Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Réunion du mercredi 11 juillet 2018 à 11h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PME
  • chef
  • liquidation
  • seuil

La réunion

Source

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous poursuivons nos travaux en abordant la première des quatre tables rondes thématiques destinées à traiter les grands axes du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE).

Je remercie vivement pour leur disponibilité nos invités qui, malgré un très court délai de préavis, ont accepté de partager avec nous leurs analyses. Cette audition présente un format assez original, puisqu'elle met côte à côte deux personnalités ayant sans doute un point de vue différent sur l'entreprise. L'un porte sur elle un regard plus global, s'attachant aux grands enjeux, tandis que l'autre est au contact direct d'entrepreneurs rencontrant de réelles difficultés, et expérimentant au quotidien les limites d'un système qui ne donne pas à chacun une chance de rebondir dans les meilleures conditions.

Madame Bourbouloux, monsieur Jessua, nous souhaitions croiser vos visions pour ne manquer aucun angle de vue ni aucun aspect de la vie des entreprises de notre pays. Je vous propose, en ouverture, de présenter les points saillants que vous identifiez dans ce projet de loi, avec ses avancées et, le cas échéant, ses limites. Nous souhaitons également vous entendre sur les blocages et les défauts auxquels les petites et moyennes entreprises (PME) de notre pays font face, et sur les pistes qui, selon vous, sont les plus importantes à mettre en oeuvre rapidement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Jessua, vous êtes le représentant d'un organisme de recherche réputé proche des entreprises et de leurs dirigeants. À vos yeux, dans quelle mesure ce projet de loi est-il susceptible de simplifier la vie des entreprises et de les aider à croître et prospérer ? De même, madame Bourbouloux, votre expertise du terrain nous sera très précieuse pour éclairer ce projet de loi.

Permalien
Emmanuel Jessua, directeur des études de Coe-Rexecode

Ainsi que vous l'avez souligné, je porterai sur ce projet de loi un regard macroscopique d'économiste. Cependant, ayant piloté, au sein du Secrétariat général du gouvernement (SGG), le programme de simplification des entreprises – inspiré des propositions soumises par MM. Thierry Mandon et Guillaume Poitrinal –, je pourrai porter une appréciation sur les aspects plus microéconomiques de ce projet.

Le projet de loi PACTE me semble contenir de nombreuses avancées favorables. En matière de simplification, il traduit l'ambition de lever des barrières à chaque étape-clé de la vie de l'entreprise. Au stade de la création tout d'abord, ce projet poursuit la volonté d'instaurer un guichet unique aussi efficace que possible. Des progrès avaient déjà été réalisés en la matière, avec la mise en place de guichets uniques par type d'entreprise. Le projet de loi vise un dispositif dématérialisé, unifié et harmonisé, ce qui me paraît de bon aloi.

Certaines dispositions du projet sont susceptibles d'abaisser les coûts financiers supportés par les entreprises au moment de leur création, notamment au regard des annonces légales. Plus fondamentalement, le système reste malgré tout assez absurde, faisant peser sur les créateurs d'entreprise une subvention déguisée à la presse quotidienne régionale. Sans doute cet aspect pourrait-il encore gagner grandement en efficience et en transparence.

Une autre avancée très importante du projet, poursuivant un mouvement déjà engagé, consiste à encourager la croissance des petites structures. Il me semble très pertinent de vouloir tout à la fois unifier la définition des seuils d'effectifs – le concept même d'effectifs étant variable selon les codes –, rationaliser le nombre de seuils et alléger le seuil des 20 salariés. Surtout, ces mesures ont le mérite d'offrir une sécurité juridique et une capacité d'anticipation aux entreprises en croissance. Le délai de cinq ans permettant aux entreprises de s'assurer qu'elles ont véritablement passé un seuil me paraît fondamental. C'est peut-être même l'aspect qui me paraît le plus important dans la question des seuils.

Le report de certaines obligations à des seuils d'effectifs plus élevés est certes favorable à la croissance de très petites structures. Toutefois, il a pour effet de déporter la contrainte à une étape ultérieure de la vie de l'entreprise. Ce type de mesure est nécessairement sous-tendu par des arbitrages de cette nature.

Sans être un expert de la liquidation des entreprises, les mesures du projet de loi qui la concernent me semblent aller dans le bon sens. Il est important que des dispositions évitent la stigmatisation des entrepreneurs dont l'entreprise disparaît. Or nous savons combien l'échec est déconsidéré en France, tandis que la culture anglo-saxonne y voit la contrepartie d'une prise de risque valorisée. La communication politique pourrait insister sur cet aspect, et ainsi contribuer à faire évoluer les représentations.

Si ces mesures de simplification présentent un réel intérêt pour la vie quotidienne des entreprises, je ne suis pas certain que nous puissions facilement en dégager un impact macroéconomique immédiat.

D'autres mesures sont susceptibles de produire des effets macroéconomiques plus rapides, telles que l'incitation à l'intéressement et à la participation via des baisses de coûts pour les entreprises. La baisse du forfait social ou sa suppression pour les petites entreprises me semble à cet égard très importante. Elle contribue à une diminution des prélèvements sur la production pour les petites structures. J'ai d'ailleurs cru comprendre que la mesure relative aux seuils d'effectifs pourrait être accompagnée de la réduction ou de la suppression de certains prélèvements, comme la participation des employeurs à l'effort de construction. Un faisceau de dispositions devraient ainsi permettre de réduire les coûts de production des petites entreprises, et ainsi de les faire gagner en compétitivité.

Un ensemble de dispositions prolongent par ailleurs la réforme de la fiscalité du capital contenue dans la loi de finances pour 2018. En particulier, l'orientation de l'assurance-vie vers le financement des entreprises et de l'investissement productif est fondamentale. Elle répond au diagnostic, amplement argumenté par Coe-Rexecode, d'une dégradation continue de la compétitivité française depuis le tournant des années 2000. C'est là un phénomène macroéconomique majeur dont tout le monde n'a peut-être pas saisi l'ampleur. Il pénalise la France par rapport aux pays émergents certes, mais aussi à des pays ayant le même degré de développement qu'elle et avec lesquels elle partage la même monnaie, ce qui abolit le levier de la dévaluation. La France perd continûment des parts de marché à l'exportation par rapport à l'Allemagne et l'Italie depuis 2000, et par rapport à l'Espagne depuis la crise de 2008. Ce recul est à mettre en parallèle avec la contraction de la base industrielle de la France par rapport à ses partenaires de la zone euro. C'est pourquoi il nous paraît fondamental d'agir sur la capacité d'innovation des firmes – notamment sur leur financement, avec une fiscalité du capital plus neutre – et d'orienter davantage l'épargne vers les activités productives. De même est-il essentiel de diminuer les prélèvements pesant sur les coûts de production des entreprises. À cet égard, le projet de loi PACTE comporte des mesures favorables.

Permalien
Hélène Bourbouloux, administrateur judiciaire, fondatrice du cabinet FHB

En tant qu'élus, vous êtes en première ligne des difficultés des entreprises. C'est en effet vers vous que se tournent leurs dirigeants ou leurs salariés lorsqu'ils recherchent des solutions à leurs problèmes. Sans doute vous êtes-vous souvent demandé quels dispositifs vous pouviez leur proposer, et sans doute avez-vous rechigné à leur recommander un administrateur ou un mandataire judiciaire. Malheureusement, l'image de ces professions est davantage liée aux éventuels échecs qu'aux réussites auxquelles elles parviennent. Les entrepreneurs qui bénéficient de cet accompagnement préfèrent le taire. Même lorsque l'issue est favorable, la honte d'avoir eu à traverser des difficultés est telle qu'ils s'abstiennent d'en faire état. En revanche, les échecs trouvent toujours un écho.

C'est là un problème majeur que je tiens à souligner : en stigmatisant l'échec, on l'aggrave. Le projet de loi apporte quelques ouvertures à cet égard, dans le prolongement d'un mouvement engagé ces dernières années. Une prise de conscience se fait jour, reconnaissant que pour réussir, il faut d'abord se tromper. Pour réussir en effet, il faut accumuler de l'expérience, laquelle passe notamment par l'erreur.

J'exerce la fonction d'administrateur judiciaire depuis 2002. J'ai rejoint ce métier après des études en école de commerce et en droit. J'ai créé une première entreprise en 1998, puis une seconde, FHB, en 2007. Je me sens donc tout autant entrepreneur qu'administrateur judiciaire.

Aujourd'hui, FHB emploie soixante collaborateurs et compte dix bureaux. Elle entend démontrer qu'il est possible d'apporter un service de proximité dans les territoires en mutualisant des compétences disponibles dans les places de plus importante circulation économique que sont les grandes villes. Cette approche nous confère une vision assez large du paysage économique, depuis la Corrèze – mon bureau secondaire est situé à Brive-la-Gaillarde – jusqu'à La Défense, où se trouve mon bureau principal.

Vous savez certainement que 95 % des entreprises qui déposent le bilan finissent en liquidation judiciaire. Les chefs d'entreprise le savent aussi. Aussi s'efforcent-ils de reporter cette échéance au moment ultime. Malheureusement, ils ignorent que 60 % de l'emploi est conservé en procédure collective. Je ne fais pas de l'emploi le critère absolu, qui devrait l'emporter sur les créanciers ou sur le maintien de l'activité. Cette appréciation ne me revient pas. En revanche, nous disposons là d'un véritable indicateur de performance. Si 60 % de l'emploi est conservé, on peut estimer que le sont aussi 60 % de l'activité, 60 % des investissements et 60 % du passif. Il est regrettable que les chefs d'entreprise et les politiques n'en soient pas informés.

J'ajoute que cet indicateur ne saurait être mis en doute, étant issu du Bulletin statistique trimestriel de l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS). Créée au début des années 1970, cette association vient au secours des entreprises lorsque l'employeur ne peut plus honorer les salaires ou les soldes de tout compte. Nous disposons grâce à elle de statistiques sur le nombre de bénéficiaires qu'elle prend en charge au titre d'un salaire et d'un licenciement. Il en ressort que 200 000 salariés sont concernés tous les ans par une procédure collective – comprenant sauvegarde, redressement et liquidation –, pour 80 000 licenciements. Le taux de préservation de l'emploi qui en découle est probablement sous-estimé, car sont notamment exclus des bénéficiaires tous ceux dont les salaires sont à jour.

Si les chefs d'entreprise connaissaient cette simple réalité – 60 % de l'emploi est conservé en procédure collective – ils seraient certainement incités à anticiper la procédure plutôt qu'à la reporter le plus tard possible. Il est donc essentiel de communiquer sur ce sujet.

La comparaison des nombres bruts de faillites annuelles entre la France et l'Allemagne fait apparaître une grande disproportion : elles sont de l'ordre de 20 000 ou 30 000 outre-Rhin, contre 55 000 ou 60 000 dans notre pays. Toutefois, cela ne traduit aucunement une moindre performance de la France. En effet, pour être éligible à la faillite en Allemagne, il faut démontrer que l'on dispose d'un minimum d'actifs. Or, parmi les 55 000 ou 60 000 entreprises mises en faillite chaque année en France, plus de 40 000 n'ont aucun salarié et sont pratiquement impécunieuses. Les entrepreneurs concernés n'en sont pas moins méritants : ils ont déjà eu le mérite de créer leur propre emploi. Il faut leur permettre de sortir très vite du système de liquidation judiciaire dans lequel ils sont quelque peu enlisés, afin qu'ils puissent, le cas échéant, créer une nouvelle entreprise.

Une liquidation peut être vécue comme un grand malheur, mais aussi comme une grande chance. Elle entraîne en effet un effacement des dettes. Le plus pénible est de vivre avec une épée de Damoclès durant les trois ans qui suivent la liquidation judiciaire, pouvant conduire à une procédure possiblement assortie de sanctions. Notez que ces dernières sont assez rares : les taux de sanctions et de fautes reconnues par les tribunaux, aux termes desquelles les chefs d'entreprise sont condamnés, restent relativement faibles. Cependant, cet aléa existe. De fait, l'entrepreneur concerné ne peut pas accéder au crédit ni créer une nouvelle société.

L'insécurité et l'aléa sont donc hautement préjudiciables. La plupart des entreprises sont prêtes à payer le prix, pour autant qu'elles en connaissent la règle à l'origine. En revanche, l'incertitude et l'aléa sont peu compatibles avec le commerce et le développement économique.

Je brosserai maintenant un rapide tableau des grands mouvements survenus ces dernières années dans ce domaine.

Longtemps, on a considéré que le défaillant devait être sanctionné pour ne pas avoir respecté ses engagements. Si les primitifs avaient pour habitude de débiter en menus morceaux la personne du débiteur, il est apparu que cette pratique n'était guère rentable pour le créancier ! Le droit romain a ensuite autorisé le créancier à prendre pour esclave la femme du débiteur... À un troisième stade de cette évolution, on a considéré que le débiteur devait être privé de tous ses biens et empêché à tout prix de rebondir.

Le premier infléchissement n'est survenu qu'en 1967. Un tournant plus radical – et excessif – a été opéré en 1985, donnant la primauté à l'entreprise au détriment du créancier. Ce déséquilibre entre les deux parties était une aberration. En effet, aucun créancier n'a intérêt à la suppression et à la liquidation de l'entreprise. Le créancier a besoin d'être remboursé. En revanche, il ne souhaite pas se voir imposer une solution, mais veut participer à son élaboration.

Depuis 1994, un mouvement s'attache à restaurer les droits des créanciers. De l'efficacité des sûretés dépend en effet l'efficacité du financement de l'économie et des crédits aux entreprises. Pour faciliter le financement de ces dernières, il convient donc de renforcer l'efficacité des sûretés – mais ceci, de manière organisée et coordonnée. Tel est l'enjeu des procédures collectives qui viennent, dans le livre VI du code de commerce, mettre de l'ordre dans les centaines de sûretés et privilèges. Le projet de loi PACTE aborde également ce sujet extrêmement technique.

Dans un contexte de financiarisation et de mondialisation accrues de l'économie, notre pays prend conscience qu'il doit se doter d'outils qui lui permettent de garder ses fleurons. J'ai eu à traiter de procédures touchant des champions nationaux, comme Technicolor il y a dix ans ou la Compagnie générale de géophysique (CGG) l'année dernière. Société cotée, la CGG affichant 3 milliards d'euros de dettes, a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde à Paris et de quatorze procédures dites de « chapitre 11 » aux États-Unis.

Les réformes se sont multipliées depuis 1994 : en 2006, 2008, 2010, 2012, 2014, 2016 et 2017. Autant dire que l'exercice d'anticipation est difficile pour les entreprises. L'ambition majeure de ces dernières années fut de rendre le système plus attractif, plus compétitif et plus prédictible. Ce faisant, la quasi-totalité des problématiques propres aux grandes entreprises a été résolue. Seuls manquent quelques outils. Il importerait ainsi d'ordonner les créanciers par classe homogène plutôt que par comité. De même, la place des actionnaires soulève un débat de fond : dans certaines circonstances, faut-il imposer à un actionnaire de passer la main s'il ne propose pas une solution ?

En revanche, les PME furent les grandes oubliées de ces réformes. L'Allemagne a mis en place un système assez radical à leur égard, mais il faut préciser que les PME allemandes correspondent peu ou prou aux ETI françaises. La France comptabilise 55 000 faillites chaque année mais aussi quelque 600 000 créations d'entreprises. La moitié de ces nouvelles entreprises disparaîtront dans les cinq ans, phénomène normal, surtout dans une époque où fleurissent les jeunes pousses et où les modèles ne cessent de se transformer. Certaines entreprises fermeront sans faire l'objet d'une procédure collective, d'autres se développeront, d'autres encore se rapprocheront. Aujourd'hui, des dispositions s'imposent pour améliorer le traitement et le sort des PME.

Les réformes de ces dernières années ont privilégié les solutions contractuelles entre les créanciers, le débiteur et les actionnaires. À cette fin sont prévues des procédures de mandats ad hoc et de conciliation, amiables et confidentielles, relativement peu coercitives. Quant aux procédures collectives – redressement judiciaire, sauvegarde, liquidation judiciaire –, elles sont publiques et fortement organisées par la loi.

La procédure collective est souvent présentée comme l'échec de la prévention. Je m'inscris en faux contre ce jugement. En réalité, des réponses différentes sont apportées à des situations différentes. Schématiquement, les solutions amiables et contractuelles traitent les problèmes de bilan : endettement trop important, insuffisance de fonds propres, etc. En revanche, une société qui voit son chiffre d'affaires s'effondrer après avoir perdu un client et qui doit fermer un site a tout intérêt à engager une procédure collective, comme un redressement judiciaire ou une sauvegarde. Il existe en effet des outils efficaces de restructuration. Entre autres exemples, l'AGS peut venir au secours des entreprises pour financer leur plan de restructuration sociale, et leurs dettes peuvent être étalées sur dix ans sans intérêt. Ces dossiers peuvent assez facilement trouver des solutions par le haut.

L'une des problématiques majeures des PME tient à la transmission. D'innombrables entreprises rencontrent des difficultés parce que leur dirigeant n'a pas anticipé cette transmission. Ceci se comprend aisément. Le dirigeant sait qu'il cédera sa société dans les trois ou quatre ans à venir, et a souvent une appréciation trop positive de sa valeur. Aussi manque-t-il quelques opportunités commerciales. Il se garde d'investir, pour préserver sa trésorerie. En conséquence, l'entreprise perd de sa valeur. Mesdames et messieurs les députés, je vous invite à garder le sujet de la transmission des PME à l'esprit. Celui-ci n'étant pas mon domaine de compétence, je n'en dirai pas davantage.

Les PME rencontrent par ailleurs des problèmes de croissance. Qui finance les petites entreprises en France ? J'entends par là les entreprises de moins de quarante salariés, qui constituent l'essentiel des entreprises en difficulté. Soulignons incidemment que les entreprises de vingt, trente ou quarante personnes ont de la valeur et possèdent une capacité d'innovation. Elles sont susceptibles de se rapprocher, pour créer des entités de cent ou cent cinquante personnes.

Il faut être conscient que ces petites sociétés sont financées par le crédit-bail. Ce n'est qu'à partir de 20 ou 25 salariés qu'une PME peut prétendre à de l'affacturage. Prenons, très concrètement, un vendeur de pizzas installé sur le parking d'un centre commercial. Le seul crédit auquel il ait accès est un crédit-bail pour son camion de pizzas. Or le crédit-bail est le seul crédit qui ne soit pas opposable à la procédure collective.

Admettons qu'une banque finance classiquement – et non pas en crédit-bail – l'achat de ce camion de pizzas, avec un crédit sur sept ans et un nantissement sur la machine. Ce nantissement est justifié : en cas de non-remboursement, il est normal que la machine soit vendue au profit du créancier. Si toutefois il existe une solution pour payer le créancier, il serait dommage de ne pas la saisir. Pendant une période d'observation pouvant atteindre douze mois, les échéances mensuelles de la banque seront ainsi gelées. Le crédit sera rééchelonné sur la durée du plan. Peut-être le créancier acceptera-t-il des abandons de créances. Si tel n'est pas le cas, une période maximale de dix ans pourra lui être imposée, sans lui faire perdre le bénéfice de sa sûreté et du sous-jacent.

Si la filiale de crédit-bail de la même banque finance le même camion de pizzas sur un crédit-bail à sept ans, la logique est tout autre. Le débiteur doit en effet payer ses loyers en période d'observation. Il ne profite donc pas du bénéfice qu'a voulu instaurer le législateur depuis cinquante ans, à savoir un gel temporaire des dettes durant une période d'observation, qui permet au débiteur de se remettre à flot. Dans ce cas, il n'est possible ni de rééchelonner le crédit sur la durée du plan, ni même de le renégocier. Même si un repreneur se présentait, il devrait s'acquitter des échéances impayées du débiteur. Rien, dans tout cela, n'incite à la négociation à l'amiable. Les PME en font majoritairement les frais.

Il y a deux ans, j'ai suggéré à la profession de travailler sur le sujet du crédit-bail. Les banques ont poussé des hauts cris : ce serait supprimer le crédit aux PME, ont-elles affirmé. Pour ma part, je fais le pari que si les banques sont remboursées par leur débiteur, y compris dans le cadre d'un crédit-bail, elles y gagneront davantage qu'en revendant aux enchères le bien concerné. Il ne s'agirait pas de renoncer à la sûreté, mais de la traiter comme le nantissement.

J'en viens à une autre difficulté propre aux PME, l'accès à des compétences juridiques adaptées. Le principal intérêt pour une petite entreprise de recourir à un administrateur judiciaire est d'effectuer des licenciements – procédure difficile à accepter pour le dirigeant d'un point de vue moral et humain, techniquement complexe, juridiquement risquée et coûteuse.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour ces exposés introductifs. Je donne maintenant la parole à nos collègues, en commençant par les représentants des groupes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises est le fruit d'un constat : nos entreprises sont trop petites et insuffisamment compétitives. La France compte deux fois moins d'ETI que l'Allemagne, et un tiers de moins que l'Italie. Pourtant, les ETI sont les entreprises les plus pourvoyeuses d'emplois et les plus innovantes.

Ce projet de loi se propose de faciliter la création d'entreprises en limitant au strict nécessaire les barrières à l'entrée, en réduisant le coût de la procédure et en simplifiant autant que possible les formalités administratives. La France comptait jusque-là 1 400 centres de formalités des entreprises (CFE). Demain, il existera un guichet unique pour la création d'entreprises, ainsi qu'un registre général dématérialisé centralisant les informations.

Après des années de réformes désordonnées, nous cherchons donc à simplifier la vie des créateurs d'entreprises. Les dispositions prévues par le projet de loi viennent concrétiser cette volonté. Dès lors, l'un des enjeux majeurs de ce texte est de réussir à faire croître les PME pour en faire des entreprises de taille intermédiaire, et de les aider à exporter.

Madame Bourbouloux, monsieur Jessua, le projet de loi vous semble-t-il combler suffisamment les lacunes législatives en matière d'accompagnement des entreprises, particulièrement des PME ?

J'ajoute que la modification des seuils d'effectifs permettra de réduire les freins à l'embauche et de lever des obstacles psychologiques chez les entrepreneurs.

Ensuite, les entrepreneurs doivent pouvoir rebondir plus facilement. Pour cela, il faut permettre aux entreprises d'être liquidées ou redressées plus rapidement. Ceci doit se faire de manière peu coûteuse et non stigmatisante.

Il est important de ne pas oublier les entreprises qui sont viables mais qui peuvent rencontrer des difficultés passagères : comment mieux les accompagner ? Les délais et les coûts des procédures sont-ils préjudiciables ? Ont-ils tendance à aggraver la situation financière des entreprises concernées, au risque de les faire basculer dans le redressement ou la liquidation ?

Je souhaiterais également vous interroger sur la directive européenne sur l'insolvabilité, qui sera traduite en droit français. Introduira-t-elle des mesures significatives ?

Aux États-Unis, un entrepreneur qui échoue est considéré comme un individu qui a osé et a acquis de l'expérience. En France, en revanche, il est jugé indigne de confiance. Les mesures contenues dans le texte permettent-elles, selon vous, de modifier cet état d'esprit ? Au-delà des dispositions législatives envisagées dans le projet de loi PACTE, qui constituent de vraies avancées, je m'interroge sur la capacité des acteurs financiers, des banques essentiellement, à faire confiance aux entrepreneurs et à les aider à rebondir.

La liquidation judiciaire simplifiée deviendra la norme pour les petites et moyennes entreprises de moins de cinq salariés. Ce seuil vous paraît-il juste ? Ne pourrait-on pas le relever, et élargir davantage ce dispositif ? Quant au rétablissement professionnel, est-il opportun de prévoir une augmentation du plafond de 5 000 euros d'actifs, de façon générale ou à défaut pour certaines catégories ? Je pense notamment aux exploitations agricoles.

En conclusion, ce projet de loi, loin d'être le « fourre-tout » que dénoncent certains, est un texte majeur qui embrasse au contraire toute l'ampleur du champ. Il faut saluer sa cohérence et son ambition. La coconstruction dont il résulte doit nous amener à réussir, tous ensemble, la mise en oeuvre de ce texte vital pour le pays, pour l'emploi et pour les entreprises.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le projet de loi qui nous est présenté repose sur le postulat que les entreprises françaises – PME et ETI – sont trop petites en comparaison avec l'environnement concurrentiel, européen essentiellement. Un certain nombre de mesures seraient donc nécessaires pour permettre à nos entreprises de grandir. Ceci est vrai. Madame Bourbouloux, monsieur Jessua, je souhaiterais vous entendre sur les volets de ce projet de loi qui concernent les très petites entreprises (TPE) – si tant est qu'ils existent.

Un autre sujet attire mon attention, la détection des problèmes des entreprises. J'ai été pendant onze ans vice-président du conseil général de l'Aveyron en charge de l'économie, et président de l'agence de développement économique Aveyron Expansion. À l'arrivée de la dernière crise, nous avons mis en place une cellule de détection informelle, hors cadre d'État et hors cadre réglementaire, qui permettait à nos agents, collaborateurs et développeurs territoriaux d'aller à la rencontre des chefs d'entreprise pour évaluer avec eux le niveau de risque que leur structure encourait au vu du contexte économique général. Bien souvent, c'était l'occasion d'identifier des difficultés qui ne tenaient en rien au contexte économique, mais à l'organisation et au fonctionnement même des entreprises. Souvent, dans ces TPE et PME, le dirigeant est tout à la fois chef d'entreprise, comptable, livreur, homme de ménage, etc. Ce fonctionnement induit certaines carences, dues non pas à un manque de compétences mais à une indispensable polyvalence. Notre cellule pouvait corriger certains travers en instaurant des procédures et en proposant un accompagnement aux structures volontaires. Aujourd'hui, les entités de proximité, notamment les conseils départementaux, ont perdu la compétence économique. Les régions, qui l'ont récupérée, l'exercent probablement de manière différente, plus éloignée du terrain. Je crains que les entreprises perdent en qualité d'accompagnement à l'étape de la détection de leurs difficultés.

J'en viens à la transmission. Les territoires ont besoin que les entreprises passent de génération en génération. Or, la transmission du témoin se heurte à une difficulté considérable. Elle ne pourra être résolue que grâce à un accompagnement de la puissance publique – élus et chambres consulaires.

Comment le texte répond-il, selon vous, à ces enjeux ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les entreprises françaises sont souvent comparées à leurs homologues allemandes ou américaines. Rappelons toutefois que notre tissu économique est constitué de petites entreprises, TPE et PME.

S'agissant du rebond, le texte me semble aller dans le bon sens. À ce sujet, je souhaiterais vous soumettre quelques questions, madame Bourbouloux. Comment améliorer la prévention des difficultés des entreprises ? En cas de liquidation, comment protéger les parties prenantes qui ont fait confiance à l'entreprise, ont contractualisé avec elle et peuvent se trouver à leur tour en grande difficulté ? Comment lutter contre les « spécialistes » du dépôt de bilan, qui voient dans cette procédure un outil de gestion ? Enfin, comment accompagner les entreprises en difficulté, notamment en matière de financement ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre groupe soutient les objectifs du chapitre 1 du projet de loi, sans que celui-ci représente le big bang que nous aurions pu attendre en matière de simplification.

Nous considérons que le franchissement des seuils constitue un blocage à la création d'emplois. Nous le vivons et recueillons des témoignages en ce sens dans nos territoires. La suppression du seuil de 20 salariés est donc positive, tout comme l'instauration d'un délai de cinq ans pour être réputé avoir franchi un seuil. Aujourd'hui, les entreprises de 49 salariés sont deux fois et demie plus nombreuses que les entreprises de 50 salariés. Le nombre d'emplois qui n'ont pas été créés à cause de ces seuils a-t-il été évalué ? Combien d'emplois l'adoption de ces dispositifs est-elle susceptible de créer ? Par ailleurs, la peur de l'échec semble encore très présente en France. Existe-t-il des éléments tangibles pour la quantifier ?

Nous ne pourrons pas proposer cette mesure en raison de l'article 40 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, mais pourquoi ne pas envisager un forfait d'aide juridique et comptable – par exemple sous forme de crédit d'impôt – pour chaque jeune pousse et TPE qui s'installe ? Madame Bourbouloux, j'aimerais connaître votre avis sur le sujet.

Concernant la création d'entreprise, nous pouvons nous réjouir que le projet de loi prenne en compte le besoin d'un guichet unique et dématérialisé. Cependant, nous regrettons vivement que ce projet comporte aucune mesure de simplification, puisque sont conservés en arrière-plan sept centres de formalités des entreprises. Avez-vous réfléchi à des mesures de simplification que nous puissions porter dans le cadre de ce texte de loi afin de simplifier l'arrière-guichet et, in fine, le guichet ? En effet, même virtuel et dématérialisé, le guichet restera complexe par la nature des démarches à réaliser.

Enfin, Bercy a annoncé la réduction des effectifs en région. Or, des commissaires au redressement productif avaient été instaurés. Incidemment, l'appellation « chefs de projet » m'aurait paru préférable, car plus proche du vocabulaire de l'entreprise. Ces commissaires intervenaient comme « pompiers ». Il me semblerait utile qu'à chaque fois qu'un projet d'investissement dépasse un certain seuil – 5 ou 10 millions d'euros –, des chefs de projet de l'État traitent avec les chefs de projet de l'entreprise pour conduire les démarches administratives en parallèle, auprès de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ou encore de la direction départementale des territoires (DDT), en coordination avec les collectivités. Ceci permettrait de réduire à six ou sept mois les délais d'installation, alors qu'ils atteignent aujourd'hui douze à dix-huit mois au minimum. Que pensez-vous de cette proposition ?

Permalien
Hélène Bourbouloux, administrateur judiciaire, fondatrice du cabinet FHB

Il ressort de vos propos une interrogation sur le rôle et la place de l'État et des élus dans ces sujets. Indéniablement, il vous appartient de fixer le cadre de l'accompagnement des entreprises. Soyez toutefois conscients de l'immense contrainte que représente pour un entrepreneur l'imposition d'une chape de bonnes intentions, occasionnant une multitude de réunions avec le préfet, l'URSSAF, la commission des chefs de services financiers, l'élu local, etc. – destinées à parler du « problème » de l'entreprise. Imaginez un conciliabule dans lequel des médecins se réuniraient pour parler d'un « cas » – et surtout pour le faire parler – sans qu'aucun de ces professionnels ait de solution à proposer ! Pardonnez mon propos quelque peu abrupt, mais telle est la perception des chefs d'entreprise. La question de l'implication de l'État dans ces sujets est délicate, car elle renvoie à la honte de l'échec et à la stigmatisation. Pour peu qu'il soit une figure locale, un employeur notable de sa ville moyenne, un dirigeant n'a pas envie d'ébruiter que sa maison est près d'être saisie parce qu'il a donné une caution pour financer son entreprise.

Vous devez donc avant tout communiquer sur les outils, faire savoir aux chefs d'entreprise que vous êtes disponibles et que des solutions peuvent être recherchées avec divers représentants de l'État, à commencer par le Trésor public et l'URSSAF. Un dirigeant n'aura aucune difficulté à contacter ces derniers pour obtenir un délai de répit.

Le dispositif des commissaires au redressement productif, désormais appelés « commissaires au redressement et à la prévention des difficultés des entreprises », a plutôt bien fonctionné et est apprécié des entreprises. Les professionnels que nous sommes apprécient également que ce faisant, un acteur se spécialise et gagne en expérience sur ces sujets. Il a surtout le mérite d'être un interlocuteur unique. Il serait inenvisageable que, pour chaque dossier, je doive tenir informés quinze acteurs. Mesdames et messieurs les députés, je vous invite à rester vigilants quant à ce travers.

L'État peut donc apporter une aide, notamment en informant les acteurs économiques des dispositifs qui existent. En revanche, ne laissez pas croire à des chefs d'entreprise que vous pouvez apporter des solutions alors que vous n'êtes pas en mesure de le faire. Cela créerait de la frustration. Pire encore, des conseils mal avisés risqueraient de repousser et aggraver les problèmes. On ne rend pas service à un chef d'entreprise en le dissuadant de déposer le bilan au motif qu'il a 95 % de chances de finir en liquidation. Encore faut-il lui préciser qu'il conservera 60 % de l'emploi et que, s'il prépare suffisamment son dépôt de bilan, il accédera à une vraie solution. Pour prodiguer de bons conseils, encore faut-il connaître le système.

J'en viens à la question des seuils, qui touche y compris les entreprises en difficulté. En effet, elles se voient imposer un administrateur lorsqu'elles dépassent 20 salariés, tandis qu'il est facultatif en deçà. Le recours à un administrateur est en effet coûteux. Or, plus les entreprises sont petites, moins elles possèdent de compétences spécialisées, et plus elles ont besoin de ce service. Je préférerais que ces entreprises aient accès à un administrateur dont les honoraires seraient réduits de moitié. Cette solution est parfaitement envisageable. En effet, ce n'est pas sur ces dossiers que les administrateurs gagnent de l'argent, mais c'est grâce à eux qu'ils gagnent en expérience et en confiance, et qu'ils peuvent inciter les entreprises à anticiper les difficultés.

Une entreprise est un écosystème dans lequel gravitent salariés, créanciers, actionnaires, dirigeants, banques, repreneurs, investisseurs, collectivités locales, commerçants proches des sites... Quand l'entreprise se porte bien, les intérêts de toutes ces parties convergent, et de la richesse est créée pour toutes. Quand l'entreprise se porte mal, il faut répartir la pénurie. En France, les orientations légales considèrent que l'intérêt du salarié est le plus fragile, et qu'il doit être protégé en priorité. Dans la phase très amont en revanche, l'on prendra en compte l'intérêt de l'actionnaire, qui a investi. C'est important, car il faut se garder de ruiner l'envie d'investir dans des entreprises. Surtout, personne ne doit pouvoir empêcher un redressement quand il est possible. Un juste équilibre doit être trouvé. Pour y parvenir, il convient de se départir de toute vision caricaturale du sujet, et tenir compte des effets de bord d'un système. Il faut ainsi des sûretés efficaces, qui encouragent le crédit. Mais il importe aussi de laisser à chacun une chance de présenter un plan d'aménagement, avec une période d'observation, sans faire perdre ses droits au créancier. Si le plan ne fonctionne pas et que l'on procède à une cession ou à une liquidation, le créancier doit pouvoir mobiliser la sûreté qu'il a prise en contrepartie de son crédit.

Je connais peu les dirigeants « récidivistes » du dépôt de bilan, car ils se dirigent souvent, d'emblée, vers la liquidation. Au-delà, j'en appelle à primer ceux qui cherchent à s'en sortir, à commencer par tous ceux qui passent par le redressement. Sur les 60 000 entreprises en faillite chaque année en France, seules 12 000 se livrent à un redressement, dont 7 000 avec intervention de l'AGS au motif qu'elles ont plus d'un salarié. Je le répète, sur 60 000 faillites, seulement 7 000 passent par le dispositif de l'AGS. Ne stigmatisons en aucun cas ces structures qui recherchent activement une solution. Prévoyons par exemple que leur caution ne soit pas appelée. C'est déjà le cas en sauvegarde ; étendons ce principe au redressement. Plus le système sera attractif pour les chefs d'entreprise, plus ils anticiperont la résolution de leurs difficultés.

Permalien
Emmanuel Jessua, directeur des études de Coe-Rexecode

S'agissant du guichet unique, il importe avant tout, pour les entreprises, que l'interface avec laquelle elles sont en relation soit efficace. L'arrière-guichet n'est pas leur affaire. Il est fort probable qu'il reste complexe, tant le sujet l'est également.

Une étude menée par l'INSEE il y a quelques années montrait que l'impact des seuils d'effectifs sur l'emploi était relativement faible. Cet institut estimait que 22 000 entreprises étaient susceptibles d'embaucher davantage en l'absence de ces seuils. Une rapide extrapolation permet d'évaluer que la suppression de l'ensemble des seuils aurait un impact de 100 000 emplois. Ce ne serait pas négligeable, mais ne constituerait pas non plus un choc économique de grande ampleur.

Quant au principe d'un forfait d'aide juridique et comptable, mesure nécessairement coûteuse, je ne saurais que trop recommander la prudence. Il faudrait s'assurer qu'il correspond à un véritable besoin des entreprises.

Enfin, l'intervention de chefs de projet de l'administration pourrait être pertinente sur des projets d'installation particulièrement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À ma connaissance, les évaluations de l'impact des seuils sociaux sur l'emploi concluent invariablement que leur effet serait marginal. Je ne peux que m'en étonner, au vu de mon expérience d'ancien chef d'entreprise et de conseiller régional de la région Centre-Val-de-Loire.

En 2017, le conseil régional a versé 250 aides aux entreprises. Parmi ces dernières, 80 % avaient 49 salariés. L'une affichait même 49,99 équivalents temps plein (ETP) ! Dans un même esprit, comment expliquer qu'il y ait en France 2,6 fois plus d'entreprises de 49 salariés que d'entreprise de 50 salariés ? Je suis convaincu qu'il est essentiel d'assouplir les seuils. Le projet de loi fait un premier geste en ce sens, qui n'avait jamais été entrepris par la précédente majorité – je tiens à le souligner – mais qui reste insuffisant. Le seuil le plus problématique est celui de 50 salariés, qui implique 34 obligations supplémentaires et une augmentation presque mécanique de 4,8 % de la masse salariale. Monsieur Emmanuel Jessua, Nous avons besoin d'éclairages objectifs sur ces sujets.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lors des dernières rencontres économiques d'Aix-en-Provence, monsieur Jessua, vous avez mis en avant la nécessité d'assurer un lien entre la recherche fondamentale et l'innovation économiquement viable. Vous avez cité à cette occasion divers obstacles. Pourriez-vous les rappeler, et mentionner les solutions que nous pourrions envisager ensemble pour les surmonter ?

Permalien
Emmanuel Jessua, directeur des études de Coe-Rexecode

Je commencerai par dissiper un malentendu. Jamais je n'ai affirmé que les seuils sociaux n'avaient aucun impact sur l'emploi. Quand l'INSEE évalue que 22 000 entreprises embaucheraient davantage en l'absence de ces seuils et que 100 000 emplois pourraient être créés, ce n'est en rien négligeable. Toutefois, je le répète, cela ne susciterait pas un choc macroéconomique d'ampleur.

Le sujet de l'innovation et de la recherche sur laquelle vous m'interrogez, monsieur Zulesi, est lié à celui de la croissance des entreprises. L'on dit souvent que les entreprises françaises peinent à grandir. Il s'agit d'un problème plus général, qui touche l'Europe dans son ensemble en comparaison avec les États-Unis, la Corée du Sud ou encore la Chine. Nous accusons un retard en termes d'innovation, et le progrès technique – notamment la numérisation – contribue moins à la croissance des entreprises européennes.

Les entreprises les plus innovantes et les plus engagées dans la transformation numérique sont souvent d'une certaine taille et assez performantes. À l'inverse, les PME sont plus à la traîne, en France comme en Europe. Il importe donc d'irriguer un tissu plus large de petites entreprises par de l'innovation et du numérique. Le levier des seuils peut jouer un rôle à cet égard, tout comme celui du financement et de l'accès des petites structures au capital. Pour les PME, le financement doit plutôt intervenir en haut de bilan et en fonds propres. Ceci pose la question de l'unification du marché des capitaux à l'échelle européenne et du développement du capital-risque.

Monsieur Zulesi, vous mentionniez enfin la difficulté qu'éprouvent nos entreprises à passer de la recherche fondamentale à la commercialisation d'innovations viables. C'est là un trait culturel français : les centres de recherche fondamentale, les universités et les entreprises peinent encore à collaborer. Contrairement à leurs homologues aux États-Unis, en Chine ou au Japon, les grandes entreprises françaises pratiquent très peu la recherche fondamentale. Facebook est au contraire à la pointe dans ce domaine, et plus particulièrement dans l'intelligence artificielle.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 11 juillet 2018 à 11 h 30

Présents. - M. Jean-Noël Barrot, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, M. Bruno Bonnell, M. Éric Bothorel, Mme Anne-France Brunet, M. Anthony Cellier, M. Charles de Courson, Mme Michèle Crouzet, Mme Coralie Dubost, M. M'jid El Guerrab, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Nicolas Forissier, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, Mme Valérie Gomez-Bassac, M. Stanislas Guerini, Mme Claire Guion-Firmin, M. Régis Juanico, M. Guillaume Kasbarian, Mme Fadila Khattabi, M. Mohamed Laqhila, Mme Laure de La Raudière, M. Michel Lauzzana, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Jean-Claude Leclabart, M. Roland Lescure, M. Emmanuel Maquet, Mme Graziella Melchior, Mme Patricia Mirallès, Mme Cendra Motin, Mme Valérie Oppelt, M. Patrice Perrot, M. Dominique Potier, M. Adrien Quatennens, M. Martial Saddier, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, M. Denis Sommer, M. Adrien Taquet, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Boris Vallaud, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Arnaud Viala, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - M. Ian Boucard, M. Paul Christophe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Sylvain Waserman

Assistaient également à la réunion. - M. Damien Adam, M. Yves Daniel, M. Julien Dive, Mme Christine Hennion, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Frédérique Lardet, M. Denis Masséglia, M. Éric Pauget, M. Benoit Potterie, M. Xavier Roseren, Mme Huguette Tiegna, M. Jean-Luc Warsmann