Groupe de travail sur les moyens de contrôle et d'évaluation du parlement

Réunion du mercredi 16 mai 2018 à 17h40

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion débute à 17 heures 25.

Présidence de Jean-Noël Barrot, Président.

Le groupe de travail procède à une synthèse des contributions citoyennes.

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Mes chers collègues, en attendant le rapporteur, je vais vous communiquer quelques informations qui concernent notre groupe de travail. Premièrement, l'examen approfondi du projet de loi de règlement par la commission des finances se précise. Est en effet prévue, au mois de juin, l'audition d'une dizaine ou d'une douzaine de ministres par ladite commission, en particulier par les rapporteurs spéciaux, qui examineront l'exécution du budget de la mission dont ils ont la responsabilité. Cette procédure marque une avancée assez importante en matière de contrôle puisque, vous le savez, le projet de loi de règlement est habituellement examiné d'un seul bloc, en quelques heures, au mois de juillet. Désormais, cet examen sera précédé d'une première discussion avec les ministres qui donnerait lieu, selon les dernières informations dont je dispose, à la rédaction de résolutions qui seraient ensuite votées en séance publique. Cette innovation est la traduction de certaines des propositions du rapporteur, et c'est une bonne chose.

Deuxièmement, notre groupe de travail organise, le jeudi 28 juin après-midi, un colloque. Celui-ci sera précédé d'un déjeuner donné par la présidence de l'Assemblée, qui sera l'occasion de dire un mot de nos travaux et d'accueillir un certain nombre de nos interlocuteurs, notamment France stratégie, que nous rencontrerons la semaine prochaine. En effet, parallèlement à nos travaux, qui nous ont amenés à nous rendre aux États-Unis et au Royaume-Uni et avoir des échanges avec nos collègues italiens et canadiens, France Stratégie a réalisé une étude comparative internationale des pratiques d'évaluation qui sera présentée pour la première fois à cette occasion.

Le troisième point porte sur le calendrier de la présentation du rapport, mais le rapporteur vous en dira un peu plus à ce sujet.

Enfin, notre collègue François Cornut-Gentille présentera prochainement, probablement le 31 mai, devant le Comité d'évaluation et de contrôle (CEC), le rapport qu'il a rédigé avec M. Kokouendo sur les politiques publiques en Seine-Saint-Denis. L'originalité de ce rapport tient au fait que nos collègues ont étudié, non pas une politique publique, mais l'ensemble des politiques publiques menées dans un département particulier, celui de la Seine-Saint-Denis.

Je vous propose que nous en venions à l'examen des contributions citoyennes, émanant de huit contributeurs, que nous avons reçues entre le 20 mars et le 4 mai, puis le rapporteur nous livrera les grandes lignes de son rapport.

Ces contributions peuvent être classées en deux catégories : la première regroupe les propositions portant sur le format qui pourrait être donné à un organe d'expertise propre au Parlement ; la seconde rassemble les suggestions concernant les missions et les compétences particulières dudit organe.

En ce qui concerne le format, la première contribution suggère de se référer au Vérificateur général canadien, dont les audits des administrations et sociétés publiques favorisent le contrôle parlementaire. Le budget dévolu à un tel organe serait décidé par les bureaux des assemblées afin de garantir son indépendance. Même si, dans le rapport que nous présentera Jean-François Eliaou, certains éléments s'en rapprochent, notre objectif n'est pas de répliquer, au Parlement, le modèle de la Cour des comptes dont les fonctions du Vérificateur général, organe d'expertise ex post, sont voisines.

La deuxième contribution nous suggère de constituer au sein des assemblées une ou des directions regroupant des compétences de généralistes – juridiques, économiques, sociales, comptables, budgétaires – et de spécialistes – agriculture, environnement, sécurité, éducation – aux profils variés – universitaires, contractuels, fonctionnaires de l'administration centrale – ayant accès aux données statistiques. Cet organe d'expertise devrait prendre en compte les demandes des groupes d'opposition.

Je crois que l'esprit du rapport recoupe assez largement cette proposition, qu'il s'agisse du panel de compétences ou des profils des personnels qui pourraient être recrutés ou associés à cette instance.

Troisième proposition : créer un organe, éventuellement constitué par tirage au sort, respectant la parité et l'équilibre politique et garantissant la présence des minorités.

Nous pourrions en effet réfléchir à une procédure de tirage au sort. Pourquoi pas ? Encore faut-il définir le panel des personnes susceptibles d'être tirées au sort, car l'objectif poursuivi est de détecter des compétences et des expertises particulières. Le tirage au sort ne peut donc pas s'effectuer parmi les personnes inscrites sur les listes électorales, comme c'est le cas pour la constitution des jurys d'assises. À ce propos, lors des échanges que nous avons eus avec les représentants des instances étrangères, nous les avons interrogés non seulement sur les profils effectivement recrutés, mais aussi sur leur gouvernance et sur la manière dont ils traitaient les demandes de la majorité et de l'opposition. Or j'ai été frappé par le fait qu'il n'existe pas de règle absolue en la matière : en définitive, c'est du ou des directeurs des agences concernées que dépendent leur impartialité et leur bon fonctionnement. Autrement dit, il est difficile d'édicter des règles qui permettent de garantir à tout moment que l'opposition et la majorité seront bien servies par l'agence. C'est plutôt en choisissant avec soin la personne qui dirigera l'agence et qui en allouera les ressources et en l'incitant à garantir et à préserver l'impartialité de l'agence que l'on résoudra ce problème fondamental.

Quatrième proposition : instituer un collège de citoyens tirés au sort qui, sous le contrôle d'experts représentatifs, examinerait les projets de loi et amendements dans la perspective de présenter des alternatives aux initiatives du pouvoir législatif. Un tel comité pourrait être à l'origine de pétitions en vue d'un référendum d'initiative populaire.

Cette proposition fait écho au rôle qui sera confié au Conseil économique, social et environnemental dans le cadre de la réforme constitutionnelle, puisque le CESE sera notamment chargé d'organiser les pétitions et de traiter les propositions d'ordre législatif qui pourraient émaner de la société civile. Par ailleurs, notre collègue Paula Forteza mène un travail visant à enrichir le travail des députés par la contribution des citoyens tout en préservant, je crois, le modèle représentatif : il s'agit, plutôt que de mettre en concurrence les initiatives citoyennes et les initiatives parlementaires, de trouver des voies de complémentarité.

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Si la participation citoyenne me paraît très intéressante, le tirage au sort soulève plusieurs questions, en particulier celle de la compétence réelle des citoyens tirés au sort. Non pas que je dénie à nos concitoyens quelque compétence que ce soit, mais on voit bien que le niveau d'expertise nécessaire est de plus en plus important. Par ailleurs, il manque un élément important : les citoyens qui seront tirés au sort le seront-ils à partir de listes préétablies, parmi des volontaires, à partir des listes électorales ? Seront-ils obligés de siéger ? Compte tenu de mon parcours, je ne suis certainement pas opposée à la représentation citoyenne, mais les propositions qui nous sont faites me laissent un peu dubitative.

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Cinquième proposition : soumettre au Parlement et à une assemblée de citoyens tirés au sort les rapports de la Cour des comptes et d'experts missionnés par l'exécutif afin de statuer sur les suites à leur donner. Cette proposition se heurte à la critique que Sophie Beaudouin-Hubière faisait à l'instant au sujet de la définition précise d'une procédure de tirage au sort. Par ailleurs, la question des suites à donner à ces rapports est un des éléments importants du rapport qui a été présenté au Bureau de l'Assemblée au mois de décembre dernier. Si toutes les mesures ne figurent pas encore dans le projet de loi de révision constitutionnelle, celui-ci comporte deux éléments importants que je souhaite souligner.

Le premier est plutôt d'ordre budgétaire : les ministres devront venir défendre eux-mêmes l'exécution de leur budget devant la commission des finances ; cette procédure entrera en vigueur dès cette année. Deuxièmement, au contributeur qui a déposé cette proposition, je signale que l'article 9, me semble-t-il, du projet de loi constitutionnelle qui a été présenté au Conseil des ministres comporte déjà une disposition qui permet d'allouer une partie du temps parlementaire non seulement à la discussion de l'efficacité des lois mais aussi à l'examen de textes qui pourraient être issus de cette discussion.

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Il semblerait qu'il y ait une petite confusion dans l'approche de la réforme. Nous cherchons en effet à renforcer la mission du Parlement en matière d'évaluation et de contrôle et non pas à lui substituer une autre instance qui exercerait cette mission à sa place. Cette contribution concernerait plutôt l'évolution du Conseil économique, social et environnemental, qui nécessiterait d'être réorganisé. Pour ce qui nous concerne, nous voulons que notre mission évolue et non pas qu'elle soit exercée par un tiers.

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Absolument. Je suis tout à fait d'accord.

J'en viens à la seconde catégorie de propositions, qui concernent les compétences dont pourrait être doté un organe d'expertise propre au Parlement.

Première suggestion : formuler un avis sur les amendements présentés afin que citoyens et députés disposent d'un autre point de vue que celui du Gouvernement et du rapporteur de la commission.

Cela tombe bien : cette mission est assez proche de celle qu'exercent d'autres parlements et devrait figurer dans le rapport – Jean-François Eliaou nous en dira peut-être un mot tout à l'heure. La question cruciale est celle de la saisine de l'organe d'expertise, en tout cas en ce qui concerne les amendements. Sophie Beaudouin-Hubière m'indiquait à l'instant que 2 500 amendements avaient été déposés sur le projet de loi ELAN ; il va de soi que, même si tous ces amendements n'ont pas nécessairement vocation à être examinés par un organe d'expertise propre au Parlement, la question se posera de savoir lesquels d'entre eux nécessitent un tel examen.

Deuxième proposition : expertiser la qualité normative en reprenant et en élargissant les missions du Conseil national de l'évaluation des normes.

Le rapporteur, je crois, a été assez sensible à cette proposition. Il faut étudier la manière dont l'agence parlementaire d'évaluation pourrait disposer également de l'expertise normative qui, du point de vue des compétences et des ressources humaines, existe à l'évidence à l'Assemblée nationale. Peut-être ce rôle pourrait-il néanmoins être confié à l'agence. Toujours est-il que le contributeur est sans doute bien informé du fait qu'un certain nombre de propositions législatives émanant des parlementaires sont souvent rejetées par le Gouvernement au motif qu'elles sont d'ordre réglementaire et non législatif. Or, il arrive que certaines des propositions du Gouvernement puissent être considérées comme ne relevant pas non plus du domaine législatif. Dans cette hypothèse, peut-être cette expertise pourrait-elle lui être opposée.

Troisième proposition : contrôler l'efficience des lois : coût, enjeux, moyens à mettre en oeuvre, impact social.

Une partie de ces missions pourrait en effet être confiée à cet organe d'expertise, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres instances, en amont – c'est l'objet de cette proposition – mais aussi en aval. Du reste, le rapport comportera des mesures qui concernent l'amont et l'aval.

Quatrième proposition : analyser l'impact, notamment économique, des arrêts du Conseil d'État et de la Cour de cassation afin de permettre la rédaction de propositions de loi visant à corriger les effets négatifs des décisions de justice.

C'est une proposition ambitieuse, qu'il faudrait expertiser au plan normatif pour savoir si elle relève du domaine de la loi ou – et c'est mon avis – de celui de la Constitution, car on franchit là, me semble-t-il, les frontières de la séparation des pouvoirs.

Cependant, et ceci rejoint en partie cette suggestion, parmi les propositions qui ont été retenues par le groupe de travail, cet automne, figuraient celles d'imposer la présentation d'études d'impact sur les amendements du Gouvernement et sur les propositions de loi inscrites à l'ordre du jour, ainsi que des avis du Conseil d'État sur ces dernières.

Enfin, dernière proposition citoyenne : pour chaque rapport transmis au Parlement, réaliser un contre-rapport issu d'un groupe représentatif de toutes les tendances politiques.

Tout d'abord, il faudrait identifier quels sont les rapports visés. Ensuite, je rappelle que, très souvent, les rapports parlementaires sont transpartisans. Ainsi, notre collègue Paul Christophe préside une commission d'enquête dont la rapporteure appartient à la majorité ; cette configuration se retrouve dans nos groupes de travail. La pratique, à l'Assemblée, notamment en matière de rapports d'évaluation, consiste à associer majorité et opposition.

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Je vous prie de m'excuser pour mon retard, mais j'étais au Sénat.

Un certain nombre de ces contributions citoyennes me semblent intéressantes, notamment celle relative à l'expertise de la qualité normative et à l'extension des missions du Conseil national de l'évaluation des normes. En effet, on peut penser, mais cela reste à démontrer, que le nombre d'amendements est corrélé à celui des articles du texte, de sorte que plus un texte comporte d'articles, plus le risque est grand que le nombre des amendements soit considérable. Il importe donc que les projets de loi soient concis. Même si cela est prévu par le Gouvernement dans son projet de loi, il pourrait être intéressant de vérifier, en amont de l'évaluation ex-ante, si chacune des dispositions des propositions et des projets de loi, ainsi que chacun des amendements gouvernementaux ou d'origine législative relève bien du domaine législatif. Nous avons abordé cette question entre nous, et il me semble important de le mentionner comme une piste à laquelle il faudrait réfléchir afin d'assainir les différents textes législatifs qui nous sont soumis.

Par ailleurs, pour des raisons qui tiennent à la logique et aux contraintes budgétaires, l'évaluation, ex-post et surtout ex-ante, que nous envisageons porterait presque exclusivement sur l'impact financier et économique des textes. Un certain nombre de contributions visent à étendre le champ de ces évaluations, au-delà du domaine économique et financier, à leur impact juridique, social, comptable, voire scientifique – puisque notre collègue Cédric Villani a insisté sur ce point. Nous n'avons pas forcément pris cet élément en considération dans l'architecture générale du rapport, non pas parce qu'il nous semble superflu, bien au contraire, mais surtout parce qu'il soulève des problèmes de faisabilité et se heurte aux contraintes budgétaires. En effet, cela entraînerait des expertises supplémentaires, qui nécessiteraient des moyens supplémentaires. Or, ceux-ci sont déjà contraints et notre but est de nous doter d'outils qui nous permettent d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Il ne nous semblait donc pas très raisonnable d'étendre d'emblée l'expertise, ex-ante et ex-post, à tous les domaines.

Enfin, une synthèse de ces contributions citoyennes sera bien entendu annexée au rapport. Plusieurs éléments relèvent de la volonté de nos concitoyens de promouvoir une démocratie participative, notamment l'instauration de collèges de citoyens tirés au sort. Elles n'appellent pas de commentaire particulier de ma part, mais j'appelle votre attention sur la nécessité de ne pas construire une usine à gaz, dans la mesure où, dans un premier temps, notre objectif est d'être efficace. Si nous proposons une structure aux proportions hors de portée, aussi bien dans les thématiques qu'elle aborde que dans sa gouvernance, nous n'aurons pas forcément, au cours de cette législature ni peut-être au cours de la suivante, la possibilité de faire ce que nous voulons, c'est-à-dire une évaluation et un contrôle, ex-ante et ex-post, des politiques publiques.

La réunion s'achève à 17 heures 55.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Noël Barrot, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Paul Christophe, M. Jean-François Eliaou

Excusés. - Mme Aurore Bergé, M. Régis Juanico