Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mercredi 4 octobre 2017 à 9h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 4 octobre 2017

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Bruno Studer, président)

La Commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'audition de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde, sur son projet stratégique et l'exécution du contrat d'objectifs de moyens de la société en 2016.

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Mes chers collègues, j'ai le plaisir d'accueillir Mme Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde. Nous sommes heureux, madame la présidente, de vous recevoir pour échanger sur le bilan et l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société en 2016. Mais nous vous entendrons aussi sur votre projet stratégique, puisque le Conseil supérieur de l'audiovisuel vous a reconduite pour cinq ans à la tête de France Médias Monde le 28 juin 2017. Recevez toutes nos félicitations.

Vous nous détaillerez votre feuille de route. Bien entendu, une question va s'imposer aujourd'hui : le projet de loi de finances pour 2018, qui vient d'être déposé, prévoit une dotation de 257,8 millions d'euros pour France Médias Monde (FMM), soit environ deux millions d'euros de moins que ce qui figurait au plan d'affaires prévu dans le contrat d'objectifs et de moyens. Cette légère contraction de vos moyens va-t-elle vous conduire à revoir vos objectifs de développement ? Sur quels éléments pourrait alors porter l'effort ?

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Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde

En guise d'introduction, permettez-moi de décrire le paysage audiovisuel mondial dans lequel nous oeuvrons. Notre pays est attendu et estimé dans le monde bien au-delà de la perception qu'on en a parfois à l'intérieur de nos frontières. Cela vaut en particulier après le Brexit, après la remise en cause par Donald Trump des accords de Paris sur le climat, mais aussi face à la vague migratoire sans précédent qui déferle sur une Europe fragilisée, outre du fait du Brexit, par des mouvements politiques qui la remettent en cause, alors que de toutes parts le terrorisme et la violence frappent et s'attaquent à des valeurs qui sont au coeur de notre histoire, de notre société, de notre civilisation et de notre devenir. Donc, dans un monde devenu largement imprévisible et dangereux, la France est un repère, plus que jamais. Et la France a plus que jamais besoin d'un outil puissant pour porter sa voix singulière dans la bataille des idées qui se joue. C'est aussi une bataille de civilisation. Souvent, nous sommes seuls à porter une certaine vision du monde.

France Médias Monde a su s'imposer comme un acteur qui compte sur la scène internationale à travers ses trois médias – France 24, Radio France Internationale (RFI), Monte Carlo Doualiya (MCD) – et les quinze langues dans lesquelles ils diffusent dans plus de 180 pays. La stratégie menée ces dernières années a porté ses fruits, comme en témoignent les résultats d'audience sur la période. Au total, à la fin 2016, le groupe comptait 135 millions de contacts par semaine en moyenne – les chiffres d'audience, qui évoluent chaque mois, ne seront réactualisés qu'à la fin 2017. Ainsi, chaque semaine, dans les pays où l'audience linéaire est mesurée, soit un tiers des pays où nous sommes présents, France 24 rassemble 55 millions de téléspectateurs, chiffre en croissance de 31 % par rapport à 2012, RFI compte 41,3 millions d'auditeurs, soit une hausse de 19 % par rapport à 2012, et Monte Carlo Doualiya 7,3 millions, soit une hausse de 9 % par rapport à 2012. Sur l'ensemble de nos environnements numériques, au premier semestre 2017, nous cumulons 35 millions de visites en moyenne chaque mois, soit deux fois plus qu'en 2012 sur nos environnements propriétaires, et comptons désormais 60 millions d'abonnements sur Facebook et Twitter.

Au-delà de ces données quantitatives, la reconnaissance de notre pays et de nos médias est grande aussi sur le plan qualitatif. Je rentre de Bogota et de Buenos Aires, où nous avons lancé notre chaîne télévisée en espagnol le 26 septembre à Bogota, siège de sa rédaction en espagnol, et, le 28 septembre, à Buenos Aires où notre nouvelle chaîne est diffusée sur la TNT nationale. L'enthousiasme des autorités et celui des médias est assez difficilement imaginable depuis Paris. C'était assez renversant. Le Président de la République colombienne, Juan Manuel Santos, m'a reçue pour me dire sa reconnaissance devant cet acte fort de la France d'avoir choisi Bogota pour implanter la rédaction en espagnol de France 24 car, symboliquement, cette décision montre que la Colombie, après des années de lutte contre les narcotrafiquants et contre les FARC, a rejoint le camp des nations apaisées.

Ajoutons que l'étude réalisée aux États-Unis cette année donne à France 24 la meilleure note de satisfaction de ses téléspectateurs, égale à celle de la BBC, et largement supérieure à celles attribuées à CNN, Al Jazeera, Russia Today ou Euronews.

Si notre groupe s'en sort bien sur la scène internationale, il n'en demeure pas moins que cet univers audiovisuel international dans lequel nous opérons est en pleine mutation avec, pour nous, deux défis majeurs. D'une part, la concurrence des autres grands médias internationaux s'intensifie alors qu'ils disposent de moyens financiers infiniment supérieurs aux nôtres et en forte croissance. Par exemple, BBC World, hors la chaîne de télévision BBC News, est dotée pour 2017 d'un budget de 437 millions d'euros et bénéficie d'une dotation supplémentaire entre 2015 et 2019 de 335 millions d'euros pour développer onze nouvelles langues – le groupe en compte déjà vingt-huit – et ses plateformes numériques. L'objectif pour 2019 est un budget de 637 millions d'euros. Notre budget, cette année, est d'un peu moins de 260 millions d'euros.

Russia Today lance sa chaîne en français sur 24 heures, alors qu'elle a déjà une chaîne diffusée en permanence en espagnol. Par comparaison, France 24 n'émet en espagnol que sur six heures. La Deutsche Welle, notre concurrente la plus proche, ne dispose, si j'ose dire, que d'un budget de 50 millions d'euros supérieur au nôtre. Je pourrais poursuivre en citant les budgets de BBG, le groupement des chaînes publiques américaines, ou d'Al Jazeera, qui disposent également de moyens considérables.

Le deuxième défi est celui de la révolution ou transformation numérique permanente, qui ouvre sans cesse de nouveaux horizons, si nous sommes capables d'adapter nos offres aux nouvelles plateformes, mais qui pose aussi la question de la maîtrise de notre information dominée de plus en plus par les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et par leurs algorithmes, mais aussi la question de la manipulation des opinions à travers les fausses nouvelles, les « infox ». Cela véhicule aussi, certes involontairement, la radicalisation de certaines personnes dans notre société, souvent des jeunes gens, pour ne rien dire des cyberattaques qui nous menacent puisque nous essuyons 2,5 millions de tentatives d'intrusion chaque mois.

J'ajoute que nos médias sont en première ligne dans de nombreux pays en crise, et que la sécurité a pris une dimension croissante dans notre activité. Car, si aucun reportage ne vaut une vie, le risque zéro n'existe pas dans les zones que notre mission de service public mondial nous donne à suivre et à couvrir.

Dans ce contexte, France 24, RFI et MCD ont affirmé leur différence, enrichi leurs offres éditoriales télévisuelles, radiophoniques et numériques dans leurs quinze langues et conquis un public toujours plus nombreux et en croissance.

Les performances remarquables du groupe sont le fruit d'une stratégie volontariste tant en matière éditoriale, en particulier numérique, que de maillage de notre distribution mondiale ou d'organisation et de gestion du groupe. Ces transformations, cette dynamique, se poursuivent pour faire face à des enjeux sans cesse renouvelés dans le cadre de notre actuel contrat d'objectifs et de moyens. Cela étant, les gains de productivité et les économies qui ont financé l'essentiel de ces développements ont épuisé les marges de manoeuvre de la société qui ne peut réaliser les économies prévues au projet de loi de finances pour 2018 par rapport à son contrat d'objectifs et de moyens qu'en renonçant à des missions.

La stratégie volontariste que nous avons menée est au service des missions et engagements du groupe, qui sont notre raison d'être. Notre cahier des charges indique que France Médias Monde a pour mission d'assurer le rayonnement de la France et de la langue française et de véhiculer les valeurs démocratiques et républicaines au niveau mondial afin de proposer une alternative, dans plusieurs langues, aux médias existants.

Il s'agit d'abord pour nos médias de raconter la France au monde, depuis Paris mais aussi de manière délocalisée. Les trois médias s'adressent au monde depuis la France en quinze langues et présentent une vision française de l'actualité internationale, donc une vision plurielle des enjeux, en donnant les clés de compréhension de la France et de son actualité sous toutes ses facettes, qu'elle soit politique, économique, sociale ou encore culturelle, à moins qu'elle ne touche aux arts de vivre, à la recherche, au patrimoine, à l'innovation. Nous privilégions le débat d'idées, qui est une signature très française – car nous aimons beaucoup débattre et avoir des idées.

Notre deuxième point fort est la promotion des valeurs démocratiques et républicaines, puisque nous sommes porteurs d'une certaine idée de l'information. Nous nous sommes ainsi dotés d'une charte de déontologie de l'information, écrite à quarante mains avec l'ensemble des représentants des journalistes, qui rappelle les grands principes tels que l'indépendance à l'égard des pouvoirs politiques ou économiques – c'est le gage de notre crédibilité internationale, la liberté d'informer et le droit à être informé librement, l'honnêteté de l'information et la lutte contre les fausses informations et la propagande.

Nous défendons aussi la laïcité, une notion souvent incomprise. Nous promouvons également la diversité, l'égalité entre les femmes et les hommes, la cohésion sociale, y compris sur notre territoire, la lutte contre les discriminations ou encore le développement durable. Le groupe s'attache aussi à participer à des initiatives citoyennes, en particulier dans l'univers du numérique, avec un site comme « InfoMigrants », notre application « RFI Challenge App Afrique », des émissions comme « Info-Intox » ou « Pas 2 Quartiers ». Nous revendiquons la culture dans sa diversité comme signature de tous nos médias.

La culture est omniprésente dans les programmes, en particulier dans ceux de RFI, que ce soit la culture française et francophone mais aussi la diversité de toutes les cultures du monde. Cette mission constitue un signe distinctif des médias de FMM par rapport aux offres concurrentes. Nous favorisons aussi la promotion de la langue française et son apprentissage. Nous avons un site d'apprentissage avec une interface en dix-neuf langues, grâce à nos rédactions de langue. Nous défendons aussi un fort engagement européen, notamment par rapport aux enjeux politiques mais également par rapport à l'Europe des citoyens que nous faisons vivre chaque jour sur nos antennes.

Grâce au rapprochement avec Canal France International, outil français de coopération audiovisuelle devenu filiale à 100 % de FMM, nous sommes aussi engagés dans la création d'un pôle d'expertise média dans le domaine de l'aide au développement.

Dans le paysage audiovisuel mondial, les médias de FMM sont parfois les seuls à défendre ces missions et ces valeurs. Même nos amis proches de la BBC ou de la Deutsche Welle n'ont pas exactement la même conception du rapport à la liberté et à l'art de vivre. En clair, nous sommes souvent seuls à défendre ce que nous défendons.

Ces missions inspirent évidemment les transformations opérées dans nos lignes éditoriales au cours des dernières années. Nous avons rénové la grille des trois médias, avec de nouvelles émissions, de nombreuses délocalisations pour aller au plus près de nos publics et des programmations spéciales. Nous avons assoupli le parallélisme strict des trois antennes de France 24 en matière de langue, pour mieux contextualiser chaque antenne et créer de la proximité avec nos téléspectateurs. Nous avons allongé considérablement le temps accordé aux directs et sommes passés à une production à 100 % en haute définition.

Nous avons développé la politique linguistique de RFI, en mettant l'accent sur le numérique, de telle sorte que l'offre en langue étrangère représente aujourd'hui 30 % des fréquentations des offres numériques de RFI. Nous avons aussi lancé une offre de RFI en mandingue, langue parlée par trente millions de personnes dans la bande sahélienne, dont nul n'ignore l'importance géostratégique.

Nous avons développé tous nos environnements numériques en mettant un accent particulier et fort sur la mobilité, les réseaux sociaux et la production de nouvelles formes d'écriture. Des projets stratégiques ont également été lancés comme l'offre Mashable avec France 24, permettant de toucher la jeune génération connectée des 18 à 34 ans, ainsi que des projets comme le site InfoMigrants ou encore RFI Savoirs, en collaboration avec la Deutsche Welle et avec l'Agence nouvelles des solidarités actives (ANSA). Ces transformations portent à plus de 26 % le poids du numérique dans nos audiences.

Dans notre ligne éditoriale, nous avons également réaffirmé des engagements de service public forts en matière d'accessibilité, grâce au sous-titrage des journaux télévisés pour les malentendants, en matière de parité, par le choix d'inviter des femmes expertes sur les antennes, ou encore en matière de cohésion sociale, grâce à une émission comme Pas2Quartier, qui donne l'occasion à des jeunes de filmer leur quartier. Nous mettons aussi l'accent sur l'éducation aux médias avec le programme Info-Intox, car c'est là que tout commence, la formation des enseignants, et bien sûr sur la francophonie, pour laquelle nous oeuvrons à longueur de journée.

Des avancées ont également été opérées en matière de distribution et de diffusion. En cinq ans, les médias de FMM ont renforcé considérablement leur présence mondiale. Depuis 2012, le nombre de foyers susceptibles de recevoir France 24 a augmenté de plus de 60 %, dépassant désormais la barre des 330 millions de téléspectateurs. La chaîne s'est développée au travers de la diffusion sur la TNT en Afrique, a renforcé sa distribution en Europe, au Maghreb, au Proche et au Moyen Orient, où elle est désormais diffusée en haute définition, et a fait une importante percée en Asie ainsi que dans les Amériques, grâce à un doublement de la distribution en Amérique Latine, à sept millions de foyers, et grâce au lancement de France 24 en espagnol.

Les radios RFI et MCD ont, pour leur part, consolidé leur présence internationale avec l'ouverture de nouvelles fréquences FM, en Roumanie, au Cambodge et en Côte d'Ivoire pour RFI, à Oman et, avant-hier, à Gaza pour MCD, la radio arabophone du groupe. Les radios partenaires se sont aussi beaucoup développées : elles ont plus que doublé en quatre ans et le total dépasse les 1 300 radios partenaires, notamment en Amérique latine.

Concernant la France, outre la présence de France 24 sur la télévision numérique terrestre (TNT), RFI, qui ne dispose que d'une seule fréquence FM à Paris, devrait prochainement être disponible en radio numérique terrestre (RNT) à Lille, Lyon et Strasbourg afin de s'adresser à ceux de nos concitoyens ou aux personnes vivant sur notre territoire qui n'ont pas toujours le réflexe d'écouter d'autres radios nationales et qui viennent d'autres régions du monde où RFI est précisément présente. Cela contribuera à la cohésion sociale du pays.

L'entreprise s'est profondément transformée en matière de gestion et d'organisation. Après une fusion difficilement vécue par les personnels de RFI, de MCD et de France 24, des plans de départ non ciblés, un déménagement vécu douloureusement et un climat social dégradé, FMM a stabilisé son organisation et réformé son fonctionnement. Les personnels sont désormais tous regroupés à Issy-les-Moulineaux dans des locaux que, je l'espère, vous viendrez visiter.

Les équipes ont été réorganisées à travers l'élaboration d'organigrammes précis, fondés sur des chaînes aux identités et formats distincts et des directions transverses communes fusionnées. Le dialogue social au sein de l'entreprise a été relancé dans un climat constructif qui a abouti à la signature, à la fin de 2015, d'un accord d'entreprise, qui nous dote d'un socle social applicable à l'ensemble des salariés.

Toutes les procédures de gestion ont été revues et formalisées, notamment les procédures d'achats et de planification, qui sont au coeur de médias fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre. FMM a aussi renforcé de manière drastique les dispositifs de sécurité, tant des personnes sur le terrain qu'au siège à Paris, mais également en matière de cyberattaques. C'est aussi un axe du contrat d'objectifs et de moyens actuel.

Enfin, FMM mène une politique active de développement de partenariats avec les autres sociétés de l'audiovisuel public. L'offre la plus emblématique est sans doute Franceinfo, que nous avons construit aux côtés de France Télévisions, de Radio France et de l'INA. Mais nous travaillons aussi avec TV5 Monde et avec Arte. Sur une base volontaire, il nous semble qu'il est possible d'aller plus loin, en matière de sécurité ou de mutualisation des achats et des appels d'offre, en encore en matière éducative.

S'agissant des enjeux de mutualisation éditoriale, nous sommes toujours ouverts, à condition que ces enjeux s'inscrivent dans nos missions et ne nous détournent pas de notre mission principale, qui est internationale et plurilingue, ce qui n'est pas toujours la préoccupation majeure dans les projets des médias nationaux.

Ces transformations déjà engagées se poursuivent. Elles sont d'une triple nature.

Il s'agit d'abord de la transformation numérique, qui est au coeur du COM actuel. Elle recouvre des préoccupations en termes de développement de nos empreintes multicanal pour nos programmes traditionnels, d'adaptation aux différentes plateformes de nos écritures, de multiplication des formats spécifiques nommés, de manière générique, vidéo-mobiles, de montée en puissance de notre laboratoire, mais aussi de notre studio dédié aux réseaux sociaux, ou encore de la montée en puissance de notre offre data, c'est-à-dire de notre offre de données, qui permet de mieux adapter nos offres à l'attention des utilisateurs, pour laquelle la bataille est rude. En outre, le décloisonnement des rédactions linéaire (broadcast) et numérique est en cours. Il est déjà très avancé pour les rédactions de langue de RFI. Il sert de modèle à la rédaction hispanophone de France 24, dont les journalistes passent du linéaire au numérique. Les équipes sont très mobilisées sur ces questions.

Le deuxième axe en cours, c'est la capitalisation sur la complémentarité des médias du groupe. Nous avons beaucoup de productions communes, des échanges de journalistes, des promotions croisées en numérique et en diffusion linéaire. Nous entamons un projet de transformation important avec la radio visuelle, non seulement filmée en studio mais illustrée grâce à des captations. Ce projet fut au coeur de la création de France 24 en espagnol avec des émissions bi-médias qui sont diffusées à la fois sur l'antenne télévision et sur l'antenne radio, grâce à un studio dédié. Nous le faisons aussi pour l'émission politique hebdomadaire. Nous pourrions par ailleurs être amenés à régionaliser en Afrique le signal de France 24, car la concurrence est rude et il faut s'enraciner en cultivant la proximité avec l'Afrique. Certaines émissions référentes de RFI pourraient être déclinées pour la télévision et enrichir la grille de France 24.

Troisième axe de transformation : nous cultivons la proximité à travers les langues étrangères de FMM, données fondamentales pour un média international. La recherche de proximité avec nos auditeurs nous a conduits ces dernières années à favoriser la délocalisation des rédactions en langues étrangères au coeur de nos bassins de diffusion. C'est emblématique du projet de France 24, dont l'offre en espagnol a reçu un tel accueil grâce au fait que la rédaction est à Bogota, au coeur de l'Amérique latine, et qu'elle n'est pas perçue comme une rédaction étrangère. C'est emblématique de la démarche française non hégémonique. Nous conduisons aussi une réflexion sur le développement des langues africaines. Si l'on souhaite compter 700 millions de francophones en 2050, il faut que le français reste présent en Afrique et, pour cela, cultiver le lien entre langues africaines et apprentissage du français. C'est un vrai enjeu.

Toutes ces pistes et ces transformations en cours en matière de numérique, de capitalisation sur nos complémentarités ou encore de proximité par les langues étrangères, s'inscrivent dans le nouveau contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020, dont nous achevons bientôt la deuxième année. Ce contrat est ambitieux, puisqu'il prévoit l'accélération de la transformation numérique du groupe, le passage à la haute définition en diffusion mondiale, l'accentuation de notre présence sur la TNT en Afrique francophone et le renforcement des moyens en communication et en marketing.

L'État avait doté FMM de 23,1 millions d'euros supplémentaires à l'horizon 2020, soit une progression de 1,9 % par an. Cet effort de l'État était dû au fait que l'entreprise avait épuisé toutes ses marges de manoeuvre internes. En effet, il est important de s'arrêter une seconde sur le contexte budgétaire de FMM, au moment où l'arbitrage budgétaire intervient. Hors financement de France 24 en espagnol, le budget de FMM reste inférieur en 2017 à celui de 2011. La société a subi en 2012 un prélèvement de près de 7 % de ses ressources publiques. Elle a donc dû faire des efforts considérables pour financer, en grande partie sur sa substance, toutes les évolutions que je viens de vous décrire.

Nous avons ainsi procédé à d'importantes réformes structurelles des métiers de l'audiovisuel. Désormais, les journalistes montent, car nous n'avons plus de monteurs, et les techniciens radios réalisent, car nous n'avons plus de réalisateurs dans les régies radio. Nous avons mis en oeuvre deux plans de départs volontaires, ce qui a conduit à la réduction de près de 20 % des effectifs radio. Six rédactions de langues de RFI ont été fermées.

L'accord d'entreprise signé fin 2015 a permis d'augmenter le temps de travail à 204 jours, soit douze jours de plus qu'auparavant, ce qui est inédit dans l'histoire de l'audiovisuel. La fusion des fonctions supports de notre groupe a permis des économies très importantes, de façon générale, sur tous les frais de l'entreprise. Ainsi, FMM a pu financer sur ses propres ressources l'essentiel des projets de développement, tout en respectant son équilibre budgétaire en exécution.

Telle était la situation quand l'arbitrage proposé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 est tombé. D'abord, à la fin du mois d'août, le ministère de la culture nous a communiqué un arbitrage en forte baisse par rapport aux prévisions du contrat d'objectifs et de moyens pour 2018. Mais l'État a tenu à revoir cet arbitrage pour lancer France 24 en espagnol. Il a donc fait un effort. Cependant, il reste toujours 1,9 millions d'euros, presque deux millions d'euros, qui figurent dans le projet de loi de finances pour 2018... Nous avons essayé de réfléchir pour causer le moindre impact possible et préserver le coeur de métier de notre groupe en pleine croissance et en plein développement, car son périmètre n'est pas stabilisé puisque de nouveaux projets sont développés chaque jour.

Nous avons aussi essayé de ne pas remettre en cause une paix sociale acquise à la suite de grands troubles qui avaient paralysé le groupe, comme nous avons essayé de ne pas nuire aux projets déjà engagés, qu'il s'agisse de France 24 en espagnol ou de la transformation numérique, sachant que notre marge de manoeuvre sur nos ressources propres est très limitée. Dans le contrat d'objectifs et de moyens, elles augmentent de 15 %, ce qui est déjà important. En effet, si le marché international était un marché rentable, des entreprises privées y seraient présentes, et BBC World, Deutsche Welle, BBG ou Russia Today ne seraient pas financés sur fonds publics.

Donc, compte tenu de ces contraintes et de notre volonté de préserver l'essentiel, deux pistes s'offrent à nous, sachant que nos coûts n'incluent pas d'achats de programme et que nous sommes une entreprise de main-d'oeuvre : ce que nous diffusons est produit par nos salariés, si bien que, dès que nous touchons à l'éditorial, nous touchons aux emplois.

La première piste d'économies est celle des plans de départ. Pour en minimiser l'impact sur les salariés, dont les résultats sont par ailleurs excellents, nous souhaitons concentrer ces départs parmi les salariés du siège, à Paris. Ils s'ajouteront à la quinzaine déjà prévue dans le COM. Ensuite, si cela n'est pas suffisant, il faudra sans doute envisager d'autres départs dans les rédactions délocalisées. Quoi qu'il en soit, ces baisses d'effectifs ne pourront être indolores et sans conséquence.

La seconde piste d'économies passe par la révision de notre diffusion et de notre couverture internationale ; en d'autres termes, il s'agit d'abandonner des zones où nous étions présents. Cela n'a rien d'évident et suppose en premier lieu de regarder les dates d'échéance des contrats, car la rupture d'un contrat en cours d'exécution peut donner lieu à de très lourdes pénalités. Il faut également calculer ce que peuvent réellement rapporter ces renoncements, car il serait contreproductif de multiplier les petites économies et de courir le risque de compromettre ainsi notre diffusion internationale. Il se trouve, malheureusement, que c'est notre contrat dont le montant est le plus élevé qui vient d'arriver à échéance, le 30 septembre, celui qui permet la diffusion de France 24 à New York et à Los Angeles. Par mesure conservatoire, je l'ai dénoncé.

Pour atteindre le montant d'économies demandées, ces deux pistes – départs ciblés et réduction de la couverture – devront être empruntées. Certes, l'État fait un effort pour préserver la diffusion de France 24 en espagnol, mais je me dois d'informer tant l'État que la représentation nationale des conséquences de ces arbitrages budgétaires et de rappeler que, à l'international, toute position abandonnée est difficile et coûteuse à reconquérir. Je dois surtout discuter avec le conseil d'administration et les instances sociales de l'impact de ces mesures, notamment en termes de rayonnement mondial. Et cela à un moment où il me semble que les idées et les valeurs de la France ont plus que jamais besoin d'être portées partout dans le monde. (Applaudissement sur les bancs des commissaires.)

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Chers collègues, je vous encourage vivement à répondre à l'invitation de Mme Saragosse d'aller visiter les locaux de France 24. C'est une visite assez extraordinaire, car vous découvrirez sur le site d'Issy-les-Moulineaux des équipes très diverses – puisque vous avez le privilège d'employer 66 nationalités – toutes engagées au service de la France, du soft power français.

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J'aimerais en savoir plus sur le site d'information à destination des migrants, InfoMigrants, créé pour établir des passerelles entre les cultures et pour prévenir les drames que l'on connaît, notamment en Méditerranée. Il est absolument impératif en effet que les migrants disposent d'une information différente de celle des passeurs sur leurs « pays d'accueil », qu'ils puissent s'informer dans leurs pays d'origine, sur les routes qu'ils empruntent et qu'ils aient accès à des informations pratiques. Comment a été reçue cette belle initiative et comment peut-on la valoriser davantage ?

Dans le même esprit, vous avez pour ambition de mettre sur pied des actions d'éducation aux médias, de lutte contre les préjugés et en faveur de la cohésion sociale. Pouvez-vous d'ores et déjà nous dire ce qu'il en est de l'émission Pas 2 Quartier, qui vise à mieux faire comprendre le quotidien des zones dites sensibles et à changer l'image le plus souvent négative véhiculée par nombre de médias sur ces quartiers ? Il est en effet extrêmement important de montrer la réalité des quartiers autrement qu'au travers du prisme strictement sécuritaire.

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Notre président a parlé dans son propos liminaire d'une légère contraction du budget alloué à France Médias Monde ; pour votre part, madame Saragosse, vous évoquez des licenciements dont le nombre serait multiplié par deux par rapport à ce qui était prévu dans le COM, ce qui aura des conséquences non négligeables.

J'ai par ailleurs le sentiment que, dans le cadre de la fusion, c'est surtout la radio qui pâtit aujourd'hui des mesures d'économies. Est-ce le cas ?

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Selon les informations du Monde, le Gouvernement s'apprêterait, dans le cadre très contraint du projet de loi de finances pour 2018, à vous demander d'importantes économies. Cette décision marquerait une véritable rupture par rapport à la trajectoire engagée dans le cadre du contrat d'objectifs de moyens signé en 2016 avec l'État pour une durée de cinq ans, notamment parce qu'elle serait susceptible de remettre en cause l'effort d'investissement dans la production.

Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron, s'était, par souci d'efficacité, déclaré favorable à un rapprochement des sociétés audiovisuelles publiques. Mais le recul des crédits consacrés à France Télévisions – une baisse de 48 millions sur les 2,5 milliards d'euros de dotation publique – inquiète les élus du personnel, qui craignent la suppression de 600 à 700 emplois. Les discussions menées entre France Télévisions et le Gouvernement peuvent-elles permettre, selon vous, d'infléchir la portée de ces mesures d'économies budgétaires ?

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J'ai été touchée parce que vous avez dit sur la langue française comme véhicule de nos valeurs. Je me souviens qu'au Liban, pendant la guerre, nous écoutions beaucoup la radio française, parce qu'elle nous parlait de la liberté et de l'insoumission, du refus de l'exploitation et de la force du peuple quand il se soulève pour être maître de son destin. Aujourd'hui, malheureusement, l'audience des médias français est en recul dans des pays comme le Liban. Je m'en suis ouverte à l'ambassadeur de France à Beyrouth, très attaché à la promotion de la francophonie, mais comment pensez-vous regagner de l'audience dans ces zones ?

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Je tiens dans un premier temps à vous remercier pour la qualité des informations communiquées dans votre rapport d'exécution du contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et France Médias Monde sur l'année 2016. On y apprend beaucoup sur le travail fourni par France 24, Radio France Internationale ou Monte Carlo Doualiya pour faire rayonner la France dans le monde.

Je me suis plus particulièrement intéressé à la diffusion en Afrique de RFI et de France 24, que ce soit grâce aux réseaux FM satellites ou à la TNT. Leur diffusion y est en progrès : 83 stations de radio supplémentaires et un taux de pénétration de France 24 sur les offres TNT lancées en Afrique, en hausse de 4 %.

Vous rencontrez cependant des problèmes avec certaines autorités africaines. Ainsi, le signal de RFI est coupé à Kinshasa par le gouvernement congolais depuis novembre dernier, tandis que les autorités ont brouillé les ondes sur la zone côtière de Brazzaville. En Ouganda, une réforme des licences accordées aux chaînes étrangères a entraîné la suppression provisoire de France 24. Pouvez-vous nous dire comment vous entendez procéder pour rétablir dans ces pays l'accès à votre radio et à votre télévision ?

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Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde

InfoMigrants est avant tout un projet emblématique des valeurs portées par notre groupe, puisque l'idée est venue de France Médias Monde. Nous nous sommes associés avec Deutsche Welle, qui a estimé, comme nous, qu'il fallait pouvoir fournir à ceux qui étaient la proie des passeurs une information fiable. En conjuguant la créativité française et la connaissance des arcanes bruxelloises de nos amis allemands, nous avons rapidement obtenu le soutien de la Commission européenne. Nous nous sommes ensuite tournés vers les Italiens de l'ANSA, car il nous semblait inimaginable de parler aux migrants sans associer les Italiens. La Commission nous a donc donné une enveloppe de 2 millions d'euros pour développer ce site, basé à Paris, à Berlin et à Rome, la plus grosse équipe étant à Paris avec neuf personnes, six personnes travaillant à Berlin et quatre à Rome.

Jusqu'à présent développé en trois langues, le français, l'anglais et l'arabe, le site, qui a été évalué par l'Open University britannique, a obtenu un tel satisfecit que non seulement la Commission vient de renouveler notre enveloppe pour 2018, mais elle y a ajouté 500 000 euros pour que nous développions une quatrième langue. Le plus gros contingent de réfugiés étant originaire d'Afghanistan, nous allons donc travailler avec la Deutsche Welle au développement du pachtoune et du farsi.

Peter Limbourg, le patron de la Deutsche Welle, et moi-même avons tellement apprécié de mener ce projet ensemble que nous voudrions poursuivre cette coopération, au travers d'un site multilingue consacré à la citoyenneté européenne, auquel seraient associés d'autres services publics européens. Nous avons même imaginé que ce site pourrait, à terme, se déployer jusqu'aux frontières de l'Europe – pourquoi pas en russe et en turc. Nous allons donc monter un groupe de travail pour réfléchir à ce projet et aux financements que nous pourrions obtenir, en nous disant que c'est une belle façon de rendre l'Europe concrète et vivante.

Pour en revenir à InfoMigrants, le site fonctionne bien, qu'il soit consulté en accès direct ou via les réseaux sociaux, et s'avère bien adapté à la mobilité, sachant que la dernière chose dont les migrants refusent de se séparer, c'est leur téléphone. Lancé en mars dernier, InfoMigrants a déjà reçu 900 000 visiteurs, qui y trouvent toutes sortes de mises en garde mais également de jolies histoires, comme celle de ce jeune réfugié syrien qui vient d'obtenir son bac avec mention Très Bien, alors qu'il ne parlait pas français il y a trois ans.

Mais InfoMigrants vient presque trop tard, puisqu'il s'adresse à des gens qui ont déjà pris la décision de partir ou sont déjà sur la route. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'émettre en mandingue dans la bande sahélienne. En effet, au vu de la croissance démographique africaine, on nous parle d'un vivier de 700 millions de francophones mais, au-delà du fait qu'il faudrait d'abord se préoccuper de savoir si les systèmes éducatifs et les systèmes de santé pourront faire face, il faut garder à l'esprit que, pour la plupart des jeunes Africains, le français n'est pas la langue maternelle. Si l'on veut préparer l'avenir, il faut donc mener une réflexion approfondie sur le développement de projets en langues africaines. France Médias Monde s'implique déjà en ce sens, au travers de ses rédactions africaines mais aussi grâce au Talisman brisé, une méthode d'apprentissage du français intégrée à nos programmes.

Nous réfléchissons à aller au-delà, voire à créer à Ouagadougou, toujours avec la Deutsche Welle ou en partenariat avec l'AFP, un média dédié aux langues africaines, non seulement au mandingue mais également au peul, qui est parlé par 30 millions de personnes dans la zone sahélienne, laquelle n'a pas seulement une importance géostratégique mais est aussi une zone névralgique pour le développement de la francophonie. Reste que, pour mener à bien tous ces projets, il nous faudrait du temps, or nous voilà pris de court par les derniers arbitrages budgétaires.

Madame Mörch, vous m'avez également interrogée sur l'éducation aux médias. Nous avons un outil qui s'appelle Info-Intox et que nous avions proposé à l'éducation nationale en décembre 2014, sans beaucoup de succès à l'époque. Après l'attentat de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, le ministère a compris tout l'intérêt de ce petit document de six minutes, renouvelé chaque année pour la semaine des médias à l'école, et qui explique comment on peut être manipulé sur internet. Conçu à l'intention des élèves, il est également accompagné de fiches pédagogiques destinées aux enseignants, afin que le travail de décodage soit poursuivi en classe.

Nous avons également un accord avec l'éducation nationale, et plusieurs de nos journalistes volontaires se rendent dans les lycées parisiens – ou à l'étranger, lorsque nous avons des correspondants sur place – pour expliquer la différence entre information, communication, manipulation ou propagande. Il nous arrive enfin de recevoir des enseignants pour qu'ils passent une journée entière en immersion dans nos rédactions. Je dois dire que nos échanges sont passionnants.

C'est de cette expérience, qui a souvent conduit nos journalistes dans des quartiers où la minute de silence pour Charlie Hebdo ne s'est pas toujours faite spontanément, qu'est né Pas 2 Quartier. Nous avons la chance d'avoir beaucoup de journalistes arabophones, qui peuvent jouer sur l'effet miroir vis-à-vis de certains élèves qui ne sentent pas toujours reconnus en tant que tels et pour qui il est positif de voir des journalistes d'origine arabe faire carrière dans un grand média français.

À ces jeunes, fatigués d'être toujours caricaturés par les médias, l'un de nos journalistes, Wassim Nasr, a donné une caméra pour qu'ils racontent eux-mêmes leurs quartiers. De là est né Pas 2 Quartier : ce sont les jeunes des banlieues, à Paris, à Lyon, à Marseille et partout en France, qui nous envoient des propositions de sujets, que nos équipes vont les aider à tourner. C'est ainsi que nous avons fait un sujet sur les quartiers nord de Marseille, totalement à contre-courant de ce que l'on peut voir d'ordinaire. Quels que soient les sujets traités – l'entraide, la rentrée scolaire, les déplacements interbanlieues, le trafic de drogue ou la radicalisation –, ce sont les jeunes les rédacteurs en chef. Maintenir un lien entre ces zones de notre territoire et la République est une des vocations essentielles de notre groupe qui, parce qu'il est riche de 66 nationalités et d'une quinzaine de langues, parce qu'il est tourné vers une multitude de peuples différents, possède en la matière un savoir-faire dont il peut faire profiter le service public de l'audiovisuel.

Madame Faucillon, vous m'avez interrogée sur les licenciements. En effet, les deux plans qui ont eu lieu en 2009 et en 2011-12, avant mon arrivée, ont frappé 20 % des effectifs radio et entraîné la fermeture de six rédactions de langues. Comme ces licenciements n'étaient pas ciblés, de nombreux journalistes francophones sont partis, ce qui a été difficile à gérer.

Ce que je vous ai indiqué, ce ne sont pour l'instant que des pistes, et lorsque je parle de départs ciblés, ils ne concernent pas spécifiquement la radio. Néanmoins il se peut qu'ils aient des conséquences sur les petites rédactions délocalisées, qui n'ont pas toujours la solidité du service en français. Ce sera de toute façon un déchirement, et je dois en parler avec le comité d'entreprise et avec le conseil d'administration, qui doit se réunir le 19 octobre, avant d'arrêter des décisions définitives. Mais comment faire face autrement aux économies exigées, lorsque 55 % de vos coûts sont de la masse salariale et qu'il faut également assumer des charges fixes, comme le loyer et l'électricité, ainsi que les dépenses, lourdes, liées aux contrats de distribution ? En bref, nous n'avons pas de marges. Je préférerais sincèrement consacrer mon énergie à développer les langues africaines plutôt qu'à gérer des fermetures, et je ne dis pas uniquement ça d'un point de vue humain, même si cela me désespère ; je pense en effet que c'est également dommage à terme pour notre rendement et notre efficacité.

Madame Bazin-Malgras, en ce qui concerne les économies demandées par le Gouvernement au service de l'audiovisuel public, il faut avant toute chose rapporter la situation de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde à la situation de ce même audiovisuel chez nos voisins anglais et allemands. Le poids des services publics audiovisuels y est en effet infiniment supérieur à ce qu'il est chez nous. Il est supérieur de 30 % au Royaume-Uni, où la redevance est de 171 euros et assise sur une assiette beaucoup plus large ; quant au budget de l'audiovisuel public allemand, il est de 9 milliards d'euros, contre 4 milliards pour la France. Quel que soit ce que l'on pense de sa gestion, il est en tout cas beaucoup moins cher que dans d'autres pays comparables, tout en remplissant peu ou prou les mêmes missions, bien que notre présence à l'international soit plus récente.

Cela vaut également pour le secteur privé, puisque, en France, la totalité du secteur de l'audiovisuel – public et privé – ne pèse que 12 milliards. Certains peuvent estimer que c'est encore trop mais, sans vouloir parler au nom de mes camarades de France Télévisions, de Radio France, de l'INA, d'Arte ou de TV5 Monde, je suis bien placée pour savoir que nous ne sommes pas trop riches et que nous avons fait des efforts considérables, qui nous conduisent aujourd'hui à l'os.

Madame Essayan, vous m'avez parlé avec émotion de ce que représentait pour vous la langue française pendant la guerre du Liban. Je ne suis pas certaine que la francophonie soit en recul. Au niveau mondial, elle aurait plutôt tendance à gagner du terrain, et les lycées français doivent refuser des élèves par manque de place, tout comme les instituts ou les alliances françaises. Selon moi, nous avons plus un problème de moyens qu'un problème de demande.

Au Liban, Monte Carlo Doualiya, certes en arabe, mais qui est un lien entre la France et le monde arabe, se trouve dans le peloton de tête des radios, et RFI, reprise par Radio-Liban, connaît de forts succès d'audience. Quant à France 24, en pleine croissance, elle se classe désormais, au Proche et au Moyen-Orient, jusque dans le Golfe, dans les sept premières télévisions les plus regardées. Certes ces chaînes émettent en arabe, mais elles parlent beaucoup de la France, et j'ai coutume de dire que, même quand elles émettent en langue étrangère, les chaînes et les radios du groupe sont malgré tout « en français », compte tenu de leur ligne éditoriale. Je ne vous suivrai donc pas sur le fait que la France soit en recul dans les médias libanais.

Monsieur Larive, s'agissant de l'Afrique, nous y sommes présents au travers de plusieurs canaux de diffusion, y compris les ondes courtes, qui sont essentielles pour nous, car elles portent 35 % de l'audience de RFI, dans des zones où la FM ne passe pas. En ce qui concerne les brouillages et les coupures dont nous avons fait l'objet, la situation a été rétablie, grâce à des discussions avec les autorités de Kinshasa. Dans la mesure où l'implantation de radios FM relève de la souveraineté des États, nous avons dû renouveler notre convention avec le CSA local, mais nous l'avons fait sans renoncer à aucun de nos principes. En revanche, nous attendons toujours l'accréditation de notre correspondante, qui n'a pas été renouvelée. Mais, comme disait Churchill, le « blablabla » vaut mieux que le « pan pan pan », et nous continuons donc à discuter.

En ce qui concerne la TNT, nous rencontrons un franc succès en Afrique anglophone, notamment au Ghana et au Kenya. Nous avons en revanche plus de difficultés à nous implanter dans les gros pays francophones que sont la RDC, la Côte d'Ivoire et le Sénégal, où nous sommes toujours en négociations. Cela s'explique par le fait que France 24 et RFI ont déjà, dans ces pays, une telle audience, que la perspective que nous puissions être accessibles au grand public par le biais de la TNT inquiète les autorités. Elles réclament en outre, légitimement, plus de contenus africains. D'où l'idée qu'il faudrait davantage « africaniser » les contenus de France 24 en français à destination de l'Afrique. Pour cela, nous pourrions nous appuyer sur CFI, l'agence française de coopération médias, filiale de France Médias Monde, dont l'une des missions est de soutenir la production africaine. Développer des productions ou des coproductions nous donnerait une meilleure chance d'accéder à la TNT. Là encore, nous avons des projets, mais il faut nous laisser le temps de les mener à bien.

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Nos rapporteures pour avis sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » ont choisi pour thème de leur rapport la contribution à l'audiovisuel public, ce qui prouve que le modèle de financement de l'audiovisuel public est une préoccupation constante de notre commission. Nous vous assurons donc, madame la présidente, que nous serons vigilants sur ces questions.

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France Médias Monde est le mieux placé, au sein de l'audiovisuel public, pour avoir une vision d'ensemble de la francophonie dans le monde. Disposez-vous d'outils de collecte de données qualitatives et quantitatives sur l'appétence du public étranger pour les programmes francophones proposés par le service public français ?

Aujourd'hui sur internet, les chaînes françaises sont limitées par la géolocalisation. Pensez-vous que la proposition de règlement de la Commission européenne en date de septembre 2016 supprimant le principe de la territorialité du droit d'auteur puisse constituer un progrès dans ce domaine ?

Enfin, selon quels critères arbitrez-vous entre vos diffusions en langue française et en langues étrangères ?

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Madame la présidente, je veux tout d'abord vous féliciter pour les bons résultats de France Médias Monde, qui pour la cinquième année consécutive enregistre un résultat net à l'équilibre.

Ma question porte sur l'accord-cadre que vous avez signé en décembre 2016 avec l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Il repose, rappelons-le, sur la mise en oeuvre de projets communs visant à renforcer l'information des publics sur les enjeux mondiaux relevant des grands domaines de l'UNESCO – la liberté d'expression, l'éducation, le développement durable, la défense du patrimoine et la diversité culturelle – tout en mettant l'accent sur les jeunes et le public africain. Est-il susceptible d'être remis en question ?

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Depuis sa création, le groupe France Médias Monde s'est consolidé. Il a réussi à développer son offre de programmes, à renforcer sa présence mondiale et à optimiser son organisation. Pour pérenniser cette dynamique et accroître la présence de l'audiovisuel français à l'étranger, un rapprochement est souvent évoqué. Il est notamment proposé de créer un groupe France Médias rassemblant l'ensemble de l'audiovisuel extérieur de la France. Notre audiovisuel public doit-il évoluer vers une BBC à la française, soit un organisme unique de taille très importante ? TV5 Monde, Arte et Euronews font également partie de l'audiovisuel extérieur : comment vivez-vous cet éclatement ? Vous qui avez réussi le mariage qui n'avait rien d'évident entre une chaîne de télévision ayant tout juste dix ans et une chaîne de radio beaucoup plus ancienne, pensez-vous qu'il serait souhaitable d'aller plus loin dans le rapprochement avec les autres antennes, notamment avec TV5 Monde ?

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France Médias Monde évolue dans un environnement en pleine mutation, marqué à la fois par les bouleversements liés à la révolution numérique et à l'intensification de la concurrence de la part des grands médias internationaux. Quelle stratégie comptez-vous adopter en matière d'offre éditoriale, madame la présidente, pour élargir vos publics et tenir compte de leur diversité ?

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Madame la présidente, vous avez déclaré au Monde que « La présence d'une chaîne de service public en langue arabe en France [était] une vraie question. ». Je m'interroge sur cette possibilité – n'encourage-t-elle pas une forme de communautarisme et de repli sur soi ? –, même si je suis convaincu que la maîtrise de plusieurs langues permet de former des citoyens du monde.

Permettez-moi de vous apporter mon témoignage. Dans ma circonscription se trouve la ville de Lunel, qui a connu trente départs de jeunes pour la Syrie, dont huit sont décédés, emportés par les marchands de mort. Les enseignants nous questionnaient, nous alertant sur le succès auprès de leurs élèves de la théorie du complot alimentée par internet. Grâce à la réserve parlementaire, j'ai mis en place un « Lab citoyen ». Nous avons collaboré avec trente journalistes du club de la presse de Montpellier et avons fait travailler les adolescents sur les médias et le théâtre.

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Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde

Je remercie la commission de se pencher sur la question de la redevance audiovisuelle publique. Son assiette est l'une des plus archaïques d'Europe et son taux l'un des plus faibles. Il faut toujours s'interroger sur sa capacité à se renouveler mais il est aussi important de disposer d'une ressource dynamique compte tenu des missions plus que jamais essentielles du service public audiovisuel, national et international.

Mme Piron m'interrogeait sur les outils dont nous disposons pour mesurer l'appétence pour la francophonie. Nous comptons 135 millions de contacts par semaine, dont 50 % en français. Selon que les contenus sont diffusés à la télévision, à la radio, sur support numérique ou en linéaire, les proportions entre ceux qui écoutent en français et ceux qui écoutent en langue étrangère varient.

Nous nous rendons compte aussi que la diffusion en langue étrangère a des effets sur l'audience des contenus en langue française. Lors du lancement sur RFI d'une heure de programme en mandingue chaque jour, l'audience globale de l'antenne a augmenté de 30 %. Une enquête menée un an après a montré que ces contenus facilitaient la compréhension des émissions en français pour les personnes imparfaitement francophones, nombreuses en Afrique. Nous panachons en fonction des réalités des bassins linguistiques des diverses zones. Pour le mandingue, nous avons effectué des décrochages au Mali, au Burkina Faso, dans une partie de la Côte d'Ivoire et au Niger. Il faut savoir que parmi les quinze langues de nos programmes, seuls le français, l'anglais et l'arabe font l'objet d'une diffusion vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L'espagnol n'est diffusé que pendant six heures par jour, pour des raisons économiques et non pas stratégiques.

Pour ce qui est de la radio, ces programmes en langue étrangère sont toujours diffusés à partir du signal en français. Pour ce qui est de la télévision, les situations sont variables. En Argentine, les programmes en français et en espagnol sont diffusés sur le même signal, avec le risque, bien sûr, de voir la proportion du français diminuer si la proportion de l'espagnol augmente. En Colombie, il existe à côté du signal en français de France 24, un signal en anglais avec décrochage en espagnol. C'est souvent le marché qui dicte sa loi. À l'étranger, nous ne pouvons préempter une fréquence ; nous devons négocier avec des cablo-opérateurs. Nous essayons, chaque fois que c'est possible, de diffuser en français. Au Cambodge, lorsque nous sommes passés à douze heures de programmes en khmer, le gouvernement cambodgien, sans que nous ayons eu besoin de le demander, nous a donné une autre fréquence pour la diffusion de programmes en français vingt-quatre heures sur vingt-quatre heures.

Très souvent, les langues étrangères sont une façon de valoriser la France ou la langue française et de donner une appétence pour l'apprentissage du français. Il ne faut pas oublier que la francophonie est au coeur de notre mission.

Mme Anthoine nous a félicités pour nos résultats. Mais je tiens à lui dire que l'équilibre auquel nous nous sommes tenus pendant cinq ans risque de voler en éclats en 2017. Nous serons en effet amenés à engager des dépenses dès maintenant et à procéder à des économies en 2018, ce qui engendrera un surcoût qui n'a pas pu être intégré au budget puisque nous n'avons appris les choses qu'en septembre. Je dois dire que ce sera la première fois de ma vie professionnelle que je connaîtrai une situation de déficit.

Quant à l'accord-cadre conclu avec l'UNESCO, il n'y a aucune raison qu'il soit remis en cause. Il a donné lieu à un formidable partenariat autour d'une série de cinquante émissions intitulée « Mémoire d'un continent », qui s'appuie sur L'histoire générale de l'Afrique, énorme travail éditorial de l'UNESCO, avec l'intervention d'immenses historiens. Par ailleurs, nous sommes aux côtés de l'UNESCO chaque fois qu'elle lance des opérations pour lutter pour la liberté de la presse et la sécurité des journalistes.

Mme Thill a abordé la question des rapprochements. TV5 Monde est une chaîne généraliste particulièrement chère à mon coeur car je l'ai dirigée pendant treize ans alors qu'elle faisait partie de l'audiovisuel extérieur de la France. Aujourd'hui, elle a un besoin impérieux de travailler main dans la main avec France Télévisions pour accéder à des programmes de stock dont France Médias Monde ne dispose pas, qu'il s'agisse de films, de fictions, de documentaires ou de grands magazines comme On n'est pas couché ou Télématin. Avec le budget dont elle dispose, elle ne pourrait pas sinon construire les grilles qu'elle diffuse. Ce n'est pas un hasard si ce sont les grandes chaînes nationales généralistes française, belge et suisse romande qui sont à l'origine de sa création. Rattacher TV5 Monde à France Médias Monde la couperait de ses intérêts économiques. En revanche, nous avons passé un accord-cadre avec cette chaîne pour tout ce qui relève des enjeux de distribution afin d'éviter toute concurrence entre nous et tout effet d'éviction. Nous menons des études ensemble, nous allons sur de nouveaux marchés ensemble, nous montons ensemble des opérations médiatiques comme la couverture des sommets de la francophonie.

Les rapprochements ne sont pas une fin en soi. Ils n'ont de sens que si l'on cherche des économies, même si je ne suis pas certaine qu'ils en procurent. Moi qui sors d'une opération de fusion, je peux vous dire qu'un rapprochement entre une chaîne de radio et une chaîne de télévision implique d'abord un coût avant d'être source d'économies. Il y a d'abord le coût de l'accord social – vous savez que les salaires à la radio et à la télévision ne sont pas les mêmes – et le coût des déménagements nécessaires au regroupement des équipes. Et si le but est vraiment de faire des économies, alors il faut le dire franchement : il s'agit de plans sociaux.

J'ai déjà vu fonctionner des holdings. L'audiovisuel extérieur de la France en était une, tout comme France Télévisions initialement. Comme les effectifs des sociétés et filiales font doublon, il y a très vite fusion, accord d'entreprise et alignement. Et si cet alignement implique un surcoût afin d'harmoniser les salaires, le plan de départs est à craindre.

Il faut arrêter de voir l'herbe plus verte ailleurs et d'avoir les yeux de Chimène pour la BBC. Si nous étions britanniques, nous verrions en lisant la presse que cette institution, comme toute entreprise humaine, souffre de nombreux maux, dont la bureaucratie, la lourdeur, la difficulté à mener des transformations et à identifier les responsabilités. La BBC rencontre aussi des difficultés et pourtant, elle coûte beaucoup plus cher que le service public audiovisuel français. Soyons fiers de nos propres réalisations. Et en Allemagne, il faut rappeler que la Deutsche Welle est une société indépendante tout comme le groupe public ARD ou la chaîne publique ZDF.

M. Bournazel m'a demandé comment nous comptions élargir notre offre. La nouvelle frontière pour nous est le numérique. Chaque nouveau programme doit être pensé à 360 degrés, en intégrant sa déclinaison sur les réseaux sociaux, sur nos sites et applications. Il faut souligner ici le transfert de savoir-faire que nous a apporté le site Mashable. Rien ne prédisposait a priori ce pure player privé américain à nouer des liens avec un groupe public français. Ses responsables, qui appréciaient France 24 en anglais, sont venus nous voir pour nous faire part de leur intérêt pour la chaîne francophone et de son impact sur les jeunes et ils nous ont proposé leur savoir-faire en matière d'algorithmes et de gestion des conversations sur les réseaux sociaux. Ils ont effectué un travail formidable qui leur a permis d'atteindre en France une audience de 3 millions de visiteurs uniques mensuels. Un autre axe de développement est la vidéo mobile.

Notre grand défi est d'aller chercher les jeunes et nous sommes assez contents car nous y parvenons. Nous travaillons dans des pays où 50 % de la population a moins de vingt-cinq ans, voire plus de 50 % en Afrique et dans le monde arabe. La moyenne d'âge de nos audiences mondiales est de moins de quarante ans. Chaque semaine, 25 % des moins de vingt-cinq ans regardent France 24 et écoutent RFI en Afrique. Et sur le site Mashable-France 24, 70 % des visiteurs ont moins de trente-quatre ans.

Monsieur Vignal, votre initiative intéressera certainement des journalistes de notre rédaction.

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Les journalistes qui y participent ne sont pas rémunérés, je le précise.

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Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde

De même que nos journalistes vont bénévolement dans les établissements scolaires.

Bien sûr, on peut se poser des questions sur l'opportunité pour un service public de diffuser des programmes en arabe sur le territoire national. La langue de la France est le français. Il se trouve néanmoins que notre pays compte sur son sol des arabophones comme des personnes parlant le mandingue, le chinois, le persan ou encore le russe. J'estime qu'il serait bon, sur la RNT, de parler de la République dans la langue des gens qui parlent imparfaitement français. Il est un peu dommage ne pas offrir aux arabophones de France des programmes en arabe sur la radio publique française car ils vont vers d'autres médias extraterritoriaux qui ne portent pas, comme nous le faisons, les valeurs de la République, la laïcité, l'égalité entre hommes et femmes. Je me demande si l'on ne devrait pas lancer des opérations pilotes d'autant que des radios associatives françaises comme Radio Soleil ou Radio France Maghreb sont très demandeuses. Elles sont ravies que RFI passe en RNT car nous avons des choses en commun. Quand nous avons lancé à Marseille « La Méditerranée ensemble », initiative conjointe de RFI et Monte Carlo Doualiya, les gens de Radio Gazelle et Radio Soleil sont venus immédiatement nous voir pour avoir des conseils et travailler avec nous. Nous pouvons jouer un rôle de rassembleur, qui soit un rôle républicain et non pas un rôle communautariste.

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Merci à Mme Saragosse pour sa présentation très instructive.

TV5 Monde a subi en 2015 une attaque informatique de grande ampleur qui a entraîné pendant quelques instants un arrêt de la diffusion des programmes. Depuis, de nombreux sites d'information ont également fait l'objet d'attaques informatiques extrêmement virulentes. Ces piratages peuvent être assez primaires, comme les attaques par déni de service, mais également très sophistiqués comme cela a été le cas contre TV5 Monde.

Face à cette menace grandissante, je me réjouis de voir que quelques mesures ont été prises pour protéger France Médias Monde, parmi lesquelles un renforcement des structures humaines et la mise en oeuvre d'un plan d'action visant à accroître la sécurité des systèmes d'information, élaboré sur les recommandations de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). À cet égard, je souhaiterais connaître le degré de collaboration de votre groupe avec cette agence. Entretenez-vous un dialogue régulier avec elle ? Estimez-vous qu'elle est assez présente à vos côtés ?

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J'aimerais revenir sur l'émergence de médias et d'agences relevant de gouvernements étrangers ne brillant pas par leur respect de la démocratie. Comment lutter à armes égales avec eux tout en maintenant votre exigence en matière de déontologie ?

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L'une des missions de France Médias Monde est de véhiculer des valeurs démocratiques. Dans le rapport d'exécution du COM en 2016, j'ai lu que la chaîne France 24 avait tenté par sept fois de s'implanter en Chine. Quelle est votre stratégie pour obtenir enfin une autorisation ?

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Vous avez évoqué les attentes à l'égard de la France en matière de numérique. Nous savons que notre pays occupe le premier rang au classement mondial du soft power. Quelle est la stratégie de France Médias Monde pour le développement de l'outil numérique comme vecteur de l'influence de la France dans le monde ?

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Ma question portera sur les modifications du régime publicitaire de RFI et la diffusion de la radio au niveau national.

Le COM 2016-2020 prévoit l'ouverture du régime publicitaire de RFI à tous les annonceurs dans le droit fil de la réforme menée à Radio France. Cette évolution a suscité une vive réaction de la part du Syndicat interprofessionnel des radios indépendantes (SIRTI), qui estime que la modification du régime actuel se ferait au détriment des radios de la diversité comme Africa n° 1 ou Beur FM. Ces récriminations sont amplifiées par le discours de France Médias Monde qui justifie la nécessité de la diffusion de RFI et MCD en France au nom de la défense des valeurs républicaines, qui ne seraient pas toujours respectées, selon vous, par les radios de la diversité. Or à ce jour, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne fait mention d'aucun cas où ces radios n'auraient pas respecté ces valeurs. Quelle est votre position sur ce sujet ? Quels éléments vous permettent d'avancer de tels arguments ?

La précédente ministre de la culture ayant renvoyé à une date ultérieure la décision de modifier le régime publicitaire de RFI, j'aimerais, en outre, savoir si vous avez des précisions sur le nouveau calendrier.

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Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde

J'ignore, madame Mette, ce qui vous autorise à me prêter ces propos concernant les radios du SIRTI, avec lesquelles je viens d'indiquer que nous nous rapprochions – à leur demande – dans le cadre de la RNT.

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Je m'appuie sur une information de Mediapart.

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Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde

Sans doute s'agit-il d'un article ancien qui remonte à 2012 ou 2013, dans lequel j'évoquais la chaîne Al Jazeera, et non des radios de la diversité. Au contraire, nous avons travaillé de concert avec ces radios qui sont très demandeuses de notre présence sur la RNT, car elles s'inquiètent de son faible développement – il leur était difficile, en effet, d'obtenir une couverture nationale analogique.

Quant à la publicité, il me semble que les radios indépendantes se sont davantage émues de l'introduction de la publicité sur Radio France. Nous n'émettons que sur une seule fréquence FM en Île-de-France, ce qui ne suffit guère à menacer l'ensemble des radios associatives présentes sur le territoire national. Pour nous, l'enjeu publicitaire, de l'ordre de 150 000 euros, est certes énorme – songez que notre unité de mesure, c'est 10 000 euros – mais il ne représente qu'une goutte d'eau par rapport au marché publicitaire de la radio. Néanmoins, cette goutte d'eau figure dans la trajectoire d'augmentation de 15 % de nos recettes qui est inscrite dans notre contrat d'objectifs et de moyens, alors même qu'aucune modification du cahier des charges ne nous permet d'accepter la publicité commerciale. En 2016, nous sommes tout de même parvenus à réaliser nos objectifs publicitaires, en dépit du fait que notre régie, France Télévisions Publicité, qui déploie certes des efforts de bonne foi, dégage pourtant un chiffre d'affaires inversement proportionnel à la croissance de France 24. En clair, nous peinons à respecter notre chiffre d'affaires publicitaire pour la télévision et nous le dépassons pour la radio, mais nous ne pouvons faire davantage puisque le chiffre d'affaires publicitaire de France Télévisions baisse.

Enfin, le SIRTI n'a jamais manifesté les inquiétudes que vous évoquez auprès de moi ; peut-être l'a-t-il fait auprès de l'État. En attendant, je serai toujours prête à en discuter avec lui car j'estime que ces radios jouent un rôle très important et qu'elles ont besoin d'être confortées, notamment en termes de formation et d'opérations communes. De ce point de vue, il me semble que nous pouvons être un interlocuteur valable.

J'étais présente, madame Cazarian, lors de la cyberattaque qui a frappé TV5 Monde le 9 avril 2015, le jour du lancement de Style HD, la chaîne de TV5 consacrée à la mode et à l'art de vivre. C'est d'ailleurs parce que ce lancement avait lieu que toute l'équipe technique était présente à 21 heures 30 lorsque l'attaque a été déclenchée. Il s'agissait d'un acte de guerre qui visait à tuer TV5 Monde. Je suis administratrice de la société et j'ai longtemps dirigé la chaîne ; j'ai donc vu l'ensemble des équipes et Yves Bigot mener la bataille de la résistance contre cette attaque terrible. Aujourd'hui encore, les procédures en conservent les séquelles.

À France Médias Monde, comme nous sommes des médias d'information qui émettent notamment en langue arabe, nous avions déjà installé des zones « démilitarisées » faisant office de sas entre nos différents outils numériques pour éviter la contagion et la remontée d'une attaque vers l'unité centrale. Juste après l'attaque de TV5, nous avons appelé l'ANSSI qui nous a immédiatement mis en rapport avec des sociétés labellisées susceptibles de travailler à nos côtés le soir même, afin de parer à toute attaque parallèle. Depuis, notre cellule dédiée aux cyberattaques travaille régulièrement avec l'ANSSI, dont j'ai plusieurs fois rencontré le directeur, mais aussi avec TV5. Ce sujet concerne le service public dans son ensemble. Nous avons ainsi passé un appel d'offres concernant le SOC (Security Operations Center), c'est-à-dire le mécanisme qui permet de s'assurer à tout moment qu'un pirate n'est pas en train de s'introduire dans le système, d'y créer discrètement des comptes invisibles et de progresser vers l'unité centrale. Cet appel d'offres commun nous permettra de recourir à une même société. Nous devons aussi envisager d'autres pistes pour lutter contre ce phénomène, et je me félicite à cet égard du dialogue extrêmement utile que nous avons avec l'ANSSI, qui nous a même envoyé des intervenants formidables pour sensibiliser et former l'ensemble des équipes, car le premier rempart face aux attaques, c'est nous.

S'agissant de la lutte contre les fausses nouvelles, madame Amadou, nous partions d'un acquis fort intéressant : « Les Observateurs ». Cette émission de journalistes diffusée sur France 24 repose sur l'engagement citoyen de personnes qui envoient des images concernant des faits qui ne sont pas vus par les médias ou par les agences de presse. Nous ne les diffusons naturellement pas bruts, par souci de responsabilité : la rédaction vérifie l'exactitude des faits concernés. Cette émission, qui fêtera ses dix ans en décembre, a créé une culture de la vérification sur internet et de la capacité à y confirmer ou infirmer des informations. Les journalistes qui l'animent détiennent un véritable savoir-faire ; ce sont également eux qui réalisent Info-Intox, le document que j'évoquais plus tôt et qui sert dans les salles de classe. Pendant la campagne électorale, ayant vu ce qui s'était produit avant les élections américaines, cette cellule a travaillé en lien étroit avec Facebook et Google. À mon sens, c'est l'un des sujets sur lesquels le service public, y compris France Info qui nous réunit, doit s'illustrer. Nous souhaitons tous poursuivre notre action dans ce domaine, sachant que s'ajoute pour nous le fait que nous diffusons aussi en langues étrangères – les fausses nouvelles circulant aussi dans d'autres langues, que je ne citerai pas puisque cette audition est publique.

Nous avons en effet tenté à sept reprises de nous implanter en Chine, madame Bannier. À l'origine, la demande portait sur France 24 en anglais ; j'ai innové en y ajoutant le français, sans plus de succès. Permettez-moi de ne pas vous expliquer ici comment nous nous y prenons exactement ; je dirai simplement que cette décision ne peut être que politique. En 2002, alors que je dirigeais TV5, le CSA français a été saisi d'une demande de conventionnement de CCTV-4 – la chaîne publique chinoise en français – en France, et j'ai demandé le conventionnement de TV5 en échange. C'est ainsi que TV5 est entrée dans le bouquet très règlementé et encadré qui, en Chine, dessert les hôtels de plus de trois étoiles et les résidences pour étrangers. Néanmoins, ce n'est pas parce que nous n'avons pas d'autorisation que nous ne sommes pas présents en Chine... J'ajoute que notre diffusion en mandarin connaît un grand succès sur internet, avec plus d'un million de visites en dépit des blocages. Nos journalistes culturels sinophones – puisque la culture est notre signature – sont repris sur les sites officiels chinois, et que les articles de RFI ont même servi à faire la préface du catalogue de l'exposition culturelle couverte par RFI. J'ai donc bon espoir que nous puissions progresser grâce à la culture.

Concernant l'outil numérique, monsieur Freschi, nos résultats ne sont pas mauvais : avec 60 millions d'amis pour la radio et la télévision, nous sommes le premier média français sur Facebook. Avec davantage de moyens, nous obtiendrions de meilleurs résultats encore. Il faut en effet agir dans plusieurs domaines pour faire basculer l'ensemble des journalistes vers le numérique. Il faut d'abord consentir un effort massif de formation ; les journalistes des rédactions qui se mettent au numérique en assurant eux-mêmes la diffusion sur plusieurs canaux des programmes traditionnels via Twitter ou Facebook sont de plus en plus nombreux et il faut les former. Ensuite, parmi les journalistes qui ne sont pas forcément familiers des outils numériques, beaucoup veulent se former aux nouvelles écritures comme le news sketching, ou dessin d'actualité, ou encore le motion design, la vidéographie animée. Cependant, ils ne peuvent pas tout faire en même temps – être devant la caméra et derrière le micro de radio tout en s'occupant de la captation et du montage. Tout est question de répartition du temps et du volume d'effectifs. La démarche à suivre consiste à tester pour apprendre ; pour ce faire, il faut des tuteurs au sein des rédactions, et des renforts pour aider les gestionnaires de communautés. Notre COM le prévoyait d'ailleurs, mais les dépenses numériques étaient incluses dans l'augmentation de 1,9 % de notre budget. Pour maintenir cet effort, il faudra donc faire des économies ailleurs ; ce sont des choix difficiles.

J'ajoute que les rédactions en langues étrangères de RFI se sont toutes d'ores et déjà reconverties au numérique. Pour la plupart, elles diffusent sur la bande FM, parfois même par satellite – car dans beaucoup de pays, la radio s'écoute en fixe, et non pas seulement en mobilité – mais elles ont aussi consenti d'énormes efforts concernant le numérique et tous les journalistes sont désormais polyvalents. C'est notamment le cas à France 24 en espagnol ; en ce qui concerne France 24 à Paris, nous avons créé des ateliers de travail qui préparent une réorganisation visant à mettre fin à la séparation entre les rédactions numériques et les rédactions de diffusion linéaire, et à rassembler les unes et les autres en les répartissant par langues. Ainsi, toutes les équipes arabophones travailleront ensemble, qu'elles soient numériques ou chargées de la diffusion linéaire, de même que les anglophones ou encore les francophones. En clair, nous modifions notre organisation, nous concentrons nos efforts sur la formation – et il serait bon que nous puissions procéder à quelques recrutements.

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Ma question a également trait au renforcement de l'offre numérique. À la fin août, France Télévisions et Radio France ont annoncé le lancement d'une grande plateforme numérique d'offre culturelle et que plusieurs partenaires pourraient s'y associer tels qu'Arte, France Médias Monde ou l'Institut national de l'audiovisuel. Votre groupe participera-t-il à la création et au fonctionnement de cette plateforme ?

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Permettez-moi de vous interroger sur la réforme de la contribution à l'audiovisuel public. Le président Studer a rappelé qu'elle faisait l'objet du rapport de mes collègues Frédérique Dumas et Béatrice Piron, et nous avons auditionné Delphine Ernotte et Mathieu Gallet qui, tous deux, nous ont fait part dans les grandes lignes de leur point de vue personnel sur cette question. Pouvez-vous nous donner le vôtre ?

D'autre part, puisque vous organiserez des visites pour les députés dans vos locaux d'Issy-les-Moulineaux, j'invite mes collègues qui y participeront à visiter le reste de la circonscription, dont je suis l'élu !

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Je tiens à apporter mon soutien à Mme Saragosse : nous sommes tous conscients du travail de transformation qu'elle a accompli au cours de ses deux mandats en termes de transformation, qu'il s'agisse de gestion, d'économies ou d'optimisation, avec un grand sens social, mais aussi en termes de transformation des usages car, avec peu de moyens, vous avez su trouver des dispositifs qui – nous y sommes tous sensibles – touchent les jeunes en favorisant l'éducation à l'image, au son et au journalisme, un sujet cher à notre président.

Certes, France Médias Monde n'a que peu de moyens par rapport à l'audiovisuel extérieur d'autres pays comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni, mais ce groupe joue un rôle fondamental pour notre influence dans le monde. Nous serons nombreux, dans cette commission, à lui apporter notre soutien face aux difficultés budgétaires actuelles – sans garantie de succès, mais nous y tenons – et surtout pour l'avenir, afin d'envisager comment la commission et l'Assemblée nationale pourront appuyer le développement et la transformation de France Médias Monde.

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En effet, par votre mission, madame Saragosse, vous mesurez certainement la manière dont la voix de la France est attendue et entendue. Sans doute ne nous rendons-nous pas compte, depuis l'hexagone, combien cette voix est recherchée dans le monde, notamment par la jeunesse, ce qui est très positif. Comme vient de le dire Mme Dumas, je réaffirme que la commission sera à vos côtés dans la durée.

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Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde

Je vous remercie beaucoup.

Il est vrai, monsieur Testé, qu'un groupe de travail a été créé pour réfléchir à une plateforme culturelle – on parle désormais moins de plateforme que de réseaux sociaux labellisés, mais le projet est à l'étude. France 24 n'est pas à proprement parler une chaîne culturelle, mais plutôt d'information ; RFI, en revanche, diffuse de nombreuses émissions – Littératures sans frontières, Cinémas du monde, Musiques du monde – qui permettent de faire un tour du monde des cultures. Nous examinons donc le projet mais je dois dire ceci : dans le contexte actuel, nous n'avons pas les moyens d'y participer financièrement. Je n'ai pas même assez pour exercer les propres missions de France Médias Monde ; là est donc ma limite. Sachez néanmoins qu'un groupe de travail existe et qu'il s'emploiera à faire aboutir sa réflexion. En ce qui me concerne, je ne pourrais pas ôter des moyens consacrés à ma mission fondamentale, à savoir le rayonnement international de la France, pour couvrir les coûts éventuels liés à cette plateforme, a fortiori après les économies qui nous sont demandées. Par « coopération », on entend parfois « économies » : soyons précis sur les termes, car mal nommer les choses revient à ajouter aux malheurs du monde. La chaîne d'information, par exemple, a entraîné une dépense supplémentaire – et non une économie – de 15 millions d'euros. Quoi qu'il en soit, la chaîne d'information a créé un élan, une connivence entre des patrons de chaînes qui ont mis les mains dans le cambouis ensemble ; or, la dimension humaine compte dans tous les projets.

Je suis votre administrée, monsieur Attal, et, à ce titre, je serais heureuse de visiter le reste d'Issy-les-Moulineaux ! S'agissant de la contribution à l'audiovisuel public, toutes les sociétés nationales de programmes dressent le même constat : nous avons besoin de ressources intrinsèquement dynamiques. Or, l'assiette actuelle de la redevance audiovisuelle, fondée sur la possession d'un poste de télévision – un article dont les ventes ont baissé au premier semestre – est un peu archaïque. De surcroît, elle est liée à la taxe d'habitation qui devrait évoluer, même sur trois ans. Autrement dit, le véhicule de recouvrement finira par disparaître. Le moment est donc venu de se poser les bonnes questions.

Quant au taux, il dépend de l'assiette. Si, comme l'ont fait les Allemands, nous instaurions une assiette universelle élargie aux entreprises, on pourrait éventuellement envisager de maintenir le taux en l'état – mais de mon point de vue, il ne faut pas le baisser. Lorsque la taxe est devenue forfaitaire et universelle en Allemagne, moyennant des exonérations sous conditions de revenus, lorsqu'elle n'a plus été liée ni à la possession d'un téléviseur ni à celle d'un ordinateur et qu'elle a été élargie aux entreprises, elle a permis de dégager une plus-value importante. Mathieu Gallet a suggéré d'affecter son produit à un fonds qui financerait des projets communs ; soit. Je dirai ceci : je serais heureuse qu'elle puisse déjà financer les besoins de base que nous devons couvrir pour exercer nos missions. Lorsque j'ai présenté mon projet devant le CSA – je n'ai pas osé le dire devant cette commission de peur que cela paraisse incongru –, j'ai expliqué qu'il nous fallait 25 millions d'euros supplémentaires en sus des 23,1 millions, en étant raisonnable et respectueuse de la situation budgétaire française. En toute franchise, étant donné l'argent dont nous disposons et les résultats que nous obtenons, nous mettrions la pâtée à tous nos concurrents si nous avions davantage de moyens !

En tout état de cause, la CAP doit rester une recette affectée, non seulement pour des raisons de régulation budgétaire en cours d'année, mais surtout pour des raisons d'indépendance et de lien avec nos concitoyens. Je suis convaincue que ces derniers aiment leur service public plus qu'ils ne le disent – il est dans la nature des Français de dire « c'est pas mal » lorsqu'ils sont très contents. Ce lien très fort mérite pourtant d'être cultivé. Il est normal de payer la redevance, et même de la mensualiser. On paie pour des sociétés privées des sommes bien plus importantes que ce que l'on paie pour accéder à l'ensemble de l'offre publique. En somme, cette redevance doit être affectée pour préserver notre indépendance.

À l'étranger, la plupart des États font la confusion entre chaîne publique et chaîne gouvernementale – confusion qui existe concrètement dans de nombreux pays. Nous expliquons au contraire que nous sommes totalement indépendants, ce qui correspond à la stricte vérité. Je n'ai jamais reçu un seul appel de la part de gouvernements français – même si j'en reçois d'autres. Nous sommes donc totalement indépendants, au point que nos ambassadeurs se font parfois engueuler parce que les pays dans lesquels ils exercent sont mécontents de nos programmes ; ils ne m'appellent parfois même pas pour me le signaler, car ils savent bien que nos journalistes sont indépendants. Cette indépendance est le gage de notre crédibilité, de la neutralité du service public, et du lien avec les citoyens. La taxe doit donc être affectée, mensualisée, élargie aux entreprises, forfaitaire, universelle avec des exonérations sous conditions de revenus.

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Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde

Je suis impatiente de lire les résultats de la réflexion que la commission conduit sur cette question importante.

Enfin, je remercie Mme Dumas ainsi que M. le président Studer pour leur soutien, ainsi que l'ensemble des commissaires pour leurs questions qui m'ont permis de raconter le groupe. Mme Dumas a rappelé que nous mettons au point des dispositifs qui touchent les jeunes ; permettez-moi de conclure en vous présentant RFI Challenge App Afrique – un nom bizarre pour lequel j'aurais préféré employer le terme « défi », mais les responsables du numérique se gargarisent en franglais et ont insisté pour « challenge ». Nous avons lancé cette innovation il y a deux ans avec Facebook, Orange et des partenaires africains. C'est un défi donné aux jeunes Africains sur une thématique donnée : la santé il y a deux ans par exemple. Il leur a été demandé comment le numérique pouvait contribuer à améliorer la santé des Africains. Nous avons reçu 650 réponses de tous les pays africains, y compris de l'Afrique anglophone ; le lauréat était un médecin malien très doué en informatique qui a créé une plateforme de diagnostic à distance permettant aux médecins installés dans les grandes villes de faire des diagnostics sur des patients se trouvant dans des régions isolées sans hôpitaux, parfois même sans dispensaire. Cette initiative fut un franc succès ; le lauréat en question a reçu 15 000 euros. Cette année, je pars à Abidjan la semaine prochaine pour le défi suivant : comment améliorer l'éducation des filles grâce au numérique. L'émission « Sept milliard de voisins » se délocalisera à cette occasion. Nous avons reçu de très nombreuses propositions qui seront départagées par un jury, et nous financerons une application pour aider à l'éducation des filles dont vous savez qu'elle est particulièrement faible, de l'ordre de 30 % voire moins. Je tenais à citer cet exemple pour abonder dans le sens du propos de Mme Dumas.

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Je vous remercie pour la précision de vos réponses, madame Saragosse, et pour la perspective européenne que vous donnez dans le cadre de coopérations multiples. En ce qui me concerne, je publierai le compte rendu de cette audition sous le titre suivant : « France Médias Monde : une ambition française avec la fierté de ce qui fait la France et la conscience de la portée universelle de nos valeurs ».

La séance est levée à onze heures trente.

Information relative à la Commission

La Commission a désigné, en application de l'article 145-7 du Règlement, MM. Yannick Kerlogot (REM) et Michel Larive (FI), corapporteurs pour l'évaluation de la loi n° 2014-779 du 8 juillet encadrant les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 4 octobre 2017 à 9 heures 30

Présents. – Mme Aude Amadou, Mme Emmanuelle Anthoine, M. Gabriel Attal, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Philippe Berta, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Bernard Brochand, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Frédérique Dumas, Mme Nadia Essayan, Mme Elsa Faucillon, M. Alexandre Freschi, M. Grégory Galbadon, M. Laurent Garcia, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Valérie Gomez-Bassac, M. Pierre Henriet, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Brigitte Kuster, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Brigitte Liso, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, Mme George Pau-Langevin, M. Guillaume Peltier, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, Mme Cécile Rilhac, Mme Stéphanie Rist, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Cédric Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Thierry Solère, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, M. Patrick Vignal

Excusés. – M. Lénaïck Adam, Mme Ramlati Ali, M. Stéphane Claireaux, Mme Josette Manin