Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AFD
  • expertise
  • niger
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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

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L'ordre du jour appelle maintenant l'examen du rapport d'information confié à Mme Bérangère Poletti et M. Rodrigue Kokouendo, co-rapporteurs, sur les nouvelles approches de l'aide publique au développement.

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Madame la Présidente, chers collègues, Mesdames et Messieurs, nous sommes heureux, Bérangère Poletti et moi-même, de vous présenter le résultat des travaux de la mission d'information sur l'aide publique au développement;

Cette mission a été constituée le 24 octobre 2017 par la Commission des affaires étrangères.

Tout au long de cette mission, nous avons eu conscience de l'importance et de la complexité de ce dossier qui mobilise en effet nombre d'administrations dans des domaines majeurs, affaires européennes et étrangères, finance, justice, immigration, défense, et qui véhicule l'image et les valeurs de la France dans le monde.

Cette mission s'est déroulée dans un contexte particulier; l'aide publique au développement se trouve en effet à un moment charnière de son histoire. Alors que son budget avait fortement diminué, la France a l'ambition de revenir au premier plan au niveau international.

Cette volonté s'est exprimée l'an dernier lors du discours annuel du Président de la république devant les ambassadeurs. Il a alors annoncé un objectif d'engagement annuel de 0,55 % du revenu national en 2022, pour, à terme, atteindre 0,70 %.

Cette trajectoire budgétaire ambitieuse, replacera la France parmi les grands intervenants et permettra d'améliorer l'efficience de ses actions sur la scène internationale, en particulier en Afrique subsaharienne.

Elle ne constitue toutefois qu'un élément parmi d'autres de la montée en puissance de l'aide française. Celle-ci implique en effet que des mesures soient prises pour et anticiper et accompagner cette trajectoire budgétaire.

Ainsi, comme vous le savez, le CICID de février a pris plusieurs décisions importantes du point de vue budgétaire et en ce qui concerne le pilotage de l'aide.

Cinq orientations majeures que je voudrais rappeler ont été fixées:

En premier lieu donc, une trajectoire portant l'aide de 0,37 % à 0,55 % en 2022 avec un échéancier dûment établi.

Le CICID a ensuite énuméré les thèmes principaux sur lesquels l'APD doit être centrée : la santé, l'égalité femmes-hommes, l'éducation, le climat et la fragilité institutionnelle de certains pays.

Ce CICID a déterminé, en troisième lieu, la liste de 19 pays cibles, en donnant priorité aux pays les moins avancés et, les concernant, en privilégiant les dons sur les prêts.

Quatrièmement, une autorisation d'engagement d'un milliard d'euros a été actée pour soutenir l'Agence française du développement dans ses actions.

Enfin, l'aide qui transitera par les ONG sera doublée.

Nous nous sommes appuyés sur ces nouvelles orientations de la politique de l'aide, attendues depuis de nombreuses années, pour formuler des propositions pertinentes destinées à accompagner et anticiper cette trajectoire budgétaire.

Il faut en effet insister sur le fait qu'une trajectoire budgétaire ne donne qu'une indication très partielle de la politique d'aide d'un pays. Le fameux objectif de 0,7% du RNB est certes un repère utile pour mesurer les efforts respectifs des uns et des autres, mais il présente l'inconvénient d'être un objectif de dépense, en clair l'addition de budgets très divers aux ordres de grandeurs divergents. Se référer exclusivement à un tel indicateur pourrait faire illusion en privilégiant l'importance des dotations au détriment de leur efficacité.

C'est pourquoi il nous a semblé important d'insister sur le contenu de l'aide publique au développement.

En premier lieu, conformément à la décision du CICID, elle doit être rééquilibrée en faveur du bilatéral. L'augmentation, au fil des ans, de la part multilatérale de l'aide, n'a pas été véritablement le reflet d'un choix stratégique, mais est plus probablement liée au fait que les contributions multilatérales, qui sont des engagements pluriannuels, résistent plus facilement aux arbitrages budgétaires difficiles.

Le renforcement de l'aide bilatérale nous semble donc nécessaire, même si elle est plus contraignante car elle implique de sélectionner des projets à financer et de surveiller leur mise en oeuvre. L'augmentation rapide de l'aide bilatérale, et en particulier des dons bilatéraux, devra donc à la fois être anticipée par des autorisations d'engagement permettant de réaliser dans les temps les crédits de paiement prévus, et s'accompagner d'une montée en puissance de nos capacités de maîtrise d'oeuvre.

L'augmentation des dons-projets, aujourd'hui marginale dans l'aide française, doit également faire partie des priorités de la mise en oeuvre de cette trajectoire budgétaire, car ils permettent de faire face à des situations d'urgence dans les pays les plus pauvres.

Notre mission a ainsi pu constater avec surprise que les pays les plus pauvres, naturellement prioritaires de l'aide publique au développement française et dont la liste s'allonge d'année en année, ne reçoivent que 14 % de l'aide bilatérale totale de la France. Nous recommandons un net rééquilibrage sur ce point.

Sur les différents aspects de l'accompagnement de la trajectoire budgétaire que je viens d'évoquer, il est une recommandation qui nous paraît déterminante, c'est celle de la mise en place d'une véritable loi de programmation de l'aide publique au développement, sur le modèle de la loi de programmation militaire.

Toutefois, l'augmentation des budgets ne produira une amélioration de notre aide au développement que si elle s'accompagne d'une réforme de fond de son pilotage. Lors du déplacement que nous avons effectué au Royaume-Uni, pays dont le volume d'aide est passé de 0,56% à 0,7% du RNB en une année et s'est ensuite maintenu à ce niveau, nous avons pris conscience de l'importance de ce sujet.

La mise en oeuvre de l'aide française n'a en effet jamais pu trouver une organisation pleinement satisfaisante. Les différentes réformes engagées depuis la suppression du ministère de la Coopération en 1998 n'ont jamais mis fin à la dualité ministérielle qui n'est qu'un aspect de l'atomisation administrative de l'aide française, d'autant que les deux ministères en question ne gèrent qu'environ 30% du budget total de l'aide. Ce chiffre étonnant s'explique en partie par le fait que ce fameux ratio, qui indique la part du revenu national consacrée à l'aide, s'obtient par l'addition de dépenses diverses et variées ; mais cette explication n'est que partielle puisqu'au Royaume-Uni, ce sont environ les trois quarts de l'aide qui sont directement gérés par le DFID, une proportion que M. Rycroft, Secrétaire permanent du DFID, trouve cependant encore trop faible.

Placer l'aide publique au développement française sous l'autorité d'un ministère dédié nous semble par conséquent une nécessité. La coordination entre les deux ministères responsables de la politique d'aide peut être en effet satisfaisante dans les conditions actuelles, mais risque de ne plus l'être dans un contexte d'augmentation rapide des montants et une orientation politique plus ciblée exigeant d'importants rééquilibrages budgétaires.

J'ajoute que, dans le contexte actuel et au regard de l'importance stratégique de l'aide au développement relevée plus haut, la création d'un ministère de plein exercice serait un signal fort à la communauté internationale de la détermination politique de la France.

D'ici là, afin de structurer plus efficacement l'organisation administrative de l'aide, la mission recommande d'acter rapidement, conformément aux décisions du CICID, le rapprochement d'Expertise France avec l'AFD, mais aussi de pousser plus loin la fusion des opérateurs au sein d'Expertise France en ne se contentant pas de simples conventions avec les quatre opérateurs mentionnés par le CICID.

Enfin, un sujet d'une importance particulière dans le contexte de l'augmentation de l'aide française est celui de l'évaluation. Dans ce domaine, l'exemple du Royaume-Uni mérite également d'être noté, car ce pays s'est doté d'une commission indépendante d'évaluation, l'ICAI, qui présente régulièrement, devant le Parlement et en présence du ministre, des rapports d'évaluation sur des politiques d'aide en cours, le ministère étant censé réagir aux observations qui sont ainsi faites. L'ICAI travaille de façon indépendante et se fixe pour objectif d'évaluer l'efficacité réelle des politiques d'aide, et non leur simple régularité comptable.

Le rôle des évaluations sera crucial dans un contexte d'augmentation budgétaire car, comme l'a remarqué avec honnêteté M. Rycroft, « Une augmentation comme celle que vous envisagez entraine presque invariablement une dilution au détriment de la qualité ». Cela sera encore plus vrai si priorité est donnée à l'aide bilatérale sous forme de dons.

C'est ainsi que l'aide française, renforcée et mieux pilotée, ne sera vraiment utile que si elle respecte des priorités stratégiques clairement identifiées.

Avant de laisser la parole sur ce sujet, deuxième partie de ce rapport, à ma collègue Bérengère Poletti, je tiens à lui exprimer ici mes plus chaleureux remerciements pour notre collaboration confiante et toujours constructive, j'espère que les suites de cette mission nous permettrons d'affiner ensemble nos réflexions et de vivre leur mise en oeuvre.

Je remercie également les rapporteurs et nos assistants qui ont apporté leurs expériences, leurs lumières, leur efficacité dans la réalisation de cette mission.

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Je commencerai également par remercier mon collègue Rodrigue Kokouendo, car c'était une mission dense et très intéressante, et nous avons partagé énormément de choses. Aller au Niger et à Londres a été très important pour nous, car c'est en allant sur le terrain qu'on peut se faire une idée des choses.

Le second axe de travail de la mission a consisté à s'intéresser, en plus du cadre institutionnel et budgétaire de l'aide, à ses priorités thématiques.

Il nous a donc paru utile de revenir sur l'évolution récente de l'aide publique au développement. Avec l'adoption des objectifs du développement durable, ou ODD, en 2015, l'aide au développement a pris un caractère universel et s'identifie désormais à un champ infiniment vaste où figurent à la fois la base de l'aide au développement, c'est-à-dire les objectifs de lutte contre la pauvreté traditionnels de l'aide, et des objectifs plus variés, environnementaux ou sociétaux. Sans nier en aucune façon l'importance de ces nouvelles thématiques, il nous a semblé que l'aide au développement ne devait pas faire passer au second plan ce qui a été sa première vocation : la sortie du sous-développement des pays qui n'y sont pas encore parvenu. Alors que la plus grande partie de l'Asie et de l'Amérique latine ont accompli des progrès énormes au cours des vingt dernières années, l'Afrique subsaharienne, en particulier le Sahel reste une zone de grande pauvreté, d'instabilité politique et de forte croissance démographique.

Le déplacement que nous avons effectué au Niger visait ainsi à nous permettre d'observer une région où la question du développement se pose en termes d'accès aux besoins premiers de la population : la nutrition, l'éducation de base, l'accès aux soins, la sécurité.

C'est pourquoi nous avons choisi d'insister sur deux thématiques très larges mais qui nous ont paru devoir occuper une place centrale dans la stratégie d'aide au développement de la France.

La première concerne les secteurs régaliens et la gouvernance. Le développement favorise la stabilité, mais la stabilité est une condition nécessaire au développement. Le rôle de l'aide publique au développement dans ce domaine passe d'abord par l'expertise, et ce de plusieurs manières.

Tout d'abord, l'expertise doit permettre aux États destinataires de l'aide de faire en sorte que les projets puissent être véritablement mis en oeuvre. En effet, des projets peuvent être bloqués pendant des mois en raison de la faiblesse des administrations locales. Or, si les budgets consacrés à notre aide directe augmentent au cours des prochaines années, il faudra que les administrations des pays destinataires soient renforcées, ne serait-ce que pour permettre leur simple mise en oeuvre.

Mais plus généralement, et particulièrement dans le Sahel, c'est la présence même de l'État qui fait défaut dans des régions entières, et ces dernières ont besoin d'un renforcement urgent des administrations locales, un domaine dans lequel la coopération décentralisée peut jouer un rôle essentiel

L'action des collectivités territoriales s'avère être une contribution significative à la coopération française, dans l'esprit d'une diplomatie démultipliée. C'est parce qu'elles sont plus près du terrain, des acteurs universitaires, économiques, associatifs, hospitaliers, touristiques et dans les dynamiques de croissance et de compétence comme l'aide aux entreprises, les infrastructures de transport, la formation, l'eau, l'assainissement, la gestion des déchets, que leurs approches et leurs expertises sont véritables.

Elles mènent ainsi les interactions de pair à pair avec les collectivités du Sud, permettant le renforcement de la démocratie et du développement à la base, y compris auprès de la société civile, qui pallie parfois la faiblesse des institutions décentralisées.

Encore faut-il que nous puissions suffisamment mobiliser suffisamment le vivier d'expertise que constituent nos propres collectivités territoriales.

Un domaine particulièrement essentiel de la gouvernance est celui de l'administration fiscale. Le financement des États d'Afrique subsaharienne repose aujourd'hui pour l'essentiel sur l'aide internationale, les douanes, l'imposition de grandes entreprises étrangères et, dans certains cas, des rentes tirées de l'exportation de matières premières. La mise en place de fiscalités et d'administrations fiscales dans ces États permettrait à la fois de lutter contre les flux financiers illégaux, une véritable saignée qui représenterait plus de 5 % du revenus de ces États, mais aussi et surtout d'impliquer la population et de faire des citoyens des contribuables dont le bien-être économique serait dans l'intérêt des gouvernements.

On nous a indiqué par exemple, pendant le déplacement au Niger, que si ces pays réussissaient à installer une fiscalité performante, le revenu pourrait atteindre dix fois les montants de l'aide publique au développement. C'est dire l'importance de ce type de mesures.

La sécurité est bien sûr un autre domaine dans lequel l'aide aux pays en développement peut prendre plusieurs formes. L'aide au développement n'a pas vocation à devenir une composante des opérations militaires de stabilisation, mais de l'avis même des acteurs de la sécurité, elle forme un élément indispensable à la stabilisation à long terme des régions concernées. C'est un sujet particulièrement important pour la France.

Nous avons pu examiner l'articulation entre aide au développement et sécurité sous trois aspects. L'exemple de la politique suivie par la Banque mondiale vis-à-vis des États fragiles nous a fourni un exemple de coordination entre une grande organisation internationale qui agit strictement dans le cadre de son mandat, et d'autres acteurs qui peuvent agir directement dans le domaine de la sécurité, comme l'Union européenne ou la France, à travers l'AFD. L'Alliance Sahel nous a fourni l'exemple d'une structure de coordination qui cherche à accélérer la mise en oeuvre de projets dans une région menacée par l'instabilité, avec un objectif de stabilisation à long terme de la région. Enfin, la Haute autorité à la Consolidation de la Paix du Niger, dont nous avons rencontré le président à Niamey, nous a fourni l'exemple d'un organisme qui met en oeuvre des projets de développement ciblés, à la fois dans le temps et dans l'espace, afin de restaurer la présence de l'État dans les régions les plus démunies et les plus menacées par l'instabilité politique et l'insécurité.

Dans chacun de ces cas, l'aide au développement doit être disponible et rapide. Elle doit répondre à des besoins locaux qu'il faut évaluer, et elle doit souvent s'appuyer sur des ONG locales car des projets doivent souvent être mis en oeuvre dans des régions où la sécurité de personnels étrangers ne peut être assurée de façon satisfaisante. Tout cela demande non seulement des financements, mais surtout une véritable vision stratégique basée sur des objectifs clairement identifiés. Ainsi, la création de l'Alliance Sahel n'a pas donné lieu à la constitution d'un nouveau fonds, mais s'est appuyé sur un portefeuille de projets en cours de sept milliards et demi d'euros, qui demandait simplement à être mis en oeuvre plus rapidement et plus efficacement, en mettant la priorité sur l'effet stabilisateur de ces projets.

La deuxième thématique qui nous a paru fondamentale est celle de la démographie. C'est un sujet à la fois délicat et complexe. Délicat parce que les États, de façon compréhensible, ne souhaitent pas toujours qu'on leur demande de faire en sorte que leur population soit moins nombreuse. Complexe parce que la maîtrise de la fécondité démographique ne répond pas à une recette connue.

Mais c'est un sujet qu'il faut regarder en face. Avec une fécondité proche de huit enfants par femme, comme c'est le cas au Niger où nous nous sommes rendus, le développement ne peut avoir lieu, les besoins augmentant plus vite que le revenu national.

L'une des conséquences de la croissance démographique de l'Afrique subsaharienne est l'augmentation de l'immigration vers l'Europe, mais également vers d'autres régions. L'immigration peut avoir un effet favorable sur le développement de la région, à condition toutefois qu'elle soit gérée de façon adéquate. C'est pourquoi nous proposons de réfléchir à un type de visa permettant à des étudiants africains de circuler plus facilement au cours de leur vie entre la France et l'Afrique, à la fois pour éviter qu'ils ne restent en France par simple crainte de ne pas pouvoir revenir s'ils quittent le territoire, mais aussi et surtout pour les inciter à contribuer au développement de leur pays d'origine, afin de lutter contre la fuite des cerveaux qui pénalise aujourd'hui ce continent.

Les besoins d'une population en croissance rapide peuvent être différés dans le temps, comme en matière d'emploi, ou immédiats comme en matière d'éducation, et notamment d'éducation primaire.

Par exemple, la ville de Niamey est débordée car 500 000 enfants supplémentaires arrivent chaque année sur les bancs de l'école en raison d'une fécondité particulièrement dynamique. Il faut former chaque année 10 000 instituteurs pour répondre à cette pression démographique.

C'est en effet dès maintenant qu'il faut multiplier le nombre d'écoles et d'enseignants pour que la population puisse bénéficier d'un niveau d'éducation suffisant au développement économique, même dans les secteurs les moins exigeants en termes de formation. Or, avec une population qui double quasiment à chaque génération, l'effort à fournir est immense. L'accroissement de la contribution française au Partenariat mondial pour l'éducation, annoncée récemment, est donc à saluer mais il faudra aller plus loin si nous voulons que notre action dans ce domaine ait un effet mesurable. Nous recommandons par conséquent que la part de l'aide allouée à l'éducation soit augmentée.

S'il est facile d'expliquer pourquoi il est nécessaire de maîtriser la fécondité, il est plus difficile d'expliquer comment on y parviendra. Les mentalités jouent un rôle important et la thématique de l'égalité entre hommes et femmes prend évidemment ici toute sa place. Nous recommandons toutefois de favoriser l'appropriation de cet objectif par les gouvernements des pays destinataires et par les populations en le rendant plus explicite.

La maîtrise de la fécondité est indispensable au développement, mais le développement peut aussi y contribuer. L'accès à l'éducation, rendu plus difficile par la croissance démographique, peut aussi contribuer à la réduire si l'accent est mis sur l'éducation des jeunes filles et si ces dernières s'orientent plus souvent vers une participation active à la vie professionnelle, avec notamment un mariage plus tardif. La proportion du budget national allouée à l'éducation est d'ailleurs plus élevée au Niger qu'en France. Chaque année, le budget nigérien de l'éducation augmente, et chaque année, le budget par enfant diminue. Le Niger vient également de publier un décret interdisant les mariages précoces, espérant ainsi retarder la date des premières naissances.

Des initiatives existent aussi en direction des hommes, comme « l'école des maris », une initiative soutenue par le gouvernement du Niger et mise en oeuvre par une ONG locale. Toute cette activité vise essentiellement à convaincre une population dont les traditions et les habitudes plaident généralement en faveur de familles nombreuses, et les résultats ne sont pas garantis à ce stade.

Cependant, un autre obstacle, cette fois-ci bien identifié, à la maîtrise de la fécondité est tout simplement le manque de centres de soins et la faible disponibilité de moyens contraceptifs pour les femmes qui souhaitent en disposer. C'est un point sur lequel la Fondation Bill et Melinda Gates insiste, et il nous paraît urgent d'améliorer la disponibilité des moyens contraceptifs pour les femmes dans les pays dont la fécondité démographique est particulièrement élevée. La Fondation Gates nous dit en effet que des programmes sont commencés, des centres de soins mis en place, puis, une fois le programme terminé, on passe à autre chose et ce qui a été mis en place disparaît et les femmes ne bénéficient pas de la continuité qui serait indispensable. La continuité et la persévérance dans ces domaines sont absolument fondamentales.

Pour conclure cette présentation, je dirai simplement que l'ensemble des recommandations contenues dans ce rapport visent à inscrire visent à donner à notre politique d'aide les moyens et les objectifs dont elle a besoin pour jouer son rôle dans le monde d'aujourd'hui. Il s'agit de faire en sorte que la trajectoire d'augmentation budgétaire ne se réduise pas finalement à un simple affichage, que l'aide française soit un outil à part entière de notre politique étrangère et que les fameux « trois D », défense, diplomatie, développement, forment un ensemble à la fois coordonné et équilibré.

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Merci à vous deux pour ce travail de grande qualité sur ce sujet crucial. Je regardais la liste des nombreux déplacements et auditions que vous avez eus : je vous encourage à l'inclure dans votre rapport car cela montre l'intensité du travail fourni dans le cadre de cette mission d'information.

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Merci aux rapporteurs pour le travail accompli. L'aide publique au développement souffre d'un pilotage dispersé qui fait intervenir plusieurs acteurs. Le paysage institutionnel censé mettre en oeuvre l'aide publique au développement n'a cessé d'évoluer, comme souligné dans le rapport. Expertise France a été créé il y a 4 ans et le CICID du mois de février dernier a prévu qu'on allait l'intégrer au groupe AFD élargi, alors même qu'Expertise France n'a pas été en mesure de procéder à l'intégration des autres opérateurs comme cela était prévu auparavant. Je voudrais savoir si les modalités du rapprochement entre l'AFD et Expertise France sont aujourd'hui mieux connues qu'avant, notamment pour ce qui est de leur capacité à mobiliser toute l'expertise française sur les sujets de développement.

En tant que députée de la 10e circonscription des Français établis hors de France, je vais très souvent en Afrique : j'ai effectué 18 déplacements en 7 mois. J'ai pu observer sur le terrain que les nombreux bureaux de l'AFD, du fait de l'importance de ses capacités financières, occupent une place de plus en plus importante à côté des services de coopération de nos ambassades, dont les moyens sont de plus en plus limités, ce qui m'inquiète beaucoup, notamment pour le PLF 2019. Je voulais savoir ce que devraient être, selon nos rapporteurs, les liens entre les bureaux de l'AFD et ceux des ambassades, notamment dans la perspective que vous évoquez, et la création de ce ministère dédié à l'aide au développement.

Je voudrais finir par donner un avis personnel : dans de nombreux pays, le directeur de l'AFD fait ce qu'il veut. Il peut rencontrer des présidents et des ministres sans rencontrer l'ambassadeur. La diplomatie française s'en retrouve malheureusement dispersée. On a deux langages, deux visions, deux actions, à tel point que les ministres préfèrent souvent s'adresser au directeur de l'AFD, parce qu'il a le carnet de chèque, et beaucoup moins aux ambassadeurs. Je serais d'avis que l'AFD dépende du ministère des affaires étrangères.

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Je siège à Expertise France et à l'AFD. Le travail de l'AFD est remarquable, mais historiquement et factuellement, c'est avant tout une banque. Le fait que ce soit une banque et que la France ait historiquement davantage consenti des prêts fait que l'aide française n'est pas forcément visible, notamment sur des pays prioritaires, à savoir les pays les plus pauvres. L'AFD va intégrer Expertise France, qui va rester une entité à l'intérieur de l'AFD. Même si cela pose quelques problèmes, notamment vis-à-vis du personnel, cela se fait sans difficulté. Il reste maintenant à intégrer les dernières missions d'expertise du ministère de l'agriculture, du ministère de l'intérieur, du ministère de la justice et du ministère de l'intérieur. Il va y avoir des conventions entre l'AFD, Expertise France et ces missions d'expertise. Il faudra effectivement que tout cela soit regroupé. Notre préoccupation est qu'il y ait un ministère dédié à l'aide au développement, parce qu'il y a tellement peu de visibilité sur les différents niveaux d'aide au développement que la création d'un ministère semble utile. En tant que députés, nous ne votons que 30% des montants de l'aide publique au développement, tout le reste n'étant pas forcément visible pour nous. Si on avait un ministère dédié comme les Anglais, on pourrait rendre plus visible la politique française d'aide au développement.

Sur le terrain, ce que vous dites est juste : on l'a constaté au Niger. On a même constaté qu'il y avait des petites tensions et de la concurrence entre l'ambassade et les services de l'AFD sur place. Autrefois, dans les ambassades, il y avait énormément de missions d'expertises qui dépendaient de l'ambassade, ce qui lui donnait une puissance importante. Si on regroupe auprès de l'AFD l'ensemble des missions d'expertise, je trouve qu'effectivement, il va falloir qu'il y ait un rapprochement entre l'AFD et l'ambassade afin que la voix de la France soit correctement portée. Faire de l'aide au développement, c'est effectivement aider les pays pauvres mais c'est aussi étendre l'influence de la France dans ces pays.

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Au niveau des liens entre l'AFD et certains services, on a vraiment senti que l'AFD voulait avancer sur certains projets mais que les ambassades les bloquaient parfois. Le souci avec l'AFD est celui de la dimension politique. L'AFD étant une société financière, elle ne peut pas avoir une dimension politique. C'est à ce niveau-là qu'on doit réfléchir pour savoir comment avancer, afin qu'on sache comment les projets sont évalués sur le plan comptable et sur le plan politique. La question de l'impact d'un projet sur le terrain est centrale. On n'a pas la capacité de le faire actuellement. Demain, il faudra réfléchir une façon d'y arriver. Cela fait également partie de nos propositions.

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Je voudrais féliciter nos rapporteurs pour leur présentation passionnante. Je crois que c'est utile pour notre commission d'avoir un point complet sur cette question. Vous faites 24 propositions qui vont vraiment dans le sens d'une refondation de l'aide publique au développement. Vous avez eu raison d'insister sur certaines recommandations. Quelles sont cependant les chances que vos propositions soient retenues ? Vous évoquez la possibilité de faire une loi de programmation de l'aide publique au développement ou encore de créer un ministère dédié à l'aide publique au développement. J'aimerais savoir quelle réponse du ministère vous avez eu à ce type de proposition, alors même qu'on considère que le nombre de ministères ne doit pas être trop important. Il faut absolument y voir plus clair dans le pilotage de l'aide publique au développement, car on a toute une série d'organismes, d'agences, ce qui altère sa lisibilité et son efficacité. En attendant qu'on ait un ministère dédié, quelle est l'organisation institutionnelle que vous recommandez afin d'être plus opérationnels et plus efficaces ?

Ne serait-il pas également intéressant qu'à la suite du rapport de nos rapporteurs, notre commission puisse assurer le suivi de la mise en place des propositions recommandées. Il faudrait pouvoir auditionner les responsables de l'aide publique au développement pour leur demander ce qu'ils pensent et où ils en sont de la mise en oeuvre des propositions de nos collègues.

Vous avez également eu raison d'insister sur le fait qu'on a un certain nombre de besoins de base dont il convient de s'occuper, notamment la nutrition, la santé et la sécurité.

J'ai été tout à fait intéressé par votre évocation de l'enjeu démographique. Que vous ont dit les autorités nigériennes quand vous avez parlé de ce sujet ? On a un problème culturel, que le développement des moyens contraceptifs ou le fait de repousser l'âge du mariage ne pourra pas totalement régler. Un autre aspect est important : en Afrique, les parents font beaucoup d'enfants car ils pensent que les enfants sont indispensables ensuite pour les aider lorsqu'ils deviennent vieux. Face à ce problème culturel, avez-vous eu le sentiment que les autorités en avaient conscience et avaient la volonté de mettre en place des mesures pour y remédier ?

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Sur la démographie et la maitrise de la natalité, en effet, les autorités nigériennes sont mobilisées sur cette question. C'est vrai que la dimension culturelle du problème est réelle. Nous avons nous-même constaté sur le terrain une grande différence entre les cadres, qui avaient en moyenne deux enfants, et ceux qui étaient non-cadres qui avaient entre 11 et 18 enfants. Dans ce domaine-là, l'éducation jouera un rôle essentiel. C'est dans ce domaine que l'aide publique au développement doit aider ces pays. Mais il y a aussi les enjeux de planification familiale. La transition démographique va se faire d'elle-même car les autorités et la société ont pris conscience de ce problème. Le Niger a mis en place des structures qui aident les familles, qui vont dans les villages et font de la pédagogie. Mais comme c'est un problème culturel sensible, il faut évoquer ces sujets avec précaution.

Concernant le suivi des moyens de base dans ces pays, on a visité un centre éducatif qui se met en place petit à petit. Jusqu'au primaire, les enfants vont à l'école normalement. Arrivés au collège, ça se complique car les enfants, surtout les filles, ont leur puberté. Les parents retirent donc les filles de l'école, ce qui les empêche d'accéder aux études supérieures. Avec le soutien de l'AFD, le Niger a mis en place une école dite « de la deuxième chance », qui accueille des enfants déscolarisés et qui réintroduit les filles dans le circuit éducatif. Mais ces sujets relatifs à l'éducation demandent à la fois beaucoup d'argent et de temps : ce sont des projets à soutenir mais qui sont de long terme. L'AFD travaille de concert avec les autorités nigériennes pour permettre cela.

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Je voulais simplement ajouter que cela ne demande pas seulement de l'argent mais aussi des enseignants et de la formation, ce qui est toujours difficile. Ce sont des enjeux absolument majeurs.

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Le Niger a fait une étude au cours de laquelle il s'est aperçu que le niveau des élèves diminuait d'année en année. Cela s'explique par le fait qu'ils sont dépassés par le nombre d'élèves qui augmente chaque année. Mais il y a un autre problème relatif à la qualité des enseignants. Ils ont fait une étude qui a montré que les deux tiers des enseignants nigériens n'ont pas le niveau requis. Ce sont en réalité des gens qui ont acheté des diplômes, avec des réseaux qui ont permis à certains d'avoir un titre qu'ils ne méritaient pas. Nous avons donc aussi un problème de qualité des enseignants.

Pour répondre à M. Michel Herbillon, je pense qu'il faudrait que tous les élus, quelque puisse être leur sensibilité politique, soient d'accord sur les objectifs de l'aide publique au développement et les modalités de son amélioration. Nous ne pouvons que nous réjouir que le Président de la République ait annoncé une augmentation du budget de l'aide publique au développement. Les Anglais mettent en avant le fait que grâce à l'union sacrée de tous les politiques sur l'aide publique au développement, ils ont pu tenir l'objectif des 0,7% dans le temps, et ce malgré la crise économique. Je pense qu'on peut déjà se réjouir de cela.

Cela étant, entre l'annonce des moyens supplémentaires et leur inscription effective dans le budget, notamment en crédits de paiement, il y a un espace. On sait comment Bercy fonctionne, et il est important que la commission suive cela de manière attentive. Il serait effectivement intéressant qu'on puisse suivre la mise en oeuvre de nos différentes propositions avec le rapporteur budgétaire, notamment en ce qui concerne la loi de programmation.

Sur l'évaluation, il faut en effet non seulement programmer nos dépenses et les dépenser, ce qui ne dépend pas que de nous. En effet, dépenser des moyens très importants dans certains pays n'est pas forcément chose facile. Comme le disait mon collègue rapporteur, la qualité de notre aide risque de baisser quand on augmentera les moyens. Si on met beaucoup d'argent et que ce n'est pas fait de manière coordonnée avec les pays, avec un suivi efficace sur le plan administratif de la part des pays récipiendaires de l'aide publique au développement, on risque de donner des aides directes qui risquent de ne pas toujours être correctement dépensées. Il doit donc y avoir une évaluation. On a vu à Londres une commission indépendante qui organise régulièrement l'évaluation de l'aide, ce qui est très intéressant. Les Anglais, qui font beaucoup d'aide directe, commencent à réfléchir en se disant qu'ils devraient s'organiser différemment.

Sur les besoins de base, tels que l'accès à l'alimentation ou aux soins, la France a eu une action politique très bonne, notamment par le biais du multilatéral. Sur les problématiques d'accès aux soins, le multilatéral s'avère efficace. Sur toutes les épidémies, notamment le SIDA, la France a été efficace en multilatéral.

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Je voudrais saluer le travail des rapporteurs. Je voudrais partager une interrogation sur laquelle je n'ai toujours pas eu d'éclaircissement, notamment de la part du ministre des affaires étrangères. Je souhaiterais comprendre la ventilation exacte des 0,38% en 2016. Personne ne sait donner le détail de ces 0,38%, ne serait-ce que par pays et par secteurs d'action. Le Quai d'Orsay n'a pas une pleine compréhension de la répartition de ces 0,38%, ce qui m'incite à me tourner vers Bercy. Or, je me suis rendu compte que dans l'aide à la scolarisation inclue dans l'aide publique au développement, les 17 pays prioritaires de l'aide publique au développement ne bénéficient que de 17% - donc moins de 20% - de l'enveloppe totale sur la scolarisation, tandis qu'on dépense des dizaines de millions d'euros pour les bourses et les frais de scolarité des étudiants chinois qui étudient en France. Je n'ai rien contre les étudiants chinois, mais je me demande si c'est bien la priorité de dépenser la majeure partie de notre aide à la scolarisation pour les étudiants chinois qui étudient en France. Nous sommes là au comble de l'absurdité. Comment progresser collectivement sur cette maitrise des chiffres ? On se dit toujours que cette absence de compréhension complète par typologie et par secteur géographique ne fait que rajouter un doute sur le pilotage réel de ces sujets-là. Est-ce un sujet identifié ? Est-ce que vous avez des pistes de solutions sur ces sujets-là ? Je ne désespère qu'on puisse connaître cette répartition précise avant la fin de notre mandat.

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Nous avons évoqué cela dans notre rapport : l'opacité de l'aide publique au développement en France. Dans les 10 premiers pays aidés par la France, il n'y a pas un seul pays prioritaire. On a 14 missions, qui se déclinent en 24 programmes, sur l'aide publique au développement. Vous avez cité la problématique de l'écolage avec les étudiants chinois, mais ils ne sont pas les seuls. Former des étudiants peut être intéressant dans le cadre de l'aide publique au développement mais à condition qu'ils ne restent pas en France une fois qu'ils sont diplômés. C'est ce que j'expliquais tout à l'heure : il faut permettre à ces étudiants, grâce à un visa spécifique, d'aller dans leur pays et de pouvoir revenir sans les menacer de ne plus jamais pouvoir revenir. S'ils ont des difficultés à avoir un visa et pensent qu'ils ne pourront pas revenir en France, ils ne partent pas et se maintiennent sur le territoire, alors que c'est une richesse pour les pays dont ils sont originaires. C'était un peu le but de notre proposition de mettre en place un ministère dédié : aller chercher toutes ces petites lignes qui ne sont pas forcément visibles, les rendre visibles et rendre l'organisation de l'aide au développement transparente. Les demandes d'asile font partie du budget de l'aide au développement : tous les dossiers de demande d'asile déposés sont financés par l'aide au développement. C'est ainsi que l'Allemagne a pu obtenir l'année dernière les 0,7% car il y a eu énormément de demandes d'asile pour l'Allemagne. On a quand même augmenté notre pourcentage en 2017 puisqu'on est à 0,44%, l'objectif étant d'atteindre 0,55% en 2022. Mais ce sera compliqué parce qu'il reste 4 ans pour augmenter le budget de plus d'un milliard d'euros chaque année, ce qui est très conséquent. L'intention est donc bonne, mais techniquement, ce ne sera pas facile et ça nécessitera de notre part une grande vigilance.

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Merci la monsieur et Madame les co-rapporteurs, je vous remercie pour le rapport et la présentation. Je salue l'objectif d'atteindre les 0,7 du PNB consacré à l'aide au développement défini dès 1970 par l'Assemblée Générale des Nations Unies. Au-delà de cet aspect quantitatif, je remarque l'attention consacrée à l'amélioration qualitative de nos politiques d'aides. Je voudrais néanmoins explorer deux questionnements. D'abord concernant la hausse promise à l'aide au développement d'atteindre 0,55 % du revenu national brut d'ici 2022. Le meilleur moyen pour réaliser cet objectif serait, me semble-il, de se repencher sur la taxation des opérations financières intra-journalières, sur la hausse du taux de la taxe sur les transactions financières et sur l'affection des recettes de cette taxe. Or, des amendements dans ce sens avaient été repoussés lors de l'examen de notre dernière loi de finances. Concernant le ciblage et l'amélioration qualitative de notre aide public au développement, je note avec satisfaction votre seizième proposition visant à améliorer part du secteur éducatif dans l'aide française. Je tenais à évoquer à ce sujet le rôle que certaines collectivités locales engagées dans des programmes de coopérations internationales peuvent jouer dans la matière.

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Merci pour ces questions. Pour revenir sur ce qui a été affirmé auparavant : notre but avec ce rapport c'est d'avoir ensuite un suivi, et nous remercions Madame la présidente de nous permettre de suivre nos recommandations en effectuant ce suivi. Nous avons constaté que sur la ventilation des 0,38 % nous n'avons pas beaucoup de détails et que c'est un agrégat de dépenses qui sont issues de différentes institutions. C'est pourquoi nous avons formulé cette recommandation en faveur d'un ministère dédié. Avant cela, il faudrait poursuivre la fusion d'Expertise France en intégrant les grands opérateurs. Cela simplifiera beaucoup la mise en oeuvre de l'aide. Vous avez parlé de la taxe sur les taxations financières ou, comme on disait à l'époque, de la « taxe Chirac ». Nous sommes effectivement dans l'optique de demander un véritable changement de la part du gouvernement sur l'appréciation de ce qui devrait être consacré à l'aide publique au développement. Nous allons nous battre afin de réussir. Nous comptons sur votre soutien dans la période à venir.

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Je voudrais ajouter un petit mot sur l'objectif du 0,7%, qui est reporté à une date ultérieure. On comprend bien que l'effort pour arriver à 0,55 % est déjà important car, comme je disais tout à l'heure, nous parlons de plus d'un milliard d'euros par an. C'est vrai que c'est un critère très ancien, sur lequel on peut s'interroger. Quand nous sommes allés à Londres, ils nous ont expliqué que cela devenait en soi un objectif alors que le véritable objectif serait plutôt d'aider les pays, d'évaluer leurs besoins et, à partir de là, de définir les politiques. Or, nous raisonnons à rebours : on commence par dire qu'il faut donner 0,7% du PIB alors que ce chiffre s'appuie sur des calculs anciens qui aboutiraient aujourd'hui à un chiffre inférieur à 0,1 %. Il faut vraiment, au niveau international, essayer de redéfinir ces objectifs.

Concernant le financement, nous nous sommes posé la question. Il y avait bien évidement deux sources de financement : la taxe sur la transition financière qui est une ressource intéressante pour pouvoir augmenter l'aide et la taxe sur les billets d'avion qu'il faudrait également augmenter. Je voulais évoquer la manière dont les Anglais nous ont parlé de la réaction de leur population vis-à-vis du 0,7 %. Comme la loi les oblige à maintenir ce niveau de dépense, ils l'ont maintenu, même pendant la crise. Politiquement ils subissent cependant une pression importante de la part de leur population, alors qu'ils doivent chaque année faire en sorte d'atteindre le 0,7%. Ils dépensent pour cela une énergie terrible. Or, ce n'est pas la bonne méthode pour annoncer que nous développons nos efforts. En même temps, ils mettent aussi des moyens sur le bilatéral. Alors que nous passons au 0,55 %, nous devons viser davantage le bilatéral que le multilatéral et aider prioritairement les pays qui sont le plus dans le besoin. En augmentant l'aide directe pour les pays en difficulté, nous les aiderons davantage.

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Merci Rodrigue et Bérangère pour votre rapport et la qualité de votre travail. Je trouve intéressant ce que vous mentionnez dans le rapport, ainsi que le fait d'avoir focalisé le travail sur deux aspects que nous pourrons creuser. Nous sommes l'un des seuls pays qui a fait la promesse d'augmenter l'aide publique au développement. Quand on regarde l'écosystème européen et international, nous sommes à contre-courant. J'imagine que vous l'avez vu en Angleterre et dans les institutions internationales. En deuxième lieu, il faut sortir de la logique quantitative et vous l'avez montré avec l'exemple de la Grande Bretagne. Et nous, en donnant une aide plus prévisible sur plusieurs années, nous pourrons inciter les ONG à sortir du débat et à implémenter les objectifs. Dernier point, il y avait dans la loi de 2014 un observatoire des coûts qui devait déterminer combien il fallait acheminer par le canal multilatéral, par le canal bilatéral et par le canal européen. Et cela, en termes de crédibilité c'est important car il y a une espèce d'enchevêtrement de fonds fiduciaires, de partenariats qui fait que tout le monde a envie de faire tout, mais il faut se poser la question du canal le plus efficace. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'approfondir le calcul coûts-bénéfices de l'aide ? Est-ce que dans votre mission au Niger vous avez eu l'occasion d'évoquer, de faire un premier bilan de l'Alliance pour le Sahel pour ce qui concerne l'efficacité et les résultats sur le terrain ? Concernant le fonds d'urgence de l'AFD, avez-vous des retours ?

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Je voudrais remercier Hervé Berville d'être présent parmi nous aujourd'hui et de donner son avis éclairé. Je me réjouis qu'on augmente l'aide publique au développement mais il est vrai qu'on était descendu assez bas. Ces six dernières années, la baisse avait porté sur les aides directes. Les fonds multilatéraux avaient été moins touchés car il est plus difficile de baisser les aides sur les fonds multilatéraux puisqu'il y a des partenaires en face. Nous n'avons pas évoqué la question des coûts respectifs du bilatéral et du multilatéral. J'ai envie de dire que c'est peut-être plus facile faire du multilatéral. La preuve en est que quand les choses sont devenues compliquées, les politiques en place se sont davantage tournées vers le bilatéral. Concernant l'Alliance Sahel, il est vrai qu'il y existait des moyens, mais qu'ils n'étaient pas forcément distribués facilement. Il y avait besoin d'un facilitateur pour faire aboutir des grands projets de développement. C'est le but facial de l'Alliance Sahel, qui vise à mettre en oeuvre des fonds importants qui sont en attente. Les partenaires que nous avons rencontrés au Niger sont satisfaits.

Le fonds AFD en est vraiment au début. Il faut savoir que l'AFD avec sa partie bancaire dispense finalement assez peu d'aide directe et ce fonds va justement permettre de l'augmenter. Le projet éducatif que nous avons eu l'opportunité de visiter dans la banlieue de Niamey, par exemple, est un projet financé directement par l'AFD. C'était très intéressant, nous avons pu voir des jeunes entre dix et quatorze ans qui pour certains d'entre eux n'avaient jamais été à l'école. Le phénomène ne fait que s'aggraver du fait de l'augmentation de la population. Il est urgent que la France soit directement impliquée sur ce genre de projets, même si nous nous rendons compte qu'il s'agit d'une goutte d'eau. Nous avons entendu des avis dissonants, selon lesquels l'aide au développement ne sert pas à grande chose tandis que les pays qui s'en sont sortis n'en avaient pas forcément bénéficié, mais se sont plutôt appuyés sur des moteurs internes plus efficaces. Il faut en tout cas continuer à soutenir les gouvernements sur l'accès aux soins, l'éducation, la nutrition. Humainement, l'aide au développement c'est surtout cela.

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Je voudrais mentionner ce que nous avons constaté, par exemple au Niger, concernant les engagements de l'aide au développement à l'échelle internationale. Souvent les financements sont là mais sont confrontés à des problèmes d'ordre administratif, si bien que seulement 20% environ des sommes engagées sont décaissées. Il y a un problème réel sur le terrain et il est important de rendre plus efficaces le contrôle et l'évaluation de l'aide, et peut-être d'aider les pays destinataires en formant le personnel sur place.

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Merci Madame la présidente. Félicitations pour votre rapport. Vous proposez la création d'un ministère unique. J'y vois plusieurs intérêts : il y a celui de l'affichage qui résulterait du fait d'avoir un ministère indépendant sur ces questions. Je vois aussi l'intérêt d'avoir un guichet unique pour l'ensemble des acteurs qui pourraient alors s'adresser à ce ministère qui centraliserait toutes les demandes. Enfin, je vois aussi l'avantage d'avoir une ligne directrice claire pour l'aide public au développement. A ce titre-là, de quelle façon serait définie les lignes directrices concernant la politique de long terme ? Est-ce qu'on pourrait imaginer une concertation entre différents acteurs de l'aide au développement françaiss afin de définir une ligne directrice ? À mon sens, les politiques de long terme portent des fruits. Le multilatéral au long terme semble plus efficace : est-ce que vous avez travaillé sur le bilatéral et multilatéral ? Quel est votre avis sur cette question.

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Le multilatéral est très efficace pour l'aide d'urgence. Par rapport aux catastrophes naturelles par exemple. L'aide bilatérale permet des dons directs aux État qui ont besoin d'un soutien financier. L'aide multilatérale a l'inconvénient, pour la France, de diluer l'aide dans tous les domaines. On ne peut pas cibler. Or, la France aujourd'hui veut cibler son aide sur certains secteurs. C'est pourquoi, dans nos propositions, nous disons que l'aide doit être dirigée vers le bilatéral. J'ajouterai qu'on nous a dit au Niger que l'aide budgétaire directe à l'État est très importante pour eux car elle donne la possibilité de mener des actions sur le terrain. Je pense qu'on doit aller plutôt vers ce type d'aide directe vers les États concernés les plus pauvres.

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Je pense que la différence se résume en trois points : l'influence de la France, le respect de ses priorités et la visibilité. C'est pour cela dans certains cas qu'il faut choisir le bilatéral car on peut alors piloter l'aide. Quand on est dans du multilatéral, sauf à être un très grand donateur, on ne pilote plus. Nous avons été bons dans le multilatéral dans le domaine de la santé mais nous avons contribué avec des moyens très importants. La France a ainsi été placée dans une position d'arbitre. Cependant, le multilatéral a des limites car on ne peut pas être les meilleurs dans tout. Quand on ne fait que participer un peu, on se disperse et surtout on n'est plus en mesure de défendre l'influence de la France. C'est pour cela qu'il faut faire du bilatéral, des aides directes, et c'est cette part qu'il faudra augmenter dans le cadre de l'augmentation budgétaire qui est prévue.

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C'est très intéressant de voir la décomposition bilatéral-multilatéral. La Grande Bretagne a une aide bilatérale importante et, en même temps, les Britanniques sont assez astucieux pour flécher leur aide multilatérale, ce qui leur donne un certain levier dans ce domaine, contrairement à la France qui donne beaucoup plus en proportion à l'échelle multilatérale. Ainsi il y a une manière d'utiliser le multilatéral et de flécher, de prioriser, de hiérarchiser, afin d'obtenir un effet de levier important. Je pense que la France devrait prioriser davantage et au fond, et flécher l'aide multilatérale. Dans le passé, nous ne l'avons pas fait suffisamment et nous devons désormais nous concentrer sur nos priorités afin que l'aide multilatérale devienne efficace. En même temps, il est important d'avoir de l'aide bilatérale. Si l'on prend l'exemple de la crise des réfugiés syriens, dans les premières semaines et les premiers mois, la Grande Bretagne a fourni une aide bilatérale aux trois pays voisins de la Syrie. Ils ont été les premiers à aider ces populations alors que nous avons été absents à ce moment-là.

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Le poids de la France dans l'aide multilatérale dépend de ses contributions, qui déterminent son influence au sein des conseils d'administrations. Sa capacité à orienter les politiques multilatérales dépend pour chaque organisation de sa contribution financière.

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Je vous remercie pour le dynamisme de ce rapport, qui intègre tous les rapports antérieurs. Vous avez pu rentrer dans des détails, par exemple votre analyse sur l'Afghanistan, les calculs du Comité d'aide au développement. Je voudrais revenir sur cette histoire de pilotage, peut-être pour apporter un peu de contradiction. Je ne sais pas si c'est un ministère de plein droit qui est le plus important, je pense que c'est une mission de plein droit qui est nécessaire, au sens de la LOLF. Il faut une réorganisation de la dépense publique. Ce sera bien d'avoir un rapporteur, même avant d'avoir un ministre. Si l'on a un ministre avant d'avoir repensé l'organisation de la mission « aide au développement », on risque de figer de particularisme au lieu de gagner une force de pilotage. Ce que l'on souhaite, c'est d'avoir une stratégie, des objectifs hiérarchisés, d'avoir des échéanciers, un contrôle. C'est exactement ce que permet une mission. Si je reprends vos objectifs n° 4 et 7, c'est exactement une mission. L'objectif n° 4, c'est voter une loi programmatique, l'objectif n° 7 c'est doter la France d'une agence indépendante d'évaluation. Dans une mission, il y a une évaluation qui est faite automatiquement, et en plus par les parlementaires. Egalement, notre APD doit être coordonnée en tant qu'action extérieure de l'Etat. Il faut donc une coordination avec la diplomatie d'influence, dans le domaine de l'éducation et la formation des cadres locaux. Si l'on a une mission, ses programmes pourront être coordonnés les uns avec les autres. On va pouvoir chercher le CIEP et les autres tiroirs de l'Etat qui ne sont pas mis sur la table lorsque l'on contrôle l'APD. C'est inadmissible que nous ne contrôlions que 30 %. En Allemagne, l'agence d'aide au développement coordonne une cinquantaine de clients publics. Le problème de notre APD, c'est qu'il faut pouvoir intégrer les territoires. Si on a une mission avec un opérateur, il est plus facile de coordonner ce qui se fait dans les territoires que si l'on a un ministère qui n'a pas d'influence sur ces derniers.

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Ce que dit notre collègue est sage, nous ne sommes pas acharnés en faveur d'un ministère. C'est vrai que derrière cette proposition d'avoir un ministère, nous avons la même intention que Frédéric Petit lorsqu'il évoque une mission, c'est-à-dire de regrouper l'ensemble des missions budgétaires en une seule, et avoir une visibilité pour tout le monde. Nous avons le même objectif, je ne peux que partager ce que vient de dire notre collègue. Il nous a semblé que, politiquement, le fait que quelqu'un du gouvernement puisse piloter l'APD la rendrait plus forte et plus visible. Mais ce n'est qu'une question de visibilité et de regroupement budgétaire.

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C'est une bataille que nous ne pourrons gagner que si nous avons un consensus politique. Ce sont des sujets extrêmement forts. De ce point de vue, je voudrais problématiser votre rapport sur la question de l'objectif des 0,55 %. Vous avez esquissé cet axe, mais vous auriez pu aller plus loin en affirmant que nous ne réussirons les 0,55% que si les Français sont convaincus que cette dépense correspond à des enjeux stratégiques nationaux, la contrainte budgétaire étant ce qu'elle est. Vous avez esquissé les différents enjeux : éducation, santé, sécurité, développement, démographie. Des blocs d'intérêts stratégiques français sont présent, et je crois que cela légitime l'objectif des 0,55%. Deuxièmement, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre ; on ne peut pas avoir un outil bureaucratique, une institution de financement, une absence de portage politique, et un 0,55 %, par la seule grâce de la magie du Président. Cette politique doit s'incarner à travers la vision d'un porte-parole, et aussi auprès des Etats partenaires. Interrogez les ambassadeurs français en Afrique, ils sont orphelins du ministre du Développement. On ne visite plus le Sahel, on visite Gao, éventuellement, plus que Bamako, quand on est ministre de la Défense. Troisièmement, sur la question des opérateurs, là aussi il y a un petit paradoxe. Au moment où on veut reproblématiser des enjeux politiques, on extra-territorialise tous nos outils d'influence chez des opérateurs qui ont une totale indépendance institutionnelle. C'est un problème pour notre champ régalien. Sur le fond, l'AFD ou Expertise France sont peu intéressées par le régalien et les logiques de rapprochement de ministère. Ces opérateurs sont dans une attitude de part de marché. Concernant l'Alliance Sahel, pour simplifier le rapport entre le gouvernement et les bailleurs de fonds, ils faut que ces derniers délèguent à un bailleur chef de file, par exemple que sur la santé ou l'éducation, l'argent de l'AFD aille à l'Union européenne, ou l'argent de la banque aille à l'AFD. C'est en cours. Oublions nos égos, ayons plus d'impact.

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Ce qui nous manque, c'est une évaluation politique. Il nous faut une autorité qui puisse l'incarner.

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Je voudrais revenir sur l'éducation, notamment au primaires et secondaires. C'est le premier levier pour sortir les populations de la pauvreté. Au-delà du taux de scolarité, c'est la qualité des apprentissages qu'il faut améliorer. Estimez-vous que le réseau éducatif français à l'étranger, dont l'excellence pédagogique n'est plus à démontrer, et qui est présent dans plusieurs pays bénéficiaires de l'aide au développement, puisse jouer un rôle dans la coopération scolaire, en partenariat avec le CIEP et la Société française d'exportation des ressources éducatives, à l'image de la coopération universitaire par exemple ?

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Par rapport aux enjeux stratégiques nationaux, il faut convaincre nos concitoyens de l'utilité. Ce n'est pas une chose facile, surtout lorsque nos concitoyens souffrent. C'est le cas en Grande Bretagne, où ils doivent se justifier sans cesse. Cela tient, je pense, à l'Union sacrée. Je pense qu'on ne peut pas convaincre nos concitoyens, alors que ces questions d'éducation et de migration sont au coeur des problématiques d'emploi. Je ne suis cependant pas pessimiste, nous pouvons réussir.

D'un autre côté, la bombe démographique est là. La question de la présence d'enseignants de qualité dans les lycées français, et de la possibilité pour ces derniers de former les enseignants locaux, n'a pas été posée lorsque nous étions au Niger. Mais je voudrais dire aussi qu'il faut défendre la qualité de nos enseignements à l'étranger. Il faut défendre la qualité de notre culture et de nos valeurs. C'est incontournable, il faut continuer d'être très présents. Mais je ne sais pas si l'on peut leur demander de contribuer à l'aide au développement, je ne maitrise pas assez le sujet. Cependant, de manière intuitive, je trouve que c'est une bonne idée. C'est une question que j'aurais dû et que j'aurais aimé poser. Il y a la question de l'enseignement, la question des diplômes, c'est un vrai sujet.

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Vous avez insisté sur la question démographique. Je voudrais me placer du point de vue des droits sexuels et reproductifs. En octobre 2016, le gouvernement a publié la stratégie de l'action extérieure de la France sur les enjeux de population, de droit et de santé sexuels et reproductifs 2016-2020. Ce document constitue un vrai progrès pour la position de la France, mais aucun budget ne lui était associé. Deux contributions ont été annoncées, l'une de 10 millions d'euros pour le fonds français Muskoka. Je rappelle que ce fonds a été créé en 2010 lors du sommet du G8 à Muskoka, et était doté de 500 millions d'euros additionnels sur 2011-2015. Il repose sur le travail conjoint de quatre agences onusiennes. En 2017, il a contribué à 10 millions d'euros pour l'action menée dans 8 pays africains. L'autre action était chiffrée à un million d'euros pour le Fonds des nations unies pour les populations, le FNUAP. Est-ce que ces deux engagements isolés sont suffisants ? En effet, ces droits sexuels et reproductifs, à la croisée de la politique du gouvernement en matière d'aide publique au développement, la santé, l'égalité femme-homme, devrait être une priorité. Quelles sont vos recommandations, dans un contexte de raréfaction des financements français ?

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Je suis également sensible à ces questions de droits sexuels et reproductifs et d'égalité. Nous avons mentionné que le Niger a récemment passé un décret sur le mariage précoce ou forcé. Mais en même temps, nous avons eu une autre audition qui m'a inquiété. Le représentant de l'ambassadeur du Mali en France a répondu, lorsqu'on lui a demandé quelle priorité il donnait à ces questions de contrôle de naissances, que c'était une richesse pour un pays d'avoir beaucoup d'enfants, et que l'augmentation de la population était formidable, qu'il suffisait de regarder la Chine ou l'Inde. Nous avons été respectueux avec lui, mais nous ne partageons pas du tout cet avis. Comme je le disais tout à l'heure, ce sont des sujets très délicats et il presque impossible d'imposer une politique. Stephen Smith nous disait qu'on devrait au minimum pratiquer une aide liée, afin que les pays destinataires développent des politiques de contrôle de la natalité. Le seul levier qui pourrait être utilisé, c'est bien celui-ci. Sinon il faut leur faire confiance, c'est ce qu'ils demandent. Nous avons vu les responsables du Niger, ils nous disent : « aidez-nous mais laissez-nous décider de nos priorités et de ce dont notre pays a besoin », ce qui est très compliqué là où les familles ont 7 ou 8 enfants. On sait très bien que cela empêche le développement, mais jusqu'où peut-on aller pour demander à ces pays de mettre en place des politiques ? C'est une question très difficile, à laquelle nous n'avons pas vraiment de réponse. Parmi nos propositions, il y l'idée qu'il faut convaincre les gouvernements et les responsables politiques qu'il y a là une urgence. Ensuite, il y a les moyens donnés aux ONG localement. Il y a un nombre non négligeable de femmes qui seront, intéressées si on propose des moyens contraceptifs. Or, pour celles qui le souhaitent, ces moyens ne sont pas toujours disponibles. Il faut que l'on préserve les fonds donnés pour ces objectifs, que nos moyens ne soient pas dispersés, et que les moyens destinés à la contraception soient toujours présents. Je suis convaincue que ce sujet est capital, mais je ne suis pas sûre de l'efficacité des aides liées.

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Je voudrais vous remercier pour ce rapport, et nous sommes tous d'accord pour que vous assuriez le suivi de la politique d'aide publique au développement. Je voudrais dire trois choses.

La première est qu'en matière d'aide publique, on peut et on doit faire beaucoup mieux. On est dans un système éclaté, avec des budgets dispersés. Nous devons assurer une meilleure lisibilité de notre aide publique au développement. Je reconnais que je ne suis pas toujours favorable à la multiplication des postes dans l'exécutif, mais ici la question d'un ministère dédié se pose, à l'instar de ce qui est fait en Allemagne.

Deuxièmement, la question de l'appropriation de l'aide publique au développement par l'opinion publique française. Là, nous avons un vrai retard par rapport aux britanniques. Ces questions sont là-bas au coeur des débats et des médias. Nous en sommes loin.

Enfin, la question de l'efficacité. A certains endroits, les aides ne sont pas dépensées faute d'infrastructure, de moyens humains, d'investissement. Nous devons donc avoir un vrai pilotage de nos aides au développement. Il y a une absence de lisibilité, d'appropriation, de contrôle sérieux et profond. Il y a énormément à faire. Nous ne pourrons continuer comme ça sans prioriser et hiérarchiser. Il faut des priorités géographiques et sectorielles. Il faut repenser l'esprit de l'aide au développement. Ce sera fondamental pour les décennies à venir.

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J'aimerais ajouter un point concernant la hiérarchisation. Nous avons fait une proposition qui concerne notre commission, à propos des problématiques d'aide au développement dans le voisinage de l'Outre-mer français, notamment la Guyane et Mayotte. Nos compatriotes vivant dans ces territoires sont confrontés à des problèmes difficiles très près de chez eux, et je pense que ce serait intéressant que la Commission des affaires étrangères se saisisse davantage de la question de l'aide dans le voisinage de nos outre-mer.

La commission autorise la publication du rapport de la mission d'information.

La séance est levée à dix-neuf heures trente.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 12 juin 2018 à 17 h 30

Présents. - M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, Mme Samantha Cazebonne, Mme Annie Chapelier, Mme Mireille Clapot, M. Alain David, M. Christophe Di Pompeo, M. Michel Fanget, M. Éric Girardin, M. Claude Goasguen, M. Michel Herbillon, M. Bruno Joncour, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Amal-Amélia Lakrafi, M. Jérôme Lambert, M. Sébastien Leclerc, Mme Nicole Le Peih, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, M. Jean François Mbaye, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, Mme Sira Sylla, Mme Liliana Tanguy, Mme Valérie Thomas, M. Sylvain Waserman

Excusés. - Mme Clémentine Autain, M. Moetai Brotherson, M. Bernard Deflesselles, Mme Laurence Dumont, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Anne Genetet, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Yves Jégo, Mme Marine Le Pen, M. Maurice Leroy, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Monica Michel, M. Hugues Renson, M. Bernard Reynès