Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 27 juin 2018 à 16h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion débute à 16 heures 35.

Présidence de M. Didier Paris, vice-président.

La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace (n° 911) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, Mme Yaël Braun-Pivet et M. Marc Fesneau, rapporteurs).

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Avant de reprendre nos travaux je voudrais vous donner quelques chiffres, qui parlent d'eux-mêmes : nous avons examiné jusqu'à présent, en trois séances, 113 amendements ; il en reste 198 avant l'article 1er, et 1247 en tout.

Nous avons donc encore un gros travail. C'est la raison pour laquelle la commission des Lois a décidé d'ouvrir des séances supplémentaires vendredi et lundi prochain, mais également samedi si la nécessité s'en faisait sentir.

Je vous propose donc de resserrer vos interventions et de les limiter à deux minutes par orateur. Je ne donnerai par ailleurs la parole qu'à un orateur par groupe sur chaque amendement, sauf circonstances particulières.

Avant l'article 1er (suite)

La Commission examine l'amendement CL796 de M. Jean-Luc Mélenchon.

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Il s'agit de voir reconnues par la Constitution les non-croyances à l'égal des croyances, et de dire que la République doit protéger les non-croyances comme elle protège les croyances. Cela n'a rien à voir avec de l'athéisme militant – j'ai personnellement échangé avec l'évêque de ma ville, participé à la rupture du jeûne et rencontrerais très volontiers le rabbin – mais constitue une mesure d'égalité pour la majorité de nos concitoyens, qui se partage entre agnosticisme et athéisme.

Nous nous inspirons ici de la constitution américaine, dans laquelle est inscrit depuis 2016 que « la liberté de croyance, de conscience et de religion protège les croyances aussi bien athéiste que non théistes et le droit à ne pas professer et ne pas pratiquer de religion ».

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Monsieur Ruffin, tout ce qui vient d'Amérique n'est pas nécessairement utile à notre République, d'autant que la mention du respect de toutes les croyances doit s'interpréter à la lumière du principe de laïcité, qu'elle vient renforcer.

Pour rappel, l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 protège la liberté de conscience, et donc d'opinion, de quelque nature que soit l'opinion, religieuse ou non ; elle protège donc la liberté de ne pas croire. Votre amendement me semble déjà satisfait. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Elle en vient à l'amendement CL795 de M. Jean-Luc Mélenchon.

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Nous proposons d'inscrire dans l'article 1er de la Constitution que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte et ce, sur aucun de ses territoires ». Il s'agit notamment d'en finir avec la situation singulière de l'Alsace-Moselle, où est encore appliqué le Concordat de 1801.

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Il est exact que la définition de la laïcité n'est pas expressément écrite dans une norme constitutionnelle, même s'il est spécifié que la République est laïque.

Toutefois, en 2013, le Conseil constitutionnel a fait de ce principe, qui figure à l'article 1er de la Constitution et à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, un principe constitutionnel, dont il résulte la neutralité de l'État, le respect de toutes les croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion, et le fait que la République doit ne reconnaître aucun culte, garantir le libre exercice des cultes et n'en salarier aucun. Il n'apparaît donc pas nécessaire de consacrer la définition de la laïcité dans la Constitution.

À cette occasion, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs jugé l'organisation des cultes dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle conforme au principe constitutionnel de laïcité, les constituants de 1946 et 1958 ayant expressément fait valoir qu'ils n'entendaient pas remettre en cause cette organisation.

À l'exception de ce point, votre demande est donc satisfaite. Avis défavorable.

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Vous me dites que la situation de l'Alsace-Moselle est conforme à ce qu'ont souhaité les constituants de 1946 et 1958, mais la question que je vous pose ici et maintenant est celle du maintien ou non de cette exception dans notre Constitution, après la révision constitutionnelle.

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Et ma réponse est bien celle que je viens de vous donner ici et maintenant.

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Si on s'appuie sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour rejeter les amendements, on risque de sombrer dans l'immobilisme. À ma connaissance, nous sommes ici pour enrichir la Constitution, la modifier, voire étoffer la jurisprudence du Conseil constitutionnel à partir de nos débats. Cette dernière ne nous est donc pas opposable au moment où nous révisons la Constitution, sinon qu'est ce qui va changer, si rien ne change ?

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La révision constitutionnelle à laquelle nous travaillons ne vise pas à codifier la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, le périmètre du projet de loi doit être respecté. C'est un choix, et nous l'assumons, l'idée de ce projet de loi n'est pas de remettre en cause l'organisation du culte dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle.

Ceci explique ma réponse, qui voulait également rassurer monsieur Ruffin quant au fait que la jurisprudence du Conseil constitutionnel apporte des garanties, sans doute insuffisantes à ses yeux, mais des garanties tout de même.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CL545 de M. Éric Ciotti.

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Cet amendement propose que, dans les services publics et les entreprises, le port de signes ou tenues par lesquels les usagers et les salariés manifestent ostensiblement une appartenance religieuse soit interdit. Les ministres du culte et les personnes exerçant une fonction religieuse ne seraient cependant pas concernés par cette interdiction.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, elle rejette ensuite l'amendement CL913 de M. Jean-Luc Warsmann.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL1060 de M. Michel Castellani et CL1368 de M. Paul Molac.

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Nous proposons que figure dans l'article 1er de la Constitution le respect de l'autonomie des territoires. Il s'appuie sur le rapport remis par la constitutionnaliste Wanda Mastor au président de l'Assemblée de Corse, selon lequel « le principe de l'indivisibilité ne saurait être interprété de manière absolue et faire obstacle à la décentralisation ». L'indivisibilité dont il s'agit est celle de la souveraineté, mais elle ne suppose pas l'unité des territoires.

Je rappelle que mon collègue Acquaviva et moi-même avons été élus sur un programme qui défendait clairement l'autonomie de la Corse, preuve qu'une majorité du corps électoral de la Corse est acquise à cette idée.

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L'idée est de donner davantage d'autonomie aux territoires, notamment en matière fiscale. Les élus locaux admettent en effet disposer de compétences, mais souhaiteraient également disposer des impôts qui vont avec, dont ils seraient en mesure de modifier les taux et les assiettes, selon le programme local sur lequel ils ont été élus. C'est une question de bonne gestion, et cela permettrait de responsabiliser les élus locaux par rapport à leurs électeurs, ce qui n'est pas nécessairement le cas lorsque la plupart des impôts locaux ont été remplacés par des dotations d'État. Je précise néanmoins que mon amendement va au-delà de l'autonomie fiscale.

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La décentralisation doit s'inscrire dans le respect du caractère indivisible de la République. Cela n'empêche pas la reconnaissance de certaines particularités et spécificités, comme c'est le cas pour la Corse et d'autres collectivités.

Vous le savez, le projet de loi prolonge ce mouvement, en consacrant notamment un droit à la différenciation pour les collectivités territoriales, droit spécifique dans le cas de la Corse.

Il ne nous paraît donc pas souhaitable d'aller au-delà en consacrant un principe d'autonomie des territoires, qui pourrait bouleverser l'organisation territoriale de notre pays.

J'ajoute que, dans votre exposé des motifs, monsieur Castellani, vous avez l'honnêteté de dire que cet amendement vise « à acter et à confirmer » un principe. Cela implique qu'il existe déjà dans la Constitution et qu'il est inutile de l'y intégrer de nouveau. Je suis donc défavorable à votre amendement.

Sur l'amendement CL1368, mon avis est le même, pour les mêmes raisons. Nous reviendrons sur l'autonomie fiscale, mais je vous invite à regarder la façon dont fonctionnent la fiscalité et l'autonomie des collectivités allemandes ou espagnoles, qui offrent des modèles plus aboutis que le nôtre.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CL1061 de M. Michel Castellani et CL1236 de M. Jean-Félix Acquaviva, et l'amendement CL315 de M. Paul Molac.

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Nous proposons que le respect du principe de subsidiarité, principe essentiel du droit européen, soit inscrit dans l'article 1er de la Constitution. La constitutionnalisation de ce principe, dont le corollaire est la reconnaissance implicite de l'autonomie des territoires, permettrait de renforcer l'efficacité de l'action publique qui est, me semble-t-il, l'une des priorité du Président de la République.

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J'ai bien compris que, dans l'esprit du Gouvernement, le droit à la différenciation n'est pas l'autonomie, laquelle est néanmoins reconnue par la Constitution pour la Polynésie française, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Or, l'autonomie permet une clarification des compétences et des financements, ce qui n'est pas le cas de la différenciation.

Ceci étant, reconnaître le principe de subsidiarité permettrait d'approfondir la décentralisation de l'organisation de la République, conformément aux principes de la construction européenne.

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La révision constitutionnelle qui a acté le fait que la République était décentralisée n'a pas produit les effets escomptés. C'est la raison pour laquelle nous déposons cet amendement sur le principe de subsidiarité, principe européen qui répartit les compétences entre l'État central et les différentes collectivités territoriales selon l'échelon le mieux adapté.

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L'article 72 de la Constitution précise que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon ». C'est exactement la définition du principe de subsidiarité, il n'y a donc pas besoin d'ajouter autre chose. Avis défavorable.

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Nous ne parlons pas du principe de subsidiarité qui s'applique entre l'État et les collectivités, mais entre les collectivités elles-mêmes. C'est pour cela que nous souhaitons que soit mentionné le fait que la République est organisée dans le respect du principe de subsidiarité à tous les échelons, de l'échelon européen à l'échelon local.

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Je vous renvoie à l'article 72, où il n'est dit nulle part que ce principe ne s'appliquerait pas entre collectivités. On peut ensuite discuter de la pertinence de tel ou tel échelon pour telle compétence, mais je ne vois pas en quoi cela est différent de ce que vous demandez.

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Sans oser le dire, c'est l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales, ainsi que le principe de libre administration des collectivités locales qui, normalement, va de pair avec la clause générale de compétence pour les communes, que vous voulez mettre en miettes.

En effet, la vérité c'est que, bien que les communes aient une clause générale de compétence et qu'elles bénéficient formellement du principe de libre administration, leur asphyxie financière, le principe de différenciation que vous voulez inscrire dans la Constitution, et les intercommunalités mastodontes qui ont été mises en place aux forceps se conjuguent pour effacer progressivement les communes de la carte de notre organisation territoriale.

De même, la loi pour une nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, en transformant les régions en Länder et en donnant la possibilité aux métropoles d'avaler une partie des compétences du département, a bousculé l'organisation territoriale de la France et a fait voler en éclats le couple commune-département.

D'où le fait que certains parlementaires dont je suis veuillent graver dans le marbre de la Constitution d'abord leur énorme attachement à la commune, puis l'aménagement équilibré du territoire, enfin, l'originalité de l'organisation territoriale de la France. Mais les libéraux que vous êtes, inspirés par les libéraux européens, ont décidé d'effacer cette originalité. Telle est la dure réalité des territoires oubliés de la République.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie des amendements identiques CL1199 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier, CL1464 de M. Vincent Descoeur, CL1465 de Mme Laurence Trastour-Isnart et CL1467 de M. André Chassaigne.

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Cet amendement vise à inscrire dans l'article 1er de la Constitution que l'organisation de la République assure un aménagement équilibré des territoires. C'est une affirmation politique qui permettrait également de donner une base juridique aux politiques d'aménagement du territoire qui font défaut aujourd'hui dans notre pays. J'ajoute que le Conseil constitutionnel pourrait s'appuyer sur cette base pour développer une jurisprudence adéquate.

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Ces amendements sont essentiels car ils permettent de mieux prendre en compte la spécificité des territoires ruraux, qui contribuent à notre équilibre territorial et qui, s'ils ne réunissent que 20 % de la population, s'étendent sur 80 % du territoire.

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Cet amendement reprend une proposition de l'Association des maires ruraux de France, qui vise à intégrer la notion d'espace et de superficie du territoire dans la Constitution. Il s'agit de rééquilibrer et de défendre la représentativité des territoires.

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Chacun a réaffirmé ici son attachement à l'unicité de la République, ce qui ne signifie pas son uniformité : ce qui fait la richesse de la France, c'est son unicité mais c'est aussi sa pluralité, sa diversité.

Afin de garantir l'unicité de la République, il faut que, quel que soit l'endroit où on naît, quel que soit l'endroit où on habite, il soit acté que l'on puisse avoir accès aux mêmes services, à la même République, à la continuité de l'État, autant de principes inscrits dans la Constitution.

Or, à force d'empilement des politiques publiques et de renoncements successifs de l'État dans les domaines sanitaire ou ferroviaire ou dans celui de bien d'autres services publics de proximité, la République a abandonné certains territoires. Pour le dire autrement, la départementalisation ou la régionalisation des services de l'État donnent le sentiment à une partie de la population qu'elle a été laissée au bord de la route.

Le fait que le constituant fasse de l'aménagement du territoire un objectif prioritaire me semble donc une urgente, une impérieuse nécessité, sinon le risque est grand que l'unicité de la République, à laquelle nous sommes tous attachés, vole en éclats façon puzzle, ce que personne ne souhaite.

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Je partage avec les orateurs qui se sont exprimés l'idée que nous avons besoin d'un aménagement du territoire beaucoup plus harmonieux que ce qu'il est. M. Jumel a parlé tout à l'heure de miettes : je voudrais lui faire remarquer que cela n'est en rien imputable à la politique que nous menons, c'est le résultat d'un long processus, au terme duquel certains territoires ont pu, souvent légitimement, éprouver le sentiment d'avoir été abandonnés.

En ce qui concerne le principe d'égalité de tous, inscrit dans la Constitution, je voudrais vous faire part de mon expérience de maire d'une commune de sept cents habitants et de président d'établissement public de coopération intercommunale. La question étant posée d'ouvrir une maison de service public, j'ai abordé cette idée sous un angle différent, en imaginant une solution mieux adaptée à notre territoire rural, à savoir la mise en place de services publics itinérants. Ce que je veux dire, c'est que c'est moins l'égalité des services qui doit être prise en compte que l'égalité d'accès à ces services.

Il ne sert à rien d'ânonner « égalité, égalité » pour ne parvenir à aucun résultat car l'on n'a pas tenu compte de la spécificité de chaque territoire. Ce dont nous avons besoin, c'est de procéder à des rééquilibrages pour compenser les handicaps lorsqu'ils existent ; cela exige des réponses différentes.

En ce qui concerne la décentralisation, elle s'inscrit dans le respect de l'unité et de l'indivisibilité de la République ainsi que du principe d'égalité, et l'article 1er de la Constitution ne dit pas autre chose.

Le projet de loi que nous examinons comporte de nouvelles dispositions en matière de droit à la différenciation, dont l'un des objectifs est de concrétiser l'idéal d'égalité entre toutes les personnes, quel que soit l'endroit où elles se trouvent.

Il me semble donc que la réponse à vos préoccupations, tout à fait légitimes, relève davantage de l'effectivité des politiques publiques menées. Or, admettons que, depuis vingt ans, celle-ci n'était pas au rendez-vous.

Avis défavorable.

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Je n'ânonne pas « égalité, égalité » et il ne m'a pas échappé que, selon une jurisprudence constante, le principe d'égalité conduit à ce que, à des situations différentes s'appliquent des traitements différents, y compris construites par les acteurs locaux, pour permette précisément l'égalité réelle.

Mais, force est de constater que, lorsqu'on n'y prend pas garde, notre devise s'écrit rapidement « Liberté, égalité si t'as du blé » ou « Liberté, égalité si t'es bien né », liberté et égalité en somme, pour ceux qui sont nés au bon endroit.

Or, le rôle de la République, c'est de réaffirmer sans cesse la présence de l'État et de garantir pour cela un aménagement équilibré du territoire, sans quoi on est dans l'enfumage. Je n'ânonne donc pas mais affirme qu'il faut donner une traduction concrète au principe d'égalité inscrit au fronton de tous nos édifices républicains.

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L'enfumage consiste selon moi à laisser croire qu'inscrire dans la Constitution l'aménagement du territoire est une garantie que les politiques publiques seront bénéfiques à cet aménagement. Ne faisons pas de la Constitution le réceptacle de toutes nos bonnes intentions, faisons-en plutôt un cadre où les grands principes sont rappelés, et faisons en sorte que nos politiques publiques apportent les réponses nécessaires à nos compatriotes.

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Le groupe Nouvelle Gauche soutiendra ces amendements, non que nous souhaitions qu'ils soient inclus tels quels dans la Constitution, mais nous appelons à un vrai débat, notamment lors de la discussion en séance, sur cette question d'un aménagement du territoire équilibré. Nous devons obtenir la garantie que, lorsqu'on parle de différenciation, il ne s'agit pas de lancer « débrouillez-vous ! » aux territoires, notamment ruraux, qui deviendraient les laissés-pour-compte de la République.

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Le rapporteur semble nous reprocher de nous livrer à une incantation sur l'égalité et sur l'aménagement harmonieux, équilibré du territoire. Je pourrais vous rétorquer que vous faites de même avec vos incantations environnementales ! Vous vous fixez de grands objectifs environnementaux ; nous défendons pour notre part une approche harmonieuse et équilibrée de l'aménagement du territoire, et vous ne pouvez pas nous le reprocher.

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Notre groupe s'inquiète de la fracture territoriale et du phénomène de métropolisation qui semble laisser de côté une grande partie du pays. Ce constat s'appuie sur l'irrégularité de la couverture numérique qui prive certaines zones du haut débit, sur l'existence de déserts médicaux et de carences dans les aménagements routiers et les infrastructures. Il me semble donc que nous devons saisir l'occasion de cette révision constitutionnelle pour ouvrir le débat sur l'aménagement des territoires, et je pense également que ces amendements ont le mérite d'exprimer notre préoccupation.

S'il est important que la Constitution pose comme un principe fondamental l'égalité entre les hommes et les femmes sans aucune distinction d'origines, l'égalité entre les territoires l'est tout autant, car nous ne vivons pas en lévitation, et chaque habitant de la France, en métropole ou outre-mer, est attaché à un territoire. Ces territoires ont besoin d'être reconnus en tant que tels : c'est ce que l'on appelle l'unité dans la diversité.

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Je soutiens également cet amendement, en pensant à la fois aux banlieues et aux territoires ruraux.

Je conçois bien, comme le rapporteur, qu'il ne faut pas prendre les mots pour les choses, et que le fait de voter une loi ne transforme pas automatiquement, mécaniquement et immédiatement le réel. Il faut toujours garder à l'esprit qu'il y a un immense décalage entre le texte adopté et sa traduction sur le terrain. Cela étant, lorsqu'il s'agit de modifier la Constitution, les mots ont une valeur performative, et l'on peut penser que formuler les choses dans ce cadre-là peut avoir une forme d'efficacité – cela est vrai notamment pour les questions environnementales.

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Le principe d'égalité est un principe fondamental, qu'il ne faut pas interpréter de façon restrictive : il s'agit non seulement de l'égalité face à la loi mais également de l'égalité face à l'accès aux services publics, face à la proximité des centres de soins, face à la couverture numérique ou à la qualité des infrastructures. Nous soutenons donc ces amendements.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendement identiques CL316 de M. Paul Molac et CL1070 de M. Michel Castellani, les amendements identiques CL317 de M. Paul Molac et CL1071 de M. Michel Castellani, les amendements CL1221 de M. Jean-Félix Acquaviva et CL1469 de M. Michel Castellani, les amendements identiques CL1058 de M. Michel Castellani et CL1285 de M. Jean-Félix Acquaviva.

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Je défendrai ensemble l'amendement CL316 et l'amendement CL317 qui est un amendement de repli. Il s'agit d'inscrire dans la Constitution la reconnaissance des communautés historiques et culturelles vivantes que constituent les divers peuples de France.

La France a en effet ceci de particulier qu'elle ne reconnaît aucune minorité ni culturelle, ni linguistique, ce qui n'est pas le cas dans d'autres pays. C'est un problème, et le comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU enjoint la France de reconnaître ses minorités pour permettre la mise en oeuvre de politiques à leur attention.

Je pense aux minorités linguistiques, mais pas seulement, car on sait, par exemple, que des habitudes de consommation propres à certaines minorités peuvent favoriser telle ou telle maladie. Or, le fait de ne pas pouvoir établir de statistiques sur ces minorités compromet l'efficacité des réponses que peut apporter notre système de soins.

Cette reconnaissance n'est en rien contradictoire avec le fait de reconnaître l'unicité de la République et de la citoyenneté, puisqu'on sait qu'il existe de facto des minorités : j'en sais quelque chose puisque j'appartiens moi-même à la minorité bretonne.

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La France est constituée de citoyens égaux face à la loi, mais elle est également constituée de territoires ayant leur personnalité propre, qui s'enracine dans leur cadre géographique, leur histoire, leur culture et un fort sentiment d'appartenance commune. Selon nous, la Constitution devrait donc reconnaître la diversité de ces communautés historiques et culturelles.

L'amendement CL1071 est un amendement de repli.

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Il s'agit toujours de reconnaître et de favoriser l'autonomie territoriale, et il me semble qu'il est important que nous allions au fond du débat, alors que nous discutons de notre loi fondamentale.

J'entends que le projet de révision établit un droit à la différentiation et qu'il reconnaît, dans son article 16, la spécificité de la Corse. Sauf que – nous sommes mandatés par l'Assemblée de Corse et par nos électeurs pour vous le dire – la Corse a connu deux statuts, celui de 1991 et celui de 2002 et que la reconnaissance que vous proposez est une reconnaissance du droit à demander des adaptations pour la Corse, et non la reconnaissance directe de ces adaptations. Nous n'en n'avons pas besoin, puisque l'Assemblée de Corse dispose déjà de la capacité de les demander par délibération.

Cela signifie que ce que vous proposez est une inscription purement symbolique et décorative, et que nous sommes face à un nouveau rendez-vous manqué. Vous créez une nouvelle usine à gaz, alors que nous demandions l'autonomie au sein de la République, ce qui était pourtant un engagement du président Macron, ici foulé aux pieds.

En d'autres termes, vous refusez un véritable transfert de responsabilités, un vrai pacte de confiance, permettant que le législateur organise la gestion de ce qui est susceptible d'être mieux géré à l'échelle de la Corse, ou de tout autre territoire, par l'assemblée délibérante territoriale.

Vous ne le voulez pas car, comme toujours, votre jacobinisme fait que vous avez peur, et vous faites cinq pas en avant pour six pas en arrière.

Mais l'autonomie, ce n'est pas l'indépendance ! L'autonomie, c'est forcément au sein de la République, et je ne parle pas d'une république intergalactique… L'autonomie, c'est un partage des compétences et des responsabilités, c'est la responsabilisation c'est s'assumer, c'est être au plus près de ce qu'attendent les citoyens, c'est-à-dire gérer leurs problèmes.

J'en terminerai en signalant que, sur quarante demandes d'adaptation faites par l'Assemblée de Corse, dans le cadre du statut de 2002, trente-huit sont restées sans réponse et deux ont essuyé un refus. En attendant, les problèmes sociaux et économiques perdurent.

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L'amendement CL1469 propose de compléter l'article 1er de la Constitution pour préciser que la République reconnaît et favorise l'autonomie des territoires.

L'amendement CL1058 complète le précédent en inscrivant dans l'article 1er de la Constitution que la République tient compte de la diversité culturelle et linguistique du pays. La question des langues régionales avait déjà été soulevée par M. Warsmann lors de la révision constitutionnelle de 2008. Pour ma part, je rappellerai que les langues ne s'excluent pas les unes les autres ; elles s'ajoutent les unes aux autres, ajoutent à la connaissance du monde et à la richesse individuelle et collective.

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Nous manquerions à notre devoir si nous ne défendions pas ce que nous sommes, à savoir des locuteurs de différentes langues : nous nous levons le matin, et nous passons tout au long de la journée du français au corse et vice-versa. On ne peut pas renier sa couleur de peau. Or, la langue est une couleur de peau, et le fait que la Constitution reconnaisse ces langues et le droit des locuteurs à les pratiquer sans les imposer aux autres me paraît fondamental, à moins de renier la couleur de peau des citoyens et leur identité profonde.

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Les amendements en discussion commune abordent des questions de nature différente.

Les premiers visent à reconnaître les communautés historiques et culturelles vivantes du territoire. Leurs auteurs introduisent de ce fait – y compris dans leur exposé sommaire – la notion de diversité des cultures, donc des peuples. Or, je suis obligé de leur rappeler que le peuple français, comme le précise la Constitution, est un et indivisible. Nous nous en tiendrons donc là. Mais cela n'empêche pas de reconnaître, par la voie de la décentralisation et par le biais des améliorations que l'on entend apporter au travers de la différenciation, une plus grande autonomie aux territoires qui pourront ainsi exprimer leur diversité.

D'autres amendements concernent les langues régionales. Or, selon l'article 75-1 de la Constitution, « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Il me semble que cela participe de la reconnaissance des langues régionales.

D'autres amendements, enfin, font référence au droit à la différenciation, sur lequel M. Acquaviva s'est exprimé tout à l'heure, en évoquant l'article 16 du projet de loi. Plus précisément, notre collègue a dit que l'État et le Parlement décideraient d'éventuelles adaptations. Je relis donc cet article :

(…) « La Corse est une collectivité à statut particulier au sens du premier alinéa de l'article 72.

« Les lois et règlements peuvent comporter des règles adaptées aux spécificités liées à son insularité ainsi qu'à ses caractéristiques géographiques, économiques ou sociales.

« Sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnel, ces adaptations peuvent être décidées par la collectivité de Corse dans les matières où s'exercent ses compétences et si elle y a été habilitée, selon le cas, par la loi ou le règlement. » (…)

Ainsi, monsieur Acquaviva, ces adaptations peuvent être exercées « par la collectivité de Corse ». Je trouve donc inexact – je n'ai pas dit « mensonger ou faux » – ce que vous avez dit. Je pense que si nous votons l'article 16, vous aurez la capacité d'adapter les lois et les règlements.

Je citerai encore la dernière phrase de l'article 16 : « Ces adaptations sont décidées dans les conditions prévues par la loi organique ». On se donne donc un cadre pour décider de ces adaptations, ce qui ne me paraît pas illégitime.

J'ajouterai qu'une révision constitutionnelle est en cours, que l'Assemblée nationale y travaille, et que le Sénat a son mot à dire. Des avancées ont déjà eu lieu malgré les précautions, voire les craintes du Sénat – que je ne juge pas. Mais à vouloir aller trop loin, on rend tout progrès impossible.

Même si nous ne sommes pas d'accord avec vous sur les voies et moyens, nous souhaitons que ces adaptations soient rendues possibles. Pour cela, il faut réunir une majorité des trois cinquièmes. Et pour qu'il y ait une majorité des trois cinquièmes, il faut que le Sénat ait la même vision de la décentralisation.

Encore une fois, nous faisons notre travail de parlementaires, nous essayons d'aller aussi loin que possible, mais nous devons être conscients de certaines limites, comme l'a rappelé hier en préambule notre rapporteur général.

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Je rappelle que sous la précédente législature, à une très large majorité, l'Assemblée nationale avait ratifié la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Or, le Sénat s'était opposé clairement à la révision constitutionnelle que cela impliquait. Au-delà de ce que cela peut représenter symboliquement, à quoi bon adopter une disposition qui risque d'éloigner encore les positions de l'Assemblée de celles du Sénat, et de compromettre toute chance de succès ?

Donc, on peut être, et c'est mon cas, favorable à cette ratification, mais y renoncer ici, sachant que cela n'aboutira pas et pourrait même fragiliser les avancées que nous portons ensemble depuis le début de nos débats.

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Ce que vient de dire le rapporteur général est intéressant. Y a-t-il eu un deal avec le Sénat ? De quelle nature ? Et dans la mesure où certains sujets ont fait l'objet de deals ou de trocs, où en est notre marge de discussion ?

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M. Jumel n'est pas naïf. Le rapporteur général vient de nous dire que si nous voulions faire prospérer notre réforme, nous ne devions pas faire violence aux sénateurs. OK, mais quelle est la nature du deal ? À partir de quel moment pouvons-nous considérer que nous perdons notre temps ? J'ai besoin de savoir jusqu'où on peut aller avec les amendements.

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Monsieur Jumel, on n'a évidemment pas passé de deal. De toutes les façons, à la fin, il y aura un accord – je préfère utiliser un mot français.

Notre objectif est d'aboutir à cette révision de la Constitution, et je l'ai dit dès mon propos introductif, nous ne ferons rien pour que les points de vue entre nos deux assemblées s'éloignent plus qu'ils ne le sont déjà.

Quelle est la bonne distance à respecter ? Il suffit de lire le rapport du président Larcher et de ses collègues, les récentes tribunes parues dans de nombreux journaux, et d'écouter les uns et les autres. Et il suffit de se rappeler que l'Assemblée nationale avait adopté à une très large majorité la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, et que le Sénat avait dit qu'il n'en était pas question.

Par conséquent, il est inutile de créer un écart entre les deux assemblées, au risque d'affaiblir nos chances de succès – succès qui ne nécessite aucun deal préalable. Je ne fais que vous inciter à faire preuve d'un peu de jugeote pour mener à bien nos travaux.

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Je voudrais revenir sur la notion de peuples « divers et variés ». En disant cela, je ne me moque pas et je ne renvoie pas d'un revers de main l'existence d'origines différentes, de cultures qui se sont agrégées les unes aux autres : c'est l'histoire de France dans sa diversité, dans sa singularité. Mais la question n'est pas là.

Je vous rappelle la décision du Conseil constitutionnel, rendue il y a plus de vingt ans : il n'y a pas de peuples au pluriel, mais un seul « peuple français ». Du reste, on retrouve cette expression dans le premier alinéa du Préambule de la Constitution, qui date de 1946.

Après les épreuves difficiles de la Seconde guerre mondiale, le Préambule fait en effet référence au peuple français dans sa totalité. Et il faut lire ce premier alinéa avec l'antépénultième alinéa, qui fait également référence aux peuples d'outre-mer. On est bien sûr dans l'optique de la décolonisation, et du rapport particulier qu'entretiendra par la suite la Communauté telle qu'elle existait en 1958, avec les peuples d'outre-mer. Mais cela montre a contrario qu'il y a bien un seul peuple français, même si les peuples d'outre-mer ont été mis en situation de dépendance – ce dont on pourrait débattre, mais ce n'est pas le moment.

Il y a donc bien, et de façon constante, un peuple français qui est reconnu comme tel, ce qui ne fait d'ailleurs pas obstacle à la reconnaissance d'éléments culturels – comme les langues.

Enfin, j'observe que, par le biais de son amendement CL1071, notre collègue Castellani propose de reconnaître les communautés historiques et culturelles vivantes. Mais qu'est-ce qu'une « communauté historique » ? Par quels critères peut-on la définir ? Le critère de la langue, ou un autre critère ? Nous risquons de mettre le doigt dans un engrenage très dangereux alors même que ce matin, nous avons évoqué l'interdiction des différences liées aux origines, au sexe, etc. ce qui me paraît évidemment de bon aloi.

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J'ai été l'auteur de l'amendement qui a permis l'entrée des langues régionales dans la Constitution. Nous avons essayé de trouver le meilleur équilibre possible dans la Constitution, et j'apporterai tout mon soutien au rapporteur général. Je pense que pour le reste, ce sera au législateur de trouver des solutions et des aménagements. Je crois donc que la sagesse est d'en rester là.

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Je répondrai à notre collègue que le critère, c'est le sentiment d'appartenance. Je pense que tous, autant que nous sommes, nous avons plusieurs dimensions : mondiale, européenne, française ; et puis nous avons nos racines. Tout cela est indissociable dans notre cerveau, et ne pose pas de problème, selon moi. Et en tout cas, l'unité de la France ne s'en trouve pas menacée.

Je voudrais revenir sur la question qui a été évoquée il y a deux minutes. Pour ma part, je ne connais pas les circonvolutions des relations entre le Sénat et l'Assemblée nationale : pour moi, le Sénat c'est le Sénat, et l'Assemblée nationale, c'est l'Assemblée nationale. La réforme constitutionnelle est pour nous une occasion en or de répondre à des besoins que la Corse a exprimés démocratiquement – et c'est grâce au vote de cette dernière que nous sommes ici.

Nous n'avons pas besoin de faire, par plaisir, de l'escalade institutionnelle. Nous avons besoin de moyens qui nous permettent de nous adapter de façon permanente, et de mordre sur les réalités – l'état social de la Corse, l'acculturation dont elle souffre aujourd'hui, et la spéculation déchaînée qui entraîne une ségrégation par l'argent.

C'est simple : nous avons besoin de moyens pour changer les réalités de la Corse, qui sont inacceptables pour nous et pour le corps électoral.

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Pour ma part, comme M. Pierre Joxe, je vois le peuple corse comme une partie intégrante du peuple français. Nous voulons être reconnus pour ce que nous sommes, tout en appartenant à ce peuple français. C'est ainsi qu'on voit les choses dans nos territoires – je vous renvoie aux matriochkas que j'évoquais ce matin.

Maintenant, l'article 75, alinéa premier, de la Constitution ne protège aucunement nos langues, pour la bonne raison qu'il faudrait prendre une loi derrière. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel a dit qu'en fait, cet article ne servait à rien en tant que tel, et qu'il ne donnait aucun droit.

Je peux vous donner cet exemple : quand un inspecteur refuse d'ouvrir une classe de breton, on nous dit que de toutes les façons, ce n'est pas obligatoire. C'est donc optionnel, et si nous allions devant le tribunal administratif, nous serions déboutés. De fait, en tant qu'ancien président d'une association de parents d'élèves pour l'enseignement du breton à l'école publique, j'ai formé des recours devant le tribunal administratif, et c'est ce qui s'est passé. Si le breton avait été une matière obligatoire, ç'eût été différent. On voit bien qu'il y a deux poids, deux mesures.

J'observe enfin qu'à la vitesse où l'on va pour développer l'enseignement bilingue breton-français, il faudra attendre 2118 pour pouvoir proposer concomitamment l'enseignement du breton et du français à un tiers de la population – condition pour que la langue perdure !

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine les amendements identiques CL1059 de M. Michel Castellani et CL1238 de M. Jean-Félix Acquaviva.

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Nous suggérons, à travers notre amendement, de réintroduire à l'article 1er la Constitution : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».

Cela avait été voté en 2008 par l'Assemblée nationale, mais repoussé par le Sénat. Si je comprends bien, cette phrase a été « recasée » à l'article 75-1. Nous considérons qu'elle a davantage sa place à l'article 1er.

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De la même façon, nous voulons réintroduire les langues régionales à l'article 1er. Je suis conscient des contingences politiques et tactiques qui ont été évoquées, mais on ne peut pas non plus éviter le débat solennel sur cette question d'autant plus que les réformes constitutionnelles n'ont lieu que tous les dix ou quinze ans.

La question de la Charte des langues minoritaires est malheureusement posée depuis très longtemps. Quasiment tous les candidats à la Présidence – le dernier étant M. Emmanuel Macron – se sont déclarés favorables à sa ratification, sans que celle-ci n'ait été matérialisée à un moment ou à un autre.

Nous réaffirmons que c'est une question centrale et importante. Je ne vois pas comment vous allez la résoudre. Quoi qu'il en soit, on risque encore de créer de la déception dans les territoires.

Enfin, monsieur le rapporteur Fesneau, je ne pense pas que ce que j'ai dit à propos de l'article 16 soit inexact : c'est un droit à demande, et c'est le Parlement qui disposera. Il n'y a pas de transfert de responsabilité direct à l'assemblée délibérante. Je maintiens ce que j'ai dit, et on reviendra là-dessus parce que c'est très important. Il ne faut pas que l'on pense que ce sera efficient, alors que ça ne le sera pas.

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Nous partageons ce que vous dites sur les amendements CL1059 et CL1238. Simplement, l'article 75-1 de la Constitution dispose déjà que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Quelle est l'utilité de reprendre, quasiment mot pour mot, ce qui figure à l'article 75-1 de la Constitution ? Ce serait superfétatoire.

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Il y a trente ans, sous M. Pierre Joxe, les législateurs qui étaient là, à notre place, avaient voté : « La République française garantit la communauté historique et culturelle vivante que constitue le peuple corse, composante du peuple français. » Et je ne sais pas si certains s'en souviennent, mais la situation de la Corse n'était pas du tout la même qu'aujourd'hui. Et j'ai peur qu'aujourd'hui, on rate notre rendez-vous avec l'Histoire.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques CL65 de M. M'jid El Guerrab et CL967 de M. André Chassaigne.

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L'amendement CL65 tend à préserver l'ancrage territorial des parlementaires dans la Constitution. Le principe d'égalité devant le suffrage ne saurait faire obstacle à une meilleure représentation des territoires dans les assemblées locales, dans les limites que le pouvoir constituant aura assignées au législateur.

Je souhaite donc que le texte de la Constitution soit ainsi complété : « afin de garantir l'égalité de suffrage tout en définissant les conditions dans lesquelles la représentation équitable des territoires pourra désormais être assurée par le législateur ». De cette façon, même si le nombre de parlementaires devait être réduit d'un tiers, un lien fort demeurerait entre les parlementaires et les territoires. Il faut prendre en considération les spécificités locales.

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J'ai déjà dit qu'il y avait le texte et le contexte, le texte et deux autres textes. Celui-ci masque mal les velléités de ce Gouvernement de découper la France au scalpel, en formant de nouvelles circonscriptions taille XXL, et en affaiblissant l'opposition qui ne pourra plus porter la voix du peuple et la force des territoires.

Il faudra bien, à un moment donné, parler de la commission qui conseillera le ministre de l'intérieur pour procéder à ce découpage. Sera-t-il nécessaire de recourir à des experts indépendants ? Mais surtout, il faudra s'être assuré de la représentation équitable des territoires qui font la France. C'est le sens de l'amendement CL967.

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Il n'est pas question pour nous, ni maintenant, ni à l'avenir, de remettre en cause la représentation des territoires au sein de la République.

J'ai le sentiment que vous souhaitez, en ajoutant cette précision, anticiper le débat que nous aurons en septembre sur la modification du nombre et du mode d'élection des parlementaires. Nous en parlerons à ce moment-là.

J'ajoute que le juge constitutionnel a toujours rappelé ce principe de représentation équitable des territoires, notamment à l'occasion des découpages électoraux. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est assez constante et claire en la matière.

Pour le reste, le Sénat a pour mission de représenter les collectivités territoriales de la République, comme le prévoit l'article 24 de la Constitution, et les députés sont élus dans des circonscriptions organisées par département.

Le projet de loi constitutionnel que nous examinons ne remet en cause aucune dimension de cette organisation, donc la jurisprudence qui va avec.

Enfin, je m'interroge sur le sens à donner à la notion de « représentation équitable » qui n'est pas un principe constitutionnel. D'ailleurs, qu'est-ce que l'équité ?

Avis défavorable.

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Effectivement, le Conseil constitutionnel a une jurisprudence constante, en précisant toutefois que la répartition se fait sur « une base essentiellement démographique ». Or, cette base essentiellement démographique exclut, de fait, la représentation « des territoires ». C'est important de le rappeler. Autrement dit, il y a bien une difficulté.

La Commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l'amendement CL1039 de M. Vincent Bru.

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J'ai trouvé un peu surprenant que, dans ce projet de loi constitutionnel, on ne fasse pas référence à l'Union européenne. En effet, l'exercice de la souveraineté nationale, l'exercice des compétences de l'État, est fortement influencé par l'existence de l'Union.

L'article 1er de notre Constitution pose les valeurs, les principes fondamentaux de cette République française, qui exerce désormais sa souveraineté, comme le dit l'article 88-1 – de manière volontaire, d'ailleurs – dans le cadre des compétences de l'Union européenne.

J'ai fait en quelque sorte un parallèle. Le titre XII de la Constitution est intitulé « Des collectivités territoriales ». Mais en 2003, le Constituant a pris le soin de préciser à l'article 1er que l'organisation de la République française était décentralisée. De la même manière, il existe dans la Constitution un titre XV « De l'Union européenne ». Je propose donc que la référence de l'appartenance à l'Union européenne soit reprise à l'article 1er, au titre des caractéristiques fondamentales de la République française.

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Vous avez rappelé, cher collègue, ce que j'ai dit moi-même tout à l'heure à l'occasion des débats sur le Préambule, en indiquant que le texte actuel de la Constitution portait déjà, au titre XV, la marque d'une adhésion profonde à l'idée européenne. En fait, vous vous demandez si cet aspect des choses est placé au bon endroit…

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Il faut le confirmer à l'article 1er !

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Il me semble que les choses, quand elles sont écrites, le sont une bonne fois pour toutes. Par conséquent, avis défavorable à cette proposition.

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Je réagis avec retard, et vous prie de m'en excuser. Mais je souhaiterais éclairer notre collègue rapporteur. L'équité est-elle un principe juridique, et ce principe a-t-il une valeur constitutionnelle ?

Selon un maître des requêtes du Conseil d'État, le droit au recours et l'équité sont deux notions si cardinales en droit qu'elles sont en réalité presque consubstantielles à l'appréhension de l'identification de notre système juridique. Ainsi l'équité – donc la répartition équitable des territoires – n'est pas une notion inventée pour la circonstance : elle a bien une valeur juridique irréfragable.

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Certes, un maître des requêtes au Conseil d'État dit que l'équité est un principe important. Mais cela ne répond toujours pas à la question posée sur ce que cela veut dire.

La Commission rejette l'amendement.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques CL184 de M. M'jid El Guerrab et CL1374 de Mme Stella Dupont, de l'amendement CL799 de Mme Clémentine Autain, de l'amendement CL405 de Mme Marie-Pierre Rixain, des amendements identiques CL457 de Mme Cécile Untermaier et CL922 de M. Sébastien Jumel, des amendements identiques CL821 de Mme Delphine Batho et CL1019 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe et de l'amendement CL430 de Mme Cécile Untermaier.

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Dans son livre L'amour en plus, Mme Élisabeth Badinter observait que « la femme pouvant être mère, on en a déduit qu'elle devait l'être… et ne trouver son bonheur que dans la maternité ». Les choses ont très heureusement évolué, et il est souhaitable que les femmes puissent exercer des responsabilités politiques, professionnelles et sociales. Par le biais de cet amendement CL18, il s'agit de renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes dans la Constitution. C'est une préconisation du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes.

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Mon collègue Moetai Brotherson vient de me montrer un beau dessin, qui représente l'égalité et l'équité. L'égalité, ce sont trois bonshommes de taille différente qui regardent un match de foot, chacun étant debout sur la même caisse ; mais le petit ne voit que la palissade. L'équité, ce sont toujours trois bonshommes de taille différente ; mais le petit est assis sur une caisse un peu plus haute, ce qui lui permet de voir le match comme le plus grand.

L'équité et l'égalité, lorsque l'on est parlementaire de la République, c'est de considérer que, pour tendre à l'égalité, il faut, à situation différente, un traitement différent. Et c'est de cela dont il s'agit lorsque l'on parle de la représentativité et de la diversité des territoires.

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L'amendement CL1374 vise à renforcer l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités politiques, professionnelles et sociales. On parle souvent du « plafond de verre », et nous le constatons par exemple au quotidien, sur nos bancs, dans l'hémicycle. Malgré des évolutions positives, on a encore du chemin à faire, mesdames, chères collègues… et messieurs, chers collègues, puisque c'est une affaire d'hommes et de femmes.

Notre amendement propose de lutter contre cet état de fait, dont on parle depuis fort longtemps, sans qu'on ait trouvé à ce jour de solution totalement efficace. Nous pensons que nous devons inscrire dans la norme suprême cet égal accès de toutes et tous aux différentes fonctions. Là encore, nous jouons sur l'imaginaire collectif, qu'il convient de faire évoluer pour faire évoluer toute notre société. Et, comme on l'a déjà dit, c'est une recommandation du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.

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Nous proposons de réécrire l'alinéa 2 de l'article 1er, pour inscrire dans la Constitution l'objectif d'atteindre l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Il ne suffira plus de proclamer que l'égalité femme homme est une grande cause nationale, il faudra la réaliser !

Nous tenons à ce que la loi « garantisse » l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, et ne se contente pas de la favoriser, comme c'est indiqué jusqu'à présent dans le texte constitutionnel.

Cela correspond à une préconisation du Haut Conseil à l'égalité, afin d'encourager le pouvoir législatif à toujours s'assurer que son activité permet d'atteindre l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. C'est également en lien avec des propositions que nous faisons en tant que mouvement. Mais nous ne doutons pas que cet amendement recueillera un large assentiment, comme les précédents, puisque nous sommes toutes et tous, investis et engagés pour garantir cette égalité réelle, et pas simplement formelle, dans le texte de loi.

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L'amendement CL 405 est issu du rapport qui a été adopté à l'unanimité par la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes. Il vise à renforcer le principe de parité inscrit au second alinéa de l'article 1er.

En effet, nous devons aujourd'hui aller plus loin en l'inscrivant et en le garantissant explicitement dans notre Constitution. Cet amendement propose de reformuler le second alinéa de l'article 1er de la Constitution, en remplaçant « la loi favorise » par la formule « la France assure », afin d'accentuer la portée du principe de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales.

Remplacer le verbe « favoriser » par « assurer » permettra de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats. Remplacer le sujet « la loi » par « la France » permettra de ne pas limiter ce dispositif à une simple habilitation du législateur, mais de garantir que ce principe irrigue l'ensemble de notre droit : il appartient à notre pays, à tous les niveaux, dans tous ses engagements nationaux et internationaux, de défendre ce principe de parité.

Mes chers collègues, il est temps de garantir la parité dans notre pays si nous voulons construire une société d'égalité.

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Monsieur le président, je défendrai en même temps les trois amendements du groupe Nouvelle Gauche : CL457, CL1019 et CL430.

Dans le premier amendement, nous souhaitons substituer « assure » à « favorise ». À un moment où l'on constate que l'égalité des femmes et des hommes n'est pas un objectif atteint, une affirmation de principe qui n'a pas seulement une valeur performative, mais aussi une portée juridique, est bien nécessaire.

Dans l'amendement CL1019, nous proposons d'écrire « garantit » au lieu de « favorise ». Nous faisons ainsi référence au Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose, au 3° : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ».

Enfin, en l'état actuel de notre Constitution, l'article 1er prévoit que la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités sociales et professionnelles. L'amendement CL430 vise à étendre à tous les autres domaines le principe de l'intervention législative en vue d'assurer l'égalité des femmes et des hommes. En outre, il précise que la loi devra garantir une égale rémunération entre les femmes et les hommes.

Le groupe Nouvelle Gauche sera satisfait si à « favoriser », on substitue le mot « garantit ».

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Il s'agit d'aller plus loin dans notre volonté de concrétiser les objectifs de parité. Les favoriser est une chose, les assurer en est une autre, et les garantir, au bout du compte, doit être au coeur de notre texte constitutionnel. C'est le sens de l'amendement CL922. Quelquefois le diable est dans le détail, et dans les verbes employés : assurer la parité, c'est plus fort que la favoriser. Et ce peut être un support pour la jurisprudence constitutionnelle.

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Ce débat illustre l'importance du choix des verbes.

Je ne peux pas aborder les alinéas sur la parité sans saluer la réforme qui avait été engagée par M. Lionel Jospin à l'époque. Mais la rédaction est effectivement datée et de fait, « favoriser » l'égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités électives, aux responsabilités sociales, économiques, etc. ce n'est pas la même chose que de le « garantir ». En voici un exemple concret : le législateur s'est contenté d'instituer des amendes pour les partis qui ne respecteraient pas la parité, au lieu de leur interdire de proposer autre chose que des candidatures paritaires aux élections.

Voilà ce que recouvre le débat sur « favorise » ou « garantit ». Et c'est le sens de l'amendement CL821.

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Je m'inscrirai avec beaucoup de plaisir dans les pas de ma prédécesseure, Mme Catherine Tasca, qui a présidé la commission des Lois, et qui a porté la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 sur le fondement de laquelle a été inscrit à l'article 1er de la Constitution la phrase : « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Et c'est peut-être en partie grâce à elle qu'une grande majorité d'entre nous siègeons dans cette assemblée aujourd'hui.

Pourquoi avoir choisi « favorise » ? Je cite Mme Catherine Tasca : « La commission des Lois a également souhaité qu'il revienne clairement au législateur de déterminer au cas par cas les conditions appropriées pour atteindre cet objectif inscrit dans la Constitution. Le Parlement doit demeurer souverain en ce domaine, c'est à lui qu'il appartient d'apprécier les moyens à mettre en oeuvre pour assurer l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions. Si la loi détermine les conditions dans lesquelles cet égal accès est organisé, le Conseil constitutionnel n'aura pas besoin de se substituer au Parlement pour juger si les mécanismes choisis par le législateur sont les plus adaptés. La rédaction que la commission des Lois a adoptée à la quasi-unanimité me semble claire sur ce point. Il ne s'agit pas aujourd'hui de décréter une égalité mathématique et abstraite. Il ne s'agit pas de créer une sorte d'apartheid entre les hommes et les femmes. Il nous appartiendra ensuite, en tant que législateurs, de prendre les mesures destinées à concrétiser le principe de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions. Je suis persuadée que les majorités, quelles qu'elles soient, seront aussi jugées par nos concitoyens sur leur capacité à donner à cette égalité juridique une réalité sociale. »

Je souscris tout à fait à de tels propos. Autant la loi peut garantir une égalité des droits, ce qu'elle a déjà fait en application du Préambule de 1946 et avec la nouvelle rédaction proposée à l'article 1er, autant elle ne peut pas garantir une égalité de fait, mais la favoriser. Je pense que c'est ce que nous pouvons faire en tant que législateurs, ce que nous pouvons faire en tant que représentants politiques en menant une action très concrète, déterminée, dans nos politiques publiques. Je crois que c'est le sens des dernières mesures qui ont été annoncées le 8 mars dernier par le Gouvernement, pour servir cette grande cause du quinquennat.

Je pense donc très sincèrement qu'il faut en rester à cette utilisation du verbe « favoriser » dans notre texte constitutionnel.

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Je ne suis pas du tout d'accord. Vous citez les propos de votre prédécesseure, Mme Tasca. C'était un moment important, mais force est de constater qu'aujourd'hui, la situation a peu évolué. Vous me rétorquerez que notre assemblée est presque paritaire. J'ai envie de dire : heureusement ! Mais l'égalité réelle entre les femmes et les hommes n'existe pas, et les inégalités sont encore énormes aujourd'hui.

Mme Batho remarquait que les verbes ont une importance, et elle avait raison. Mais les mots aussi ont une importance. Certains ont proposé d'écrire « la loi favorise ». Moi je pense qu'il faut aller plus loin et écrire, en respectant un certain parallélisme des formes avec le premier alinéa : « La France assure l'égal accès des femmes et des hommes… ». La loi n'est pas tout, comme nous passons notre temps à le répéter.

En adoptant la proposition de la Délégation, qui est le fruit d'un long travail, mené avec des juristes, des spécialistes des questions d'égalité femmes-hommes et de notre Constitution, nous marquerions un moment important de la lutte pour l'égalité des femmes et des hommes, qui est loin d'être achevée.

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La Constitution a pour objet de porter le projet de société déterminé par le constituant. Garantir la parité entre les hommes et les femmes dans ce texte n'est pas la même chose que de se fixer comme objectif de la favoriser. Il est ensuite curieux que le rapporteur général propose de s'en remettre à la souveraineté du Parlement pour l'atteindre alors que la révision constitutionnelle que vous proposez va affaiblir les pouvoirs du législateur.

Par ailleurs, la Délégation aux droits des femmes a réalisé un travail qui me semble mériter d'être intégré et respecté ; sinon il faut la dissoudre puisque vous refusez chaque proposition qu'elle formule.

Nous devons progresser sur ce sujet et substituer au mot « favorise » le mot « garantit » ou « assure ».

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Dans la réponse de la rapporteure, deux éléments se mélangent parce que nous menons une discussion globale qui porte sur plusieurs amendements. Il y a le sujet de la phrase, pour ma part je considère le sujet « la loi » comme une obligation pour le législateur, pas comme une simple habilitation. C'est pourquoi je n'ai pas déposé d'amendement, car je considère qu'à l'article 1er de la Constitution, la mention de la loi constitue une obligation pour le législateur.

Le problème c'est le verbe, et ici la réponse est extrêmement datée. Il faut resituer les propos de Mme Tasca que vous avez rappelés dans un contexte ; c'était la première fois, justement parce que la garantie de l'égalité des droits figurant dans le Préambule de la Constitution n'était pas respectée, qu'existait en quelque sorte un principe de « discrimination positive » en faveur des femmes, pour l'accès aux fonctions électives notamment.

Aujourd'hui, cette égalité ne doit plus être simplement favorisée, mais garantie, cela pour les femmes comme pour les hommes ; car les femmes, plus nombreuses aujourd'hui, pourraient demain être largement majoritaires. C'est pourquoi il me semble très préférable de substituer au mot « favorise » le mot « garantit ».

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Il me semble que la réponse de la rapporteure est insuffisante, car les propos tenus par Mme Tasca datent d'une époque à laquelle ils constituaient un pas en avant, mais nous sommes aujourd'hui en droit d'exiger que le retard contracté soit rattrapé.

Utiliser le verbe « garantir » revient à poser une obligation concrète, la fin est ce qui importe, et tous les moyens doivent être mobilisés pour cela. « Favoriser » ne renvoie qu'à une déclaration d'intention, alors que « garantir » laisse au Parlement le choix des moyens pour y parvenir et ouvre par ailleurs au Conseil constitutionnel la possibilité de sanctionner des lois régressives au regard de la parité dont le principe aura été gravé dans le marbre de la loi constitutionnelle.

Le Parlement n'a donc pas les mains liées : nous avons toujours à jouer notre rôle, mais il faut adresser un signal beaucoup plus offensif en faveur de la parité, ce qui va dans le sens du progrès social.

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Ce matin nous avons supprimé le mot « race » de notre Constitution, ce qui a constitué une avancée majeure. Nous avons l'occasion de réaliser une autre avancée importante, qui paraît moins évidente à certains de nos collègues.

La loi peut assurer ou garantir – dans cet article premier, elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens. Elle peut ainsi parfaitement assurer ou garantir l'accès des femmes et des hommes à des responsabilités politiques, professionnelles ou sociales ; c'est une formulation qui n'emporte pas d'obligation de résultat, mais oblige le législateur à se doter des moyens d'y parvenir.

Chacun admettra que l'on peut favoriser a minima. En revanche, s'il faut garantir, il s'agit d'une intentionnalité beaucoup plus forte, il serait dommage que, depuis l'époque de Mme Tasca, on ne franchisse pas un palier et qu'on renonce à faire entrer notre Constitution dans une modernité que les auteurs de ces amendements appellent de leurs voeux.

Chacun doit prendre ses responsabilités, nous pensons que le verbe « assure » est peut-être plus approprié que « garantit », mais quand bien même ce dernier serait retenu, nous nous en satisferions.

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Je souhaiterais rappeler à nos collègues que ce matin il n'y a pas eu une seule avancée avec la suppression du mot « race » de l'article premier de notre Constitution, mais bien deux puisque nous avons ajouté le mot « sexe ».

L'article a ainsi été rédigé : « Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de sexe ou de religion. » Nous avons donc affirmé très clairement que nous souhaitions l'égalité entre les sexes.

En revanche, il me semble qu'il y a un malentendu au sujet du dernier alinéa de l'article premier, qui a été rédigé afin de permettre une discrimination positive qui était alors interdite par le Conseil constitutionnel. Cet alinéa n'a pas vocation à créer des droits positifs pour une égalité réelle entre hommes et femmes devant l'accès aux mandats électifs, mais permet au législateur d'adopter une série de dispositions qui permettront d'atteindre cet objectif. Il ne faut donc pas se tromper sur le sens de cet alinéa.

Enfin, vous nous appelez à prendre nos responsabilités de législateur. Je vous rappelle que nous les avons prises : notre groupe compte 47 % de femmes et, juridiquement, je ne vois pas comment vous pouvez adopter une disposition, quelle qu'elle soit, qui garantisse d'atteindre cet objectif par la loi. Nous élisons nos représentants sur la base d'un scrutin majoritaire à deux tours, je ne vois pas comment, dans la France entière, vous pouvez atteindre une égalité parfaite entre les hommes et les femmes.

Je pense que cet égal accès aux mandats électifs est une réalité aujourd'hui et qu'il n'est nul besoin de changer l'article 1er de la Constitution ; mon avis demeure donc défavorable à l'ensemble de ces amendements.

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Dans le monde entier, le combat des femmes pour l'égalité est devenu irréversible, il est mené partout, sur tous les fronts, y compris celui de la Constitution.

Le sujet de notre débat est de savoir si le législateur peut se donner bonne conscience en permettant aux entreprises qui n'appliquent pas l'égalité salariale de payer une amende, aux partis politiques qui ne respectent pas les règles de payer une amende ou s'il existe une obligation d'assurer l'égal accès. C'est un débat qui a des conséquences, c'est le choix du verbe, il ne s'agit pas simplement de littérature constitutionnelle.

La Commission rejette successivement les amendements.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CL1506 du rapporteur général et CL852 de M. Sacha Houlié, qui font l'objet du sous-amendement CL1527 de Mme Delphine Batho et des sous-amendements identiques CL1528 de Mme Delphine Batho et CL1530 de M. Christophe Arend, rapporteur pour avis de la commission du Développement durable et de l'aménagement du territoire, les amendements CL1470 et CL492 de Mme Cécile Untermaier, CL305 de M. Bertrand Pancher, CL371 de M. Matthieu Orphelin, CL211 de M. Christophe Arend, rapporteur pour avis de la commission du Développement durable, CL1004 de M. André Chassaigne, CL784 de M. Jean-Luc Mélenchon, CL783 de Mme Danièle Obono, CL1471 de Mme Delphine Batho, CL1311 de Mme Maina Sage, CL491 et CL493 de Mme Cécile Untermaier.

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Ce matin notre commission a réalisé deux avancées, cet amendement en propose une nouvelle, qui est de taille.

Avant la dernière phrase du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution, il est proposé d'insérer une phrase ainsi rédigée : « Elle agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et contre le changement climatique ».

Chacun sait que la préservation de l'environnement est l'un des plus grands défis auxquels doivent faire face nos sociétés contemporaines, et que les crises environnementales et les luttes qu'elles appellent menacent la paix et la sécurité. C'est donc l'avenir de l'humanité qui est en cause. La France a été à la pointe de ce combat, notamment par l'organisation de la COP21, au terme de laquelle a été conclu l'Accord de Paris.

De notre point de vue, la Constitution doit acter notre volonté de poursuivre l'action initiée par l'Accord de Paris, auquel nous demeurons fidèles, mais aussi que notre nation inscrit dans ses textes fondamentaux qu'elle prend la mesure des défis auxquels nous devons répondre. C'est ce que le pouvoir constituant avait déjà affirmé dans la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 par l'inscription de la Charte de l'environnement dans la Constitution ainsi que par la modification de l'article 34 de la Constitution.

Cet amendement propose d'aller plus avant et de consacrer la préservation de l'environnement et de la diversité biologique ainsi que l'action contre les changements climatiques à l'article 1er de la Constitution, parmi les principes fondateurs de notre République.

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Mes sous-amendements sont de repli au regard de l'amendement que je défends.

Je prends acte, Monsieur le rapporteur général, qu'il est désormais question d'inscrire la problématique de l'écologie à l'article 1er de la Constitution, et non plus simplement à travers la modification de son article 34 ; cela marque un indéniable progrès.

En revanche, inscrire à l'article 1er de la Constitution une disposition dénuée de portée constitutionnelle, qui ne sera pas à l'origine de nouvelles jurisprudences du Conseil constitutionnel au regard de la Charte de l'environnement, qui figure déjà dans le Préambule de la Constitution, ne sert à rien.

La question est donc de bien identifier le progrès que la République doit accomplir pour l'écologie. Ce progrès passe par la reconnaissance du caractère fini des ressources planétaires ou, à défaut, du principe de non-régression qui est absent de la Charte de l'environnement. Nous avons longuement débattu ce point hier, et les amendements proposant l'insertion de ce principe dans la Charte ont été rejetés au bénéfice des amendements portant sur l'article 1er de la Constitution que nous examinons à présent.

C'est pourquoi mon sous-amendement CL1527 substitue aux mots : « agit pour » les mots : « assure un niveau élevé et en progression constante » de la préservation de l'environnement et de la biodiversité, etc.

De son côté, le sous-amendement CL1528 est plutôt rédactionnel, l'expression « changement climatique » étant toujours accordée au pluriel, dans les conventions des Nations Unies notamment.

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Je veux saluer, monsieur le rapporteur général, le progrès que constitue votre amendement CL1506. Après la suppression du mot « race », après l'intégration du mot « sexe », nous partageons le projet d'insérer une formulation très ambitieuse dans la Constitution.

Il me semble simplement bon, comme l'a indiqué Mme Batho, de se conformer à la rédaction retenue par les textes de portée internationale qui écrivent en anglais « climate change » au singulier, ce qui est toujours traduit en français par « changements climatiques », au pluriel. Tel est l'objet du sous-amendement CL1530.

Pour aller jusqu'au terme de cette démarche, monsieur le rapporteur général, nous serions rassurés si vous pouviez nous confirmer que les expressions « agir pour » et « assurer » ont la même valeur juridique. Car lorsque l'on écrit « agir pour la préservation », préserver quelque chose constitue déjà une action, et écrire « assurer » revient à la même chose.

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L'article 2 du projet de loi prévoyait d'ajouter aux compétences du Parlement l'action contre les changements climatiques ; cet ajout dans la Constitution nous a paru nettement insuffisant. C'est pourquoi trois actions ont été entreprises par le groupe La République en Marche. La première consiste à inscrire la protection de l'environnement dans l'article 1er de la Constitution. Contrairement à ce qui a pu être dit, cela a bien une incidence sur le principe constitutionnel qui est ainsi consacré, ainsi que sur les recours que les citoyens seraient susceptibles de former devant le Conseil constitutionnel, notamment au moyen de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).

Mais il y avait aussi le verbe, qui incarne une action forte de la France pour la préservation de l'environnement ainsi que pour la préservation de la diversité biologique et la lutte contre le changement climatique. Cela fait écho à l'action engagée par l'Accord de Paris, qui traduit un acte fort, et que le Gouvernement et la France veulent protéger puisqu'il est remis en cause par d'autres pays, et, qu'en tant que majorité, il nous incombe d'intégrer à notre Constitution.

En plus des progrès réalisés en supprimant la mention de la race dans notre loi fondamentale, et en abolissant la discrimination établie en fonction du sexe, ce puissant symbole est l'expression de ce que nous appelons la Constitution du XXIème siècle, la Constitution de notre temps pour reprendre les mots du président du Conseil constitutionnel, M. Laurent Fabius.

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Je salue l'initiative du rapporteur général qui inscrit dans l'article 1er de la Constitution trois items fondamentaux : la préservation de l'environnement, les changements climatiques – qui doivent effectivement être mentionnés au pluriel – et la préservation de la biodiversité.

En revanche, il me semble que le principe de non-régression manque ; c'est un minimum que de dire que nous n'allons pas reculer. Les protecteurs de la nature ont hésité à revisiter le régime de la protection parce que des milieux défavorables à la préservation de l'environnement menaçaient.

Inscrire le principe de non-régression à l'article 1er de la Constitution, c'est garantir une marche en avant au profit des générations futures. C'est le sens de la question que j'ai posée à M. Nicolas Hulot hier, lors des questions au Gouvernement. Inscrire à cet article premier cette préoccupation n'est pas rien, car il ne s'agit ni du préambule ni des titres : on y retrouve les principes fondateurs. Mentionner la protection de l'environnement, ce qui renvoie à la Charte de l'environnement, ainsi que les changements climatiques, qui en sont absents, et la diversité biologique, est essentiel.

Mais pour aller jusqu'au bout, il faut absolument inscrire le principe de non-régression qui a déjà été intégré dans la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité.

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Cet amendement a été adopté par l'ensemble des membres de la commission du Développement durable ; ayons l'honnêteté de reconnaître qu'il a été largement inspiré par les grandes organisations de défense de l'environnement qui nous ont démontré, analyses juridiques à l'appui, que mentionner la protection de l'environnement à l'article 1er de la Constitution constituerait une protection contre d'éventuelles tentations de législateurs futurs de revenir sur cet acquis.

Il est arrivé dans beaucoup de pays occidentaux qu'un gouvernement populiste accède au pouvoir : si nous prenons cette précaution, nous empêcherons des lois de dégrader la biodiversité ou le climat.

Toutefois, contrairement à ce que j'ai entendu de quelques collègues imprudents ou de ministres impressionnés par cette mesure, elle ne constituera pas l'alpha et l'oméga de la protection de l'environnement. Il est clair que si, parallèlement, nous ne nous engageons pas dans des mesures très fortes afin de permettre une stabilité réglementaire, d'engager des moyens importants et de modifier totalement nos pratiques, rien ne changera.

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Il s'agit de bien plus qu'un symbole, ce que nous avions compris dès l'adoption de la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures, dite loi Hulot.

Chaque fois que nous voulions aller beaucoup plus loin, on nous opposait le principe de constitutionnalité. Cette mesure va nous permettre de confirmer un certain nombre de lois ambitieuses pour le climat et l'environnement.

Il était important de mentionner la protection de l'environnement à l'article 1er de la Constitution plutôt qu'à l'article 34, ce qui a recueilli l'assentiment général des constitutionnalistes et des acteurs ayant étudié la question.

Ensuite, il importait d'user d'un verbe fort tel « assure » ou « agir ».

Enfin, il fallait parvenir à englober la notion générique de l'environnement et les deux grands défis que sont la lutte contre le changement climatique et le maintien de la biodiversité.

Nous pourrons toujours débattre et affiner le dispositif, mais nous touchons là aux trois fondamentaux. Je remercie tous ceux qui ont contribué à obtenir ce résultat : les ONG ainsi que le Gouvernement qui a su mûrir avec nous.

Pour l'ensemble de ces raisons, je retire mon amendement CL371 au profit des amendements CL1506 du rapporteur général et CL852 du groupe LaREM.

L'amendement CL371 est retiré.

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Je défends l'amendement CL211 au nom de la commission du Développement durable, ce qui m'empêche de le retirer.

L'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 rappelle les grands principes de la République française. Ces principes étaient initialement inscrits à l'article 2 de la Constitution, dont le premier alinéa est devenu l'article 1er par la loi constitutionnelle du 4 août 1995. Élaborée à une époque où l'impact de l'activité humaine sur notre environnement n'était pas véritablement connu, la Constitution de 1958, proclamation de la volonté du peuple français, ne prenait pas en compte l'urgence écologique.

Par-delà sa valeur symbolique, ce choix place l'environnement au coeur de l'action politique et de toutes les politiques publiques. Il lui confère ainsi une portée juridique importante, puisque le juge constitutionnel peut l'invoquer, comme il le fait pour d'autres principes inscrits à l'article 1er de la Constitution.

Je suis par ailleurs pleinement satisfait par la formulation retenue par le rapporteur général et le groupe LaREM.

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Les divers amendements que nous avons préparés sur les questions environnementales constituent un bloc. Trois d'entre eux complétaient la Charte de l'environnement ; le parti a été pris de ne pas la modifier, mais nous aurons probablement l'occasion d'y revenir en séance publique.

Le premier affirmait le droit de vivre dans un environnement préservant les équilibres écosystémiques, la biodiversité et la santé humaine.

Le second substituait à la notion de développement durable celle de transition écologique ; hier, j'ai eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet.

Nous avions aussi souhaité inscrire dans la Charte de l'environnement le principe de non-régression.

Le présent amendement propose la formulation qui nous a paru la plus équilibrée pour figurer dans l'article 1er de la Constitution, mais il prend en compte la modification de la Charte de l'environnement que nous escomptions. La rédaction proposée est la suivante : « Elle assure la préservation de son patrimoine naturel et de la biodiversité, de la qualité de l'air, de l'eau et des sols ».

Nous présenterons par la suite un autre amendement proposant d'inscrire le principe de la lutte contre le changement climatique dans l'article 2 du projet de loi.

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L'amendement CL784 propose d'intégrer dans la Constitution de véritables exigences touchant à l'environnement.

L'amendement du rapporteur, qui intègre dans l'article 1er de la Constitution la nécessité de lutter contre le changement climatique, n'est pas suffisant. C'est pourquoi il faut définir des obligations claires pesant sur l'organe législatif en matière d'environnement : la préservation de la diversité biologique par un usage équitable des ressources naturelles au profit des générations futures et dans le cadre des limites planétaires.

Cet amendement permet d'intégrer une des notions fondamentales de la préservation écologique, celle de ressources finies. Il inverse la logique de subordination : ce n'est pas à la nature de se plier aux exigences de l'insatiable désir humain de productivité, mais bien aux sociétés humaines, au premier rang desquelles la société française, de se soumettre à la finitude de certaines ressources naturelles et de leur faible capacité de résilience. Il en va de la survie de l'humanité, mais aussi de celle de l'ensemble du vivant auquel nous appartenons et par lequel nous subsistons.

L'adoption de cet amendement rendrait contraignante la règle verte qui veut que l'on ne puisse pas prendre plus à la nature que ce qu'elle peut remplacer ou régénérer dans un laps de temps raisonnable.

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L'amendement CL783 est de repli. Il vise à introduire les notions de lutte contre les changements climatiques et de protection de la biodiversité dans l'article 1er de la Constitution, et plus encore le principe de non-régression afin de préserver les générations futures. En effet, selon la formule d'Antoine de Saint Exupéry : « Nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants ».

Dans cet esprit, nous ne pouvons pas accepter que des lois encore plus néfastes à l'environnement que celles actuellement en vigueur puissent être adoptées.

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Notre amendement présente trois différences avec ceux du rapporteur général et de son groupe.

Premièrement, la référence au niveau élevé de progression de protection de l'environnement, qui figure dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, mais pas dans la Constitution française.

Deuxièmement, le principe de non-régression, que j'ai déjà exposé.

Enfin, l'ajout à la mention de l'environnement, du climat et de la biodiversité, de celle de la raréfaction des ressources, car il faut franchir le pas institutionnel de la reconnaissance de ce qu'est l'anthropocène.

Je souhaiterais interroger le rapporteur général sur son amendement. Au premier chef sur les conjonctions « et » qui figurent dans la rédaction qu'il a retenue – je suis par ailleurs favorable à la mention de la diversité biologique et du climat en tant que tel –, et qui semblent séparer l'environnement de la diversité biologique et de l'action contre les changements climatiques.

Dans tous les cas de figure où le législateur souhaiterait, afin de protéger le climat et l'environnement, porter une atteinte proportionnée à la liberté d'entreprendre, l'inscription à l'article 1er de la Constitution de la formule proposée changerait-elle quelque chose ? Personnellement, à ce stade du débat, j'en doute, mais ne demande qu'à être convaincue.

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Nous proposons également de consacrer le principe du respect de l'environnement et de la lutte contre le changement climatique à l'article 1er de la Constitution. Je m'associe aux amendements défendus par mes collègues et remercie la majorité d'avoir été sensible à leurs arguments déjà exposés devant la commission du Développement durable.

Ce que nous faisons aujourd'hui aura une portée certaine et conférera une valeur juridique à l'action de lutte contre les changements climatiques ainsi qu'à l'action de préservation de l'environnement. Dans un autre amendement, nous avons évoqué la notion de résilience, et je veux vous sensibiliser à ce sujet, qui à mon sens va plus loin que la simple préservation et l'attention que nous pouvons porter à ce qui nous entoure.

L'enjeu est de faire face à ce qui est déjà en cours, car, avec ou sans « s », le changement climatique est déjà une réalité. Des territoires sont ainsi particulièrement touchés, je pense à ceux qui vivent en milieu insulaire, notamment dans les atolls : le point culminant s'y situe à trois mètres et le changement climatique est donc une réalité dans ces territoires.

Au-delà de la préservation de l'environnement, ce qui compte c'est aussi la capacité pour la France d'être avant-gardiste et d'adopter des politiques de résilience permettant de résister et de survivre à ce qui est déjà en cours.

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La question posée par Mme Delphine Batho au rapporteur général me paraît importante. Nous parlons de préservation de l'environnement, pourquoi ne pas parler de protection ?

Si nous intégrons cette notion dans la Constitution, c'est aussi pour les générations futures, car la loi fondamentale est avant tout pour ces générations. Cette notion de générations futures est consubstantielle à celle d'environnement ; c'est pourquoi la préservation d'un acquis n'est pas suffisante. Il faut donc utiliser un terme plus performant, qui serait celui de « protection », et faire valoir que cette action est destinée à garantir un avenir meilleur aux générations futures.

Mon amendement propose de compléter l'article 1er de la Constitution par l'alinéa suivant : « Une génération ne peut assujettir les générations futures à des lois moins protectrices de l'environnement, que celles actuellement en vigueur».

Cette rédaction m'a été suggérée par un constitutionnaliste, ami de trente ans. Il permet de prendre en compte ce souci des générations futures que nous devons avoir pour l'environnement comme nous l'avons pour les retraites. Et il serait regrettable que l'article 1er de la Constitution ne comporte pas cette notion de non-régression ainsi que cet engagement d'aller vers le meilleur.

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Je rappelle ce qui est proposé : plutôt que de prévoir la compétence du législateur pour fixer les principes fondamentaux en matière d'action contre les changements climatiques, notre amendement vise à consacrer, dans l'article 1er de la Constitution qui recèle les principes fondateurs de la République, la préservation de l'environnement et de la diversité biologique ainsi que l'action contre les changements climatiques.

Cette inscription aura une portée symbolique et normative plus importante que la seule modification de l'article 34 de la Constitution. En clair, si on ne fait rien, ça n'est pas bien ; si on fait quelque chose, ça n'est pas bien non plus.

Pourquoi, écrivons-nous « et, et, et » ? Afin d'éviter la synecdoque, c'est-à-dire que l'on puisse considérer que l'évocation d'un terme vienne masquer l'importance des autres défis. Il nous est apparu que l'énumération de ces trois grands enjeux, qu'il faut rapprocher de la valeur constitutionnelle de la Charte pour l'environnement, recouvrait l'ensemble des enjeux.

Pour répondre à la question de notre collègue Christophe Arend, je dirai que l'expression « agir pour » me paraît préférable au verbe « assurer ». « Agir pour » marque une volonté d'action visant l'atteinte d'un certain nombre d'objectifs ; « assurer » paraît presque plus passif.

Le principe de non-régression a été consacré dans la loi en 2016 et s'impose au pouvoir réglementaire. D'aucuns considèrent que, s'il était intégré dans la Constitution, il s'imposerait à l'avenir au pouvoir législatif.

Nous n'avons pas retenu cette proposition pour deux raisons. D'abord, l'introduction et la définition d'un tel principe ne nous paraissent pas conformes aux exigences de généralités et de clarté qui s'imposent au pouvoir constituant lorsqu'il modifie la Constitution, a fortiori son article 1er. Ensuite, le niveau d'exigence qu'implique l'inscription de l'action en faveur de la préservation de l'environnement, de la biodiversité et de la lutte contre les changements climatiques est déjà élevé, sans qu'il soit nécessaire – j'ai bien compris que ce n'était pas un point que nous partagions tous – d'y ajouter ce principe. Et il faut bien avoir conscience que cela viendrait diminuer significativement la souveraineté parlementaire avec un principe dont la portée est incertaine.

Qu'est-ce qu'une régression et une non-régression ? Confier au juge le soin d'apprécier la réalité, avec le risque qu'il se repose sur des experts à l'impartialité parfois contestable ou en tout cas toujours contestée dans ce domaine, reviendrait à affaiblir le processus démocratique de délibération. Par conséquent, mieux vaut mesurer la portée concrète de ce principe qui s'impose déjà au pouvoir réglementaire avant de lui donner une telle portée juridique. Le Conseil d'État, d'ailleurs, en a déjà fait application ; attendons que la jurisprudence s'étoffe.

Aussi mes chers collègues suis-je tenté de vous lancer une sorte d'appel et de vous dire que nous avons tous – comme sur d'autres sujets ce matin – la volonté de faire en sorte que les défis environnementaux et la préservation de l'environnement prennent un rang éminent. Par conséquent, je souhaiterais que nous puissions nous rassembler autour des amendements CL1506 et du sous-amendement CL1528, en conservant la mise au pluriel de l'expression « changement climatique » proposée par Mme Delphine Batho et M. Christophe Arend par les sous-amendements CL1528 et CL1530.

Aussi, en l'état actuel des choses, afin de porter raisonnablement mais avec enthousiasme l'exigence la plus haute et inscrire cela à l'endroit le plus élevé de la Constitution, il serait préférable que les autres amendements soient retirés au bénéfice de cette formulation sous-amendée.

Car, si nous faisons du droit, nous n'en faisons pas moins de la politique, et il me semble que nous devrions pouvoir démontrer ensemble que cette rédaction, trop audacieuse pour certains, trop peu pour d'autres, peut nous rassembler autour de l'idée que ces trois grands enjeux seront inscrits au fronton de notre Constitution.

Je vous invite donc à ce mouvement qui montrerait à notre peuple que dans notre diversité – chacun avec des exigences plus ou moins appuyées – nous sommes capables de donner un signal conforme à ce que notre pays a pu faire – j'évoquais tout à l'heure l'Accord de Paris et sa portée internationale. Nous rassembler autour de cette formulation qui appartiendra aux générations futures, qui pourront demain l'améliorer s'il le faut, montrera que, dans un oecuménisme dynamique, nous avons souhaité que cette modification constitutionnelle signe une évolution extrêmement forte de ce texte qui est la clé de voûte de notre République. Voilà à quoi je vous invite, mes chers collègues.

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Je suis heureuse de voir que grâce au travail collectif que nous sommes en train de faire, nous donnons encore une fois ses lettres de noblesse au Parlement, qui enrichit considérablement ce texte constitutionnel.

Tout d'abord en inscrivant la préservation de l'environnement à l'article 1er, qui est un article absolument fondamental. Nous l'avions proposé au sein de la commission du Développement durable, cette proposition est reprise et j'en suis vraiment très heureuse. Contrairement à ce que j'ai pu entendre, notamment de la part de Mme Batho, cela apporte beaucoup par rapport à la Charte de l'environnement. Cette charte mentionnait le principe de précaution et des politiques publiques tendant à promouvoir le développement durable, mais pas dans des termes enjoignant à agir pour la préservation de l'environnement, et pas de la manière dont l'article premier reprend la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 pour lui donner valeur constitutionnelle.

Ensuite, nous ajoutons la protection de l'environnement, du climat et de la diversité biologique. Nous avions des doutes quant au risque qu'intégrer le climat et la diversité biologique n'affaiblisse la portée des autres composantes de l'environnement. Nous avons été rassurés sur ce point, il n'y a pas de hiérarchisation, donc les pollutions et les déchets seront aussi intégrés.

Enfin, nous avions proposé de retenir le verbe « assure » plutôt qu'« agit ». Nous avons été rassurés sur le fait que les garanties étaient les mêmes. Je tiens à ce que cela figure au compte-rendu, car nous savons que l'esprit de la loi est aussi important que le texte.

Je me satisfais donc de cette formulation et j'appelle tout le monde à s'y rallier. C'est un travail collectif, politique, qui va permettre une protection bien supérieure de notre environnement, et c'est le plus important.

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Je regrette que nous n'ayons pas retenu la notion de résilience proposée par Mme Maina Sage, parce que si c'est un concept pour certains, quand vous vivez à Takoumé ou à Akamaru, à un mètre au-dessus de l'eau, c'est une réalité.

J'ai deux questions à propos du verbe « agir ». Quelle est la réelle définition que vous lui donnez dans notre contexte, quelle est sa portée ? N'y a-t-il pas un risque de friction constitutionnelle avec le transfert de compétences dans le domaine de l'environnement opéré aujourd'hui dans le statut de la Polynésie ? Comment l'État va-t-il agir en Polynésie, alors que la compétence est transférée ?

Ensuite, comment allez-vous conjuguer ce verbe avec les traités supranationaux tels que le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement, soit accord économique et commercial global), dont l'esprit va très souvent à rebours de ce que nous énonçons ici ?

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Par « agir », nous entendons « produire une action ». Et, évidemment, ce que nous écrivons ici est sous réserve des autres dispositions constitutionnelles. Si telle ou telle compétence est transférée, l'obligation d'agir incombera à l'autorité à laquelle la compétence a été confiée.

Quant aux textes internationaux que vous évoquez, il faut faire jouer la subsidiarité. Ce n'est pas parce que des traités internationaux n'iraient pas aussi loin que notre Constitution que cela nous interdit de le faire.

S'agissant des compétences transférées, le bénéficiaire du transfert de compétence a charge d'agir, mais cela n'empêche pas l'État de le faire non plus. Sera donc inscrite dans la Constitution la charge pour l'État de produire une action, au côté de ceux qui auraient la compétence transférée, et dans le respect des traités internationaux. À ma connaissance, aucun traité international n'interdit d'agir pour ce que nous nous proposons de faire.

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Je salue et reconnais le pas important que constitue l'inscription à l'article 1er de notre loi fondamentale de la protection de l'environnement. Nous partageons complètement la philosophie et la démarche de l'amendement proposé.

Cela étant dit, le vocabulaire choisi soulève quelques observations. « La préservation de l'environnement » est une formulation vaste, très vague, et qui ne renvoie pas à des notions bien définies ni à des objectifs mesurables. La preuve en est que vous avez ajouté la diversité biologique, qui fait elle-même partie de la préservation de l'environnement. Nous aurions pu nous limiter à un terme qui englobe la totalité des actions de préservation de l'environnement, et qui ne soit pas aussi vague et imprécis, ou balayer les sujets en incluant la biodiversité, mais aussi la préservation de la qualité de l'air, de l'eau et des sols. Mme Pompili a fait remarquer que les principales composantes n'apparaissent pas. Je crains que l'expression « préservation de l'environnement » ne soit au final une coquille vide qui ne permette pas garantir suffisamment la protection de l'environnement.

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Je vois bien que le rapporteur général veut nous séduire en mettant en avant l'acte politique et symbolique que représente cette inscription à l'article 1er de la Constitution. Je crois à la force des symboles en politique, mais je ne veux pas de greenwashing constitutionnel. Pour l'instant, je n'ai pas de réponse aux questions juridiques que j'ai posées sur la portée de la phrase proposée. Elle a un mérite : elle est simple. Mais le verbe « agir » n'est pas utilisé ailleurs dans la Constitution. Il n'y a aucune jurisprudence du Conseil constitutionnel sur « elle agit » : « elle assure », « elle garantit », oui, mais « elle agit », non. Je ne demande qu'à être convaincue, mais je n'ai pas encore eu les réponses précises aux questions que j'ai posées.

La deuxième chose que je voulais dire porte sur le principe de non-régression. La France, à l'initiative de M. Laurent Fabius, soutenu par M. Emmanuel Macron, se bat aujourd'hui sur la scène internationale pour l'adoption du pacte mondial pour l'environnement dans lequel figure le principe de non-régression. La question constitutionnelle posée est bien de prévoir un verrou de valeur constitutionnelle qui guide les législateurs futurs en empêchant des régressions environnementales, lesquelles sont très bien cadrées dans le code de l'environnement et la jurisprudence sur son application. Cela n'empêche en rien de modifier la législation, c'est le niveau de protection de l'environnement qui doit être garanti.

Je retire mon amendement de réécriture globale au bénéfice des deux sous-amendements à l'amendement du rapporteur.

L'amendement CL1471 est retiré.

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Je reconnais au rapporteur général beaucoup de sens politique, et son intervention l'a démontré. Mais au sein de La France Insoumise, nous assumons le niveau d'exigence que l'on pourrait qualifier de maximaliste sur cette question. On ne peut contester que le tournant irréversible a déjà été pris, et qu'il ne s'agit plus d'échapper à l'urgence mais de réagir et de faire en sorte d'atténuer les effets – le consensus s'est fait sur la réalité de l'impact actuel de tous ces phénomènes – tout en se contentant d'un effet symbolique dont la portée normative n'est absolument pas assurée, sans nous donner des contraintes très fortes en la matière. Le texte constitutionnel est aussi prévu pour fixer un cap qui ne se contente pas d'un effet symbolique mais garantit une obligation de résultat, et pas simplement de moyens.

C'est le débat, peut-être un peu subtil, autour de l'expression « agir pour » : on peut agir sans obtenir de résultats. Le groupe La République en Marche devrait être sensible à cette volonté d'efficacité et de résultats.

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L'efficacité et l'objectif de résultat sont adossés à une stratégie politique et un objectif politique qui rassemble très largement dans nos rangs. Le consensus qui s'est fait autour du verbe « assure » a rassemblé tous les groupes au sein de la commission du Développement durable. Je ne comprends pas cette pusillanimité et la volonté de se contenter du symbolique, alors que nous avons des exigences pour nous-mêmes et pour le reste de l'écosystème.

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Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés se félicite et félicite le rapporteur général pour cet amendement que nous attendions, pour deux raisons.

D'une part, à la suite des auditions des acteurs sur le sujet, il apparaissait effectivement que l'article 2 du projet de loi tel qu'il était rédigé ne leur convenait pas. Pour reprendre leurs termes, il était au mieux inutile et au pire dangereux dans sa rédaction initiale. Je vous remercie donc pour cet amendement qui consacre ce principe à l'article 1er de la Constitution.

Nous nous félicitons également, et nous n'allons pas cacher notre joie, des termes que vous employez. On peut discuter de la portée juridique, mais il nous semble, à l'écoute des différents interlocuteurs, que l'expression « agit pour » traduit bien une action. On peut discuter de la portée, de la valeur, de l'absence de jurisprudence – il y en aura peut-être une – mais il me semble que ce qui nous a été dit, cette consécration à l'article 1er et ces termes forment un bon équilibre. Ce qui existait jusqu'alors n'était pas suffisant pour invoquer un principe constitutionnel, donc nous voterons bien évidemment cet amendement, nous n'en avions pas déposé car nous attendions, et nous ne sommes pas déçus de cet apport.

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J'aurais quelques questions à l'attention de notre collègue Richard Ferrand, non pas en sa qualité de président du groupe majoritaire, bien sûr, mais de rapporteur général de la commission des Lois, car ce sont des questions exclusivement juridiques. Au plan politique, j'ai bien compris l'intérêt qu'il y avait à montrer dès le premier article de la Constitution que nous nous intéressons à l'environnement. Cela permet au ministre d'État, ministre de l'environnement, d'avoir enfin un motif de satisfaction. J'ai bien compris cela, mais je veux me concentrer sur des questions juridiques.

Monsieur le rapporteur général, je voudrais que vous donniez votre définition d'un « principe fondateur de la République ». Vous avez tout à l'heure employé ces termes en nous disant que vous souhaitiez que, par cet amendement, la protection de l'environnement et la lutte contre le changement climatique soient reconnus comme tels. Jusqu'alors, en droit positif, les principes fondateurs de la République n'existent pas. Donc j'aimerais que vous précisiez un peu la notion, je comprends que nous sommes dans une démarche très progressiste au plan juridique, et que nous créons des concepts nouveaux, mais qu'est-ce qu'un principe fondateur de la République ?

J'aimerais également comprendre pourquoi vous vous écartez du choix initial du Gouvernement, qui consistait à modifier l'article 34. Cet article définit le domaine de la loi et du règlement. L'avis de l'assemblée générale du Conseil d'État était plutôt encourageant, si j'ose dire, quant à cette modification de l'article 34.

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N'est-ce pas une forme de fétichisme constitutionnel qui vous fait dire qu'il est mieux d'écrire quelque chose à l'article 1er qu'à l'article 34 ou un autre ? Ce ne serait pas très satisfaisant au plan juridique.

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Toutes les grandes organisations environnementales nous ont demandé d'inscrire ce principe à l'article 1er de la Constitution. Si elles l'ont fait, c'est parce qu'elles ont travaillé avec les juristes chargés des questions de l'environnement. Elles expliquent que cela nous permettra d'ancrer progressivement le principe de non-régression dans notre droit. C'est donc une avancée très importante, et il ne faut pas bouder notre plaisir de voir une avancée dans le domaine environnemental, surtout à une époque où tous les indicateurs sur nos objectifs environnementaux se dégradent, que ce soit au plan national, européen ou international.

Lors de la réunion de la commission du Développement durable présidée par Mme Barbara Pompili il y a à peu près quinze jours, M. Jean Jouzel, climatologue du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), prix Nobel de la paix, nous expliquait que l'augmentation de deux ou trois degrés des températures était maintenant un rêve, que si l'on réussissait à maintenir la hausse à trois ou quatre degrés, nous aurions beaucoup de chance, parce qu'il faut y dédier des moyens considérables et changer notre modèle de société.

Ce n'est pas la Constitution qui va le faire, ce serait trop simple et trop facile, mais tous nos engagements collectifs. Ce principe va nous permettre de cranter nos actions et de ne pas revenir en arrière en adoptant des lois qui intenteraient à la lutte contre le réchauffement climatique ou la biodiversité. Si nous pouvions nous accorder à dire que nous ne sommes pas plus malins que les organisations de défense de l'environnement ou les juristes, ce serait très bien.

Je retire donc mon amendement au profit de celui du rapporteur général, et je me félicite que l'on arrive à une quasi-unanimité sur cette question.

L'amendement CL305 est retiré.

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Les débats sur ce thème me laissent un peu dubitatif. Non pas que je doute de l'intérêt de la défense de l'environnement, ni de l'intérêt d'agir contre les changements climatiques, simplement je trouve que notre Constitution va beaucoup bavarder et beaucoup radoter. Si la « loi bavarde » est dénoncée depuis bien longtemps, notamment par M. Pierre Mazeaud, c'est maintenant la Constitution qui va bavarder.

La Charte de l'environnement de 2004 nous dit les choses de façon claire : son cinquième alinéa cite expressément la diversité biologique. Le sixième alinéa fait déjà de la préservation de l'environnement – c'est mot à mot la même chose – un intérêt fondamental de la nation, dont découle tout le reste.

Je vois bien l'intérêt politique, je m'associe à la démarche sans difficulté, mais sur le plan juridique et constitutionnel, je ne vois absolument pas l'apport de cet amendement. La distinction entre le domaine de la loi et du règlement opérée par les articles 34 et 37 avait un sens, et permettait d'attribuer à la loi la compétence environnementale en lui donnant une place particulière dans la hiérarchie des normes. Mais avec cet amendement, nous n'apportons rien aux « principes fondateurs de la République », que je ne connais pas non plus, à la différence des « Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » révélés par la décision de 1971. Nous enfonçons des portes ouvertes.

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S'agissant tout d'abord de la place de cette disposition à l'article premier, je rappelle qu'avant la révision de 1995, cet article premier était le premier alinéa de l'article 2. Ces principes ont été détachés du reste de l'article et placés hors du titre premier. Depuis, plusieurs jurisprudences ont renforcé la valeur juridique de cet article premier, j'ai à disposition toute une série de décisions juridiques en ce sens. Il n'est donc pas seulement symbolique de faire figurer cette disposition à l'article premier, et je rejoins les propos de mon collègue Pancher : un grand nombre de spécialistes ont fortement recommandé que nous l'intégrions à cet article.

Monsieur le rapporteur général, j'ai l'impression que l'on ne tolère pas trop d'autres amendements que les vôtres. Le sujet est assez grave pour que nous l'acceptions, mais c'est dommage, surtout sur des sujets de cette nature, qui doivent être transpartisans : nous aurions pu travailler tous ensemble. En tout cas, quand je vois la richesse des propositions faites, je voudrais remercier tous les groupes qui ont contribué à renforcer ce principe au sein de l'article 1er. Je soutiendrai l'amendement proposé par le rapporteur général.

Je souhaiterais tout de même que nous évoquions la notion de résilience, et que nous puissions trouver une piste d'ici à la séance publique. Ce sera l'enjeu de demain, autant s'y préparer dès aujourd'hui.

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Je vais également retirer mes amendements, mais j'en présenterai un autre lorsque le texte sera construit. Nous souhaitions lancer des pistes. Je trouve très bien que cette disposition figure à l'article 1er, qui fixe les principes de fond, tous les constitutionnalistes nous l'ont rappelé à maintes reprises. Je trouve très bien que les trois thèmes soient cités : préservation de l'environnement, diversité et climat. En revanche, le verbe « agir » me semble inopérant et me pose un vrai problème. Il n'a aucune portée juridique, nous allons donc y travailler et nous vous ferons des suggestions, j'espère qu'elles seront bienvenues et acceptées par le Sénat.

Les amendements CL1470, CL492, CL491 et CL493 sont retirés.

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Je ne veux pas inutilement prolonger les débats, simplement remercier celles et ceux qui ont retenu ma proposition de retirer leurs amendements pour que nous puissions nous retrouver sur les formulations que j'ai indiquées.

Agir, c'est « mettre en oeuvre tous les moyens » selon le Conseil d'État, qui préférait cette formulation à « lutter contre ». Certains ici connaissent la fertilité et la rigueur du Conseil d'État dans ses suggestions de formulation, ce qui m'amène tout de suite à aborder le point soulevé par M. Larrivé. Lorsque j'évoque les principes fondateurs, je n'aurai pas la cuistrerie d'essayer d'ergoter, je voulais dire que le Conseil constitutionnel produit sa jurisprudence à l'aune des principes fondamentaux contenus à l'article 1er, entre autres. Nous proposons que les enjeux abordés par cet amendement rejoignent la liste de ces principes fondamentaux.

Il n'y a là nul fétichisme, je ne crois pas que le sujet soit un objet magique, c'est une nécessité absolue, politiquement et juridiquement, de porter au plus haut les préoccupations liées aux problématiques décrites. J'entends bien le scepticisme de certains, et le maximalisme d'autres, sans souci de savoir si cela pourrait prospérer. Nous, nous voulons faire aboutir les choses, que cette avancée soit la troisième de la journée. Vous verrez que nous sommes en train de dessiner une Constitution progressiste et, lorsque nous aurons abouti, nous constaterons que nous aurons transformé, dans un mouvement important, notre texte constitutionnel.

Comme l'avait naguère dit le président Chirac, notre maison brûle, et je vous demande de ne pas regarder ailleurs et de voter cet amendement sous-amendé comme je l'ai indiqué.

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Je vais mettre aux voix les sous-amendements…

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Je suis confus, mais quand on dépose un amendement, on doit pouvoir dire si on souhaite le maintenir. Et quand on vote, on doit pouvoir expliquer son vote. Tant que vous n'aurez pas modifié la capacité du Parlement à défendre des amendements, c'est ainsi que ça se passe, à la commission des Lois comme dans toutes les autres.

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Monsieur Jumel, j'ai fixé une règle très claire : une prise de parole par groupe politique. Il s'est trouvé que pour cette discussion commune, très dense et regroupant de nombreux amendements, j'ai accepté deux prises de parole par groupe, et ce fut le cas. J'ai ensuite donné la parole au rapporteur général, nous n'allons pas prévoir de réponses aux réponses.

Mais je vous donne volontiers la parole pour nous dire si vous maintenez votre amendement.

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Je vais donc vous expliquer les raisons qui nous conduisent à maintenir notre amendement.

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Pardonnez-moi de vous reprendre la parole, Monsieur Jumel, mais ce n'est qu'une manière détournée de parvenir aux mêmes fins. Si vous m'aviez dit que vous retiriez votre amendement, comme l'ont fait Mmes Batho ou Untermaier, nous aurions pu en tenir compte.

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Non, justement, je voulais vous expliquer pourquoi je le maintenais ! Tout ceci en dit long sur la volonté de priver le Parlement de sa capacité à débattre !

La Commission rejette le sous-amendement CL1527.

Elle adopte les sous-amendements identiques CL1528 et CL1530, puis les amendements identiques CL1506 et CL852, sous-amendés.

En conséquence, les amendements CL211, CL1004, CL784, CL783 et CL1311 tombent.

Suivant l'avis défavorable de Mme Yaël Braun-Pivet, rapporteure, la Commission rejette l'amendement CL431 de Mme Cécile Untermaier.

Elle est saisie de l'amendement CL432 de Mme Cécile Untermaier.

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Nous souhaitons compléter l'article 1er de la Constitution par l'alinéa suivant : « La loi garantit un accès libre, égal et universel aux réseaux numériques. Elle assure la formation des citoyens à leur utilisation. Elle veille à la protection des données à caractère personnel et au respect de la vie privée ».

Nous pensons que ce sont des éléments essentiels qui doivent figurer dans la Constitution.

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Avis défavorable, pour les raisons exposées au sujet de la charte du numérique.

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Je pense en effet que sur la charte du numérique, nous devons travailler de manière à fonder tous les éléments, et cela ne se fait pas comme ça. En revanche, s'agissant du numérique, et dans cette Constitution qui parle du XXIème siècle, je ne vois pas comment on peut ne pas inclure de dispositions sur le numérique. C'est l'objet de cet amendement et, plutôt que de nous donner un avis défavorable, il serait agréable de vous entendre dire qu'il est effectivement légitime de déposer un amendement sur la neutralité du net et la protection des données, et que nous pourrions travailler ensemble à ce que ce dispositif trouve sa place dans la Constitution.

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Je crois que nous devons effectivement adapter nos institutions, qui doivent faire l'objet d'un dépoussiérage de temps en temps. On a coutume de parler des droits de première, deuxième, troisième voire quatrième génération. Nous pouvons ouvrir une page plus concrète de droits fondamentaux de la quatrième génération. L'environnement en fait partie : si je suis en désaccord avec la formulation proposée à l'article 1er, je suis en accord sur le fond.

Dans le domaine du numérique aussi, des questions essentielles se posent sur la protection des données personnelles, sur les atteintes à la vie privée Ce sont des éléments forts, et à défaut d'adopter la charte, il me semble qu'a minima, il faudrait envoyer un signal.

Je ne suis pas définitivement fixé sur la formulation à retenir, mais notre groupe voit cette évolution de façon très favorable.

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Ce n'est pas seulement pour être agréable à Mme Untermaier : nous en avons parlé un peu hier, et M. Gosselin a justement rappelé que ce sujet méritait de figurer dans la loi constitutionnelle. Je propose que nous réfléchissions à une formulation d'ici à la séance publique : nous allons travailler ensemble et avec les rapporteurs pour trouver comment inclure dans la Constitution ce qui relève d'une nécessité et d'une modernisation. Ce n'est pas seulement l'air du temps ; dans le temps long, de nombreuses questions vont se poser sur les données.

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J'ajoute que le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi d'adaptation au règlement général sur la protection des données personnelles, a fait une digression sur les algorithmes autoapprenants en expliquant qu'il ne fallait pas que l'administration fonde ses décisions uniquement sur eux. C'est un sujet dont le Conseil s'est emparé, qui devient majeur, et il faut que nous y adaptions notre Constitution. Nous avons parlé hier soir de la charte du numérique, ce n'est pas la seule option, peut-être peut-on prévoir quelque chose à l'article 1er. Les débats sur ce sujet en séance seront bienvenus.

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Le groupe GDR souhaite aussi des avancées sur cette question du numérique. De nouveaux territoires sont en train d'émerger, donc de nouvelles questions, sur lesquelles la Constitution ne peut pas être muette. Il faut écrire les droits fondamentaux en la matière, et déterminer la manière dont ils peuvent s'exprimer dans ces nouveaux territoires, ces nouveaux espaces de vie.

Il faut avancer dans cette direction, je ne sais pas s'il faut amender la Constitution dans la précipitation, mais beaucoup d'acteurs ont des propositions pour faire bouger les choses en la matière. Un certain nombre de droits et de principes doivent être affirmés, auxquels notre République doit proclamer son attachement pour les garantir.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CL488 de Mme Cécile Untermaier.

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Le numérique et l'environnement doivent entrer dans la Constitution, mais aussi le citoyen. Nous constatons que, dans le projet de loi, aucune place n'est faite aux citoyens. C'est un manque, la Constitution s'adresse d'abord aux personnes qui vivent sur notre territoire, aux citoyens en particulier.

Nous proposerons un autre amendement à l'article 24, sur lequel nous reviendrons de manière beaucoup plus précise. Mais il me semble que l'Assemblée nationale est le lieu où le citoyen doit pouvoir s'exprimer par la démocratie représentative, mais aussi par l'intermédiaire d'un certain nombre de dispositifs que nous pourrions adopter afin d'avoir un Parlement ouvert et non un Parlement un peu trop fermé sur lui-même. Cela vaudra d'autant plus lorsque les députés seront beaucoup moins en circonscription, et beaucoup plus ici, au contact de la haute administration.

Votre projet de réduire drastiquement le nombre de députés doit aussi s'accompagner de garanties de la présence et de l'écoute du citoyen, car nous connaissons la grande difficulté dans laquelle nous sommes d'un point de vue politique et démocratique.

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J'ai été frappée, comme vous, par l'absence de la participation citoyenne de ce projet de loi. C'est pourquoi je vous proposerai, par l'intermédiaire du concept de « Forum de la République », que le Conseil économique, social et environnemental soit le lieu de cette participation citoyenne. Je pense comme vous qu'il y a aujourd'hui une forte aspiration à la démocratie participative. Il faut l'entendre et lui permettre de s'exprimer partout où elle le souhaite.

Le Gouvernement mène des consultations, l'Assemblée a fait de même et cela doit continuer, mais je pense également qu'il faut qu'il y ait un lieu privilégié pour ce faire, c'est la raison pour laquelle je propose la transformation du CESE en Forum de la République, lieu du débat et de la participation citoyenne. Je partage vos intentions, mais sur cet amendement précis, j'émets un avis défavorable.

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Nous sommes co-auteurs de l'amendement dont vient de parler la rapporteure. Je comprends les problématiques de participation citoyenne, c'est un des éléments afin de résoudre le paradoxe de notre démocratie, dans laquelle on sent que les Français aiment la politique et veulent y participer mais où l'idée de représentation est en crise. Nous en reparlerons à l'article 14, en espérant qu'il ne sera pas débattu nuitamment, car c'est à mon sens un des sujets très importants de cette révision.

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Nous avons besoin d'un régime fondé sur le plein déploiement de la souveraineté populaire. Inscrire dans le premier article de notre Constitution qu'il s'agit de favoriser l'intervention citoyenne et de permettre au peuple d'exercer tout le pouvoir qu'il peut, comme le disait Gracchus Babeuf, me semble fondamental. Je souscris à cet amendement, et je pense que ce devrait être un des axes de notre débat, car nous vivons une crise politique qui dure depuis trop longtemps, et il me semble que des dispositions de cette nature sont la meilleure manière d'en sortir.

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C'est un point central. Nous vivons un contexte de rupture du citoyen avec la politique, il est nécessaire d'enraciner la démocratie et la vie démocratique.

Je pense tout à fait opportun que ce principe soit inscrit dans la Constitution, et qu'il soit traduit en politiques publiques.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CL739 Mme Danièle Obono.

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Nous proposons de compléter la Constitution par la phrase suivante : « Aucune norme juridique ne peut être moins protectrice que la législation sociale et environnementale de la République ».

Nous voulons ainsi consacrer la primauté juridique des normes sociales et environnementales, garantes du bien commun, sur toute autre norme, notamment internationale, sauf si cette dernière est plus protectrice.

La loi, c'est-à-dire l'expression de la volonté générale du peuple, est trop souvent violée par la signature de traités internationaux sur lesquels ni le peuple, ni ses représentants, n'ont de pouvoir. Or, les traités internationaux ont un impact direct sur notre ordre juridique interne et ont une valeur juridique supérieure aux lois de la République, c'est par exemple le cas du traité CETA.

Le groupe La France insoumise souhaite garantir qu'en matière environnementale et sociale, les normes insérées dans l'ordre interne par les traités ne puissent pas être moins protectrices que celles contenues dans la loi. Ceci signifie un aménagement de notre organisation juridique. Mais il nous semble que le constat de l'urgence climatique, qui est partagé, impose de changer notre tradition et de faire en sorte que la norme suprême soit celle qui protège l'environnement et les conditions sociales, y compris sur les enjeux économiques de grande ampleur. Je ne doute pas que vous adopterez cet amendement, en cohérence avec la volonté affirmée à plusieurs reprises par toutes et tous de répondre aux enjeux de la transformation climatique.

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Les discussions que nous avons eues précédemment nous ont permis d'adopter un amendement à l'article 1er de la Constitution consacrant l'exigence d'un haut niveau de protection de l'environnement. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'aller au-delà. Surtout, nous ne devons pas hiérarchiser les droits et libertés au sein de la Constitution mais les concilier. Avis défavorable.

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Il ne s'agit pas de hiérarchiser les droits et les libertés fondamentales. Nous considérons simplement que les normes environnementales et sociales doivent primer sur les intérêts économiques. Cela nécessite effectivement de changer de culture constitutionnelle. Encore une fois, on ne peut se payer de mots et répéter « make our planet great again », tout en se contentant du minimum, ce qui est de toute évidence insuffisant pour répondre aux enjeux. Les petits pas déjà réalisés doivent être suivis d'exigences et de contraintes clairement affirmées, faute de quoi nous en resterons au stade des grandes déclarations. Lorsqu'il s'agit de passer aux actes et de trancher sur ce qui doit primer, on choisit toujours les intérêts économiques. Cela nous semble très dangereux pour l'avenir de la planète. Nous maintenons cet amendement et le défendrons en séance, espérant convaincre au moins la majorité.

La Commission rejette l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement CL752 de M. Jean-Luc Mélenchon.

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Cet amendement vise à rappeler la vocation universelle de la France et sa contribution à la paix dans le monde. La France, présente dans tous les océans, ne peut être réduite à une vision occidentaliste ou européenne du monde. La France existe par sa devise « Liberté, égalité, fraternité », par la proclamation des droits universels lors de la grande révolution de 1789, à l'adresse de tous les habitants du monde. La vocation de notre pays est nécessairement d'oeuvrer à la paix du monde, puisque son acte fondateur proclame l'universalité de la condition humaine et, par voie de conséquence, l'égalité de tous les hommes en droits. Cela rend illégitime toute volonté de domination de la France sur quelque peuple que ce soit. Il faut réaffirmer que la France est une nation universelle, qu'elle contribue à la paix dans le monde et qu'elle ne doit pas entrer dans des jeux d'alliances qui la conduiraient mécaniquement à des enjeux de domination.

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Je m'interrogeais sur l'expression « qui contribue à la paix dans le monde » : pourquoi n'avez-vous pas préféré « assurer » ou « garantir » au verbe « contribuer » ?

Au-delà de cette boutade, l'alinéa 14 du préambule de 1946 prévoit déjà que la France « n'entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple ». Cette affirmation se suffit à elle-même, nul besoin d'en ajouter. Avis défavorable.

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Ce sont les institutions internationales comme l'ONU qui ont la responsabilité de garantir la paix. Nous contribuons à l'ONU, et c'est la raison pour laquelle nous souhaitions que ce soit inscrit dans la Constitution. Mais si madame la rapporteure souhaite sous-amender nos amendements, et si cela doit emporter son avis final, nous sommes ouverts à ses propositions.

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Si cela devait réellement contribuer à la paix dans le monde, soyez assurée, madame Obono, que je le ferais. Mais j'en doute.

La Commission rejette l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement CL834 de Mme Marietta Karamanli.

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Un éminent professeur de droit, M. Paul Cassia, a mis en évidence l'existence d'une collusion entre intérêts publics et intérêts privés. Cette situation, très développée dans notre pays, est de nature à mettre en cause la séparation des pouvoirs, principe de valeur constitutionnelle.

Un millier de fonctionnaires d'État seraient concernés chaque année par le pantouflage, c'est-à-dire par le fait de passer du secteur public au secteur privé. Jadis observée en fin de carrière, cette pratique s'est généralisée en France et dans le monde, au point que l'OCDE s'en est inquiétée dans un rapport paru en 2009 : « les relations proches entre, d'un côté, les régulateurs et le pouvoir politique, et de l'autre, l'industrie de la finance et ses lobbyistes, sont alimentées par le recyclage régulier de personnel entre ces deux univers. (…) S'attaquer aux portes tournantes constitue le début d'un processus indispensable afin de restaurer la confiance des citoyens dans le système politique et le fonctionnement des marchés financiers ».

Plusieurs propositions de loi comportent des dispositions qui, comme l'a analysé le président de la commission de la déontologie de la fonction publique, « encouragent ces passages entre la fonction publique et l'exercice d'activités privées ».

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Vous imaginez bien que l'interdiction du pantouflage n'a rien à faire à l'article 1er de la Constitution, qui consacre les principes fondamentaux de notre République. La commission des Lois a mené une mission d'information sur le pantouflage, question qui nous occupe depuis les débats sur la loi « confiance » et les amendements qui avaient été défendus au Sénat. Les conclusions de ce rapport, si elles vont dans le sens d'une modification de notre législation en matière de lutte contre le pantouflage, n'indiquent pas que cette législation est entravée par une difficulté constitutionnelle. Je ne vois donc pas l'intérêt de modifier la Constitution. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

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Nous avons examiné 177 amendements. Il en reste 1 182. Nous avons passé 10 heures à débattre. À ce rythme, il nous faudrait approximativement 70 heures pour terminer l'examen du texte. Nous allons suspendre nos travaux, qui reprendront à 21 heures ce soir.

La réunion s'achève 19 heures 45.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Vincent Bru, M. Éric Ciotti, Mme Typhanie Degois, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, M. Richard Ferrand, M. Marc Fesneau, Mme Isabelle Florennes, Mme Paula Forteza, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, M. Sébastien Jumel, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Louis Masson, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Jean-Pierre Pont, M. Bruno Questel, M. Robin Reda, M. Thomas Rudigoz, Mme Maina Sage, M. Hervé Saulignac, Mme Alice Thourot, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, Mme Laurence Vichnievsky, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Hélène Zannier, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Philippe Dunoyer, M. Jean-Michel Fauvergue, M. Mansour Kamardine, M. Philippe Latombe, M. Manuel Valls, M. Guillaume Vuilletet

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Emmanuelle Anthoine, M. Christophe Arend, Mme Delphine Batho, M. Moetai Brotherson, M. Michel Castellani, M. André Chassaigne, M. Paul-André Colombani, M. Alexis Corbière, M. Pierre Dharréville, M. Julien Dive, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Stella Dupont, M. M'jid El Guerrab, M. Claude de Ganay, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Bastien Lachaud, M. François-Michel Lambert, M. Matthieu Orphelin, M. Bertrand Pancher, Mme Christine Pires Beaune, Mme Barbara Pompili, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Isabelle Rauch, M. François Ruffin, M. Éric Straumann, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Jean-Pierre Vigier