dossier doit être traité de façon sérieuse et résolue dans la durée en y consacrant les moyens indispensables pour soutenir la médecine libérale et en évitant de stigmatiser les médecins libéraux qui demeurent, quoi qu'on en dise, les professionnels les plus présents et les mieux répartis dans les territoires, avec les infirmiers et les pharmaciens. La collectivité publique devra, de son côté, appuyer les efforts des médecins libéraux et revitaliser les territoires dont elle s'est désengagée, notamment pour la couverture numérique, sans laquelle il n'y aura pas de télémédecine. Ne l'oublions pas, les déserts médicaux sont souvent des déserts tout court.

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Bruno Silberman, premier vice-président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR)

Le radiologue est un spécialiste, mais il n'exerce pas à distance : il voit les patients et juge de l'intérêt de l'examen qui lui est demandé – il n'est pas prescrit – et qui le réalise avec les moyens les plus pertinents, dans les meilleures conditions et avec la meilleure qualité, qui explique à son patient ce qu'il en est, discute quand il y a lieu avec le médecin qui a fait la demande, voire participe au trajet ou oriente la prise en charge. Il participe aussi aux réunions de concertation pluridisciplinaire et, en radiologie libérale, à la permanence des soins, notamment en établissement. Les soins non programmés font aussi partie de l'exercice quotidien.

La radiologie est aussi une spécialité de premier recours – l'une des plus sollicitées par les généralistes – et d'expertise en deuxième recours. Pour autant, la radiologie n'est pas une médecine à distance, et la télémédecine ne va pas tout résoudre. Ce qui est possible en biologie ne l'est pas pour l'examen radiologique, qui doit se faire au plus près du patient, si possible en contact avec le médecin qui le connaît.

Le métier de radiologue couvre le dépistage, le diagnostic, parfois le traitement. Le secteur est à 70 % en libéral, à 30 % hospitalier, et, selon les chiffres du ministère, 80 % des examens de scanner et d'imagerie par résonance magnétique (IRM) se font en ambulatoire et non à l'hôpital.

En ce qui concerne la désertification médicale, l'imagerie est un accompagnement nécessaire pour les généralistes, comme le sont d'autres spécialités. Ils s'installent désormais en regroupements, mais ne le font pas s'ils n'ont pas accès au radiologue, au cardiologue etc. Il faut y réfléchir.

Les radiologues eux-mêmes ont réfléchi depuis longtemps au regroupement. Il existe déjà en raison des investissements importants à consentir, mais devient de plus en plus important, avec parfois de trente à cinquante radiologues, couvrant un grand territoire, toujours en raison des coûts. Ainsi, le prix de l'équipement pour la mammographie a quadruplé : pour parvenir à un équilibre économique, il faut faire plus d'examens et les cabinets de proximité sont amenés à se regrouper. Ces « petits » cabinets ont aussi été fragilisés depuis une quinzaine d'années par la baisse de la nomenclature ; ils pratiquent de la radiologie, pulmonaire, osseuse, de l'échographie et de la mammographie. Comme cette dernière exige un équipement plus coûteux et que le prix baisse pour les autres actes, depuis 2012, beaucoup de ces petits cabinets ont fermé, ce qui déstabilise l'offre de premier recours et fragilise le tissu des généralistes, dont certains n'ont plus d'accès direct pour les patients.

D'autre part, il n'y a pas une petite et une grande radiologie, mais une radiologie pertinente. Autrement dit, on ne fait pas une radiographie simple en territoire rural et le scanner à une heure et demie de bus. Il faut pouvoir réaliser d'emblée le bon examen pour le patient. Il y a donc une réflexion à avoir sur la réorganisation territoriale d'une offre de radiologie pertinente. Heureusement, les radiologues sont de plus en plus organisés en groupes et peuvent se tourner les uns vers les autres, y compris pour la télémédecine. Mais il faut aussi pouvoir faire des scanners et de l'IRM de manière légitime au plus près des patients. Il faut donc bien réfléchir, dans le cadre des regroupements de médecins, à la répartition territoriale de l'imagerie médicale moderne. Or l'imagerie en coupe est soumise à autorisation et, pendant très longtemps, on a pensé qu'elle devait être hospitalière, alors que 80 % des examens se pratiquent en ville, au quotidien. Il faut donc inverser la donne. Bien entendu, dans certaines villes, la démographie conduit à réfléchir et agir en coordination avec nos collègues hospitaliers. Autant il est facile pour les radiologues libéraux ou leurs groupements d'intervenir dans les petits hôpitaux ou de prendre cela en charge dans les déserts ruraux, autant c'est compliqué pour les collègues hospitaliers, car leur statut les empêche de travailler sur place. Nous pensons qu'il faut introduire beaucoup de souplesse dans ce domaine et changer leur statut pour rendre possible un regroupement. Les dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé sur les projets médicaux mutualisés sont d'une complexité folle et ne rapprocheront pas hôpital et médecine de ville. Il faut trouver des dispositifs plus simples pour que l'accès à l'imagerie soit organisé sur un territoire.

Par ailleurs, il faut être attentif à une tendance qui fait que, par exemple, tout le monde pense que le dépistage du cancer du sein peut se faire sans voir la patiente. Or la qualité de la radiologie en France tient à celle de la formation et au fait qu'on voit la patiente. Si l'on veut faire de la mauvaise médecine, qu'on la fasse à distance. Maintenir la présence du médecin près du patient est un enjeu majeur, y compris dans le dépistage. Actuellement, cela est remis en cause. Il faut accompagner les regroupements en donnant des autorisations d'imagerie en coupe en ambulatoire, même dans les territoires ruraux. Il faut aussi être attentif à la dérive de la télémédecine. En France, la téléradiologie a des années de retard sur nos voisins. Or elle est en train d'évoluer non vers une téléradiologie de qualité par un groupe territorial de proximité qui connaît les confrères et travaille avec eux, mais vers une interprétation simple par des groupes à distance qui font de l'imagerie sans même avoir les renseignements nécessaires. Il faut donc veiller à ce que la téléradiologie, pour rester de qualité, se pratique comme nous l'avons décrit dans une charte avec les hospitaliers et le Conseil professionnel de la radiologie.

Enfin, puisque chacun a parlé de fiscalité, les jeunes ont les mêmes problèmes d'installation que dans d'autres spécialités, mais en plus il leur faut investir. Aujourd'hui, la forme juridique est de plus en plus assimilable à celle des sociétés à responsabilité limitée (SARL) et des sociétés anonymes (SA). Or, quand on investit dans l'équipement au travers de ces parts sociales, la défiscalisation est quasi nulle. De ce fait, les jeunes ont de plus en plus de mal à s'installer, en ville comme à l'hôpital. Depuis dix ou quinze ans, on dit que l'imagerie coûte trop cher et qu'il faut diminuer ce coût. La bonne politique serait d'accompagner l'installation, qui est facteur d'organisation territoriale, pour la bonne prise en charge des patients.

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Laurent Pinto, membre de la cellule de Paris des Cellules de coordination des dentistes libéraux de France (CCDeLi)

Les Cellules de coordination des dentistes libéraux sont issues d'une dynamique de contestation du règlement arbitral mis en place par le précédent gouvernement suite à l'échec des négociations conventionnelles de mars 2017.

C'est en quelque sorte une « agrégation de chirurgiens-dentistes en marche » dont l'essence est l'information des confrères, la rencontre des élus locaux, la coordination d'actions communes. C'est un mouvement qui n'a pas de représentants nationaux et qui n'en souhaite pas. Il repose sur une organisation départementale. Je fais partie de la CCDeLi75 et je n'ai pas de mandat particulier pour m'exprimer de façon nationale même si je m'y suis impliqué lorsque j'ai créé le site internet vww.ccdeli.fr, dont je suis propriétaire.

Depuis plus de cinquante ans, la situation des chirurgiens-dentistes en France est choquante. Le système conventionnel actuel basé sur le paiement à l'acte conduit notre profession entière à tirer ses revenus d'une pratique de soins qui va à l'encontre d'une pratique de santé. Si elle bénéficie encore d'un statut libre, la profession se voit de plus en plus encadrée de la même manière que l'ensemble des professions de soins et de santé, prise entre une assurance maladie exsangue et des mutuelles aux intérêts contradictoires.

L'ensemble des acteurs, inclus dans un système qui a perdu tout sens, n'a plus d'espace de dialogue, plus de perspectives claires et saines, plus d'espoir de sortie par le haut.

On nous impose des conditions de moins en moins cohérentes. La spécificité et l'expertise de notre métier sont niées. Si, pendant les dernières décennies, cela restait en harmonie avec les technologies de la période, aujourd'hui les nouvelles avancées scientifiques nous permettent de nouvelles pratiques beaucoup plus conservatrices de la dentition. Avec le temps, c'est l'enlisement qui gagne et un sentiment de révolte qui naît, entre des dentistes apparemment individualistes et divisés, mais qui ont su récemment se mobiliser un temps par ces coordinations.

L'égal accès des Français aux soins dentaires sur l'ensemble du territoire se heurte à plusieurs freins qui limitent l'attractivité pour des chirurgiens-dentistes français et européens d'une installation dans les zones sous-dotées. La politique générale d'aménagement du territoire concerne l'ensemble des professions de santé et peut être discutée dans la concertation, avec une nouvelle gouvernance de l'assurance maladie, une vraie démocratie sanitaire et un véritable encadrement des complémentaires de santé.

La carte des chirurgiens-dentistes est exactement superposable à celle du niveau socio-économique de la population et les zones sous-dotées existent aussi dans les zones urbaines et périurbaines.

Parmi les freins à l'installation en zone sous-dotée, il y a d'abord le coût initial très élevé du plateau technique. Les dentistes se regroupent donc pour les mutualiser, ce qui affaiblit le maillage du territoire : ils quittent les petites communes.

Le cadre d'exercice réglementé par la convention dentaire signée avec l'assurance maladie n'est plus en adéquation avec les progrès de la science. La classification commune des actes médicaux (CCAM) comprend plus de 900 actes en odontologie, mais elle n'est toujours pas exhaustive. De très nombreux actes ne sont pas pris en charge et ceux qui le sont sont fortement sous-évalués. Aussi le patient est-il largement mis à contribution, ce qui compromet l'accès aux soins sur l'intégralité du territoire.

L'exercice salarié est attractif, mais les centres de profit que sont les centres de soins à bas coût du type Dentexia s'installent uniquement dans les zones surdotées des grandes villes. Les mesures incitatives fonctionnent un temps, les mesures répressives nous semblent complètement inutiles. Aucune commune n'est surdotée en professionnels.

Nous souhaitons retrouver une vraie éthique de santé. Actuellement, les confrères les plus impliqués dans la qualité des soins sont pénalisés financièrement, juridiquement et intellectuellement.

Ainsi, le coût de nos actes est dépendant de nos charges, du temps passé à les réaliser, et de la gestion administrative du cabinet. La rémunération du temps passé est fonction de critères personnels : diplômes, formation continue, écoute et attention aux patients, et même qualité artistique dans certains cas. C'est la substance même du caractère libéral de notre activité. Ce temps n'a donc pas la même valeur pour chacun et c'est à chacun de se définir par rapport à ces critères et à les soumettre aux patients en fonction du travail qu'il réalise.

Or ces soins sont plafonnés depuis trente ans, de façon identique pour chaque praticien. La destruction du modèle économique de l'exercice libéral va tarir les installations et accélérer les départs en retraite avec une pyramide des âges qui ne nous est pas favorable.

La convention dentaire, depuis cinquante ans, a été conçue dans un esprit contraire à l'éthique du soin qui devrait l'inspirer : Les tarifs opposables de soins sont bloqués, ceux des autres actes techniques sont libres. Cela revient à imposer au professionnel de santé la responsabilité d'arbitrer entre soins à perte et soins non à perte. Il y a là une distorsion éthique, qui porte atteinte à la déontologie.

Le sens du vent pousse les pouvoirs publics à plafonner notre espace de liberté, au grand bénéfice des patients les plus aisés, ce qui est incompréhensible. Il est d'ailleurs étonnant qu'un Président souhaite donner son nom à une couronne de qualité moyenne déjà dénommée par avance, dans le cadre du reste à charge zéro, « couronne Macron ».

La profession appelle de ses voeux une réforme totale du système permettant de garantir la santé bucco-dentaire en respectant les avancées scientifiques et en même temps les contraintes économiques.

Un groupe de réflexion, le think tank « Agir pour la santé dentaire » s'est constitué. J'ai communiqué sa production récente à la commission, soit notre contribution « La santé bucco-dentaire, un enjeu de santé publique » et deux sondages réalisés par l'Institut français d'opinion publique (IFOP), l'un auprès de chirurgiens-dentistes et l'autre auprès de la population. Sa démarche vise à présenter une base argumentée, compréhensible par tous, de ce que serait une pratique normale de la profession. Nous voulons ainsi réagir au fait que, depuis des années, l'application des conventions successives a obligé, de façon pernicieuse, le chirurgien-dentiste, dans sa pratique au quotidien, à faire des arbitrages qui rendent l'exercice totalement flou pour lui-même et pour la société.

Mais vous avez le pouvoir de réaliser cet objectif. À l'instar du président Macron qui a fait le tour des capitales européennes pour tenter d'imposer la notion républicaine « à travail égal, cotisations égales », je vous propose de vous réapproprier la loi républicaine dans notre pays en modifiant les conditions de l'exercice non conventionné avec pour principe « à cotisations égales, prestations égales ». Nos concitoyens doivent être tous pris en charge de la même façon quelle que soit la situation conventionnelle du praticien.

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Je vous remercie de votre présence. D'abord, on demande souvent aux élus de « prendre leurs responsabilités ». Sachez bien que notre commission n'est en rien hostile au corps médical, mais qu'elle vise, au-delà des sensibilités politiques, à apporter un éclairage dans un domaine où l'échec est ancien et répété, pour contribuer, ensemble, à bâtir l'avenir. Je le dis d'autant plus librement que j'avais déposé une proposition de loi sous la présidence Sarkozy, puis sous la présidence Hollande, et que j'ai soutenu récemment la proposition de loi du groupe Nouvelle Gauche qui allait dans le même sens. Toute la commission n'a qu'un objectif, en auditionnant environ soixante-dix organisations, c'est de contribuer à avancer.

Il n'y a pas qu'une solution, c'est évident, sinon elle serait déjà en application. Le problème de l'accès aux soins est divers, et l'intitulé de notre commission le dit assez : il ne concerne pas seulement le désert médical rural ; il se pose également dans le 20e arrondissement de Paris. Or l'égalité d'accès aux soins, qu'affirme le Préambule de la Constitution, est un pilier de la République, et nous entendons bien qu'il soit assuré, que ce soit par le public ou par le privé.

Je repars du constat : un nombre de médecins identique à ce qu'il était il y a vingt ans, une population en croissance, c'est, logiquement moins d'heures de pratique médicale disponibles pour la population. Il faut donc prendre des mesures à très court terme, immédiates même. Or je vous ai peu entendu en parler. On a évoqué le cumul emploi-retraite. J'ai soutenu cette mesure par amendement dans la loi de financement de la sécurité sociale, nous la proposerons sans doute dans notre rapport, et sinon je le ferai à titre personnel. À propos de l'aspect financier, notre commission a aussi pour objet d'évaluer l'efficacité des politiques publiques. Les mesures financées par les collectivités et par l'État ont-elles produit leur effet ? La réponse se trouve dans le rapport de la Cour des comptes.

Va-t-on laisser la situation se dégrader ? Le chiffre n'a pas été évoqué, mais sur dix médecins formés, un seul va s'installer en libéral. Et si votre génération a fait sept ans d'études, on en est à neuf et les représentants des internes que nous avons auditionnés demandent une année supplémentaire. Pour certaines spécialités on va arriver à quinze ans d'études. Comment inverser la courbe de l'offre médicale ? Certains de vous contestent la création de centres de santé municipaux – ce qui, à Paris et ailleurs, n'est pas nouveau. Les élus sont soumis à forte pression de la population. Ils ne sont pas contre les médecins, mais leur liberté c'est aussi de prendre ces initiatives.

À très court terme, quelles sont les solutions possibles ? Vous n'avez guère parlé de la revalorisation des actes. De plus en plus de jeunes médecins s'installent en secteur 2. En outre, chaque année 1 500 médecins étrangers s'installent et le Conseil de l'Ordre refuse de reconnaître leur capacité d'exercer. À l'hôpital, il y a 20 000 médecins qui ne sont pas inscrits au Conseil de l'Ordre. Nous avons beaucoup parlé de qualité des soins avec les jeunes médecins. Laisse-t-on une telle situation perdurer ? Avez-vous des propositions à nous faire à ce sujet ?

Il faut nous aider, car d'autres idées sont dans l'air : déconventionner, réguler en obligeant les nouveaux à s'installer quelques années dans tel territoire – encore est-il difficile de savoir de quoi on parle et je n'aime pas le terme de désert : la région Centre-Val-de-Loire est finalement un grand désert. Pour ma part, en tant que biologiste libéral, je suis attaché à l'exercice libéral, mais avec quelques contraintes, car nous devons apporter un service à nos concitoyens.

La commission n'a donc pas d'idées préconçues, mais nous ne pourrons pas rester sans rien faire devant une situation qui ne fait que s'aggraver. Actuellement, un médecin formé sur dix rejoint la médecine libérale, qui dit que demain ce ne sera pas seulement un sur vingt ? Pour prendre un exemple, on essaye de pousser le statut des médecins adjoints, ceux qui ont terminé leur cursus d'internat mais n'ont pas défendu leur thèse et peuvent s'installer. On a encore des difficultés avec l'administration fiscale qui veut les assujettir à la TVA sur leurs honoraires. Faites-nous remonter les difficultés. Il en va de même pour les maîtres de stage – faut-il les rémunérer ? – pour sortir la formation de l'hôpital – les médecins hospitaliers sont tout à fait d'accord. Que des professionnels libéraux puissent aller enseigner, d'accord. On doit être capable d'innover en ce qui concerne les rémunérations. Il faut un arsenal puissant de mesures, sinon, j'en ai peur, nous nous retrouverons dans la même situation dans cinq ans.

Pour notre part, nous avons des comptes à rendre à nos concitoyens. Une France qui va chercher 1 500 médecins étrangers par an, c'est indigne. Quand on compare le coût de la formation en France et en Roumanie, c'est un véritable scandale d'État. Je demande qu'on établisse ce coût précisément, car c'est aussi un coût social, dont personne ne parle – imaginez ce que cela veut dire de prendre un taxi pour aller à 80 kilomètres faire un examen ou attendre des heures aux urgences. Si vous jugez les moyens coercitifs décourageants, dites-nous comment on pourrait d'abord encourager les médecins.

Encore un mot : les épreuves nationales classantes (ENC) sont un échec. On organise la sélection à la fin de la sixième année. Ne vaudrait-il pas mieux des internats régionaux ? Enfin, une certaine appétence s'est manifestée pour les contrats d'engagement de service public. Peut-on les généraliser, et salarier plus de jeunes, comme c'est le cas, après tout, pour les étudiants de certaines grandes écoles, avant de rendre ensuite un peu à la société ?

C'est là un certain nombre de réflexions que je vous livre. Au fil des auditions, sur les mesures de moyen terme et de long terme, une convergence se dessine au moins sur la formation : ouvrir les portes du CHU par exemple – j'avais déjà proposé il y a six ans que les internes en médecine générale passent dix-huit mois dans un cabinet de professionnel libéral. N'est-ce pas aussi un bon moyen ?

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Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

Résoudre le problème à court terme est bien le plus compliqué. Mais gardons-nous de prendre des mesures qui auraient un impact après que cette période de court terme sera passée. Ainsi, augmenter le numerus clausus, comme certains le proposent, ne résoudra rien sur le court terme. La formation a des effets sur le moyen terme.

Des enquêtes sur l'exercice médical, il ressort de façon constante que les médecins se plaignent que leur vie professionnelle soit embolisée par une dérive administrative et bureaucratique. Déjà, récupérons tout ce temps perdu en paperasserie pour en faire du temps médical. Un tiers seulement des généralistes installés ont une secrétaire dans leur cabinet, un tiers un secrétariat téléphonique et un tiers fonctionnent seuls.

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Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

Cela signifie qu'ils n'ont pas les capacités financières d'avoir un environnement professionnel qui leur permette de se consacrer à leur coeur de métier.

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Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

C'est vrai également pour un certain nombre de spécialités cliniques qui ont le moins de revenus – pédiatres, psychiatres, endocrinologues. Les spécialistes médicotechniques comme les radiologues ont, par la force des choses, un environnement leur permettant de se consacrer beaucoup plus à leur coeur de métier, même s'ils doivent assumer un temps de gestion qui tient aussi de la dérive bureaucratique. En tout cas, on voit bien que pour les cabinets, il y a un problème de dérive bureaucratique et il y a là des mesures simples à prendre : leur donner les moyens d'avoir un support pour leur exercice professionnel.

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Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

Il y a deux leviers. Le premier porte sur la valeur des actes. Je suis moi-même médecin libéral et je prône l'entreprise médicale libérale car c'est elle, non le salariat, qui offre l'efficience maximale. C'est donc la façon dont ma production est achetée qui va permettre une revalorisation. Sans faire de misérabilisme, regardez le tarif des consultations. Et cela fait des dizaines d'années qu'on n'a pas su suivre l'évolution de la valeur des services, si bien que leur niveau actuel est déconnecté de la réalité.

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Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

Aujourd'hui, une consultation médicale au tarif conventionnel devrait valoir le double dans l'échelle des services du pays. Or doubler le prix est impossible. De ce fait, des jeunes ne s'installent pas. À ce propos les chiffres que vous donniez, au moment de l'inscription au Conseil de l'Ordre, évoluent cinq ans après l'inscription.

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La tendance est réelle : de 14 %, on est passé à 9,5 % d'installations en libéral. C'est un échec terrible de la médecine libérale.

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Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

Les jeunes s'installent peu en exercice libéral aujourd'hui parce qu'ils ne le connaissent pas et surtout parce qu'il les attire peu, ce qui n'était pas le cas auparavant, parce que, au-delà des revenus, cette vie professionnelle est difficile.

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Luc Duquesnel, président de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF), affiliée à la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF)

On a parfois l'impression qu'il ne se passe rien. Mais il faut aller dans les départements ruraux - comme le mien, la Mayenne – voir ce qu'on fait et évaluer ce qui marche. Je ne parle que pour les généralistes. Dans un département où la permanence des soins n'est pas organisée, on n'attirera pas de jeunes libéraux, car c'est là la contrainte la plus importante pour un généraliste – je pense à la Charente et à d'autres cas. Depuis longtemps nous demandons qu'on inclue le samedi matin dans la période de permanence des soins : que le généraliste qui a travaillé 57 heures dans la semaine puisse se sentir libre le vendredi à 20 heures n'a rien de choquant. Il faudrait aussi que la permanence commence à 19 heures et non à 20 heures. Si, après 19 heures, le patient ne trouve plus personne au téléphone, ce n'est pas que le médecin est rentré chez lui, mais qu'il a des rendez-vous jusqu'à 21 heures et que s'il répond, il finira à 22 heures.

L'autre élément primordial, c'est que les médecins généralistes soient maîtres de stage dans les zones sous-dotées. Tout aussi important, proposer des lieux d'installation : les MSP doivent s'organiser, mais autour d'un projet – non pas en commençant par bâtir des murs. La solution du médecin adjoint peut prendre la forme de l'assistant libéral : puisque la marche est trop haute pour s'installer, il y a la fonction de remplaçant, puis celle de collaborateur libéral, et dans mon département, elle rencontre un vrai succès auprès des jeunes.

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Nous proposerons un nouveau statut pour les médecins adjoints.

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Luc Duquesnel, président de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF), affiliée à la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF)

Il faut une réflexion territoriale sur l'offre de soins, mais le bon niveau n'est plus la commune, mais l'EPCI.

S'agissant du court terme, hier matin nous étions à la direction générale de l'offre de soins (DGOS) pour parler des infirmières de pratique avancée. On voit bien que ce sera une véritable aide pour les généralistes. Elles vont entrer en master 2 en septembre. Mais comment allons-nous faire si les infirmières libérales partent faire deux ans d'études ? Celles qui sont salariées à l'hôpital le pourront. Mais dans les territoires ? À certains endroits, on est passé de huit à deux médecins. Ceux qui restent ne peuvent pas multiplier leur patientèle par quatre. Il faut chercher dans la boîte à outils. Une solution réside dans les assistants médicaux, qui ne sont pas des professionnels de santé, et dans les infirmières de pratique avancée – en veillant à ce qu'elles n'aillent pas toutes à l'hôpital. Chaque jour, je pèse des patients, je prends la tension, je fais nombre d'opérations qui ne requièrent pas mon expertise médicale. Autre outil, la téléconsultation qui peut éviter au généraliste de passer des heures sur la route. Et il y a le cumul emploi-retraite. Je viens de réunir tous les médecins du département qui partent : cinq sur trente étaient d'accord pour continuer à travailler, et ils auraient été opérationnels immédiatement. La revalorisation des actes est également essentielle. Le nombre de généralistes libéraux n'est pas stable comme vous le disiez, il a diminué de 15 % depuis 2007. Tous les moyens que je viens d'évoquer n'ont pas permis d'éviter cette baisse, mais de faire qu'elle soit moins importante que la moyenne nationale. Seulement, elle va se poursuivre dans les dix ans à venir.

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Bernard Plédran, délégué régional (Aquitaine) de MG France

La médecine générale est un vrai métier, de plus en plus complexe, qui ne peut pas être exercé par n'importe qui n'importe comment. La première mesure utile, qui ne coûterait rien et qui peut être prise immédiatement, serait d'arrêter le dénigrement, à tous les niveaux, de la médecine générale. Pour donner un exemple, les internes rapportent que le professeur Pellegrin de l'université de Bordeaux leur dit systématiquement, au moins une fois par an : « Vous êtes nuls, nuls, nuls, tellement nuls que vous finirez médecins généralistes au fin fond du Périgord. » Sur France Inter cette semaine, Martin Hirsch a expliqué comment l'hôpital allait faire de la médecine générale dans Paris car les médecins généralistes sont des salauds qui prennent des vacances, etc. Rappelons quand même les chiffres : la médecine générale fait 500 millions d'actes par an, les urgences 18 millions. On entend sans cesse à la radio les médecins urgentistes qui viennent pleurer sur le manque de moyens. Les médecins généralistes sont là, ils font leur boulot, ils reçoivent les gens. Il y a un problème pour les actes non programmés : un généraliste qui reçoit un appel à 19 heures va devoir désorganiser la fin de sa consultation pour éviter que la personne aille aux urgences. Mais au lieu de pratiquer un dénigrement systématique dans les médias, tout en affirmant que les généralistes sont utiles, il faudrait rappeler qu'ils jouent un rôle essentiel et qu'on en a besoin partout, pas seulement dans les prétendus déserts de la Creuse et de la Corrèze, mais aussi dans le centre de Paris et dans certaines banlieues.

Il faut aussi arrêter de vendre la médecine générale par appartements, car cela engendre de la démotivation. C'est bien beau de dire que les pharmaciens vont faire de la vaccination, mais on a montré que plus on multiplie le nombre d'intervenants, moins on est efficace sur la couverture de la population. Et si l'on enlève tous les actes faciles au généraliste pour lui laisser seulement les plus complexes, au tarif de 25 euros la consultation, c'est indigne. Développer des forfaits, qui couvriraient toute la partie administrative et technique – je ne suis pas particulièrement pour le paiement à l'acte – et nous permettraient d'embaucher du personnel, et de revenir au moins au nombre d'employés que nous avions il y a une vingtaine d'années, ce qui ferait 30 000 demandeurs d'emploi en moins, serait déjà une bonne chose.

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Sophie Bauer, secrétaire générale du SML

Vous souhaitez des mesures immédiates, en voici une : la mise en place de la commission qui permettra aux médecins sans diplôme de se réinscrire et de passer leur thèse. Le décret est enfin sorti, mais on attend toujours sa constitution.

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Effectivement, à la fin des études, on avait trois ans pour passer la thèse. Mais les doyens viennent de se mettre d'accord pour que les étudiants puisent la passer avant la sixième année, ce qui va régler le problème.

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Sophie Bauer, secrétaire générale du SML

Je parlais des médecins qui ont été victimes de la loi sur les résidents, qui n'ont pas été contactés à temps par les facultés et se sont trouvés devant un diktat, ne pouvant plus passer leur thèse. La loi « Montagne » a créé une commission pour résoudre le problème, mais elle n'est toujours pas en place. Plus vite on le fait, plus vite on règle des problèmes…

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Sophie Bauer, secrétaire générale du SML

Une centaine se sont déclarés, et l'on pense qu'il y en a autant ou plus qui ne l'ont pas fait par peur de mesures de rétorsion quand ils ont réussi à continuer quand même à travailler. Un certain nombre est en Suisse, et ce serait bien de les faire revenir sur le territoire français. D'autre part, après la nouvelle loi sur le résidanat, il reste un certain nombre de cas non réglés de titulaires de diplômes d'études supérieures (DES) qui se sont heurtés à un problème pratique pour passer leur thèse : à l'époque, il n'y avait pas assez de maîtres de stage et de sujets de thèse. La faculté ne semble pas avoir envie de régler le problème et le vide législatif les empêche de le faire. Voilà encore d'autres médecins, qui ont fait leurs études en France et qui ne peuvent exercer.

Ensuite, on estime que les généralistes, et même des spécialistes, passent 40 % de leur temps à des tâches administratives et non médicales. Une mesure immédiate, c'est la simplification administrative. Exerçant en secteur 2, j'ai la chance inouïe de pouvoir employer une secrétaire 35 heures par semaine. Étant donné la prolifération de la paperasserie, les problèmes de codage, il me faudrait un poste et demi de secrétaire, ce que je n'ai pas les moyens de payer. Je ne parle pas des généralistes qui n'ont pas les moyens d'avoir de secrétaire. Un secrétariat extérieur ne règle pas le problème, car il ne fera pas l'accueil des patients, la coordination des parcours de soins, la prise d'autres rendez-vous pour les patients fragiles. Actuellement, il y a donc une perte de temps médical considérable.

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Parmi les tâches administratives, lesquelles sont les plus dévoreuses de temps ?

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Sophie Bauer, secrétaire générale du SML

Par exemple, le nombre de pages du dossier de la maison départementale de l'autonomie a été multiplié par deux. Ce sont les médecins qui le remplissent, sans être financés, et les patients en ont absolument besoin. Quant aux services mis en ligne par la CNAMTS, ils sont parfois plus longs à remplir qu'un document papier. Autre exemple, on a calqué le compte rendu de sortie d'hospitalisation des établissements privés sur celui des hôpitaux où il y a des « petites mains » pour remplir ces comptes rendus. Cela fait maintenant quatre pages, que le généraliste n'aura probablement pas le temps de lire. Or, un compte rendu efficace au médecin traitant passe par quelques mots clefs, pas le rappel de toute la vie du patient – que de toute façon, il connaît. Tout cela limite le temps médical, est épuisant et compromet l'écoute nécessaire pour les cas compliqués.

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Patrick Gasser, président de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE), affiliée à la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

La réponse ne peut être que globale, et nous parlons encore en couloirs, si je puis dire. Par exemple, la médecine générale, qui présente un problème aigu certes : nous avons tous besoin d'un médecin traitant. Mais aucun médecin ne s'installera dans une zone isolée, sous-dotée, s'il n'y trouve pas, en appui, l'ensemble de l'expertise nécessaire pour la prise en charge. Il ne faut donc pas oublier de traiter aussi la médecine spécialisée, comme on le fait trop souvent. D'ailleurs, la définition des zones sous-dotées médicalement se fait sur un seul critère, la densité de généralistes. Si l'on compare notre environnement à celui d'autres pays, on peut dire qu'il y aura une diminution des généralistes, et c'est normal, même si bien sûr ils doivent mailler l'ensemble du territoire. Mais il va falloir des spécialistes, on l'oublie souvent. Le parisianisme fait que, trop souvent, on pense que les spécialistes sont dans les hôpitaux.

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Patrick Gasser, président de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE), affiliée à la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

Bien sûr, sinon je n'oserais pas le mentionner. Les maisons pluridisciplinaires de santé sont une excellente expérience, mais assez peu de spécialistes s'y installent et ont cette réflexion territoriale. C'est celle-ci qu'il faut approfondir pour parvenir à une organisation globale, comme elle existe en Allemagne.

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Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont une réflexion territoriale. On a mis 220 praticiens autour de la table pendant quatorze mois, on ne peut pas faire beaucoup plus. Mais on gère la pénurie.

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Patrick Gasser, président de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE), affiliée à la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

Pour ce qui est de gérer la pénurie dans l'immédiat, des spécialités ont montré la voie, comme les ophtalmologues, avec le travail aidé et la coopération avec un orthoptiste. Nous demandons aussi qu'on permette la délégation de tâches. C'est pourquoi il n'y a pas d'opposition franche aux infirmières de pratique avancée, mais une opposition à la notion d'autonomie, qui présente des risques de dérive du système.

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Seriez-vous en état de faire, ensemble, d'ici juin, une liste de tâches susceptibles d'être déléguées ? Il y a sans doute des mesures applicables presque immédiatement. On a parlé du vaccin en pharmacie, mais pour la recherche d'albumine chez la femme enceinte, il ne faut pas non plus avoir fait dix ans d'études.

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Patrick Gasser, président de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE), affiliée à la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

Les collèges nationaux professionnels ont demandé à chaque spécialité de s'engager dans cette démarche de définir ce qu'on peut déléguer comme tâches dans chaque cas. Il y a certes une responsabilité des professionnels de santé. Mais n'y a-t-il pas aussi une responsabilité des politiques, qui devraient réfléchir à une politique de la ville un peu différente ?

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William Joubert, secrétaire général du SML

Je pense qu'il faut distinguer d'une part les territoires ruraux sous-médicalisés, d'autre part les banlieues, dont les populations et les modalités de prise en charge sont différentes.

Vous demandez des mesures à appliquer immédiatement. Mais il y a aussi des mesures structurelles qui influeraient sur les jeunes voulant s'installer, ainsi que sur les seniors pour les inciter à rester un peu plus longtemps. Il y a un creux important dans la démographie, mais dans quelques années, il va sortir des facultés un nombre de médecins aussi important qu'autrefois. Plutôt que de changer l'organisation, il faut utiliser tous les moyens qui permettent de passer ce trou d'air de quelques années.

Parmi les mesures utiles, il y a le passage à la permanence des soins à 19 heures et le samedi matin. On a dit que la politique des revenus n'était pas suffisante, par exemple pour se décharger de tâches administratives et éviter le burn out. Mais il ne faut pas prendre des mesures qui freinent l'installation en libéral, comme le statut du remplaçant, qui finit par ne pas avoir intérêt à s'installer. Si on limitait ce statut, on en conduirait certains à vouloir s'installer.

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On tient à la liberté, donc toucher au statut la compromet. D'un autre côté, le libéral finit aussi par être régulé. Seule la médecine générale et les spécialistes ont échappé à toute régulation, quand toutes les autres professions de santé ont fait des efforts.

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William Joubert, secrétaire général du SML

La pénalisation de certaines formes d'exercice, cela existe déjà, par exemple pour le secteur 2 et la prise en charge des charges sociales.

Pour prolonger l'activité des seniors, nous demandons le contrat de solidarité active avec les jeunes et que l'on revoit le cumul emploi-retraite.

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Permettez à un élu des Pays-de-la-Loire de s'exprimer !

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Je ne vous cache pas que ce que j'ai entendu ce matin m'a un peu inquiété. J'attendais des propositions concrètes de la profession. J'entends des mesures qui confortent la situation des médecins d'aujourd'hui, rien ou très peu sur celle des médecins de demain. On nous a dit qu'il y aurait dix années difficiles. Mais quid de la médecine générale dans dix ans ? Aux ENC de 2016, il y avait 3 500 postes de médecine générale ; 3 200 ont été pourvus, dont 1 500 par choix, et 1 700 parce que les intéressés n'avaient pas réussi l'examen. Ces derniers, on ne les verra jamais dans les cabinets. Ce sont donc 1 500 généralistes qui seront diplômés dans trois ans. Quelle garantie avons-nous que, dans dix ans, quand l'ouverture du numerus clausus produira un peu plus de médecins qu'aujourd'hui, il y aura plus de généralistes dans nos territoires ? Il faut que l'Université et la profession prennent des engagements et que l'on sache où l'on va. Comme l'a dit le docteur Plédran, il faut cesser de dénigrer la médecine générale. Il faut même réfléchir à la façon de revaloriser ce beau métier, car on peut produire beaucoup plus de médecins, mais si l'on ne convainc pas des étudiants de choisir la médecine générale, la situation perdurera.

J'ajoute qu'il ne faut pas non plus dénigrer les élus locaux. Ils ont beaucoup fait, et même les nombreuses initiatives depuis quelques années sont le fait des élus du territoire, dont ce n'est pas la compétence, mais qui jouent ce rôle car ce sont les élus proches des citoyens. On y met beaucoup d'argent public. J'ai envie de demander à la profession quelle garantie nous avons que tout cet argent public va produire les résultats escomptés. Dans mon département, il existe treize MSP, dont une seule a permis d'attirer un nouveau médecin. Les douze autres ont amélioré les conditions d'exercice des médecins existants, et c'est très bien. Mais les élus ont investi dans ces maisons parce qu'on leur a fait la promesse que cela pourrait attirer de nouveaux médecins et ce n'a pas été le cas.

Enfin, j'entends, pour l'immédiat, qu'on dit oui aux infirmières de pratique avancée (IPA), mais avec délégation de tâche par le médecin. Mais par qui ? Sur les territoires où il n'y a plus de médecin, qui va consentir à cette délégation ? Pourquoi d'ailleurs ces IPA, formées à bac plus cinq, auraient-elles besoin d'une délégation quand les sages-femmes ou les kinés, qui ont le même niveau de bac plus cinq, n'en ont pas besoin ? Les médecins ne pourraient-ils porter un regard différent sur les professions paramédicales, voir en l'opticien non un marchand de lunettes mais un professionnel de santé formé, en l'hygiéniste bucco-dentaire, un vrai assistant de premier recours en chirurgie dentaire ? Il y a un certain nombre de personnes convenablement formées qui, en amont du médecin, peuvent constituer un recours pour une consultation paramédicale dans un premier temps, pour réserver l'acte technique, l'expertise, au médecin dûment formé. Peut-être pourrait-on du même coup rendre sa valeur technique à la médecine générale, et revaloriser son image aux yeux d'étudiants brillants qui se tournent vers la neurochirurgie et qui se diraient que ce n'est pas si mal d'être généraliste.

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Le décret qui permet aux étudiants partis en Suisse ou ailleurs de passer leur thèse s'ils s'installent deux ans dans une zone sous-dotée date du 30 mars 2018. Sur le cumul emploi-retraite, un arrêté a relevé le plafond dans les zones en tension en décembre 2017.

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Luc Duquesnel, président de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF), affiliée à la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF)

Il est totalement insuffisant !

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Le plafond a été porté à plus de 40 000 euros.

Je suis convaincue que la coercition n'est pas la solution, mais qu'on peut parler d'une responsabilité territoriale des médecins, notamment par des consultations avancées. Comment voyez-vous la mise en place d'une telle responsabilité ?

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Élue de l'Aude, je comprends bien les problèmes des médecins généralistes, sur le plan administratif notamment, mais la permanence des soins à partir du vendredi soir est vraiment un gros problème. S'il n'y a pas plus de médecins, si on n'utilise pas la coercition pour en faire venir dans les territoires isolés, comment fait-on ? Il faut penser aux patients.

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Le docteur Vermesch a évoqué le stationnement. Depuis le 1er janvier, la législation a évolué. Les villes, comme Colmar, fixent ces droits. Que souhaitez-vous ? Un cadre national ? La gratuité totale, ou êtes-vous prêt à payer un droit minimum ?

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Marguerite Bayart, première vice-présidente du Syndicat des médecins généralistes (MG France)

Dans le court terme, la première chose à faire est de maintenir les généralistes en activité, en évitant qu'ils se mettent en burn out. Je suis tout à fait d'accord sur l'idée de limiter le temps administratif au profit du temps médical. Désormais, quand je suis à mon cabinet, j'en sors à 21 heures 30 après avoir consacré deux heures de la journée à remplir des papiers. C'est un problème assez français.

La formation est essentielle, mais le choix de la spécialité est aussi lié au nombre d'enseignants. Or il y en a dix fois moins en médecine générale que dans les autres spécialités. Le problème n'est pas résolu. Je reçois des étudiants en stage, et j'ai peur qu'en me voyant courir ainsi le soir, ils soient découragés. Je suis passionnée par mon métier, j'essaye de travailler pour lui en militant, mais il est vrai que nous sommes sous pression. Le paiement se fait à l'acte, mais on ne peut pas les multiplier. Lorsque je faisais de la médecine plus pointue, il me fallait quinze minutes, maintenant j'en prends trente au moins pour des consultations plus générales, avec plusieurs motifs, et qui nécessitent ensuite une coordination importante qui n'est pas prise en compte. Pour le moyen et le long terme, il faudra revoir complètement le mode de rémunération de la médecine générale. Le métier n'est plus le même et le paiement à l'acte n'est plus adapté. Or le paiement au forfait fait peur aux médecins, qui craignent d'être assujettis au bon vouloir du décideur, à preuve la grogne sur la rémunération sur objectif de santé publique.

D'autre part, un cabinet est une entreprise, et les jeunes ne sont pas formés à cette dimension entrepreneuriale de l'exercice. Il faut aussi revoir le mode d'organisation. Par exemple, j'étais en cabinet individuel. J'ai pris une infirmière dans le cadre du protocole « Action de santé libérale en équipe » (ASALEE), ce qui a déjà modifié mon mode de fonctionnement depuis cinq ans. Puis, pour être crédible, j'ai voulu passer en maison de santé privée, à côté d'une maison de santé initiée par la communauté de commune. Il a vraiment fallu que je fournisse énormément de justifications pour remplir toutes les cases et obtenir le label de l'agence régionale de santé (ARS). C'est un véritable parcours du combattant, il faut changer cela.

Ce dont ont besoin les généralistes, c'est de fonctions support à tous les niveaux, au sein de leur cabinet, et pour l'organisation dans les territoires. Si je veux créer une CPTS, je n'en ai pas le temps. Je demande à l'ARS si elle peut déléguer quelqu'un pour assurer la fonction support, et on me répond que ce n'est pas possible.

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Marguerite Bayart, première vice-présidente du Syndicat des médecins généralistes (MG France)

Les professionnels prennent des initiatives, mais il faut les écouter et mettre à leur disposition les fonctions support pour lesquelles ils n'ont pas les compétences.

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Luc Duquesnel, président de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF), affiliée à la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF)

Monsieur Grelier, nous avons fait des propositions pour l'immédiat, nous pouvons vous les refaire. Pour les infirmières de pratique avancée, qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, il ne s'agit pas de délégation de tâches. Les syndicats représentatifs étaient tous hier matin à la DGOS pour parler de ce sujet et le décret va partir au Conseil d'État en fin de semaine. Ce que nous avons demandé, c'est que cette pratique ait lieu dans le cadre d'une équipe de soins sous la responsabilité du médecin traitant et dans le cadre d'un protocole. J'en suis tout à fait d'accord, je peux ne voir qu'une fois par an un patient dont le diabète est équilibré, que l'infirmière de pratique avancée verra trois fois, tandis que je passerai plus de temps avec celui dont le diabète n'est pas équilibré.

Vous disiez aussi que la création de treize maisons de santé dans votre département n'a attiré qu'un médecin. Mais on gère la pénurie. Si déjà ces créations ont réussi à ce que vous n'en perdiez aucun, c'est cela l'indicateur de réussite. Le nombre de généralistes libéraux a diminué de 15 % et va encore diminuer de 10 % dans les prochaines années. Et il n'y a pas qu'eux. La situation des spécialistes cliniques aujourd'hui est le fruit de la politique conventionnelle menée depuis trente ans. On a parlé de coercition, mais comment l'utiliser pour gérer la pénurie ? Dans votre région, il y a peut-être eu une petite augmentation du nombre de médecins en Loire-Atlantique, mais la population a augmenté, a vieilli et les besoins de santé ont suivi : Il n'y a pas de zone « surdotée » en médecins généralistes en France.

Sur la permanence des soins, madame Robert, il faut regarder ce qui fonctionne. C'est le cas dans les Pays-de-la-Loire : avec l'ARS, avec SOS Médecins, ce service confié aux généralistes fonctionne. Il en va de même pour l'organisation professionnelle, quand on se met ensemble pour gérer la pénurie, par exemple dans les CPTS. Je ne réfléchis plus au niveau de ma patientèle, mais plus globalement en fonction aussi des spécialistes de deuxième recours. En tant que généraliste, je ne m'installerais pas dans un territoire où il n'y en a pas pour prendre en charge mes patients. Mais quelle assistance, quelle maîtrise d'ouvrage en quelque sorte, offre-t-on au médecin, qui a ses propres compétences mais pas celles nécessaires pour créer une CPTS, avec le secteur social et le médicosocial ?

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Bruno Silberman, premier vice-président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR)

Vous demandez des mesures immédiates. La première chose à faire, c'est de nous assurer la stabilité. Même dans une spécialité comme la radiologie, réputée sans problème, le changement de réglementation permanent, la baisse des tarifs sont un frein à l'installation des jeunes et à l'investissement.

Pour sortir des Pays-de-la-Loire, en Ile-de-France, qui va devenir un désert médical – et pas seulement dans le 18e arrondissement –, le plus gros frein est le coût de l'immobilier. Très peu de collectivités considèrent qu'il est de leur rôle de « porter » les murs. Or les nouveaux ne peuvent s'installer et ceux qui le sont déjà partent sans trouver de repreneur en raison de cette cherté. Il est essentiel de trouver une solution pour un portage social des murs.

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Dans les déserts médicaux, ce n'est pas le problème.

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Bruno Silberman, premier vice-président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR)

Dans Paris, plus un généraliste ou un spécialiste ne s'installe. C'est notre seul problème avec l'ARS : Qui assume le coût des murs ? Nous avons peut-être besoin d'un acteur social dans ce domaine.

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On ne peut pas à la fois être en régime libéral et être assisté. Vous en arrivez à une contradiction. Ou alors, quand il n'y aura plus de boulangerie, on demandera qui porte les murs ? Les collectivités locales ont essayé de faire le maximum. Dans mon département, nous avons créé treize maisons de santé et attiré un peu plus de médecins que dans la Sarthe. On fait aussi des efforts sur le numérique, à grands frais.

S'agissant des délégations de tâches et des pratiques avancées, il y a des choses que l'on peut faire presque immédiatement, avec des gens qui sont déjà dans la chaîne de soins et auxquels on fait confiance. Il faut que le médecin arrête de penser qu'il est le seul à pouvoir vacciner. Il y a eu une commission d'enquête après l'expérience de vaccination généralisée de Mme Bachelot, qui s'est terminée en jetant 45 millions de doses à la poubelle. À l'époque, on ne s'est appuyé ni sur les généralistes, ni sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), ni sur les biologistes, ni aucun paramédical pour ce vaccinodrome.

Nous sommes face à un problème de santé public majeur, d'accès aux soins, de reste à charge et, disons-le, d'impuissance publique. Comment sortir de l'ornière ? Certains disent même que nous subissons une onde de choc qui aura des conséquences pendant plus que dix ans, car la population vieillit et les besoins de santé augmentent. Comment des professions sont-elles capables de s'engager, avec une évaluation chaque année sur ce qui a fonctionné, ce qu'il faut renforcer ? Nous, élus locaux, sommes parfois démunis. Ainsi, un médecin est venu me voir la semaine dernière en disant qu'il lui fallait 50 000 euros ou il partait : à trois kilomètres près, il n'était pas dans le bon zonage. Ce n'est pas un discours acceptable. Je comprends bien qu'il faille des primes à l'installation, mais il faut des contreparties. Si l'on donne 50 000 euros à quelqu'un, on lui dit aussi qu'il ira dans les zones désignées, sinon il n'aura pas de convention.

Ce serait aussi une aide si, dans les deux dernières années d'internat de médecin générale, on imposait aux étudiants de passer douze mois auprès d'un médecin généraliste. La greffe peut prendre. Êtes-vous prêts à aller dans ce sens ?

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Patrick Gasser, président de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE), affiliée à la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

Encore une fois, vous ne nous parlez que de la médecine générale. Pour les spécialistes, il en va de même.

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Vous avez raison, mais je dis médecin en général car tout désormais est spécialité. C'est l'ensemble des médecins, mais aussi des paramédicaux et tout le personnel soignant.

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Patrick Gasser, président de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE), affiliée à la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF)

Je vous en remercie.

Oui, nous avons une réflexion sur la territorialité et nous amenons l'ensemble de nos collègues à y participer. Le faire de façon isolée est difficile. C'est pourquoi nous prônons depuis des années l'entreprise médicale libérale, qui doit être une entreprise de biens et de services et doit pouvoir contractualiser. La réflexion sur les contrats de prise en charge de la population est une piste pour le moyen terme.

S'agissant de la permanence de soins en ambulatoire, elle n'est reconnue qu'en médecine générale, pas en médecine spécialisée. Elle a existé, mais aujourd'hui, cette permanence pour les spécialités n'existe que dans les établissements, la plupart du temps les hôpitaux publics. C'est un ensemble de petites choses qui vont rendre aux professionnels la confiance dans l'organisation et la gestion du système.

J'appartiens, à Nantes, à un groupe de quinze médecins. Les jeunes veulent y venir, car ils ont une visibilité sur ce qu'ils vont gagner et sur leur temps de travail. Au sein de nos groupes, demain, nous allons réfléchir aussi au salariat. Actuellement, le médecin libéral n'a pas de parcours professionnel : s'il évolue c'est en fonction de ses initiatives propres. Il faut penser à son statut sur le long terme. Bien entendu, dans le cadre de la médecine de groupe, il y aura la possibilité de faire des consultations avancées, par rotation. Notre entreprise a une responsabilité auprès de la société et nous revendiquons aujourd'hui cette responsabilité territoriale. Mais il faut nous en donner les moyens. De plus, notre rôle est aussi de rendre confiance à l'ensemble des professionnels sur le terrain – ils en manquent un peu, comme l'ensemble de la population.

Si l'on parle d'avoir des auxiliaires médicaux, les tarifs de prise en charge doivent évoluer. Or cette évolution se fait vers le bas et nous ne négocions la plupart du temps que des baisses de tarifs. Dans le plan imagerie figure la notion de pertinence de la prise en charge. Il va vraiment falloir que cela fonctionne, sinon nous perdrons la confiance de tous.

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Laurent Pinto, membre de la cellule de Paris des Cellules de coordination des dentistes libéraux de France (CCDeLi)

Les chirurgiens-dentistes sont toujours un peu isolés parmi les médecins, car leurs problèmes sont différents. Pour nous, le court terme est à très court terme, exactement la semaine prochaine dans la négociation conventionnelle avec l'assurance maladie. Ce qu'elle a proposé aux trois syndicats les 5 et 6 avril entraîne une destruction programmée du modèle économique de l'exercice libéral. À la suite de la loi de santé qui a créé les contrats responsables, la part de l'assurance maladie dans la prise en charge des soins dentaires est de 30 %, celle de l'assurance complémentaire 40 % et le reste sort de la poche du patient. Ces contrats ont eu un impact. Ensuite, la loi du 27 janvier 2014 relative aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé, dite loi Le Roux, a eu un impact professionnel, et l'accord-cadre rendant l'assurance complémentaire obligatoire pour les salariés en a eu un aussi. Dans ces propositions, qui reprennent, en pire, le règlement arbitral d'il y a deux ans, il y a un plafonnement des tarifs à moins 30 % au niveau national, et à moins 40 % pour Paris et les grandes villes. Si un seul syndicat signe, c'est ce qui va s'appliquer. Dans le sondage IFOP effectué auprès de la profession il y a quelques semaines, 31 % des confrères ont répondu s'adapter à cette nouvelle convention, 23 % se déconventionner, 17 % anticiper leur départ à la retraite, 15 % restreindre leur activité à certains actes, 8 % partir à l'étranger. La profession est donc au bord du gouffre et extrêmement stressée.

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Bernard Plédran, délégué régional (Aquitaine) de MG France

Je travaille beaucoup avec des confrères québécois et j'ai beaucoup admiré leur réactivité sur un point particulier : la valeur des actes de petite chirurgie. Quand les autorités se sont rendu compte que beaucoup de ces actes étaient pratiqués aux urgences, avec une grande perte de temps, et non pas en ville en raison des tarifs, elles ont su s'adapter en revalorisant considérablement la valeur des actes en médecine de ville et en la diminuant à l'hôpital : les médecins de ville se sont alors réapproprié cette pratique. Si nous avons cette même capacité, au lieu de devoir attendre des mois dans des procédures extrêmement lourdes de la classification commune des actes médicaux, on pourrait avancer rapidement.

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Philippe Vermesch, président du Syndicat des médecins libéraux (SML)

Il y a certes plusieurs manières de voir les choses, mais si on en est là, c'est que cela fait vingt ans qu'on pratique une politique « anti-libérale ». Sur le court terme, nous vous avons présenté des préconisations. Ainsi, les retraités actifs doivent être exonérés complètement de cotisation retraite, laquelle est en plus un forfait, alors qu'elle ne leur apporte aucun point de retraite.

S'agissant des remplaçants, il y en a 14 000 en France, non installés parfois depuis dix-sept ans. Plutôt que de parler de coercition…

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Philippe Vermesch, président du Syndicat des médecins libéraux (SML)

Nous avions bien un mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité (MICA). Pourquoi ne pas mener une politique d'incitation pour ces remplaçants s'ils s'installent dans une zone définie ?

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Philippe Vermesch, président du Syndicat des médecins libéraux (SML)

Oui. S'agissant des « privés de thèse », il y a effectivement eu un décret, indiquant qu'ils doivent s'installer dans une zone sous-dense. Mais cela passe par une commission et elle n'est toujours pas créée. Le décret est du mois dernier, mais cela fait un an et demi que notre syndicat s'occupe de la question.

Pour ce qui est des infirmières de pratique avancée, personne n'est contre, mais le problème est celui de l'autonomie. Avec la « délégation de tâches », la vaccination par les pharmaciens, le médecin traitant à 25 euros la consultation, à qui il ne restera que les pathologies lourdes qui exigent des consultations de 25 ou 30 minutes, ne s'y retrouvera plus financièrement. Il faudrait revoir cela, pour que le médecin puisse embaucher du personnel et dégager du temps médical.

Quant à l'assistant médical – ne parlons pas de secrétaire –, la branche a négocié pendant un an et demi sur un statut d'assistant médico-technique qui est complètement bloqué en raison du problème de la grille salariale. Il faudrait voir avec Actalians où on en est. Nous avions proposé un forfait structure si deux médecins généralistes embauchent ensemble un assistant. Pour le moment, nous n'avons pas eu l'accord de la caisse.

Sur le moyen terme, le nerf de la guerre reste le financement, ce qui est, finalement un problème politique. Ne pourrait-on envisager un secteur conventionné unique, avec la liberté pour tout le monde. Actuellement, les médecins généralistes et les spécialistes en secteur 1 ne s'y retrouvent pas. Cela réglerait peut-être le problème de l'immobilier pour les Parisiens.

Sur le long terme, il faut que les politiques sachent ce qu'ils veulent. Les élus ont leurs problèmes, j'en suis tout à fait conscient. Mais en Dordogne, par exemple, un des rares départements où le nombre de médecins augmente, deux nouveaux praticiens devaient venir à Bergerac et ne l'ont pas fait parce que le maire de la commune a créé un centre municipal avec des salariés. Sans discussion, sans coordination, on a imposé un pôle municipal en face d'un pôle de santé qui fonctionne très bien. Donc, on est en train de transférer une partie du budget des collectivités locales sur la santé pour payer des salariés. Si l'on essayait d'utiliser plutôt une partie de cet argent au profit du secteur libéral, qui est quand même plus efficace que le salariat, ce serait peut-être beaucoup plus rentable.

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On peut toujours demander plus de moyens, mais le budget de la sécurité sociale est déjà supérieur à celui de la nation. S'agissant de l'efficacité des soins, on peut certainement faire des économies. En tout cas, puisqu'on vient parler des maires, de Bergerac, il ne faut pas monter en épingle le vilain petit canard. Chacun fait, en gros, ce qu'il peut là où il est élu. Ne portez pas trop de jugement de valeur, vous le serez peut-être un jour.

Je n'ai pas entendu grand-chose sur la télémédecine. La favoriser ne serait-ce pas une mesure d'urgence, pour permettre un délestage ? Il y a surcharge dans les services d'urgence hospitaliers avec un coût énorme pour la société. Le sort du privé est lié à celui du public. Pour ma part, je n'ai pas envie d'une médecine à l'anglaise, avec une sectorisation géographique sinon les prix sont très élevés. Sauf pour les Pays-de-la-Loire, où j'ai bien compris que c'était formidable, je n'ai pas entendu grand-chose non plus sur le rôle régulateur des ARS. Mme Buzyn avait donné des directives aux ARS pour qu'il y ait des consultations avancées. Dans ma région, la situation est peut-être particulière, mais personne ne veut venir en faire.

Au terme de notre travail, nous essaierons de synthétiser nos propositions. Mais seriez-vous prêts à signer un document prévoyant des clauses de revoyure ? Dans une telle situation, il faut un engagement. Beaucoup d'argent public a été mis sur la table. Mais par exemple, j'ai proposé aux radiologues de venir dans la maison de santé que j'ai créée, ils n'ont pas voulu.

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Bruno Silberman, premier vice-président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR)

Là, c'est vous qui mettez en avant le vilain petit canard.

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Non, ce n'est pas un reproche. Mais on ne peut pas forcer les médecins libéraux qui, par définition, sont individualistes. Certains veulent travailler seuls, d'autres à plusieurs. Dans le cas de cette maison de santé, le dentiste a été content de venir et qu'on règle son problème immobilier et de plateau technique. On va même faire des implants dans une ville de 5 000 habitants, donc tout n'est pas perdu ! Simplement, on ne peut pas rester figés sur ses positions. Nous comprenons que le problème de la rémunération doit être soulevé, mais après tout, il y a bien eu des représentants des professionnels pour signer les conventions. Essayons d'avoir une réflexion globale, des engagements réciproques que chacun tient, sinon je vois mal comment les mesures de court terme vont produire leur effet.

Un dernier mot, à propos de la promotion de 1 500 généralistes qui arrivent. Comment les faire entrer dans le système ? Par une exonération de charges sociales et fiscales, mais sur tout le territoire ? Imaginez la réaction de ceux qui sont installés. De toute façon, le législateur ne peut inventer seul une nouvelle niche fiscale, car l'article 40 de la Constitution le lui interdit. Toute dépense nouvelle ne peut venir que de l'initiative du Gouvernement. Si l'on veut utiliser un levier puissant, il faut aussi qu'il soit accepté par les professionnels.

Merci de ce débat, et nous sommes tout à fait preneurs si vous avez quelques mesures de portée immédiate à proposer.

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Nous vous remercions tous de votre participation.

L'audition se termine à dix heures trente.

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Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 26 avril 2018 à 8 h 30

Présents. – M. Alexandre Freschi, M. Jean-Carles Grelier, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, M. Philippe Vigier.

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, Mme Jacqueline Dubois, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Jean-Michel Jacques, M. Bernard Perrut, M. Jean-Louis Touraine