Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du vendredi 29 juin 2018 à 21h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CSM
  • constitutionnel
  • constitutionnelle
  • génocide
  • indépendance
  • judiciaire
  • juge
  • juridiction
  • parité

La réunion

Source

La réunion débute à 21 heures 05.

Présidence de Mme Naïma Moutchou.

La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace (n° 911) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, Mme Yaël Braun-Pivet et M. Marc Fesneau, rapporteurs).

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Nous reprenons nos travaux en entamant l'examen des amendements portant article additionnel après l'article 11.

Après l'article 11

La Commission examine les amendements identiques CL111 de M. M'Jid El Guerrab, et CL992 de M. Sébastien Jumel.

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Dans l'intitulé du titre VIII de la Constitution, je souhaite que les mots : « De l'autorité » soient remplacés par les mots : « Du pouvoir ». Il s'agit de renforcer l'indépendance et l'impartialité de la justice vis-à-vis des autres pouvoirs. C'était là une recommandation du groupe de travail sur l'avenir des institutions.

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De même, l'amendement CL992 vise à consacrer l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire dans le titre VIII de la Constitution qui porterait non plus sur l'autorité judiciaire mais sur le pouvoir judiciaire. Il s'agit de regagner la confiance des citoyens légitimement exigeants envers leurs juges.

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Avis défavorable. Dans la tradition française, à laquelle il n'est pas question de déroger, les magistrats tirent leur légitimité de leur réussite à un concours de recrutement, aussi n'exercent-ils pas un pouvoir. La justice est une autorité qui est légitime par sa compétence technique et non pas par la confiance des urnes. Et c'est du vote des Français et seulement de lui que découle le pouvoir. Ce n'est pas là un débat seulement sémantique : l'autorité judiciaire sera plus impartiale, plus indépendante et plus efficace une fois que nous aurons adopté cette révision constitutionnelle, mais elle ne sera pas un pouvoir pour autant.

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Les explications de la rapporteure se sont révélées si limpides que je retire mon amendement.

L'amendement CL111 est retiré.

La Commission rejette l'amendement CL992.

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Je souhaite faire un rappel au règlement.

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Il n'y a pas de rappel au règlement en commission, mais nous vous écoutons.

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Madame Moutchou, vous n'êtes pas membre du bureau et vous ne pouvez donc présider cette réunion. Étant membre associé du bureau, je demande par conséquent à présider la séance, faute de mieux et si vous en êtes d'accord.

Je ne crois pas en effet que votre qualité de simple membre de la commission vous permette, en soi, de présider, bien que je vous apprécie énormément : n'y voyez donc pas une attaque personnelle. Si je pense être le plus indiqué pour vous remplacer, à défaut de la disponibilité d'un membre du bureau, c'est parce que j'ai été un « bon perdant » à l'occasion de l'élection des membres du bureau puisque, arrivé à égalité avec mon concurrent, celui-ci a été désigné au seul bénéfice de l'âge. Et c'est avec grand plaisir que je présiderai la séance et ce sera pour moi un grand honneur.

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Je laisse la parole à la présidente de la commission des Lois pour vous répondre.

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Vous savez, monsieur Bernalicis, que je suis présidente de la commission des Lois et que j'ai délégué ma présidence afin de rapporter le texte constitutionnel. Quatre vice-présidents ont successivement présidé nos réunions mais vous n'avez peut-être pas pu le constater puisque vous n'étiez pas présent.

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Stéphane Mazars, Didier Paris, Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin ont successivement dirigé nos travaux.

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Il manque un « insoumis » au casting.

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Il s'est trouvé que cet après-midi et ce soir aucun d'eux n'était disponible et j'ai donc choisi un membre associé du bureau en la personne de Naïma Moutchou. Je ne vois donc pas à quel titre vous pourriez davantage qu'elle prétendre présider la réunion. Je précise en outre que quand, à seize heures trente, nous avions besoin d'une présidence, vous n'étiez pas là. Mme Moutchou est tout à fait apte à présider.

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J'ai fait aussi vite que j'ai pu, madame la présidente, et je note que vous ne m'avez pas téléphoné pour savoir si j'étais disponible.

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L'incident étant clos, nous poursuivons l'examen des amendements.

La Commission examine les amendements identiques CL518 de M. M'Jid El Guerrab et CL963 de M. André Chassaigne.

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C'est un honneur pour moi de défendre mon amendement sous votre présidence, madame Moutchou, n'en déplaise à notre collègue. (Sourires.)

En matière d'indépendance de la justice, des avancées ont été réalisées lors de la révision constitutionnelle de 2008 : les attributions du chef de l'État ont été limitées.

Il s'agit ici d'aller plus loin en faisant du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) le garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. C'était là une recommandation du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions en 2007, puis du groupe d'étude sur l'avenir des institutions en 2012.

En effet, une certaine confusion persiste entre les fonctions exécutive et judiciaire. En confiant la mission de garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire au seul Conseil supérieur de la magistrature, l'on clarifierait la répartition des compétences.

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L'article 64 de la Constitution dispose que « le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire », ce qui induit une forme de confusion des pouvoirs entre l'exécutif et le judiciaire. Cet amendement propose donc de confier cette fonction au CSM.

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Avis défavorable. En effet, le Président de la République est le garant de toutes les institutions de la République donc de l'indépendance de l'autorité judiciaire. S'il peut pour cela s'appuyer sur sa légitimité démocratique, ce n'est pas le cas du CSM.

La Commission rejette ces amendements.

Puis elle examine les amendements identiques CL110 de M. M'Jid El Guerrab et CL1533 de M. André Chassaigne.

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L'amendement CL110 vise à renforcer l'indépendance et l'impartialité de la justice vis-à-vis des autres pouvoirs. C'était là une recommandation du groupe de travail sur l'avenir des institutions en 2012.

Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette ces amendements.

Puis elle en vient à l'amendement CL999 de M. Sébastien Jumel.

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L'amendement CL999 reprend la formulation proposée par l'Assemblée nationale dans le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature en 2013. Le CSM ne se contentera plus « d'assister » le Président de la République dans la mission consistant à garantir l'indépendance de la justice, mais il y concourra – ce changement est aussi flagrant sur un plan grammatical, le CSM devenant le sujet de la phrase. En outre, le terme « concourt » assure une meilleure reconnaissance du rôle dévolu au CSM.

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Ce projet de réforme avait finalement été voté dans les mêmes termes par l'Assemblée et le Sénat, sans toutefois comporter la modification grammaticale que vous proposez. Aussi, dans la perspective d'un accord avec nos collègues sénateurs, il est beaucoup plus sage de nous en tenir à la version commune à laquelle l'Assemblée nationale et le Sénat étaient parvenus. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Article 12 (art. 65 de la Constitution) : Renforcement des garanties relatives à l'indépendance des magistrats du parquet

La Commission examine l'amendement CL964 de M. André Chassaigne.

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Il s'agit de reprendre la formulation du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, adopté, en première lecture, par l'Assemblée en juin 2013.

Le présent amendement vise à remplacer l'article 65 de la Constitution par trois nouveaux articles 65, 65-1 et 65-2, le premier précisant les compétences du CSM, le deuxième fixant la composition de ses différentes formations et le dernier renvoyant à une loi organique la fixation des modalités d'application des deux premiers articles.

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Une fois encore, il me paraît plus sage de nous en tenir à la rédaction adoptée par les deux chambres. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Elle en vient ensuite à l'amendement CL68 de M. M'Jid El Guerrab.

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Je souhaite que la présidence du Conseil supérieur de la magistrature soit confiée à une personnalité indépendante n'appartenant ni au Parlement ni à l'ordre judiciaire. Elle pourrait être nommée par le Président de la République dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution. Ainsi, par le biais de leurs commissions compétentes, les assemblées pourraient-elles donner leur avis sur la nomination envisagée.

L'objectif est de renforcer l'indépendance de la justice. C'était là, encore une fois, une recommandation du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions en 2007, puis du groupe d'étude sur l'avenir des institutions en 2012.

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Quitte à me montrer redondante, même avis que précédemment : je préfère qu'on ne touche pas à l'équilibre atteint par les deux chambres. Nous avons par ailleurs auditionné les présidents de section du CSM qui se satisfont de nos propositions et qui n'ont pas fait valoir de motifs qui justifieraient un changement de formulation. Avis défavorable.

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J'apprécie les explications de la rapporteure. N'ayant pas assisté à ces auditions, je lui fais confiance et retire mon amendement.

L'amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l'amendement CL445 de Mme Cécile Untermaier.

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Nous souhaitons appliquer la règle de la parité au sein du CSM.

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Je vais vraiment paraître une adversaire farouche de la parité hommes-femmes…

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Nous en sommes tous convaincus… (Sourires.)

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Nous savons bien que c'est impossible, madame la présidente de la commission.

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… mais je considère qu'au sein de telles formations, il est primordial de s'assurer de la qualité des personnes que l'on nomme et que cette qualité ne dépend pas de leur genre. Je suis résolument défavorable à ce type d'amendement.

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Vos propos, madame la rapporteure, sont tout de même un peu particuliers. Vous affirmez qu'au sein de ces institutions il faut d'abord prendre en compte la qualité plutôt que le genre des personnes que l'on nomme. Ce qui signifie que dans les organismes où la parité est imposée, la qualité n'a pas d'importance ? Il s'agit simplement d'imposer la parité en faisant en sorte que les personnes nommées soient de qualité, puisque la parité n'est pas un obstacle à la qualité. Et on ne peut pas vouloir la parité pour tout un tas d'institutions et pas pour le CSM.

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Je vais préciser mon propos. Au sein des organismes comprenant peu de membres, comme le CSM ou le Conseil constitutionnel, ce qui compte par-dessus tout, c'est la qualité des personnes nommées et non pas l'objectif de parité.

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Permettez-moi d'être un peu gêné. Quand, dans un conseil municipal de vingt membres, on assure la parité, c'est bien, c'est important, il faut des gens de qualité.

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Il n'y a pas de raison que le CSM ne respecte pas cette règle ; mais je prends acte de votre avis.

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Cet exemple montre qu'il faut imposer la parité tant qu'on peut afin de mettre un terme au débat.

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Hélas on ne révise pas une Constitution tous les quatre matins et nous aurons donc raté une occasion, celle d'y inscrire le plus possible la parité. C'est dommage et en tout cas ce n'est pas aussi anodin qu'il y paraît.

Je connais vos convictions, madame la rapporteure, et je sais bien qu'en la matière vous ne souffrez aucune critique : vous êtes autant pour la parité que nous tous. Reste qu'inscrire la parité dans la Constitution permettra de progresser énormément. Les conseils municipaux en sont un bon exemple. En 2001, quand ils ont commencé d'être paritaires, on a eu des femmes et, à partir de là, c'est devenu automatique, c'est à partir de ce moment qu'il y a eu de plus en plus de femmes dans tous les partis politiques – et c'est bien grâce à l'application de la parité en 2001 que nous avons aujourd'hui un Parlement presque paritaire avec 39 % de femmes. Continuons ce combat, ne nous arrêtons pas en si bon chemin.

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Vous avez tort, madame la rapporteure, vous le savez pertinemment. Aujourd'hui, les femmes magistrates sont majoritaires.

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Je me souviens du jour où M. Perben, garde des sceaux, était allé remettre leur diplôme aux magistrats : il avait demandé si l'on ne pouvait prévoir un quota d'hommes parce que les femmes étaient déjà plus nombreuses qu'eux. Saisissons donc l'occasion qui nous est offerte d'inscrire la parité au sein du CSM.

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Mon avis sera un peu différent. La profession de magistrat, en effet, se féminise. Je ne connais pas la composition actuelle du CSM mais il sera bientôt composé d'une nette majorité de femmes du seul fait de la présence déjà très majoritaire de femmes dans la magistrature.

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Je tiens, puisque j'ai le loisir de souvent travailler avec elle, à réaffirmer l'attachement de la rapporteure à la parité. Autant, à l'échelon municipal, on peut organiser une liste de façon qu'elle soit paritaire pour que le conseil municipal le soit à son tour, autant, concernant un concours – et on peut se réjouir que de nombreuses femmes réussissent celui de la magistrature –, il me paraît compliqué de tenir le même type de raisonnement.

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Peut-être que je me trompe, peut-être faut-il que j'évolue sur ce point mais je suis convaincue qu'en 2001, monsieur Balanant, c'était il y a presque vingt ans, il était indispensable de fixer des objectifs de parité. Peut-être est-ce de la naïveté, peut-être suis-je un peu idéaliste, mais je pense qu'en 2018 nous avons dépassé ce stade et qu'il ne viendrait plus à l'esprit de personne d'avoir un gouvernement qui ne soit pas paritaire, que certaines formations ne le soient pas… Nous avons, j'y insiste, dépassé le stade de l'obligation de la parité.

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Cela va sans dire mais cela va mieux en le disant.

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Mais peut-être, je le répète, suis-je trop naïve – mais je ne le crois pas.

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Vous n'êtes pas naïve, madame la rapporteure, et nous le savons bien, et ce que vous affirmez est parfaitement juste. Les femmes et les hommes qui nous ont précédés et qui ont pris ces décisions ont remporté des victoires, certes, mais je rappelle que l'écart des salaires entre les femmes et les hommes est toujours de 20 % (Murmures) – et ceci a à voir avec notre sujet puisque cet écart a diminué grâce aux victoires auxquelles je viens de faire allusion. La majorité a fait une avancée énorme : jamais un parlement n'avait été aussi féminisé, il faut s'en féliciter et féliciter le président Ferrand qui faisait partie du comité d'investiture, lequel a alors décidé de prendre des femmes. Je m'en félicite pour ma part car cette féminisation est extraordinaire dans l'Histoire.

Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille arrêter le combat et c'est pourquoi vous trouverez toujours en moi un bon soldat.

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Je suis tout de même étonné : l'amendement me paraît de bon sens. Depuis vingt ans tout le monde essaie d'introduire la parité partout et les résultats sont là. Et ici, pour le CSM, nous devrions dire : pas eux… J'ai le droit de vous dire, madame la rapporteure, que vous faites une erreur, une de plus…

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Car enfin y a-t-il matière à débattre sur cette question ?

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Vous n'avez pas assisté à toutes nos réunions, cher collègue ; or je me suis exprimée contre une parité obligatoire pour la composition du Gouvernement…

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Il faut le dire au Président de la République, alors.

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… de même que pour la composition du Conseil constitutionnel… Je me suis prononcée contre la parité obligatoire pour tous ces types d'organismes et non pas pour le seul CSM. Cette position, je la défends depuis plusieurs jours et avec constance.

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Je viens de consulter le site internet du CSM et il se trouve qu'il est composé d'une plutôt large majorité d'hommes alors qu'il y a manifestement plus de magistrates que de magistrats. Il y a donc une distorsion, sinon il y aurait plus de femmes que d'hommes au sein du CSM. Je ne sais pas si ma parole vaut quelque chose étant donné que je n'ai pas suivi le début de la discussion – puisqu'on passe son temps à dire que, parce que je n'étais pas là au début, ce que je raconte a une moindre valeur, traitement qu'on vient d'ailleurs de réserver à notre collègue Pupponi –, mais je vous adjure de comprendre que la réalité ne plaide pas pour vous. Je vais donc voter l'amendement.

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Ce n'est pas parce que vous nous avez beaucoup manqué, monsieur Bernalicis…

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Vous n'étiez pas là au début de cette réunion !

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J'allais vous dire quelque chose d'aimable, or vous êtes tellement susceptible que vous ne voulez pas m'écouter.

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Mon propos de tout à l'heure n'était pas dirigé contre vous.

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Je voulais donc vous dire que ce n'est pas parce que vous nous avez beaucoup manqué que votre parole serait moins pertinente.

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Vous voyez : pas de quoi se cabrer.

Néanmoins, ainsi que l'a souligné la rapporteure, dans le souhait que la parité s'applique aux fonctions les plus éminentes, il faut tenir compte certes des lois en vigueur, de la volonté des organisations politiques, mais aussi de l'esprit de responsabilité des autorités de nomination ; or, que je sache, depuis maintenant un an, qu'il s'agisse des préfets, des hauts fonctionnaires qui dépendent de l'exécutif, notre démarche est des plus exemplaires et je n'oublie pas l'action de la secrétaire d'État Mme Schiappa. On ne peut que s'en réjouir.

Cela n'annule pas l'argument de Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des Lois, l'une des plus éminentes de l'Assemblée – notez-le au passage. Moyennant quoi il ne sert à rien de vouloir constitutionnaliser des dispositions qui relèvent de la loi et de la volonté politique des autorités de nomination. Il faut donc s'en tenir à ce qu'a, de mon point de vue, brillamment exposé la rapporteure.

La Commission rejette l'amendement.

Elle en vient à l'amendement CL993 de M. Sébastien Jumel.

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Je me permets tout de même une petite réflexion sur la discussion que nous venons d'avoir : si la cause des femmes a bien progressé ces dernières années, nous marquons le pas. Nous serons contentes lorsqu'il y aura une femme Première ministre ou Présidente de la République. (Exclamations.)

J'en viens à l'amendement CL993 qui prévoit une incompatibilité formelle entre la fonction de membre du Conseil supérieur de la magistrature et des fonctions publiques électives, même passées. En effet, les personnalités nommées au CSM doivent être complètement indépendantes du pouvoir politique. Elles ne doivent pas pouvoir être soupçonnées d'être politiquement engagées.

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Le soupçon que les personnalités nommées au CSM soient engagées politiquement est l'un des motifs, mais pas le seul, qui préside à notre souhait que des personnalités politiques n'y figurent plus. Reste que votre amendement me paraît superflu. Avis défavorable.

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À l'heure où Simone Veil va entrer au Panthéon, madame Bello…

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… je rappelle qu'elle fut membre du Conseil constitutionnel alors qu'elle avait eu auparavant des engagements politiques ; or personne n'a jamais douté de ses qualités. Ce sont les motifs de la nomination qui comptent ; de nombreuses personnalités ont eu des fonctions électives et pourtant ont fait autorité par la suite au sein de ce type d'organismes – d'où l'inutilité des barrières ou des freins que vous voulez instaurer.

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Je tiens à apporter un élément de comparaison extérieur qui nous permettra d'apprécier l'apport du présent article sur le renforcement des garanties relatives à l'indépendance des magistrats du parquet. En Pologne, mardi prochain 3 juillet, du fait de l'entrée en vigueur d'une réforme constitutionnelle, les quinze membres de l'équivalent du conseil supérieur de la magistrature seront désormais élus par les parlementaires. Ils vont tous être renouvelés d'office, après révocation, et donc en fonction de critères politiques, l'indépendance de la justice étant dès lors vraiment remise en cause.

Or l'article 12 du présent texte vise précisément à renforcer et non à affaiblir cette indépendance de la justice en France. Aussi je me félicite qu'en des temps obscurs qui affectent une partie de l'Europe la France soit exemplaire, emblématique en la matière.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CL197 de M. M'Jid El Guerrab.

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Connaissant d'avance la réponse de la rapporteure, je retire l'amendement CL197, mais je ne veux pas qu'on dise que je ne défends pas la parité.

L'amendement est retiré.

La Commission en vient à l'amendement CL109 de M. M'Jid El Guerrab.

L'amendement est retiré.

La Commission adopte l'article 12 sans modification.

Après l'article 12 :

La Commission examine l'amendement CL112 de M. M'Jid El Guerrab.

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L'amendement CL112 vise à renforcer l'indépendance et l'impartialité de la justice vis-à-vis des autres pouvoirs, conformément à une recommandation du groupe de travail sur l'avenir des institutions en 2012.

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La présente proposition montre bien la valeur, la portée des mots. Vous proposez ainsi que l'on remplace la notion d'autorité judiciaire par celle de pouvoir judiciaire – suggestion qui n'est pas anecdotique.

L'autorité judiciaire désigne l'ensemble des institutions dont la fonction est de faire appliquer la loi afin de trancher les litiges. Le fait que la fonction de juger soit confiée à une autorité plutôt qu'à un pouvoir n'a rien d'anodin : au moment de la Révolution, le souvenir des parlements d'Ancien Régime et le dogme de la primauté de la loi ont contribué à disqualifier durablement le pouvoir judiciaire. Il n'est pas excessif de dire que c'est le pouvoir judiciaire, précisément, qui a nourri, suscité le sentiment d'injustice qui a provoqué les heureux événements révolutionnaires du XVIIIe siècle.

La Constitution de la Ve République, dont le titre VIII est consacré à l'autorité judiciaire, reste fidèle à cette conception « restrictive » de la justice : si les juges exercent leurs attributions « au nom du peuple français », ils n'en sont pas pour autant les représentants au même titre que les membres du Parlement ou du Gouvernement, et ne peuvent donc constituer un pouvoir propre.

Faire de l'autorité judiciaire un pouvoir judiciaire aurait, par exemple, pour conséquence de remettre en cause le principe selon lequel le Gouvernement définit et est responsable de la politique pénale. Faire de l'autorité judiciaire un pouvoir judiciaire aurait par ailleurs des conséquences budgétaires non négligeables puisque cela reviendrait à doter l'institution d'un budget propre.

Pour toutes ces raisons qui résultent de la sédimentation de l'Histoire, mais aussi de l'équilibre des pouvoirs tel que nous le concevons, j'émets un avis défavorable tout en précisant que, aussi vrai que nous sommes attachés à l'indépendance de l'institution judiciaire, de l'autorité judiciaire, nous devons veiller à ne jamais en faire un pouvoir.

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Merci, Monsieur le rapporteur général, pour cet excellent cours de définitions juridiques.

N'étant absolument pas candidat ou responsable d'une future révolution comme celle de 1789, que je n'appelle pas de mes voeux, je retire mon amendement.

L'amendement est retiré.

La Commission est saisie de l'amendement CL121 de M. M'Jid El Guerrab.

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Il s'agit, là encore, d'un sujet compliqué sur lequel j'aimerais avoir les explications du rapporteur général et des rapporteurs.

Par le biais de cet amendement, il s'agit de constitutionnaliser l'article 1er du code de procédure pénale avec la mention de la matière fiscale pour faire sauter le monopole qu'exerce le ministre du Budget sur les décisions de poursuites judiciaires en matière de fraude fiscale, c'est-à-dire le verrou de Bercy.

Je crois savoir que ce sujet qui n'est pas du tout polémique…

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Je ne savais pas que le verrou de Bercy était une obsession parlementaire. Lorsque nous avons étudié le projet de loi pour la confiance dans la vie politique, nous avons découvert qu'effectivement il s'agissait presque d'un marronnier.

Cela ne vous surprendra pas si je vous indique qu'il y a eu une mission d'information commune de la commission des Lois et de la commission des Finances sur le verrou de Bercy. Nous espérons peut-être clore ce sujet lors des prochains débats parlementaires sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude. En tout état de cause, cela n'a strictement rien à voir avec la Constitution.

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En attendant les conclusions de cette mission d'information pilotée par Mme Émilie Cariou et M. Éric Diard…

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Je n'ai pas encore eu le plaisir de le lire !

Je retire mon amendement.

L'amendement est retiré.

La Commission en vient à l'amendement CL584 de M. François Pupponi.

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Cet amendement concerne un sujet important.

La France a reconnu deux génocides : la Shoah et le génocide arménien.

Aujourd'hui, en France, on est réprimé pénalement si on nie la Shoah mais pas si on nie le génocide arménien. Il y a là une anomalie juridique dans notre pays puisque, alors que deux génocides sont reconnus par la France, l'un peut être nié tandis que l'autre ne peut pas l'être. Cette anomalie vient en particulier d'une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui considère que la France a reconnu des génocides, mais que la négation des génocides n'est pas un problème. Dès lors que cette négation n'est pas constitutionnelle, n'importe qui peut nier l'existence d'un génocide.

Soit on est cohérent avec ce que l'on a fait, auquel cas on pénalise la négation des deux génocides reconnus par la France et l'on n'oppose pas la souffrance des Arméniens d'un côté, et des Juifs de l'autre, soit on considère qu'on peut nier les génocides en France et donc on peut également nier la Shoah.

C'est un sujet d'une importance considérable. Lors du dernier repas du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France, le Président de la République a demandé aux parlementaires et Arméniens présents de trouver une solution juridique à cette problématique. Je pense que la seule solution juridique consiste à constitutionnaliser la pénalisation de la négation des génocides et des crimes contre l'humanité reconnus par la France.

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L'amendement que vient de défendre François Pupponi ne pose évidemment pas qu'une question de droit. Évoquer la capacité, au nom de la liberté d'expression, de minorer voire de nier des génocides ne peut que nous atteindre profondément en tant qu'êtres humains et en tant qu'élus.

Le fait de constitutionnaliser la minoration ou la négation de génocides n'empêchera aucune minoration ni aucune négation. Le Conseil constitutionnel a construit à plusieurs reprises une jurisprudence en considérant qu'il serait contraire aux principes de la Déclaration des droits de l'Homme de limiter la liberté d'expression, y compris si c'était au détriment de la loi. En clair, le Conseil constitutionnel a dit qu'il nous revenait par la loi de sanctionner, de punir la minoration, la négation de crimes contre l'humanité, de génocides ou autres, mais que la Déclaration fondamentale des droits prévalait en quelque sorte pour la liberté d'expression. C'est la construction globale de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Comme moi, vous savez que toute une série de lois ont été votées et sont appliquées, et qu'il existe une loi pénale qui sanctionne la minoration et la négation de génocides. Constitutionnaliser ces faits serait au fond une manière de porter atteinte à la liberté d'expression qui aurait des effets de bord qui concerneraient d'autres expressions de la liberté sur d'autres sujets qui n'ont aucun lien avec les crimes que vous évoquez.

Voilà pourquoi nous émettons un avis défavorable sur votre amendement en vous disant, et vous le savez bien, qu'il n'y a pas de bonne solution à l'échelle de la réforme constitutionnelle. J'entends bien que votre amendement appelle l'attention sur les paradoxes, à bien des égards douloureux, de notre hiérarchie des normes, mais je ne crois pas qu'il serait positif pour notre société d'accéder à votre demande. C'est pourquoi je donne un avis défavorable, sans minorer la complexité et la gravité du sujet que vous avez soulevé.

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Je suis très étonné de votre réponse, à la fois sur le plan juridique et sur un plan plus politique.

Le Conseil constitutionnel a dit le contraire de ce que vous avez indiqué puisqu'il estime qu'une loi ne peut pas pénaliser la négation d'un génocide reconnu par la Nation. Permettez-moi de vous lire sa dernière décision de 2017 : « Article 1er : la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi est contraire à la Constitution. » En France, on peut donc nier les génocides reconnus par la France. Les négationnistes ont le droit de s'exprimer, et ils peuvent dire que la Shoah n'a pas existé et que les Arméniens n'ont pas été exterminés par les Turcs en 1915.

Nous faisons presque tous ici partie d'organisations politiques qui, depuis des années, sont horrifiées par le négationnisme et qui se demandent comment on peut, dans notre pays, nier l'existence de la Shoah. Le Conseil constitutionnel dit qu'il y a un principe constitutionnel qui est la liberté d'expression, et comme la négation des génocides n'est pas un principe constitutionnel, on privilégie le principe constitutionnel, c'est-à-dire la liberté d'expression.

Nous proposons de placer au même niveau la liberté d'expression et la pénalisation de la négation de génocides. Ainsi, le Conseil constitutionnel ne pourra plus censurer une loi puisqu'il aura en face de lui deux principes constitutionnels.

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Madame la présidente, on parle d'un million et demi de morts en 1915 ! On peut prendre un peu de temps pour parler d'un sujet aussi grave !

Si vous voulez pénaliser la négation de deux génocides reconnus par la Nation – je ne parle pas de tous les génocides, seulement de ceux qui sont reconnus par la Nation – il faut le constitutionnaliser. Sinon, la jurisprudence du Conseil constitutionnel permet la négation. C'est un choix juridique, mais éminemment politique. Ce serait dommage de sortir de cette seule réforme constitutionnelle de la législature sans régler le problème de la négation des génocides.

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Monsieur Pupponi, je vous rappelle que nous avons fixé un temps de parole de deux minutes pour présenter les amendements et d'une minute pour répondre.

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Je ne voudrais pas qu'un membre de notre assemblée ou un citoyen qui regarderait nos débats puisse exciper de nos échanges que quiconque ici tolérerait la négation ou la minoration de génocides. Là n'est pas l'enjeu. l'enjeu est de savoir comment s'équilibre la répression de la minoration ou de la négation de ces crimes à la lumière de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, autrement dit par rapport à la liberté d'expression. L'objet de la liberté d'expression et la protection de la liberté n'est pas de protéger la négation ou la minoration de la Shoah, mais toutes les expressions qui ne sont pas que des négations scélérates. Il existe un arsenal pénal pour réprimer tous les faits que nous évoquons, vous et moi, et une sorte de chapeau général, si je puis dire, de notre Constitution qui fait primer au fond une forme d'optimisme, c'est-à-dire de protection de la liberté d'expression, tout en assurant par la loi la répression des atteintes aux minorations ou aux négations de génocides.

Lorsque l'on oppose la liberté d'expression et l'horreur que représentent la négation et la minoration de génocides, on pourrait être tenté de vouloir constitutionnaliser telle ou telle dérive – le mot est faible –, telle ou telle pratique condamnable. Mais au fond, on se dit que la République est armée pour sanctionner ceux qui nient les génocides tout en restant porteuse de cet idéal et de cet esprit de liberté d'expression, qu'il faut veiller à ne pas cantonner par une réforme constitutionnelle qui pourrait avoir au final des effets de bord sans commune mesure avec l'origine de ce qui pourrait fonder notre appréciation.

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Je suis vraiment étonné de votre réponse. Si la pénalisation de la négation de génocides reconnus par la France était une réalité, il n'y aurait pas de problème. Or les descendants d'Arméniens qui ont attaqué des représentants turcs qui nient la négation du génocide arménien ont tous été déboutés. Les tribunaux n'ont pas considéré que la négation était pénalisable, puisque la loi ne le prévoit pas.

Si la République avait protégé les descendants des victimes du génocide arménien, il ne serait pas nécessaire de légiférer. Mais c'est parce que la justice considère que quiconque peut dire que le génocide arménien n'a pas existé, même si la France l'a reconnu, que le besoin s'est fait sentir par la majorité précédente, à laquelle vous apparteniez monsieur le rapporteur général, de voter une loi pour pénaliser la négation. Or elle a été censurée parce que le Conseil conditionnel oppose une valeur supérieure : la liberté d'expression. C'est pourquoi je demande, et c'est un raisonnement juridique, de mettre les deux droits à égalité. Ainsi, la négation du génocide arménien serait sanctionnée par les tribunaux. Mais c'est justement parce que les tribunaux refusent, au nom de la République, de la sanctionner, qu'il y a un problème.

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Notre collègue Pupponi ouvre à l'évidence un débat qui a toute sa place dans nos travaux. Deux Présidents de la République, Nicolas Sarkozy puis François Hollande, avaient présenté des textes de loi – j'imagine, monsieur le rapporteur général, que vous aviez voté à l'époque la loi de la majorité à laquelle vous apparteniez qui tendait à réprimer la négation du génocide arménien – qui ont fait l'objet l'un et l'autre d'une censure par le Conseil constitutionnel. Aujourd'hui, c'est l'occasion ou jamais de faire évoluer le débat, et vous ne pouvez pas l'évacuer d'un revers de main comme vous venez de le faire alors que deux chefs d'État successifs l'avaient pris à bras-le-corps.

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Si ! Votre première réponse fait état de trous de mémoire sur le sujet. Mais je ne vous en veux pas parce que nous sommes en fin de semaine et que nous sommes fatigués.

Je pense que le Gouvernement peut chercher à construire une réponse à la demande de M. Pupponi d'ici à l'examen de ce texte en séance publique.

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Je ne reviendrai pas sur le débat de fond, le rapporteur général ayant apporté des précisions importantes en termes de questionnement sur la hiérarchie des droits fondamentaux.

Monsieur Pupponi, je ne comprends pas pourquoi vous souhaitez inscrire votre proposition dans le titre VIII de la Constitution et non dans le préambule. Cela ne me semble pas du tout adéquat.

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Monsieur Marleix, j'ai bien remarqué que dans vos modalités d'expression vous ne pouviez pas vous empêcher de titiller, de provoquer... Là encore, vous avez jugé utile de dire que j'aurais balayé d'un revers de main ce que M. Pupponi exprimait avec gravité. Je n'admets pas que vous disiez cela. Je ne traite pas avec désinvolture ni légèreté ce qu'il a dit. Tenez-vous le simplement pour dit. Personne n'est léger, ni vous ni moi.

Lorsque l'on reprend la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les lois que vous évoquez, on voit bien qu'il continue à faire ce mouvement de balance entre la liberté d'expression qu'il considère comme étant le plus sacré des éléments de notre République et les lois pénales dont il a pu juger certaines inconstitutionnelles, pour sanctionner un certain nombre des actes que vous évoquez.

Monsieur Pupponi, en l'état de nos travaux, je vous confirme que notre appréciation sur votre amendement est défavorable. Gageons que nous puissions trouver une formulation, d'ici à l'examen du texte en séance publique, qui permette de prendre en compte de ce que vous dites, même si vous avez, comme nous tous, mesuré la complexité du sujet.

J'émets donc un avis défavorable sans désinvolture et je prends l'engagement de regarder comment on peut essayer de trouver une solution par rapport aux deux enjeux que nous venons d'évoquer.

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J'entends la proposition de M. Ferrand que j'apprécie.

M. Marleix a parlé de deux Présidents la République. Pour ma part, j'en ai entendu un troisième évoquer le sujet : c'est Emmanuel Macron qui, au mois de novembre dernier, a demandé aux parlementaires de trouver une solution. J'attends toujours que le groupe La République en Marche nous dise quelle solution il propose.

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Nous ne sommes pas aux ordres du Président de la République !

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Je n'ai pas envie de rire sur de tels sujets !

Cela fait quinze ans que je me penche sur ce sujet, ce qui fait que je peux prétendre avoir une expérience, et je sais que l'on ne peut régler le problème que dans le cadre d'une réforme constitutionnelle. Comment voulez-vous dire à des descendants de la Shoah que la loi Gayssot pénalise la négation et aux descendants des Arméniens que l'on peut nier le génocide arménien ? Cela n'a pas de sens dans le pays des droits de l'Homme. Il faut donc trouver une solution juridique. On ne peut pas tout dire dans le pays des droits de l'Homme !

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Monsieur Pupponi, je vous ai posé une question !

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Excusez-moi de m'être trompé de titre, madame Dubost ! Et vous, dans quel titre l'avez-vous mis ?

J'attends que la majorité propose quelque chose d'ici à la séance publique pour que l'on ne puisse plus nier, dans le pays des droits de l'Homme, l'extermination, en 1915, d'un million et demi de chrétiens d'Orient !

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CL748 de M. Jean-Luc Mélenchon.

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Il s'agit ici d'inscrire dans la Constitution un encadrement des médias et de la presse, de manière à garantir leur indépendance. C'est pourquoi, nous proposons de rappeler un certain nombre de principes, d'abord que les citoyennes et les citoyens ont le droit à l'information, ensuite que les journalistes ont des droits et des devoirs. Nous proposons d'introduire la notion de Conseil national de la déontologie, comme cela a été fait dans plusieurs pays d'Europe, de façon que la presse, en tant que pouvoir médiatique, ne puisse pas faire n'importe quoi, influencer telle ou telle décision politique ou l'opinion publique. Vous le savez, l'essentiel des médias sont détenus par quelques milliardaires, ce qui a un impact flagrant, ne serait-ce que sur la ligne éditoriale, sur le traitement médiatique. Il suffit de voir le traitement médiatique qui a été fait de la grève de la SNCF pour s'apercevoir que l'indépendance de la presse est encore un combat.

Nous proposons donc d'inscrire dans la Constitution quelque chose qui encadre ce pouvoir qui est souvent livré à lui-même et qui n'est peut-être pas au niveau auquel il devrait être, c'est-à-dire au niveau de la Constitution, texte tout indiqué pour discuter de la séparation des pouvoirs. Cela permettrait de se prémunir contre d'éventuelles tentatives de détenteurs d'organes de presse de continuer à influencer le débat public et les décisions qui s'imposent dans le pays.

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Au fond, vous souhaiteriez intégrer dans la Constitution un nouveau titre destiné à garantir la protection de la presse – c'est aimablement dit – et l'existence d'un Conseil national de la déontologie des journalistes. Vous voyez bien que, sans être un exégète chevronné, on peut douter en quelque sorte des deux éléments de la phrase. Cela ressemble à un oxymore puisque d'un côté vous proposez de garantir la protection de la presse, et de l'autre de veiller à leurs devoirs.

Spontanément, je donne un avis défavorable à votre amendement car la liberté de communication est en effet affirmée à l'article 11 de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, et le Conseil constitutionnel a bâti sur son fondement une jurisprudence à même d'assurer la libre communication des informations.

J'ajoute que la création d'un Conseil national de la déontologie n'est évidemment pas d'ordre constitutionnel et que certaines des dispositions que vous proposez sont inexactes. On ne peut ainsi renvoyer à une loi organique, qui a pour objet de préciser l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, les modalités de rédaction d'une charte de déontologie des journalistes.

Comme vous, je partage l'idée que cette profession gagnerait, comme d'autres, à se doter sans doute d'outils de déontologie, comme c'est le cas pour les professions de justice. Mais ceci n'engage que moi.

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Monsieur le rapporteur général, si vous voyez un oxymore entre droits et devoirs, il va falloir revoir la situation « oxymorique » de la République dans laquelle on vit. Je ne crois pas le débat se situe à ce niveau-là. Bien évidemment, à chaque fois que nous construisons des droits, nous construisons aussi des devoirs.

Il n'est pas possible que le pouvoir des médias ne puisse pas être encadré dans la Constitution, puisque je pense que personne ne peut nier ici que c'est un pouvoir au moins de facto. Oui, nous pensons qu'un Conseil national de la déontologie pourrait faire son oeuvre en la matière, afin qu'il y ait un endroit où l'on pourrait contester la bonne ou la mauvaise information, qu'on soit journaliste, citoyen, etc. Je ne vois pas en quoi ce serait un problème de l'inscrire dans la Constitution et encore moins en quoi le fait de le décliner en loi organique serait un autre problème.

J'ai bien compris que vous préfériez la loi sur les fake news qui est bien en deçà des enjeux en termes de partage et de séparation des pouvoirs.

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Ce débat est passionnant et, comme M. Bernalicis, je considère qu'il s'agit bien d'un pouvoir. Il faut faire en sorte que ce pouvoir s'exerce de la manière la plus normale possible, sans excès, dont on a vu qu'ils étaient nombreux.

Vous parlez des droits et des devoirs des journalistes. Pour ma part, je préfère que l'on fasse confiance à la presse en responsabilité, par rapport à une déontologie, plutôt que l'on crée une structure un peu figée.

Cela dit, c'est un amendement d'appel qui est très intéressant, qui peut ouvrir le débat et permettre de revenir sur le texte relatif aux fakes news que je trouve assez restreint puisqu'il ne réduit les temps de contre-pouvoir que sont la justice et la presse qu'aux périodes de campagne électorale.

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Il y a là un paradoxe puisque vous étiez vent debout, non contre le texte sur les fake news, mais contre les manipulations, alors que là vous voulez constitutionnaliser un organe qui contrôlerait la presse. Je comprends toutes les oppositions feintes et les cris d'orfraie que vous avez poussés pendant l'examen de la proposition de loi contre les manipulations. Soyons sérieux, la presse doit être libre dans notre pays…

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Si, la presse est libre, et elle est encadrée par une grande et belle loi qui résiste au temps et qui a su s'adapter. Restons-en là et arrêtons de faire des choses qui ne riment pas à grand-chose !

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Dans la continuité de ce que vient de dire Erwan Balanant, je suis extrêmement gênée par les propos que vous avez tenus sur les journalistes, monsieur Bernalicis. Ce que vous dites sur la déontologie de la presse est assez grave.

Je ne vois pas pourquoi on devrait passer d'une liberté de la presse à une liberté surveillée. Je récuse totalement ce mouvement vers ce type de société et je suis extrêmement défavorable à votre amendement.

La Commission rejette l'amendement.

Article 13 (art. 68-1 à 68-3 de la Constitution) : Responsabilité pénale des ministres

La Commission est saisie de l'amendement CL220 de M. Philippe Gosselin.

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Lorsque j'ai dit tout à l'heure au rapporteur général qu'il « évacuait d'un revers de main », je n'évoquais aucunement une légèreté de comportement de sa part. Je trouvais seulement que sa réponse était somme toute assez peu développée par rapport au sujet.

Avec l'article 13, vous remplacez un privilège de juridiction par un autre. J'aimerais connaître votre analyse sur la compatibilité des dispositifs que vous imaginez avec l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme sur le droit au procès équitable. En fait, vous créez un système dans lequel le ministre sera jugé directement par la cour d'appel, avec la possibilité, j'imagine, de se pourvoir ensuite en cassation. Or la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme évoque le fait qu'en appel on a le droit de refaire un procès plein et entier en matière pénale. J'aimerais que vous nous apportiez des éclaircissements sur ce point et avoir la certitude que l'on aura un système de droit plein et entier.

Il est regrettable également que vous ne régliez qu'à moitié le problème. Les ministres et leurs collaborateurs continueront d'être jugés différemment par deux organes différents pour des faits sur lesquels ils peuvent être coauteurs. La solution que vous apportez reste donc à mon sens à mi-chemin par rapport à toutes les questions que pose un dossier que vous avez choisi d'ouvrir.

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Oui, monsieur Marleix, nous allons supprimer la Cour de justice de la République.

Avec cette réforme de la Constitution, les politiques ne seront plus jugés par des politiques, les politiques seront jugés comme tout le monde par des juridictions de droit commun. C'est une avancée considérable pour la confiance que les citoyens peuvent avoir et dans leur justice et dans la classe politique qui exerce les responsabilités.

Nous avons réalisé beaucoup d'auditions sur ce sujet parce qu'il est éminemment complexe. La Cour de justice de la République n'est pas arrivée dans notre système par hasard : elle a été le fruit d'une histoire, elle est la conséquence de difficultés qui se sont posées dans le passé. Nous avons souhaité apporter des réponses concrètes, efficaces et indispensables pour nos concitoyens.

Nous souhaitons que les ministres soient jugés demain par des juridictions de droit commun. Nous avons entendu les reproches que la Cour de justice de la République suscite. On reproche notamment à cette juridiction d'être composée par des politiques, son absence de double degré de juridiction, et le fait que les poursuites soient disjointes avec les coauteurs, les complices, etc. Nous avons souhaité répondre à toutes ces objections, la plus importante étant que les poursuites étaient séparées.

Nous proposons donc une compétence exclusive de la cour d'appel de Paris qui est composée de magistrats aguerris, compétents, aptes à juger des affaires complexes, et qui sont des magistrats du droit commun.

Nous proposerons ultérieurement, par l'amendement CL1535, d'apporter une réponse à la difficulté relative à la connexité. Nous souhaitons que les poursuites soient communes entre les ministres, leurs coauteurs, mais aussi les complices, receleurs, etc., parce que nous savons que si nous voulons une bonne administration de la justice nous ne pouvons continuer à dissocier les procédures. Nous apporterons donc une réponse à ce défaut majeur.

Avec ce nouveau dispositif, nous répondons à une vraie attente des citoyens : que les politiques soient jugés comme tout le monde. Je ne doute pas un seul instant que c'est ce que vous souhaitez.

Avis défavorable à cet amendement de suppression de l'article 13.

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Vous n'avez pas répondu à ma question, madame la rapporteure.

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Madame la rapporteure, vous nous dites que les politiques seront jugés comme tout le monde. Pourtant, ce n'est pas ce qui est écrit à l'article 13. Ils ne seront pas jugés par le même tribunal ni les mêmes juges que tout le monde

On peut comprendre qu'il faille un traitement particulier pour les femmes et les hommes politiques, auquel cas on assume de dire qu'ils seront traités différemment. Mais on ne peut pas dire qu'ils seront traités comme tout le monde et créer une juridiction spéciale au motif qu'ils ne peuvent pas être jugés par tout le monde.

L'article 13 est donc en totale contradiction avec ce que vous dites. S'ils doivent être jugés comme tout le monde, ils doivent aller devant les tribunaux comme tout le monde, sans choisir les magistrats.

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Monsieur Pupponi, je comprends ce que vous dites parce que, initialement, avant le début de nos auditions extrêmement nombreuses, fournies et d'une qualité qui m'a fortement impressionné – j'avoue avoir eu une certaine fierté à participer à ces auditions au cours desquelles on a eu la chance d'entendre les personnes qui comptent dans notre appareil judiciaire français – j'avais la même position que vous. Mais on nous a expliqué que ça ne marcherait pas.

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Donc, ils ne peuvent pas être jugés comme tout le monde !

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Si, ils seront jugés par des juges du droit commun. La seule différence, c'est que ce sont des juges aguerris.

De même, pour certaines affaires, notamment dans des cas de terrorisme, on n'est pas jugé exactement par les mêmes juges.

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Tout à l'heure, j'ai posé une question à la rapporteure sur l'absence de double niveau de juridiction, et notamment la compatibilité du dispositif que vous avez imaginé par rapport à la Cour européenne des droits de l'Homme.

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Par une décision du 12 février 2004 relative à la loi portant statut d'autonomie de la Polynésie française, le Conseil constitutionnel a considéré que le principe du double degré de juridiction n'avait pas en lui-même valeur constitutionnelle.

En 1980, la France a émis une déclaration sur l'alinéa 5 de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, indiquant qu'elle interprétait cet article comme posant un principe général auquel la loi pouvait apporter des exceptions limitées, qu'il en était ainsi notamment pour certaines infractions relevant en premier et dernier ressort du tribunal de police et, au demeurant, que les décisions rendues en dernier ressort – c'est cela qui est important – pouvaient faire l'objet d'un recours devant la Cour de cassation qui statue sur la légalité de la décision intervenue.

Une déclaration faite par la France, le 22 novembre 1984 et confirmée lors du dépôt de l'instrument de ratification, le 17 février 1986, relative à la Convention européenne des droits de l'Homme indique que l'examen par une juridiction supérieure peut se limiter à un contrôle de l'application de la loi, tel le recours en cassation.

Il ressort de ces éléments, que je pourrai vous communiquer intégralement, que le double degré de juridiction n'est pas une exigence, ni constitutionnelle ni conventionnelle, et qu'en fait le recours en cassation fait office de double degré de juridiction au sens prévu par les conventions internationales auxquelles la France est partie.

C'est un point sur lequel nous nous sommes beaucoup interrogés. Comme l'a rappelé Erwan Balanant, nous avons réalisé treize auditions sur la Cour de justice de la République car nous pensions que c'était un des éléments à prendre en compte. Mais il n'a pas résisté à l'ensemble de l'examen de cette jurisprudence.

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Imaginez qu'un ministre soit mis en examen et poursuivi dans le cadre d'une affaire de terrorisme. Aujourd'hui, pour une affaire de terrorisme on va devant une cour d'assises spéciale pour terroristes. Demain, on va donc créer un tribunal différent, avec des magistrats de la cour d'appel qui ne sont pas des spécialistes en matière de terrorisme. Et les complices du ministre mis en examen pour faits de terrorisme seront jugés devant la même cour.

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Ce n'est pas demain que l'on va rencontrer le cas d'un ministre mis en examen dans le cadre d'une affaire de terrorisme !

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Cela veut donc dire qu'il n'y a pas en France de cour d'assises spéciale pour des faits de terrorisme !

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Monsieur Pupponi, je veux vous rassurer : si demain un ministre était mis en examen pour des faits de terrorisme, il serait jugé comme un Français normal.

Avec cet article, on a essayé de lever cette connivence du jugement de l'entre-soi qui avait été dénoncée dans de précédents débats dans le cadre de la Cour de justice de la République et de savoir si l'exercice de la fonction ministérielle était anodin. Je ne le crois pas personnellement.

Notre volonté a été à la fois de supprimer cette suspicion en passant par une formation de jugement de droit commun et de faire en sorte que l'exercice si particulier d'une fonction gouvernementale puisse être exercé dans une sérénité suffisante pour pouvoir diriger ce pays.

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Je pense que la Commission est suffisamment éclairée.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CL965 de M. André Chassaigne.

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L'article 68-3 de la Constitution doit être maintenu afin que le nouveau dispositif puisse s'appliquer aux faits commis avant son entrée en vigueur, donc aux affaires pendantes devant la Cour de justice de la République.

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L'organisation de la transition entre les deux juridictions a été l'une de nos préoccupations mais l'ensemble des personnes que nous avons interrogées nous ont indiqué qu'il n'était pas nécessaire de prévoir des dispositions transitoires, que la transition s'effectuerait automatiquement. Je vous rejoins dans votre préoccupation mais la précision n'est pas nécessaire. Avis défavorable.

La Commission rejette cet amendement.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL1503 du rapporteur général.

Elle se saisit de l'amendement CL451 de Mme Cécile Untermaier.

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Si l'on considère que les ministres sont des justiciables comme les autres, ils doivent être jugés par les mêmes tribunaux dans les mêmes conditions. Si ce ne sont pas des justiciables comme les autres, comme le dit la présidente de la commission, il vaut mieux qu'ils soient jugés par des magistrats choisis. On peut le justifier, et c'est ce qui expliquait la création de la Cour de justice de la République.

Faites comme vous voulez. Nous savons quels commentaires nous trouverons dans les journaux. L'article tel que rédigé sera interprété par le commun des mortels comme la création d'une juridiction spécifique pour les ministres. Vous avez raison de dire que ce n'est pas vrai si vous y croyez, mais c'est comme cela que ce sera interprété. Je ne vais pas vous convaincre mais je lirai la presse avec délectation dans les jours à venir.

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Moi, je ne lirai pas la presse avec délectation parce qu'il s'agit d'une affaire bien trop sérieuse.

Il ne s'agit en aucun cas d'une juridiction spécifique, mais de magistrats de la cour d'appel de Paris, et nous ne prévoyons pas non plus de composition spécifique à la cour d'appel de Paris. Mais nous considérons, à la suite de multiples auditions et réflexions, que la responsabilité d'un ministre qui exerce des fonctions politiques n'est pas celle de tout un chacun. C'est la raison pour laquelle il existe un dispositif, dont vous ne parlez pas, avec une commission des requêtes chargée d'effectuer un filtre relatif aux plaintes visant les ministres. La présidente de cette commission des requêtes nous a indiqué que, sur près de 1 500 plaintes reçues, seulement quarante ont fait l'objet d'une instruction. J'ai même appris un mot à cette occasion : les « quérulents » sont des personnes qui portent plainte de façon récurrente contre tel ou tel ministre pour des faits complètement farfelus. Il est indispensable d'avoir un dispositif de filtre, d'instruction et de jugement.

Cette réforme vise à ce que les ministres soient redevables d'une justice avec les mêmes magistrats que vous et moi, mais selon une procédure de mise en cause de leur responsabilité spécifique, parce qu'ils sont, de fait, plus exposés aux plaintes abracadabrantesques et que l'action ministérielle procède d'un régime de responsabilité qui ne peut être assimilé à tout un chacun.

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Je connais l'intelligence de M. Pupponi et je pense qu'il fait semblant de ne pas comprendre. Ce dispositif excellemment construit résulte d'une réflexion approfondie et d'auditions nombreuses. Nous supprimons la justice d'exception de ministres jugés par leurs pairs. Ils seront jugés par des juges. C'est simple.

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Je modérerai un peu l'enthousiasme de madame la rapporteure : un homme politique restera jugé par ses pairs, le chef de l'État, car je n'ai pas entendu M. Macron s'engager sur la question du statut pénal du Président de la République, contrairement à son prédécesseur, qui en avait parlé et ne l'a pas fait.

Plus sérieusement, vous m'avez, madame la rapporteure, répondu tout à l'heure sur la constitutionnalité du double niveau de juridiction. Ce n'est pas le sujet. La question est de savoir ce qui se passera demain si un ministre condamné saisit la CEDH au titre de l'article 6-1 de la Convention relatif au droit à un double niveau de juridiction. En matière pénale, la CEDH exige un double niveau de juridiction, elle l'a encore dit dans un arrêt de 2017, qui rappelle en outre que ce double niveau doit avoir la qualité de pleine juridiction, ce qui ne paraît pas être le cas de la cour de cassation. Je ne voudrais pas qu'un dispositif de notre norme suprême soit demain balayé par un arrêt de la CEDH.

La Commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CL1353 de Mme Laurence Vichnievsky.

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L'amendement de notre collègue Laurence Vichnievsky, précisant l'alinéa 4 de cet article, peut justement nous éclairer sur la question du premier et du dernier ressort, et on ne peut douter du professionnalisme de notre collègue en la matière.

L'article 2 du protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme reconnaît à toute personne déclarée coupable en matière pénale le droit à un double degré de juridiction. Mais, d'une part, le recours en cassation, qui sera normalement exercé devant la chambre criminelle de la cour de cassation, répond, selon la jurisprudence de la CEDH, à l'exigence du double degré de juridiction, d'autre part, le protocole lui-même prévoit que ce droit peut faire l'objet d'une exception lorsque la personne en cause a été jugée en première instance par la plus haute juridiction.

Dès lors, il est préférable que les décisions de la cour d'appel de Paris soient prises, en la matière, en premier et dernier ressort, c'est-à-dire sans possibilité d'appel.

Les auteurs du projet de loi constitutionnelle ont sans doute considéré que cette solution se déduisait de la rédaction de l'article 13. Pour éviter toute incertitude à cet égard, il est proposé qu'elle figure expressément dans le texte de la Constitution.

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Le dispositif que nous prévoyons, avec la cour d'appel de Paris, permettra un jugement par des magistrats expérimentés et un appel à la cour de cassation pour un contrôle en droit, je pense que c'est suffisant. Avis défavorable.

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Mme Vichnievsky est un peu dure, pour une magistrate, avec les droits d'un ministre, qui n'aurait droit qu'à un seul jugement en premier et dernier ressort. Même avec l'intervention de la Cour de cassation, cela paraît un peu restrictif. Nous aurions pu imaginer, comme c'est le cas depuis plusieurs années en assises, la possibilité, après l'appel, d'un autre examen, une procédure plus respectueuse du droit des personnes.

La Commission rejette cet amendement.

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L'amendement CL734 de Mme Christine Pires Beaune n'est pas défendu.

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Il faudra, à l'occasion, que nos collègues Mme Pires Beaune, M. Dufrègne et Mme Bareigts nous expliquent pourquoi ils ont imaginé qu'il convenait que la cour d'appel de Paris, qui est compétente parce que les ministères sont à Paris, soit remplacée, au nom de la déconcentration, par la cour d'appel de Riom de sinistre mémoire…

La Commission adopte successivement l'amendement rédactionnel CL1504 et l'amendement de précision CL1505 du rapporteur général.

Elle examine l'amendement CL1535 du même auteur.

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Cet amendement a pour objet d'éviter la dissociation des procédures entre les membres du Gouvernement et les co-auteurs ou complices présumés, qui fait courir un risque de discordance entre les décisions rendues par les juridictions répressives de droit commun et par la juridiction dont relèvent les ministres, comme cela a déjà été le cas, par exemple, en 2010.

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J'ai tout à l'heure défendu un amendement dans lequel je prévoyais une déclinaison par une loi organique et vous m'avez répondu, monsieur le rapporteur général, qu'il était problématique d'inscrire une telle chose dans la Constitution. À moins que je ne vous aie mal compris, je m'étonne donc que vous utilisiez le procédé.

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J'ai sans doute dû mal m'exprimer, car je n'imagine pas que vous m'ayez mal compris...

L'amendement que nous proposons dispose : « Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles la cour d'appel de Paris peut connaître des faits commis par les coauteurs ou complices des ministres et détermine les conditions d'application du présent article. » Il s'agit de modifier un point de notre Constitution relatif à l'autorité judiciaire, qui préexiste donc dans le texte de la Constitution, ce qui n'était pas le cas de votre proposition.

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Comment s'articulent, s'agissant des poursuites contre un ministre, le rôle de la commission des requêtes et celui du procureur territorialement compétent, contre les fonctionnaires ? Le procureur a la pleine et entière liberté des poursuites et donc quid de sa relation avec la commission des requêtes agissant pour le compte du ministre ? Comment assure-t-on la coordination, étant entendu qu'il s'agit de deux autorités parfaitement indépendantes ?

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Nous avons prévu un renvoi à la loi organique qui doit justement préciser l'articulation de ces procédures. Ce n'est pas simple mais nous nous sommes rendu compte, au cours des auditions, que les procédures distinctes étaient problématiques en termes de bonne administration de la justice, d'équité des peines et d'efficacité parce que, pour mener des instructions dont on espère qu'elles feront jaillir la vérité, il faut que les personnes puissent être entendues, ce que les poursuites séparées ne permettent pas. Nous renvoyons donc à une loi organique mais la connexité des poursuites doit impérativement figurer dans la Constitution.

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Vous prévoyez dans la Constitution la possible soumission du procureur à la décision de la commission créée dans la Constitution, sinon vous ne pourrez pas organiser cette soumission.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle adopte l'article 13, modifié.

Après l'article 13

La Commission est saisie de l'amendement CL753 de M. Éric Coquerel.

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Cet amendement parle de démocratie sociale. Comme l'a dit Jean Jaurès, « la Révolution a fait du Français un roi dans la cité et l'a laissé serf dans l'entreprise ». C'est à cette problématique qu'entend répondre l'amendement, qui dispose que la République garantit la démocratie sociale.

Reposant sur le constat de l'impact puissant des déterminants économiques sur l'exercice effectif de la citoyenneté, la démocratie sociale induit notamment les principes suivants. Le lien de subordination économique ne doit pas nuire à l'exercice de la citoyenneté. La conduite des affaires économiques doit se faire de façon démocratique, par la participation de l'État ou des salariés à la gestion des entreprises, comme cela se fait déjà dans les entreprises coopératives. Les inégalités de revenus doivent être limitées pour ne pas conduire à la séparation sociale des groupes sociaux les plus riches ou les plus pauvres ; on ne vit plus, de fait, dans la même République quand on accumule des richesses excessives. L'État protège les salariés des excès du lien de subordination en entreprise. Les salariés participent à la gestion de l'entreprise par leur présence ou celle de leurs représentants dans les instances de décisions. L'État peut réquisitionner une entreprise privée dont la gestion porterait atteinte à l'intégrité et à la dignité de ses salariés, ou pour des considérations d'intérêt général. Dans les entreprises, l'écart entre les salaires doit être limité.

Par toutes ces dispositions, nous proposons une certaine forme de révolution au sein de l'entreprise en y rendant effective la citoyenneté du salarié.

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Avis défavorable à cet amendement qui vise à introduire dans la Constitution un nouveau titre consacré à la démocratie sociale. Une Constitution, je le répète, doit être claire, lisible, précise, concise. Là, nous avons quelque chose de long, de bavard, de sujet à appréciations pouvant varier selon que notre peuple choisit telle ou telle majorité politique et qui pourrait être un ferment de discussions permanentes. Nous sommes pour des Constitutions qui durent et non pour la révolution permanente.

Les dispositions du préambule de 1946 qui garantissent l'action syndicale, le droit de grève et la participation à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion des entreprises constituent un cadre constitutionnel suffisant et adapté. Ce que j'ai lu dans ce qu'il est coutume d'appeler l'exposé sommaire, et qui est ici non pas sommaire mais très richement détaillé, relève éventuellement de procédures législatives.

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Vous ne souhaitez pas que ce soit dans la Constitution mais dans la loi…

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Je n'ai pas le sentiment que votre réponse portait sur le fond, c'est pourquoi je me permets de tourner cette réponse sur la forme à mon avantage. Nous continuerons avec mes collègues à chercher à obtenir des réponses au fond.

Vous trouvez cela bavard : quant à moi, je ne trouve pas que « dans l'entreprise, l'écart entre les salaires doit être limité » soit bavard : c'est clair, net, efficace, précis, et compréhensible pour l'ensemble des salariés de ce pays.

La Commission rejette cet amendement.

Elle en vient à l'amendement CL756 de M. Éric Coquerel.

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Cet amendement porte sur les services publics car il existe une volonté récurrente de démanteler, amoindrir, restreindre les services publics qui sont pourtant notre bien commun et, comme on le dit souvent, le patrimoine de ceux qui n'ont rien. Nous proposons de placer au niveau de la Constitution des principes qui existent aujourd'hui, pour certains, dans la loi, car nous ne souhaitons pas qu'une ou des majorités à venir remettent en cause ce qui fonde la République et permet à sa devise « Liberté, égalité, fraternité » de s'incarner, dans les services publics.

Nous proposons par exemple d'écrire : « Les services publics sont garants de l'unité et de l'indivisibilité de la République. Ils composent l'ensemble des organismes destinés à satisfaire un besoin d'intérêt général et à la gestion des biens communs. » L'État veille à ce que les services publics soit administrés dans le respect des principes suivants : la continuité, l'égalité sur le plan social et territorial, la neutralité et le respect de la laïcité. Nous ajoutons même : « Une loi organique précise les conditions d'application du présent article. » Nous constitutionnalisons le statut des fonctionnaires et nous ajoutons : « Les services publics ne peuvent être privatisés dans la mesure où ils constituent une ressource nécessaire à l'unité de la République », ce qui est notamment la problématique des biens communs. Nous constatons dans nos débats la tentation du secteur marchand, c'est-à-dire des capitalistes, de s'accaparer de secteurs de la société aujourd'hui socialisés et qui le sont parce que cela permet de garantir la liberté, l'égalité et la fraternité.

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L'introduction dans la Constitution d'un nouveau titre consacré aux services publics n'apparaît pas nécessaire. Les services publics sont saisis dans leur fonctionnement par un grand nombre de principes constitutionnels. Qu'il s'agisse de l'égalité, de la laïcité ou du français langue de la République, leur champ d'application dépasse le seul cadre du service public, même si leurs effets y jouent à plein. Votre amendement est finalement très restrictif.

En outre, il existe des principes constitutionnels propres au service public, comme le principe de continuité, dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par le Conseil d'État en 1950 et le Conseil constitutionnel en 1979. Pour toutes ces raisons, de manque d'ambition mais aussi d'absence de nécessité, j'émets un avis défavorable.

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Une telle constitutionnalisation embêterait sans doute certains ministres actuels, dont M. Dussopt, qui passe son temps à chercher à réduire la voilure de l'État et de ses services publics en augmentant la part de contractuels, en externalisant, en privatisant… Vous, les libéraux, vous pensez qu'il faut moins de services publics et que l'on doit moduler la voilure du service public en fonction des majorités ; nous pensons quant à nous que la République est sociale et qu'il faut constitutionnaliser le service public en tant qu'outil pour garantir l'accès égal aux biens communs. Les décisions du Conseil constitutionnel ne concernent que l'état présent de la Constitution et pas celui d'une Constitution révisée.

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Je suis déçu par cet amendement car il y manque le service public de l'enseignement du français à l'étranger. Il existe plus de 500 lycées français à l'étranger, où résident 2,5 millions de nos compatriotes, qui sont une richesse pour notre Nation. J'aurais donc sous-amendé votre amendement si j'avais le droit de le voter, mais je ne fais pas partie de la commission des Lois.

La Commission rejette cet amendement.

Article 14 (art. 69, 70 et 71 de la Constitution) : Transformation du Conseil économique, social et environnemental en une Chambre de la société civile

Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l'amendement CL221 de M. Philippe Gosselin.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CL1513 du rapporteur général et CL1354 de M. Erwan Balanant, ainsi que les amendements CL452 et CL453 de Mme Cécile Untermaier.

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Nous proposons de substituer aux alinéas 3 à 14 de l'article 14 dix alinéas refondant le CESE. Nous étions opposés à l'amendement de suppression, mais nous sommes d'accord sur le constat : le CESE n'a pas trouvé sa place dans notre République et doit être réformé. Nous avons réfléchi, avec Erwan Balanant du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, non pas à ce que nous pourrions faire du CESE mais à ce dont nous avions besoin en tant que Représentation nationale. Il existe une forte aspiration à la rénovation démocratique et à la participation citoyenne, et le CESE pourrait devenir un espace de dialogue au sein de la société civile organisé pour les citoyens, pour la démocratie participative, pour l'innovation, pour des débats citoyens, pour des jurys citoyens.

Nous avons donc également souhaité le renommer et proposons, M. Balanant, mes collègues rapporteurs et moi, le nom de « Forum de la République ». Il sera ainsi dénommé par ce qui le constitue et il n'y aura plus de confusion dans les esprits ou de mélange des genres.

Ce Forum de la République nous permettra d'institutionnaliser un espace de dialogue qui pourra nous conseiller mais en aucun cas décider. Le rôle de chacun sera bien établi : le Gouvernement gouverne, le Parlement vote les lois, contrôle et évalue les politiques publiques, et le Forum de la République nous conseille en étant un espace de dialogue entre les corps intermédiaires et avec les citoyens.

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Merci, madame la rapporteure, pour cet exposé brillant et pour le travail que nous avons conduit ensemble et dont je suis assez fier, pour une institution qui a été en son temps pleine de promesses et est aujourd'hui source de soucis. Nous ne faisons pas table rase de l'existant, nous prévoyons son évolution. Ce Forum de la République permettra de résoudre un des paradoxes de notre démocratie, avec des citoyens qui, d'un côté, veulent participer de plus en plus à la décision, sont allants vers la chose politique, mais qui, d'un autre côté, éprouvent une défiance envers la démocratie représentative. Ce Forum de la République sera, je l'espère, un pivot entre cette volonté et cette défiance, en redorant le blason de la démocratie participative.

Les missions qu'il pourrait avoir seront de conduire le débat public, travailler sur les enjeux du long terme, porter les orientations de la société civile au sens large, au-delà des corps intermédiaires – la société civile est aussi dans notre assemblée –, animer la participation citoyenne.

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Je vous soumets une autre idée. Le CESE n'a en effet pas réussi à s'imposer comme une troisième chambre car il y avait déjà assez de deux chambres. En faire un lieu de recueil des pétitions et de concertation me paraît plus pertinent ; c'est ce qu'il est d'ailleurs déjà en grande partie.

Dans notre pays, le niveau réglementaire pèche. Sauf à de rares exceptions où le législateur a imposé au Gouvernement des procédures avant l'adoption de décrets, par exemple sur le handicap, où une instance nationale doit être consultée, généralement le niveau d'échange et de concertation avant décret est extrêmement bas, et il existe un fossé immense entre la concertation sur la loi et la concertation sur le décret. Une obligation de consultation de ce nouveau Forum de la République sur les projets de décret serait utile. Ce serait une procédure parallèle au Conseil d'État pour représenter la société civile.

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Tout cela est très intéressant, mais il est tout de même dommage que nous discutions de la réforme constitutionnelle au mois de juillet, qui n'est pas la bonne saison pour impliquer nos concitoyens.

Si l'on voulait réellement impliquer le citoyen, il faudrait lui donner des pouvoirs plus directs. Nous avons proposé, dans ce débat, la révocation des élus ou encore un droit de pétition non pas devant le Forum de la République mais directement devant les assemblées parlementaires.

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Ces amendements ne me posent pas problème dans le principe mais il me semble que, par rapport à ce que prévoit le Gouvernement, il n'y a plus de consultation obligatoire du Forum de la République sur les projets de loi qui ont une vocation économique, sociale et environnementale. De même, il n'est plus fait mention d'une consultation par le Conseil d'État. J'aimerais savoir pourquoi.

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Il nous a semblé que donner un caractère obligatoire en réalité affaiblit la puissance de ce futur Forum de la République ; nous l'avons donc enlevé. Je ne pense pas que cette instance aura vocation à se saisir de tous les textes. Ici, avec plus de 2 000 collaborateurs et administrateurs, nous avons une force de travail importante qu'elle n'aura pas. Le forum travaillera plutôt sur les grandes orientations.

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Ces amendements répondent à l'objectif que nous portons de rénover notre vie politique et d'y renforcer la présence des citoyens. Avec cette transformation du CESE en Forum de la République, nous répondons aux demandes y compris des actuels membres du CESE, qui sont les premiers à déplorer le peu de poids des différents rapports qu'ils rendent. Les membres de ce Forum pourront venir exposer leur avis devant les assemblées parlementaires, ce qui l'ancrera vraiment dans le processus d'élaboration de la loi. J'ai une petite réserve sur le nom car le mot « forum » peut être un peu contre-productif, mais le plus important, c'est le fond et les compétences que l'on donne à cette instance.

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Il faut donner un nom aux choses et cela me semble être le nom le plus éloquent, celui qui répond le mieux à l'ambition de ce futur Forum. Notre Président de la République, au Congrès, le 3 juillet 2017, déclarait : « L'actuel CESE doit pouvoir devenir le forum de la République. Il réunira toutes les sensibilités et toutes les compétences du monde de l'entreprise. »

La Commission adopte les amendements identiques CL1513 et CL1354.

En conséquence, les amendements CL452 et CL453 tombent, de même que les amendements CL37, CL360, CL454, CL675, CL509, CL38, CL204, CL181, CL1376, CL658, CL1166, CL1258, CL1242, CL39, CL182, CL676, CL1291, CL455, CL456, CL614, CL40, CL615, CL41, CL677, CL678 et CL309.

La Commission adopte l'article 14, modifié.

Après l'article 14

La Commission examine l'amendement CL441 de Mme Cécile Untermaier.

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Cet amendement vise à renforcer substantiellement les pouvoirs du Défenseur des droits.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l'amendement.

Elle en vient à l'amendement CL198 de M. M'jid El Guerrab.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement CL470 de Mme Cécile Untermaier.

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Cet amendement vise à franchir une étape supplémentaire dans la construction du système de prévention des risques déontologiques en inscrivant dans la Constitution l'objectif de probité et d'intégrité de la vie publique et en créant une nouvelle Haute Autorité constitutionnelle qui reprendrait les missions actuelles de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et de la commission de déontologie de la fonction publique.

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Avis défavorable. Il ne semble pas justifié de créer une nouvelle autorité constitutionnelle. Certes, il a été proposé dans plusieurs rapports de fusionner la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique avec la Commission de déontologie de la fonction publique, mais aucun ne préconise la constitutionnalisation de l'entité ainsi créée, qui n'apparaît pas nécessaire. S'agissant des questions de transparence et de déontologie, il convient selon nous de ne pas figer les choses dans le marbre – dont je vous rappelle qu'il est le matériau dont sont faites les pierres tombales.

La Commission rejette l'amendement.

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Chers collègues, nous avons examiné 1 115 amendements en trente-six heures et 228 amendements restent en discussion. Nous reprendrons nos travaux lundi 2 juillet, à quatorze heures.

La réunion s'achève à 23 heures 15.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, Mme Huguette Bello, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, M. Jean-François Eliaou, M. Richard Ferrand, M. Marc Fesneau, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, Mme Catherine Kamowski, M. Olivier Marleix, Mme Naïma Moutchou, M. Bruno Questel

Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Paula Forteza, M. Mansour Kamardine, Mme Maina Sage, M. Raphaël Schellenberger, Mme Alice Thourot, M. Arnaud Viala, M. Guillaume Vuilletet

Assistaient également à la réunion. - M. M'jid El Guerrab, M. François Pupponi, M. Jean-Hugues Ratenon