Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 25 juillet 2018 à 9h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Mercredi 25 juillet 2018

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente

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La commission des affaires sociales conclut le cycle d'auditions organisées conjointement avec la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, relatives à la bioéthique, avec la participation du professeur Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique.

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Nous achevons ce matin notre cycle d'auditions sur la révision de la loi relative à la bioéthique.

Les questions de bioéthique touchant à la fois à la santé et au droit civil, la présidente de la commission des lois et moi-même avons eu à coeur d'organiser une série d'auditions communes qui nous ont permis de nous familiariser avec des sujets aussi variés que les recherches sur la personne et sur l'embryon, les neurosciences, l'intelligence artificielle ou la procréation.

Nous disposons également de la synthèse des États généraux de la bioéthique organisés par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), qui devrait rendre son avis en septembre prochain. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) effectue lui aussi un travail d'évaluation de la loi relative à la bioéthique de 2011. Enfin, a récemment été constituée une mission d'information sur ce thème que préside Xavier Breton et dont le rapporteur est Jean-Louis Touraine. Notre assemblée aura ainsi en sa possession tous les éléments nécessaires pour nourrir le débat législatif.

Mais dans l'immédiat, je souhaite, Monsieur le président du Comité consultatif national d'éthique, avoir votre éclairage sur deux sujets importants. Pourriez-vous d'abord nous dire quel bilan vous tirez des États généraux ? Et jugez-vous que l'irruption de l'intelligence artificielle nécessite de faire évoluer les missions du CCNE pour faire de celui-ci une instance de régulation ?

Permalien
Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE)

Madame la présidente, je vous remercie pour votre accueil.

En préambule, je précise que je préside le CCNE et que je suis médecin infectiologue spécialiste des virus émergents.

Avant de répondre à vos questions, je souhaite préciser le cadre général de notre réflexion et clarifier ce qu'est la bioéthique. Il existe autant de définitions que de spécialistes de la bioéthique. Pour ma part, je la vois comme un équilibre difficile à trouver entre les avancées de la science et l'évolution de la société.

La science progresse très rapidement, elle n'a même jamais avancé aussi vite. On estime ainsi que, dans le domaine biomédical, le renouvellement des connaissances est de 50 % tous les cinq ans. Le médecin que je suis constate également cette accélération de la production scientifique, qui est normale – comment s'étonner qu'un médecin désire guérir ou prévenir ? – même si, bien sûr, tous les progrès de la science ne sont pas bons à prendre.

De son côté, la société française évolue également. Comme vous le savez, elle a beaucoup changé ces cinquante dernières années, pour devenir plus urbaine. Le cadre familial, tout en restant très fort, a aussi connu une transformation. Et nos concitoyens n'ont pas toujours une idée juste des avancées scientifiques.

La bioéthique a donc pour enjeu de parvenir à trouver un équilibre entre les progrès scientifiques et ce qu'est notre société. Elle ne saurait être inscrite dans le marbre malgré l'existence de grandes valeurs, j'y reviendrai, auxquelles les Français sont attachés. Je dirais qu'avec la bioéthique, il s'agit finalement de parvenir à trouver une forme d'harmonie.

Demandons-nous également pourquoi réviser en 2018 la loi relative à la bioéthique adoptée en 2011 est nécessaire.

Ces sept dernières années, de nombreux changements sont intervenus sur le plan scientifique mais aussi sur le plan législatif, indépendamment du processus de révision de la loi. Des avancées sociétales ont également eu lieu, comme le mariage pour tous qui a modifié certaines perspectives, tandis que les visions sociétales ont évolué.

On assiste par ailleurs à une internationalisation de plus en plus forte, sur laquelle je souhaite insister. La science, tout d'abord, s'est internationalisée : médecins et scientifiques de haut niveau aspirent tous à publier des articles dans les plus grandes revues anglo-saxonnes. De plus, la vision internationale a changé. Est ainsi apparue une notion qui ne relève pas entièrement de la bioéthique mais qui a partie liée avec elle, la notion de santé globale – ou global health – qui renvoie non plus à la santé pour la santé, mais à la santé dans l'environnement et dans un contexte sociétal. Avec cette notion, la santé a rejoint, au cours des quinze dernières années, les grandes problématiques internationales.

Évoquer l'internationalisation scientifique m'amène à parler de la Chine. En 2011, la Chine n'était pas un important producteur scientifique : la majorité des post-doctorants chinois partaient sur la côte ouest des États-Unis et revenaient dans leur pays quatre ou cinq ans plus tard, après avoir fait paraître des publications alors qu'ils travaillaient dans un laboratoire américain. Désormais, les post-doctorants chinois demeurent en Chine pour publier leurs articles. Les sept ou huit années passées, la Chine est donc devenue à son tour un très grand pays scientifique, malgré deux bémols : s'agissant des considérations éthiques, la Chine en est encore aux balbutiements ; les résultats scientifiques chinois sont beaucoup plus souvent faux que ceux d'autres pays.

C'est dans ce contexte finalement complexe qu'intervient la révision de la loi de bioéthique de 2011.

La loi de 2011 a confié au CCNE le soin d'organiser les États généraux de la bioéthique et d'animer le débat durant la phase de construction de la loi précédant la phase politique proprement dite. Cette mission était une nouveauté pour le CCNE, dont la fonction avait été jusqu'alors de donner un avis extérieur de « sachant » sur les problèmes éthiques. Nous avons accompli la mission consistant à organiser le débat public qui nous avait été confiée, en toute indépendance.

Nous avons subi une seule pression : l'obligation que nous a faite le nouveau gouvernement de rendre notre copie dans un délai d'un an, en juin 2018. Nous y sommes parvenus, mais il serait utile d'envisager à l'avenir de prendre un peu plus de temps pour animer le débat public.

J'ai assuré par le passé plusieurs missions assez lourdes dans le domaine de la santé, mais l'organisation de ce débat public a certainement été l'une des missions les plus difficiles qui m'ont été confiées. Il s'agissait en effet de faire débattre nos concitoyens soit sur des sujets complexes comme la génétique et l'intelligence artificielle, soit sur des sujets sociétaux très clivants. Vous avez tous dû recevoir le rapport de synthèse des États généraux, qui est tout à fait neutre. Ce que vous y trouvez n'est en effet pas l'avis du CCNE, mais un compte rendu de ce qu'ont dit les personnes ayant participé aux débats.

Pour ces États généraux de la bioéthique, nous avons utilisé plusieurs outils : un site internet, des débats en régions s'appuyant sur les espaces éthiques régionaux, de nombreuses auditions ainsi qu'un comité citoyen. Ce comité, spécialement mis en place pour les États généraux, était composé de 21 membres, sélectionnés par tirage au sort sur les listes de volontaires tenues par un institut de sondage prestataire. Nous avons tenu à ce qu'il reflète la diversité de la société française et comporte autant de femmes que d'hommes, des intellectuels comme des personnes qui ne le sont pas et des Parisiens aussi bien que des provinciaux et des représentants de l'outre-mer.

J'en arrive à l'organisation des États généraux. Notre vision, si je peux parler ainsi, a été la suivante. Premièrement, ne pas faire que ces États généraux soient ceux des sachants : nous avons bien sûr auditionné les représentants de sociétés savantes, mais nous avons également voulu que la société civile puisse s'exprimer.

Deuxièmement, nous avons défini le périmètre des États généraux. J'ai pu entendre ou lire que ce périmètre avait été fixé par le gouvernement : c'est faux, le CCNE s'en étant entièrement chargé. On retrouve dans ce périmètre les sujets habituels sur la génomique et l'embryon. Mais nous avons aussi souhaité élargir le débat en le faisant porter sur de nouveaux sujets. Le premier est la santé dans son rapport à l'environnement, sujet essentiel mais difficile car les communautés de l'environnement et de la santé ne sont pas habituées à mener ensemble une réflexion. Il est néanmoins capital que des liens s'établissent entre elles, et les questions qui concernent l'éthique constituent un excellent moyen pour amorcer leur rapprochement.

Madame la présidente, vous avez fait allusion à l'autre sujet nouveau que nous avons voulu voir abordé lors de ces États généraux : le numérique et la santé. Car on ne perçoit pas encore suffisamment à quel point l'usage de l'intelligence artificielle va révolutionner le monde de la santé. Cédric Villani a d'ailleurs insisté dans son rapport sur l'opportunité que l'intelligence artificielle offrait au système de santé français. Le CCNE, dès avant les États généraux, s'était déjà doté d'un groupe de réflexion et de travail sur le big data.

En plus de ces deux sujets nouveaux, nous avons voulu que soient débattus les sujets sociétaux que sont la procréation, sans la limiter à l'ouverture de l'AMP (assistance médicale à la procréation) aux femmes seules et aux couples de femmes, et la fin de vie. Au sein du CCNE, nous avons hésité à retenir ces thèmes. Mais nous avons pensé que nos concitoyens trouveraient bizarre qu'ils ne soient pas abordés dans le cadre des États généraux, même si la loi ne devait finalement pas aborder ces questions. Je ne regrette aucunement ce choix dans la mesure où il aurait effectivement été jugé incompréhensible de ne pas parler de la procréation et de la fin de vie lors de ces débats.

De plus, ces sujets rencontrent les grands enjeux qui ont présidé à la naissance du CCNE, qui a été créé pour résoudre les problèmes que posait la fécondation in vitro (FIV). Nous ont par la suite été soumis des problèmes qui relevaient de la génétique, puis un ensemble de questions sociétales : le CCNE a ainsi donné des avis sur la prise en charge du vieillissement, sur la santé des migrants et sur la santé dans ses rapports avec l'environnement. La santé est en effet un thème transversal qui nous concerne tous, quelle que soit notre position dans la société.

Pour ma part, c'est en tant que médecin que j'ai été amené à me rendre compte que le sociétal et la santé sont intrinsèquement liés. Même les grands patrons hospitaliers continuent de garder, pardonnez-moi l'expression, les mains « dans le cambouis » – parce qu'ils ont des personnes en fin de vie dans leur service, parce que se posent des problèmes de prise en charge ou de coût de médicaments, parce qu'un aide-soignant antillais attire leur attention sur le fait qu'en visitant tel malade le matin, ils ont porté un avis médical biaisé. Certes, la notion de santé s'en trouve élargie, mais nous l'assumons, car nous jugeons important que ces sujets sociétaux puissent être discutés en dépit des passions qu'ils suscitent parfois.

Quel bilan peut-on faire des États généraux de la bioéthique ? Je vais vous surprendre en vous disant qu'ils furent une réussite. Nous avons en France l'habitude de mettre en avant les insatisfactions ou les insuffisances. On ne saurait nier qu'il y en ait eu, mais cette expérience fut malgré tout un succès.

Pourquoi ? D'abord, parce que les États généraux ont permis d'avoir de vrais débats sur les questions de bioéthique, notamment grâce à une mobilisation de la presse, dont nous ne pouvons que la remercier. Les États généraux ont en effet permis que soient posées des questions que le CCNE n'avait pas envisagées. En particulier, nos concitoyens ont exprimé une grande inquiétude à l'égard de la médecine du futur, de ce qu'elle sera et de la place qu'y tiendra l'usager. Nous avons entendu des interrogations mais aussi, peut-on dire, des revendications qui concernaient les réformes du système hospitalier, l'hôpital hors les murs ou les relations entre l'hôpital et la médecine. De nombreuses questions renvoyaient au statut du citoyen dans la gouvernance. D'autres portaient sur le consentement et sur la propriété des données à l'heure du numérique.

Ces États généraux sont également une réussite dans la mesure où ils ont montré qu'existaient en France de grandes valeurs partagées, ce qui, du point de vue de la bioéthique, est essentiel. Parmi celles-ci, on peut citer la non-marchandisation du corps, la notion d'autonomie de la personne ou encore la nécessité de s'occuper des populations les plus défavorisées malgré le coût que cette dépense représente. Pour caractériser ces valeurs communes et insister sur sa spécificité à l'échelle internationale, nous avons parlé de « vision bioéthique à la française ». Le même type d'enquête mené aux États-Unis montre que la vision américaine de la santé, essentiellement économique et commerciale, est entièrement différente.

Enfin, ces États généraux ont été une réussite en raison du nombre de demandes internationales que le CCNE a reçues à leur sujet. À partir d'octobre prochain, je pourrais, si je le souhaitais, passer mon temps à voyager dans le monde pour répondre aux sollicitations et raconter ce qu'ont été les États généraux de la bioéthique, expliquer comment ils ont été organisés et indiquer quels en furent les points forts et les points faibles mais aussi les débouchés. Des spécialistes de l'éthique et des universités américaines et japonaises envisagent d'organiser des États généraux assez semblables. La France a ainsi allumé une petite lumière que je vous remercie par avance de porter à votre tour dans la loi.

Mais si les États généraux ont été globalement une réussite, tout ne fut pas absolument satisfaisant. D'une part, le délai que nous avions à respecter était très court, alors que les États généraux exigeaient une organisation minutieuse et que le CCNE est plus une assemblée de sages qu'une équipe opérationnelle. Mais comme j'avais par le passé participé à des opérations nécessitant le même type d'implication, j'ai pu dans une certaine mesure contribuer à fluidifier le processus.

D'autre part, tous les outils utilisés pour ces États généraux ont montré leurs limites, particulièrement le site internet. Il aurait été incompréhensible que les États généraux ne se dotent pas d'un site internet, mais le défaut des sites de ce type est que s'y expriment surtout des militants qui font porter le débat sur un petit nombre de thèmes. Pour essayer d'inverser cette tendance, j'ai encouragé les journalistes à évoquer d'autres sujets que les seules AMP et fin de vie. Je crois en effet que d'autres sujets, plus scientifiques, emportent des enjeux plus cruciaux pour l'avenir.

Tous outils confondus, quatre grands sujets sont sortis des États généraux : la procréation, qui ne se limite pas à l'ouverture de la PMA ; la fin de vie ; la génétique génomique, qui existe depuis vingt ans mais qui continue d'élaborer ses outils, qu'Arnold Munnich vous a présentée ; enfin, la place du patient au coeur du système de soins, qui soulève les inquiétudes dont je vous ai parlé. Lors des discussions, nous avons perçu que les médecins et les scientifiques étaient mis en cause. Nous avons même parfois ressenti le climat de défiance à l'égard de ces professionnels qui existe aux États-Unis. Cela me navre car, lorsque j'ai commencé ma carrière, la relation des médecins avec les patients et avec le milieu associatif était une relation de confiance.

Les personnes qui ont débattu lors des États généraux se demandaient ainsi pour qui étaient faites les découvertes scientifiques et quel en était l'enjeu. Ils n'étaient pas non plus certains que les scientifiques avaient une réflexion éthique sur leur pratique. Et ils voulaient aussi des informations sur les liens des médecins et des scientifiques avec le milieu industriel, la question du business et de la santé devenant, de l'avis général, capitale.

Durant toute la durée des États généraux, nous avons fait en sorte que les 40 membres du CCNE conservent la plus parfaite neutralité, ce qui n'a pas toujours été facile. Mais l'actuel CCNE s'est montré très intéressé par cette expérience. Ses membres ont fourni un effort important en procédant à 160 auditions de sociétés savantes, d'associations de patients et des grandes instances de la République ayant une réflexion sur les questions de bioéthique. De ce point de vue, nous pouvons aussi considérer que les États généraux ont été un succès, puisque tous les membres du Conseil ont tenu à participer à ces auditions.

L'avis du CCNE sera publié vers la mi-septembre. Il comportera quatre points dont nous élaborons actuellement les contenus et que, pour cette raison, je ne peux vous exposer en détail.

Le premier point relève les changements intervenus depuis 2011 sur les sujets que j'ai évoqués et indique le contexte dans lequel va être débattue la loi de 2018.

Le deuxième concerne les grands principes éthiques qui, s'ils demeurent pérennes, évoluent. Selon l'un de mes collègues philosophes du CCNE – car la richesse du Conseil tient à ce qu'il réunit des scientifiques, des philosophes, des spécialistes des sciences humaines et sociales, des juristes et des parlementaires – selon ce collègue, donc, qui est Frédéric Worms, c'est le corpus même de l'éthique qui est en train de changer.

Pour expliquer cette idée, je vais prendre l'exemple de la non-marchandisation du corps, principe fort s'appliquant notamment pour le don d'organes et le don de gamètes. Ce principe fait référence au corps. Mais qu'en est-il lorsqu'on passe à l'échelle de l'acide désoxyribonucléique (ADN) ? L'ADN, en effet, n'est plus le corps, ce qui oblige à opérer un changement de dimension. Par ailleurs, les données de santé concernant chacun d'entre nous ont cessé de se rapporter exclusivement à notre corps : ce sont des données génétiques, apportées par l'ADN séquencé, qui sont associées à des données individuelles comme le fait d'habiter tel endroit, d'avoir tant d'enfants, de pratiquer tel ou tel sport, etc. Il s'agit donc effectivement d'un changement de corpus. Et cet exemple montre bien que la bioéthique doit à la fois porter et conserver les grandes valeurs et tenir compte des modifications que les avancées de la technologie obligent à opérer.

Nous rendrons notre avis sur ces différents points dans la troisième partie. Quant à la dernière partie de l'avis, elle indiquera ce que nous pensons d'une révision de la loi relative à la bioéthique ayant lieu tous les sept ans. Ne faudrait-il pas plutôt que la révision se fasse tous les cinq ans, voire en continu ? Notre avis vous fera des propositions à ce sujet.

S'il me reste encore un peu de temps, je souhaiterais apporter plusieurs compléments. Je voudrais d'abord insister sur le fait que, si nous voulons que nos concitoyens comprennent de quoi retournent les questions de bioéthique, ce dont ils sont tout à fait capables, il ne faut pas qu'elles restent trop théoriques. Tel fut d'ailleurs l'enjeu de ces États généraux : que nos concitoyens s'emparent de ces sujets de discussion et élaborent les éléments d'une vraie démocratie sanitaire. Cet enjeu est d'autant plus important que nous sommes à la veille de grands choix sanitaires qui sont des choix difficiles et qui, je pense, devront être faits de façon partagée, même si la décision finale reviendra aux instances politiques. Car je suis convaincu que doivent participer à ces choix non seulement les médecins et les politiques, mais aussi les usagers de santé.

Or, dans le domaine de la santé, les usagers n'ont que très rarement la possibilité de donner leur avis. Tout au long de ma carrière de médecin spécialiste du sida, la discussion avec les associations de patients a toujours été pour moi essentielle. Mais dès qu'il s'agit de décider si l'argent va être investi dans l'innovation ou dans une structure pour les personnes âgées, par exemple, l'avis des usagers n'est plus pris en compte.

J'aimerais aussi aborder avec vous deux sujets scientifiques, l'un que vous connaissez fort bien et un autre sur lequel des clarifications me semblent pouvoir être utiles.

Le premier est la procréation. La question de l'ouverture de l'AMP aux femmes seules et aux couples de femmes est souvent mise en avant, mais d'autres questions concernant la bioéthique, d'ailleurs liées à celles-ci, sont à connaître : l'autoconservation des ovocytes par cryoconservation et l'accès aux origines. Le problème que soulève la question de l'accès aux origines illustre bien les enjeux de la bioéthique. On a en effet, d'un côté, le dogme de la bioéthique « à la française », qui veut que le don soit gratuit et anonyme, et à partir duquel ont été mis en place les centres de conservation du sperme et des ovocytes (CECOS) ; et, de l'autre, un certain nombre de personnes devenues adultes qui souhaitent avoir accès à leur origine et connaître le donneur anonyme ayant permis leur naissance.

Vous noterez au passage que ce changement social s'est opéré sans qu'il y ait eu besoin d'avoir recours à la loi car, au début de l'AMP, les familles ne parlaient pas aux enfants de l'existence d'un donneur, puis elles ont choisi de leur en parler de plus en plus tôt. C'est donc la société qui a évolué d'elle-même en se donnant ces nouvelles règles.

Sur ce problème de bioéthique, il me faut aussi parler de la banque de données des Mormons à Salt Lake City. Les Mormons, qui ont longtemps travaillé sur les arbres généalogiques, utilisent désormais la technologie du séquençage pour alimenter leur banque de données. Et des start-up, pour la plupart américaines, proposent à ceux qui le souhaitent de séquencer leur génome pour une somme de l'ordre de 1 500 euros et de le comparer avec cette banque de données. Supposons que trois séquences d'un génome soient assez proches, et que l'une de ces séquences soit localisée à Tokyo, une autre à Valparaiso, et la troisième à Toulouse, alors que la demande vient de Perpignan. Il sera relativement facile de trouver l'identité du donneur à partir de cette information. Je précise à ce sujet que les personnes ayant fourni les données les concernant à la banque de données de Salt Lake City sont consentantes.

Sur cette question de l'accès aux origines, on a donc, pour résumer, un dogme – le don anonyme et gratuit –, un désir personnel et une technologie qui va balayer les limites posées précédemment. Cet exemple rend manifestes à la fois les enjeux et tiraillements terribles de la bioéthique mais aussi la nécessité d'adapter la loi, dans une certaine mesure, aux nouvelles conditions sociales et technologiques, car une loi qui continuerait d'interdire l'usage de cette technologie serait inévitablement contournée par les personnes qui veulent avoir accès à leurs origines.

Le second sujet scientifique que je souhaite aborder est un peu plus technique, puisqu'il s'agit de la recherche sur l'embryon. La révision à venir de la loi de bioéthique offre en effet une vraie occasion de s'interroger sur les enjeux de la recherche sur l'embryon, qui est à mon avis capitale, en partageant un lexique qui permettra de dépasser les incompréhensions que soulève l'expression « recherche sur l'embryon ».

Quels sont les mots de ce lexique ? Il y a d'abord l'embryon, sur lequel, j'y reviendrai, peuvent éventuellement être menées des recherches. Puis il y a les cellules souches embryonnaires, faites à partir de l'embryon, qui ont deux propriétés importantes : elles sont extrêmement plastiques et elles se multiplient spontanément. Ces cellules souches produites au sein d'un laboratoire vont passer de ce laboratoire, qui peut se trouver en France, vers d'autres laboratoires en Allemagne, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, où elles n'auront plus rien à voir avec l'embryon initial, « détruit » depuis longtemps.

Or, la recherche sur les cellules souches embryonnaires va entraîner une révolution thérapeutique majeure dans les cinq prochaines années, en permettant le remplacement d'une épaule, d'un genou, ou encore le traitement des dégénérescences rétiniennes. Les premiers essais, qui sont conduits actuellement, consistent à marquer une cellule souche pour lui indiquer, par exemple, quel organe elle va remplacer. Cette médecine du futur ouvre des perspectives extraordinaires, même s'il y aura nécessairement aussi quelques soucis.

Existent également des cellules souches produites non pas à partir de l'embryon mais à partir du sang d'adultes, qu'on appelle les iPS. On a cru pendant plusieurs années que les iPS pourraient complètement remplacer les cellules souches embryonnaires, mais on s'est récemment aperçu que les iPS n'avaient pas la même capacité de différenciation que les cellules souches embryonnaires. La confusion est fréquente, mais les iPS sont sans rapport avec la recherche sur l'embryon.

Concernant les embryons, qui ne sont pas des embryons produits pour la recherche mais des embryons surnuméraires, plusieurs questions scientifiques se posent qui donnent lieu à des recherches : comment, lors des tout premiers jours, un « chef d'orchestre » des gènes construit-il ce qui va devenir un être vivant ? Et comment ces gènes vont-ils s'harmoniser entre eux de façon à ce que les cellules, d'abord presque indifférenciées, soient de plus en plus différenciées ? Ces questions sont capitales pour la recherche fondamentale.

La recherche sur l'embryon a aussi des enjeux pratiques. Peut-être ignorez-vous que le taux de réussite de la FIV en France est de 22 %, avec d'importantes différences selon les centres. Accepterait-on qu'un médicament ou un vaccin ne soit efficace qu'à 22 % ? Certainement pas. Il faut donc que l'on comprenne ce qui se passe les premiers temps, dans l'environnement embryonnaire, qui permet finalement la constitution d'un embryon. Et cette recherche pose des difficultés car elle conduit, dans un but scientifique, à toucher à l'embryon que certains, j'en ai conscience, considèrent comme un être vivant.

Quant à la recherche sur les cellules souches, qui est souvent confondue avec la recherche sur l'embryon, elle comporte son propre enjeu éthique, qui n'est pas la provenance de ces cellules souches – l'embryon dont elles sont issues – mais ce qu'on va en faire. Plutôt que de frémir dès qu'il est question de recherche sur l'embryon, je crois important de s'interroger sur les limites légales à donner à la recherche sur les cellules souches. Devons-nous par exemple autoriser la reconstitution des gamètes ?

Je pense que, de façon générale, la loi de 2013 sur les cellules souches a été mal comprise. Il importe par conséquent d'apporter des éclaircissements en partant de nouvelles définitions puis en décidant ce qu'il convient d'accepter ou de refuser en matière de recherche sur ces cellules. Mais vous devez garder à l'esprit que des décisions que vous prendrez dépend l'avenir de la communauté scientifique française travaillant sur ces sujets. Celle-ci subit procès sur procès et, si on ne lui laisse pas la possibilité de mener des recherches au même titre que ses concurrents étrangers, c'est un pan entier d'une recherche aux enjeux capitaux qui risque d'être contrainte de s'arrêter.

Je souhaitais vous présenter ces deux exemples pour montrer que, sur ces sujets qui sont loin d'être simples, la pédagogie est essentielle.

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Monsieur le professeur, je vous remercie pour cet exposé. Nous allons passer aux questions de nos collègues.

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Monsieur le professeur, nous sommes très honorés de vous recevoir aujourd'hui.

Dans quelle société voulons-nous vivre ? Telle est la question que pose le CCNE, une question qui est et restera toujours d'actualité, une question que tout citoyen est amené un jour à se poser. Tous les sept ans, la révision de la loi de bioéthique apporte un éclairage en lien avec les avancées scientifiques et médicales, dont le cycle est de plus en plus court, mais aussi avec l'évolution de notre société, toujours plus connectée, ayant accès à des informations parfois contradictoires, voire à des rumeurs folles, et à laquelle le temps de la réflexion fait défaut.

Le temps de la bioéthique n'est pas, nous le savons, le temps de la politique. Néanmoins, les enjeux sociétaux et les avancées de la science nous obligent à légiférer ou à adapter la loi sans ignorer les cas appelant, sinon une réponse juridique, du moins l'ouverture d'un débat. Sur ces sujets complexes, nous devons chercher un équilibre entre la liberté et la solidarité, entre l'intime et le collectif, tout en tenant compte de ce qui nous engage : le bien commun, l'intérêt général, le mieux-vivre-ensemble et les principes d'égalité et de justice.

L'élaboration de la loi doit aussi tenir compte de la réflexion éthique, dans le respect de la dignité et de la primauté de la personne. C'est pourquoi nous attendons l'avis du CCNE qui ne manquera pas d'enrichir la réflexion du législateur en vue d'un choix libre et éclairé. Et nous saluons le travail du CCNE qui a multiplié les auditions, organisé les rencontres en régions et ouvert avec son site Internet une consultation sur de grandes thématiques sociétales comme l'assistance médicale à la procréation (AMP), la fin de vie et la réflexion éthique autour du vieillissement – mais aussi sur la génétique génomique, l'embryon et les cellules souches embryonnaires, les dons d'organes, les neurosciences, l'intelligence artificielle et notre interaction avec l'environnement.

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Monsieur le président, nous mesurons l'enjeu des États généraux de la bioéthique. La science avance, la société change, l'environnement national évolue, mais l'éthique, quant à elle, doit demeurer la science de la morale.

Lors des États généraux, la PMA a pris une place très importante dans les débats, et ces consultations ont montré un clivage très important entre les partisans d'une meilleure reconnaissance d'une nouvelle forme de parentalité et ceux qui redoutent une marchandisation de la procréation et l'avènement d'un « droit à l'enfant ». Concernant la PMA, le CCNE a par le passé invoqué le respect de l'enfant pour en refuser le principe, mais aujourd'hui le respect de l'enfant est devenu une simple réserve, la priorité étant donnée à l'égalité. Pourquoi cette évolution ? Les besoins de l'enfant ont-ils changé ? Une valeur n'est-elle que temporairement immuable, et évolue-t-elle avec la société ? Pour vous, monsieur le président, il n'existe pas de principes intangibles ni d'interdits fondamentaux, et les lignes rouges sont toutes relatives. Dès lors, la loi du plus fort ou des plus nombreux ne risque-t-elle pas de s'imposer à tous ?

La science avance, on ne peut ni ne doit l'arrêter, mais comment trouver un point d'équilibre dans un domaine qui évolue très vite ? Dans la mesure où l'on autoriserait un couple de femmes à avoir un enfant par PMA, le refuser à un couple d'hommes semble difficile. Dès lors, la gestation pour autrui (GPA) n'est-elle pas inévitable ? Et quand une femme dit qu'elle veut avoir un enfant, son désir doit-il devenir un droit ? Le CCNE n'a pas, dites-vous, à juger cette transformation du désir en droit. Mais, pas plus qu'aucun d'entre nous, vous ne pouvez non plus nous dire ce qu'est le bien ou le mal.

Ma question concerne l'avis favorable à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes que vous avez donné en juin 2017. Vous avez évoqué le sujet de l'insuffisance en dons de gamètes. Par conséquent, faudra-t-il donner la priorité aux couples hétérosexuels infertiles et instaurer deux listes d'attente, solution qui serait difficilement justifiable et certainement irrecevable du point de vue constitutionnel ? Et sera-t-il nécessaire de rémunérer les donneurs pour augmenter leur nombre, comme cela se fait dans certains pays, cette solution ouvrant la porte à l'industrie procréative ?

Monsieur le président, puisque la question de l'ouverture de la PMA à toutes les femmes est une question d'actualité, l'autosuffisance en dons de gamètes l'est également. Pourriez-vous donc nous dire comment il sera possible de concilier une probable augmentation de la demande de dons de gamètes et le grand principe qu'est la gratuité du don, auquel notre droit fait référence et auquel les Français sont attachés ?

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Monsieur le professeur, j'ai été très sensible à ce que vous avez dit sur les enjeux de la démocratie sanitaire. Je pense que nous devons mener une réflexion approfondie sur ces questions car beaucoup de progrès restent, sur ce plan, à accomplir.

J'apprécie particulièrement votre effort pour traiter les questions telles qu'elles se posent, ce qui exige que nous nous départissions du confort intellectuel qui nous guette tous pour prendre le temps de débattre et de nous interroger. Ce temps, nous devrions aussi parfois le prendre à l'Assemblée nationale, où tout va toujours plus vite, où il nous est demandé d'accélérer nos discussions.

Vous posez une question fondamentale : qu'est-ce que la personne humaine ? Il nous faut en effet faire progresser la conscience de ce que nous sommes et réfléchir à ce que nous voulons être afin de disposer de guides pour nos choix politiques. Or, nous vivons ce que d'aucuns nomment une crise anthropologique, qui est en tout cas une crise de sens, provoquée par des phénomènes de marchandisation, eux-mêmes suscités parfois par la concurrence – vous avez d'ailleurs indiqué à la fin de votre propos que la concurrence interfère parfois dans vos travaux et pose la question, pourrait-on dire, d'une éthique de la bioéthique.

Je voudrais savoir quelle leçon vous tirez des travaux que vous avez conduits, quels sont ceux qui selon vous restent à poursuivre, enfin quelles sont les conditions d'un véritable débat qui concerne l'ensemble de la société. Ne faudrait-il pas réparer certaines fractures sociales afin de permettre que les enjeux bioéthiques dont vous avez parlé puissent être très largement partagés ?

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Monsieur le président, permettez-moi de vous remercier pour la clarté de votre exposé. Nous avions eu le plaisir de vous recevoir en janvier dernier au moment du lancement des États généraux de la bioéthique. Vous aviez alors souligné l'importance d'une discussion qui ne tourne pas au débat d'experts et indiqué que vous souhaitiez qu'elle donne lieu à un dialogue véritablement démocratique. L'enjeu de ce débat était, nous aviez-vous dit, de parvenir à une intelligence collective de ces sujets sensibles et complexes avec lesquels nos concitoyens ne sont peut-être pas assez familiers et qui, pour certains, font écho aux expériences vécues par chacun mais aussi aux convictions religieuses, aux idées personnelles ou aux différents parcours de vie.

Vous aviez de surcroît formulé le souhait que les États généraux ne considèrent pas uniquement les sujets médiatisés que sont la PMA ou la fin de vie, mais que d'autres sujets aussi fondamentaux mais plus difficiles à appréhender, comme les nouvelles techniques de génomique, soient également abordés. Pourtant, à la lecture du rapport de synthèse sur les États généraux paru en juin, on ne peut se départir du sentiment que les débats et les contributions sur votre site internet ont surtout concerné la PMA et la fin de vie, même si d'autres sujets qui n'étaient pas proposés ont été évoqués, comme l'évolution de la médecine et le sentiment d'inquiétude qu'elle fait naître.

Les craintes que vous aviez exprimées en janvier vous paraissent-elles a posteriori justifiées ? Croyez-vous également qu'il soit possible de parvenir à des solutions consensuelles, ou risquons-nous au contraire de revivre les affrontements que nous avons connus lors de l'examen du projet de loi sur le mariage pour tous ?

Au moment où notre commission clôture ses auditions sur la bioéthique et qu'une mission d'information est créée en vue de la révision prochaine de la législation, je souhaite que nos prochains débats se déroulent dans une atmosphère sereine et que tous les arguments soient écoutés sans qu'aient lieu des procès d'intention.

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Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE)

Une première série de questions portait sur la procréation. J'ai en effet indiqué que, sur l'ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes, on était à la limite de la bioéthique car les techniques utilisées existent depuis longtemps. Cependant, les problèmes que posent l'anonymat du don et la cryoconservation, qui lui sont étroitement associés, relèvent de la bioéthique. Votre question sur la pénurie de dons de gamètes est une bonne question à laquelle le CCNE ne peut apporter de réponse pleinement satisfaisante.

Sur l'ouverture de la PMA et la GPA, le CCNE avait rendu un avis en juin 2010, avant que commence la discussion de la loi sur la bioéthique. Il avait fallu quatre années pour rédiger cet avis longuement mûri. Nous avons eu à tenir compte de contraintes de temps pour les États généraux mais j'ai tout de même tenu à ce que le prochain avis du CCNE soit connu avant la révision de la loi, afin de ne pas interférer avec sa discussion.

En attendant, je peux vous donner des éléments de réponse. Le Conseil d'État a rendu récemment un avis sur plusieurs questions que lui posait le Premier ministre au sujet de la procréation. Dans cet avis sont envisagées différentes hypothèses, dont celle de l'ouverture de la PMA aux couples de femmes. L'opinion du Conseil d'État est qu'il n'existe pas d'obstacle législatif qui empêcherait de façon définitive cette ouverture, y compris pour les aspects concernant la filiation. L'ouverture de la PMA nécessiterait seulement des modifications du droit.

Sur l'insuffisance du nombre de donneurs, problème auquel nous sommes déjà confrontés, deux questions se posent : celle, dont vous avez parlé, de la priorité à décider entre les couples hétérosexuels, les couples de femmes et les femmes seules, et celle de la réaction des donneurs en cas de levée de l'anonymat du don. Si une décision était prise en ce sens, elle n'aurait évidemment pas d'effet rétroactif et une série de règles seraient mises en place, parmi lesquelles l'accord des donneurs. Pour autant, on a pu constater dans des pays comme l'Angleterre ou le Danemark que la levée de l'anonymat a entraîné dans un premier temps une forte baisse du nombre de donneurs, ceux-ci ayant attendu que la situation se stabilise. Donc dans l'hypothèse où, comme le souhaite le CCNE, la PMA serait autorisée pour les couples de femmes et les femmes seules, on aurait pendant un certain temps un manque important de donneurs, a fortiori si était levé l'anonymat du don.

En avoir conscience est la condition pour se donner les moyens de ses ambitions, par exemple en lançant des campagnes officielles encourageant le don de gamètes, comme cela a été fait pour le don d'organes. En raison de l'insuffisance du nombre de donneurs d'organes, l'Agence de la biomédecine a en effet décidé qu'une de ses priorités était d'ouvrir plus largement le don d'organes aux donneurs vivants. L'avis du CCNE s'en inspirera.

De façon générale, pour que les décisions que vous allez prendre dans le cadre de la révision de la loi soient suivies d'effets, il sera nécessaire qu'elles soient accompagnées des moyens ad hoc. En l'occurrence, si des campagnes encourageant le don de gamètes sont organisées, le nombre de donneurs remontera. En Angleterre et au Danemark, ces campagnes ont même permis que les dons soient plus nombreux qu'ils ne l'étaient avant la levée de l'anonymat.

La deuxième question portait sur un sujet particulièrement important : la démocratie sanitaire. Nous avons organisé un débat public lors de ces États généraux et il s'agit désormais de savoir comment les prochains débats seront organisés. Faut-il que le CCNE continue de s'en charger ? Il s'agit de l'un des sujets sur lesquels le CCNE fera des propositions dans l'avis qu'il rendra en septembre prochain.

Ce qui compte, en effet, c'est moins l'acteur du débat que le débat public lui-même, y compris sur des sujets difficiles. Dès lors, cet acteur peut être un spécialiste de la bioéthique, comme le CCNE, mais aussi de grandes instances de débat public comme celle qui résultera de la réforme du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Des coopérations seront d'ailleurs nécessaires.

J'en arrive aux critiques que vous avez formulées à l'encontre de ces États généraux. Dans mon propos liminaire, j'ai tenu à vous dire que, tels qu'ils ont été organisés par le CCNE, les États généraux furent une réussite. En tant que président du CCNE, on pourra considérer que je suis mauvais juge, mais il n'en reste pas moins que 270 débats régionaux ont été organisés, contre trois seulement lors de la révision de la loi de bioéthique de 2011. Nous avons fait également 170 auditions et lancé un site Internet qui a montré ses limites, j'en conviens, mais qui a permis de récolter 50 000 contributions. Ces réalisations ont pu se faire avec un budget inférieur à celui de 2011, et sans spots publicitaires ou émissions télévisées aux heures de grande audience, grâce au fait que notre activité a été relayée par les journalistes. Le débat public sur la bioéthique pourrait d'ailleurs être en quelque sorte la première marche menant à un débat public sur la santé.

Pour organiser ces futurs débats, le CCNE possède néanmoins plusieurs avantages. Il est d'abord multidisciplinaire, ce qui permet des mises en relation entre les grandes disciplines concernées par la bioéthique. De plus, il bénéficie du réseau des espaces de réflexion éthique régionaux (ERER). À notre demande, des représentants des ERER viendront vous rencontrer en septembre prochain dans chaque région pour vous exposer ce qui a eu lieu lors des États généraux. Or, ce réseau que nous avons éveillé au débat public est prêt à nous accompagner sur une autre proposition que nous vous ferons, qui consiste à doubler la révision de la loi tous les cinq ou sept ans de discussions se déroulant en continu, pour permettre à nos concitoyens de tout âge – un tiers des débats en régions eurent lieu avec des jeunes – de satisfaire leur désir d'information sur ces sujets.

Ces discussions en continu pourraient porter sur des sujets que signalerait le CCNE entre deux révisions de la loi. Mais je pense qu'il faut garder ce temps de la loi, qui est le moment où a lieu la rencontre entre le politique, les sachants et les citoyens. Et je crains d'ailleurs que sans périodicité de la loi, les questions de bioéthique soient oubliées au profit d'autres paraissant plus urgentes, tant est lourd votre travail de législateur.

Une autre de vos critiques portait sur la place exagérée que les États généraux ont donnée à la PMA et à la fin de vie. Cette critique n'est pas absolument fondée puisque, comme je vous l'ai indiqué, quatre sujets sont sortis des discussions : la PMA et la fin de vie, certes, mais aussi la génomique et la place du citoyen dans le système de soins. Il est vrai que les contributions que vous avez pu lire sur le site internet ont essentiellement porté sur les deux premiers sujets, mais tous les autres problèmes éthiques ont été abordés lors des 170 auditions, dont 50 de sociétés savantes, que nous avons conduites. Par exemple, ont été envisagées au cours de ces auditions les questions concernant la recherche scientifique en rapport avec l'embryon dont je vous ai parlé : je ne suis pas moi-même un spécialiste de l'embryon, et je n'aurais pas été capable de vous les exposer sans ces auditions. De même, les sujets sur le numérique et la santé sont entièrement issus des États généraux. Ce sont surtout les journalistes qui ont insisté sur la PMA et la fin de vie.

Sur ces deux sujets et les conceptions qu'en ont nos concitoyens, je souhaite apporter quelques précisions. Il ressort de ce que nous avons entendu et vu pendant ces États généraux que les idées des Français sur la PMA s'opposent, certains étant favorables à son ouverture aux couples de femmes et aux femmes seules tandis que d'autres y sont absolument opposés. Le but des États généraux n'était cependant pas de faire un sondage d'opinion et de calculer combien chaque thèse a de partisans, mais d'entendre les arguments avancés de part et d'autre. Ainsi, j'ai constaté avec mes collègues du CCNE que les personnes refusant l'ouverture de la PMA mettaient fréquemment en avant les notions de filiation et de nouvelle vision familiale, ainsi qu'un argument consistant à rappeler l'intérêt de l'enfant.

Mais j'ai aussi entendu, cette fois dans la bouche des personnes qui souhaitaient que la loi sur la PMA change, un autre argument qui était celui de l'émergence d'une construction familiale élargie aux grands-parents. Car, quel que soit le contexte, y compris celui d'un couple de femmes ou d'une femme seule, lorsque l'enfant paraît, il devient aussitôt l'enfant de toute la famille. Nous avons tous vu apparaître autour de nous des idées sur la famille que nul n'aurait imaginées il y a trente ans. En tout état de cause, la famille reprend ses droits.

Nous avons souvent entendu l'argument du contexte familial chez les opposants à l'ouverture de la PMA. Mais celui portant sur la nouvelle notion de famille m'a paru frappant. Cette remarque doit être comprise comme un clin d'oeil de ma part sur un sujet beaucoup plus complexe.

Sur la question de la fin de vie, les avis des Français sont nettement plus nuancés. La grande majorité de ceux qui ont participé aux États généraux s'accordaient pour dire que les conditions de la fin de vie ne sont pas optimales et que la plupart des personnes qui décèdent dans notre pays ont atteint le quatrième âge. Ce lien entre la fin de vie et le quatrième âge est exact, et l'on doit se réjouir que nos concitoyens ne se laissent pas éblouir par certains cas dramatiques très médiatisés.

Les participants aux États généraux ont ainsi pointé le manque de lits en unités de soins palliatifs et l'insuffisance des soins palliatifs hors les murs. Les deux plans de développement des soins palliatifs n'ont, en effet, pas été à la hauteur des besoins. Enfin, il est apparu que la loi Claeys-Leonetti est mal connue par les familles et qu'elle n'est pas suffisamment prise en compte par les professionnels de santé, qui, pour certains, ne l'acceptent pas. Faire appliquer la loi Claeys-Leonetti est donc urgent.

Ces idées de nos concitoyens sur la fin de vie constituent un socle commun solide. Pour le reste, deux positions s'opposent. L'une est favorable à la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté, tandis que l'autre consiste à juger qu'en prenant des mesures pour résoudre les autres problèmes que pose la fin de vie, la quasi-totalité des problèmes trouveraient une solution. Les États généraux ont donc montré que, sur la fin de vie, se dégageaient des positions communes, alors que sur l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, elles diffèrent entièrement.

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Monsieur le professeur, je vous remercie pour les éclairages que vous nous avez apportés.

Je souhaite revenir sur la question de l'anonymat du don de gamètes et sur celle de l'accès aux origines. Vous avez déjà répondu à ma première question sur la légitimité de traiter dans la loi relative à la bioéthique de sujets qui ne sont pas liés à l'évolution de la technique mais à celle de la société. Votre réponse a été positive, et je suis d'accord avec votre interprétation. J'aurais cependant une remarque qui concerne le tarif du séquençage génomique. Vous avez parlé de 1 500 dollars alors que je l'ai vu proposé pour 99 dollars. Peut-être étaient-ce des soldes ? Quoi qu'il en soit, cette technique est désormais largement accessible. De plus en plus de personnes y recourent, et certaines sont parvenues à trouver le donneur qui a permis leur naissance.

Aussi suis-je amenée à me demander s'il est nécessaire de débattre du principe de l'anonymat des dons de gamètes, que personne ne conteste. Nul n'envisage en effet de permettre au donneur et au receveur de connaître leurs identités respectives au moment du don, ni de permettre au couple receveur d'accéder à l'identité du donneur. Au lieu de modifier le droit existant, je propose d'ajouter un nouveau principe qui serait le droit pour une personne majeure conçue par AMP d'accéder à ses origines.

L'enfant a été l'oublié de l'AMP, en sorte que la personne devenue adulte n'est visée aujourd'hui par aucune disposition légale. Intégrer dans le code civil, parmi les grands principes qui régissent la biomédecine, celui du droit de la personne née par AMP d'avoir accès à ses origines réparerait cette lacune.

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Monsieur le président de la CCNE, je salue le travail que vous avez fait tout au long des États généraux de la bioéthique et la rigueur dont fait preuve votre rapport.

Vous avez mené de nombreuses consultations et auditions, en soulignant les limites de chacune de ces sources, mais je constate que vos travaux ne prennent que très peu en considération les débats et les évolutions bioéthiques à l'étranger, notamment en Europe. Au vu de l'importance des décisions rendues par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et, plus encore, par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), allez-vous poursuivre vos travaux pour prendre en compte les juridictions et encadrements législatifs supranationaux ?

Comme vous l'avez indiqué au début du rapport du CCNE, certains sujets n'ont pas été abordés ou l'ont à peine été lors de ces États généraux, par exemple le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain, notamment le don du sang. D'autres sujets encore ne sont traités que partiellement, comme la GPA, alors que le recours à cette pratique est en augmentation et en pleine mutation. Allez-vous faire suivre votre rapport de documents approfondis sur ces sujets ?

Enfin, j'aimerais savoir comment, après ce rapport qui a conduit les débats de bioéthique à des niveaux rarement atteints en France, vous envisagez de travailler avec le gouvernement ?

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Monsieur Delfraissy, je vous remercie à mon tour pour votre travail.

Que ce soit en milieu hospitalier ou en médecine de ville, une importante masse de données personnelles concernant la santé, l'âge, les antécédents, les prescriptions des médecins, les traitements suivis et leurs résultats, transite par les systèmes d'information de la sécurité sociale et de l'assurance maladie. Leur pleine exploitation est un défi pour les acteurs de la santé. Par ailleurs, l'avènement des objets connectés fournit des millions de données relatives à notre état de santé – nombre de pas, bilan calorique, glycémie, tension, etc. – qui peuvent être suivies en permanence par leurs utilisateurs.

Au-delà de l'amélioration de la prise en charge des patients et de la qualité des soins que permettent ces données, leur croisement pourrait faire progresser la recherche médicale et favoriser l'émergence d'une médecine préventive, prédictive et personnalisée. Or, pour être efficace, la médecine prédictive nécessite qu'un grand nombre de données de santé soient échangeables et partageables. L'ouverture de l'information en vue de promouvoir cette médecine soulève ainsi des problèmes éthiques.

Le nouveau règlement européen sur la protection des données (RGPD) vient d'entrer en vigueur, mais j'aimerais connaître l'avis du CCNE sur l'éthique de la donnée et sur l'enjeu de la médecine prédictive au regard de la protection des données personnelles. Quid du consentement des patients à l'usage des données qui les concernent ?

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Monsieur le professeur, je voudrais revenir sur le sujet de la santé dans son rapport à l'environnement, sujet dont vous avez élargi le périmètre dans le cadre de ces États généraux en envisageant la question du sens à donner à notre société. Mais vous n'avez traité que rapidement ce sujet, et je souhaite donc que vous nous donniez des pistes complémentaires.

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Monsieur le président, je vous remercie pour la qualité de votre intervention qui nous a apporté bien des éclairages.

L'importante question de la prise en charge financière de la PMA a été abordée lors des États généraux. Or, aucun consensus ne se dessine, et il en est de même en Europe, où les décisions diffèrent d'un pays à l'autre. En effet, ouvrir la PMA à toutes les femmes, quelle que soit leur situation personnelle et familiale, permettrait de leur offrir plus d'égalité, mais pose cependant le problème de la prise en charge d'un acte ne répondant pas à une pathologie, les femmes seules ou en couple homosexuel pouvant ne pas être stériles. Le non-remboursement circonscrit la prise en charge par la sécurité sociale aux seules pathologies, philosophie initiale de l'assurance maladie. Quant au remboursement partiel, il contreviendrait au principe de prise en charge des seules pathologies et entraînerait une rupture d'égalité entre les couples hétérosexuels non stériles, d'une part, et les couples de femmes et les femmes seules, d'autre part.

Une PMA coûte aujourd'hui plusieurs milliers d'euros. Son remboursement intégral par l'assurance maladie donnerait à toutes les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle ou la forme que peut prendre leur famille, la chance de se voir offrir le même droit, celui d'un égal accès à la PMA.

Il ressort de son rapport de synthèse que le CCNE est favorable à un remboursement partiel de la PMA. Pourquoi avoir choisi cette position intermédiaire ? Je souhaite que vous m'indiquiez quel en est, selon vous, l'avantage, et quelles seraient les perspectives d'évolution.

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Dans son avis du 15 juin 2017, le CCNE s'est déclaré défavorable à l'autoconservation d'ovocytes en avançant comme arguments les risques de pression professionnelle, le manque d'efficacité du procédé ou encore le risque médical que cette pratique présente. Pourtant, de nombreux professionnels de santé et des sociétés savantes ont une opinion différente. L'année dernière, l'Académie des sciences s'est même déclarée favorable à la légalisation de l'autoconservation d'ovocytes. Je voudrais savoir si la position du CCNE sur ces questions a évolué.

Par ailleurs, vous écrivez dans la synthèse des États généraux que l'autoconservation ovocytaire est un sujet qui a été peu abordé dans les débats et qui, chaque fois qu'il a été traité, a partagé les opinions. Comment expliquez-vous ce relatif désintérêt ? Et quels enjeux éthiques ressortent des différentes opinions exprimées ?

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Je salue la présence parmi nous de Monsieur Di Filippo, du groupe La République en Marche, qui, bien que membre de la commission des lois, a souhaité lui aussi interroger le professeur Delfraissy.

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Je vous remercie, madame la présidente, mais je ne suis pas encore membre de la République en marche ! Je tiens à rassurer ma famille politique, Les Républicains.

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Et je me rends compte que j'ai indiqué que vous êtes membre de la commission des lois, alors que vous l'êtes de la commission des affaires économiques.

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Je comprends en tout cas, ma chère collègue, votre déception. (Sourires.)

Je souhaite revenir sur deux sujets relatifs à la PMA qui posent particulièrement problème, tant philosophiquement que juridiquement. La première est celui de la marchandisation du corps humain. Car il est pour le moment question de la PMA pour toutes, mais des couples d'hommes qui aimeraient accéder à la paternité vont forcément souhaiter la légalisation de la GPA, puisqu'ils ne pourront jamais procréer eux-mêmes. Et ces couples vous opposeront l'argument qui vous sert à justifier la PMA pour toutes, soit le respect de la stricte égalité, puisque la GPA est possible à l'étranger. S'ils ont gain de cause, la GPA, altruiste dans un premier temps, sera bientôt indemnisée officieusement puis officiellement. On voit donc que derrière les questions qui concernent la PMA se profile le risque de la marchandisation du corps humain.

Ma deuxième question porte sur l'accès aux origines. Pour faire un enfant, il faudra toujours un gamète mâle et un gamète femelle. Or, notre pays va avoir des générations d'enfants sans père et qui ne pourront connaître son identité, ainsi que plusieurs de mes collègues l'ont relevé. Lever l'anonymat du don entraînerait des problèmes juridiques, puisque ces enfants auraient alors la possibilité de se tourner vers leur géniteur pour lui demander des comptes. A contrario, si nous préservons l'anonymat des donneurs, ces enfants devront construire leur identité en ignorant qui est leur père, ce qui ne manquera pas pour eux d'être difficile, même s'ils ont des grands-parents et une maman aimante. Que des générations d'enfants ne puissent savoir qui est leur papa est à mes yeux un vrai problème.

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Je m'associe à mes collègues pour vous remercier pour votre présentation, professeur Delfraissy, mais également pour la qualité des États généraux de la bioéthique et le talent avec lequel ils ont été organisés. Ils ont permis ce croisement des visions portées par les experts et par l'opinion publique, militante ou non militante, que nous souhaitions tous. Les États généraux ont ainsi constitué un temps majeur du processus de révision des lois bioéthiques qui s'est déroulé dans des conditions sereines et satisfaisantes.

Récemment, l'Assemblée nationale a constitué une mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, dont j'ai l'honneur d'être vice-présidente. Notre mission a notamment auditionné des conseillers d'État qui, dans leur rapport, ont présenté d'utiles pistes de réflexion, parmi lesquelles le rappel de l'importance du modèle français de bioéthique. Ce modèle s'appuie sur un triptyque de principes, la dignité, la liberté et la solidarité, qui renvoient eux-mêmes à d'autres principes ou valeurs comme la non-patrimonialité du corps, le choix du type de procréation ou le don. Il est intéressant de constater que, lors des États généraux, l'opinion a spontanément fait référence à ces valeurs.

Je voudrais savoir comment, dans l'avis que vous rendrez prochainement, vous comptez donner une place à ce triptyque. Plus généralement, je souhaiterais que vous nous expliquiez comment il vous semble possible de pérenniser notre modèle de bioéthique que les révisions successives de la loi risquent de rogner peu à peu.

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Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE)

Plusieurs questions portaient sur l'anonymat du don qui est certes un sujet sociétal, mais qui relève aussi de la biotechnologie. On pourrait en effet imaginer que des personnes conçues par PMA désirent avoir accès à leur origine, mais que la technologie ne le leur permette pas. Or, même en l'absence de levée de l'anonymat, avec les banques de données dont j'ai parlé, ces personnes ont le moyen de connaître leur père.

C'est pourquoi la question de l'anonymat du don est un excellent exemple des enjeux de la bioéthique : on a des dogmes, un désir individuel, et la biotechnologie qui rend possible ce qui ne l'était pas. La proposition que vous avez faite m'a paru intéressante, mais elle concerne la loi et je souhaite pour ma part considérer seulement les principes. En revanche, je crois qu'il nous faut, à l'occasion de la révision de la loi, anticiper les prochaines avancées technologiques, qui vont s'accélérer.

Vous avez indiqué que, pour 100 à 200 euros, il serait possible d'obtenir le séquençage à haut débit de son génome. Passer par l'intermédiaire d'une start-up qui interroge ensuite la banque de données des Mormons coûte en fait nettement plus cher, le séquençage qui vise à déterminer une origine différant de celui qui sert à identifier certains gènes défectueux.

Une autre de vos questions concernait les différences entre les juridictions européennes. Pour ces États généraux, nous avons fait en sorte que les débats aient lieu non seulement en métropole mais aussi en Guyane, à la Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion et en Polynésie, mais sans chercher à connaître la vision internationale. Par contre, l'avis du CCNE tiendra compte du dialogue qu'à partir de fin août nous allons engager avec les présidents de comités d'éthique européens. Nous souhaitons en effet connaître leur avis sur cette construction d'une éthique à la française. De leur côté, ces comités montrent aussi un fort intérêt pour ce qu'ont été les États généraux.

Nos concitoyens veulent savoir pourquoi, sur certains sujets de bioéthique, les positions de la France, de la Belgique, de la Suisse ou encore de l'Espagne diffèrent tant. Il n'est pas facile de leur répondre. Pour ma part, je pense que ces divergences sont dues à des particularités culturelles anciennes. En Espagne, par exemple, la place et l'importance de la culture religieuse expliquent que les choix de ce pays sur la fin de vie et sur la procréation diffèrent des nôtres. Il est intéressant pour nous de connaître les raisons de ces différences, mais nous n'avons bien sûr pas à adopter des valeurs ou des idées que nous ne partageons pas.

Si vous le permettez, je vais dire quelques mots sur la GPA qui, en France, fait l'objet d'un rejet massif, comme nous l'avons vu en auditionnant pour les États généraux des sociétés savantes. Ce consensus tient au refus de la marchandisation du corps. Néanmoins, il faut que vous sachiez que les progrès technologiques actuels vont certainement bouleverser la donne. En effet, des pédiatres américains essaient de construire des utérus artificiels, non pour faire des GPA, mais dans le but de prendre en charge des nouveau-nés de très petit poids. Quand j'ai commencé mes études de médecine, on n'envisageait pas de sauver un enfant pesant moins de 1,5 kilogramme. Maintenant, on réanime des enfants de 600 ou 700 grammes. Or, trois centres dans le monde construisent des utérus artificiels qui sont des poches pleines d'un soluté ressemblant au liquide amniotique. La mère vient toucher son enfant, on lui passe de la musique, l'éclairage change au cours de la journée et des mouvements légers imitent même ceux du ventre maternel. Les médecins travaillant dans ces centres espèrent parvenir à sauver des enfants de 450 grammes. Imaginez qu'ils y parviennent ! Qu'en serait-il par la suite pour un embryon de 3 grammes ? Ainsi, nous devons garder à l'esprit que les aspects technologiques de ces questions amèneront très régulièrement, au moins tous les sept ans, d'importants changements législatifs.

On m'a également demandé quels rapports le CCNE entretient avec le Gouvernement. Le CCNE est une instance autonome, mais nous avons avec le Gouvernement des rapports normaux de dialogue, comme nous en avons aussi avec votre commission. J'ai rencontré ces derniers mois Mme Bourguignon et, si vous souhaitez de nouveaux éclairages sur un sujet, moi-même ou un membre du CCNE vous les apporterons. Ce dialogue est essentiel dans la mesure où aucun des interlocuteurs en présence ne détient, sur ces sujets difficiles, la vérité. C'est pourquoi je juge précieux que nous nous retrouvions tous les cinq ou sept ans, en prenant le temps de discuter et de confronter nos positions.

Le numérique en santé est, vous l'avez souligné, un sujet fondamental pour l'avenir de l'organisation de la médecine dans notre pays. J'ajouterai qu'avec le numérique la France a une carte essentielle à jouer. Car on dit souvent que, dans le domaine numérique, tout est fait par des entreprises comme Google, dont certaines sont chinoises ou coréennes. C'est faux, ces entreprises ne s'occupant d'ailleurs pas de santé. Les bases de données américaines sont aussi des bases de données importantes. Mais les grandes universités ont besoin, pour améliorer leurs algorithmes, de disposer d'une quantité beaucoup plus importante de données, notamment de données correspondant à la vie d'un pays. Seuls trois pays le permettent : deux petits pays, le Danemark, où les données personnelles des habitants sont numérisées dès leur naissance, et les Pays-Bas, qui réalisent actuellement une collecte similaire de données, et la France avec le système de données de santé de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) qui, en raison de sa taille, présente un enjeu considérable et permet à notre pays d'être un interlocuteur écouté.

Aussi avons-nous créé au niveau du CCNE un groupe de travail « flash » composé de membres du Conseil, de la communauté de l'intelligence artificielle ainsi que des grands services des ministères, dont la mission était de définir les grands enjeux de bioéthique. L'avis du CCNE vous présentera les résultats de ce travail. La loi de bioéthique de 2018 ne donnera vraisemblablement pas une grande place à la question du numérique et de la santé, mais nous souhaiterions qu'au moins l'avant-propos ou un chapitre ad hoc montre que la France tient à être présente sur ce thème. Les Européens l'attendent de la France, ainsi que les Canadiens avec qui nous avons des projets communs.

Le consentement des usagers de santé, dont vous avez aussi parlé, est en effet un sujet très important. Il s'agira en particulier de préciser le sens de ce consentement.

Le débat sur « santé et environnement » a été, il est vrai, un peu décevant. Nous avons recueilli l'avis de plusieurs sociétés savantes et organisations non gouvernementales (ONG) mais, de façon générale, les personnes dont l'activité concerne l'environnement s'intéressent peu à la santé, dont ils ne font pas un enjeu majeur, et celles travaillant dans le secteur de la santé se préoccupent à peine de l'environnement. Ainsi, les pneumologues ne considèrent que fort peu les intolérances environnementales bien qu'elles soient un facteur majeur d'allergie. Notre but, en mettant à l'ordre du jour lors des États généraux ce nouveau sujet de réflexion, était avant tout de l'inscrire à l'agenda afin qu'il puisse continuer à être examiné par la suite. Le CCNE fera d'ailleurs sur le thème de la santé et de l'environnement une proposition originale concernant les entreprises.

Sur la question du remboursement de la PMA pour toutes, je vous invite à attendre l'avis du CCNE, qui va reprendre les conclusions des précédents avis mais aussi prendre en compte les résultats des États généraux. En conséquence, nous allons, sur plusieurs sujets, sinon modifier en profondeur notre propos, du moins le nuancer. Ce sera notamment le cas sur le remboursement de la PMA et, probablement, sur l'autoconservation des ovocytes.

Vous avez aussi parlé de marchandisation du corps à propos de la PMA. Mais la PMA ouverte à toutes les femmes n'a rien à voir avec cette marchandisation : il s'agit simplement de mettre une technique au service des couples de femmes et des femmes célibataires. Par contre, la GPA ouvre en effet la possibilité d'une marchandisation du corps. Or, comme je vous l'ai indiqué, la GPA est très généralement refusée dans notre pays, comme nous avons pu constater lors des États généraux où peu de débats ont porté sur ce sujet. L'avis du CCNE n'est pas différent.

Sur l'accès aux origines, je crois avoir déjà répondu.

Vous avez également voulu avoir mon opinion sur le modèle français de bioéthique. À mon avis, un aspect capital de ce modèle est la place qu'y tient le débat citoyen, qui importe pour la bioéthique mais aussi pour la politique sanitaire. Il pourrait avoir lieu tous les cinq ou sept ans, l'intervalle de cinq ans étant peut-être mieux adapté au temps politique actuel et au temps scientifique.

Et nous allons proposer que soient créés des comités citoyens associés aux espaces éthiques régionaux qui, entre deux réunions des États généraux, débattront des avis du CCNE de façon à ce que nous ayons continuellement un retour. Nous demanderons aussi que notre tâche soit élargie pour faire du CCNE une structure de surveillance et d'alerte.

Plusieurs questions concernaient l'intelligence artificielle. Vous vouliez savoir si le CCNE pourrait exercer sur celle-ci une fonction de régulation. La réponse est non. Le rapport Villani suggère de créer à côté de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) des instances de régulation vérifiant que les algorithmes sont construits dans de bonnes conditions. Cette tâche est colossale et elle dépasse de beaucoup le seul aspect bioéthique puisqu'elle concerne aussi les algorithmes financiers, entre autres. En tout cas, cette idée d'une agence de régulation fait l'unanimité.

Est par ailleurs envisagé de créer un comité d'éthique du numérique chargé d'accompagner le CCNE dans ses missions. La question de la forme des relations de ce comité avec le CCNE se pose. Le Conseil continuera en tout cas de s'occuper de toutes les questions de santé en rapport avec le numérique auxquelles, vous l'avez senti, son actuel président accorde la plus grande importance.

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Je me suis plus particulièrement intéressée aux développements du rapport de synthèse issu des États généraux de la bioéthique qui concernent l'intelligence artificielle adaptée à la médecine, et qui, pour certains, ouvrent des perspectives très positives, comme sur l'aide numérique au diagnostic ou sur les moyens de contrer la désertification médicale.

Pour autant, tous les problèmes que soulève l'usage du numérique en santé n'y trouvent pas de réponse. Je pense par exemple à la question de la responsabilité du concepteur ou de l'utilisateur de l'intelligence artificielle, au risque, évoqué lors d'une précédente audition, d'un accroissement des fractures sociales, ou encore à la difficulté d'obtenir le consentement éclairé des patients. Cependant, je note un accord général, qui me rassure, sur l'importance du dialogue des soignants avec les patients et sur le caractère primordial de la résolution humaine, à laquelle les machines ne peuvent en effet se substituer.

Reste à trancher la question de la responsabilité, dont nous allons nous occuper lors de la révision de la loi. Quelle doit être sur ce sujet la position du législateur ? Mon opinion est que cette responsabilité ne peut qu'être partagée entre l'utilisateur et le concepteur.

Je me demande également si la loi n'a pas toujours un temps de retard sur la science, qui pour sa part avance à grands pas. Vous avez parlé de la mise au point à venir de l'utérus artificiel, mais peut-être aurons-nous auparavant déjà légiféré sur la GPA, que cette technique pourrait remplacer. Ne faudrait-il pas dès lors réviser la loi chaque année plutôt que tous les cinq ans ?

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Monsieur le président, les conclusions du rapport du CCNE sur les États généraux de la bioéthique montrent la forte mobilisation de nos concitoyens sur ces sujets, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Vous avez indiqué que, sur les enjeux de santé, nos compatriotes partagent un certain nombre de principes éthiques. Ils souhaitent que le progrès médical reste éclairé et raisonnable : la gratuité du don, la non-commercialisation du corps humain et le respect de la liberté et de l'autonomie de chaque personne font ainsi consensus dans la société. Nous avons d'ailleurs dans cette commission des débats passionnants sur ces sujets, notamment lorsque nous avons auditionné Mme Agacinski, dont les propos lors de son audition rejoignent mes propres préoccupations.

Sur la PMA et la fin de vie, le CCNE note cependant que la société est partagée entre des positions divergentes, voire inconciliables. Pourriez-vous, sans anticiper sur l'avis que vous rendrez en septembre prochain, nous faire part des différentes positions sur la PMA que vous avez recueillies ? Et jugez-vous possible de donner du crédit à la consultation effectuée sur cette question, compte tenu des fortes divergences existant sur ce sujet ? Enfin, l'avis du Comité sur la PMA s'appuiera-t-il sur les résultats des États généraux ?

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D'après la récente expérience des États généraux, comment envisagez-vous leur prochaine organisation ? Par ailleurs, comment pourrions-nous davantage développer des liens internationaux, notamment avec les pays européens ayant une culture et des valeurs comparables aux nôtres mais dont les décisions sur la bioéthique diffèrent ?

Je voudrais également revenir sur la question du futur calendrier de la révision de la loi sur la bioéthique, à chaque fois précédée par des États généraux. L'intervalle actuel de sept années entre deux révisions ne correspond pas au rythme des mandats législatif et présidentiel. Je rappelle que, loin d'être une décision rationnelle, il fut le résultat d'un compromis adopté en commission mixte paritaire (CMP), certains demandant que l'intervalle soit de cinq ans tandis que d'autres refusaient toute révision périodique.

L'Assemblée nationale s'est dotée d'une mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique dont Xavier Breton est président et dont je suis rapporteur. Il nous semble important que l'Assemblée travaille de façon permanente sur ces questions, le lien avec le CCNE pouvant prendre la forme d'une délégation parlementaire remettant chaque année un rapport. Une telle délégation présenterait le double intérêt de suivre l'évolution accélérée des questions de bioéthique et de soutenir l'intérêt qu'elles suscitent dans la population.

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Mon propos porte sur la numérisation des données. Vous avez déjà évoqué la numérisation et le consentement. Je pense pour ma part qu'il est très important que ces données personnelles puissent faire pour les patients l'objet d'une « traduction » et qu'ils puissent également y avoir accès. Ainsi, ils auront sur ces données un certain pouvoir.

Par ailleurs, l'un des facteurs clés de succès du développement du dossier médical partagé est le partage des données. Ne trouvez-vous pas qu'introduire trop de protection empêcherait ce partage nécessaire à la fois pour la recherche et pour la prise en charge du patient ?

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Monsieur le président, je vous remercie pour les éclairages nombreux que vous nous apportez.

Quelle société voulons-nous demain ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire que nous ayons un débat sociétal et financier où l'humain soit au centre des préoccupations. J'ai par conséquent lu avec beaucoup d'intérêt l'avis du CCNE sur les enjeux éthiques du vieillissement rendu public en mai dernier. Il s'agit là d'un sujet d'actualité, le président de la République ayant indiqué qu'en 2019 nous légiférerons sur le vieillissement.

Je voudrais vous interroger sur l'accompagnement de la fin de vie. Aujourd'hui, 60 % des décès ont lieu dans une structure médicalisée, généralement l'hôpital, contrairement à ce que souhaitent la plupart de nos compatriotes. Quel jugement portez-vous sur cet accompagnement et pensez-vous que, pour répondre aux attentes de nos concitoyens sur la fin de vie, il suffise de mieux faire connaître la loi Claeys-Leonetti ?

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Monsieur le président, je tiens à saluer la limpidité de vos propos.

Le CCNE, premier comité d'éthique créé dans le monde, a ouvert la voie à l'émergence de structures identiques dans d'autres pays. Les enjeux éthiques que soulèvent certaines avancées dans le domaine des sciences de la vie et de la santé intéressent en effet les citoyens du monde entier. Mais des différences notables existent d'un pays à l'autre, notamment en Europe : ainsi, l'euthanasie est légale chez certains de nos voisins, la gestation pour autrui est autorisée en Grande-Bretagne et la congélation d'ovocytes l'est en Espagne. Aussi, certains de nos concitoyens vont chercher à l'étranger une législation qui leur est plus favorable, ce qui entraîne pour eux un coût mais aussi des situations juridiques complexes, comme la non-reconnaissance par la France des enfants nés par GPA à l'étranger.

Les lois de bioéthique changent d'un État à l'autre et les différences sociétales rendent complexes les échanges entre structures nationales. Pourtant, disposer sur les grands principes éthiques d'une vision européenne est nécessaire. Comment développer les relations entre les différents comités européens d'éthique ? Pourriez-vous aussi nous préciser le rôle du CCNE à l'échelon européen et international ?

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Depuis la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, le don d'ovocyte est possible pour les femmes nullipares. En contrepartie de ce don, il leur est proposé une autoconservation de leurs gamètes dite « de précaution ». Or, d'après le rapport de synthèse du CCNE, les femmes ayant procédé à la conservation de leurs gamètes ne pourraient pas, lorsqu'elles ont atteint la limite d'âge pour procréer, demander leur destruction si l'autoconservation a été prise en charge par la société.

Je souhaiterais comprendre pourquoi la destruction des gamètes conservés dans le cadre d'une autoconservation de précaution est jugée moins acceptable pour ces femmes que pour les couples ayant fait réaliser une procédure de FIV. La solidarité nationale peut-elle différer selon les personnes concernées ?

Par ailleurs, l'autoconservation de précaution est régulièrement proposée comme réponse à la raréfaction de l'offre de gamètes. L'insémination artificielle avec donneur connu est, quant à elle, souvent présentée comme le moyen de pallier l'insuffisance de don de sperme. En Belgique, par exemple, un couple de femmes peut venir accompagné d'un donneur. J'aimerais avoir votre avis sur ces sujets.

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Monsieur le professeur Delfraissy, la position privilégiée d'observateur qui fut la vôtre ces derniers mois vous a permis de « prendre le pouls » de la société sur les grands enjeux de bioéthique que sont la fin de vie, la PMA, l'intelligence artificielle, la conservation des gamètes et les neurosciences, entre autres. Les États généraux de la bioéthique ont en effet mobilisé, lors d'auditions ou de comités, un grand nombre de citoyens, d'associations et de structures engagées de tous bords.

Je souhaiterais qu'à l'heure où nous sommes sur le point d'engager des réformes importantes qui concernent la bioéthique, vous nous présentiez un aperçu de cette ambiance sociétale. Car, pour avoir vécu la loi sur les cellules souches embryonnaires et la loi sur le mariage pour tous, je crois qu'il serait extrêmement précieux pour nous, parlementaires, de savoir si la société est prête aux changements que nous nous apprêtons à opérer. Pensez-vous qu'ils seront mieux acceptés que les réformes que j'ai citées ?

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Dans vos propos liminaires, qui étaient très étayés, vous avez dit, monsieur le professeur, que vous avez fait en sorte que les États généraux ne soient pas réservés aux seuls sachants. Néanmoins, on constate malheureusement que, sur tous ces sujets, l'avis scientifique ou juridique prime, chacun se retranchant derrière ces expertises, comme nos auditions ne le montrent que trop. Nombre de nos concitoyens se montrent par ailleurs fatalistes à l'égard de l'innovation technologique et scientifique qui, dans tous les domaines, s'accélère.

À mes yeux, ce fatalisme et cette prédominance des sachants biaisent profondément le débat bioéthique. Car, du point de vue scientifique, tout est possible et même, au regard de la recherche, souhaitable, et n'importe quelle innovation scientifique ou technologique peut également être justifiée en termes de soins. Mais n'est-ce pas notre rôle de législateurs que d'écouter cette vox populi faite de bon sens et généralement ignorée parce qu'elle est le fait de non-experts ?

Avec ma deuxième question, je souhaite revenir sur ce que vous avez dit sur les cellules souches. À vous suivre, la question à considérer n'est pas celle de leur provenance, mais celle de leur utilisation et des interdictions à fixer à la recherche scientifique. Je pense que nous devons adopter le raisonnement inverse, partir de l'origine de ces cellules et du fait qu'elles diffèrent des autres cellules pour décider ce qu'il est légitime de faire.

Car, avec les recherches portant sur la procréation, l'embryon, l'intelligence artificielle ou la génomique, c'est la question de l'humanité qui est en jeu. Quelles techniques maîtrisons-nous absolument ? Quels domaines sommes-nous assurés de connaître ? Et que sait-on des effets de ces techniques sur chaque individu, sur les générations futures ? En tant que législateurs, nous avons toute légitimité pour fixer des limites qui pourront être perçues par certains scientifiques comme un frein mais qui correspondront à la société française que nous souhaitons, à la conception de l'homme qui est à la nôtre. La grande question que nous devons nous poser est pour moi la suivante : jusqu'où l'homme s'autorise-t-il à transformer sa propre humanité ?

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Monsieur Delfraissy, je vous remercie pour la présentation que vous avez faite.

Ma question concerne le don du corps à la science. J'ai été interpellé par une famille dont le père avait donné son corps à la science et qui n'a pu ni le récupérer ni même apprendre où et quand le corps avait été enterré, ce qui a rendu leur deuil très difficile et leur a donné le sentiment que la dignité humaine de leur père se trouvait niée.

Ce n'est qu'après une longue bataille contre l'administration que cette famille a pu savoir que le corps avait enterré avec les anonymes dans le « carré des oubliés », ce qui fut pour elle un nouveau choc. Un non-expert ne peut en effet que trouver cette décision administrative inhumaine. Quel dogme ou quel principe peut justifier qu'en cas de don du corps à la science les familles n'ont aucun droit de regard sur le devenir de la dépouille de leur proche ? Inversement, ne pourrait-on pas rattacher le droit de récupérer le corps à un principe éthique ?

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En décembre 2017, la CNIL a publié un rapport sur les enjeux éthiques des algorithmes et de l'intelligence artificielle dans lequel le rôle de la main humaine dans l'évolution de cette technologie est présenté comme un problème central. Même si cette main ne fait que fournir des données à la nouvelle classe d'algorithmes paramétrés pour s'autoréguler à partir de techniques d'apprentissage, nous devons nous interroger sur l'intervention mais aussi sur le contrôle humain a posteriori. Très vite, les informations de santé publique produites par l'outil algorithmique nous seront inaccessibles et incompréhensibles, tout en étant indispensables puisqu'une médecine prédictive, préventive et personnalisée ne peut s'en passer.

Comment pouvons-nous nous prémunir contre le risque que représenterait une confiance excessive en la fiabilité de l'intelligence artificielle ? Par ailleurs, à quel moment et de quelle manière l'humain doit-il intervenir ?

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Je souhaite revenir sur l'extension de la PMA à toutes les femmes, extension qui constituerait une mesure d'égalité en supprimant une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et le régime matrimonial. Je crois qu'il s'agit d'une décision attendue par les Françaises et les Français et que, sur ce sujet, le politique a encore une fois un temps de retard sur la société. Pour l'affirmer, je m'appuie sur des sondages d'opinion indiquant que six à sept Français sur dix sont favorables à cette extension de la PMA.

Mon interrogation porte sur les différences existant entre ces sondages d'opinion et les convictions exprimées lors de la consultation qu'a organisée le CCNE. Je constate en effet une surmobilisation militante contre l'ouverture de la PMA, que prouve notamment un article du magazine La Vie reprenant les propos de Guillaume de Thieulloy. Ce directeur de plusieurs sites catholiques conservateurs et d'extrême-droite y parle en effet d'une surmobilisation assumée des militants opposés à la PMA pour toutes. Il ajoute aussi, dans ce même magazine, que la nomination du médecin spécialiste de la bioéthique Michel Aupetit comme archevêque de Paris a joué un rôle important dans cette mobilisation de l'Église catholique. Et j'ai également appris d'acteurs associatifs que cette dynamique militante a eu pour effet de dissuader certaines personnes de participer aux travaux des États généraux.

À la lumière de ces éléments, quels sont les prérequis nécessaires pour mener un débat apaisé et faire en sorte que personne ne s'exclue ou ne soit évincé de la discussion ? Il nous faut en effet veiller à ce que nul ne puisse jouer sur les peurs ou les blessures de certains acteurs du débat.

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La question que je souhaite vous poser porte en quelque sorte sur la hiérarchie des valeurs. Comment situez-vous l'exigence éthique par rapport aux demandes sociétales d'une minorité et par rapport au respect des consciences ?

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On sait que la technologie de l'embryogenèse progresse. Or, il n'a pas été publié d'avis concernant les prélèvements autologues, qui aplaniraient bien des difficultés. Le CCNE a-t-il réfléchi à la possibilité de les autoriser ?

Ma seconde question concerne la prévention sanitaire. Les patients sont actuellement « propriétaires » de leurs données de santé. Or, si les données de santé étaient traitées de manière collective – et on sait que des entrepôts de données sont en train d'être créés dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) – la recherche mais aussi la prévention sanitaire feraient de grands progrès. Que nous faut-il dès lors considérer comme primordial : l'idée d'une santé personnelle, ou l'intérêt collectif d'une mise en commun des données de santé ?

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Monsieur le professeur, je vous laisse répondre à cet ensemble de questions. Elles sont nombreuses, mais les redites vous permettront d'y répondre de façon groupée.

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Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE)

Je vous remercie pour toutes vos questions qui nous permettent de nous éclairer mutuellement.

Je vais d'abord faire deux réponses générales qui porteront, l'une sur l'intelligence artificielle et la santé, l'autre sur les choix de société qu'il nous faut faire. Vous ne m'avez pas précisément interrogé sur ce dernier sujet, mais il touche de près à vos questions sur la fin de vie, sur le vieillissement et sur les moyens financiers à disposition. Il importe en effet que nous nous demandions, sinon lors de la prochaine révision de la loi relative à la bioéthique, du moins lors des années à venir, si la France doit continuer à favoriser l'innovation scientifique et technologique.

Étant issu du milieu scientifique, je suis enclin à penser que l'innovation doit être favorisée. Mais je suis également conscient des coûts qu'elle représente, notamment en ce qui concerne les différentes prises en charge que vous avez évoquées. D'un autre côté, l'amélioration des conditions de vie de nos anciens dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), avec l'augmentation du nombre de lits disponibles dans ces structures, ou la réorganisation des soins palliatifs, ont aussi un coût élevé. La France n'a jamais fait le choix de privilégier l'une ou l'autre de ces dépenses de santé. Et il est possible, en effet, de continuer à ne pas choisir, en finançant l'innovation tout en s'efforçant de répondre aussi aux besoins sociétaux.

Cette réflexion sera en tout cas inscrite à notre prochain agenda. Car des traitements seront bientôt disponibles pour des tarifs considérables, sans rapport avec le coût des traitements pour l'hépatite C : je pense par exemple aux coûts des nouveaux traitements contre le cancer, qui seront de 500 000 ou 600 000 euros chaque année par patient, ou à ceux des nouvelles technologies de greffe. Les médecins souhaitent favoriser l'innovation et les familles réclament systématiquement la mise en oeuvre du protocole médical le plus efficace. Ce sont là des choix individuels. Mais, si l'on adopte le point de vue sociétal, il est clair que favoriser l'innovation a pour conséquence que l'argent manque nécessairement pour apporter une réponse satisfaisante sur des sujets aussi difficiles mais moins technologiques, comme la fin de vie et les soins palliatifs.

Sur les soins palliatifs et la loi Claeys-Leonetti, je ne sais pas s'il sera finalement décidé d'aller plus loin dans une prochaine loi. Mais les deux plans pour le développement des soins palliatifs ont clairement été en deçà des attentes. Donc, si l'on confie à la ministre de la santé la mission d'améliorer la loi Claeys-Leonetti et la prise en charge de la fin de vie dans notre pays, il faudra qu'elle puisse disposer de moyens. Et disposer de ces moyens impliquera de faire des choix.

Vous voyez que se dessine ainsi une vision de la bioéthique où l'économie de la santé tient une place important. Aussi le CCNE a-t-il recruté une économiste de la santé pour nous aider à mener cette réflexion.

L'autre sujet pour lequel je souhaite vous donner une réponse générale est l'intelligence artificielle et la santé. Lors des États généraux, nous avons entendu l'angoisse de nos concitoyens sur cette question. Nous l'avons prise en compte, mais nous avons également jugé que nous manquions d'éclairages sur cette révolution technologique. Nous avons donc créé le groupe de travail dont j'ai parlé, composé de professionnels du numérique mais aussi de la bioéthique, qui a rédigé en très peu de temps un rapport sur la bioéthique, le numérique et la santé. Ce rapport, qui sera à votre disposition début septembre, contient des propositions que le CCNE reprendra dans son avis. Mais il nous a d'ores et déjà apporté, sur les problèmes en jeu, un ensemble de clarifications.

Le champ concerné est très vaste et il inclut notamment tous les problèmes qui concernent le consentement et le respect de l'individu. Mais nous devons aussi veiller à ne pas être trop restrictifs et à conserver un équilibre. Grâce au numérique, la recherche en santé publique va être profondément modifiée par de nouvelles méthodes de travail, l'étude de grandes cohortes allant être remplacée par l'analyse de bases de données.

Mais encore faut-il que nous nous en donnions les moyens. L'Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) et son directeur général, qui sont très impliqués sur ce sujet, ont mis en place un groupe de 25 personnes travaillant à partir de la base de données de l'AP-HP. Mais, sur une base de données de cette dimension, ce ne sont pas 25 personnes qui seraient nécessaires, mais 200 ! Le numérique dans le domaine de la santé conduira également à créer de nouveaux métiers, puisque les plateformes hospitalières comporteront, à côté des soignants et de l'administration, des employés chargés de tous les aspects numériques.

Le numérique aura aussi des conséquences sur la formation des jeunes médecins. L'un ou l'une d'entre vous a déclaré que le numérique permettra de résoudre en partie le problème de la désertification médicale. Il n'y suffira certainement pas, mais il peut en effet y contribuer. Plus essentiellement, le numérique nous encourage à sélectionner autrement les étudiants en médecine. Comme vous le savez, les actuels étudiants en médecine sont, dans leur grande majorité, des scientifiques ayant obtenu un baccalauréat S avec la mention « très bien ». Or, le numérique va modifier le travail de ces futurs médecins : la première fois que j'ai été auditionné par votre commission, je vous ai raconté comment j'avais été « battu » à Boston par une machine sur un diagnostic très difficile, mais aussi sur les aspects thérapeutiques. Cet exemple montre que tout ce qu'un professeur de médecine conserve en mémoire sera bientôt disponible grâce aux progrès du numérique dans le secteur de la santé.

Eh bien, pourquoi n'en profiterions-nous pas pour recruter de jeunes médecins plus ouverts aux sciences humaines et sociales, ou qui viendraient de la philosophie, afin que les médecins ne soient plus uniquement des scientifiques « purs et durs » ? Les Américains sélectionnent déjà des étudiants aux parcours différents, qu'ils jugent plus capables d'avoir une nouvelle vision des relations entre médecins et patients.

Les bases de données de la sécurité sociale, qui n'ont pu que tardivement être utilisées par les chercheurs, constituent donc un enjeu majeur pour notre pays. Et je pense qu'il faut que vous fassiez en sorte que cette idée se trouve inscrite dans la loi.

Ce sujet du numérique et de la santé va me permettre de répondre à une question sur les rapports du CCNE avec l'Europe. Des rencontres ont effectivement lieu avec nos collègues européens, comme la réunion tripartite que le CCNE aura en septembre prochain avec les Anglais et les Allemands et qui nous permettra de les interroger sur la loi de bioéthique. Lors de ces réunions avec nos voisins européens, nous avons décidé de laisser de côté des sujets tels la PMA, sur lesquels les différences sont anciennes et fortes, et d'ouvrir nos discussions à de nouveaux sujets comportant moins d'enjeux immédiats mais portant une vision d'avenir, comme l'intelligence artificielle. Car il est évident que le futur de l'intelligence artificielle ne doit pas seulement se construire au niveau français mais qu'il doit l'être au niveau européen. Si la France, ce grand pays, peut dans ce domaine jouer le rôle de pilote, ce sera tant mieux ! Et nous avons aussi, sur les aspects bioéthiques du numérique, notre mot à dire.

Vous avez par ailleurs posé un grand nombre de questions sur la PMA. Je crois avoir en partie répondu à la plupart d'entre elles, mais je ne peux m'empêcher d'être frappé du fait que vous m'avez dit regretter que les États généraux de la bioéthique aient été perturbés par la place qu'y ont pris les sujets touchant à la procréation, alors que près de 40 % de vos questions tournaient autour de l'AMP ! Elles montrent combien la tendance à retomber sur les questions de procréation peut être forte. Cependant, je suis pour ma part convaincu que les grands enjeux de bioéthique, pour nos enfants et petits-enfants, portent sur de tout autres sujets – le numérique et la santé, la génomique et les cellules souches, en particulier.

Sur l'accès aux données personnelles et le partage des données de santé, il va être nécessaire de trouver un équilibre, ainsi que je l'ai déjà indiqué. Mais je crois qu'il importe tout particulièrement de faire en sorte que la nouvelle loi de bioéthique soit une loi d'ouverture, prudente certes, qui pose des limites, mais qui reste une loi de confiance. Car, à l'exception de la première, toutes les lois de bioéthique françaises ont été des lois d'interdiction. Le principal intérêt des États généraux a été de définir un socle de grandes valeurs bioéthiques que partagent nos concitoyens. Ces valeurs, nous ne voulons pas les détruire, nous voulons au contraire les conserver en leur donnant de meilleures assises. Mais sur les sujets nouveaux, efforçons-nous de nous montrer ouverts.

Comment organiser les prochains États généraux de la bioéthique ? Nous aurons certainement des discussions au niveau européen. Nous sommes par ailleurs favorables à des États généraux tous les cinq ans, ainsi que l'indiquera l'avis du CCNE, et à ce que se déroule aussi une réflexion continue. Sous quelle forme ? Nous ne le savons pas encore précisément, mais elle se fera certainement avec vous et avec les espaces éthiques régionaux. Nous souhaitons également que le CCNE puisse lancer des signaux d'alerte lorsqu'un sujet devient préoccupant. Il pourrait par exemple s'agir de l'utilisation des nouvelles techniques de ciseaux génétique, comme les CRISP-Cas 9, non pas sur les cellules somatiques mais sur les gamètes. Ces techniques ne présentent pas pour le moment d'enjeu bioéthique, tout le monde s'accordant au niveau international pour ne pas les utiliser. Mais si, dans deux ans, ce sujet nécessitait soudain un fort signal d'alerte, le CCNE pourrait le lancer.

Vous avez aussi parlé des déplacements internationaux en vue de profiter d'une législation plus permissive. Cette possibilité engendre des inégalités et donc un problème éthique, seules les personnes les plus aisées pouvant avoir accès à ces techniques à l'étranger, mais aussi des problèmes juridiques, notamment pour les enfants nés d'une GPA. Pour ces enfants, néanmoins, le problème est en voie d'être résolu. Récemment, le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation ont en effet rendus des avis demandant à être encore un peu « lissés » mais qui reviennent, schématiquement, à ne pas admettre la GPA tout en donnant à titre exceptionnel un statut à des enfants qui n'ont pas à pâtir de certaines décisions.

J'ai également répondu à la question qui portait sur le rapport de la CNIL sur les enjeux éthiques des algorithmes et de l'intelligence artificielle et qui ne concerne pas la seule santé. Un équilibre est à trouver entre un certain nombre de contraintes. Les notions fondamentales sur lesquelles nous devons nous interroger sont celles de consentement et de place du citoyen au coeur du système de soins.

Sur l'exigence éthique, j'aurai deux souhaits, qui seront ma conclusion. Premièrement, il nous faut faire en sorte que la loi de 2018, ou plus vraisemblablement de 2019, soit, je le répète, une loi d'ouverture anticipant les questions qui, sur de nouveaux sujets, pourraient se poser dans les années à venir.

Deuxièmement, je désirerais aussi que, sur ces problèmes de santé, nous tenions compte de l'inquiétude de nos concitoyens qui voient que notre système de soins est un peu à bout de course, particulièrement pour les plus défavorisés et les plus anciens. Confrontés à l'explosion des coûts des médicaments et des technologies médicales, nos compatriotes se demandent aussi avec anxiété quelle place ils occuperont à l'avenir dans le système de santé. C'est pourquoi le CCNE souhaite soit user de son pouvoir d'auto-saisine, soit être saisi au plus haut niveau de l'État, pour mener la réflexion qui s'impose sur les grands problèmes de bioéthique relatifs au statut du patient face à cette médecine du futur. (Applaudissements.)

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Professeur Delfraissy, je vous remercie vivement pour les échanges très riches que nous avons eus avec vous ce matin. Nous nous reverrons, je pense, très prochainement.

La séance est levée douze heures.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 25 juillet 2018 à 9 heures 35

Présents. – Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Blandine Brocard, M. Guillaume Chiche, Mme Josiane Corneloup, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, M. Gilles Lurton, M. Thomas Mesnier, M. Bernard Perrut, Mme Nadia Ramassamy, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Olivier Véran, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner

Excusés. – Mme Ericka Bareigts, Mme Justine Benin, Mme Gisèle Biémouret, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec, Mme Jeanine Dubié, Mme Claire Guion-Firmin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe

Assistaient également à la réunion. – M. Thibault Bazin, M. Fabien Di Filippo, M. Dimitri Houbron