Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du vendredi 27 juillet 2018 à 11h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

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La réunion

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La réunion débute à 11 heures 10.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente.

La Commission auditionne le commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune, dans le cadre des travaux menés pour « faire la lumière sur les événements survenus à l'occasion de la manifestation parisienne du 1er mai 2018 » (article 5 ter de l'ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958).

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Mes chers collègues, dans le cadre des travaux que nous conduisons pour faire la lumière sur les événements survenus à l'occasion de la manifestation parisienne du 1er mai 2018, sur le fondement de l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 qui confère à la commission des Lois les prérogatives d'une commission d'enquête, nous sommes réunis pour auditionner le commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la 15e compagnie républicaine de sécurité (CRS 15) de Béthune.

En ma qualité de présidente de la commission des Lois, j'ai la responsabilité de l'organisation de nos travaux. Je vous rappelle que cette convocation a été décidée avant-hier, sur le fondement d'une décision de l'ensemble de la commission des Lois. Autrement dit, la décision du co-rapporteur, M. Guillaume Larrivé, de suspendre sa participation à nos travaux, ne fait nullement obstacle à la tenue de cette réunion.

Il était particulièrement intéressant de vous entendre, monsieur le commandant divisionnaire, puisque vous dirigez la compagnie qui était présente sur place le jour des événements sur lesquels nous travaillons, la CRS 15 de Béthune. Vous étiez l'un des deux officiers en service place de la Contrescarpe et dans les rues adjacentes. Je vous remercie d'avoir fait en sorte d'être présent aujourd'hui pour nous aider à comprendre ce qui s'est vraiment passé ce jour-là.

Après avoir prêté serment, le commandant divisionnaire Pierre Leleu tiendra un propos liminaire. Je lui poserai ensuite quelques questions auxquelles il répondra. Puis, les groupes présents lui poseront à leur tour des questions.

Je vous rappelle que les questions que vous poserez devront être limitées sur le fond par le principe de la séparation des pouvoirs, en vertu duquel il est interdit aux travaux d'une commission d'enquête de porter sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires, aussi longtemps que celles-ci sont en cours. Mme la garde des sceaux nous a fait savoir le 23 juillet qu'une information judiciaire était ouverte. Je vous ai donné lecture de son courrier. Nous avons appris hier l'ouverture d'une nouvelle enquête préliminaire sur d'autres faits s'étant déroulés place de la Contrescarpe.

Je vous rappelle également que cette audition est ouverte à la presse, qu'elle est diffusée en direct sur la chaîne parlementaire et sur le site de l'Assemblée nationale.

Avant de vous donner la parole, monsieur le commandant divisionnaire, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. le commandant divisionnaire Pierre Leleu prête serment.

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Le 1er mai dernier, la CRS 15, dont j'assure le commandement, était mise à la disposition de M. le préfet de police à Paris, en vue d'un service de maintien de l'ordre à l'occasion de la manifestation intersyndicale. À treize heures, j'ai assisté à une réunion préparatoire au siège de la délégation régionale des CRS à Paris, au cours de laquelle était évoqué le risque de trouble à l'ordre public lié à la constitution d'un Black Bloc en marge de la manifestation.

À treize heures quarante-cinq, j'étais stationné boulevard Saint-Marcel avec mon unité qui était placée sous l'autorité de TI 504, indicatif du commissaire désigné comme autorité civile. Celui-ci m'expliquait la mission dont les objectifs comprenaient la protection de l'hôpital La Pitié-Salpêtrière, d'une part, et la capacité à se projeter sur tout incident, d'autre part. Dès quatorze heures quarante, l'unité était pied à terre avec l'ensemble des équipements pour parer à toute éventualité.

À seize heures, sur instruction, je déployais mon unité en barrage, boulevard de L'Hôpital, avec un engin lanceur d'eau, afin d'éviter la remontée du Black Bloc, constitué de 1 200 personnes, vers la place d'Italie. Je recevais le renfort d'une autre unité et d'un autre engin lanceur d'eau pour conforter le dispositif, et nous entamions une progression en direction du pont d'Austerlitz, afin de repousser le Black Bloc et le déstabiliser pour mettre fin aux exactions commises. Les sommations étaient effectuées ; la progression s'opérait sous un déluge de projectiles et d'engins incendiaires. Le mouvement inscrit dans la dynamique, avec l'appui des engins lanceurs d'eau, permettait de déstabiliser le Black Bloc, de le repousser place Valhubert puis pont d'Austerlitz. L'intervention permettait en outre d'éviter la propagation d'un incendie dans une agence automobile.

À dix-sept heures vingt, toujours sous l'autorité de TI 504, nous faisions mouvement rue Monge pour nous déployer place de la Contrescarpe. Je recevais pour mission de contrôler les accès à cette place avec mon unité afin d'éviter tout rassemblement d'éléments désirant occuper les lieux. Une compagnie d'intervention de la préfecture de police – relevant de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) – et des effectifs civils contribuaient à ce dispositif sous l'autorité de TI 504. Concrètement, les accès par les rues Lacépède, Mouffetard et Blainville nous incombaient. Des groupes hostiles gravitaient autour de la place, usant de projectiles sur nos points.

Vers dix-neuf heures dix, des groupes signalés rue Monge nous contraignaient à dépêcher une demi-compagnie sur ce point, ce qui permettait d'interpeller plusieurs personnes, rue Lhomond, pour participation à un groupement en vue de préparer un délit. Dès lors, le dispositif de la place de la Contrescarpe tombait à une demi-compagnie et se transformait en contrôle de zone, c'est-à-dire un dispositif aéré et mobile visant à occuper et à contrôler le terrain.

Vers dix-neuf heures quarante-cinq, un groupe d'une cinquantaine d'individus se présentait par la rue Lacépède. Une section bloquait ce groupe pendant que l'autre section maintenait sa position, place de la Contrescarpe, face à d'autres personnes usant de projectiles. Un fonctionnaire de l'unité était impacté à la cuisse droite. Plusieurs bonds offensifs de cette section permettaient de déstabiliser les agresseurs et de contrôler la situation. Le groupe d'une cinquantaine d'individus précédemment évoqué ayant quitté les lieux, l'officier pouvait alors regrouper sa demi-compagnie à dix-neuf heures cinquante-cinq sur la place. Il était décidé, avec TI 504, d'effectuer une vague de refoulement et de procéder à l'interpellation d'auteurs de jets de projectiles sur nos effectifs. Les effectifs civils présents sur place s'associaient à cette manoeuvre. Mes effectifs extrayaient une personne de sexe masculin, prise en compte immédiatement par un personnel civil, pendant que la jeune fille du couple était ramenée par un second effectif civil. Une fois ces deux personnes interpellées, positionnées derrière nos lignes et prises en charge par les effectifs de la préfecture de police, la demi-compagnie s'attachait à reprendre et à maintenir sa position face à des groupes hostiles aux abords de la place et à poursuivre ainsi son contrôle de zone.

Il était vingt heures quinze. Ce dispositif fut levé vers vingt et une heures trente. Durant ce laps de temps, différents groupes signalés dans les rues adjacentes nécessitèrent l'intervention de l'autre demi-compagnie en divers points. Libérée du service à vingt-deux heures douze, l'unité fit alors retour à sa résidence.

Voilà le récit de la journée du 1er mai telle que nous l'avons vécue jusqu'à ce que l'on découvre, jeudi dernier, que les personnes civiles s'étant associées à notre dispositif n'appartenaient pas aux forces de l'ordre.

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Commandant, je vous remercie. Lors de son audition, lundi dernier, le ministre de l'intérieur nous a décrit une période d'extrême tension, un 1er mai qui s'annonçait difficile avec des opérations de maintien de l'ordre délicates. Il nous a dit que ce 1er mai a été d'une violence extrême et les heurts d'une brutalité inouïe, ce qui avait obligé à mobiliser jusqu'à dix-sept unités de CRS. Partagez-vous l'opinion du ministre de l'intérieur sur la gravité extrême de ces événements ? Quelle est votre appréciation de ces événements, en tant qu'homme qui a à faire face à des opérations de maintien de l'ordre de façon régulière ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Les éléments réunis avant ce service laissaient effectivement présager une journée lourde en termes d'emploi. Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, nous savions qu'il y avait un fort risque de troubles à l'ordre public, lié à la constitution d'un Black Bloc. Boulevard de l'Hôpital, ces prévisions se sont révélées exactes puisque nous nous sommes retrouvés en présence d'un groupe constitué de 1 200 personnes équipées de moyens de protection et usant de projectiles en tous genres dont, ponctuellement, d'engins incendiaires.

Après sommations, il avait donc été décidé de procéder au démantèlement de ce Black Bloc en le repoussant en direction du pont d'Austerlitz, ce qui a nécessité l'engagement de deux engins lanceurs d'eau qui ont montré toute leur efficacité et qui ont permis de maintenir le groupe à distance et de limiter l'utilisation de moyens lacrymogènes.

Le Black Bloc constitué de 1 200 personnes nous est apparu à tous comme d'une importance très grande, et rarement rencontrée sur notre territoire. Effectivement, je partage les propos tenus par M. le ministre de l'intérieur concernant l'intervention sur le boulevard de l'Hôpital, au cours de laquelle l'emploi de la force a été nécessaire de manière prononcée. Je partage ce point de vue, madame la présidente.

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D'après votre récit, vous étiez constamment en liaison avec la salle de commandement au cours de cette journée. Pouvez-vous nous expliquer concrètement comment se déroulent les opérations sur le plan du commandement ? Quelle est la ligne hiérarchique suivie lors de telles opérations ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Tout d'abord, il y a une architecture radio très spécifique. Les CRS disposent d'un réseau dirigé depuis la salle de commandement située à la préfecture de police. Cette dernière dispose de son propre réseau radio. La coordination des forces s'effectue au niveau de la préfecture de police, sous l'égide du directeur du service d'ordre. Sur place, sur le terrain, la coordination se fait entre le commandant d'unité, c'est-à-dire le commandant de la force publique que je suis et le commissaire de police désigné comme étant notre autorité civile.

Concrètement, les instructions données par la salle convergent sur le terrain par nos deux réseaux distincts. Le commissaire de police reçoit les instructions. Je reçois les mêmes instructions par mon canal. Sur le terrain, directement, physiquement, on entre en relation pour mettre en oeuvre ces instructions et les moyens pour arriver aux objectifs assignés.

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Étiez-vous au courant qu'il y aurait des observateurs au cours de ces opérations ? Habituellement, vous informe-t-on de la présence de tels observateurs ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Pour cette journée du 1er mai, je n'avais pas été informé qu'il y avait des observateurs présents dans le dispositif. En ce qui nous concerne, nous accueillons fréquemment des stagiaires – officiers de police, commissaires de police, magistrats, voire polytechniciens – au sein de nos formations. Ils sont en mission d'observation dans nos compagnies. Cela fait l'objet de notes de service ou de télégrammes officiels. Ils sont clairement identifiés au sein des unités où ils sont accueillis en stage d'observation.

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Quand vous parlez de stage d'observation, vous faites référence à une période de plusieurs jours ou d'une demi-journée ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Généralement, le stage dure une semaine, voire plus, puisqu'il fait partie du cursus de formation des intéressés.

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Sommes-nous bien d'accord sur le fait que les observateurs que vous accueillez dans ce cadre-là – qui est un peu différent de celui de la préfecture de police – sont assignés à une simple fonction d'observation et ne participent en aucun cas aux actes de maintien de l'ordre que vous réalisez ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Effectivement, lorsque nous avons des personnels en immersion dans nos unités, nous les équipons d'un minimum de moyens de protection : gilet pare-balles, casque, rudiments nécessaires pour pouvoir observer un minimum sur le terrain. Ils sont généralement en binôme avec un officier qui leur fournit les explications et les commentaires nécessaires à la compréhension de notre fonctionnement. Sur le terrain, dès lors que l'on se retrouve dans un scénario un peu engagé, on évite de les exposer et donc on les soustrait à l'événement.

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Vous semble-t-il normal et opportun d'avoir des observateurs au cours d'événements qui risquent d'être d'une gravité extrême ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Permettez-moi, madame la présidente, de ne pas me prononcer sur cette question. Il ne m'appartient pas d'apprécier ce point.

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Est-ce que vous connaissiez les personnes qui sont actuellement mises en cause dans les procédures judiciaires en cours, c'est-à-dire les trois officiers de police, M. Benalla et M. Crase ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Non, absolument pas. Je n'ai appris leur existence que jeudi dernier, comme beaucoup de monde, via les médias.

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Même les officiers de police qui étaient place de la Contrescarpe, vous n'aviez pas eu de contact avec eux ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Il faudrait me préciser de qui il s'agit. Place de la Contrescarpe, je n'avais qu'un contact, qui a été mon contact privilégié tout au long de cette journée du 1er mai : TI 504, M. Creusat. En dehors de lui, je n'ai pas eu de contact privilégié sur la place de la Contrescarpe avec un autre officier.

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Vous n'aviez pas de contact avec M. Simonin, que vous ne connaissez pas, et vous n'aviez surtout pas de contact avec M. Mizerski, le major chargé d'accompagner les deux observateurs ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Je vais reformuler ma réponse, si vous souhaitez avoir une réponse pour chaque personne. M. Simonin, je le connais car il occupe un poste à l'état-major de la DOPC. Il m'arrive de l'apercevoir dans une réunion, même si je n'ai pas de contact privilégié avec ce haut fonctionnaire. Vous évoquez une autre personne, madame la présidente ?

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M. Mizerski, le major chargé d'accompagner les deux personnes dont on parle dans cette affaire.

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Le major, je l'avais effectivement aperçu place de la Contrescarpe. On n'a pas eu le temps d'échanger. Il y avait beaucoup de travail ce jour-là. Je connais son visage, son grade et approximativement sa fonction au sein de l'état-major de la préfecture de police de Paris. J'avais effectivement noté sa présence.

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Très bien. Après cette première série de questions, je vais donner la parole à M. Thomas Rudigoz, pour le groupe La République en Marche.

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Mon commandant, je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre présence et à saluer le travail de vos hommes pendant ces événements du 1er mai. Dans cette histoire, on oublie un peu ce qui s'est passé et la gravité des faits qui ont été commis par des personnes extrêmement violentes du Black Bloc, celles qui devraient nous inquiéter le plus. Notons l'ouverture d'une enquête préliminaire par le parquet de Paris sur les violences des personnes qui ont été interpellées le 1er mai par vos hommes.

De nombreuses vidéos circulent. Aux vidéos diffusées par Le Monde se sont notamment ajoutées celles de Mediapart, qui sont assez longues. Ce qui m'a interpellé, c'est de voir la facilité avec laquelle ces deux hommes – M. Benalla et son acolyte, M. Crase – se promènent sur la place de la Contrescarpe qui est quadrillée par vos hommes. Ces derniers font un important travail de mise en sécurité, et on voit d'ailleurs beaucoup de personnes avec des casques, ce qui m'a aussi un peu interpellé mais ce n'est pas la question.

On voit M. Benalla et M. Crase déambuler autour de vos hommes qui sont en train de quadriller et de sécuriser la place de la Contrescarpe. On voit ces deux personnes en civil se promener, puis tout à coup intervenir sur un point, interpeller vos hommes, cibler l'homme et la femme dont vous avez parlé. À ce moment-là, vos hommes interpellent le couple ou, tout du moins, ils saisissent le garçon tandis que la fille est saisie par l'une des personnes en civil.

J'aimerais que vous précisiez la manière dont vos hommes ont perçu M. Benalla et M. Crase ; ils ont dû vous le faire remonter au moment du débriefing de cet événement. Même s'ils ne connaissaient pas l'identité précise de M. Benalla et M. Crase, ils auraient pu être interpellés par la manière de procéder des deux hommes. On pourrait croire que ce sont des policiers en civil mais, même à quelqu'un comme moi, qui n'est pas un expert, leur attitude laisse penser qu'ils n'en sont pas vraiment. Ils ont des façons de procéder qui sont un peu incongrues.

Dans la soirée, vos hommes vous ont-ils dit qu'ils étaient accompagnés par des policiers en civil qu'ils n'avaient jamais vus ? Vous dites que vous connaissez certains officiers ou sous-officiers comme le major Mizerski, mais vous ne pouvez pas connaître tous les policiers de la place parisienne. Néanmoins, l'attitude et l'agressivité de ces personnages peuvent étonner. Vos hommes font preuve de contrôle dans l'usage de la force, tandis que ces deux-là ont une façon d'agir assez déroutante. Au moment du débriefing, en soirée ou le lendemain, avez-vous une analyse de la situation de ces personnes-là ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Ce n'est pas une situation singulière que d'avoir, au sein d'un dispositif de maintien de l'ordre, des personnels en civil – des brigades d'information de voie publique (BIVP) ou des brigades anticriminalité (BAC) – qui, dans leurs fonctions respectives, effectuent leur mission. Nous sommes habitués à travailler avec des personnels civils de sécurité publique ou de la préfecture de police, à les associer à notre dispositif. Ce n'est pas une situation singulière, bien au contraire. Les deux personnes dont vous parlez avaient, pour mes effectifs, toute l'apparence de fonctionnaires de police : l'un avait un casque et un poste radio ; l'autre portait une arme de poing. Ils étaient sur le dispositif avec des fonctionnaires de la police parisienne que je connais : le major, TI 504.

À vrai dire, on ne s'est même pas posé la question. Pour nous, tout naturellement, il s'agissait de fonctionnaires de police. Lors du débriefing, nous n'avons pas parlé de leur comportement ou de leur situation. L'heure était plutôt au bilan après le service. Je suis rentré avec six contusionnés ; l'un de mes fonctionnaires a nécessité des soins pendant un mois. L'heure était aussi au bilan en matériel. Nous avions utilisé des moyens. Il fallait prendre des dispositions pour compléter les moyens et se reconditionner. Cet aspect des choses n'a pas du tout été évoqué.

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Et leur attitude ne vous a pas interpellé ? Vous n'avez pas trouvé leur comportement incongru, étonnant ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

À chaud, on n'a pas le temps. Pendant une opération de maintien de l'ordre, le regard est plutôt porté devant que derrière : les effectifs civils évoluent davantage derrière nos lignes que devant, pour des raisons de protection. Notre attention est davantage focalisée sur la menace que sur les personnes qui sont censées travailler avec nous. Non, leur comportement ne nous a pas interpellés.

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Mon commandant, je voudrais m'associer à l'hommage rendu par mes collègues aux forces de l'ordre qui ont opéré ce jour-là, et en particulier à vous et aux hommes de votre unité.

Je voudrais revenir un moment sur les deux manifestants que l'on voit être molestés par M. Benalla. Nous avons appris qu'ils faisaient l'objet d'une enquête préliminaire. Aviez-vous remarqué un comportement agressif ou particulièrement agressif de la part de ces deux personnes lorsque vous étiez sur la place de la Contrescarpe ? Ont-elles été ensuite interpellées par vous ou par les hommes qui étaient sous votre autorité à la suite de ces événements ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Les interpellations de ces deux personnes se sont faites à l'occasion d'une manoeuvre décidée conjointement avec TI 504, l'autorité civile présente sur place. Il était convenu, lors d'une vague de refoulement, d'essayer de procéder à des interpellations d'auteurs de jets de projectiles. Pendant qu'ils s'affairaient à contrôler la zone, mes effectifs avaient plus particulièrement ciblé deux personnes qui avaient longuement usé de jets de projectiles sur la place de la Contrescarpe.

Lorsque le mouvement offensif a été lancé, le chef de groupe de mon unité, selon le principe du commandement délégué, a ciblé la personne de sexe masculin comme étant celle qu'il fallait extraire en priorité, ce qui a été fait par mes effectifs. Très concrètement, la personne de sexe masculin a été extraite par mes effectifs et remise immédiatement à un personnel civil qui l'a prise en compte. Finalement, il est apparu que ce personnel civil n'était pas un fonctionnaire de police. La seconde personne, que nous n'avions pas retenue en cible, a été prise en compte par un second effectif civil qui s'est révélé ne pas être, lui non plus, un fonctionnaire de police.

Une fois ces deux personnes interpellées, prises en compte, par ces effectifs civils, il revenait à mes effectifs de reprendre le cours de la mission et de redonner toute la cohérence au dispositif pour reprendre le contrôle de zone. Naturellement, l'attention s'est reportée sur la menace et l'objectif assigné à l'unité.

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On voit aussi qu'il y a sur le lieu des événements une personne qui utilise son téléphone portable pour filmer. L'avez-vous remarquée sur le moment ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Lorsque nous travaillons sur des scènes de ce genre, il y a une présence relativement importante de journalistes et de badauds qui prennent des images avec leur smartphone. C'était une personne parmi tant d'autres, et nous ne l'avons pas spécialement remarquée.

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Commandant, je m'associe aux remarques de mes collègues relatives à l'efficacité des CRS pour assurer le maintien de l'ordre républicain.

Pouvez-vous nous confirmer que les deux effectifs civils que vous évoquez auxquels les deux manifestants ont été remis ne se sont jamais présentés à vous ou à votre chef de groupe comme personnels de police ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Votre question est de savoir si ces deux personnes, effectifs civils que l'on prenait pour des effectifs de la préfecture de police, se sont présentées ès qualités à mes effectifs en tant que fonctionnaires de police. Non, ils ne l'ont pas fait.

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Ils ont donc été pris pour des fonctionnaires de police uniquement en raison de leurs tenues qui étaient proches de celles portées habituellement par des fonctionnaires de police ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Absolument ! C'est la réponse à votre question. À partir de leur équipement, et de leur présence dans le dispositif parmi d'autres effectifs de la préfecture de police, chacun a déduit qu'ils étaient effectivement des collègues.

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Passons des faits aux hypothèses : si ces personnes s'étaient présentées à vos effectifs comme des observateurs, ou s'ils vous avaient été présentés comme des observateurs, par exemple lors de la réunion de préparation, comment auriez-vous organisé leur présence sur cette scène assez violente ou, en tout cas, assez mouvementée – si tant est que vous ayez pu le faire ? Auraient-ils été écartés des événements ? Ma question est véritablement celle d'une novice en matière de maintien de l'ordre lors de manifestations violentes.

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Écoutez, madame, nous entrons dans le domaine de l'hypothèse et, honnêtement, je suis là pour vous rapporter ce que nous avons fait et ce que nous avons constaté. Je n'émettrai pas de point de vue particulier là-dessus.

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Je vais reformuler ma question : usuellement, lorsqu'il y a des observateurs sur une scène mouvementée – toutes les personnes chargées du maintien de l'ordre ont insisté sur le contexte de fortes tensions et de violence le 1er mai, avec la crainte que cette violence se disperse un peu partout – que faites-vous ou qu'ordonnez-vous à vos hommes de faire ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Lorsque, au sein de nos formations, nous avons des gens en stage d'observation, ils bénéficient d'un référent qui les guide tout au long de leur stage, charge à lui d'évaluer la situation et, en fonction de celle-ci, de soustraire éventuellement ces observateurs à l'événement s'il juge qu'il y a danger pour eux.

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Je reviens sur la vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux, montrant les agissements d'Alexandre Benalla qui ont beaucoup choqué, et qui m'ont aussi choquée à titre personnel, et ces actes « vigoureux », comme il les qualifie, à l'égard des personnes interpellées. Par la suite, d'autres vidéos ont circulé. Mon collègue évoquait celle filmée avant l'intervention d'Alexandre Benalla. Il y en a également eu une postérieurement qui montre la prise en charge de deux personnes par vos équipes. Je l'ai également trouvée extrêmement choquante. Il s'agissait d'une interpellation « forte » : les personnes en question ont été fortement bousculées.

Avez-vous pris connaissance de cette vidéo ? Disposez-vous d'éléments sur la suite de la prise en charge de l'interpellation de ces personnes ? Pourquoi a-t-il fallu trois CRS pour immobiliser un homme après la première prise en charge par M. Benalla ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Reprenons le déroulement des faits : mes effectifs extraient une personne de sexe masculin, cette personne est identifiée clairement comme auteur de jets de projectiles sur personnes dépositaires de l'autorité publique. Cette personne est virulente, elle est d'abord maîtrisée par mes effectifs avec l'emploi de la force strictement nécessaire, proportionnée, pour être prise en compte ensuite par des effectifs civils qui, dernière nos lignes, sont chargés d'en assurer la gestion jusqu'à la mise à disposition de l'officier de police judiciaire. Jusque-là, il n'y a absolument rien à dire sur le comportement de mes effectifs et la justification de l'interpellation.

Vous parlez ensuite d'une scène… Il y a tellement de vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux que je ne vois pas très bien de quoi vous voulez parler.

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Si vous n'identifiez pas cette vidéo, pouvez-vous nous décrire précisément comment les personnes concernées ont été prises en charge par vos équipes lorsqu'Alexandre Benalla n'a plus été en contact avec elles ? Vous a-t-on fait remonter les difficultés rencontrées lorsqu'ils ont été appréhendés ? Mes collègues me précisent tout de même que ce ne sont pas trois mais cinq CRS qu'il a fallu faire intervenir pour les immobiliser.

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Il revient aux effectifs civils qui ont pris en compte les interpellés de les gérer. C'est le principe même de la complémentarité, et c'est l'intérêt de ce genre de procédé qui nous permet de maintenir toute la cohérence de notre dispositif. Dès lors, la gestion de ces personnes ne nous incombait plus, derrière les lignes.

Maintenant, la vidéo à laquelle vous faites allusion, je ne vois pas de quoi il s'agit précisément, donc je suis, en fait, incapable de vous répondre véritablement.

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Commandant, merci pour le compte rendu très précis de votre journée du 1er mai.

Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris et par le procureur François Molins sur le fait que les « victimes » avaient aussi commis des agressions sur les policiers, et qu'elles n'ont pas été poursuivies pour ces faits.

Avez-vous une information sur les suites de vos interpellations, combien de personnes ont été interpellées exactement sur la place de la Contrescarpe suite aux violences commises ce soir-là ? Vous nous expliquez que vous remettez les personnes interpellées à l'officier de police judiciaire, mais qu'en est-il de la chaîne d'information, disposez-vous d'un retour, un débriefing est-il effectué ? Le couple concerné n'a pas fait l'objet de poursuites.

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Les interpellations en maintien de l'ordre entrent dans un schéma spécifique. Dans ce cadre, nous perdons notre qualification judiciaire. En termes d'actes, des fiches de mises à disposition permettent que l'officier de police judiciaire établisse, a posteriori, les faits retenus à l'encontre de la personne interpellée. Il peut éventuellement entendre le ou les fonctionnaires interpellateurs afin d'établir les faits.

Il s'agit d'un premier cas de figure dans lequel nous interpellons directement les personnes. En l'absence d'effectifs territoriaux présents sur les lieux, c'est nous qui assurons la gestion de ces personnes, et nous avons l'obligation juridique d'assurer leur protection jusqu'à leur présentation devant l'officier de police judiciaire.

Dans un second cas de figure, en présence d'effectifs territorialement compétents, qui prennent le relais, nous sommes en quelque sorte la « main-forte » de l'opération d'interpellation, et c'est aux effectifs territoriaux de prendre le relais et d'effectuer les démarches nécessaires, en l'occurrence dresser un procès-verbal de saisine ou rédiger une fiche d'interpellations en fonction des circonstances, avant remise de la personne interpellée et sa présentation devant l'officier de police judiciaire.

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Est-ce que vous connaissez le nombre de personnes qui ont été interpellées place de la Contrescarpe ? J'ai entendu parler de trente et une personnes.

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

À notre connaissance, deux personnes ont été interpellées… Nous avons connaissance de l'interpellation de deux personnes. Concrètement, il s'agit de la personne de sexe masculin que nous avons extraite et remise, et qui a été prise en compte immédiatement par un effectif civil, et de la personne de sexe féminin qui a fait l'objet d'une interpellation, à laquelle nous avons assisté, qui a été prise en compte directement, directement ramenée par ce deuxième effectif civil.

Donc, pour moi, il y a eu deux personnes interpellées place de la Contrescarpe, en tout cas lors de la manoeuvre de mon unité et au cours du contrôle des zones tenues par mon unité.

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Nous parlons de personnes interpellées par vous, mais qui n'ont pas été poursuivies ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous communiquer les suites judiciaires données aux interpellations que nous faisons dans ce cadre.

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Mon commandant, pouvez-vous nous donner des précisions sur l'ambiance de la manifestation avec la présence de 1 200 Black Blocs ? S'agit-il d'actes de guérilla urbaine, organisés par des gens qui ont une formation paramilitaire et qui décident d'aller à l'affrontement avec les forces de l'ordre jusqu'au choc maximal ?

Est-il habituel de faire face ainsi à 1 200 personnes organisées ? Sont-elles françaises ? On a vu dans la ZAD de Bretagne des individus venant de l'ensemble des régions de France ou même d'Europe.

Avez-vous le sentiment d'avoir affaire à des émeutiers, à des individus qui ont véritablement décidé d'utiliser des moyens contre la République ? De quels moyens s'agit-il ? Des cocktails Molotov, des élingues avec des billes de plomb… ? Trouvent-ils les projectiles sur place ou viennent-ils avec leur « matériel » ?

Pouvez-vous nous donner des informations afin que nous comprenions mieux des faits qui me semblent extraordinairement graves et qui relèvent véritablement de l'insurrection ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Je vous livre ma perception des choses en tant que chef tactique, homme de terrain, puisque je ne suis pas affecté dans un service de renseignement.

Effectivement, le 1er mai, le Black Bloc constituait un regroupement impressionnant en termes de masse. Ils étaient équipés de moyens de protection en tout genre pour en découdre avec les forces de l'ordre, d'engins incendiaire et autres projectiles.

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Oui mais aussi d'autres engins incendiaires : ils sont très inventifs pour ce qui est de porter des coups aux forces de l'ordre. Ils sont très ingénieux.

Nous avons effectivement noté la présence de personnes de nationalité étrangère de pays européens voisins, qui se mêlent à ces manifestations pour les faire dériver.

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Il est absolument extraordinaire qu'il n'y ait pas eu plus de blessés. Ces gens-là s'entraînent, ils ne viennent pas là par hasard, je suppose qu'ils sont organisés, structurés : il est remarquable qu'il n'y ait pas eu de blessés plus graves. Des blessés, il y en a eu, vous l'avez indiqué, mais on peut parler de blessés légers par rapport au risque colossal de cette confrontation. Devons-nous uniquement à la chance ou bien alors à l'extraordinaire professionnalisme de vos troupes de ne pas avoir à déplorer de plus graves blessures ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Nous avons tenu compte des éléments passés. On a maintenant un peu de recul face à leurs procédés.

Le 1er mai, nous avons tout d'abord déployé les engins lanceurs d'eau qui ont permis de garder le Black Bloc à distance : nous étions hors de leur portée, même si quelques engins incendiaires et cocktails Molotov ne sont pas tombés loin de nos lignes.

Les engins lanceurs d'eau ont constitué un premier avantage, et nous disposions de moyens d'appui comme les grenades lacrymogènes. Mon bilan indique que, rien que pour mon unité, sur le boulevard de l'Hôpital, soixante grenades ont été lancées pour maintenir à distance et déstabiliser le Black Bloc. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, nous avons inscrit le dispositif dans une dynamique, ce qui fait qu'on a toujours gardé l'initiative sur l'événement.

J'ajoute que c'est notre boulot, on s'entraîne pour ça, on est équipé pour ça. Ce sont des automatismes collectifs sans cesse répétés. Nous avons un lourd dispositif de formation. Ce dispositif est collectif parce que les CRS ne sont pas une succession d'individualités, mais un groupe qui a l'habitude de travailler ensemble, avec un rôle déterminé pour chacun dans l'organisation de sections de protection et d'intervention, de sections d'appui à la manoeuvre, et, dans chaque section, trois groupes, l'un qui commande, un autre qui est plus à la manoeuvre, et un dernier qui appuie. Bref, c'est un orchestre, une musique, un ensemble qui s'entraîne et qui s'aguerrit pour faire face à ce type d'événement.

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Mon commandant, vous avez évoqué la réunion préparatoire qui s'est déroulée à treize heures le 1er mai. L'autorité civile, qui était votre interlocuteur sur le terrain, était présente. Avez-vous posé la question de la présence éventuelle d'observateurs durant cette journée ? Entrait-il dans vos fonctions de poser cette question à ce moment-là ? Sur place, les deux personnes concernées se sont-elles présentées à vos hommes comme des observateurs ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

La réunion préparatoire à laquelle j'ai assisté s'est déroulée au siège de notre délégation régionale, c'est l'organe de commandement de la direction zonale CRS de Vélizy déconcentré à Paris pour l'emploi des unités CRS dans la capitale et le Grand Paris. N'assistaient à cette réunion que les commandants d'unité CRS et le chef de groupement opérationnel.

Habituellement, on ne pose pas la question de savoir si des observateurs sont présents pour un événement. Lorsque cela se produit, le service concerné présente éventuellement les personnes en stage.

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À quel moment avez-vous eu une réunion avec le « service concerné » pour préparer cette manifestation ? À quel moment auraient-ils pu vous dire si des observateurs allaient être accueillis ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Je vous le disais, la réunion s'est faite uniquement en présence des autres commandants CRS et du chef du groupement opérationnel. Il n'a pas été évoqué la présence d'observateurs extérieurs.

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J'entends bien, mais est-ce à dire qu'il n'y a eu aucune communication entre votre commandement et le commissaire, autorité civile, sur cette question ? À un moment donné, une information a-t-elle été au moins partagée ?

Nous parlons tout de même d'une manifestation de grande ampleur. Votre unité a dû faire face à un certain nombre de manifestants violents. Vous disiez qu'elle était à même d'accueillir des stagiaires et que tout était organisé pour que ces observateurs soient identifiés et protégés. Vous a-t-on prévenu, à un moment ou à un autre, que des observateurs seraient présents lors de la manifestation, en particulier place de la Contrescarpe ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Mon contact privilégié avec l'autorité civile s'est produit avec TI 504. À aucun moment on ne m'a fait part de la présence d'observateurs sur le terrain.

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Ces observateurs ne se sont pas présentés volontairement, spontanément, à votre commandement, une fois sur place ?

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Absolument pas !

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Mon commandant, il est évidemment compliqué pour nous de nous mettre dans l'ambiance de cette manifestation si violente, mais, en tout cas, je rejoins les orateurs précédents pour saluer votre action et celle de vos collègues.

Pour autant, ce qui nous importe, c'est de savoir comment deux personnes qui n'étaient pas des policiers ont pu se retrouver en train d'agir comme des policiers sur un site particulièrement violent, avec du matériel qui fait qu'ils passent pour des policiers.

Nous confirmez-vous que ces personnes étaient déjà équipées au moment où vous arrivez sur le site de la Contrescarpe, ce qui signifie qu'elles ont été équipées par les personnels de la préfecture de police présents auparavant ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Quand on met en place le dispositif sur la place de la Contrescarpe, je suis avec mes quatre sections. De mémoire, deux sections des compagnies d'intervention de la préfecture de police sont sur place, et pas mal d'effectifs civils.

Les personnes dont nous parlons étaient-elles présentes à ce moment-là ? Je ne suis pas en mesure de vous le dire. En tout état de cause, lorsque mes effectifs les voient s'associer à notre travail et à notre action, ils sont équipés, effectivement.

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Il y a en effet des images assez choquantes, en tout cas de notre point de vue, du moment où ces deux personnes appréhendent ou s'adressent au couple qui sera interpellé. On voit sur des images un homme à terre qui est « fortement secoué » dirons-nous. Aviez-vous conscience de ce qui se passait, vous ou vos subordonnés ? Y a-t-il eu une volonté d'intervenir pour mettre fin à ce moment particulièrement violent ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Une fois les interpellations réalisées, l'attention des personnels s'est reportée sur la menace pour reconstituer un dispositif cohérent et ne pas passer à côté de l'objectif assigné à notre demi-compagnie.

De ce fait, non, très franchement, il n'y a pas eu de volonté de quoi que ce soit, une fois les interpellations et les personnes positionnées derrière nos lignes.

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Avez-vous le souvenir d'avoir vu le major, dont nous avons parlé tout à l'heure, prendre en charge ces deux personnels civils que vous preniez pour des policiers parce que leur équipement le laissait croire ? Vous souvenez-vous de l'avoir vu avec eux ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

De toute façon, je n'avais pas spécifiquement remarqué ces deux personnels civils plus que d'autres. Ça allait, ça venait, nous étions là, il y avait des effectifs de la préfecture de police… Ils étaient des fonctionnaires parmi tant d'autres, et je n'ai rien remarqué de particulier.

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Merci, commandant, pour les informations que vous nous apportez et les actions de maintien de l'ordre que vous menez avec vos hommes au quotidien.

Je souhaite compléter les questions de mes collègues sur la prise en charge d'un observateur. Vous nous avez bien expliqué que, quand vous acceptez un observateur, vous l'équipez, le mettez en binôme avec quelqu'un, et évitez de l'exposer. Visiblement, ce n'a pas été tout à fait la même situation pour la police et vous n'étiez pas informé de la présence de ces observateurs. Quels moyens avez-vous pour distinguer une personne en situation d'observation ou d'encadrement d'un imposteur qui serait équipé de la même façon ? Au vu de cet événement, envisagez-vous une réorganisation de l'accueil d'observateurs auprès de vous ou dans la police, de façon à éviter ce genre de problèmes ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

L'équipement et la signalisation d'observateurs en stage dans nos formations, et dans la police en général, ce n'est pas quelque chose de normé. Rien n'est prévu pour identifier d'une quelque façon ces personnes. Si une réflexion doit être conduite, il appartiendra aux échelons centraux d'envisager, pourquoi pas, un schéma plus performant, plus cohérent.

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On comprend bien que, dans ces situations, personne n'a vraiment le temps de repérer qui est qui, car il y a d'autres priorités d'intervention. D'où la faille possible consistant à laisser sur site des gens qui n'y ont rien à faire. Comment éviter ce genre de situations ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

C'est un sujet qui peut mériter réflexion. Là encore, il appartiendra aux échelons supérieurs de se pencher, le cas échéant, sur la question, mais c'est la première fois qu'un tel incident survient.

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Nous avons compris, par vos explications, que vous n'étiez pas informé de la présence de ces observateurs sur la manifestation et qu'il aurait été difficile pour vous d'en avoir connaissance dans la mesure où ils avaient au moins l'apparence de policiers. Je reviens donc sur la chaîne de commandement. Aurait-on dû vous prévenir de la présence de ces observateurs sur cette manifestation ? Si oui, qui aurait dû le faire ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Il revient aux services de police accueillant des observateurs ou des stagiaires de les présenter. C'est ce que nous faisons habituellement. C'est tout ce que je peux vous répondre.

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Vous nous confirmez donc bien que l'on aurait dû vous prévenir ?

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Il est préférable que ces personnes soient identifiées, et c'est ce que nous pratiquons.

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On nous a dit, tout au début de cette affaire, que les deux personnes interpellées, « victimes », entre guillemets, des agissements de M. Benalla et de M. Crase, étaient quasiment des touristes qui passaient par là, des gens fort aimables… Vous nous confirmez qu'en réalité ces personnes étaient plutôt virulentes et dans une certaine forme d'excitation, voire qu'elles lançaient des projectiles, donc que c'étaient des personnes qu'il fallait interpeller ?

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Je vous confirme que les deux personnes dont vous parlez avaient été détectées plus particulièrement comme auteurs de jets de projectiles sur mes effectifs à partir des terrasses de café : objets en verre, bouteilles, cendriers, carafes…

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Vous avez même indiqué tout à l'heure que vous aviez identifié ces personnes comme lançant vraiment beaucoup de projectiles, que ce n'étaient pas du tout des actes isolés de leur part.

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Je vous le confirme, madame la présidente.

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Je m'associe aux félicitations de mes collègues pour la gestion de cette manifestation, qui était très compliquée. J'ai cru comprendre que ce sont surtout les forces de l'ordre qui ont été blessées et que les dégâts étaient essentiellement matériels, ce qui prouve que vous avez su gérer la situation au mieux, dans des circonstances qui étaient terribles.

Selon la presse, l'homme interpellé se serait rendu chez un médecin pour dire qu'il ressentait de fortes douleurs, mais seulement au bout d'une dizaine de jours. J'ai bien compris la chaîne de décision, mais je souhaite poser la question par acquit de conscience : avez-vous eu connaissance de plaintes, de douleurs de cette personne juste après l'interpellation ?

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Non, ce ne sont pas des éléments qui me sont parvenus.

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Estimez-vous que l'intervention de M. Benalla le 1er mai, place de la Contrescarpe, pour mettre un terme à ce qui était en train de se passer, était légitime à ce moment-là ?

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Je laisse le soin aux autorités judiciaires d'apprécier cette situation. Je ne commenterai pas ce point, si vous me le permettez.

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Pour rebondir sur cette question, si l'on remplaçait le mot « légitime » par « décisive », quelle serait votre réponse ?

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La question n'est en effet pas tout à fait la même. L'unité manoeuvrait sans difficulté, le contrôle de zone était maintenu, cette intervention n'a pas apporté de plus-value au déroulement de l'opération.

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En revanche, comme vous ne procédez pas aux interpellations, vous étiez obligés, une fois que vous aviez immobilisé ces deux personnes dont on sait qu'elles ont été extrêmement agressives à l'égard de vos hommes, de les remettre à d'autres.

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L'intérêt d'intervenir en complémentarité d'effectifs civils est en effet de garder la cohérence du dispositif et d'affecter le moins d'agents possibles à la gestion des interpellations. En ce sens, à condition que ce soit bien coordonné et bien réalisé, les actions d'interpellation menées par des effectifs civils, combinées à notre action, peuvent apporter une plus-value.

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Cela a permis la neutralisation des deux individus que vous aviez repérés comme étant les plus actifs dans cette zone à ce moment. On voit donc bien la complémentarité entre les différentes actions.

Y a-t-il d'autres questions ?

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Je reviens sur TI 504, nom de code du commissaire Creusat. Connaissiez-vous ce commissaire, ou aviez-vous l'habitude de travailler avec lui ou ses autorités civiles ? De même, avez-vous l'habitude de travailler avec le major Mizerski lorsque vous intervenez à Paris ?

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

S'agissant du major, c'est un visage qui m'est familier car je le croise dans les réunions préparatoires à la salle de commandement de la préfecture de police.

S'agissant du commissaire Creusat, c'est un TI de la DOPC, affecté au service de maintien de l'ordre, et j'ai donc travaillé sous son autorité à Paris.

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Pour préciser mon propos, je comprends bien qu'une enquête est en cours, vous avez raison, mais cette intervention de M. Benalla le 1er mai vous a-t-elle paru normale ou anormale ? Je pose la question pour connaître l'état d'esprit de ceux qui étaient sur place.

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commandant divisionnaire Pierre Leleu, commandant d'unité de la CRS 15 de Béthune

Sur place, il s'agissait pour nous de l'action d'un fonctionnaire de police de la préfecture de police réalisant une interpellation sur des individus clairement ciblés comme auteurs de jets de projectiles, et cela ne nous est pas apparu comme anormal.

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Existe-t-il un procès-verbal de votre intervention ? Est-ce quelque chose que vous faites habituellement sur ce type d'interventions ? Si un tel procès-verbal existe, pourra-t-il être communiqué à la commission des Lois ?

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À l'issue d'un service d'ordre public, nous établissons ce qu'on appelle le compte rendu de service. Il s'agit d'un télégramme adressé à notre chaîne hiérarchique qui relate le déroulement des faits, dresse le bilan, et comporte également un certain nombre d'autres points plus administratifs. Ce document, à ma connaissance, a été sollicité pour la procédure judiciaire.

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Merci, commandant Leleu, pour la précision de vos réponses.

La réunion s'achève à 12 heures 25.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Laetitia Avia, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, Mme Catherine Kamowski, Mme Naïma Moutchou, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Jean Terlier, M. Alain Tourret, M. Guillaume Vuilletet, Mme Hélène Zannier

Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Éric Ciotti, M. Richard Ferrand, M. Marc Fesneau, Mme Paula Forteza, Mme Marie Guévenoux, M. Mansour Kamardine, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Maina Sage, M. Arnaud Viala

Assistaient également à la réunion. - M. Jean François Mbaye, M. Pierre-Alain Raphan