Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 12 juin 2018 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Nous sommes saisis aujourd'hui de deux propositions de loi retenues pour la « niche » du 21 juin prochain et proposées par le groupe Les Républicains : la proposition de loi de M. Julien Aubert et plusieurs de ses collègues, créant un délit d'occupation sans droit ni titre d'un immeuble, puis la proposition de loi de M. Pierre Cordier et plusieurs de ses collègues, visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique.

La commission examine en premier lieu, sur le rapport de M. Julien Aubert, la proposition de loi de défense du droit de propriété et créant un délit d'occupation sans droit ni titre d'un immeuble (n° 652

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Mes chers collègues, la proposition de loi que je vous soumets a pour objet de défendre la propriété et de résoudre un problème qui n'est pas sans incidence sur le marché locatif.

Il se trouve en effet que, assez curieusement, alors que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen rappelle que la propriété est un droit inviolable et sacré, dans la pratique, le juge et le droit subséquent se sont écartés de ce principe pour privilégier d'autres considérations juridiques, si bien que le droit de propriété n'est pas respecté comme il le devrait, d'où cette proposition de loi qui vise à créer un nouveau délit d'occupation sans droit ni titre d'un immeuble.

Pour comprendre le télescopage qui s'opère dans le droit, il faut avoir à l'esprit que, lorsque le code pénal protège le domicile, ce n'est pas au nom de la défense de la propriété privée mais au nom de la protection de la vie privée. Ainsi, si un squatteur s'est installé dans une propriété qui vous appartient, celle-ci devient son domicile, et si vous cherchez à l'en déloger par la force, vous serez du mauvais côté de la loi.

Outre la défense du droit de propriété, cette proposition de loi vise surtout à défendre, d'une part, ceux qui n'ont pas accès au droit ni aux arcanes de ses procédures, d'autre part, ceux que l'État ne défend plus et qui n'ont, dès lors, pas d'autre recours que celui de se tourner vers la « justice privée ».

Je voudrais, avant d'aller plus loin, illustrer la nécessité qu'il y a à agir par quelques faits précis. En mai 2015, une dame de quatre-vingt-trois ans – il s'agit de l'affaire « Maryvonne », du nom de la requérante, – a dû attendre dix-huit mois avant de pouvoir recouvrer la jouissance d'un bien immobilier dont elle était propriétaire, parce que celui-ci avait été occupé par des squatteurs. Cette affaire avait alors fortement ému les Français eu égard à l'âge de la requérante et à la longueur de la procédure engagée devant le juge civil.

Dans la foulée, le législateur avait donc adopté la loi du 29 juin 2015 tendant à préciser l'infraction de violation du domicile, aux termes de laquelle la violation de domicile peut désormais être constatée à tout moment. Les faits montrent pourtant que cette disposition ne suffit pas à garantir la propriété.

En décembre 2017 en effet, à Garges-lès-Gonesse, un propriétaire a dû recourir à la « justice privée » pour retrouver la jouissance de son bien immobilier, également occupé par des squatteurs. Cet incident a eu pour conséquence un affrontement de rue entre les « justiciers privés » et les squatteurs, autrement dit les occupants sans droit ni titre du bien d'autrui.

Le 8 juin 2018 enfin, c'est un propriétaire qui est venu déverser une benne contenant les déchets de ses anciens locataires devant le nouveau domicile : ils avaient occupé pendant quatorze mois son logement sans lui payer de loyer, puis le lui avaient rendu dévasté. Ce monsieur a en outre expliqué qu'il lui avait été impossible d'entrer dans le logement déserté par ses occupants puisque, du fait du contrat de bail en cours, ce logement était considéré comme leur domicile.

Ces situations dramatiques ont mis en évidence l'existence, à la fois, d'un vide juridique et d'une carence de l'action administrative. En effet, si le domicile est protégé en tant qu'il participe de la vie privée, dont la protection est inscrite dans le code pénal, la propriété qui ne tient pas lieu de domicile, elle, ne l'est pas.

Par ailleurs, s'il existe des voies de recours pour expulser les personnes qui s'introduisent ou se maintiennent dans un bien immobilier sans droit ni titre, ces voies de recours sont lentes voire inexistantes lorsque l'administration, par souci d'éviter des troubles à l'ordre public, choisit de ne pas agir. Dans ce cas, le seul recours possible pour le propriétaire lésé est le recours indemnitaire.

La présente proposition de loi entend lutter contre le recours à une justice privée, conséquence regrettable d'une action publique souvent impuissante face aux violations de la propriété immobilière. Elle renforce, pour ce faire, la célérité des voies d'exécution et crée un nouveau délit sanctionnant les occupants sans droit ni titre d'un immeuble. En d'autres termes, peu importe que le logement que vous occupez sans droit ni titre soit le domicile régulier de son propriétaire, sa résidence secondaire ou un logement vacant, meublé ou non, cette occupation est un délit. L'effet est évidemment dissuasif puisque celui qui s'approprie le bien d'un autre sait désormais qu'il ne risque plus seulement l'expulsion mais également une condamnation au pénal. Cette proposition de loi fait donc de la défense du droit de propriété un droit véritablement inaliénable et sacré, consacré par l'utilisation obligatoire du recours à la force publique pour le faire respecter.

L'article 3 introduit ainsi la notion de droit de propriété dans le code pénal, en réécrivant la section concernée qui ne traitait que de l'atteinte à la vie privée. Seront désormais distinguées, d'une part, les atteintes à la vie privée et, d'autre part, les atteintes à la propriété, aux biens et aux personnes.

L'article 4 élargit le champ de l'article 226-4 du code pénal à l'occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier appartenant à un tiers, rendant celle-ci punissable d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Il ajoute également à la notion de « domicile » la notion de « propriété immobilière ».

Après avoir auditionné des juristes, des représentants du ministère de la justice et de l'intérieur et des associations de propriétaires, nous avons choisi d'amender le texte pour élargir la portée de ce nouveau délit : seront ainsi concernées, outre les situations d'usurpation d'un bien immobilier avec violence, les situations d'usurpation d'un bien sans violence, et tous les biens immobiliers indépendamment de la notion de domicile.

Ces situations d'usurpation frauduleuse d'un bien devront, pour être sanctionnées, être manifestement illégales et caractérisées par la mauvaise foi.

Dans cette optique, l'article 6 impose la contractualisation entre propriétaires et occupants à titre gratuit d'un bien immobilier. Cet article permet de sécuriser les situations contractuelles. Néanmoins, le propriétaire qui souhaiterait récupérer son bien après un préavis d'un mois, auquel le locataire opposerait une fin de non-recevoir, pourra se prévaloir des dispositions de l'article 1er de la présente proposition de loi, qui modifient la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dite « loi DALO », et permettent une expulsion rapide – nous aurons l'occasion, au cours de nos échanges, de revenir sur ce dispositif exorbitant du droit commun.

Quant à l'article 2, il crée, dans un souci d'équité, un cas d'exclusion du bénéfice des dispositions de la loi DALO pour toute personne ayant déjà été condamnée pour occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier. Je sais que cet article fait débat, mais il s'agit d'empêcher qu'un squatteur puisse se prévaloir de la loi DALO.

Au-delà de ces dispositions, il s'agit, dans un second temps, d'obliger la puissance publique à agir, parce que, trop souvent, les décisions du juge ne sont guère suivies d'effet, ce qui incite les citoyens à se faire justice eux-mêmes.

C'est pourquoi l'article 1er de la présente proposition de loi élargit le champ des dispositions de l'article 38 de la loi DALO, en instaurant une voie d'exécution forcée contre les occupants sans droit ni titre d'un bien immobilier au sens large.

L'article 5, quant à lui, a pour objet d'obliger la puissance publique à agir, en créant une situation de compétence liée pour l'autorité administrative soit sur le fondement de l'article 226-4 du code pénal dans la présente proposition de loi, soit sur le fondement du nouvel article 315-1, que je vous proposerai par amendement et qui vise à punir l'occupation sans droit ni titre et l'appropriation frauduleuse d'un bien immobilier.

En tout état de cause, l'article 5 crée une situation de compétence liée pour le préfet qui, dans un délai de quarante-huit heures, devra faire appel aux forces de l'ordre après la décision du juge accueillant la demande du propriétaire lésé. Cela s'appliquera aux situations où l'introduction dans le bien immobilier d'autrui s'est faite avec violence mais également sans violence, que ce bien immobilier soit ou non le domicile du tiers.

Il s'agit de simplifier le droit pour éviter que les citoyens ne se retrouvent dans des situations kafkaïennes, qui leur interdisent tout recours efficace. Nous voulons que l'occupation illicite d'une propriété privée soit punie au même titre que le vol, car il faut savoir qu'aujourd'hui notre code pénal sanctionne plus lourdement le vol d'une voiture que l'occupation frauduleuse d'un bien immobilier qui ne vous appartient pas.

Cette proposition de loi est enfin équitable. Il s'agit de défendre d'honnêtes citoyens qui désespèrent de la longueur des voies de recours et de l'impuissance publique.

Le problème étant juridiquement complexe, voilà des années qu'on nous explique qu'il n'est nul besoin de changer le droit, ce qui fait que, régulièrement, des propriétaires tentent de régler la situation par la violence, à moins qu'ils renoncent tout simplement à mettre leur bien en location pour ne pas risquer d'avoir affaire à un mauvais payeur ou qu'ils exigent des locataires des garanties financières que nombre de nos concitoyens ne sont pas en mesure de fournir, ce qui en fait les premières victimes de cet état de fait.

Cette proposition de loi, en créant un délit dont l'effet ne peut qu'être dissuasif, contribuera, je l'espère, à faciliter l'accès de ces personnes au marché locatif.

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Si la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 fait de la propriété un droit inviolable et sacré, la médiatisation récurrente, ces dernières années, de faits divers opposant des propriétaires aux squatteurs qui occupent leur logement conduit à s'interroger légitimement sur l'adaptation de notre cadre juridique actuel à ces situations, a fortiori lorsqu'on en vient à penser que la loi est du côté des squatteurs. On ne peut en effet qu'être choqué par le cas de ces personnes modestes ou fragiles, souvent âgées, qui, de retour d'un déplacement ou d'une hospitalisation, constatent que leur domicile est occupé illicitement.

Il faut cependant distinguer deux cas de figure : l'occupation du domicile – le logement principal, que l'on habite – et l'occupation de la propriété, au sens général du terme, qui peut aussi bien désigner un logement vacant, non meublé, un atelier, un bureau, voire un terrain.

Dans le cas de l'occupation d'un domicile, il faut se reporter à une disposition de l'article 38 de la loi DALO et au code pénal. La procédure de l'article 38 de la loi DALO n'est pas concernée par le délai de quarante-huit heures aux termes desquelles le flagrant délit n'est plus possible. Elle s'applique sans condition de délai et permet au préfet de recourir à l'exécution forcée. Trois conditions doivent néanmoins être réunies, avant que le préfet prenne la décision d'expulsion : le propriétaire doit avoir déposé plainte ; il doit avoir fourni la preuve que le logement était son domicile et il doit enfin avoir fait constater l'occupation illicite, par un officier de police judiciaire.

Si le bien immobilier occupé n'est pas le domicile du propriétaire, l'intervention des forces de l'ordre n'est possible que dans un délai de quarante-huit heures, qui correspond à la notion de flagrance. Passé ce délai, il est nécessaire d'engager une action en justice, laquelle peut s'étirer sur une période allant jusqu'à dix-huit mois.

Aller devant les tribunaux, n'est pas anodin, surtout pour une personne âgée qui vient de découvrir son bien occupé. Des situations très médiatisées ont ému l'opinion. Ainsi, le cas de cette dame de quatre-vingt-trois ans, – l'affaire « Maryvonne » –, à qui il a fallu dix-huit mois de procédure pour récupérer son logement, ou celui de ce propriétaire de Garges-lès-Gonesse, que les jeunes du quartier ont aidé à déloger une famille de Roms qui s'étaient installés chez lui. Dans ce dernier cas, il n'y a pas eu d'action en justice, et il ne s'agissait pas d'un domicile principal.

On est dès lors en droit de s'interroger : la propriété est-elle véritablement protégée ? Pour tenter de répondre à cette question, une proposition de loi venant du Sénat a été adoptée en juin 2015. Elle modifiait l'article 226-4 du code pénal pour sanctionner, d'une part, l'introduction et, d'autre part, le maintien dans les lieux. Cette loi visait notamment à consacrer le caractère continu du délit d'infraction et de violation de domicile, afin de faire courir le délai de quarante-huit heures à partir de la découverte par le propriétaire de l'occupation illégale de son bien et non à partir du moment de l'intrusion.

Si les motifs soulevés par la proposition de loi que nous examinons sont légitimes, elle pose cependant plusieurs problèmes de nature juridique, et les réponses qu'elle propose nous paraissent excessives.

D'abord, elle vise à étendre la procédure d'occupation illégale d'un domicile à tout bien immobilier. Cette mesure nous semble disproportionnée, car la notion de bien immobilier renvoie aussi bien au logement habité qu'aux logements vacants, aux ateliers, bureaux ou terrains. Cette modification met donc en cause l'équilibre entre le droit de propriété et le droit au logement. Elle risque de pénaliser les personnes les plus précaires, qui éprouvent des difficultés à se loger.

Par ailleurs, l'article 2 prive les personnes déjà condamnées pour occupation d'un bien sans droit ni titre du bénéfice du dispositif du DALO, ce qui nous semble également contre-productif, dans la mesure où cela ne fera que renforcer, en les pérennisant, les difficultés qu'éprouvent certaines personnes à se loger.

L'article 5 donne ensuite la possibilité au préfet d'ordonner une expulsion sans passer par une décision de justice, principe fondamental de notre droit. Des personnes pourraient ainsi se voir expulser sans qu'un juge ne soit intervenu. Par ailleurs, la proposition de loi renverse la charge de la preuve et bouleverse la présomption de culpabilité, ce qui pose un problème constitutionnel.

Enfin, l'article 6 risque de mettre en difficulté les personnes hébergées à titre gratuit, qui pourraient se faire déloger sans possibilité de recours.

Il n'en reste pas moins que ce texte se fait l'écho d'inquiétudes légitimes de nos concitoyens. En lien avec le ministère et conformément aux engagements du ministre Jacques Mézard lors de l'examen de la loi ELAN, je vous propose donc de retravailler sur des propositions qui, si nous allons vite, pourraient être intégrées au projet de loi ELAN avant son examen par le Sénat, dans quelques jours. Cela permettrait une mise en oeuvre rapide de ces dispositions, alors que nous ignorons quand cette proposition de loi pourra être inscrite à l'ordre du jour du Sénat.

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Je tiens tout d'abord à saluer l'initiative du rapporteur, qui s'est saisi d'un problème fondamental, complexe, qui concerne l'ensemble du territoire et chacun d'entre nous. En effet, ceux qui ont déjà été confrontés à ce genre de situation le savent, les citoyens sont souvent démunis face à des procédures d'expulsion laborieuses à exécuter. Le droit et la jurisprudence en matière d'occupation illégale sont peu précis, opérant une distinction injustifiée entre occupation d'un domicile et occupation d'un local ou logement vacant, imputant, dans le second cas, la charge de la preuve au propriétaire. Il est donc crucial et nécessaire que la Représentation nationale leur apporte des réponses.

Au cours de l'examen du projet de loi ELAN en séance, les députés du groupe, Les Républicains ont d'ailleurs soumis au débat cette problématique, en défendant une série d'amendements. Les députés du groupe MODEM et apparentés, conscients de l'ampleur et de la réalité du problème ont voté en faveur de ces amendements et ce malgré quelques interrogations d'ordre juridique. Nous regrettons fortement que le Gouvernement et le groupe La République en Marche n'aient pas su se saisir de ce sujet à la faveur de l'examen d'un projet de loi pourtant consacré au logement.

Quoi qu'il en soit, et malgré certaines de nos interrogations sur ses conséquences, notre groupe salue cette proposition de loi, qui s'organise autour de trois axes principaux : l'alignement des régimes juridiques applicables à l'occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier et à l'occupation d'un domicile, laquelle relève déjà du droit pénal ; le renversement de la charge de la preuve, qui incomberait désormais aux personnes soupçonnées d'occupation illégale et non plus aux propriétaires ; la création enfin d'une nouvelle forme de bail à titre gratuit, aligné sur les baux classiques.

Nous soutenons certaines dispositions de cette proposition de loi qui améliorent le droit actuellement en vigueur – je pense notamment à l'introduction de la notion de bien immobilier dans l'article 38 de la loi DALO et au renversement de la charge de la preuve – et permettront d'éviter ces situations ubuesques où les propriétaires de biens immobiliers sont dans l'impossibilité de récupérer leurs biens dans des délais raisonnables.

En revanche, nous ne pouvons soutenir en l'état l'ensemble du texte. En effet, les dispositions de l'article 2 nous semblent excessivement sévères, sans pour autant traiter le problème à sa source.

Si la répression de ces pratiques est nécessaire et primordiale pour assurer le respect de la loi, cet article, qui vise à exclure du bénéfice des dispositions de la loi DALO les personnes déjà condamnées pour occupation illégale, nous semble disproportionné. Le code pénal prévoit déjà une peine d'emprisonnement pour les personnes reconnues coupables d'occupation sans droit ni titre d'un domicile. Or, nous le savons, les personnes qui se rendent coupables de telles occupations, qu'il s'agisse de locaux vacants, de parkings d'immeuble ou de logements, sont souvent en situation de grande précarité. Cette disposition aboutirait de facto à leur imposer une double peine en les éloignant durablement de l'accès au logement. C'est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

Par ailleurs, les dispositions de l'article 6, en proposant d'établir des conventions similaires aux baux locatifs classiques pour des locations gratuites, ajoutent une contrainte injustifiée aux propriétaires qui souhaiteraient mettre un de leurs biens immobiliers à disposition d'un membre de leur entourage, sans leur apporter, ni à eux ni aux occupants davantage de sécurité. Nous proposons donc également sa suppression.

Dès lors, si le groupe MODEM et apparentés accueille avec intérêt cette proposition de loi, qui a le mérite d'alerter la Représentation nationale sur un sujet de préoccupation majeure pour nos concitoyens, nous proposerons néanmoins des amendements de suppression des articles 2 et 6, et resterons extrêmement vigilants quant à l'évolution de ce texte.

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Cette proposition de loi déposée par M. Julien Aubert a pour objet de rendre du sens au droit de propriété en créant un délit d'occupation sans droit ni titre. En 2015, le cas de Maryvonne, dame âgée de quatre-vingt-trois ans, luttant depuis 2013 pour récupérer un bien dont elle était propriétaire et qui était occupé par une quinzaine de squatteurs, a ému les Français et leur a ouvert les yeux sur ces cas de violation de domicile et d'occupation des biens immobiliers par des squatteurs qui détournent le droit existant pour demeurer dans les lieux.

Cette atteinte manifeste au droit de propriété, qui a pourtant une valeur constitutionnelle, est tout bonnement inacceptable. La loi du 24 juin 2015, tendant à préciser l'infraction de violation de domicile, permet désormais à la police de poursuivre une enquête de flagrance après le délai de quarante-huit heures suivant l'entrée dans les lieux, au cours duquel devait auparavant être constaté le flagrant délit. Mais cette disposition ne concerne que les domiciles, et il demeure un vide juridique concernant les biens immeubles vacants, en location ou promis à la démolition, ainsi que les résidences secondaires. La notion de domicile n'étant pas clairement définie, la proposition de loi a donc pour ambition d'étendre le délit d'occupation illégale à toutes les propriétés immobilières. Le groupe Les Républicains la soutiendra.

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En tant que porte-parole du groupe UDI, Agir et Indépendants, je soutiendrai cette proposition de loi et salue le travail de son auteur.

M. Julien Aubert l'a rappelé, à l'occasion de l'affaire Maryvonne, les Français ont découvert, stupéfaits, il y a trois ans, qu'on pouvait s'installer chez eux, à la faveur de leur absence, et qu'il était ensuite fort difficile de déloger les intrus. Je ne comprends pas que rien n'ait été fait depuis pour remédier à ce type de situation.

Je mets en garde celles et ceux qui se réfugient derrière des arguments strictement juridiques. Certes, nous sommes ici pour voter la loi, mais nos compatriotes nous ont surtout élus pour que nous apportions des réponses aux problèmes qu'ils rencontrent. Nous devons être concrets : l'occupation d'un bien privé, quel que soit son usage, doit être sanctionnée par la loi, et son propriétaire protégé. C'est à nous d'élaborer un arsenal juridique pour cela.

Lorsque M. Julien Aubert a soulevé cette question à l'occasion de l'examen de la loi ELAN, il lui a été répondu qu'elle serait abordée dans le cadre de sa proposition de loi. Je souhaite donc que nos débats puissent se prolonger le plus tôt possible dans l'hémicycle, afin que nous puissions faire avancer cette cause.

Si cette proposition de loi était repoussée, je souhaite que nous trouvions des solutions juridiques, mais surtout concrètes, avant la fin de l'année. Nos concitoyens nous jugent sur ce type d'actions, et il y va de notre crédibilité, voire de notre utilité.

Tout cela me rappelle la proposition de loi de M. Gilles Lurton sur l'extension de la carte du combattant de 1962 à 1964. Il a défendu cette idée pendant des années, et pendant des années il s'est entendu répondre que ce n'était pas le bon moment, et que pour mille raisons sa proposition ne pouvait aboutir, jusqu'à ce qu'au bout du compte la secrétaire d'État aux anciens combattants finisse par décider de la mise en oeuvre de cette mesure.

D'une manière ou d'une autre, nous devons apporter aux Français la réponse qu'ils attendent.

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Les Français ne peuvent comprendre que l'on fasse une distinction entre l'occupation illicite du domicile habituel et les autres cas de figure, et je ne suis pas sûre que nous soyons très à l'aise lorsqu'il s'agira d'expliquer, dans nos circonscriptions, que le droit de propriété est à géométrie variable. C'est la raison pour laquelle je soutiendrai cette proposition de loi.

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Alors que l'on a tendance à critiquer la faible utilité du Parlement je tiens d'abord à vous remercier de la manière dont vous recevez cette proposition de loi, qui montre que l'on peut travailler de manière transpartisane. Personne en effet ne semble remettre en cause le diagnostic sur lequel elle se fonde et le fait qu'elle répond à un problème juridique réel.

Il se trouve que j'avais déjà proposé ces dispositions lors de l'examen de la loi du 24 juin 2015, mais on m'avait expliqué à l'époque que l'abrogation du délai de quarante-huit heures résoudrait tous les problèmes. Il n'en a rien été, comme en témoigne l'affaire de Garges-lès-Gonesse.

En ce qui concerne les arguments qui m'ont été opposés, je distinguerai ceux qui relèvent d'une forme de confusion juridique et ceux qui marquent une opposition politique.

Pour les premiers, M. Damien Adam, comme du reste le ministère de l'intérieur, m'oppose le fait que l'article 5 de la proposition de loi permet d'agir sans décision de justice : je ferai observer que ce n'est pas moi qui ai écrit l'article 38 de la loi DALO, en vertu duquel le préfet peut procéder à une expulsion sans qu'aucune décision de justice n'ait été prise.

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Certes, mais cela prouve que le législateur considère qu'on peut parfois se passer de décision de justice…

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Dans le cadre de la protection du droit à la vie privée.

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Concrètement, ce que vous me dites revient à considérer que, si je possède deux voitures, une que j'utilise chaque matin pour aller travailler et l'autre dont je ne me sers qu'épisodiquement, et qu'on me vole la première, les autorités vont immédiatement enclencher une procédure pour retrouver le voleur ; qu'en revanche, si c'est celle dont je n'ai qu'un usage occasionnel qui m'est dérobée, la procédure mise en oeuvre sera beaucoup plus longue. Mais qui peut entendre que la loi soit différente selon l'usage que vous faites de votre bien ?

C'est pourtant ainsi que cela fonctionne pour les habitations, même si la jurisprudence a progressivement étendu la notion de domicile pour y inclure notamment les résidences secondaires. La personne qui n'habite plus chez elle mais s'est installée chez celui ou celle avec qui elle partage sa vie, le couple de retraités qui a acheté une maison dont la location lui apporte un complément de retraite ne sont pas protégés contre les squatteurs.

Il ne faut donc pas perdre de vue que la vraie victime, c'est souvent le propriétaire qui non seulement ne touche plus ses loyers mais récupère un bien dégradé au prétexte qu'il ne l'utilise pas à plein temps ! Le droit de propriété n'est pas un droit à géométrie variable, selon qu'il s'agit d'un vélo, d'une voiture ou d'un appartement.

Ma proposition de loi propose en somme un dispositif simplifié – et j'ai d'ailleurs revu ma copie depuis les propositions que j'avais faites lors de la discussion de la loi ELAN : d'une part, l'occupation illicite du domicile d'un tiers est punie en tant qu'elle constitue une atteinte à la vie privée ; d'autre part, est également punie l'occupation illicite d'un immeuble en ce qu'elle constitue une atteinte à la propriété privée, au même titre que le vol d'un vélo ou d'une voiture.

Quant à l'objection selon laquelle l'article 2, qui exclut du bénéfice des dispositions de la loi DALO l'occupant d'un bien sans droit ni titre, serait excessif, c'est un point de vue politique que je veux bien admettre. Néanmoins, cet article ne procède pas d'une opinion politique mais d'un impératif juridique, et ceux qu'il entend punir, ce sont les occupants sans titre de mauvaise foi, c'est-à-dire les squatteurs « professionnels ».

On peut certes supprimer cet article, mais la portée de cette proposition de loi en serait amoindrie d'autant, puisque n'importe quel squatteur pourra dès lors vous opposer la loi DALO. Or il faut pouvoir arrêter ces squatteurs et les empêcher de porter atteinte en permanence au droit de propriété, inviolable et sacré.

Je comprends moins les critiques adressées à l'article 6. Certes un appartement peut être occupé par un proche ou un membre de la famille du propriétaire à titre gratuit, mais, y compris dans cette hypothèse, la signature d'un bail peut s'avérer une précaution utile dans le cas d'une détérioration des relations familiales, et cela ne complexifie nullement le dispositif.

Je pense qu'il faut agir le plus rapidement possible car non seulement il y a urgence à agir mais nous disposons d'un véhicule législatif. J'ai bien entendu que vous suggériez d'insérer ces dispositions dans la loi ELAN, mais l'examen de ce projet de loi fait l'objet d'une procédure accélérée, ce qui signifie qu'il n'y aura pas de seconde lecture à l'assemblée. Dès lors, pour amender la loi, il faudrait que le Gouvernement reprenne mes propositions sous forme d'amendements pour les faire adopter par le Sénat. Or je souhaite que ce soit nous, les députés représentants du peuple, qui discutions de ce texte dont les dispositions concernent au premier chef nos concitoyens.

Le dispositif proposé peut comporter des failles qui m'auraient échappé en dépit des auditions auxquelles il a été procédé : il peut être amélioré par voie d'amendements. Mais de grâce, ne perdez pas de vue qu'il nous a fallu quatre ans pour que ce texte, qui vise à apporter une solution à des personnes qui souffrent, soit inscrit à l'ordre du jour ! Rien ne pourrait être pire que de dire que ce n'est pas le bon moment pour légiférer sur cette question, et de renvoyer ce texte aux calendes grecques : nos concitoyens ne comprendraient pas que nous ayons refusé d'en débattre.

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Il a été dit que le préfet disposait de la possibilité d'expulser les occupants illégaux. Or, en tant qu'avocate, je suis bien placée pour savoir qu'en pratique, cela ne se fait jamais : sans titre exécutoire, aucun préfet ne fera jamais procéder à une expulsion. Or, tout le problème est là, car l'obtention d'un tel titre nécessite d'engager une procédure qui, dans le meilleur des cas, n'aboutira qu'à l'issue de plusieurs mois. Pendant ce temps, les propriétaires du bien occupé – il s'agit souvent de personnes âgées, ayant acquis et mis un bien en location afin de s'assurer un complément de retraite – sont confrontés à de grandes difficultés.

Je me souviens d'une affaire que j'ai eu à traiter où, après avoir obtenu en justice un titre lui permettant d'expulser un occupant illégal, le propriétaire a dû engager une deuxième procédure afin d'avoir l'autorisation de vider le logement des quelques meubles qu'y avait laissés l'occupant… Ne perdez pas de vue que les Français attendent aussi de leurs élus qu'ils prennent des mesures simples afin de les aider à surmonter ces moments difficiles, et à pouvoir profiter d'une retraite tranquille.

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Je félicite et remercie notre collègue Julien Aubert pour cette proposition de loi qui me semble arriver au bon moment. En effet, alors que le projet de loi ELAN était censé donner une nouvelle dynamique au secteur de l'immobilier, il nous a été dit, dans le cadre de l'examen de ce texte, qu'une telle disposition n'avait pas vocation à y figurer – ce qui était pourtant le cas, puisque ce texte visait à restaurer la confiance des propriétaires. Cessons d'accorder une trop grande confiance au Sénat et assumons pleinement notre rôle de législateur en travaillant sur ce texte comme il le mérite, afin qu'il ne soit pas bloqué en séance par une motion de rejet préalable ou de renvoi en commission.

La mise en oeuvre du texte est également essentielle. Comme chacun le sait, le premier réflexe des squatteurs « professionnels » consiste, lorsqu'ils investissent un logement, à commander des pizzas afin d'être en possession d'un ticket établissant leur date d'entrée dans les lieux, qui fait courir le délai de 48 heures au-delà duquel ils ne sont plus expulsables sans titre exécutoire.

Dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le droit de propriété est consacré par l'article 17, mais aussi par l'article 2. Je rappelle, par ailleurs, qu'en 1946, le peuple français a refusé un projet de constitution visant à restreindre la définition du droit de propriété. Cela nous montre, mes chers collègues, que si nous voulons promouvoir la liberté d'entreprendre, nous devons protéger le droit de propriété.

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Nous ne devons pas perdre de vue que le respect de la personne, auquel notre société est attachée, s'étend au respect des biens de la personne, donc du droit de propriété, que ce soit en ville ou en milieu rural. Dès lors, il est inconcevable de ne rien faire pour mettre fin aux pratiques des squatteurs : en s'attaquant au problème, cette proposition de loi me semble évidemment aller dans le bon sens.

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Je salue moi aussi votre initiative, Monsieur Julien Aubert, car je suis sensible au sujet sur lequel elle porte. Cela dit, si certains cas de propriétaires empêchés de reprendre possession de leur bien par des squatteurs quasiment professionnels ont été mis en lumière par les médias, cela ne doit pas nous faire oublier qu'il existe également, le plus souvent en région parisienne, de vastes locaux à usage de bureaux restant inoccupés durant des années, ce qui a pu inciter certaines personnes confrontées à des difficultés de logement à s'y installer. J'aimerais savoir quelle est votre position sur cet autre aspect de la question, Monsieur le rapporteur.

Par ailleurs, pouvez-vous me préciser si la loi prend en compte le préjudice subi par le propriétaire de locaux à usage professionnel, résultant de l'impossibilité d'exercer son activité ?

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Sur le plan moral, je comprends que l'on puisse trouver anormal que des bureaux restent vides durant des mois alors que certaines personnes ne trouvent pas à se loger. Cependant, sur le plan juridique, ces locaux restent la propriété d'une personne qui, conformément à la loi, en fait l'usage de son choix. On peut certes considérer, à l'instar de Pierre-Joseph Proudhon, que « la propriété, c'est le vol », mais un tel raisonnement peut nous emmener très loin… Si vous possédez trois voitures, dont une que vous n'utilisez que rarement, je pourrais ainsi décider qu'elle me serait plus utile qu'à vous et me l'approprier. Mais je pense que vous trouveriez cela injuste, et vous auriez raison, car le droit de propriété ne saurait dépendre du niveau de richesse du propriétaire : soit on protège la propriété, soit on ne la protège pas, mais il n'y aurait pas de sens à ne la protéger qu'à 80 %, par exemple.

Pour ce qui est des locaux à usage professionnel, je n'ai pas étudié cette question de manière approfondie, mais j'ai tendance à penser qu'en l'état actuel du droit, ils sont concernés. Siège de la vie privée, le domicile fait à ce titre l'objet de la protection la plus efficace. Tous les autres locaux, non rattachables à un lieu d'habitation, peuvent donner lieu à la saisine d'un juge, qui ne rendra cependant sa décision qu'à l'issue d'une longue et coûteuse procédure.

Je me souviens du cas d'un propriétaire dont le locataire ne payait plus ses loyers. Ce dernier l'appelait une fois par mois, à minuit, afin de lui indiquer à l'avance quels arguments juridiques il allait employer pour se maintenir dans les lieux, quels arguments lui seraient opposés par son avocat et comment il les réfuterait afin que le tribunal lui donne raison. Enfin, au bout de deux ans et demi, il lui a annoncé qu'il était arrivé au bout de ses recours et s'apprêtait à libérer les lieux – ce qu'il a effectivement fait, non sans avoir préalablement dévasté les lieux. Même si tous les locataires indélicats ne font pas preuve d'une telle perversité, cet exemple a vocation à souligner le fait qu'en pareil cas, le propriétaire ne subit pas un simple préjudice financier, mais aussi un important préjudice moral, pouvant avoir de graves conséquences sur sa santé.

La commission en vient à l'examen des articles.

Article 1er (article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale) : Extension de la mesure d'exécution forcée prévue à l'article 38 de la loi DALO aux occupants sans droit ni titre d'un bien immobilier

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L'article 1er élargit la portée de l'article 38 de la loi DALO à l'occupation sans droit ni titre à tout bien immobilier et non plus au seul domicile. Il supprime, en outre, l'obligation pour le propriétaire ou le locataire de faire la preuve que le logement constitue son domicile ; il ouvre la possibilité de faire constater l'occupation illicite par un huissier de justice, et non plus seulement par un officier de police judiciaire ; enfin, il prévoit que le préfet peut recourir à la force publique afin de procéder à l'évacuation forcée du logement et supprime la possibilité pour le propriétaire et le locataire de s'y opposer.

J'y vois plusieurs inconvénients. Premièrement, élargir l'occupation sans droit ni titre à tout bien immobilier semble disproportionné. La notion de bien immobilier recouvre un champ bien plus large que celui du logement, qu'il s'agisse d'une résidence principale ou secondaire : il peut en effet s'agir d'immeubles non affectés à l'habitation, comme des ateliers ou des bureaux. Ainsi, l'article 1er élargirait considérablement le champ de l'article 38 de la loi DALO en l'étendant aux infractions qui comprendraient le fait de s'introduire sur n'importe quel terrain privé en connaissance de cause. En outre, cette modification serait trop large au regard de la liberté d'aller et venir. J'ajoute que l'article 38 de la loi DALO s'applique aux résidences secondaires et aux immeubles d'habitation, dès lors qu'ils sont meublés, comme vous l'avez précisé en introduction.

De plus, élargir l'occupation sans droit ni titre à tout bien immobilier met en cause l'équilibre entre le droit de propriété et le droit au logement. En effet, la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle, comme l'a affirmé le Conseil constitutionnel en sa décision n° 94-359 DC du 19 janvier 1995. L'équilibre constitutionnel à maintenir serait le suivant : le législateur ne saurait réprimer un comportement qui permettrait d'assurer pour la personne le droit au logement décent que si l'atteinte portée à la propriété d'autrui revêt un certain niveau de gravité.

Par ailleurs, l'article 1er fait référence à deux termes distincts, ce qui entraîne une confusion. En son alinéa premier, l'article 38 de la loi DALO viserait tout bien immobilier occupé sans droit ni titre ou seulement ceux qui peuvent être considérés comme des logements. La présente proposition de loi emploie deux formules, de sorte que la définition des locaux visés par la loi prête à des interprétations contradictoires. Cette ambiguïté porte atteinte à l'intelligibilité de la loi.

Enfin, l'article 1er accorde un trop grand pouvoir au préfet en lui donnant la possibilité de trancher sur des prétentions à la propriété, à la place du juge civil. Or, le préfet n'a pas la compétence du juge : il ne faut pas confondre le pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire. De plus, la rédaction est assez inhabituelle : en cas de recours du préfet à la force publique, sa décision n'est susceptible d'aucun recours, contrairement à un principe fondamental de notre droit. En outre, l'article semble créer un nouveau dispositif d'expulsion dérogatoire du droit commun.

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Je suis assez scandalisé par les propos que vient de tenir notre collègue Damien Adam. Le fait d'occuper des ateliers ou des bureaux peut avoir des conséquences extrêmement graves pour le propriétaire de ces locaux s'il se trouve ainsi empêché d'exercer son activité professionnelle, et il me paraît donc normal qu'il puisse recourir à la force publique plutôt que de devoir engager une longue procédure judiciaire.

Le droit de propriété est sacré et doit être protégé, ce qui constitue un vrai choix politique : si nous voulons protéger les propriétés, quelles qu'elles soient – résidence principale ou secondaire, meublée ou non, bureau, atelier… –, aucune occupation illégale ne saurait être tolérée. À cet égard, la rapidité d'exécution représente un aspect fondamental, dont les difficultés actuelles de mise en oeuvre, qui scandalisent nos concitoyens, constituent l'une des raisons d'être de la présente proposition de loi : quand on est spolié, il faut pouvoir réagir de manière efficace.

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Je vais commencer par répondre juridiquement à M. Damien Adam. Le droit de propriété est affirmé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Au fil du temps, une construction juridique est venue protéger le domicile, en affirmant le droit à la vie privée comme corollaire du principe de liberté. Cependant, comme l'affirme l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Ce qui sous-tend cette proposition de loi, c'est l'idée selon laquelle le droit de propriété, relégué au second rang par la consécration du domicile et de la vie privée, mérite un rééquilibrage à son profit. Vous dites, Monsieur Damien Adam, que la loi DALO permet d'expulser rapidement une personne qui viendrait à s'approprier un domicile. Pour ma part, j'estime que le fait de s'approprier une résidence, qu'elle soit principale ou secondaire, équivaut à un vol, et que le droit au logement ne peut s'exercer en volant le bien d'autrui.

Par ailleurs, pour ce qui est de l'occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier, la proposition de loi crée un article dans le code pénal introduisant la notion de mauvaise foi, et punissant cet acte au même titre qu'un vol. Cela n'enlève strictement rien à la protection du domicile : la question à se poser est de savoir si on protège les autres biens avec la même sévérité que celle s'appliquant au domicile.

Sur un sujet très compliqué, nous devons privilégier les idées simples. Considérant qu'il existe déjà un dispositif permettant au préfet d'expulser rapidement les squatteurs occupant un domicile, je propose d'étendre cette possibilité à n'importe quel bien immobilier.

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Je rappelle qu'une grande partie des propriétaires sont des personnes âgées qui ont travaillé toute leur vie pour acquérir un logement : il est inacceptable que ces personnes puissent être expulsées de leur logement par des squatteurs exploitant le vide juridique actuel. La présente proposition de loi est tout à fait justifiée.

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M. Thibault Bazin a repris l'exemple d'une entreprise dont les bureaux se trouveraient occupés par des squatteurs. Or, il existe déjà une procédure répondant à cette situation : il s'agit du délit de flagrance, qui permet de constater l'occupation des locaux dans les 48 heures suivant le moment où celle-ci a débuté, et de faire appel à la police pour déloger les occupants.

Je ne pense pas, Monsieur le rapporteur, que par rapport à l'occupation d'un domicile, celle d'un autre bien soit moins grave : ce que je dis, c'est que les procédures sont différentes. Pour ce qui est de la résidence principale, la notion de vie privée implique une protection spécifique et une possibilité d'évacuation rapide ; dans tous les autres cas, il faut recourir à une procédure judiciaire classique, prévoyant la possibilité d'intervention de la police dans les 48 heures et, au-delà, la nécessité de passer devant le juge. Pour ce qui est de ce dernier cas de figure, j'estime que le délai moyen de dix-huit mois pour retrouver la pleine possession de son bien est trop long.

Cependant, cette proposition de loi nous étant soumise en même temps que le projet de loi ELAN, nous ne sommes pas en mesure de travailler dans de bonnes conditions afin de trouver des solutions adaptées. Vous reconnaissez vous-même que le fait d'avoir dû élaborer cette proposition dans l'urgence est à l'origine de certaines incohérences du texte : or, la majorité y travaille depuis moins longtemps que vous. Nous proposons de prendre un peu plus de temps afin de revenir, dans le cadre de la prochaine lecture du projet de loi ELAN au Sénat, avec des propositions visant à préciser les choses.

Contrairement à ce qu'affirme Mme Frédérique Meunier, la préfecture peut faire évacuer des bâtiments occupés de manière illégale, comme cela a encore été le cas dernièrement dans mon département. Des procédures existent et, si elles sont insuffisamment mises en oeuvre, c'est qu'elles ne sont pas assez connues : nous devons agir sur ce point, afin que les règles soient mieux maîtrisées par tous les acteurs concernés.

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À entendre les propos de notre collègue Damien Adam, j'ai l'impression que chaque proposition de loi faite par les Républicains donne lieu à un perpétuel remake. Quand, au début de la législature, M. Arnaud Viala a proposé un texte sur l'agriculture, on lui a dit que ce n'était pas le moment, puisque le Gouvernement allait proposer un texte à la suite de ce « grand raout » qu'ont été les États généraux de l'alimentation.

Aujourd'hui, je trouve dommage que l'on réagisse de la même manière à l'égard de la proposition concrète de M. Julien Aubert, visant à protéger les personnes ayant travaillé toute leur vie et voyant leur bien occupé illégalement. Puisque nous avons la possibilité d'avancer en répondant à une attente extrêmement forte de nos concitoyens, ne nous privons pas de le faire !

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Je ne peux que souscrire à ce qui vient d'être dit. Me mettant un instant à la place de M. Damien Adam, je me dis qu'il doit être bien difficile de s'efforcer de trouver un prétexte pour ne pas voter un texte avec lequel, au fond, on est en accord ! Comme l'a dit notre collègue Thibault Bazin, le délai de 48 heures s'appliquant aux locaux d'entreprise occupés ne permet pas toujours la flagrance, en raison des ponts, des week-ends et des congés, ce qui peut donner lieu à des situations extrêmement difficiles.

Par ailleurs, comment peut-on accepter qu'une personne dépossédée de son logement puisse se retrouver pratiquement à la rue et soit obligée soit de quémander un autre logement, soit d'attendre jusqu'à dix-huit mois pour voir ses droits rétablis ? Nous devons nous donner les moyens d'agir rapidement, mais aussi dissuader les squatteurs d'occuper illégalement les lieux, comme le fait cette excellente proposition de loi : pour cela, plutôt que de repousser l'examen de ce texte aux calendes grecques, nous pouvons nous y mettre dès maintenant, en y travaillant tous ensemble.

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Nous avons sur le sujet qui nous intéresse des approches philosophiques totalement divergentes, et je suis curieuse de savoir comment vous expliquez à un citoyen français qu'il est normal que quelqu'un vienne occuper illégalement sa résidence secondaire, ou même l'immeuble qu'il a acquis au prix des économies de toute une vie afin de compléter une petite retraite. Pensez-vous le convaincre que cette occupation est beaucoup moins grave que si elle concernait son domicile, et qu'il est justifié qu'il engage une procédure judiciaire longue et coûteuse afin de faire valoir ses droits ? J'ajoute que lorsque j'évoque le coût d'une procédure, je ne pense pas seulement à l'aspect financier, mais aussi aux conséquences psychologiques qu'implique le fait de devoir faire face à la mauvaise foi, parfois même au harcèlement subis au cours d'une telle procédure, qui peut durer jusqu'à dix-huit mois.

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Je rappelle que le code pénal et le code civil fournissent déjà tous les outils nécessaires au règlement des situations évoquées. L'occupation illégale par des squatteurs est un vrai problème, dont nous ne nions pas l'importance. Cependant, comme l'a dit M. Damien Adam, il existe actuellement deux dispositifs. Le premier, s'appliquant aux résidences principales, permet l'intervention immédiate des forces de l'ordre durant un délai de 48 heures et au-delà ; le second, concernant les résidences secondaires, prévoit une procédure beaucoup plus longue.

J'estime que, plutôt que de reprendre une proposition de loi datant de 2015, nous ferions mieux de prendre en compte l'assurance qui nous a été donnée par le Gouvernement, au cours de l'examen du projet de loi ELAN, de soumettre votre proposition de loi à une étude juridique visant à l'intégrer au projet de loi dans le cadre de la navette parlementaire. Des avancées ont été accomplies, et nous ferons preuve de vigilance lors de la commission mixte paritaire qui interviendra dans le parcours de cette loi. Cela dit, une question reste en suspens, celle des moyens à mettre en oeuvre pour permettre à la justice de répondre, en ce qui concerne l'occupation des résidences secondaires, dans un délai beaucoup plus court que les dix-huit mois actuels. Nous considérons pour notre part que cette proposition de loi n'y répond pas de manière satisfaisante.

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Il m'apparaît nécessaire de corriger certaines inexactitudes.

Contrairement à ce qui a été dit, cette proposition de loi n'a pas été débattue en 2015. J'avais effectivement développé, il y a trois ans, une première version de ce texte, que je vous présente aujourd'hui sous une forme retravaillée, après avoir procédé à de nouvelles auditions et pris en compte les arguments invoqués par M. le ministre. C'est, en tout état de cause, la seule forme de débat auquel nous aurons droit dans l'hémicycle, puisqu'en raison du choix qui a été fait d'une procédure accélérée sur le projet de loi ELAN, l'Assemblée n'aura pas son mot à dire sur le dispositif visant à lutter contre les squats. C'est le Sénat qui en discutera.

Par ailleurs, je veux dire à Mme Christelle Dubos que, selon la jurisprudence, la notion de domicile recouvre les résidences principales, mais aussi les résidences secondaires, et qu'il existe encore une autre catégorie, celle des logements vacants, meublés ou non. La complexité des situations fait que les tribunaux rendent en la matière des décisions à géométrie variable.

Dans la mesure où il s'oppose à ce que la procédure d'expulsion dans les 48 heures, applicable aux résidences principales, soit élargie à tous les cas d'occupation du bien d'autrui, M. Damien Adam semble vouloir dire que le domicile mérite d'être mieux protégé que la propriété. Or, ce n'est pas l'esprit du code pénal, qui sanctionne plus sévèrement le vol que l'atteinte à la vie privée : aujourd'hui, si je viole votre domicile, Monsieur Damien Adam, j'encours un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende, alors que si je vole votre moto, j'encours trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende ! Cela justifie ma proposition consistant à ce que l'occupation du bien d'autrui soit considérée comme un vol, et à ce que j'encoure sensiblement la même peine en volant votre moto ou en m'appropriant votre résidence à Gréoux-les-Bains…

On peut toujours contester la nature juridique du dispositif DALO, un dispositif exorbitant du droit commun, mais si on le fait pour le petit, alors il faut le faire pour le grand : en d'autres termes, ce que l'on fait pour la vie privée, pourtant moins protégée par le code pénal, doit également s'appliquer à la protection de la propriété.

Enfin, pour ce qui est de l'intervention du préfet, Monsieur Damien Adam, vous connaissez sans doute aussi bien que moi la jurisprudence Couitéas : en 1923, le Conseil d'État a jugé qu'une autorité administrative avait la possibilité de ne pas faire application d'une décision judiciaire quand elle estime que celle-ci risque de troubler l'ordre public. En pareil cas, le justiciable concerné n'a d'autre choix que de saisir le tribunal administratif – une nouvelle procédure, entraînant un coût supplémentaire – afin d'obtenir un dédommagement. Afin d'éviter ce genre de situation, qui ne peut que susciter l'incompréhension de nos concitoyens, nous proposons que le préfet ait compétence liée.

La commission rejette l'article 1er.

Article 2 (article 38 bis [nouveau] de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale) : Suppression du droit au logement opposable pour les occupants sans droit ni titre ayant fait l'objet d'une condamnation judiciaire

La commission examine l'amendement de suppression CE7 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.

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L'article 2 de cette proposition de loi prévoit de créer un cas d'exclusion du bénéfice de l'ensemble des dispositions de la loi de 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO) pour toute personne condamnée pour occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier. Or cette loi est d'une importance fondamentale pour les plus fragiles de nos concitoyens, en ce qu'elle permet aux personnes mal logées ou ayant attendu en vain un logement social, pendant un délai anormalement long, de faire valoir leur droit à un logement décent ou à un hébergement si elles ne peuvent l'obtenir par leurs propres moyens. L'État est garant de ce droit et doit faire reloger ou héberger les personnes reconnues prioritaires.

Outre que nous estimons les dispositions de l'article 2 excessives et injustifiées, elles ne nous paraissent pas de nature à permettre de traiter à la source le problème de l'occupation sans droit ni titre. En effet, il convient de maintenir un équilibre entre lutte contre les pratiques illégales et protection des propriétaires et des locataires dans leur bon droit. Nous proposons donc, avec l'amendement CE7, de supprimer l'article 2 de cette proposition de loi.

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Si je comprends votre argumentation, j'estime cependant nécessaire d'introduire dans notre droit des dispositions visant à réprimer l'abus de droit de la part de certaines personnes qui en font quasiment profession. En l'occurrence, la présente disposition vise à exclure du dispositif prévu par la loi DALO des personnes condamnées par le juge pénal au motif qu'elles se seraient introduites et maintenues de mauvaise foi dans le bien immobilier d'autrui. Elle n'est pas excessive, dans la mesure où elle ne concerne que les personnes de mauvaise foi et ayant été condamnées à ce titre par un juge pénal sur le fondement de l'article 315-1 – pour la même raison, elle n'est pas non plus inconstitutionnelle. Je suis donc défavorable à cet amendement.

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Ayant prévu de voter contre l'article 2, mais partageant les motifs de l'amendement CE7, le groupe La République en Marche s'abstiendra de voter sur cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

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L'article 2 de la proposition de loi a pour objet d'insérer, après l'article 38 de la loi DALO, un article 38 bis visant à priver du dispositif mis en place par cette loi les personnes ayant fait l'objet d'une décision de justice les condamnant à la suite d'une occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier. L'exclusion de ces personnes constitue une mesure excessive, d'autant qu'elle n'est pas limitée dans le temps. De plus, elle est contre-productive, car elle exclut définitivement des personnes se trouvant souvent dans une situation où il leur est difficile d'accéder au logement.

L'article 2 semble également prévoir une peine complémentaire à l'article 226-4 du code pénal, qui punit l'introduction ou le maintien illégal dans un domicile d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende – plus exactement, il ajoute une sanction ayant le caractère d'une punition qui n'est ni de nature judiciaire, ni de nature administrative.

Enfin, cette nouvelle punition met en cause le principe d'individualisation des peines, car elle semble automatique. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l'article 2.

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Il est possible que votre analyse juridique sur l'opportunité de limiter la sanction dans le temps soit juste, et je me propose d'étudier la question avant l'examen en séance publique, afin d'apporter au texte la modification qui pourrait se révéler nécessaire : la majorité et l'opposition se livreraient ainsi à un exercice de coproduction législative auquel je suis tout à fait disposé.

En revanche, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous affirmez que la sanction proposée équivaut à une double peine. Quand le maire d'une commune est condamné par la justice pour un motif privé, n'est-il pas également condamné à une peine d'inéligibilité, même si celle-ci est limitée dans le temps ? Cet exemple montre que le principe d'une peine supplétive ou accessoire par rapport à la peine principale n'a rien d'extravagant, mais existe déjà dans notre droit.

J'en reviens à l'idée de limiter la sanction dans le temps, pour vous demander si le fait de procéder à cet ajustement serait de nature à vous inciter à voter en faveur de la proposition de loi – saisirez-vous la main que je vous tends, Monsieur Damien Adam ?

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Si vous avez bien écouté mon intervention précédente, vous aurez noté que mon désaccord ne se limitait pas à ce point. Je trouve également anormal et contre-productif de priver du bénéfice de la loi DALO les personnes ayant été condamnées : à mon sens, ce n'est pas le meilleur moyen de les faire revenir sur le droit chemin.

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Quand une personne de mauvaise foi, qui porte régulièrement atteinte au droit de propriété en n'hésitant pas à faire usage de menaces et d'intimidations pour s'introduire et se maintenir chez autrui, est condamnée par le juge pénal, il ne me paraît pas disproportionné que la peine prononcée à son encontre comprenne la suppression du droit au logement…

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Effectivement, et il n'y a pas de raison de ne pas faire confiance au juge, qui peut décider ou non de condamner la personne. J'ajoute qu'en tout état de cause, il existe des procédures de relèvement : il est possible de déposer une requête visant à être relevé d'une partie de la peine accessoire qui a été prononcée.

Comme vous l'avez compris, ce n'est pas l'occupant moyen qui est visé par la disposition proposée : celle-ci concerne les squatteurs les plus acharnés, les plus violents, les plus rompus à l'exercice consistant à profiter de la moindre faille juridique pour occuper la propriété d'autrui, et à qui il convient de ne pas permettre d'utiliser le droit pour se livrer en toute impunité à des pratiques illégales.

La commission rejette l'article 2.

Article 3 (section 1 du chapitre Ier du livre II du code pénal) : Introduction de la notion de droit de propriété dans le code pénal dans la section relative à l'atteinte à la vie privée

La commission examine l'amendement CE8 du rapporteur.

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À la suite des différentes auditions, j'ai proposé de revoir le dispositif qui prévoyait initialement d'introduire dans le code pénal la notion de droit de propriété. C'est pourquoi j'avais proposé que le titre II soit intitulé « De l'atteinte à la vie privée et au droit de propriété ».

Toutefois, l'atteinte à la vie privée figure déjà dans un titre plus général consacré aux atteintes aux personnes, alors que l'atteinte à la propriété est inscrite dans les atteintes aux biens. Le présent amendement vise à créer un délit non dans la section du code pénal relative aux atteintes aux personnes mais dans une section relative aux atteintes aux biens, ce qui permet de clarifier les choses. Si vous vous introduisez dans le domicile d'autrui, il s'agit d'une atteinte à la vie privée, d'une atteinte aux personnes. Si vous occupez une propriété, peu importe de savoir s'il s'agit ou non d'un domicile, cette infraction sera assimilable à une occupation frauduleuse, donc à un vol, auquel cas elle sera punie comme tel.

L'amendement vise donc à compléter le titre Ier du livre III du code pénal – et non plus le livre II – qui concerne les atteintes aux biens par un nouveau chapitre V intitulé « De l'occupation frauduleuse d'un immeuble ».

Quant à l'article 4, il crée, au livre III chapitre V, un délit spécifique d'occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier.

Mes chers collègues de la majorité, je vous invite à voter cet amendement, d'abord, et vous l'avez compris, parce qu'il s'agit d'une proposition de loi exceptionnelle (Sourires), et surtout parce que cela permettrait de débattre, en séance publique, du dispositif final, ce qui clarifierait nos débats et permettrait éventuellement de sous-amender.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 3.

Article 4 (article 226-4 du code pénal) : Création d'un délit relatif à l'occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier

La commission étudie l'amendement CE9 du rapporteur.

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Il s'agit de créer un article 315-1 ainsi rédigé : « L'occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d'un bien immobilier appartenant à un tiers est assimilée à un vol et relève donc à ce titre des articles 311-1 et suivants. » Que vous voliez une moto ou que vous vous appropriiez frauduleusement un studio, vous serez puni de la même manière, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Je propose également d'introduire l'article 315-2 suivant : « Il incombe au tiers occupant sans droit ni titre de prouver sa bonne foi par la présentation d'un titre de propriété, d'un contrat de bail le liant au propriétaire de l'immeuble occupé, ou d'une convention d'occupation à titre gratuit signée par le propriétaire du bien. »

Voici les deux articles qui figureraient dans le chapitre V que vous venez de refuser.

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L'article 4 crée un nouveau délit pénal d'occupation sans droit ni titre d'un bien immobilier au sein d'un article 315-1. Comme pour l'article 1er, l'article 4 amendé est étendu à tout bien immobilier. Or le législateur doit veiller à l'articulation du droit de propriété avec le droit au logement. Je ne suis donc pas favorable à l'extension du délit à l'ensemble des biens immobiliers.

L'article 315-2 semble renverser la charge de la preuve. L'article bouleverse la présomption de culpabilité, ce qui fait peser un risque constitutionnel au regard de la jurisprudence. Le groupe La République en Marche votera donc contre cet article.

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Député dans l'ancien monde, j'avais défendu une proposition de loi sur les indications géographiques protégées (IGP) – certes pas avec le même talent que M. Julien Aubert, mais en mettant en avant de bons arguments sur le fond. Alors que la majorité l'avait refusée, j'avais été surpris de voir, quelques mois plus tard, dans un projet de loi du gouvernement un copier-coller de ma proposition de loi. En réalité, elle n'avait été écartée que parce qu'elle émanait de l'opposition et pour permettre à la majorité de la reprendre à son compte. Bien évidemment, j'avais été très déçu.

On nous a expliqué qu'on était dorénavant dans le nouveau monde. De telles choses ne pouvaient donc plus se produire puisque majorité et opposition allaient travailler ensemble, sans refus stériles ni positions de principe. Force est malheureusement de constater aujourd'hui que l'on est encore dans l'ancien monde – peut-être même en pire ! Je suis très déçu par l'attitude de la majorité qui ne fait absolument pas preuve d'ouverture d'esprit. Je suis pourtant convaincu que, sur le fond, elle partage les objectifs et les modalités de ce texte. Comme l'a dit M. Julien Aubert, il suffirait de l'adopter ici. Cela permettrait d'en discuter ensuite dans l'hémicycle et de l'adopter à l'issue d'un travail commun. Soyez assurés que les Français regarderaient alors l'Assemblée nationale avec un autre oeil. C'est en changeant les pratiques et non pas seulement en diminuant le nombre de députés – de façon d'ailleurs très démagogique – que vous parviendrez à modifier l'image de l'Assemblée nationale. Celle que vous en donnez cet après-midi n'est pas belle, hélas !

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Monsieur Damien Adam, vous avez dit que vous étiez d'accord avec le diagnostic, mais que vous vouliez agir dans le cadre de la loi ELAN. Or vous venez d'expliquer qu'en réalité vous ne souhaitez pas mieux protéger la propriété, qui est le coeur, la substantifique moelle de la proposition de loi.

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Si, vous nous avez dit qu'il fallait équilibrer le droit de la vie privée et le droit de propriété, et donc ne pas voter cet article. Or, à l'heure actuelle, la construction jurisprudentielle ne protège fortement que le domicile, d'où le texte que nous vous proposons.

Si vous n'êtes pas d'accord avec le fond du texte, il ne sert à rien de prétendre que vous préférez légiférer dans le cadre de la loi ELAN. C'est un différend politique. Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt : il s'agit bien de créer un délit pour protéger le droit de propriété, délit qui sera évidemment dissuasif. Si vous êtes hostile au coeur de cette proposition de loi, il est inutile de dire que vous n'êtes pas d'accord sur la méthode.

Autant les articles 1er et 2 ne touchent pas à l'équilibre de la proposition de loi, autant l'article 3 en est le coeur.

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Je voudrais sensibiliser mes collègues de la majorité sur le ressenti de nos concitoyens.

Nous avons voté un certain nombre de textes avec lesquels je me sens totalement en phase mais qui sont très techniques – c'est le cas par exemple du projet de loi ELAN. Nos concitoyens ont du mal à en percevoir l'utilité immédiate car il s'agit de politiques de long terme. A contrario, le sujet qui nous intéresse aujourd'hui est très sensible car il correspond à des éléments de perception du quotidien.

On a évoqué le cas du papi ou de la mamie qui risquent de se retrouver dans une situation difficile. Je vous pourrais vous parler de ces agriculteurs à côté de chez moi qui, excédés parce que des décisions de justice tardaient à être prises, ont préféré régler leurs comptes eux-mêmes. On peut craindre que les gens fassent justice eux-mêmes, parce que la justice a d'autres priorités. En termes de symbole, il est important que l'appropriation du bien de l'autre soit au moins punie au même niveau que le vol du quotidien.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 4.

Article 5 : Création d'une nouvelle mesure d'expulsion forcée pour les occupants sans droit ni titre

La commission en vient à l'amendement CE10 du rapporteur.

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On ne peut que s'inscrire dans une volonté de parvenir à régler le problème. Mais comme la majorité a voté contre le coeur de cette proposition de loi, il ne sert à rien de discuter de ses contours.

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Monsieur Daniel Fasquelle, vous dites que le nouveau monde ressemble à l'ancien. Or, je vous rappelle que lors de l'examen de la proposition de loi de M. Stéphane Peu visant à lutter contre les marchands de sommeil, nous n'avons pas été dans une position de rejet systématique et ridicule. Nous avions expliqué que nous devions travailler sur le sujet et que nous ferions des propositions qui répondraient pleinement à ses préoccupations dans le cadre du projet de loi ELAN. Les derniers jours de débats sur ce texte ont bien montré que dans le nouveau monde, on savait respecter les promesses qui avaient été faites.

J'en viens à l'article 5 qui prévoit que lorsqu'un juge constate une occupation sans droit ni titre par un tiers, le préfet du département où se situe l'immeuble occupé recourt, sur demande du propriétaire, dans les quarante-huit heures, à la force publique afin de déloger les tiers occupant de mauvaise foi ledit immeuble. Cet ajout semble poser problème. La finalité de l'incrimination de violation de domicile est de sanctionner un comportement contraire à la cohésion sociale, non de permettre l'expulsion du logement occupé. Le code pénal a, par ailleurs, vocation à décrire les comportements constitutifs d'infractions et les sanctions encourues, non à préciser les modalités concrètes et particulières d'exécution des condamnations.

C'est pourquoi nous voterons contre l'article 5.

Monsieur Julien Aubert, vous avez dit que les préfets pouvaient, en cas de trouble à l'ordre public, prendre la décision de ne pas agir pour évacuer des logements. Pourtant, vous proposez que le préfet agisse à la place de la justice. Mais si l'on prend en considération l'argument du trouble à l'ordre public, même les préfets n'agiront pas pour faire évacuer les logements. Vous n'êtes donc pas cohérent avec vos propos précédents.

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Mes chers collègues, je voudrais prolonger les propos de M. Daniel Fasquelle.

J'ai été pendant dix ans député de la majorité. Je peux attester que les exposés des motifs sont toujours extrêmement séduisants. Mais il n'est jamais bon de voter un texte très largement contesté ou juste à l'équilibre. Puis, j'ai été dans l'opposition pendant cinq ans, durant lesquels nous n'avons pas eu droit à la parole. L'année dernière, la nouvelle majorité nous avait promis que les choses allaient changer. J'ai pensé que nous serions dans une opposition intelligente puisque la majorité nous demandait d'être constructifs. Mais on ne peut l'être que si la majorité l'est elle-même et si le Gouvernement nous transmet un projet de loi déjà coconstruit.

Vous verrez, vous regretterez les lois qui auront été votées à une voix près car une bonne loi doit être adoptée à la quasi-unanimité, ou au moins à la majorité qualifiée des deux tiers. Vous n'avez pas fini d'avoir des états d'âme car votre majorité est loin d'être constructive.

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Je crains que M. Damien Adam n'ait pas très bien compris ce qu'est la compétence liée prévue à l'article 5. On est dans le cas d'une décision du juge que le préfet est dans l'obligation de faire appliquer tandis que, selon la jurisprudence Couitéas, le juge prend une décision mais l'État s'abstient de la faire appliquer. Comment voulez-vous qu'un propriétaire qui obtient gain de cause après des mois de combat devant la justice puisse tolérer qu'on lui dise que la décision de justice ne sera finalement pas appliquée. Où est l'État de droit ?

Dans des situations aussi épidermiques, il faut bien évidemment que le préfet applique la décision de justice, sinon il n'y a pas de justice. Le préfet ne se substitue pas à la justice : il y a bien décision de justice et compétences liées. Quant au système DALO, il est différent puisque vous ne passez pas par le juge et que le préfet est en situation de compétence liée. Il s'agit d'éviter que l'administration ne prenne pas ses responsabilités.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 5.

Après l'article 5

La commission examine l'amendement CE11 du rapporteur.

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Pour faire plaisir à M. Damien Adam, qui est très attaché à la protection du domicile, nous faisons en sorte que la violation du domicile soit punie plus lourdement qu'aujourd'hui. Nous proposons donc de porter cette peine à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende car, à partir de deux ans d'emprisonnement, vous avez droit aux circonstances aggravantes, et surtout aux procédures accélérées.

Nous estimons également que le maintien dans le domicile ou le bien immobilier d'autrui constitue une occupation sans droit ni titre et est donc considéré comme un vol. C'est pourquoi nous proposons que la peine soit de trois ans et 45 000 euros d'amende, comme pour n'importe quel vol.

Si c'est votre domicile, on ne punit que l'effraction, parce que c'est bien l'effraction qui est une atteinte à la vie privée. S'il y a maintien dans les lieux, on se moque de savoir si c'est votre domicile ou pas : c'est une atteinte à votre propriété, et elle est punie comme un vol. Telle serait, en résumé, l'essence de la proposition de loi si les amendements avaient été votés par la majorité. Mais comme dit le jeu populaire, vous avez « une chance au grattage et une chance au tirage ».

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L'amendement CE11 modifie un article du code pénal pour doubler la peine de l'introduction dans le domicile d'autrui, passant d'un à deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros à 30 000 euros d'amende. Cette modification vise à permettre une comparution immédiate devant le juge pénal, et dès lors à faciliter l'expulsion des personnes violant le domicile d'autrui. En effet, l'article 395 du code de procédure pénale prévoit qu'à partir d'une peine minimale de deux ans d'emprisonnement, le procureur de la République, lorsqu'il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l'affaire est en l'état d'être jugée, peut, s'il estime que les éléments de l'espèce justifient une comparution immédiate, traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal.

Cet amendement prévoit également que la peine pour le maintien dans le domicile soit plus importante que la peine pour l'introduction dans le domicile. Cette mesure permet ainsi de sanctionner davantage le fait de se maintenir frauduleusement dans le domicile d'autrui par une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Mais l'aggravation des peines est-elle la solution ? S'il y a intrusion dans le logement, je ne suis pas sûr que le fait de doubler la peine change, quoi qu'il arrive, quelque chose à cet enjeu. Je considère que l'enjeu porte moins sur le niveau des sanctions que sur leur application. C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement.

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Monsieur Damien Adam, vous avez dit vouloir protéger davantage la vie privée que la propriété. Mais quand je vous propose d'alourdir les peines pour atteinte à la vie privée, vous me répondez que ce n'est pas nécessaire. Avouez qu'il y a là une petite contradiction.

Vous dites aussi que le problème n'est pas la lourdeur des peines. Vous avez raison : j'aggrave la peine pour permettre la comparution immédiate, et donc pour aller plus vite.

Enfin, vous me dites que le problème, c'est l'application des peines. Mais pourquoi, dans ce cas, ne pas avoir voté l'article précédent qui obligeait le préfet à appliquer les décisions de justice ? Vous auriez pu ensuite retourner dans votre circonscription en expliquant que vous aviez agi, non sur la décision de justice, mais sur l'application des peines, parce que le préfet est désormais en situation de compétence liée lorsqu'un juge condamne pénalement quelqu'un.

À un moment donné, il faut choisir : soit vous considérez que la propriété est moins bien défendue que le domicile, auquel cas vous ne votez pas le début de la proposition de loi mais la fin ; soit vous pensez l'inverse, et alors vous votez le début la proposition de loi, mais pas la fin. Mais si vous ne votez rien du tout, c'est que votre raisonnement est contradictoire.

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Je vais essayer de clarifier cette contradiction qui n'en est pas vraiment une.

Tout à l'heure, j'ai dit que nous étions assez d'accord sur le constat mais pas du tout sur les solutions. Pour notre part, nous privilégions une réflexion complémentaire afin de procéder à des améliorations dans le cadre du projet de loi ELAN, qui sera discuté prochainement au Sénat. Il y a aucune contradiction, nous estimons juste que votre manière d'aborder le sujet n'est pas nécessairement la plus à même de faire avancer le dossier.

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Mon intervention concernera des points de droit.

Vous nous avez parlé de délit de flagrance. Pour ma part, je ne sais pas ce que c'est… Je connais seulement le flagrant délit.

Vous nous avez parlé également du trouble à l'ordre public alors que c'est en réalité une atteinte à l'ordre public. Le préfet peut en effet intervenir quand il s'agit d'une atteinte individuelle ou collective. Par exemple, l'exhibitionnisme est une atteinte individuelle à l'ordre public, tandis qu'une émeute est une atteinte collective.

S'agissant du droit immobilier, des sanctions peuvent être mises en place par le préfet, mais quand il s'agit d'une atteinte à la propriété, le préfet ne peut pas intervenir dans la mesure où il n'y a pas atteinte à l'ordre public. Le préfet nous explique que s'il intervenait sur le droit à la propriété, il y aurait atteinte à la vie privée.

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Comme l'a rappelé notre rapporteur, la notion de domicile n'est pas clairement définie, contrairement à ce que dit notre collègue Damien Adam. Il est donc indispensable d'étendre l'interdiction d'occupation illégale à toutes les propriétés, notamment immobilières, et pas seulement aux résidences habituelles.

La commission rejette l'amendement.

Article 6 : Obligation de contractualiser les relations entre propriétaires et occupants à titre gratuit d'un bien immobilier

La commission est saisie de l'amendement de suppression CE6 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.

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L'article 6 vise à créer des conventions obligatoires, similaires aux baux locatifs classiques pour des locations gratuites sans versement de loyer. Cela concerne une partie limitée de la population et s'opère le plus souvent par un accord oral. L'occupant et le propriétaire ne sont donc pas en conflit. Le plus souvent, il s'agit de la mise à disposition d'un logement à un membre de la famille ou une personne proche.

Si des cas de contentieux peuvent exister, cette nouvelle disposition obligatoire risque de représenter une contrainte supplémentaire non nécessaire, contraire à notre volonté de simplification des procédures.

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Madame Frédérique Meunier, je vous remercie pour ces éléments de droit qui sont très intéressants. Je précise qu'en parlant de « trouble à l'ordre public », je n'ai fait que reprendre l'expression de M. Julien Aubert. Peut-être ai-je mal noté cet élément, à moins que M. Julien Aubert ne se soit mal exprimé. Peut-être pourriez-vous lui donner, à lui aussi, un cours de droit ?

L'article 6 prévoit que toute occupation à titre gratuit d'un bien immobilier doit faire l'objet d'une convention signée entre le propriétaire et l'occupant. Cependant, a-t-on véritablement mesuré les impacts de cette obligation ? Que se passe-t-il, par exemple, quand des parents installent dans leur logement leur enfant ? Faut-il signer une convention ? L'article crée une obligation pour tous, y compris ceux qui ont un titre alors que l'objectif est de sanctionner ceux qui n'en ont pas. Ce dispositif apparaît donc inopportun au regard de la nature des relations entre les propriétaires et les occupants. C'est pourquoi les députés du groupe La République en Marche voteront contre cet article.

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Monsieur Damien Adam, je vous rappelle, pour que l'ambiance reste bonne, qu'un législateur n'est pas forcément un juriste : c'est aussi un homme de terrain, de la vraie vie, pas seulement de la société civile… Et on n'a pas besoin de rappeler nos diplômes à chaque intervention !

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Je vous avoue qu'il y a un an je ne connaissais pas grand-chose en matière de droit.

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Je ne vous montrerai pas mes diplômes en droit !

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 6.

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Tous les articles ayant été rejetés, la proposition de loi n'est pas adoptée. Le texte qui sera soumis à l'Assemblée en séance publique sera donc le texte de la proposition de loi déposée par M. Julien Aubert et plusieurs de ses collègues.

Puis, la commission a procédé à l'examen de la proposition de loi visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique (n° 779), sur le rapport de M. Pierre Cordier.

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Monsieur le président, mes chers collègues, « harcèlement », « pénible », « abusif », « gonflant », « spams incessants », « de pire en pire », « sauvage » : voilà quelques exemples des remontées de terrain, des réactions les plus courantes lorsque j'aborde, dans ma circonscription, la question du démarchage téléphonique.

Ce démarchage par téléphone, chez des particuliers, souvent en soirée ou en week-end, est, en effet, récurrent dans tous les territoires de France. Il ne fait pas de distinction sociale ou politique, il exaspère chacun d'entre nous, sans qu'aucune justification ne puisse lui être trouvée. Bien souvent, ces appels poussent à la consommation et jouent sur l'incapacité des interlocuteurs à évaluer les risques de leur engagement. Ils ciblent en particulier les publics fragiles, notamment les seniors ou les ruraux, et peuvent, dans certains cas, s'apparenter à un abus de faiblesse caractérisé.

Ma proposition de loi a pour objet d'encadrer le démarchage téléphonique, pour restaurer le droit des consommateurs. Certes, il existe déjà un encadrement légal, mais celui-ci est parfaitement inefficace pour plusieurs raisons.

Premièrement, il repose sur un droit d'opposition et non sur un consentement préalable. Cela fait de la prospection téléphonique le seul système de démarchage où le consentement par défaut du consommateur est admis. Pour les courriels et les SMS, en revanche, c'est bien le système de l'autorisation préalable qui prévaut, le consommateur devant explicitement accepter de recevoir des sollicitations commerciales. Ce droit d'opposition ne saurait constituer une protection suffisante. En effet, nombre de citoyens ne sont pas informés de leurs droits. D'autres, qui le connaissent, ne savent pas en faire usage ou sont découragés par les démarches à accomplir. Comment, dès lors, peut-on affirmer que ce droit d'opposition est effectif ?

Deuxièmement, le dispositif d'opposition mis en place au travers de la plateforme Bloctel est inefficace. Il s'agit d'une liste d'opposition au démarchage téléphonique sur laquelle tout consommateur peut s'inscrire gratuitement en ligne ou par courrier. Pourtant, depuis l'entrée en vigueur de Bloctel, les appels intempestifs n'ont pas cessé chez les particuliers qui s'y sont inscrits, et 81 % des Français estiment qu'il ne fonctionne pas. Ces particuliers qui, dans un premier temps signalaient ces appels aux autorités, ont fini par lâcher prise en l'absence de réaction.

Pourquoi une si faible efficacité ? Premièrement, parce que trop peu d'entreprises soumettent leurs fichiers à Bloctel pour les expurger des numéros de téléphone des particuliers ayant manifesté leur opposition. Deuxièmement, parce que les contrôles sont trop peu nombreux. Troisièmement, parce que les sanctions sont trop faibles pour être dissuasives. Quatrièmement, parce que certains appels ne sont pas traçables.

Pour certaines personnes que nous avons auditionnées, tout se passe comme si des automobilistes pouvaient rouler à vive allure sans craindre les radars ni les amendes, et en masquant leur plaque d'immatriculation. Comment un tel système pourrait-il être efficace ? Il en résulte une atteinte à la vie privée, une intrusion dans l'intimité non souhaitée et potentiellement risquée. Les droits des consommateurs, qui devraient pouvoir ne plus être importunés chez eux contre leur gré et ne plus être assaillis d'offres et d'informations commerciales diverses qu'ils n'ont pas sollicitées, ne sont pas respectés. C'est pourquoi il est aujourd'hui urgent d'agir : il convient de redonner au consommateur la maîtrise de ses données téléphoniques et le droit de consentir à être démarché s'il le souhaite.

La proposition de loi que je présente poursuit donc deux objectifs principaux : premièrement, garantir le consentement à la transmission des données ; deuxièmement, rendre plus transparents les appels de démarchage téléphonique.

En ce qui concerne le consentement, l'article 1er permet de garantir que les consommateurs consentent explicitement et de manière préalable à être démarchés à des fins de prospection commerciale. Il s'agit de renverser le paradigme pour passer d'un droit d'opposition à une obligation d'autorisation.

L'article 4 contribue également à atteindre cet objectif, en précisant que les personnes concluant un nouveau contrat auprès d'un opérateur de téléphonie devront donner explicitement leur accord pour le démarchage au moment de la signature du contrat. À l'heure actuelle, l'acheteur est seulement informé de son droit à s'inscrire sur une liste d'opposition au démarchage.

L'article 5 actualise et augmente les sanctions applicables en cas de traitement des données téléphoniques d'une personne n'ayant pas donné son accord. Je propose par ailleurs un amendement visant également à renforcer les sanctions contre les personnes démarchant les consommateurs inscrits sur Bloctel.

En ce qui concerne la transparence, l'article 2 oblige les personnes appelant pour démarcher un particulier à des fins commerciales à donner, dès le début de l'appel, un certain nombre d'informations les concernant et concernant leur entreprise. Il doit en résulter une meilleure information du particulier appelé et un meilleur discernement de la nature commerciale de l'appel.

L'article 3 enfin prévoit de mettre en place un indicatif unique pour le démarchage téléphonique, de manière à aider également les particuliers à repérer plus facilement les appels à vocation commerciale.

Ces dispositions permettront ainsi d'améliorer le respect de la vie privée, de renforcer la protection des données personnelles et de limiter les abus de faiblesse. En cela, la proposition de loi s'inscrit dans la droite ligne des démarches entreprises dans le cadre européen du nouveau règlement général sur la protection des données (RGPD). Ce texte, adopté par l'Union européenne, a également fait l'objet en France de la loi sur la protection des données personnelles, actuellement examinée par le Conseil constitutionnel. Je rappelle d'ailleurs que ce texte a été voté par l'opposition dans une démarche constructive, et que j'ai voté ce texte émanant du Gouvernement.

Par ailleurs, la proposition de loi n'entre pas en confrontation avec les négociations en cours sur la révision de la directive « vie privée ». En effet, l'article 16 de cette directive laisse aux États membres le choix entre un système d'accord préalable ou un système de droit d'opposition au démarchage. Selon les informations que nous avons reçues, cet article ne serait pas concerné par la révision. Aussi, le cadre européen, puis le cadre national ne seront pas contraints d'évoluer et il nous est donc possible d'agir d'ores et déjà sur ce secteur.

En conclusion, je souhaite insister sur deux aspects fondamentaux. En premier lieu, cette proposition de loi est transpartisane, elle dépasse les clivages politiques. Nous avons tous fait nous-mêmes l'expérience du démarchage téléphonique et en avons tous été agacés. C'est pourquoi je souhaite que nous ne soyons pas dans des postures dogmatiques mais que nous accomplissions la mission pour laquelle nous avons été tous élus : la défense des droits de nos concitoyens. En second lieu, et il faut être très clair là-dessus, cette proposition de loi n'a pas pour objectif d'empêcher complètement le démarchage téléphonique : elle tend simplement à garantir que seuls les abonnés qui y consentent effectivement en fassent l'objet. Ce principe qui, je le répète, prévaut pour les messageries électroniques, comme pour les SMS, n'affectera pas sensiblement l'emploi ou l'activité commerciale de nos entreprises. L'exemple du démarchage par SMS le montre. Premièrement, certaines personnes consentiront à être démarchées comme d'autres consentent aujourd'hui à recevoir des propositions par courriels et SMS, parce qu'elles y voient un intérêt. Deuxièmement, il restera en tout état de cause d'autres moyens de prospection et de démarchage que les appels et sans doute plus efficaces pour toucher les jeunes générations.

De plus, onze États membres de l'Union européenne ont fait le choix d'un système d'accord préalable, sans pour autant que des difficultés n'aient été relevées. L'Allemagne, par exemple, comparable à la France en de nombreux domaines, a choisi ce principe. La dimension culturelle d'une plus ou moins grande tolérance aux sollicitations ne semble pas pouvoir être avancée dans la mesure où les pays ayant choisi un système opt-in sont à la fois des pays d'Europe du nord comme le Danemark, d'Europe du sud comme le Portugal, ou d'Europe de l'est comme la Lituanie. Enfin, un tel encadrement est même souhaité par les entreprises honnêtes, celles qui démarchent ou prospectent d'une manière contrôlée et légitime. Les professionnels des centres d'appels que nous avons rencontrés nous l'indiquent. Les appels intempestifs portent également préjudice au démarchage classique et justifié, ils augmentent le sentiment de nuisance et d'agacement des consommateurs qui, par conséquent, refusent davantage de prendre un appel ou d'y donner suite. Ces professionnels sont parfaitement informés de la gêne occasionnée par les appels intempestifs et souhaitent également y mettre un terme, car ceux-ci menacent très clairement leur équilibre économique.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de voter cette proposition de loi. Je reconnais cependant que ce texte est perfectible, et je ne demande pas mieux que de préciser et d'améliorer un certain nombre de points avec vous. Je ne doute pas, Monsieur le président, que nos débats resteront policés et constructifs.

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Pour terminer, je signale qu'une question orale sans débat a été posée ce matin par Mme Bérangère Abba, députée de la majorité, relative à ce fléau qui empoisonne la vie quotidienne de nos concitoyens, dans laquelle elle explique que la plateforme Bloctel est inefficace. Mme la secrétaire d'État Delphine Gény-Stephann lui a répondu qu'une proposition de loi serait discutée en séance publique le 21 juin prochain – en l'occurrence celle que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui – et que le Gouvernement avait l'intention de soutenir certaines de ses dispositions, considérant que toutes n'étaient pas de nature législative.

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Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, de ne pas préjuger de l'avis des parlementaires sur ce sujet et espère, compte tenu de ses observations lors de l'examen de l'autre proposition de loi de votre groupe, que M. Daniel Fasquelle a noté l'ouverture du Gouvernement à l'égard de cette proposition de loi.

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Je remercie tout d'abord le rapporteur pour les échanges que nous avons eus dans le cadre des auditions que nous avons menées.

Le démarchage téléphonique est effectivement une pratique que beaucoup de Français trouvent très intrusive dans leur vie privée. Comme vous le soulignez dans votre rapport, Monsieur Pierre Cordier, la dernière enquête d'UFC-Que Choisir met en évidence que 91 % des Français trouvent le démarchage téléphonique très agaçant. Quel Français n'a pas connu ce moment pénible, souvent le soir à l'heure du repas, où sonne le téléphone et où, à l'autre bout du fil, un opérateur tente – presque désespérément, parfois – de lui vendre un bien ou un service ?

C'est pourquoi la « loi Hamon » du 17 mars 2014 a prévu plusieurs dispositions, parmi lesquelles la création d'un registre d'opposition au démarchage Bloctel plus efficace que l'ancienne version Pacitel, et l'obligation faite au démarcheur d'informer les particuliers de la nature commerciale de l'appel et de l'identité de la société qui en est à l'origine. Toutes ces mesures allaient dans le sens d'une protection accrue du consommateur et de la lutte contre la manipulation et la vente forcée. Depuis son lancement opérationnel en juin 2016, Bloctel regroupe 3,5 millions de personnes inscrites, représentant 8 millions de numéros de téléphone. C'est une preuve supplémentaire de l'ampleur du phénomène de démarchage téléphonique.

Bloctel donne-t-il entière satisfaction ? Le résultat est mitigé avec un tiers des réclamations provenant de personnes inscrites sur Bloctel concernant effectivement un démarchage abusif. Ce résultat mitigé s'explique par une faille du système. Certaines entreprises ne respectent pas, en effet, leurs obligations, démarchant des numéros inscrits sur Bloctel. Cependant, j'attire votre attention sur la méconnaissance qu'ont parfois de ces obligations les chefs de petites entreprises. Il ne faut pas non plus sous-estimer la confusion que font parfois certains entre la prospection commerciale et le démarchage dans le cadre d'une relation contractuelle. Il y a une grande différence entre un appel prospectif et une arnaque ou un numéro surtaxé qu'on appelle aussi ping call. Plus grave, l'usurpation du numéro de téléphone d'un particulier à des fins malveillantes est très en vogue en ce moment. La mise en place de Bloctel a nourri l'espoir auprès de nos concitoyens que tous ces appels intrusifs allaient cesser alors que ce n'est pas la vocation de ce système. Je pense d'ailleurs qu'une campagne de communication de la part du Gouvernement serait nécessaire sur ce point. J'ai déjà commencé à en parler dans ma circonscription, notamment au sein des chambres de commerce et d'industrie (CCI).

Si je partage certaines des propositions du rapporteur, d'autres me laissent plus sceptique. Je commencerai par celles auxquelles je suis plutôt favorable. L'article 2 impose davantage de transparence en obligeant l'opérateur en centre d'appels à signaler de manière explicite l'identité de son employeur ou de la personne morale pour le compte de qui est effectué l'appel. C'est une bonne chose car cela protège davantage le consommateur. De même, le renforcement des sanctions envers les entreprises qui contreviennent aux règles de Bloctel est nécessaire. Les auditions ont permis de mettre en lumière que les amendes actuelles – administratives et non pas pénales comme le propose notre collègue – étaient insuffisamment dissuasives. C'est pourquoi le groupe La République en Marche propose de porter les amendes administratives à 375 000 euros pour les personnes morales. D'autre part, ces sanctions peuvent être rendues publiques mais ne sont pas diffusées. C'est une autre piste à explorer car l'image des entreprises est importante. La création d'un indicatif d'appel est une piste intéressante prévue à l'article 3 mais est-ce vraiment utile pour les consommateurs, sachant que l'usurpation de numéros de particuliers par certains centres d'appels peu scrupuleux rendrait déjà l'application de cet indicatif inefficace et ne ferait pas cesser ces appels ?

S'agissant en revanche des articles 1er et 4, le groupe majoritaire est très réservé concernant l'instauration d'un système d'opt-in dans lequel le consommateur serait réputé ne pas avoir donné son consentement à l'exploitation commerciale ou à la revente de ses données personnelles, y compris dans le cadre contractuel. Ce serait une révolution dans les relations contractuelles – sans garantie pour les Français d'être enfin tranquilles.

Globalement, nous sommes plutôt favorables aux articles 2, 3 et 5. C'est l'opt-in qui nous pose plus problème.

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Je voudrais saluer le travail de notre collègue Pierre Cordier, député de terrain à l'écoute de ses concitoyens. Le texte qu'il nous propose va sans aucun doute dans le bon sens puisqu'il répond à un problème rencontré au quotidien par les Français.

Le sujet n'est pas nouveau : il avait déjà été abordé dans le projet de loi défendu par M. Frédéric Lefebvre dont je fus le rapporteur en 2011. Malheureusement, le texte, adopté à l'Assemblée nationale puis au Sénat, est resté en navette et n'a pas pu être adopté définitivement par notre assemblée avant l'élection présidentielle de 2012. Le sujet a donc été repris dans le cadre de la loi Hamon en 2014.

On pensait avoir réglé le problème avec l'instauration du dispositif Bloctel, issu de cette loi Hamon, mais tel n'est malheureusement pas le cas. Une enquête réalisée par UFC-Que Choisir démontre que neuf Français sur dix sont excédés par ces appels. En tout état de cause, il suffit d'être à l'écoute de nos administrés sur le terrain pour s'apercevoir que ce dispositif ne fonctionne pas.

Par ailleurs, il faut aussi tenir compte de l'évolution du contexte européen. Le règlement européen relatif à la protection des données personnelles ouvre largement la voie à un principe d'opt-in. Il serait vraiment dommage de ne pas retenir ce principe, déjà adopté par d'autres pays, et de préférer essayer de rafistoler un système qui ne fonctionne pas et qui ne fonctionnera jamais.

Au nom du groupe Les Républicains, je veux exprimer tout notre soutien à cette proposition de loi qui prévoit, d'une part, l'interdiction de démarcher un particulier tant que celui-ci n'a pas donné expressément son accord et, d'autre part, une actualisation des sanctions applicables. Il convient en effet d'imposer au démarchage téléphonique les règles applicables aux courriels et aux SMS. J'espère que nous trouverons sur ce texte un terrain d'entente et que vous n'invoquerez aucun prétexte, aucun autre véhicule législatif pour ne pas adopter cette proposition de loi et pour pouvoir en reprendre les dispositions à votre compte. Si le groupe La République en Marche est convaincu qu'il y a un problème, trouvons ensemble la solution, améliorons ce texte et faisons enfin oeuvre utile dans un esprit constructif, comme l'a souhaité notre rapporteur Pierre Cordier.

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Je tiens tout d'abord à remercier nos collègues du groupe Les Républicains pour cette proposition de loi qui nous conduit à débattre d'un sujet fort préoccupant pour nos concitoyens. À la suite de scandales récents dans le cadre desquels de grands groupes ont livré les données personnelles de leurs utilisateurs, les questions de la protection des données et du respect de la vie privée sont d'une actualité immédiate et retiennent toute notre attention. Nous accueillons donc avec intérêt votre proposition de loi qui s'inscrit dans la continuité du projet de loi tendant à renforcer la protection des données personnelles.

Vous partez du constat de la pression commerciale récurrente subie par l'ensemble de nos concitoyens du fait d'entreprises peu scrupuleuses qui ne respectent pas le droit existant. La législation est en effet déjà suffisamment claire sur le sujet. L'usager dispose d'un droit d'opposition : grâce au dispositif Bloctel voté dans la loi Hamon, un consommateur peut ne plus être démarché par téléphone par un professionnel avec lequel il n'a pas de relation contractuelle en cours.

Toutefois, force est de constater que ce dispositif connaît de nombreuses limites puisque les consommateurs continuent de recevoir des appels non sollicités. Nous partageons bien entendu avec vous la conviction que les consommateurs ont le droit de ne pas être importunés à leur domicile, surtout lorsqu'ils ont fait la démarche de s'inscrire sur la liste Bloctel. Ce démarchage devient un véritable fléau pour les consommateurs les plus fragiles, sujets à des pratiques trompeuses ou à du harcèlement téléphonique, qui confine parfois à l'abus de faiblesse.

Il appartient donc au législateur de renforcer la protection des consommateurs face aux dérives constatées. Afin d'inverser cette tendance, vous proposez, Monsieur le rapporteur, que les consommateurs donnent expressément leur accord pour que leurs données personnelles puissent être utilisées à des fins commerciales. Désormais, les entreprises n'exerceraient plus leurs activités sur le fondement d'un consentement par défaut. En cas de non-consentement, les données personnelles des consommateurs seraient considérées comme confidentielles et ne pourraient en aucun cas être utilisées à des fins commerciales. Vous proposez par ailleurs que tout professionnel du démarchage doive décliner explicitement son identité et utiliser un numéro de téléphone à indicatif unique permettant aux particuliers d'identifier plus facilement ces numéros, voire de les bloquer.

Si l'indicatif unique nous paraît efficace, tout comme la présentation claire de l'identité de l'auteur de l'appel au début de la conversation, nous craignons que le principe du consentement obligatoire préalable ait des effets négatifs sur la viabilité économique de certaines entreprises de démarchage. En effet, de nombreuses petites entreprises, y compris françaises, dépendent du démarchage téléphonique pour la vente de services ou de produits. Nous ne pouvons d'un trait de plume condamner les centaines d'emplois concernés – ce serait le cas dans mon département, la Vienne. Les articles 1er et 4 de la proposition de loi ne nous paraissent donc pas appropriés à l'objectif recherché. Au-delà de ces dispositions qui, nous l'espérons, feront l'objet de modifications lors de la navette parlementaire, nous soutenons l'intention de cette proposition de loi qui tend à renforcer la protection des données personnelles ainsi que le respect de la vie privée. Les données des personnes sont aujourd'hui essentielles dans les modèles économiques des entreprises – a fortiori avec l'essor du numérique. C'est pourquoi le groupe du Mouvement démocrate et apparentés (MODEM) votera cette proposition de loi, sous réserve que les articles 1er et 4 soient modifiés.

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Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour le dépôt de cette proposition de loi qui vise à résoudre un problème récurrent. J'ai néanmoins quelques interrogations à formuler.

En introduction, vous parlez de « consommateurs ». Quid des entreprises qui se font démarcher ? Je ne vois rien dans le texte qui les concerne. Or elles perdent énormément de temps à répondre à ce type d'appels.

De même, vous visez les « professionnels du démarchage ». Une entreprise qui se crée et qui essaie de démarcher entre-t-elle dans cette catégorie ? J'espère que tel n'est pas le cas. Lorsque j'ai monté mon entreprise, il y a vingt-deux ans, je n'aurais pas pu faire démarrer mon activité sans pouvoir téléphoner à de futurs clients ! M. Nicolas Turquois craint des suppressions d'emplois dans les grosses centrales téléphoniques, je m'inquiète, quant à moi, de ce qui pourrait advenir des petites entreprises. Un artisan pourrait ainsi vouloir appeler les habitants de son village pour les informer de la création de son activité. Au-delà de la démarche commerciale, c'est d'abord de l'information. Qu'en pensez-vous ?

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J'associe à mon propos mon collègue Dino Cinieri. Je remercie tout d'abord Pierre Cordier pour cette excellente proposition de loi que nous sommes nombreux à avoir immédiatement cosignée. Elle traduit en effet parfaitement l'exaspération légitime de beaucoup de nos concitoyens. Force est de constater que le service Bloctel issu de la dernière loi relative à la consommation est totalement inefficace puisqu'il n'empêche pas le harcèlement téléphonique à des fins commerciales. Si vous tapez le mot « Bloctel » sur un moteur de recherche, vous consulterez des témoignages qui vont tous dans le même sens : « Ras le bol ! », « Harcèlement », « Insupportable ! ». Comme l'ont rappelé le rapporteur et M. Daniel Fasquelle, 91 % des Français se déclarent plus qu'agacés par ces appels intempestifs. Bloctel est une déception. C'est pourquoi nous voulons sans plus attendre réaffirmer le droit des consommateurs à ne pas être dérangés en permanence à leur domicile ou dans le cadre familial.

Nos collègues du groupe La République en Marche s'apprêtent cependant à défendre des amendements de suppression des principales mesures de cette proposition. Cela nous étonne beaucoup car ce sont précisément celles qui permettront une réelle évolution de la situation. Ce matin, Mme Bérangère Abba, députée de la Haute-Marne, a demandé au Gouvernement lors de la séance des questions orales sans débat des mesures fortes pour empêcher le démarchage téléphonique abusif. Il est pour le moins paradoxal que quelques heures plus tard, nos mesures vous paraissent subitement beaucoup trop fortes et que vous changiez d'avis. J'espère, comme notre rapporteur, que vous saurez dépasser les clivages politiques stériles dont nos concitoyens ne veulent plus et que vous voterez pour cette proposition de loi de bon sens – sans la vider de sa substance.

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Je salue à mon tour l'engagement de notre collègue Pierre Cordier qui mène depuis plusieurs mois un combat contre le démarchage téléphonique intempestif. Je me réjouis que le groupe Les Républicains ait choisi d'inscrire à l'ordre du jour un texte touchant aux préoccupations des Français. J'ai moi aussi reçu de nombreux courriers de nos concitoyens qui n'en peuvent plus – je les ai transmis au rapporteur. Si je me réjouis de l'ouverture du groupe La République en Marche, j'espère que ce texte ne sera pas affaibli. Il faut, en effet, qu'on puisse s'armer contre les abus et donc éviter d'en atténuer la portée. C'est tout l'enjeu de nos discussions à venir.

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Ce sont effectivement les réactions sur le terrain, cher Daniel Fasquelle, qui m'ont conduit à déposer cette proposition de loi. Nous sommes tous des élus nationaux mais aussi des élus locaux, pour la plupart. Et nous rencontrons tous nos concitoyens dans nos permanences ou à l'occasion de diverses manifestations, notamment le week-end.

Le projet de loi défendu par Frédéric Lefebvre n'ayant pu être voté du fait d'un calendrier resserré, c'est la loi Hamon qui, partant d'une intention très noble, a instauré le système Bloctel. Cependant, lorsqu'on s'est interrogé sur la mise en place de ce dispositif, puis lors des auditions que j'ai menées avec Mme Annaïg Le Meur, on s'est rendu compte que celui-ci était clairement un échec. Nos concitoyens estiment, en effet, qu'au bout de trois à cinq semaines, Bloctel cesse d'être efficace et que tout redevient comme avant. Cette proposition vise donc à tirer les conséquences de cet échec.

Monsieur Nicolas Démoulin, nous pourrons revenir, lors de l'examen des articles, sur vos interrogations. On peut faire un parallèle entre cette proposition de loi et le texte sur le RGPD que nous avons voté il y a quelques semaines : dans les deux cas, il s'agit de tenir compte de la volonté expresse du consommateur. Depuis quelques jours, nous recevons tous sur nos téléphones portables des messages nous demandant si nous voulons toujours recevoir les courriels de telle ou telle entreprise. On retrouve là cette notion de consentement du consommateur.

Monsieur Nicolas Turquois, je sais que des personnes donnent leur accord au démarchage commercial parce qu'elles y trouvent leur compte. Certaines m'ont en effet expliqué qu'elles avaient pu obtenir des réductions intéressantes grâce au démarchage. L'idée n'est absolument pas d'interdire le démarchage téléphonique. J'ai bien entendu à l'esprit la question de l'emploi et des entreprises. Il n'en demeure pas moins que l'établissement d'un fichier des personnes acceptant d'être appelées évitera aux entreprises de faire « chou blanc » : sur cent appels, quatre-vingt-dix se concluent par un « Foutez-moi la paix, cela ne m'intéresse pas ! », cinq personnes disent qu'elles vont réfléchir et cinq autres, qu'elles sont intéressées. Si les entreprises ont la liste des personnes susceptibles d'être intéressées, quelle que soit la démarche commerciale, elles perdront forcément moins de temps à se faire raccrocher au nez. D'où la démarche d'acceptation que nous proposons d'instaurer.

La commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er (art. 38-1 [nouveau] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés) : Obligation d'accord exprès pour l'utilisation de données personnelles à des fins commerciales

La commission est saisie de l'amendement de suppression CE4 de Mme Annaïg Le Meur.

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Nous nous sommes aperçu que 70 % des appels dont se plaignaient les personnes que nous avons auditionnées n'étaient pas filtrés par Bloctel mais étaient de nature frauduleuse et étaient le fait de ping calls ou de robots. Ce sont autant d'appels qu'on ne parviendra pas à faire disparaître avec ce qui est ici proposé.

Nous proposons donc un amendement de suppression de l'article 1er, qui est beaucoup trop large, afin de préserver l'emploi. On nous a expliqué au cours des auditions qu'à Saint-Omer, par exemple, 400 emplois seraient perdus si cet article était adopté. Mieux vaudrait étudier l'impact de l'opt-in avant d'en imposer le principe.

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Je suis bien évidemment défavorable à cet amendement de suppression. L'essentiel du texte est à l'article 1er, qui pose le principe du consentement exprès, déjà applicable aux SMS et aux courriels et qui a été repris dans la loi sur la protection des données personnelles défendue par Mme Nicole Belloubet, il y a quelques jours. Sans lui, la proposition de loi ne tient plus.

Vous dites que cet article est trop large puisqu'il viserait l'ensemble des opérations de prospection commerciale directe. J'ai précisément déposé deux amendements qui restreignent sa portée aux seules communications téléphoniques. Votre amendement est donc satisfait à cet égard.

Par ailleurs, vous dites que l'article 1er renverse le principe du droit d'opposition à l'obligation de consentement mais c'est justement tout l'objet de cette proposition de loi – un objet rendu indispensable par l'exaspération de nos concitoyens.

Vous mentionnez ensuite l'impact lourd de cette mesure sur l'emploi et l'activité commerciale des TPE et PME. Je ne le crois pas : ces entreprises peuvent gagner à une réduction du démarchage intempestif. En outre, beaucoup de centres d'appels ne sont pas situés en France. Nous pouvons tous faire état d'expériences personnelles – moi le premier qui reçois parfois des appels de personnes que j'ai du mal à comprendre parce qu'elles téléphonent de Tunisie, du Maroc ou d'Irlande et que leur français est assez approximatif.

Vous estimez enfin que Bloctel a permis de trouver un équilibre entre protection des consommateurs et défense des intérêts économiques des entreprises. Je ne le crois pas davantage : 81 % des Français estiment que Bloctel est inefficace. Il me semble que nous sommes loin d'un équilibre.

C'est pourquoi je souhaite le maintien de l'article 1er.

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Il faut que tous ensemble nous entrions cet après-midi dans le nouveau monde, s'agissant des postures des uns et des autres, et de la protection des données. L'entrée en vigueur du RGPD change complètement la donne – vous l'avez constaté par vous-mêmes. Désormais, il nous est systématiquement demandé si nous acceptons d'être recontactés ou de recevoir des notifications. M. Pierre Cordier propose une mesure du même ordre. Si nous ne l'adoptons pas aujourd'hui, nous le ferons dans deux, trois, quatre ou cinq ans : c'est nécessairement dans cette voie que nous nous dirigerons. Cela correspond aux attentes de nos concitoyens. C'est dans les textes européens. Donc soit on reste avec un coup de retard, soit on décide d'avoir un coup d'avance – ou du moins d'être en phase avec ce que propose l'Europe.

Faut-il protéger les consommateurs ou les entreprises ? Si l'on s'en tient au dispositif en vigueur, les consommateurs vont continuer à être dérangés au nom de la protection de l'activité des entreprises. Vous ne mettrez pas fin au démarchage intempestif, sauf à adopter cet article 1er. La proposition de loi assure précisément un bon équilibre entre la protection des consommateurs et celle des entreprises. Comme l'a dit le rapporteur, combien de fois les personnes qui font du démarchage téléphonique se heurtent-elles à des consommateurs mécontents qui leur raccrochent au nez ? Il serait beaucoup plus efficace pour les entreprises que vous acceptiez ce fichier positif. Il y a forcément des consommateurs qui trouveront un intérêt à être contactés pour tel ou tel type de produits ou de services : quand les entreprises les appelleront, elles seront certaines d'avoir au bout du fil un consommateur attentif à leur appel. Elles cesseront ainsi de dépenser de l'argent et de l'énergie pour déranger nos concitoyens.

Si l'Allemagne a choisi l'opt-in, c'est que ce système protège l'emploi, les entreprises et les consommateurs. Beaucoup d'autres pays européens ont fait le même choix. Ne soyons pas les derniers en Europe à adopter ce dispositif.

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Vous prenez toujours l'exemple des SMS et des mailings lists. Le contact téléphonique, lui, passe par la voix, ce qui est très différent. Si je vous suis, dans cinq ans, on interdira le porte-à-porte ou on le soumettra au principe d'opt-in. Nous sommes tous d'accord pour lutter contre le démarchage insupportable et notamment contre les arnaques. À partir du moment où la présentation d'une offre est extrêmement claire, la personne non seulement n'est pas obligée de décrocher puisque les numéros s'affichent sur son téléphone mais une fois qu'elle a décroché, elle peut très simplement dire qu'elle n'est pas intéressée et raccrocher. Votre proposition de loi vise bien à lutter contre les abus et les arnaques, pas contre les simples coups de téléphone. Que fera demain l'artisan qui n'aura plus le droit de prospecter pour informer la population d'un nouveau service ?

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J'apporte mon soutien à cette proposition de loi de notre collègue Pierre Cordier. M. Daniel Fasquelle rappelait la nécessité de protéger les consommateurs. Mettez-vous aussi un instant à la place des personnes qui font du démarchage et qui se font systématiquement rembarrer – et fort peu aimablement – par leurs interlocuteurs, que l'on comprend également. La proposition de loi permettrait de prendre en considération ces personnes, souvent employées de manière quelque peu exotique.

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Le démarchage à domicile est déjà encadré depuis 1972. La première loi française – et peut-être européenne – de protection des consommateurs est un texte sur le sujet. À l'époque, la France était précurseur. Elle le sera à nouveau si M. Pierre Cordier est entendu. Elle ne le sera malheureusement pas si vous supprimez l'article 1er. Les entreprises ont bien évidemment besoin de se faire connaître mais les moyens qu'elles emploient à cet effet sont encadrés depuis toujours – ou alors il ne faudrait pas leur interdire de mettre des panneaux au bord de toutes les routes. Or vous n'allez pas à l'encontre de cette interdiction au motif que cela les empêcherait de se faire connaître. Nous avons la responsabilité d'encadrer les moyens qu'ont les entreprises de se faire connaître dans le respect des bords de nos routes, de nos paysages mais également de la tranquillité de nos concitoyens.

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Nous partageons tous le même constat : le démarchage téléphonique intempestif est insupportable pour nos concitoyens. Ils nous le disent tous. Nous recevons tous les mêmes lettres, quelle que soit notre couleur politique. Exaspérées, certaines personnes en viennent même à résilier leur ligne de téléphone fixe.

Cela étant, ce n'est pas parce que nous faisons le même diagnostic que nous devons tous faire de la démagogie. Le texte de la proposition de loi dispose que les données à caractère personnel issues des listes d'abonnés ou d'utilisateurs de communication ne peuvent être utilisées dans des opérations de prospection commerciale directe sans l'accord préalable explicite de la personne physique auxquelles ces données à caractère personnel se rapportent. Cela signifie que plus aucune opération commerciale ne sera possible par téléphone. Ainsi, un artisan qui aura fait votre plomberie, votre carrelage, votre maçonnerie ou votre peinture et qui voudra vous proposer par téléphone une promotion ou un nouveau produit ne pourra plus le faire. Les TPE, les artisans et les commerçants qui utilisent leur fichier client ne pourront plus appeler leurs clients réguliers. Nous sommes d'accord pour cibler les appels intempestifs, les offres peu claires ou provenant d'une plateforme complètement anonyme mais, tel qu'il est rédigé, l'article 1er va priver nos TPE, parfois fragiles et qui ont besoin du téléphone pour convaincre leurs clients, d'un canal de communication et d'un outil de publicité. Veillons, au sein de la commission des affaires économiques, à ne pas pénaliser nos TPE, nos PME, nos artisans et nos commerçants.

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Puisque vous dites, cher collègue, que nous sommes tous d'accord quant au diagnostic et à la réponse à apporter mais que le texte pose un problème de rédaction, votez cette proposition de loi, quitte à l'amender en séance publique de manière qu'il préserve mieux nos artisans.

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Monsieur le rapporteur, une formation politique qui voudrait appeler ses adhérents pour la remise à jour de ses cotisations pourrait-elle le faire sans l'accord préalable de ces derniers ? Ce qu'a dit notre collègue Nicolas Turquois sur l'entrepeneuriat est vrai, tout autant que la réalité de ce harcèlement téléphonique. Je salue au passage le travail du rapporteur et tiens à dire à la commission que je soutiens cette proposition de loi.

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Je suis sensible à ce qu'ont dit MM. Guillaume Kasbarian et Nicolas Démoulin sur les petits commerçants. Dans mon secteur, les sociétés qui font du contrôle technique automobile téléphonent, par exemple, à leurs clients qui n'ont pas de téléphone portable pour leur rappeler la date du dernier contrôle de leur véhicule. À titre personnel, ces rappels m'ont servi plusieurs fois.

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L'article 1er ne vise pas du tout à interdire le démarchage téléphonique. Le client qui aura fait venir un artisan chez lui pour lui faire faire des travaux ou qui aura fait appel à une société de contrôle technique aura simplement à donner expressément son accord, sur le contrat le liant à l'artisan ou à la société, pour pouvoir être rappelé par la suite. Quand j'étais étudiant, j'avais une voiture qui avait beaucoup de kilomètres au compteur. J'avais alors apprécié que l'entreprise qui m'avait fait mon premier contrôle technique me rappelle avant l'échéance du suivant mais le dispositif que nous proposons n'existait pas. Aujourd'hui, il suffira de cocher la case adéquate pour être recontacté par tel artisan ou commerçant.

S'agissant du porte-à-porte, j'ai toujours réussi à me faire élire lors des scrutins dans lesquels j'étais le candidat sortant grâce cette méthode, cher collègue. Ce n'est donc certainement pas moi – qui ai fait des kilomètres et des kilomètres pour aller voir mes concitoyens et essayer de les convaincre – qui vais remettre en cause cette possibilité. Ce type de démarche n'est pas commercial mais politique. Soyez rassuré !

Lorsque vous avez voté le projet relatif au RGPD, je ne vous ai pas entendus remettre en cause l'idée d'accord exprès du client. Ce texte gouvernemental me paraît être un bon parallèle avec la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui. Comme vous, je suis très attaché à l'emploi. Comme vous, je pense que les petits commerçants et les petits artisans doivent pouvoir continuer à démarcher. Simplement, si je leur donne mon accord pour le faire, cela leur évitera de faire « chou blanc ».

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À entendre M. Pierre Cordier, on voit le travail de fond qu'il a fait : ses réponses sont de qualité.

J'ai été choqué que notre collègue Guillaume Kasbarian parle de démagogie s'agissant de l'article 1er de cette proposition de loi. J'aimerais bien qu'il retire ce mot tout à fait déplacé au regard du travail effectué et de la qualité de nos échanges depuis le début de l'examen de ce texte.

La commission adopte l'amendement CE4.

L'article 1er est ainsi supprimé.

En conséquence, les amendements CE11 et CE12 du rapporteur tombent.

Article 2 (art. L. 221-16 du code de la consommation) : Précision du contenu des appels de démarchage commercial

La commission examine l'amendement CE1 de M. Nicolas Démoulin.

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Je suis défavorable à votre amendement qui a pour effet – si ce n'est pour objet – de limiter les obligations de présentation initiale aux seules entreprises de démarchage, c'est-à-dire aux centres d'appel. Cela conduirait à ce que les autres entreprises, de tous types, appelant pour faire du démarchage, ne soient pas obligées de décliner leur identité, le nom de la personne morale qui les emploie et la nature commerciale de l'appel.

Vous mentionnez, dans l'exposé sommaire, votre volonté de ne pas sanctionner les PME qui font du démarchage. Toutefois, bien souvent, ce ne sont pas des PME qui font ce démarchage mais de très grandes entreprises, notamment dans le domaine de l'énergie ou des communications. Il me semble donc nécessaire que toutes les entreprises qui passent des coups de téléphone à des fins commerciales, qu'elles soient petites ou grandes, se présentent de manière explicite. Il en va de la bonne information et du bon discernement du consommateur.

En outre, la rédaction que vous proposez s'insère mal dans le dispositif.

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Notre groupe partage l'avis du rapporteur, considérant, d'une part, qu'il n'est pas forcément aisé de définir ce qu'est une entreprise de démarchage et, d'autre part, que les grandes entreprises se livrent également au démarchage téléphonique.

L'amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE5 et CE3 de M. Nicolas Démoulin.

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Outre le fait que la personne qui démarche par téléphone doit d'emblée décliner son identité – et j'entends sa réelle identité, et non un nom d'emprunt supposé être mieux reçu, pratique insupportable qu'il faut absolument interdire – je propose que soit également annoncé l'objet social de la société.

L'amendement CE5 va plus loin et propose notamment que, lorsque une société est dénommée par un sigle, ce sigle soit développé, de manière à éviter toute confusion avec des entreprises de renom, confusion sur laquelle n'hésitent pas à jouer les personnes pratiquant ce type de démarchage.

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Je suis favorable à l'amendement CE5, qui me paraît apporter une précision nécessaire. Il peut, en effet, être souhaitable que la personne qui appelle ne mentionne pas uniquement son nom et celui de son entreprise, mais également l'objet social de l'entreprise qui l'emploie.

De même, il est nécessaire que les sigles soient développés. Cela permettra, une fois encore, de clarifier la nature commerciale de l'appel, et d'éviter une tromperie du consommateur par l'utilisation d'un nom d'entreprise équivoque.

En conséquence, je suis plutôt défavorable à l'amendement CE3.

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Notre analyse est différente. Nous estimons en effet que l'ajout de l'adresse du siège social de la société à l'origine du démarchage téléphonique à la liste des informations à communiquer aux consommateurs comporte un risque de discrimination à l'égard de pays tiers, ce qui pourrait poser problème au regard du principe européen de la libre prestation de services.

Nous sommes donc défavorables à l'amendement CE5, mais favorables à l'amendement CE3.

La commission rejette l'amendement CE5.

Puis elle adopte l'amendement CE3.

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Avant que nous mettions l'article 2 aux voix, je voudrais rappeler qu'il porte sur le contenu de l'appel de démarchage et précise que le démarcheur devra se présenter dans le cadre de sa démarche commerciale. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, et le démarcheur évite au contraire soigneusement de donner d'emblée le nom de sa société et l'objet de son appel, afin d'éviter qu'on lui raccroche au nez. L'idée est donc que la personne qui reçoit un coup de téléphone de démarchage sache à quel interlocuteur elle a affaire.

L'article 2 est adopté.

Après l'article 2

La commission est saisie de l'amendement CE2 de M. Nicolas Démoulin.

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Il s'agit de permettre à la personne ayant été démarchée par téléphone de s'entretenir, dans le cas où elle rappellerait la société, avec son interlocuteur précédent, et non avec une tierce personne. Néanmoins, l'amendement étant mal rédigé, je le retire.

L'amendement est retiré.

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Article 3 (art. L. 221-17 du code de la consommation) : Mise en place d'un indicatif unique pour les appels de démarchage commercial

La commission est saisie de l'amendement CE9 du rapporteur.

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L'article 3 prévoit de mettre en place un indicatif unique pour le démarchage téléphonique, de manière à permettre aux particuliers de repérer les appels à vocation commerciale.

L'amendement CE9 est un amendement de précision.

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Nous sommes favorables à cet amendement. S'agissant de l'article, nous avons des doutes sur la faisabilité de cette mesure.

La commission adopte l'amendement.

La commission est saisie de l'amendement CE6 de M. Nicolas Démoulin.

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On peut penser qu'une proportion importante de personnes voyant s'afficher un indicatif spécifique sur leur téléphone choisira de ne pas répondre, ce qui risque de porter préjudice aux petites et moyennes entreprises qui prospectent des clients. Afin que ces PME ne se trouvent pas sanctionnées, je propose avec l'amendement CE6 de limiter le dispositif de l'indicatif unique aux seuls centres d'appel ou entreprises de démarchage.

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Je vous rassure, Monsieur Nicolas Démoulin, ce dispositif ne vise pas les petites entreprises locales, qu'il s'agisse du contrôle technique ou du menuisier qui a déjà effectué des travaux chez vous et veut vous proposer d'en faire d'autres : si ces entreprises contactent un client se trouvant déjà dans leurs fichiers, c'est parce qu'il a coché, dans le cadre d'un précédent contrat, la case « J'accepte d'être démarché par l'entreprise unetelle »…

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C'est bien pourquoi mon amendement ne vise que la prospection, c'est-à-dire la recherche de nouveaux clients !

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En tout état de cause, je suis défavorable à votre amendement, qui a pour objectif de limiter l'indicatif unique aux centres d'appel ou aux entreprises dont l'activité principale est le démarchage téléphonique.

En effet, il me semble nécessaire que les particuliers puissent identifier facilement tous les appels de démarchage, y compris lorsque ceux-ci sont opérés par des entreprises dont ce n'est pas l'activité principale. Là encore, je tiens à rappeler que dans bien des cas, ce ne sont pas des PME qui démarchent, mais de grandes entreprises.

Il ne serait pas difficile à ces entreprises de disposer d'un numéro de téléphone pour leurs activités variées, et d'un numéro de téléphone distinct, précédé d'un indicatif identifiable, pour leurs activités de démarchage.

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En milieu rural, il est très fréquent que de petites entreprises commencent leur activité en procédant à un démarchage ciblé sur les communes qui les entourent, afin de se constituer une première clientèle avant que le bouche-à-oreille ne prenne le relais. Il ne serait pas opportun de les freiner dans leur installation en les empêchant de procéder à ce démarchage.

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Notre groupe est favorable à l'amendement CE6 de M. Nicolas Démoulin, consistant à réserver l'indicatif unique à de grandes entreprises identifiables, et votera en faveur de cet amendement.

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Cette question mérite sans doute d'être étudiée de manière plus approfondie avant l'examen du texte en séance publique.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte ensuite l'article 3 modifié.

Après l'article 3

La commission examine l'amendement CE13 du rapporteur.

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Cet amendement a pour objet de supprimer l'exception permettant aujourd'hui à des entreprises de démarcher des personnes inscrites sur Bloctel, pour peu qu'elles aient eu avec elles des relations contractuelles préexistantes.

En effet, cette mention est utilisée de manière abusive, parfois plusieurs années après la fin du contrat, ou pour un produit n'ayant aucun rapport avec l'objet du contrat initial. Il en résulte un grand nombre d'appels intempestifs, non souhaités par les consommateurs.

Il convient donc de la supprimer, ce qui est l'objet de l'amendement CE13.

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Cette disposition ayant pour effet de renforcer l'action de Bloctel, nous y sommes favorables.

La commission adopte l'amendement.

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Article 4 (art. L.223-2 du code de la consommation) : Accord exprès à la communication des données personnelles lors de la conclusion d'un contrat avec un opérateur de téléphonie

La commission est saisie de l'amendement de suppression CE7 de Mme Annaïg Le Meur.

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L'opt-in ne pouvant être considéré comme la bonne solution tant que nous ne disposons pas d'une étude d'impact portant sur l'ensemble des entreprises autorisées à pratiquer le démarchage, nous proposons avec l'amendement CE7 de supprimer l'article 4.

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Si la France était le premier pays à proposer de mettre en place l'opt-in, on jugerait sans doute sa démarche audacieuse, si ce n'est révolutionnaire. Or, comme l'a rappelé M. Daniel Fasquelle, onze pays de l'Union européenne ont déjà fait le choix de ce système. Pour ma part, je tiens beaucoup à l'article 4, que j'estime indispensable pour protéger les consommateurs concluant de nouveaux contrats avec un opérateur téléphonique. Il s'agit pour eux de consentir à être démarchés par cet opérateur, ou par d'autres entreprises auxquelles cet opérateur aurait transmis les données téléphoniques.

Cette disposition ne serait pas du tout de nature à arrêter le démarchage commercial entre une entreprise et son client, dans le cadre d'une relation contractuelle. On le voit aujourd'hui, beaucoup de consommateurs consentent à être démarchés par les entreprises avec lesquelles ils concluent un contrat, notamment par courriel ou par SMS. Il ne fait nul doute que beaucoup cocheraient la case et donneraient leur accord pour être appelés et recevoir des offres promotionnelles ou d'autres propositions d'amélioration de leurs contrats – je n'ai d'ailleurs jamais entendu personne se plaindre d'avoir reçu un appel visant à lui rappeler que le contrôle technique de son véhicule devait être effectué prochainement, ou une proposition d'un artisan local de le faire bénéficier de conditions avantageuses pour la réalisation de travaux.

Prenons garde, mes chers collègues, à ne pas vider ce texte de sa substance en l'amputant de ses articles les plus importants, à savoir les articles 1er et 4. Ce faisant, nous aboutirions à une sorte de « Bloctel 2 » qui, au bout de quelques mois, se révélerait tout aussi inefficace que Bloctel et susciterait donc les mêmes réactions de mécontentement chez nos concitoyens. Certes, quelques améliorations peuvent être apportées au texte, et je peux souscrire aux propositions visant à permettre aux entreprises de recontacter leurs clients, mais il ne faut surtout pas affaiblir cette proposition de loi en la privant d'une partie de sa portée.

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La portée de l'article 4 n'est pas celle de l'article 1er. On trouve désormais au bas de tous les contrats des cases à cocher visant à autoriser la société à envoyer des sollicitations commerciales, sous la forme de courriels ou de SMS, et ce dispositif de l'opt-in répond tout à fait aux besoins et aux attentes des consommateurs, qui peuvent trouver pratique qu'une société leur rappelle qu'ils doivent prochainement faire effectuer le contrôle technique de leur véhicule ou l'entretien de leur chaudière.

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Je considère que nous n'avons pas assez d'éléments pour voter l'article 4, et que nous avons besoin de réfléchir encore un peu. Aussi, je retire cet amendement pour le retravailler d'ici à l'examen du texte en séance publique. Effectivement, ce n'est pas la même chose quand on a un contrat avec la personne qui appelle.

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Cette disposition répond aussi à la sollicitation de M. Thierry Benoit s'agissant des démarches politiques. Quand il mettra en place le mouvement Agir dans sa région, il suffira qu'il informe son éventuel adhérent pour qu'il donne son accord pour être démarché en 2019, 2020 et 2021 si ce mouvement existe toujours, ce que je lui souhaite (Sourires). C'est vrai chez Les Républicains, au parti socialiste ou au parti communiste. Je crois savoir que La République en Marche ne donne pas de carte. Vous ne serez donc pas ennuyés, chers collègues.

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Monsieur Daniel Fasquelle, on est dans le nouveau monde : on n'a pas besoin d'avoir une carte pour être membre de La République en Marche. Il suffit d'être inscrit. Et l'on ne se fait pas harceler au téléphone : on échange !

L'amendement est retiré.

La commission examine ensuite l'amendement CE15 du rapporteur.

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Cet amendement a pour objet de préciser le champ de l'article 4 de manière à en limiter les possibilités d'interprétation. Le consommateur concluant un contrat avec un opérateur de téléphonie devra ainsi donner son accord préalable pour pouvoir être démarché, aussi bien par cet opérateur de téléphonie que par toute entreprise à laquelle l'opérateur de téléphonie aurait cédé ces données téléphoniques.

Nous sommes dans le vif du sujet. Les personnes ayant déjà un opérateur téléphonique seront sollicitées, comme dans le cadre prévu dans le texte défendu par Mme la garde des sceaux, Nicole Belloubet, pour donner leur accord. Lorsque vous ferez appel à un nouvel opérateur téléphonique, vous donnerez votre accord pour qu'il puisse vous recontacter dans le cadre d'une démarche commerciale.

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Vous connaissez nos réticences. Notre groupe s'abstiendra sur cet amendement et sur l'article 4.

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Avant que la proposition de loi soit votée, j'indique à mes collègues du groupe UDI, Agir et indépendants que la carte du MoDem est à 50 % jusqu'au 30 juin ! (Sourires.)

Plus sérieusement, nous nous abstiendrons pour les mêmes raisons que celles évoquées par Mme Annaïg Le Meur. Je trouve cette mesure un peu trop radicale, même si j'en comprends l'esprit. J'aurais souhaité une rédaction plus souple.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle adopte l'article 4 modifié.

Article 5 (art. L. 226-18-1 du code pénal) : Actualisation des sanctions

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L'article 5 actualise et augmente les sanctions. – c'est un élément qui a été évoqué par les parlementaires de la majorité et de l'opposition – applicables en cas de traitement des données téléphoniques d'une personne n'ayant pas donné son accord.

La commission adopte l'article 5 sans modification.

Après l'article 5

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE10 du rapporteur et CE8 de Mme Annaïg Le Meur.

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Cet amendement répond aux observations formulées par les parlementaires de la majorité. Il vise à renforcer les sanctions imposées aux opérateurs démarchant des consommateurs ayant manifesté leur refus de l'être en s'inscrivant sur la liste d'opposition Bloctel.

En effet, ces sanctions, actuellement de 15 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale, sont trop faibles pour être dissuasives. Il convient de les porter respectivement à 315 000 euros et 375 000 euros, de manière à garantir plus efficacement le droit du consommateur au respect de la transmission de ses données personnelles.

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Monsieur le rapporteur, je vous propose de rectifier votre amendement et de fixer à 75 000 euros l'amende à l'encontre des personnes physiques. Les sanctions administratives du code de la consommation doivent être cinq fois plus élevées que celles prévues pour les personnes physiques.

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Le montant passerait donc de 15 000 euros à 75 000 euros pour les personnes physiques, et de 75 000 euros à 375 000 euros pour les personnes morales. Je suis d'accord.

La commission adopte l'amendement CE10 ainsi rectifié.

En conséquence, l'amendement CE8 tombe.

La commission adopte enfin l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

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Monsieur le président, je vous remercie pour la manière dont vous conduisez les débats. Nous venons de prouver que nous pouvons être efficaces dans un temps relativement limité. Je remercie également les parlementaires qui ont permis d'enrichir le texte. Je reste bien sûr très attaché à l'article 1er et je ne manquerai pas, d'ici à l'examen du texte en séance publique, de consulter, d'échanger avec tous les parlementaires de la majorité pour trouver un accord afin que nous puissions adopter les cinq articles de cette proposition de loi. (Applaudissements.)

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Je vous engage à travailler aussi sur l'article 4 car son adoption en séance publique n'est pas assurée.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 12 juin 2018 à 17 heures

Présents. – M. Damien Adam, M. Julien Aubert, M. Thierry Benoit, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, M. Pierre Cordier, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Christelle Dubos, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Christine Hennion, M. Guillaume Kasbarian, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, M. Richard Lioger, Mme Graziella Melchior, Mme Emmanuelle Ménard, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, Mme Valérie Oppelt, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Vincent Rolland, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Nicolas Turquois

Excusés. – Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Grégory Besson-Moreau, M. Alain Bruneel, Mme Véronique Hammerer, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Claire O'Petit

Assistaient également à la réunion. – M. Thibault Bazin, M. Dino Cinieri, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, M. Frédéric Reiss, M. Michel Zumkeller