Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 13 septembre 2017 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

Source

La réunion débute à 9 heures 30.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente

La Commission procède à l'examen des articles du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (n° 104) (M. Raphaël Gauvain, rapporteur).

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Après la discussion générale d'hier, nous en venons à l'examen des articles du projet de loi.

Chapitre Ier

Dispositions renforçant la prévention d'acte de terrorisme

Avant l'article 1er

La Commission examine les amendements CL6 et CL7 de M. Guillaume Larrivé.

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Je présente conjointement ces amendements, qui sont fondamentaux pour le groupe Les Républicains, car ils consistent, contrairement à ce que souhaitent le Gouvernement et la majorité, non pas à sortir de l'état d'urgence, mais bien au contraire à le proroger, en fixant une clause de rendez-vous dans un an.

Je l'ai dit hier, comme mon collègue Éric Ciotti et mes collègues Les Républicains lors de la discussion générale, nous pensons que, dans la France d'aujourd'hui, le moment n'est pas venu de sortir de l'état d'urgence, mais, au contraire, de le proroger.

Il faut en effet qu'un vrai état d'urgence opérationnel, juridique et budgétaire, permette de mieux protéger les Français. Ces deux amendements sont donc le cadre général de ce que nous allons ensuite proposer, par toute une série d'amendements thématiques en matière de police administrative, mais aussi en matière pénale, afin de donner un contenu renforcé à cet état d'urgence qu'il nous paraît essentiel de proroger.

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Avis défavorable. Au cours de la discussion générale d'hier, j'ai déjà indiqué que l'état d'urgence n'a de sens que s'il est temporaire, comme le rappelle une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État. Aussi, le projet de loi a pour objet même de sortir de l'état d'urgence.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Même avis.

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Le groupe la République en marche partage l'avis du rapporteur.

Nous nous inscrivons dans une logique de transition et de courage politique, comme l'a souligné hier le ministre d'État. Peut-être les Français auraient-ils accepté que l'on prolonge l'état d'urgence, comme l'indique l'exposé sommaire de l'amendement, « jusqu'à ce que notre pays gagne la guerre contre le terrorisme ». Cette échéance paraît incertaine et il est donc nécessaire de revenir à l'État de droit en y transposant les dispositions nécessaires pour que nous disposions des armes nous permettant de lutter contre le terrorisme. Il n'y a aucun doute : nous devons sortir de l'état d'urgence et rentrer dans le droit commun, ce que ce texte permet de faire

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À l'évidence, il faut rejeter ces amendements. Si l'on se rapporte à la prorogation de l'application de l'article 16 de notre Constitution en 1961, l'on se souvient que le droit l'a emporté puisque, par son arrêt Canal, le Conseil d'État a condamné de façon cinglante la politique du général de Gaulle et la trop longue application de l'article 16. Les amendements que nous examinons, s'ils étaient adoptés, seraient donc censurés par le Conseil constitutionnel.

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Je partage évidemment tous les arguments des collègues de mon groupe. Je précise simplement que, si l'on sort de l'état d'urgence, ses dispositions ne sont bien évidemment pas abandonnées et continueront d'exister.

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La plupart des experts que nous avons entendus nous ont dit que ces dispositions nouvelles seraient même plus efficaces, car l'état d'urgence est multi-ciblé et permet de répondre à diverses situations, alors que, avec le recul de l'expérience, l'arsenal proposé par ce texte sera plus efficace en ce qu'il sera spécialisé dans la lutte anti-terroriste. L'efficacité, voilà ce que nous recherchons avant tout.

Le procureur de la République près le tribunal de grand instance de Paris, M. François Molins, spécialiste de ces questions s'il en est, le disait lui-même : il est nécessaire de sortir de l'état d'urgence pour trouver un point d'équilibre entre l'efficacité nécessaire et la protection des libertés individuelles dans le cadre de l'État de droit.

La Commission rejette successivement les deux amendements.

Article 1er (art. L. 226-1 [nouveau], L. 511-1, L. 613-1 et L. 613-2 du code de la sécurité intérieure) : Périmètres de protection

La Commission examine l'amendement CL168 de Mme Danièle Obono.

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Cet amendement est simple : nous proposons la suppression de l'article relatif aux périmètres de protection. En effet, cette mesure va au-delà même de ce que permet l'état d'urgence actuel. On pourra désormais définir un périmètre pour une durée d'un mois, alors que cela n'est possible aujourd'hui que pour une durée de vingt-quatre heures, renouvelable par arrêtés successifs, et que le périmètre est établi en fonction de circonstances particulières. Le cadre des nouveaux périmètres sera ainsi plus large, plus flou et plus long.

Mais nous rejetons aussi cet article parce qu'il introduit la police municipale et, surtout, des agents de sécurité privée dans la mise en oeuvre des fouilles, qui relèvent de prérogatives de puissance publique. Il y a eu des diminutions importantes des effectifs de la police et, même s'ils sont repartis à la hausse, un nouveau marché s'est ainsi ouvert pour la sécurité privée : il y a désormais 160 000 agents de sécurité privée dans notre pays et, selon les projections, ils seront bientôt 250 000. Ce marché représente uit milliards d'euros aujourd'hui, et bientôt dix à onze milliards.

Des prérogatives de puissance publiques sont ainsi transférées à des agents privés, prétendument sous le contrôle d'un officier de police judiciaire (OPJ). Mais il paraît bien difficile qu'il y en ait un derrière chaque agent de sécurité privée car, dans ce cas, l'OPJ procéderait lui-même aux contrôles. Cette disposition posera aussi des problèmes aux habitants des quartiers concernés, puisqu'ils devront, pendant un mois, ouvrir le coffre de leur voiture à chaque fois qu'ils rentreront chez eux ou partiront de leur domicile, s'il se trouve inclus dans une zone de protection.

Cette mesure semble d'autant moins utile que, dans le droit actuel, le préfet peut déjà instaurer des périmètres de sécurité.

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Avis défavorable. Votre argumentaire est un peu caricatural. Contrairement à ce que vous soutenez, le présent article offre des garanties par rapport à l'article 5 de la loi relative à l'état d'urgence : les périmètres de sécurité y sont limités à la lutte contre le terrorisme, le délit de ne pas se soumettre aux contrôles est supprimé.

De même, le texte offre des garanties en ce qui concerne les agents de sécurité privée : leur action sera placée sous le contrôle des OPJ et, contrairement à ce que vous avez affirmé, ils ne pourront pas procéder à la visite des véhicules.

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La question est de savoir comment nous garantissons la sécurité des événements et comment nous nous prémunissons de la menace posée par certains individus. Il s'agit, ni plus ni moins, d'organiser dans des conditions de sécurité suffisantes et proportionnées des manifestations qui présentent, au plan national, des enjeux tels que les préfets doivent disposer de moyens supérieurs pour organiser ces événements. Cela a été parfaitement illustré par l'Euro 2016, pour lequel de tels périmètres avaient été instaurés.

Le groupe La République en Marche est défavorable à cet amendement.

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Nous sommes dans un exercice délicat : nous voulons sortir de l'état d'urgence, par essence exceptionnel, mais aussi garantir un État de droit adapté aux nouvelles conditions créées par la nature changée de la menace terroriste, qui nous concerne tous.

De fait, l'auteur de cet amendement, qui nous parle de surenchère sécuritaire, oublie que nous sommes là avant tout pour protéger la vie des citoyens lors d'événements importants. Contrairement à ce qui est dit, ce ne sont pas les atteintes graves aux libertés fondamentales qui sont permanentes ; ce qui est permanent, c'est la menace terroriste, qui bat en brèche la liberté pour chacun de rentrer chez soi vivant après un concert ou un match, voire un meeting politique d'envergure. Les mesures proposées sont donc tout à fait proportionnées à la menace et nous ne pourrons voter en faveur de cet amendement.

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Nous ne souhaitons pas davantage que l'on supprime cet article. Le groupe de la France insoumise a systématiquement déposé un amendement de suppression de chacun des articles du projet que nous examinons, tout simplement, chers collègues, parce que vous ne voulez pas de ce texte. Nous l'avons compris, c'est une position de principe, à quoi bon dès lors parler à chaque fois d'atteinte à la liberté ?

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Nous faisons notre travail de députés !

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Certes, mais nous sommes aussi là pour sortir de l'état d'urgence et trouver des solutions aptes à assurer la sécurité de tout le monde, c'est pourquoi nous souhaitons que ce texte aboutisse.

Le groupe du Mouvement démocrate a déposé des amendements, mais ils sont de nature technique car, sur le fond, nous soutenons le texte. Ce débat étant appelé à revenir à chaque article, j'indique dès maintenant que nous nous opposerons à tous les amendements de suppression.

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La France insoumise a une position contradictoire : vous voulez sortir de l'état d'urgence, mais vous refusez ce texte, qui va vers plus de liberté que l'état d'urgence que nous connaissons depuis des mois.

Permettez-moi deux remarques de nature juridique. Premièrement, vous soutenez que l'article premier irait plus loin que les dispositions de l'état d'urgence. C'est faux, notamment quant aux conditions de mise en oeuvre. Dans le présent texte, l'on assure la sécurité d'un lieu ou d'un événement qui est soumis à un risque d'acte de terrorisme, alors que cette restriction n'existe pas dans le cadre de l'état d'urgence puisqu'il suffit que le périmètre se trouve dans la zone où l'état d'urgence est déclaré.

Deuxièmement, les arrêtés préfectoraux devront être désormais motivés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Cela va aussi vers une protection accrue des libertés individuelles.

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Je constate la perspicacité des membres de la Commission qui se sont aperçus que nous avions déposé des amendements de suppression. Je ne doute pas qu'ils auront noté que nous avons aussi déposé des amendements de proposition…

Nous voulons sortir de l'état d'urgence mais nous ne voulons pas « en même temps » y rester. Car il y a tout de même une bizarrerie macronienne dans cet élément de langage que nous retrouvons dans la bouche des défenseurs du texte : « en même temps », « en même temps », « en même temps »…

Pour en revenir aux périmètres, ils seront définis « afin d'assurer la sécurité d'un lieu ou d'un événement soumis à un risque d'actes de terrorisme à raison de sa nature et de l'ampleur de sa fréquentation… ». En clair, cela signifie que n'importe quel lieu pourra être concerné. Par nature, le terrorisme peut frapper partout.

Si nous avons des principes, ce n'est pas pour autant que nous adoptons des positions de principe. Or, le droit actuel, le code de procédure pénale, permettent de lutter efficacement contre le terrorisme, votre leader charismatique, M. Emmanuel Macron, l'a dit lui-même devant le Congrès à Versailles, même s'il a bien sûr ajouté « et en même temps… » ! Dès lors, je m'interroge si, à droit constant, l'on peut avoir un niveau de protection équivalent, pourquoi faut-il une nouvelle loi, si ce n'est pour accroître le champ d'intervention des agents de sécurité privée ?

J'appelle donc de nouveau à supprimer cet article, en rappelant simplement à mon collègue du Modem que la pédagogie passe par la répétition. Nous serons donc amenés à répéter un certain nombre de choses.

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Nous sommes tous rassemblés ici pour faire en sorte de prévenir les actes terroristes. N'opposons pas, d'un côté, ceux qui seraient là pour assurer la sûreté de nos concitoyens, et, de l'autre côté, ceux qui seraient là pour le plaisir de faire des phrases. Nous avons déposé dix-neuf amendements de suppression et vingt-neuf de modification. Nous nous opposons donc non seulement par principe, mais aussi par conviction.

J'ajoute que nous avons, en appui de nos amendements de suppression, des arguments pour aller au fond des choses et pour lever des incompréhensions entre nous. Cela fait partie du débat démocratique que d'enrichir ainsi nos perceptions respectives. Sinon, à quoi servirions-nous ?

Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à défendre des positions de principe : comme nous l'avons entendu lors des auditions, des magistrats et des experts partagent nos inquiétudes, tout comme certains douaniers et policiers. Adeptes d'un large débat, nous nous efforcerons donc de vous convaincre.

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Mme Guévenoux a en fait plaidé, au nom du groupe de la République en Marche, pour le maintien de l'état d'urgence en rappelant qu'au moment de l'Euro 2016, les préfets ont eu le pouvoir de définir des zones de protection : s'ils ont eu ce pouvoir, c'est précisément en application de l'article 5 de la loi de 1955 modifiée relative à l'état d'urgence.

Si Mme Guévenoux considère que ces zones de protection étaient pertinentes, alors il ne faut pas se priver de cet outil de l'état d'urgence ! Pourtant, l'article premier du présent texte dégrade les conditions dans lesquelles les préfets pourront définir, non plus des zones de protection au sens de l'état d'urgence, mais ces nouveaux périmètres. Certains de nos amendements visent au demeurant à y remédier.

En tout cas, l'argument tiré de l'organisation de l'Euro 2016 devrait nous conduire à proroger l'application du droit qui l'a rendue possible.

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Notre groupe considère que l'état d'urgence, du fait de son caractère dérogatoire, mais aussi de son impact sur l'image de la France, doit être abrogé. Pour autant, nous estimons qu'il a produit des résultats permettant d'éviter des attentats. Nous en avons donc cerné et retenu les mesures les plus efficaces, en les adaptant au droit commun.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL101 de M. Éric Ciotti et CL169 de M. Ugo Bernalicis.

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Nous entrons ici dans l'application concrète de la démonstration que vient de faire notre collègue Guillaume Larrivé. Il nous paraît en effet inopportun, dans le cadre de la menace maximale que vous avez rappelée, monsieur le ministre d'État, de sortir de l'état d'urgence. Prétendre que ce texte va assurer la même sécurité à nos concitoyens est totalement fallacieux.

Les dispositions qu'il comporte sont sensiblement dégradées par rapport aux instruments dont l'état d'urgence autorise l'emploi. Ainsi en est-il des outils de police administrative qui ont été utilisés par la chaîne hiérarchique que vous dirigez, monsieur le ministre, de manière modérée et efficace.

Cet amendement est un amendement de repli, puisque vous persistez dans votre volonté de sortir de l'état d'urgence, ce que nous déplorons. Pour ce qui est des zones de protection, auxquelles il a été recouru quatre-vingts fois, nous tenons pour regrettable que les critères de définition se trouvent ainsi restreints. Il faudrait, à tout le moins, calquer le nouveau dispositif sur celui qui existe sous l'empire de l'état d'urgence. Voilà ce qui permettrait de garantir la protection de nos concitoyens.

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Notre amendement CL169 part de l'analyse et du constat fait par d'autres que l'arsenal policier et judiciaire qui existe aujourd'hui est suffisant. Au cours des dernières années, de nouvelles lois ont régulièrement été votées pour lutter contre les actes terroristes. En matière législative, nous disposons donc maintenant d'un grand nombre d'outils.

Notre collègue Guillaume Larrivé a en fait démontré que prétendre sortir de l'état d'urgence en le transposant dans le droit commun n'est qu'une mesure d'affichage, puisque les dispositions proposées peuvent déjà être prises dans l'état actuel du droit, notamment pour assurer la protection de tels événements.

Ce qui fait défaut, de notre point de vue, c'est le recul nécessaire, les bilans et les évaluations propres à permettre une réorganisation ou des réajustements. Voilà la tâche qui nous semble prioritaire. Néanmoins, nous défendons des amendements pour clarifier les mesures proposées, en l'espèce la possibilité de mettre en oeuvre, ou non, des contrôles systématiques par les forces de l'ordre de l'accès à certains lieux.

Sur ce point, le projet du Gouvernement court un vrai risque d'inconstitutionnalité. En effet, il résulte de la décision n° 93-323 du Conseil constitutionnel du 5 août 1993 que « […] l'autorité concernée doit justifier, dans tous les cas, établir des circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public ». Ce caractère de systématicité voulu par le Gouvernement peut ainsi faire courir un risque d'arbitraire qui serait probablement jugé inconstitutionnel.

Par ailleurs, prévoir une sanction pour ceux qui refusent de se soumettre au contrôle d'interdiction d'accès à la zone visée pose la question du respect du droit à la vie privée et familiale pour les résidents de la zone.

Afin d'être efficace, cette mesure doit donc être repensée, tel est le sens de notre amendement.

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Avis défavorable à l'amendement CL101. L'objectif du texte est de permettre la sortie de l'état d'urgence et non de faire un copier-coller des dispositifs existants. Le projet de loi s'inspire certes des dispositifs de l'état d'urgence mais en les entourant de garanties.

En ce qui concerne l'amendement CL169, même s'il reprend des dispositions de différents codes et de la jurisprudence, l'article 1er organise un nouveau régime cohérent limité à la matière terroriste, et, contrairement à ce qu'affirme Mme Obono, à droit constant on ne peut pas mettre en place un contrôle et un filtrage systématiques tels que proposés dans l'article. L'avis est donc également défavorable.

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Ce débat vient de s'engager et, déjà, les postures des uns et des autres apparaissent. M. Ciotti prétend que ce texte ne protège pas. Je comprends bien sa volonté et je la trouve assez dangereuse. Ce texte est un texte difficile, qui nous engage et appelle notre responsabilité, qui est d'adopter une posture d'équilibre. Il nous faut un texte efficace dans la lutte contre le terrorisme. J'ai participé à presque toutes les auditions et n'ai pas entendu un seul représentant des forces de l'ordre ou de la justice dire qu'il serait satisfaisant de maintenir l'état d'urgence. Il faut que vous le preniez en compte, monsieur Ciotti : l'état d'urgence permanent que vous souhaitez ne saurait être un moyen efficace de lutter contre le terrorisme. Notre responsabilité est d'en sortir et de parvenir à un texte équilibré.

Cet équilibre, pour répondre à nos collègues de la France insoumise, implique aussi d'être à l'écoute des forces de l'ordre, qui nous demandent des moyens d'action. Aucun de leurs représentants ne nous a en revanche demandé de déroger au droit commun et à l'équilibre des pouvoirs.

Nous voterons contre ces amendements car nous pensons qu'ils ne vont pas dans le sens de l'efficacité et de l'équilibre.

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En examinant en discussion commune ces amendements d'inspiration opposée, on voit bien, en effet, qu'équilibre est le maître mot du projet de loi. Nos collègues du groupe les Républicains souhaitent maintenir l'état d'urgence – mais nous avons annoncé dès l'examen de la dernière prorogation notre volonté d'en sortir au 1er novembre 2017 –, ou bien en traduire les mesures dans le droit commun, ce qui n'est pas non plus notre souhait. Pour leur part, nos collègues de la France insoumise souhaitent un retour au droit commun sans davantage de protection, au prétexte de garantir les libertés fondamentales mais sans doute au détriment de la liberté la plus fondamentale, qui est la sécurité de nos concitoyens.

Comme M. Larrivé l'a souligné, après l'organisation par la France de l'Euro 2016, il était justifié de reconduire les périmètres de protection, les fan zones, qui avaient permis que l'événement se déroule correctement, et si nous sortions de l'état d'urgence sans prévoir un dispositif ad hoc, la sécurité des citoyens ne serait plus garantie. Nous discuterons plus tard de la possibilité de renforcer les périmètres de protection en prévoyant des abords plus larges que les abords immédiats. En tout état de cause, ce que nous recherchons, c'est l'équilibre.

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Nous intégrons l'ensemble des mesures qui ont fait preuve d'efficacité de façon à donner une base légale nouvelle à ces moyens. Je m'interroge sur l'amendement CL169 car l'article L. 211-3 du code de la sécurité intérieure porte sur le transport d'objets pouvant être une arme et l'article L. 332-16-2 du code du sport sur l'interdiction pour les hooligans de se déplacer : ce sont des mesures très spécifiques alors que nous souhaitons transformer l'ensemble des mesures spécifiques en moyens généraux, au service de la sécurité de tous.

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Une discussion commune de ces deux amendements n'est pas aisée car ils sont aux antipodes l'un de l'autre. L'amendement des Républicains vise, dirais-je, à sortir de l'état d'urgence pour y rentrer, tandis que celui des Insoumis part à l'inverse du postulat que le droit actuel est suffisant et qu'il faut y rester. Or la mesure qui nous est soumise par le Gouvernement est claire, circonscrite dans le temps et dans l'espace, adaptée, proportionnée, et correspond parfaitement à la nature des risques auxquels nous sommes confrontés.

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Du point de vue du respect des libertés, il existe deux familles de solutions : soit on inscrit dans le droit commun des mesures très restrictives des libertés, soit on maintient un régime dérogatoire, l'état d'urgence, par nature temporaire – le temporaire pouvant durer jusqu'à ce que nous décidions souverainement d'y mettre fin –, en application de la théorie des circonstances exceptionnelles. Si nous, Républicains, souhaitons la prorogation de l'état d'urgence, c'est pour renforcer le niveau de sécurité sans prendre de mesures pérennes. Le maintien de l'état d'urgence est ainsi nécessaire aussi du point de vue des libertés.

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Loin de moi l'idée, monsieur Balanant, que ce texte ne protégerait pas. À l'instar du Gouvernement, tout le monde ici est animé par la volonté de protéger nos concitoyens face au terrorisme, en particulier le terrorisme islamiste, mais nous considérons que la sortie de l'état d'urgence nous fera dépendre d'outils moins protecteurs. L'état d'urgence n'a pas vocation à durer éternellement mais, compte tenu du moment que nous traversons, de la pérennité de la menace à un degré maximal, comme le soulignent tant le ministre d'État que les personnes que nous avons auditionnées, il n'est pas opportun d'en sortir dès à présent, alors que la France reste une des premières cibles au monde.

Vous dites que vous recherchez l'équilibre ; nous cherchons quant à nous à prévenir au maximum le terrorisme. L'équilibre n'est pas une fin en soi, la protection des Français l'est, et c'est ce qui, de façon responsable, nous anime.

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Comme M. Paris, je trouve un peu étrange de mettre en discussion commune deux amendements qui ne disent pas la même chose. C'est peut-être un procédé politique de la majorité pour essayer de se présenter dans un juste milieu entre les Républicains et la France insoumise, à moins qu'il soit désagréable à nos collègues de La République en marche de n'avoir pour opposition que la France insoumise… J'aimerais en tout cas qu'à l'avenir les discussions soient disjointes quand les amendements le sont, et je pense que nos amendements n'ont rien à voir avec ceux du groupe Les Républicains.

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S'agissant d'amendements de rédaction globale, il est pertinent d'examiner les deux en même temps. J'entends cependant votre remarque.

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Le droit actuel permet déjà énormément de choses et un niveau de protection important. Là où il peut y avoir discussion, c'est sur les moyens concrets. Voter des textes, c'est bien, les mettre en oeuvre dans le monde réel, c'est mieux. Pour instaurer des périmètres de sécurité, les services opérationnels ne sont pas confrontés à une absence de texte mais à une absence de moyens humains, d'effectifs. On ne saurait donc prétendre que l'on va tout régler grâce à des périmètres de sécurité.

En audition, la Commission nationale consultative des droits de l'homme s'est opposée à cette mesure et tous les syndicats de magistrats ont remis en cause le texte en général. Certains ont même fait remarquer que, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – et non contre les actes de terrorisme : le périmètre est en réalité très large –, vous introduisez des moyens que l'on pourra reprocher à l'État de ne pas mettre en oeuvre. Si un terroriste attaque une petite fête alors qu'aucun périmètre de sécurité n'a été prévu, la responsabilité du Gouvernement pourra être mise en cause.

Personne ne peut dire, le ministre l'a rappelé, qu'un texte, quel qu'il soit, empêchera 100 % des actes terroristes. Dès lors, c'est en gardant en vue nos principes fondamentaux que nous devons légiférer car ce qui est en jeu, c'est le régime dans lequel nous voulons vivre.

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L'idée d'un texte d'équilibre repose sur la vision que j'ai réfutée, celle selon laquelle il y aurait d'un côté les maximalistes et de l'autre les minimalistes. Je pense que l'enjeu est plutôt celui de la mise en cohérence. Les Républicains veulent maintenir l'état d'urgence car ils considèrent que c'est avec ce dispositif que nous protégerons au mieux nos concitoyens : c'est une attitude cohérente. La nôtre consiste à dire que les moyens existent et qu'il faut mieux les organiser et les répartir plutôt que d'ajouter un texte, au risque d'embrouiller les choses et d'introduire des contradictions : c'est une attitude cohérente. Avec ce texte, avec les positions de nos collègues d'En marche et du Modem, on sort formellement de l'état d'urgence pour le réintroduire par la fenêtre de manière aléatoire et incohérente. Telle est la véritable opposition, et non pas celle entre rationnels et irrationnels.

Madame Kamowski, notre amendement rappelle que le cadre permettant d'intervenir existe déjà. Affirmer que tout événement nécessite un périmètre de sécurité et vouloir systématiser les mesures dérogatoires, au motif que le danger est partout et constant, rejoint en fait la volonté de nos collègues Les Républicains et présente un risque d'inconstitutionnalité, de remise en cause de libertés fondamentales, notamment du droit à la vie privée, s'agissant des filtrages et des fouilles.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Je suis d'accord avec Mme Obono quant à la cohérence des Républicains : ils ne veulent pas cantonner le texte à la lutte contre le terrorisme mais en étendre le champ à la lutte contre tout désordre public. Cela s'exprime parfaitement dans l'exposé sommaire de leur amendement : « Au vu de ces conditions, certaines des zones de protection instituées dans le cadre de l'état d'urgence, comme celles décrétées à Paris à l'occasion des manifestations lors de la discussion du projet de loi ‘Travail' au printemps 2016, ne pourraient recevoir de fondement juridique dans le cadre de ce nouveau dispositif. »

Si vous souhaitez introduire la possibilité de réprimer les manifestations, déposez un amendement ; je l'examinerai avec intérêt. Nous, nous souhaitons cantonner la loi aux seuls problèmes de terrorisme.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

J'ai entendu Mme Obono dire que les propos des Républicains étaient cohérents.

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Cela ne veut pas dire que je suis d'accord !

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Je m'étonne, monsieur Ciotti, qu'un gaulliste social comme vous puisse souscrire à un tel amendement. Ce n'est pas un amendement de repli mais un amendement d'aveu !

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J'ai également du mal à cerner la cohérence des propos de M. Ciotti. Il nous dit que, par définition, l'état d'urgence ne peut être un état permanent. Il faudra donc bien en sortir. Est-ce que les solutions que nous proposons pour en sortir lui conviennent ? C'est la question. Nous avons le courage de lancer la réflexion sur une sortie de l'état d'urgence. Le débat doit avoir lieu ; autant l'avoir aujourd'hui, sur ce texte, qui nous permettra de trouver une cohérence.

J'ai également une question pour nos collègues de la France insoumise : considèrent-ils que l'état d'urgence n'a servi à rien ? S'il faut simplement revenir au droit commun, comment envisagent-ils, face à la montée du terrorisme, de protéger nos concitoyens ? Leur position aussi me semble manquer de cohérence. L'équilibre vous dérange, madame Obono, mais il nous semble qu'il n'est pas mauvais de parvenir à un équilibre face à un problème de cette importance, en nous concentrant sur le seul terrorisme.

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Selon une certaine conception, la menace ne serait pas suffisamment importante pour que le droit commun ait besoin de s'adapter. Selon une autre, la menace est au contraire très forte et appelle une politique de prévention extrêmement large allant au-delà de la question du terrorisme. Le groupe En Marche a une très grande cohérence : nous disons qu'il faut avoir le courage de sortir de l'état d'urgence car les mesures dérogatoires ne sont pas souhaitables et donnent une image dégradée de la France à l'étranger, ce qui a notamment des conséquences économiques, mais qu'il ne saurait cependant être question de négliger la sécurité des Français, qui comprennent fort bien cette position.

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Nos débats éludent la question centrale de la détection du risque et de la chaîne de responsabilité qui doit être activée pour prendre des mesures face au risque. L'état d'urgence a pour vertu de mettre en tension tous les acteurs de l'ordre public et donc de créer un degré de vigilance maximal.

Il faut que la maille soit suffisamment fine. Or j'ai beau lire et relire l'article 1er : je trouve que la maille ne l'est pas assez. Que les événements de dimension nationale soient les seules cibles potentielles d'attaques terroristes, cela reste à prouver. Le département rural dont je suis l'élu n'a pas encore connu d'événement entrant dans le champ d'application de l'article mais je ne considère pas que la menace y soit nulle. Les élus locaux, les maires, doivent être mobilisés en permanence, et pas seulement le niveau préfectoral, à la sagacité duquel certains indices peuvent échapper. Des arrêtés prévus à l'article 1er pourraient ne pas être pris sans mise en alerte des niveaux locaux.

J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de dire qu'y compris dans l'état d'urgence il y a eu ces dernières semaines une forme de relâchement, parce que les préfets de département, qui ont pour devoir de consulter régulièrement un certain nombre d'élus et d'acteurs pour permettre un partage d'informations sur le degré de risque, ont commencé à négliger de le faire, dans l'Aveyron et ailleurs. Je pense que l'article 1er va sanctuariser une forme de décharge de tous les acteurs locaux sur le représentant départemental de l'État et que cela fera diminuer le niveau de vigilance.

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Comme nous l'avons indiqué hier, l'équilibre global de l'article 1er nous convient. Notre collègue Marietta Karamanli présentera simplement un amendement visant à préciser la nature exacte du risque qui doit conduire les préfets à décider d'instaurer des périmètres de protection.

La disposition nous convient d'autant plus qu'elle permet de prévenir les actes de terrorisme et uniquement ceux-ci, car, pour le reste, le choix du Gouvernement est de renvoyer aux dispositions judiciaires classiques de maintien de l'ordre. Nous refuserons les remises en cause de cet équilibre.

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Accepter l'idée que nous vivons dans un monde complexe, comme l'est la question particulière du terrorisme, ne me pose aucun problème. Tous les experts nous ont dit que la menace est évolutive, et que, d'exogène, elle est devenue endogène. Ainsi, ce que l'on appelait un terrorisme low cost est en train de se professionnaliser. Comme M. Bernalicis, je peux citer des auditions : le directeur général de la sécurité intérieure nous a dit que, depuis 2015, nous avons changé de logique parce que cette menace est durable et qu'elle évolue, et que nous devons disposer de solutions adaptées en permanence. Ainsi, nous ne pouvons pas revenir au droit commun, dont tout l'arsenal que vous évoquez est inadapté à cette menace qui, depuis 2015, évolue constamment et rapidement. Nous avons donc besoin de cet arsenal nouveau, particulièrement bien adapté grâce à l'expérience acquise depuis deux ans.

À M. Ciotti, qui demande pourquoi ne pas rester dans l'état d'urgence, et considère que nous voulons inscrire dans le droit commun, ad vitam aeternam, des mesures d'exception, je rappelle que des clauses de rendez-vous sont prévues pour les mesures importantes des articles 3 et 4.

Il est donc important de trouver un point d'équilibre afin de faire face à la lourde responsabilité de s'adapter à la situation sur le terrain comme au contexte géopolitique du terrorisme.

La Commission rejette successivement l'amendement CL101 et l'amendement CL169.

Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL70 du rapporteur.

Elle est saisie de l'amendement CL226 de Mme Marietta Karamanli.

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Cet amendement porte sur le périmètre de protection dont l'accès à la circulation des personnes est réglementé. Je rappelle que l'article 78-2 du code de procédure pénale donne déjà au procureur de la République le pouvoir d'ordonner des contrôles d'identité, des inspections visuelles, des fouilles de bagages, bref, un arsenal suffisamment précis. L'article 78-2-4 de ce code octroie les mêmes pouvoirs de contrôle aux officiers et agents de police judiciaire afin de prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens. Enfin, la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs comporte des dispositions similaires.

La notion de lieu ou d'événement soumis à un risque d'acte de terrorisme à raison de leur nature même et de l'ampleur de leur fréquentation, telle que définie par le présent article, est assez générale. C'est pourquoi il nous a semblé nécessaire de permettre au juge de mieux contrôler la décision de l'autorité administrative, et d'apprécier des circonstances particulières établissant ledit risque.

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Je m'interroge sur la nécessité d'ajouter du formalisme, alors que le texte prévoit déjà que l'arrêté doit être motivé. Ainsi, aux termes du texte adopté par le Sénat, s'il est saisi, le juge administratif appréciera en fonction des contrôles les critères cumulatifs, si l'événement est soumis à un risque d'acte de terrorisme en fonction de sa nature et de l'ampleur de sa fréquentation.

Dès lors que le texte prévoit que l'arrêté doit être motivé, la précision que vous souhaitez apporter n'est pas nécessaire. Mon avis est donc défavorable.

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Le mot « motivé » ne suffit pas à donner au juge la possibilité la possibilité d'exercer son contrôle.

La Commission rejette l'amendement.

Elle est ensuite saisie des trois amendements identiques CL282 du rapporteur, CL15 de M. Guillaume Larrivé et CL127 de M. Éric Ciotti.

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Cet amendement vise à supprimer le mot « immédiat », ajouté par le Sénat et dont les forces de police et de gendarmerie considèrent qu'il pose un problème opérationnel.

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Il s'agit pour nous d'un amendement de repli, qui n'emporte pas de notre part validation de l'article 1er : c'est en quelque sorte un moindre mal.

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Je souscris à l'argumentation du rapporteur. Cela améliorera le dispositif, même si, globalement, il est dégradé.

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L'avis du groupe La République en Marche est le même, l'ajout du Sénat induit une confusion nuisible à l'opérationnalité du dispositif.

La Commission adopte ces amendements.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL72 du rapporteur.

Ensuite, elle examine l'amendement CL12 de M. Guillaume Larrivé.

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Cet amendement est très important à nos yeux puisqu'il vise à garantir le caractère opérationnel du dispositif que vous proposez, monsieur le ministre.

Votre texte prévoit que les policiers et les gendarmes ne pourront procéder à des palpations de sécurité, à l'inspection visuelle, à la fouille des bagages et à l'inspection des véhicules qu'à la condition que la personne faisant l'objet de ces mesures de vérification ait donné son consentement.

Il faut se figurer la scène : sans l'accord de l'intéressé, le policier ou le gendarme ne peut pas ouvrir le coffre du véhicule, ni fouiller les bagages ou se livrer une inspection visuelle. Nous pensons qu'afin que le dispositif soit opérationnel, cette condition de consentement doit être levée pour des raisons pratiques évidentes.

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Mon avis est défavorable ; une décision du Conseil constitutionnel dit très clairement que le consentement du propriétaire est nécessaire à une fouille de véhicule réalisée dans le cadre d'une mesure de police administrative.

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Nous sommes défavorables à cet amendement.

Soit l'on considère que chacun est suspect, auquel cas il convient d'en tirer les conséquences, et il faut pouvoir fouiller tout le monde sans consentement, soit il existe encore un minimum de principes dans ce pays, et le consentement est considéré comme important pour procéder à ces fouilles.

Il avait été malicieusement relevé par certains syndicats de magistrats que, dans le dispositif de l'état d'urgence, refuser de se soumettre aux fouilles n'entraînait plus d'amende. Ceci vous faisait dire, cher collègue, que le texte proposé allait moins loin. Ces magistrats ont considéré qu'il faudrait alors aller au bout de la logique et instituer une peine d'amende en cas de refus de soumission aux contrôles.

Je ne suis donc pas si sûr que « l'équilibre » soit gage d'efficacité tandis que renforcer l'état actuel du droit permet d'être efficace, et de montrer ainsi une attitude responsable. C'est pourquoi dans notre précédent amendement, mais monsieur le ministre ne l'avait peut-être pas remarqué, nous proposions l'adjonction d'un chapitre reprenant les dispositions actuelles du droit sous l'intitulé de l'efficacité de la lutte contre les actes de terrorisme. Il s'agit dans notre esprit de proportionner nos actes à nos objectifs.

Nous sommes donc opposés à cet amendement du groupe Les Républicains, qui est attentatoire aux libertés individuelles ainsi qu'aux principes fondamentaux de notre République.

La Commission rejette l'amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CL63 de M. Jean-Louis Masson et CL102 de M. Éric Ciotti.

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Nous proposons, dans la première phrase de l'alinéa 7, de supprimer les mots : « avec le consentement des personnes faisant l'objet de ces vérifications, ».

Dès lors que la loi instaure des dispositions particulières relatives à la lutte contre le terrorisme et compte tenu du fait que nul n'est censé ignorer la loi, le consentement des intéressés nous semble superfétatoire. Il recèle en outre un risque : celui de permettre à un individu décidé à commettre un acte terroriste de tenter sa chance sans le moindre risque, puisque, s'il refuse les mesures de palpation ou de fouille, il lui sera simplement interdit de pénétrer dans la zone de sécurité sans même que son identité ne soit relevée.

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Cet amendement a largement été défendu dans son esprit par M. Guillaume Larrivé.

Je souhaite simplement souligner là encore que nous assistons à une dégradation du dispositif, puisque dans le cadre de l'état d'urgence, une mesure administrative relative à ces palpations de sécurité, aux fouilles de bagages et de véhicules à l'intérieur du périmètre de sécurité pouvait être appliquée.

Ce ne sera plus le cas, ce qui démontre que le dispositif va être considérablement affaibli. Je rappelle par ailleurs qu'il n'y avait pas de problème constitutionnel dans le cadre de l'état d'urgence.

Je prendrai un exemple concret et poserai une question à M. le ministre. Lorsqu'un véhicule s'approche des abords immédiats d'un périmètre de sécurité – puisque nous avons ajouté ce concept important d'abords immédiats…

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Nous avons modifié cette notion.

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Absolument, il s'agit d'abords plus larges.

Si le propriétaire d'un véhicule arrivant dans le périmètre de protection refuse la fouille de sa voiture ou une palpation de sécurité, que se passe-t-il concrètement ? Quelles sont les instructions données dans un tel cas où l'intéressé a manifestement quelque chose à cacher ? Le laisse-t-on partir alors qu'une suspicion de menace pèse sur lui ?

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Le dispositif proposé prévoit que, si une personne refuse de se soumettre aux vérifications, l'entrée lui est refusée ou elle est conduite à l'extérieur du périmètre de sécurité. Dès lors, on revient au droit commun des contrôles d'identité, en application du huitième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale. Par ailleurs, il pourra éventuellement être procédé à une fouille du véhicule.

Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

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Il me semble ici important de ne pas se borner à des considérations constitutionnelles en mentionnant des décisions du Conseil constitutionnel. C'est un bon début, mais, puisque le Conseil motive ses décisions, il faut en expliquer le fondement, faute de quoi, le public susceptible de suivre nos travaux risquerait de ne pas comprendre.

En l'absence du consentement des intéressés, les vérifications de sécurité pourraient s'apparenter à une sorte de perquisition ne pouvant être prononcée que par l'autorité judiciaire. Il existe une présomption d'innocence dans ce pays : on n'est pas suspect par principe et il faut respecter un droit à la vie privée. Dans ce cadre, on ne peut pas accepter de telles mesures.

Il me semble qu'un terme échappe au groupe Les Républicains : celui de sûreté, si celui-ci veut encore dire quelque chose alors que l'on a la seule sécurité à la bouche. La sûreté c'est le fait d'aller et de venir librement sans se faire agresser, mais c'est aussi ne pas être mis arbitrairement en cause par la puissance publique. C'est pour cela que nous disposons d'une autorité judiciaire indépendante, et qu'existe cette fameuse séparation des pouvoirs.

Aussi, à chaque fois que vous essaierez d'aller à l'encontre de la séparation des pouvoirs, donc du caractère démocratique de notre République et du caractère républicain en soi, nous nous opposerons à ces amendements.

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Cet amendement nous pose problème, car supprimer le consentement des personnes irait à l'encontre d'une liberté individuelle fondamentale.

Pour répondre à l'inquiétude de notre collègue Éric Ciotti, je rappelle que nous avons supprimé la notion d'immédiateté des abords ce qui permet de contrôler des véhicules au sein d'un périmètre plus large. La mesure alors applicable est bien l'interdiction de pénétrer le périmètre ainsi que la reconduction à sa sortie de celui qui refuserait de se soumettre aux contrôles.

Par la suite, comme l'a rappelé le rapporteur, force revient au droit commun qui permet l'exercice d'un contrôle.

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Il faut rappeler que notre droit comporte déjà des dispositions de cet ordre, notamment celles de la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, qui prévoit palpations et fouilles à l'entrée des enceintes sportives ou culturelles disposant d'une certaine capacité d'accueil. Ces mesures ont fait leurs preuves en évitant des morts au Stade de France le 13 novembre 2015, car les terroristes n'ont pas pu y pénétrer.

Par ailleurs, la décision du Conseil constitutionnel à laquelle le rapporteur a fait référence n'a pas, pour l'heure, un caractère aussi absolu qu'il veut bien le dire ; en conséquence, je déplore la timidité du Gouvernement sur ces dispositions.

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Le texte qui nous est proposé est parfaitement équilibré, il est conforme au respect des droits ainsi qu'à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Aller au-delà des mesures prises au cas où l'intéressé ne donne pas son consentement serait gravement attentatoire aux libertés.

Le texte est d'autant plus équilibré qu'il prévoit expressément les mesures susceptibles d'être prises lorsque la personne refuse les contrôles. Dans ce cas, qu'elle le veuille ou non, soit l'accès lui est interdit, soit elle est expulsée du périmètre de sécurité.

Tous les amendements visant à revenir sur ce consentement ne devraient pas être adoptés.

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Ce texte est effectivement parfaitement équilibré, et l'adopter relève du courage.

Je suis assez surpris par les questions posées par les uns et les autres au sujet de l'état de notre droit actuel : les textes en vigueur prévoient déjà la situation où un individu refuserait de se soumettre aux contrôles de sécurité. Je rappellerai les dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale.

Je suis par ailleurs interloqué d'entendre que les décisions du Conseil constitutionnel ou du Conseil d'État devraient être motivées : il me semble qu'elles le sont toujours…

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C'est au rapporteur que je faisais référence…

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Mes chers collègues, je souhaiterais vous faire part d'une expérience, partagée avec M. Collomb alors que vous étiez, monsieur le ministre, sénateur socialiste du Rhône, il y a encore quelques semaines de cela.

L'an passé – ce n'est pas la préhistoire –, nous avons adopté la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste dont l'article 4 disposait que les préfets avaient, au sein de ces périmètres de sécurité, la faculté de faire procéder à des fouilles de véhicules et des palpations de sécurité sans le consentement des personnes.

Ce texte modifiait la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ; celle-ci n'a pas été sanctionnée par le Conseil constitutionnel. Nous savons que plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sont pendantes, mais cette loi existe aujourd'hui, et n'est pas jugée contraire à la Constitution : elle est pleinement applicable dans le cadre de l'état d'urgence.

Ce que nous essayons de vous dire, en conscience et avec une certaine gravité, c'est qu'aujourd'hui, aucun motif d'intérêt général ne permet de considérer que nous devrions priver les préfets de la faculté de procéder à ces fouilles dans des périmètres de protection.

Voilà ce que nous disons de manière précise, et j'aimerais que l'on sorte des slogans, il ne s'agit pas de savoir si nous sommes équilibrés ou non, nous sommes tous très équilibrés ; là n'est pas le sujet. Le sujet, c'est l'application précise de textes juridiques.

On ne peut pas se borner à caricaturer en affirmant que c'est contraire à la Constitution ; ce n'est pas vrai, la chose doit être précisée. En réalité, il est tout à fait possible de pérenniser cette disposition si l'on fait l'effort de considérer qu'il faut pérenniser l'état d'urgence.

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J'apporte simplement la précision que la décision a été prise dans le contexte de l'état d'urgence. Ici, nous revenons au droit commun, et l'appréciation a été portée d'un risque réel d'inconstitutionnalité dans ce cadre.

Le droit commun actuel, notamment l'article 78-2 du code de procédure pénale, donne la possibilité aux forces de l'ordre — et celles-ci nous l'ont clairement confirmé — de procéder à un contrôle d'identité auprès d'une personne qui aurait refusé de se soumettre aux contrôles de sécurité et leur paraîtrait suspecte.

Nous n'avons donc pas besoin de modifier le droit actuel à cet égard.

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En réponse à nos collègues Les Républicains, je dirais que l'article 1er n'est pas timide ; c'est plutôt l'amendement proposé qui est disproportionné au regard du but recherché, qui est d'assurer la sécurité à l'intérieur du périmètre.

Or cet objectif est atteint par l'article 1er, qui prévoit que les personnes faisant l'objet d'une vérification pourront être reconduites en dehors du périmètre de manière à assurer la sécurité. La mesure est donc pleinement opérationnelle, et il n'y a pas lieu d'aller plus loin que ce qui est proposé ici.

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Au-delà de l'équilibre du texte, je rappelle d'un point de vue juridique que nous sortons de la période des festivals et que ce sont de tels événements qui sont visés par cet article.

Lorsque l'on interroge les forces de l'ordre – ce qui a été mon cas au cours des semaines passées – sur les moyens qu'elles mettent en oeuvre pour protéger ces périmètres, ainsi que sur l'évolution de la loi à la sortie de l'état d'urgence, on constate que ce qui est proposé par cet article répond aux besoins pour assurer la sécurité de nos concitoyens sur le terrain.

Le fait d'avoir élargi la dimension du périmètre satisfait aux demandes des forces de l'ordre, car cela répond aux particularités géographiques des divers sites. Dans ma circonscription, le grand festival de Poupet, du fait de la nature du terrain, exige que le périmètre soit beaucoup plus large que simplement 100 mètres autour de l'entrée.

De plus, cet article est juridiquement équilibré, et je souscris à tous les arguments avancés quant à l'inconstitutionnalité de l'amendement proposé. Nous sommes là dans le cadre du droit commun ; nous devons changer de paradigme dès lors que nous ne sommes plus dans l'état d'urgence, dont nous souhaitons sortir, comme nous l'avons exprimé en le prolongeant mais en prévoyant une date de fin.

Bien évidemment, nous voterons contre cet amendement.

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Nous souscrivons à la rédaction de cet article. Toutefois, dans l'alinéa 6, vous écrivez : « L'arrêté prévoit les règles d'accès et de circulation des personnes dans le périmètre, en les adaptant aux impératifs de leur vie privée, professionnelle et familiale ».

Avez-vous entendu par là traiter la question des personnes résidant dans les périmètres de protection ? Nous y reviendrons en examinant un amendement de notre collègue Marietta Karamanli, mais c'est ce qui explique notre interrogation quant à l'intérêt de prévoir dans l'arrêté pris par le préfet l'obligation de s'interroger sur le traitement devant être réservé aux personnes qui vivent dans le périmètre de protection.

Si vous le jugez utile, nous déposerons un amendement propre à clarifier ce point.

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Ce qui me semble important dans ce texte, c'est que l'on puisse répondre à deux questions.

Les forces de police disposent-elles d'un outil nécessaire et suffisant pour mener leur action ? – oui, sans aucun doute – et ces dispositions correspondent-elles à l'état du droit en général ainsi qu'à l'objectif d'opérationnalité ?

Nous devons nous remettre dans le contexte de ce que vise ce texte. Ce qui serait catastrophique serait de créer une sorte de no man's land, et, qu'à un moment donné, les forces de l'ordre chargées de la sécurité soient dépossédées de capacités de contrôle ou de pouvoir.

Ce n'est pas le cas, le rapporteur l'a dit, mais je poursuis cette réflexion. Nous sommes devant un texte qui instaure un périmètre certes, mais un périmètre subsidiaire par rapport au droit commun. Celui-ci continue à s'appliquer, hors du périmètre lorsque les personnes concernées auront été reconduites, mais aussi à l'intérieur du périmètre.

J'insiste sur cette situation, car quelqu'un peut très bien refuser de se soumettre aux vérifications sans pour autant présenter le moindre signe extérieur particulier de dangerosité correspondant à ce que vise cette loi. Dans ce cas, l'intéressé est naturellement reconduit à l'extérieur du périmètre, et toutes les dispositions du droit commun s'appliquent.

Ce qui pourrait être catastrophique, en revanche, c'est que les forces de sécurité aient affaire à une personne présentant une attitude ou un comportement inquiétants et qu'elles opèrent selon le droit commun en appliquant les dispositions légales en matière de flagrance, puisqu'elles n'auraient pas besoin de se référer à ce texte qui, bien que nécessaire aux services de police, demeurerait subsidiaire.

Loin d'affaiblir les procédures de sécurité, cette disposition précise et améliore au contraire les capacités de réaction des forces de sécurité, dans un contexte difficile – présence d'une foule au sein d'un périmètre fermé – où il leur faut agir vite.

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Ce que vous conceptualisez n'a rien à voir avec la réalité du terrain, car nous parlons ici de dispositions qui sont précisément celles qui permettent de déceler si un individu est suspect ou non. Par ailleurs, si les forces de sécurité doivent effectuer le tri entre ceux qui se soumettent à la fouille et ceux qui la refusent, on est certain d'aboutir à une pagaille généralisée, qui contreviendra au bon déroulement des opérations et à la sécurité du public. Cette mesure ne relève donc pas du bon sens car elle est parfaitement inapplicable sur le terrain.

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Il me semble que l'assurance de certains collègues menace la qualité de nos débats : personne ne détient ici la vérité absolue. Alors que nous avions, hier, entamé nos échanges avec l'idée que nous trouverions ensemble un point d'équilibre, je m'inquiète de constater que d'aucuns considèrent qu'ils y sont déjà parvenus et que toute idée divergente serait inspirée soit par des motifs politiciens soit par l'inconscience. Revenons à nos réflexes d'hier : personne ne détient la vérité, et j'invite mes collègues de La République en Marche à faire l'expérience d'une valeur essentielle en démocratie, le doute.

Sur le fond ensuite, les dispositions en discussion ne concernent pas l'ensemble du territoire national mais des périmètres considérés sous tension et devant, dès lors, être soumis à des règles et contraintes particulières tout à fait acceptables au regard du respect des libertés fondamentales. C'est le cas, par exemple, des zones d'embarquement dans les aéroports, où les passagers sont systématiquement soumis à la fouille ; en cas de refus, non seulement ils ne peuvent embarquer,…

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

C'est la même chose !

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Certes, mais cela va au-delà puisqu'ils font alors l'objet d'un contrôle d'identité. Or, personne ne considère qu'il s'agit d'une mesure attentatoire aux libertés fondamentales, car ce filtrage dans une zone spécifique est évidemment indispensable à la sécurité des voyageurs. Il n'est donc nul besoin d'imaginer de nouvelles règles légales pour les périmètres de protection, qui sont par nature des zones à risque et justifient l'application de mesures dérogatoires au droit commun.

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Monsieur le rapporteur, vous nous avez apporté la démonstration éclatante que ce projet de loi allait réduire l'efficacité de nos outils de protection en indiquant que la sortie de l'état d'urgence imposait cette exigence du consentement. C'est votre analyse juridique ; encore faudrait-il avoir celle du Conseil constitutionnel pour pouvoir vous suivre dans vos certitudes, car il est évident que le régime de l'état d'urgence qui, à la suite des amendements que nous avions déposés en juillet 2016, après les attentats de Nice, sur la loi prorogeant cet état d'urgence était beaucoup plus protecteur puisqu'il autorisait de procéder sans consentement aux contrôles d'identité, fouilles de véhicule, palpations de sécurité ou inspections visuelles.

C'est bien ce qui fait la faiblesse du texte qui nous est soumis : comment nos concitoyens peuvent-ils comprendre que, dans un périmètre considéré comme dangereux et exposé à la menace terroriste, on doive demander le consentement des intéressés pour vérifier qu'ils ne menacent pas la sécurité publique ? Au regard du bon sens, c'est parfaitement incompréhensible. Cela signifie en outre que, si une personne peut se soustraire ainsi aux palpations de sécurité d'un agent de sécurité, rien ne l'empêchera d'aller commettre son attentat deux ou trois rues plus loin, comme cela s'est déjà produit.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Nos textes ne sont pas dictés par l'idéologie mais par les faits, et ce projet de loi donne aux préfets les moyens d'organiser les périmètres de protection instaurés lors des événements publics de grande ampleur.

Chacun sait que des palpations sont pratiquées à l'entrée de ces périmètres, comme c'est le cas à l'entrée des stades, et celui qui voudrait commettre un attentat serait parfaitement inconséquent de se présenter puis de refuser la palpation. Ce refus pouvant être assimilé à un comportement trouble, nous nous retrouverions dans un cas où s'applique le droit commun et où les policiers pourraient procéder à un contrôle d'identité.

En revanche, on n'oblige personne à pénétrer dans le périmètre de protection et, si quelqu'un refuse par principe la palpation, c'est son droit le plus strict mais il n'entre pas. Par ailleurs, des dispositions ont également été prévues pour les habitants de ce périmètre, afin qu'ils puissent continuer à circuler normalement, car notre intention est bien d'organiser l'ordre public en cas de grande manifestation, sans porter atteinte aux libertés publiques. Il n'y a donc pas de recul de ces libertés mais organisation de l'ordre public à l'occasion de ces grands événements.

Lors de l'Euro 2016, des centaines de milliers de personnes ont été fouillées à Lyon ; un seul individu a été expulsé parce qu'il portait sur lui un couteau. Il faut se garder de légiférer dans l'abstraction mais s'appliquer aux situations concrètes. C'est ce que fait ce texte.

La Commission rejette les amendements identiques CL63 et CL102.

Elle en vient à l'amendement CL104 de M. Éric Ciotti.

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Cet amendement concerne les contrôles d'identité et obéit à la même logique que mon amendement précédent sur les palpations de sécurité. Il est important en effet que le préfet puisse autoriser ces contrôles d'identité, aujourd'hui supprimés du dispositif, dans ces périmètres de protection car ils sont un instrument essentiel pour la sécurité. Vous me répondrez qu'ils pourront toujours l'être dans le cadre des réquisitions judiciaires de l'article 78-2 du code de procédure pénale, mais nous pensons qu'ils doivent être maintenus et relever de la police administrative dans les périmètres de protection.

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Je rappelle que, dans le cadre de l'état d'urgence, les contrôles de police administrative n'étaient possibles que pendant vingt-quatre heures.

Par ailleurs, votre rédaction de l'alinéa 7 autorise les agents de sécurité privée et les agents municipaux à procéder à des contrôles d'identité, ce qui est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Avis défavorable.

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Prenons le cas d'un individu animé de mauvaises intentions, qui voudrait pénétrer dans le périmètre de sécurité et se raviserait au dernier moment. Les soupçons que va éveiller sa conduite peuvent certes justifier un contrôle de son identité, mais qui pourra effectuer ce contrôle s'il n'y a sur place que des agents de sécurité privée et aucun fonctionnaire de police habilité à procéder à ce contrôle ?

Dans ces conditions, le recours à des agents de sécurité privée ou à des policiers municipaux n'apparaît que comme un pis-aller, suppléant aux manques d'effectifs de notre police nationale, à moins qu'il ne traduise l'importation sur notre sol d'une conception de la sécurité à l'américaine, c'est-à-dire confiée à du personnel privé doté de nouvelles prérogatives dont celle d'être armé.

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S'abriter derrière la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne me paraît en la circonstance guère opérant, et on ne peut raisonner comme si, au-delà du droit commun, n'existait qu'une seule législation d'exception, circonscrite une fois pour toutes à la loi de 1955. Dans sa décision de 1985 sur l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie, le Conseil constitutionnel s'est posé la question de savoir si le législateur était compétent pour instaurer des mesures dérogatoires au droit commun dans des conditions caractérisées par une menace particulière pesant sur l'ordre public, ce qui est exactement l'esprit de ce projet de loi, aux dires mêmes du ministre. Il s'agit ici d'innover, en dehors du cadre de la loi de 1955, pour adapter notre droit à des circonstances qui nous obligent à faire face à une menace d'une particulière gravité – le ministre ne dira pas le contraire. C'est en tout cas l'analyse du groupe Les Républicains.

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Dans le cadre de l'état d'urgence, les policiers municipaux et les agents de sécurité privée ne sont pas davantage habilités à effectuer des contrôles d'identité. La distinction entre droit commun et droit d'exception n'a donc pas lieu d'être soulevée.

La Commission rejette l'amendement.

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En deux heures, nous n'avons traité qu'une quinzaine d'amendements sur les trois cent qui ont été déposés : à ce rythme, nous en avons pour quarante heures de débat ! Sans vouloir nuire à la qualité de nos échanges, je vous invite donc à faire preuve de discipline, en évitant notamment de répéter certains propos, dont le sens a parfaitement été compris.

La Commission examine l'amendement CL170 de Mme Danièle Obono.

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Nous ne sous-estimons pas le degré de menace qui pèse aujourd'hui sur notre société et pensons au contraire qu'il faut se donner les moyens humains et opérationnels d'y faire face. Mais cet article conduit à une privatisation des fonctions de sécurité et renforce l'influence du secteur économique de la sécurité privée dans un domaine par nature régalien.

Nos forces de police et de gendarmerie subissent une baisse d'effectifs considérable, et leur substituer des agents de sécurité non seulement n'améliorera pas la protection de nos concitoyens mais, de surcroît, ne contribuera pas à réévaluer les moyens dont auraient besoin les forces de l'ordre pour assurer pleinement leur mission.

Le recours à des agents privés de sécurité est inquiétant car il entérine en quelque sorte l'instauration de milices privées. Rappelons que les obligations professionnelles et déontologiques ainsi que les missions de service public qu'assument les fonctionnaires de police sont aux antipodes des règles qui régissent des sociétés privées, dont le but est par essence lucratif.

Ce recours est également dangereux car, à des fins de coordination, il implique l'échange d'informations sensibles avec les responsables de ces sociétés privées, sans que nous puissions garantir le respect de la confidentialité de ces informations.

Alors qu'il conviendrait avant tout, pour prévenir les actes terroristes, de doter nos forces de sécurité de davantage de moyens, nous ne voyons pas l'utilité de l'alinéa 7, d'où cet amendement de suppression.

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Avis défavorable. La gestion des fan zones lors de l'Euro 2016 a montré l'intérêt opérationnel de recourir à ces agents privés. Par ailleurs, ce recours est déjà autorisé par notre droit. Il est assorti de multiples garanties, comme le fait de n'autoriser les palpations que par des agents du même sexe.

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Dans le cadre de nos auditions, les forces de l'ordre ont à plusieurs reprises exprimé la nécessité d'être secondées par des agents de sécurité privée. Vous semblez laisser planer un doute sur la moralité et les compétences de ces agents. Il nous a pourtant été rappelé qu'ils bénéficiaient de 175 heures de formation initiale – durée qui devrait bientôt passer à 200 heures –, auxquelles s'ajoutent 36 heures de formation continue, dont 14 consacrées à la gestion du risque terroriste. Cette formation continue est obligatoire et conditionne le renouvellement de la carte professionnelle. En outre, ces agents font l'objet d'une enquête de moralité, qui inclut la vérification du casier judiciaire, des fiches de police et de l'inscription au Fichier des personnes recherchées (FPR). Il me semble qu'il s'agit de garanties suffisantes pour les autoriser à procéder aux palpations de sécurité ainsi qu'à la fouille et à l'inspection visuelle des bagages et des véhicules, dans le cadre qui nous intéresse.

La sécurisation d'événements publics de grande ampleur demande des moyens trop considérables pour que les seules forces de l'ordre y suffisent. Notre groupe s'opposera donc à cet amendement.

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À la question de savoir si des sociétés privées peuvent être délégataires d'une parcelle d'autorité publique, je répondrai que cela se fait déjà dans de nombreux secteurs. On a cité l'Euro 2016, mais c'est régulièrement le cas dans tous les stades, avec l'emploi de stadiers, qui effectuent des contrôles de sécurité à l'extérieur des enceintes lors de matchs importants. C'est aussi le cas dans les aéroports, où des sociétés privées ont remplacé la police aux frontières pour assurer les fouilles et les palpations des voyageurs. En cas de problèmes lors de la fouille, soit l'individu est refoulé du périmètre de sécurité, soit il peut faire l'objet d'un contrôle d'identité dans le cadre de l'article 78-2.

J'ajoute que, dans tous les pays démocratiques, l'évolution des compétences, les questions d'effectifs et de budget font que l'on s'oriente de plus en plus vers une coproduction de sécurité, qui, chez nous, réunit la police, la gendarmerie, les polices municipales et les sociétés de sécurité privée.

Concernant ces dernières, je confirme que nous avons auditionné le préfet, directeur du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), qui nous a bien précisé que les agents privés opérant sur la voie publique faisaient l'objet d'une certification, leur certificat de qualification professionnelle (CQP) comportant pour l'instant 170 heures de formation mais étant voué à être prochainement augmenté en durée et enrichi en compétences.

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Je ne comprends pas pourquoi, alors que nous parlons de périmètres de sécurité qui entourent, par définition, des lieux menacés où les besoins en services d'ordre sont par conséquent plus importants qu'ailleurs, nous nous priverions de l'emploi de services de sécurité privée, dont on sait qu'ils interviennent déjà à l'intérieur des bâtiments ou dans la limite des lieux dont ils ont la charge. Le périmètre d'intervention est parfaitement défini par arrêté préfectoral, et ces agents privés seront désormais placés sous l'autorité directe d'un OPJ. Tout me semble ici parfaitement cohérent.

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Permettez-moi de répondre brièvement car la question, selon nous, est fondamentale. Tout d'abord, il ne s'agit pas ici de moralité, mais de formation. S'il existe un service public des forces de l'ordre et si celles-ci sont soumises à une formation extensive, c'est bien pour une raison – étant précisé que cette formation se dégrade, puisqu'elle passe de douze à neuf mois, voire à quatre mois, compte tenu des besoins de recrutement. Quoi qu'il en soit, le contenu de cette formation correspond à la responsabilité importante qui échoit aux forces de police en règle générale et, a fortiori, en matière de prévention des actes de terrorisme, qui est une question de première importance. D'autre part, je rappelle que nous n'avons pas auditionné d'entreprises de sécurité privée mais le CNAPS, qui encadre ces activités et dont il faut renforcer les compétences, qui sont actuellement limitées.

En clair, il se pose un problème de formation. La philosophie générale, qui procède d'un choix, consiste à privatiser un certain nombre de missions de service public, ce qui ne gêne pas certains de nos collègues au motif que cela se fait déjà ailleurs – ce qui ne justifie pas que nous devions en l'occurrence nous engager dans cette direction problématique et même dangereuse. Pour notre part, nous sommes attachés au service public et pensons qu'il faut le renforcer.

Enfin, si la présence d'un OPJ est prévue en droit, elle est irréaliste en fait – puisque certains ici aiment tant évoquer la réalité du terrain. Concrètement, il est impossible d'assurer la présence d'un OPJ auprès de chaque agent de sécurité privée, chacun le sait bien. On aura beau écrire cette disposition impraticable dans les textes, on fragilise d'autant plus le dispositif de sécurité. Pour toutes ces raisons, il faut adopter cet amendement de suppression et ouvrir un véritable débat sur le contenu de la formation dispensée aux agents de police et de sécurité, et sur les besoins de service public dans ce domaine. Nous parlions d'adaptabilité : il ne s'agit pas d'empiler les textes année après année au motif que la menace terroriste évolue constamment, mais de donner les moyens à nos agents de s'y adapter parce qu'ils sont bien formés et réactifs. C'est ainsi que nous pourrons prévenir les actes terroristes.

La Commission rejette l'amendement CL170.

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J'invite les responsables des groupes à venir s'entretenir avec moi en fin de séance pour envisager la suite de nos travaux.

La Commission examine l'amendement CL64 de M. Jean-Louis Masson.

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Cet amendement vise à insérer la phrase suivante après l'alinéa 7 : « Tout refus de palpation de sécurité, inspection visuelle et fouille des bagages pourra entraîner un contrôle d'identité ». Dans le contexte de la lutte antiterroriste, toute tentative de soustraction à l'application d'une loi visant la protection d'une zone jugée sensible et délimitée par un périmètre spécifique doit pouvoir donner lieu à la vérification de l'identité de la personne réfractaire. Il va de soi que l'emploi du verbe « pourra » laisse une marge d'appréciation aux agents de sécurité, à qui il reviendra de saisir ou non l'OPJ.

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Avis défavorable ; nous avons déjà eu ce débat. Tout d'abord, l'alinéa 8 de l'article 78-2 du code de procédure pénale permet d'ores et déjà aux policiers d'effectuer des contrôles d'identité. D'autre part, dans sa rédaction actuelle, votre amendement suppose que ces contrôles puissent être effectués par des agents de police municipale et par des agents de sécurité privée ; or, cette disposition serait inconstitutionnelle, en droit commun comme sous l'état d'urgence.

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Nous ne proposons pas que les contrôles soient effectués par des agents de sécurité privée !

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Dans ce cas, il faudrait préciser que seuls les OPJ sont concernés. En l'état, votre amendement ouvre cette faculté à l'ensemble des personnes qui participent à la sécurisation d'un périmètre donné.

La Commission rejette l'amendement CL64.

Elle passe à l'amendement CL171 de M. Ugo Bernalicis.

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Dans le sillage de notre précédent amendement qui visait à supprimer l'alinéa 7, nous proposons de supprimer l'alinéa 8 afin de restreindre aux seuls agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale les missions de lutte contre le terrorisme dans les périmètres de protection. J'ajouterai aux raisons déjà invoquées la tendance générale et récente de la police municipale à caler ses prérogatives sur celles de la police nationale, par exemple en matière d'accès à de nouveaux fichiers ou d'armement, depuis le mois de février. C'est ce qui nous a incités à proposer dans notre programme présidentiel la fusion en une seule et même force de la police municipale, de la police nationale et de la gendarmerie nationale, en leur appliquant des règles de déontologie communes et en leur accordant les mêmes moyens de formation et d'action.

Une fois de plus, c'est un bricolage qui nous est proposé : nous ne disposons pas des moyens organisationnels à la hauteur des enjeux et, de ce fait, sommes contraints de reconnaître qu'il faudra peut-être solliciter le concours des policiers municipaux – qui, en temps normal, ont d'autres missions et prérogatives – parce que l'État ne peut pas faire face à la menace par ses propres moyens. Nous proposons donc de supprimer cet alinéa et d'ouvrir une discussion responsable sur la question des moyens à mettre en oeuvre.

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Revenons au caractère opérationnel des choses. Cet amendement, comme celui qui concernait à l'instant les agents de sécurité privée, signifierait la disparition des festivals pendant l'été, et que les maires ne seraient plus en mesure de décider s'ils doivent ou non utiliser des agents de sécurité ou la police municipale en fonction de leur budget et d'autres circonstances. Autrement dit, on laisserait gagner ceux qui veulent porter atteinte à nos vies.

Prenons un exemple : la Fête de L'Humanité doit se dérouler en fin de semaine. Qui sécurisera les lieux ? J'espère qu'il n'y aura pas qu'un seul agent de sécurité ou un seul policier municipal car, dans ce cas, il faudrait annuler l'événement ! Disons les choses : les maires doivent pouvoir décider si la police municipale participe ou non au périmètre de protection. Autrement, ce sera la fin d'un certain nombre de festivals et d'activités qui incarnent précisément ce pour quoi les terroristes cherchent à nous atteindre.

Vous prétendiez en préambule, cher collègue, que vous ne vous contentiez pas de proposer des suppressions mais, dans ce débat, vous ne faites guère de propositions constructives ; vous ne faites que demander des suppressions et encore des suppressions, qu'il s'agisse des agents de sécurité privée ou de la possibilité pour un maire de faire participer la police municipale aux périmètres de sécurité. La suppression systématique : voilà le ressenti à la lecture de vos amendements.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Le ministre de l'intérieur est inquiet : en l'absence d'agents de sécurité privée à la Fête de L'Humanité, je crains que nous ne puissions pas envoyer autant d'agents de police qu'il soit nécessaire pour sécuriser les lieux, ce qui risque de présenter un grave problème de sécurité publique au point que nous devrons nous interroger avec les organisateurs quant à la possibilité que cette fête se tienne… Peut-être ceux-ci se rappelleront-ils les articles L. 613-2 et L. 613-3 du code de la sécurité intérieure, qui précisent dans quelles conditions les agents de sécurité privée peuvent sécuriser ce type de manifestations ; ils contrediront alors nos amis de la France insoumise présents ici.

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Permettez-moi, en tant qu'ancienne maire d'une ville de quinze mille habitants, de rebondir sur les propos de notre collègue Bernalicis. Si la police municipale ne peut plus intervenir dans des périmètres de protection, même s'il s'agit en l'occurrence de répression du terrorisme, alors il n'y aura plus de bals du 14 juillet, plus de festivals, plus de fête du sou des écoles – en somme, toutes ces manifestations qui font la vie quotidienne de nos villes et de nos concitoyens et qui créent le fameux lien social auquel nous sommes tous tant attachés. En outre, nous devrons dépenser encore plus d'argent municipal pour engager d'autres forces de sécurisation – autrement dit, le serpent se mord la queue.

Souvenons-nous d'autre part que les agents de police municipale permettent aux maires de remplir leur obligation de protection des personnes et des biens. À ce titre, ils sont formés et sont tenus d'observer un code de déontologie dont les quatre titres sont les suivants : devoir de respecter le public, devoir d'intégrité, devoir de loyauté à l'égard des institutions et, enfin, devoirs spécifiques liés aux missions des agents de police municipale – en particulier le devoir de rendre compte aux forces de sécurité publique, aussi bien les officiers de police nationale que les officiers de gendarmerie nationale, et de transmettre leurs rapports et procès-verbaux au maire et au procureur de la République. Leur travail est donc très encadré. On ne saurait prétendre que les officiers de police municipale ne sont pas « en capacité » – hormis pour ce qui concerne le contrôle d'identité, pour lequel ils ne sont pas autorisés à user de moyens coercitifs. Vouloir les rayer d'un trait de plume du dispositif de protection de nos concitoyens reviendrait tout simplement à aggraver l'insécurité.

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Nous atteignons là des niveaux de caricature exceptionnels.

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Permettez-moi de m'exprimer, ne vous en déplaise. Vous avez été maire, madame la députée, et vous savez à quoi sert la police municipale. Vous savez également que rien ne vous empêche de concourir à un périmètre de sécurité ou à la sécurisation d'un événement en dehors du cadre du présent texte ; c'était le cas avant l'instauration de l'état d'urgence et ce sera le cas après sa levée. Ce n'est pas une mesure supplémentaire visant à transférer ponctuellement l'autorité de la police municipale à la police nationale pour tel ou tel périmètre de sécurité qui réglera le problème.

Sans doute confondez-vous ma proposition globale d'intégration des forces de police municipale dans une grande force étatique dont les effectifs augmenteraient, notamment par l'intermédiaire d'une police de proximité dont nous débattrons peut-être un jour, avec le fait d'associer les policiers municipaux et des agents de sécurité privée à la sécurisation d'un périmètre de protection.

Nous avons déposé vingt-neuf amendements de proposition et dix-neuf amendements de suppression. Leur économie générale tend donc plutôt vers la proposition. Ne perdons donc pas notre temps en interventions caricaturales qui polluent le débat en évoquant des « ressentis » à propos de la France insoumise. Le débat que nous avons ne porte pas sur les ressentis que suscite la France insoumise mais sur les dispositions que nous voulons appliquer pour lutter contre des actes de terrorisme, sur le fait qu'elles relèvent ou non de l'État de droit et sur notre action pour garantir tout à la fois les libertés individuelles et un niveau de protection efficace pour les Françaises et les Français sans servir les objectifs de nos ennemis.

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Il faut bien trouver un point d'équilibre !

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Vos argumentaires me semblent donc s'apparenter à un aveu d'échec.

Quant à la Fête de L'Humanité, si vous étiez plus au fait de ce qui se passe à gauche de l'échiquier politique, vous sauriez que je n'en suis pas l'organisateur…

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Je laisserai donc mes camarades communistes s'exprimer sur ce sujet. J'observe simplement que, lors des manifestations qui se sont tenues hier, il n'y avait aucun périmètre de protection, mais que les mouvements politiques ont déployé leur propre service d'ordre. Je vous l'ai dit lors de votre audition, monsieur le ministre : il va de soi que les militants politiques discutent avec le ministère de l'intérieur et les forces de police, et j'imagine que vous l'avez constaté depuis.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Je m'en suis occupé.

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Chacun concourt donc à la sécurité. Vous savez que nous sommes déjà en discussion avec la préfecture de police pour organiser la manifestation du 23 septembre de manière responsable afin qu'aucun acte terroriste ne soit commis dans nos rassemblements. Nous sommes partie prenante à la lutte contre la commission potentielle d'actes terroristes. Je vous saurais donc gré de ne pas nous intenter des procès qui n'ont pas lieu d'être dans cette commission.

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Je ne vois pas, monsieur Bernalicis, comment il pourrait être possible d'intégrer tous les agents de sécurité privée à la police nationale. Il ne vous a pas échappé que les grandes manifestations et autres occasions de déployer des périmètres de sécurité ne sont pas le lot quotidien de notre vivre-ensemble. L'Euro 2016 est passé et le prochain, en 2020, n'aura pas lieu en France. Il se produit de grands événements à certaines périodes, comme l'a rappelé M. Latombe, mais tous les agents de sécurité privée ne pourraient pas être intégrés dans la police nationale. Il se pose donc une question d'efficacité : la police nationale doit être formée à l'exercice de missions précises qui sont les missions régaliennes de la police, et les forces d'appoint doivent être bien formées – nous défendrons plus tard un amendement sur ce point. On ne saurait néanmoins imaginer que tous les agents de sécurité privée de France intègrent la police nationale : il faut raison garder !

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Si, en quelque sorte ; à force de caricaturer, cher collègue, on en vient parfois à formuler des propositions qui nous dépassent.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL171.

Puis elle examine l'amendement CL227 de Mme Marietta Karamanli.

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Loin de ne vouloir proposer que des suppressions, nous souhaitons prendre en compte les préoccupations des élus locaux et celles des agents qui interviennent directement, qu'il s'agisse de la police municipale ou du secteur privé.

Je propose de modifier légèrement cet amendement de telle sorte qu'un décret simple puisse prévoir les conditions de mise en oeuvre des obligations s'appliquant à la police et à la gendarmerie, mais aussi aux agents du secteur privé, en particulier en matière déontologique.

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Je comprends la préoccupation qui inspire cet amendement mais il est à mon sens déjà satisfait, au moins en partie, parce que les policiers municipaux, en vertu des articles R. 515-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, sont soumis au respect d'un code de déontologie, comme le sont d'ailleurs les agents de sécurité privée en vertu des articles R. 631-1 et suivants dudit code.

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Je retire l'amendement pour en revoir la formulation en vue de la séance publique.

L'amendement CL227 est retiré.

La Commission examine l'amendement CL103 de M. Éric Ciotti.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL103.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL73 du rapporteur.

Elle passe à l'amendement CL228 de Mme Marietta Karamanli.

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À la suite de l'intervention de M. le ministre, cet amendement permet de clarifier la situation des personnes qui habitent ou travaillent dans les périmètres de sécurité. Je propose d'en modifier la rédaction de sorte que le préfet, comme nous l'avons évoqué plus tôt, prenne dans son arrêté « des mesures concernant les habitants résidant et personnes fréquentant pour leur travail la zone considérée », le reste de la phrase étant transféré dans l'exposé des motifs.

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À mon sens, cet amendement est satisfait, mais la rédaction du texte peut toujours être améliorée. Avis défavorable, quitte à revoir la formulation de l'article.

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L'amendement de Mme Karamanli pose une véritable question, celle du consentement, qui est extrêmement biaisée. En effet, les habitants de la zone en question n'ont pas le choix : s'ils souhaitent rentrer chez eux, ils sont obligés de se soumettre aux fouilles et palpations. Ce dispositif provoque donc une rupture d'égalité qui nous incite à penser que la question du consentement est toute théorique, voire rhétorique et, en l'occurrence, inutile.

La Commission rejette l'amendement CL228.

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En attendant son éventuelle réécriture, cet amendement n'a pas été adopté.

La Commission examine l'amendement CL241 de Mme Marine Brenier.

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Cet amendement vise à autoriser la rétention d'un individu dont l'attitude laisserait à penser qu'il pourrait commettre un acte pouvant porter atteinte aux personnes se trouvant dans le périmètre de protection.

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Cet amendement est déjà satisfait dans le droit commun, et même de manière plus stricte, puisqu'en vertu de l'article 78-3 du code de procédure pénale, toute personne refusant de justifier de son identité peut être retenue non pas seulement une heure mais quatre si son comportement semble lié à des activités à caractère terroriste.

La Commission rejette l'amendement CL241.

Elle passe aux amendements CL13 et CL14 de M. Guillaume Larrivé.

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Je retire l'amendement CL13 pour ne défendre que l'amendement CL14. Compte tenu des propos que vient de tenir le rapporteur, il me semble nécessaire d'établir un lien expressis verbis avec l'article 78-3 du code de procédure pénale afin de préciser que les personnes mentionnées à l'alinéa 7 de l'article 1er du présent texte sont soumises à la mesure de vérification d'identité prévue dans ledit article du code. Les lois spéciales dérogeant aux lois générales, j'entends que la disposition spéciale que vous vous apprêtez à adopter à l'article 1er ne déroge pas à la disposition générale prévue à l'article 78-3 du code de procédure pénale ; pour m'en assurer, je propose de formuler cette « rotule » articulant les deux mesures.

L'amendement CL13 est retiré.

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Nous avons effectué plusieurs vérifications sur ce point. Le droit commun, en particulier les articles 78-2 et suivants du code de procédure pénale, pourront s'appliquer. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement CL14.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL74 du rapporteur.

Elle examine l'amendement CL246 de Mme Marine Brenier.

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En portant à trois mois la durée des arrêtés préfectoraux instaurant un périmètre de protection, cet amendement vise à tenir compte des spécificités des zones touristiques et des manifestations sportives, récréatives et culturelles dont la durée dépasse un mois, en particulier pendant l'été.

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Dans le texte issu du Sénat, ce délai est en effet d'un mois mais il est renouvelable éternellement si les conditions sont réunies. L'amendement est donc satisfait : avis défavorable.

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Le périmètre de protection pouvant être reconduit de mois en mois pour une durée indéterminée, comme vient de l'indiquer monsieur le rapporteur, il est d'autant plus important d'examiner la question soulevée par Mme Karamanli dans l'amendement CL228 concernant les résidents et les riverains de zones de protection qui pourraient le rester pendant une longue période. Nous déposerons de nouveau cet amendement, mais j'invite le Gouvernement à étudier ce point de très près : on ne saurait en effet envisager de soumettre des riverains à des obligations aussi dures, si justifiées soient-elles en général, car ils n'ont pas eux-mêmes choisi que leur quartier devienne un périmètre de protection.

La Commission rejette l'amendement CL246.

Elle examine l'amendement CL152 de M. Alain Tourret.

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Le présent article autorise des agents de sécurité privée à effectuer des opérations de surveillance de la voie publique dans les périmètres de sécurité afin de prévenir les « vols, dégradations, effractions », ce qui est sans lien avec la lutte contre le terrorisme. Je crains qu'il ne se produise un déplacement doux mais irréversible des questions de terrorisme vers le droit commun, et je ne souhaite pas cette évolution.

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L'article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure autorise déjà les agents de sécurité privée à exercer ces missions sur la voie publique. L'alinéa 14, que l'amendement vise à supprimer, est un alinéa de coordination. Avis défavorable.

L'amendement CL152 est retiré.

La Commission examine l'amendement CL144 de M. Erwan Balanant.

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Étant donné les nouvelles responsabilités confiées aux agents de sécurité privée, cet amendement vise à élever le niveau de leur formation initiale. Aujourd'hui, l'agrément pour la palpation est accordé pour trois ans, mais les cadres qui définissent les conditions dans lesquelles il peut être donné demeurent flous. Nous proposons de préciser le cahier des charges de la formation des agents des entreprises de sécurité privée afin qu'elle soit mieux encadrée, en raccourcissant notamment la durée de validité de l'agrément et en rendant obligatoire la formation continue.

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La formation des agents d'entreprises de sécurité a été récemment renforcée. Sans doute serait-il utile que monsieur le ministre, qui exerce la tutelle du CNAPS, nous en dise davantage mais, en l'état, cet amendement ne me semble pas nécessaire.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Pour obtenir la carte professionnelle d'agent privé de sécurité, il faut justifier de conditions de moralité et d'aptitude, et l'aptitude est conditionnée à l'obtention d'une certification et vérifiée par le CNAPS. La formation initiale a été portée à 175 heures pour les agents de surveillance. En 2016, le ministère de l'intérieur a renforcé son contrôle sur les organismes de formation et sur leur contenu, qui doit être conforme aux principes définis à l'article L. 625-1 du code de la sécurité intérieure, soumis au contrôle du CNAPS et encadré par un cahier des charges défini par l'arrêté du 27 juin 2017.

D'autre part, la loi du 17 août 2015 a créé l'article L. 612-20-1 du code de la sécurité intérieure qui impose une nouvelle obligation de formation continue pour tout renouvellement de la carte professionnelle, c'est-à-dire tous les cinq ans. Cette obligation entrera en vigueur le 1er janvier 2018, et la durée de la formation continue est de 31 heures.

La loi du 28 février 2017 permet d'armer les agents de sécurité privée lorsqu'il existe « un risque exceptionnel d'atteinte à la vie des personnes », en vertu de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure. Un décret d'application est en cours d'élaboration pour, dans ce cas, renforcer les obligations de formation en matière d'enseignement théorique et d'entraînement au tir et imposer la production d'un certificat médical.

Comme je l'ai indiqué hier, nous souhaitons réfléchir à l'articulation entre la police nationale, la police municipale et les agents de sécurité privée.

La Commission rejette l'amendement CL144.

Elle adopte l'article 1er modifié.

Après l'article 1er

La Commission examine l'amendement CL105 de M. Éric Ciotti.

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L'objectif de cet amendement comme du suivant est d'introduire dans le projet de loi certaines dispositions qui étaient inscrites dans l'état d'urgence et que vous avez retirées.

Le présent amendement prévoit d'autoriser à nouveau le préfet à « interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. »

Soit l'on transpose ces dispositions et l'on conserve des outils de protection adaptés, soit vous les retirez comme vous l'avez fait dans le texte, ce qui nous conduira à déplorer la dégradation des outils de protection.

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Défavorable.

La mesure que vous proposez serait à coup sûr inconstitutionnelle puisque, le 9 juin 2017, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a censuré, dans cette rédaction, l'interdiction de paraître.

Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question lors de l'examen de l'article 3, un amendement du groupe La République en Marche prévoyant de rétablir l'interdiction de paraître, dans des conditions conformes à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

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Une proposition est constitutionnelle dès lors qu'elle émane du groupe La République en marche et inconstitutionnelle quand elle vient du nôtre ! Cela ressemble à ce qu'avait dit André Laignel : « Vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes politiquement minoritaire ».

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Cela me fait penser à certaines leçons de droit constitutionnel qui, à propos des lois pour la confiance dans l'action politique, se sont révélées inexactes il y a quelques jours…

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CL106 de M. Éric Ciotti.

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Même logique que précédemment. Il s'agit d'ouvrir au préfet la possibilité d'autoriser les OPJ et les agents de police judiciaire à procéder à des contrôles d'identité, à la fouille des bagages ainsi qu'à la visite des véhicules.

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Avis défavorable.

Nous avons déjà évoqué la possibilité de recourir à l'article 78-2 du code de procédure pénale : cette exigence est satisfaite dans le cadre du droit commun.

La Commission rejette l'amendement.

Elle en vient à l'amendement CL155 de Mme Frédérique Lardet.

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Cet amendement porte sur le renforcement des moyens mis à la disposition de nos forces armées et de police dans le cadre de leur mission de surveillance des périmètres de protection par l'usage de drones quadriloptères utilisés dans le civil.

Je propose que le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif aux possibilités d'utilisation de ces drones.

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La commission des Lois étant défavorable par principe aux rapports sans portée normative, je considère qu'il s'agit d'un amendement d'appel qui vise à demander au Gouvernement si des réflexions sont en cours sur le sujet. Je souhaite donc son retrait. À défaut, j'y serai défavorable.

L'amendement est retiré.

Article 2 (art. L. 227-1 et L. 227-2 [nouveaux] du code de la sécurité intérieure) : Fermeture administrative des lieux de culte

La Commission est saisie de l'amendement CL172 de M. Ugo Bernalicis.

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Au risque de faire bondir nos collègues du Modem, nous défendons un amendement de suppression, cette fois de l'article 2 car la fermeture administrative des lieux de culte est inefficace.

Puisqu'il est déjà possible, à droit constant, de fermer des lieux de culte ou de mettre en cause le représentant de la personne morale, à quoi peut bien servir cet article si ce n'est à pointer du doigt un lien entre religion et terrorisme et à stigmatiser des lieux de culte, exerçant ainsi une forme de punition collective à l'encontre de tous ceux qui y viennent ? Or, ce qui est invoqué pour le fermer, c'est que quelqu'un s'y rende pour y faire du recrutement.

Lors des auditions, des syndicalistes policiers, des membres de la DGSI ou de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) ont paru critiques à l'égard de cette disposition. Le directeur général de la sécurité intérieure lui-même a été assez évasif : il n'avait pas trop envie de se prononcer sur une mesure qui, pour lui, n'était pas propre au renseignement. En matière de renseignement, mieux vaut pouvoir suivre les individus et remarquer les réseaux – qui parle à qui, qui va où – dans un lieu de culte identifié que perdre cette visibilité en le fermant et être ainsi contraint de chercher les solutions de repli utilisées par ces individus.

La fermeture des lieux de culte est non proportionnée et même inefficace pour lutter contre la commission d'actes de terrorisme ou le recrutement de personnes ayant vocation à quitter le territoire et faire le djihad. Elle est même de nature à servir les djihadistes qui tirent argument de la victimisation des pratiquants.

J'en appelle donc à votre raison : nous avons déjà les moyens, à droit constant, d'agir dans ce genre de situation – nous le verrons avec l'amendement suivant –, ne recherchons pas un effet d'affichage qui serait de nature à nous desservir.

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Avis défavorable.

Nous avons compris que vous êtes dans une logique d'opposition systématique à chaque article de ce texte de loi, dont la création d'une mesure de police administrative spécifique à la fermeture des lieux de culte est précisément l'une des innovations.

Dans le cadre de l'état d'urgence, dix-sept lieux de culte seulement ont été fermés, ce qui montre qu'il n'y a pas eu utilisation disproportionnée de la mesure, contrairement à ce que vous dites.

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Monsieur Bernalicis, vous dites que le directeur général de la sécurité intérieure aurait été évasif lors de son audition. Peut-être avez-vous été inattentif car voici ce qu'il a déclaré en ce qui concerne cette mesure qu'il juge extrêmement importante et que j'ai noté in extenso : « La plupart des lieux de culte qui peuvent donner lieu à fermeture ne sont pas conspiratifs ». Comme vous le dites, ce n'est pas là en effet que se fomentent les attentats. Mais il ajoute : « Néanmoins, ils peuvent être identifiés par les services de renseignement territorial comme des lieux salafistes avec des propos d'incitation au djihad et, de ce fait, ils participent au faisceau d'indices qui est essentiel en matière de renseignement. ». Il a donc clairement dit que, puisque nous avons ici une menace spécifique, tous ces éléments apparents sont extrêmement importants pour savoir si cela participe d'une incitation au passage à un acte violent.

Par ailleurs, souvenez-vous que, même si ses propos sont aujourd'hui totalement gommés du site de la mosquée concernée, l'imam de Brest disait que le fait de jouer de la musique faisait de nous des animaux. Certes, cela peut tomber sous le coup de la loi mais il est extrêmement important que les signes extérieurs de radicalisation soient vus par les services de renseignement et pris en compte pour la possibilité d'un passage à l'acte. Toutes les personnes concernées nous ont dit que, pour lutter actuellement contre le terrorisme, nous avons besoin de ces faisceaux d'indices et de signes extérieurs.

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Visiblement, monsieur Bernalicis, si nous avons entendu les mêmes personnes au cours de ces auditions, nous n'avons pas perçu les mêmes choses.

S'il est peut-être plus facile de surveiller des gens qui sont rassemblés dans un même lieu, le fait qu'ils soient dans des lieux épars ne doit pas être un problème pour les enquêteurs, qu'ils soient policiers ou gendarmes, qui disposent des moyens techniques et humains de les repérer. Dire qu'il ne faut pas fermer des lieux de culte dangereux au motif qu'on ne saurait plus ensuite où se trouvent les prêcheurs n'est pas un argument très convaincant.

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L'article 2 prévoit que : « Aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme, le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut prononcer la fermeture des lieux de culte, dans lesquels les propos qui sont tenus, les écrits qui sont diffusés ou les activités qui se déroulent, provoquent à la violence, provoquent à la commission d'actes de terrorisme ou font l'apologie de tels actes ». D'un point de vue rédactionnel, mieux vaudrait éviter de répéter le mot « provoquent ».

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

L'audition du directeur général de la sécurité intérieure a dû être mal perçue puisque, dans une vie précédente, il a lui-même fermé la mosquée du Calendal à Aix-en-Provence.

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Le directeur général de la sécurité intérieure est dans son rôle et il était dans un autre rôle précédemment : le préfet est un serviteur de l'État et il est sous l'autorité du ministre de l'intérieur.

Cela peut être un choix que de s'attaquer à un lieu de culte au motif que l'on estime qu'une pensée véhiculée sur place favorise le djihad, sans qu'il y ait eu nécessairement d'acte délictueux. Et s'il y a eu des actes en tant que tels, alors le code de procédure pénale et le droit existant s'appliquent. Pourquoi pratiquer la surenchère ?

Lorsque le directeur général dit qu'il n'y a pas eu d'actes préparés dans les mosquées, cela me donne raison. Et quand il juge que cette mesure peut être intéressante, il se garde bien de dire qu'elle avait un caractère utile et opérationnel pour son service puisqu'elle n'en a pas directement, cela dépend de ce que l'on veut faire. Si l'on veut entrer dans une police de la pensée, il va falloir se poser des questions : doit-on condamner quelqu'un parce qu'il est raciste dans sa tête ou parce qu'il profère des paroles racistes ? Il faut savoir où se situe la frontière. Vous parlez de « faisceaux d'indices ou de signes extérieurs » ; j'aimerais que vous précisiez ce que sont ces « signes extérieurs », car on peut aboutir rapidement à des dérives, ce que personne ne souhaite ici.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CL173 de M. Ugo Bernalicis.

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J'espère que tous ceux qui nous reprochent de ne présenter que des amendements de suppression seront attentifs à cet amendement de proposition…

Il rappelle que notre droit comporte déjà toutes les dispositions nécessaires pour pouvoir expulser du territoire un prêcheur, s'il n'est pas de nationalité française, pour ouvrir une enquête, le mettre en garde à vue, l'emprisonner. L'apologie du terrorisme permet déjà de mettre un certain nombre d'individus derrière les barreaux. À quoi bon ajouter un étage supplémentaire à la fusée si ce n'est pour dire que l'on a fait un nouveau texte et montrer que l'on agit contre le terrorisme. Il faut raison garder, se concentrer sur des dispositions plus essentielles et plus efficaces et peut-être engager un vrai débat sur l'organisation des services.

Tel qu'il est rédigé, cet article ne me semble pas efficace. Je le répète, la rédaction que nous proposons par l'amendement CL173 rappelle que tout est déjà prévu dans le droit actuel.

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Même argumentation que pour l'amendement précédent. Défavorable.

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L'amendement de suppression puis l'amendement de repli du groupe La France insoumise sont malheureusement assez caricaturaux et peu cohérents dans leur ensemble. Ils adoptent une posture dans laquelle tout est dit et, surtout, son contraire, une minute plus tard. En effet, d'un côté ils nous demandent de ne pas introduire un nouvel article qui transpose l'état d'urgence dans le droit commun, de l'autre ils nous disent que le droit commun comporte déjà des mesures que l'on pourrait utiliser en adoptant les mesures d'exception qui permettent de sortir de l'état d'urgence. Cela montre bien que, dans l'intérêt de nos concitoyens, ce texte présente un équilibre qui va au-delà de l'équilibre liberté-sécurité et qui est apte à assurer la sécurité par des mesures qui entreront dans le droit commun en cas de menace terroriste prégnante.

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La rédaction de l'amendement de notre collègue Bernalicis me laisse un peu pantois. On n'a jamais vu en effet un texte de loi rédigé de la manière suivante : « (…) pratique encadrée de manière elle aussi constante par la jurisprudence administrative depuis l'arrêt de 1933 du Conseil d'État, Sieur Benjamin (…) ». En fait votre « proposition » revient à supprimer l'article. Sur la forme, ce n'est donc pas une proposition !

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À mon tour, je souhaite vous lire les notes que j'ai prises le 7 septembre dernier, lors de l'audition du directeur général de la sécurité intérieure. À la question de M. Bernalicis qui lui demandait s'il serait démuni sans cette loi, il a répondu ceci : « Oui, sans cette loi nous serions démunis. La menace est rapide et parfois on ne peut pas judiciariser. Le travail de renseignement est très difficile, fortement difficile ». À travers les autres auditions, nous avons aussi compris que ce travail de renseignement utilisait parfois des sources étrangères qui ne permettaient pas en effet de judiciariser.

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J'invite nos collègues à prendre des notes complètes de toutes les auditions puisqu'elles ne font pas l'objet d'un compte-rendu.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL75 du rapporteur.

Elle en vient à l'amendement CL94 de Mme Frédérique Lardet.

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Cet amendement vise à définir ce qu'est un lieu de culte et à élargir le champ de ces dispositions.

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Un lieu de culte est un lieu où se pratique le culte, l'amendement me paraît donc satisfait. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CL255 du Gouvernement.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

À l'alinéa 4, après les mots : « les écrits », il s'agit d'insérer les mots : « , idées ou théories. »

On sait l'importance de la surveillance. On peut faire attention aux mots qui sont prononcés et aux écrits qui sont réalisés, mais il peut aussi advenir qu'il soit fait référence à une série d'ouvrages d'auteurs qui tous incitent à passer au djihad et à la commission du crime. C'est cela que nous voulons viser et c'est pourquoi nous réintroduisons les mots : « idées ou théories ».

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Avis favorable.

Le directeur général de la sécurité intérieure avait appelé notre attention sur le fait qu'il était nécessaire, pour donner un caractère opérationnel à l'article 2, de procéder à sa réécriture et de l'étendre aux idées et théories.

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Très franchement, cette rédaction ne me paraît pas très brillante : mieux vaudrait parler de doctrine plutôt que d'idées ou théories, la doctrine s'appuyant sur des idées et propageant une théorie.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Nous avons déjà eu une longue discussion à ce sujet avec l'ensemble des services. Je suivrai plutôt l'avis de la DGSI. Les mots « idées ou théories » sont plus précis que le mot « doctrine » qui fait référence à quelque chose de plus vaste.

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Ce qui m'inquiète c'est que l'on passe des écrits à des idées ou théories, c'est-à-dire à des notions qui ne sont plus palpables. Cela me permet de défendre l'amendement CL174. On entre là dans un champ que certains ont pu qualifier « d'infra-pénal », voire « d'infra-soupçon », de zone grise dans laquelle nous ne pourrions pas agir en raison de difficultés à apporter des preuves.

Soit nous sommes dans un régime où les preuves et les actes veulent encore dire quelque chose et ont des conséquences, soit ce n'est pas le cas et l'on est en train de changer la nature du régime. Je pense souvent à Minority Report, ce film que vous avez sans doute vu où l'on entre dans la tête d'individus qui vont commettre quelque chose.

Pourquoi ajouter les mots « idées ou théories » alors que l'apologie du terrorisme existe déjà dans le code de procédure pénale ? Je me demande comment on va pouvoir appliquer un tel dispositif, si ce n'est sur des motifs un peu vagues, oiseux, peut-être des notes blanches qui permettront des mesures disproportionnées par rapport à l'objectif que l'on se fixe. Je suis donc opposé à l'amendement du Gouvernement.

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L'amendement CL16 que je présenterai tout à l'heure va dans le même sens que celui du Gouvernement. La rédaction actuelle doit être étendue à la situation qui relève de l'amont de l'apologie des actes de terrorisme, dès lors qu'est diffusée dans ces lieux de culte – disons-le clairement, dans les mosquées extrémistes – une idéologie qui – et je reprends là les termes de mon amendement – « prône le refus de l'application des lois de la République française et la soumission de la France à une idéologie rejetant les valeurs et principes consacrés par la tradition républicaine ». J'ai essayé de rédiger cet amendement – peut-être est-il perfectible – en me référant à une décision prise par le Conseil d'État, il y a quelques années, concernant « l'affaire Dieudonné ». Le président de la section de l'intérieur du Conseil d'État avait expressément retenu cette notion de valeurs et principes consacrés par la tradition républicaine. Il s'était appuyé sur la méconnaissance par le spectacle de Dieudonné de ces valeurs et principes consacrés par la tradition républicaine pour fonder la confirmation de l'interdiction de ce spectacle.

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Monsieur Bernalicis, lors des auditions, il nous a été indiqué que dans les lieux de culte qui pouvaient poser problème, les prêches étaient de plus en plus prudents dans leur expression, de plus en plus lisses, afin de passer en dessous des radars de ce qui est autorisé. Or, ces prêches se contentent parfois de citer le nom d'auteurs qui font eux-mêmes référence à d'autres auteurs qui font l'apologie du terrorisme ou incitent à la commission d'actes terroristes.

Le groupe La République en Marche votera l'amendement du Gouvernement.

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Je voterai l'amendement du Gouvernement car parler seulement d'écrits est beaucoup trop restrictif. Il faut donc élargir le champ d'application.

M. Tourret propose pour sa part de faire référence à la doctrine. Je ne trouve pas que ce terme soit plus pertinent que ceux d'idées ou de théories.

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Nous sommes ici dans le domaine du renseignement, qui est extrêmement subtil. C'est sur ce point, j'imagine, que nous sommes opposés au groupe La France insoumise. Oui, nous sommes dans le domaine du faisceau d'indices et des signes extérieurs qui à un moment donné, parce que des signes concordants arrivent aux services de renseignement sur un lieu de culte, peuvent laisser penser qu'il y a appel à l'acte violent et au passage à l'acte.

Nous parlons ici de potentialité d'actes violents et de centaines de morts. En entendant hier le ministre de l'intérieur faire état du nombre d'actes qui ont été déjoués, ne serait-ce que cet été, je me dis que nous avons des responsabilités vis-à-vis des Français, que nous avons des comptes à leur rendre. Il n'y a pas eu d'abus dans la fermeture de ces lieux de culte mais, chaque fois, on a pu constater qu'il y avait une potentialité d'appel à la violence et de passage à l'acte. Aussi devons-nous rester très responsables. C'est pourquoi il faut adopter cet amendement.

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Chacun sait que la menace a évolué et qu'elle est protéiforme. La manière dont elle peut se divulguer ou par laquelle les idées peuvent se divulguer est elle aussi très changeante. Cela fait longtemps que l'on voit, dans les barres d'immeubles, des lieux de culte autoproclamés ou qui ne correspondent pas à la définition classique du lieu de culte. Il faut donc impérativement que les services de police puissent agir en amont.

Je réfute totalement l'expression « police de la pensée » qui a été utilisée tout à l'heure. Je la trouve même choquante car cela nous renvoie à d'autres périodes de l'histoire de France ou du monde. Nous sommes face à une police du danger, pas de la pensée. La pensée en elle-même construit une idéologie dont nous percevons parfaitement le danger aujourd'hui. La situation serait tout à fait différente si nous n'avions aucune garantie de forme, ou de droit, liée à la manière dont nous abordons le sujet. Or reprenez l'ensemble des dispositions telles qu'elles résultent de l'article 2 du projet de loi : elles sont plus qu'encadrées, y compris par l'intervention du juge, y compris par le fait qu'il y a un débat contradictoire avec les personnes directement concernées. Dès lors que la décision de fermeture est prise, aucune action n'est menée sur la base de la pensée mais sur celle d'une discussion qui doit avoir lieu et qui parvient ou non à un résultat. Comme l'a rappelé hier le ministre d'État, la fermeture n'est pas en soi un objectif final : c'est une fermeture pour reconstruire. Nous sommes dans un État de droit. La loi de 1905 est parfaitement claire en la matière : il n'y a aucun doute que le lieu de culte, quel que soit le culte, a le droit d'exister en France. Encore faut-il le reconstruire avec des forces en présence qui soient conformes à l'esprit de notre République et de nos institutions.

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Je serai brève, n'étant pas une spécialiste de la fermeture des lieux de culte, contrairement, semble-t-il, à nombre de mes collègues ici. Je souhaiterais savoir ce que cette précision ajoute au dispositif ancien qui a permis la fermeture de dix-sept lieux de culte, comme l'a rappelé le ministre. Il ne s'agit pas du tout de polémiquer, mais cette clarification est nécessaire pour que l'on accepte de la manière la plus responsable un dispositif dont vous allez nous démontrer qu'il n'est pas superfétatoire par rapport à des dispositifs existants.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Tout à l'heure, il a été dit que cet article risquait de stigmatiser une religion. Au contraire, un certain nombre de gens qui pratiquent cette religion ont besoin de ce type de dispositifs pour pouvoir mieux combattre des individus qui essaient de s'emparer de lieux de culte, y compris par la force, l'intimidation ou la menace, comme j'ai pu le constater.

Cet article répond à un besoin spécifique que le droit commun de la police administrative ne couvre pas – c'est l'arrêt Benjamin. Le Conseil d'État et le Sénat ont veillé à apporter des garanties – conditions restrictives, intervention du juge. Les dispositions relatives à la fermeture des lieux de culte sont utilisées avec parcimonie.

En vertu de l'arrêt Benjamin, on peut fermer un lieu de culte mais dans des conditions extrêmement limitées. Et l'on ne pourrait pas reconstituer une association cultuelle qui permettrait de rouvrir ce lieu de culte, comme c'est notre ambition.

La Commission adopte l'amendement.

La réunion s'achève à 12 heures 45

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

– Mmes Laetitia Avia et Marietta Karamanli rapporteures chargées de la veille européenne ;

– les membres de la mission d'information sur la déontologie des fonctionnaires et l'encadrement des conflits d'intérêts : M. Ugo Bernalicis, Mme Émilie Chalas, M. Christophe Euzet, Mme Paula Forteza, MM. Sébastien Huyghe, Philippe Latombe, Olivier Marleix, Jean-Louis Masson, Fabien Matras, Jean-Michel Mis, Paul Molac, Pierre Morel-A-L'Huissier, Eric Poulliat, Didier Paris, Stéphane Peu, Bruno Questel, Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier.

La Commission a approuvé la création d'une mission d'information sur les moyens de lutter contre la surtransposition des directives européennes dans le droit français. Cette mission est constituée de deux membres, tous deux rapporteurs (Mme Alice Thourot et M. Jean-Luc Warsmann).

La Commission a approuvé la création d'une mission d'information sur l'application de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Cette mission est constituée de deux membres, tous deux rapporteurs (M. Guillaume Larrivé et un membre du groupe La République en Marche qui sera désigné ultérieurement).

La Commission a approuvé la création d'une mission d'information, commune avec la commission des Finances, sur les procédures de poursuite des infractions fiscales. Cette mission sera constituée de dix-neuf membres, son président devant être un député du groupe La République en marche appartenant à la commission des Lois et son rapporteur un député du groupe Les Républicains appartenant à la commission des Finances. Les groupes seront sollicités pour indiquer les noms des députés qu'ils désignenrt pour participer à cette mission.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Vincent Bru, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, Mme Typhanie Degois, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, M. Olivier Dussopt, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Éric Poulliat, M. Aurélien Pradié, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Cédric Villani, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Hélène Zannier, M. Michel Zumkeller

Excusés. - Mme Huguette Bello, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, Mme Paula Forteza, M. Philippe Gosselin, M. Mansour Kamardine, M. Jean-Pierre Pont, M. François de Rugy, Mme Maina Sage, M. Guillaume Vuilletet

Assistaient également à la réunion. - Mme Marine Brenier, M. Jean-François Eliaou, Mme Frédérique Lardet, M. Hubert Wulfranc