Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Réunion du jeudi 13 septembre 2018 à 10h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Mission d'information DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉVISION DE LA LOI RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE

Jeudi 13 septembre 2018

Présidence de Mme Caroline Janvier, vice-présidente de la Mission

La Mission d'information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique procède à l'audition de Mme Françoise Dumont, présidente d'honneur de la Ligue des droits de l'homme, de M. Philippe Laville, membre du comité central et coresponsable du groupe de travail « Santé-bioéthique », et de Mme Tatiana Gründler, membre du groupe de travail « Santé-bioéthique »

La séance débute à dix heures trente.

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Je remercie la Ligue des droits de l'homme d'avoir accepté notre invitation à ce cycle d'auditions organisées dans la perspective de la révision de loi relative à la bioéthique. Nous accueillons Mme Françoise Dumont, présidente d'honneur, M. Philippe Laville, membre du comité central de la Ligue des droits de l'homme et coresponsable du groupe de travail « santé et bioéthique », et Mme Tatiana Gründler, membre de ce groupe de travail. L'audition, qui est filmée et enregistrée, nous permettra d'entendre le point de vue de la Ligue ainsi que les points d'attention que vous pourrez soulever.

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Françoise Dumont, présidente d'honneur de la Ligue des droits de l'homme

Nous vous remercions de l'invitation que vous nous avez faite. Je décrirai le cadre dans lequel la Ligue des droits de l'homme (LDH) aborde ces questions. La LDH, association généraliste, défend l'ensemble des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels – cela donne une idée de l'ampleur de sa tâche. Elle n'a pas vocation à prendre position sur tous les sujets relevant de la bioéthique ; mais, en tant qu'association citoyenne de protection des droits de l'homme, elle est attentive à ce que tous les êtres humains, sans discrimination, puissent bénéficier du progrès scientifique tout en voyant leurs droits garantis. Cela explique pourquoi nous limitons notre champ d'intervention, ce qui ne nous empêche pas de nourrir depuis plusieurs années une réflexion sur ces questions. Le document que nous vous avons adressé montre que nous avons un corpus de positions bien ancrées, constitué de textes présentés lors de nos congrès et d'articles parus dans notre revue, Hommes & Libertés, qui n'engage pas la Ligue en tant que telle puisque nous faisons éventuellement appel à des intervenants extérieurs mais qui reflète ses préoccupations.

L'ensemble de principes auxquels nous nous référons nous a conduits à établir une charte sous-tendue sur le plan international par la Convention d'Oviedo de 1997 et aussi, bien sûr, par les principes énoncés par le législateur français et formalisés dans le code civil en 1994. Nous souhaitons en premier lieu que l'ensemble de ces sujets soient traités de façon démocratique et non pas seulement technicienne, en toute transparence et à l'abri des lobbies qui s'activent.

J'insisterai sur quatre points que nous considérons être d'une importance particulière. Le premier, c'est que les pouvoirs publics contribuent au développement de la connaissance, en garantissant pour cela la liberté de la recherche scientifique et la diffusion du savoir, de manière que, par la mise à disposition des travaux résultant d'une recherche critique émancipée des dogmes et toujours ancrée dans la rationalité scientifique, nos concitoyennes et nos concitoyens puissent se former un avis éclairé.

Le deuxième point – notre feuille de route pour aborder ces problèmes –, c'est le respect de la personne. Les décisions prises doivent respecter les principes de l'intégrité et de l'indisponibilité du corps humain ; celui du consentement, même si l'on sait combien est compliquée la question du consentement, comme l'a montré la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ; la préservation des données personnelles.

Ces préoccupations doivent conduire à refuser toute logique économique, et avec elle la marchandisation du vivant – les intérêts humains doivent primer sur les intérêts économiques – et, bien sûr, à exercer une ferme vigilance au sujet des conflits d'intérêts.

La Ligue demande enfin qu'une extrême vigilance s'exerce pour garantir l'égalité des personnes, sans discriminations fondées sur le genre, l'orientation sexuelle, la situation de famille, l'origine ou les richesses.

Les principes généraux qui sous-tendent l'action de la LDH étant ainsi définis, mes camarades traiteront de sujets plus précis.

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Tatiana Gründler, membre du groupe de travail Santé-bioéthique de la Ligue des droits de l'homme

Au nombre des sujets auxquels la Ligue s'intéresse plus particulièrement figurent la procréation artificielle, la fin de vie, les données de santé, la relation entre santé et environnement et l'intersexualité. Je traiterai de la procréation artificielle, sujet qui, il y a un an environ, a fait l'objet d'une déclaration cosignée par la Ligue sous la forme d'une tribune parue dans le journal Le Monde avant le lancement des États généraux de la bioéthique mais après que le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) a rendu son avis sur cette question. La position exprimée par la LDH n'est évidemment pas d'affirmer un droit à l'enfant, qui n'existe pas. En revanche, le principe de non-discrimination qui la guide implique qu'elle défende l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation (AMP) à toutes les femmes, qu'elles soient en couples ou célibataires. Á l'inverse, la Ligue est très réservée au sujet de la gestation pour le compte d'autrui (GPA).

Pour ce qui est de l'AMP, la Ligue considère qu'il faut repartir de la décision prise par le législateur qui, en 1994, a choisi de régir des interventions jusqu'alors réalisées par les médecins et les centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains (CECOS) avec leurs seules règles éthiques. S'agissant de l'AMP, il a choisi de mimer le modèle naturel, charnel, de procréation, ce pourquoi l'accès aux techniques d'AMP est actuellement réservé aux couples formés d'un homme et d'une femme vivants, en âge de procréer et souffrant d'une infertilité médicalement diagnostiquée. Une autre hypothèse a toutefois été prévue : l'ouverture de l'AMP quand existe un risque de transmission d'une maladie grave à l'enfant, puis, a-t-il été ajouté, au conjoint. Un autre choix eût été possible : puisqu'il ne s'agissait plus de procréation naturelle mais d'user de techniques de procréation, le législateur aurait pu admettre l'artificialité et d'autres modèles de procréation.

Il nous semble que, conformément au principe de non-discrimination, un autre choix est nécessaire aujourd'hui : exclure les couples de femmes de l'accès à l'AMP est tout simplement une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Certes, le principe de non-discrimination n'empêche pas de traiter différemment les personnes dès lors qu'il y a à cela un motif légitime, en particulier si les personnes sont dans des situations différentes. La question est donc de savoir si un couple de femmes est dans une situation différente d'un couple hétérosexuel pour l'accès à la parentalité. Il nous semble que le législateur a déjà répondu à cette question en admettant, par la loi Taubira de 2013, qu'un couple d'homosexuels mariés peut adopter. En admettant que les couples homosexuels mariés peuvent devenir parents, le législateur dit qu'ils ne sont pas dans une situation différente de celle des couples hétérosexuels par rapport à la parentalité.

Il nous semble donc qu'il faut désormais, pour respecter le principe de non-discrimination, ouvrir l'AMP aux couples de femmes – d'autant que cela n'oblige en rien à modifier la technique, le législateur ayant aussi admis, dès 1994, que l'AMP pouvait avoir lieu avec un tiers donneur. Il en est déjà parfois ainsi pour les couples hétérosexuels ; ce serait toujours le cas s'agissant des couples de femmes, mais la technique utilisée ne serait en rien modifiée. Quant à l'argument selon lequel la condition d'infertilité médicalement diagnostiquée ne serait plus respectée, il est spécieux : en pratique, nombre de couples hétérosexuels ont accès à une AMP sans que le diagnostic médical soit véritablement posé sur la fertilité : selon les chiffres officiels, dans un quart des cas la cause de l'infertilité n'est pas diagnostiquée.

Nous sommes également favorables à l'ouverture de l'AMP aux femmes célibataires, considérant que, à défaut, elles seraient victimes d'une discrimination fondée sur la situation familiale. La Ligue estime qu'il n'y a pas de différence de situation entre couples et célibataires : le législateur ayant admis que des célibataires peuvent adopter, ils ont déjà accès à la parentalité.

Dans l'hypothèse de l'élargissement des indications de l'AMP, la LDH est favorable à une prise en charge générale, quelles que soient les situations et les causes, là encore pour respecter le principe de non-discrimination. Et si la prise en charge devait être remise en cause dès lors que l'AMP n'a pas un motif médical, la distinction devrait s'appliquer aussi aux couples hétérosexuels : ils ne devraient plus pouvoir prétendre à la prise en charge que pour des motifs médicalement avérés, ce qui semble problématique.

Le principe du respect de l'intégrité du corps des femmes conduit la Ligue à considérer que l'interdit de la GPA est légitime. En l'espèce, le principe de non-discrimination est inopérant. On entend parfois dire que si l'AMP était élargie aux couples de femmes et aux femmes célibataires, ce seraient les hommes, en couple ou célibataires, qui seraient alors victimes d'une discrimination, étant alors les seuls à ne pas avoir accès à une procréation artificielle leur permettant un lien génétique avec l'enfant. Or, le principe de non-discrimination s'applique pour une technique ou pour un droit existant – et si l'AMP avec tiers donneur est déjà légale en France, la GPA est prohibée. Elle supposerait l'usage d'une nouvelle technique, et la disposition du corps d'une femme ; la situation est donc autre, et le simple principe de discrimination ne rend aucunement automatique cette ouverture, qui supposerait que le législateur revienne sur le principe de l'indisponibilité du corps humain.

Cela étant, la Ligue est attentive à la situation des enfants nés d'une GPA pratiquée légalement à l'étranger. Mais sur ce point, le droit, grâce à la jurisprudence, a beaucoup évolué, et il nous semble largement satisfaisant.

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Philippe Laville, membre du comité central de la Ligue des droits de l'homme et coresponsable du groupe de travail Santé-bioéthique

Je traiterai de deux thèmes abordés au cours des États généraux de la bioéthique, et pour commencer de la protection des données personnelles de santé.

L'exigence du consentement, qui va de soi, a été réaffirmée dans le règlement général sur la protection des données européen récemment entré en vigueur, mais des éléments nouveaux peuvent provenir de dispositifs liés à la bioéthique. Il en est ainsi des données génétiques ou des greffes et dons, et des données génétiques recueillies à l'occasion de tests effectués à la demande des personnes, notamment pour la recherche de potentielles maladies à caractère génétique si un traitement est possible. Cela fait partie des questions en suspens dans l'évolution possible de la loi relative à la bioéthique. Le consentement doit s'appliquer en ces cas comme pour l'ensemble des possibilités de collecte et de conservation de données personnelles, en interdisant toutes demandes à finalité commerciale – faites par les assureurs et les banquiers par exemple – et aussi toutes demandes des employeurs ; il en va de l'application des grands principes rappelés par Françoise Dumont.

La Ligue considère que, comme le souligne le CCNE, il serait nécessaire de renforcer les droits d'accès, de rectification et de refus de communication des données personnelles à des tiers pour l'ensemble de des données de santé. C'est d'autant plus important que la France, s'étant dotée du système national d'information interrégimes d'assurance maladie (SNIIRAM), est le pays qui a sans doute l'une des plus grandes banques de données personnelles de santé, et que le développement de l'open data permet de plus en plus un accès libre à des données non identifiables ou, plus exactement, désidentifiées. Cela suppose une vigilance permanente pour éviter les risques de réidentification par croisements.

Un mot, aussi, du dossier médical partagé (DMP). Le projet est ancien puisque les premiers éléments de réflexion sont apparus en 1995 avant d'être précisés par la loi Douste-Blazy de 2004, qui n'a jamais abouti sous la forme du dossier public, vérifiable et contrôlable prévu au départ. En revanche, des dossiers médicaux informatisés ont été proposés par de multiples sociétés commerciales, si bien que des données personnelles peuvent désormais être partagées entre professionnels de santé sans que soit garantie l'absence de risques de croisements pouvant donner lieu à une réidentification, sans que le patient, même s'il a donné un accord initial, ait nécessairement donné son consentement à ce partage et sans qu'il sache rien de la conservation de ses données personnelles de santé. Le DMP peut être une protection pour le patient et un élément très utile pour les soins, mais il est nécessaire qu'à tous les niveaux les droit d'accès, de rectification et de refus de communication des données personnelles à des tiers soient possibles pour tous. Les inégalités sociales ne doivent pas avoir pour conséquence que certains n'aient pas ces droits.

La vérification de l'identité des personnes lors des soins doit être plus attentive que jamais car le traitement et le partage des données de santé recueillies sous forme numérique multiplient les risques d'erreurs d'attribution, notamment au sein des groupements hospitaliers de territoire. Et je me dois de souligner à nouveau le risque de dérives dans l'utilisation des données personnelles de santé – à des fins autres que celles du soin – dans la mesure où l'usage en est parfois incontrôlé, et au minimum moins contrôlé, lors des hospitalisations dans les établissements privés commerciaux.

La Ligue se préoccupe enfin d'un risque qui a d'ailleurs entraîné l'annulation d'un arrêté ministériel relatif à l'apnée du sommeil par le Conseil d'État en 2016 : le risque d'obligation d'observance, passant parfois par des tiers commerciaux. Une extrême vigilance s'impose au sujet des mesures de ce type et des conséquences qu'elles peuvent induire dans la réduction de la prise en charge des soins par le système de protection sociale. La même vigilance doit être de mise pour empêcher l'accès de l'employeur aux données personnelles de santé.

Je dirai aussi quelques mots du thème « Environnement et santé », une des dimensions nouvelles introduites par le CCNE lors des États généraux de la bioéthique. La Ligue attache une grande importance à une approche globale des questions environnementales par le biais des déterminants environnementaux de la santé tels que définis par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis plusieurs années. L'OMS intègre les considérants environnementaux simples relatifs à l'air, à l'eau et aux pollutions, mais elle considère que doivent aussi être prises en considération les conditions d'habitat, d'éducation, de revenus, de vie et de travail, tous éléments qui contribuent à des inégalités de santé assez importantes.

Enfin, on déplorera que le débat n'ait pas été plus fourni. De manière générale, ces questions demandent qu'un débat public soit organisé avec des supports médiatiques, ce qui a manqué lors des États généraux. Nous faisons face à l'explosion du nombre de cas de maladies chroniques : dix millions de personnes sont concernées en France – et encore s'agit-il uniquement du nombre de malades comptabilisés comme souffrant d'une affection de longue durée ouvrant un droit théorique à la prise en charge à cent pour cent, si bien que l'on peut considérer que le nombre de cas de maladies chroniques est plus important. Les travaux de recherche mettent de plus en plus en évidence que, pour une large part, les maladies chroniques relèvent de déterminants qui pourraient être maîtrisés : on parle beaucoup des molécules toxiques d'origine industrielle et des perturbateurs endocriniens mais d'autres éléments existent dont il faut se préoccuper. Ainsi, des études récentes classent la France parmi les pays où se manifeste le plus fort taux d'accroissement de cancers hormono-dépendants, particulièrement les cancers du sein et de la prostate. Cette augmentation n'est pas sans rapport avec l'utilisation de produits toxiques dans les traitements agricoles. On évoquera évidemment le chlordécone mais aussi de nombreux autres produits chimiques expérimentés aux Antilles, en particulier en Martinique, depuis plus de vingt-cinq ans.

La population devrait être mieux informée sur toutes ces questions, et les chercheurs devraient être encouragés à mieux cerner le rôle de certains produits chimiques dans la crise sanitaire liée à ces problèmes environnementaux, crise qui s'aggrave malheureusement à l'échelle mondiale. En France en particulier, la prévention à caractère social devrait être renforcée plutôt que de se limiter, comme on l'a longtemps fait, à une prévention à caractère individuel. Les choses évoluent avec la stratégie nationale de santé, mais l'approche a très longtemps été de type comportementaliste, l'accent étant davantage mis sur le comportement des individus que sur leur environnement.

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Je vous remercie pour ces propos qui permettent de lier les droits de l'homme et les principes qui fondent notre modèle de bioéthique. Vous considérez que le préalable nécessaire à la révision de la loi est une approche « démocratique, et non pas seulement technicienne », mais aussi « transparente ». Les citoyens doivent en effet s'approprier les éléments du débat pour que ce ne soit pas uniquement l'affaire d'experts ou même du législateur. C'est pourquoi une consultation publique a été organisée : pilotés par le CCNE, les États généraux de la bioéthique ont eu lieu pendant six mois, de janvier à juin dernier. La LDH juge-t-elle satisfaisante la manière dont ils ont été conduits ?

D'autre part, des principes peuvent parfois être antinomiques ; en de tels cas, il revient au législateur d'arbitrer entre des injonctions qui pourraient être contradictoires. Je pense notamment à la levée de l'anonymat du don de gamètes. Jusqu'à présent, la législation française a privilégié la préservation du respect du droit à l'intimité des couples ayant recours à l'AMP, entretenant de ce fait le secret sur le mode de conception de l'enfant né d'un tel don. Mais la prise de conscience s'est faite de la souffrance que le secret provoque chez les enfants, et la demande est forte de levée de l'anonymat pour respecter un autre principe : celui de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui commanderait le respect du droit à l'accès aux origines. Comment, selon vous, concilier ces deux principes ? Les hiérarchisez-vous ?

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Philippe Laville, membre du comité central de la Ligue des droits de l'homme et coresponsable du groupe de travail Santé-bioéthique

Je me limiterai à quelques mots sur le déroulement des États généraux de la bioéthique avant de laisser la parole à Tatiana Gründler qui a conduit une étude approfondie à ce sujet. La consultation a fourni de nombreuses et intéressantes pistes de réflexion à ceux qui pouvaient se procurer les documents. Je regrette néanmoins que, même si des progrès ont eu lieu par rapport aux consultations précédentes, un relais médiatique n'ait pas été prévu, avec des flashes d'informations télévisées et radiophoniques et des incitations, sur les réseaux sociaux, à aller chercher l'information. La consultation est restée limitée à des personnes que les sujets abordés préoccupaient déjà. Nous souhaitons que, dans le futur, on aille au-delà, de manière que les citoyens s'approprient ces questions vitales pour nous tous et pour l'avenir de notre civilisation.

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Tatiana Gründler, membre du groupe de travail Santé-bioéthique de la Ligue des droits de l'homme

Même si l'on peut exprimer certaines réserves sur sa mise en oeuvre pratique, le processus suivi est tout à fait original et l'on peut difficilement faire plus démocratique, sur le papier en tout cas. Le fait que le législateur s'empare de ces questions et prévoit que les lois de bioéthique seront révisées régulièrement est en soi une approche démocratique. Que, de plus, préalablement à la révision, soit nécessairement engagés des États généraux, que l'on invite les citoyens à participer directement à l'élaboration du nouveau texte, c'est évidemment positif. Mais il est difficile de faire participer les citoyens à des débats portant sur des sujets techniques. De multiples questions se posent donc, notamment lors des débats organisés sous l'égide des espaces régionaux d'éthique, sur la formation des personnes : elle est évidemment faite par des savants, mais les experts sont rarement neutres. La formation par des experts paraît difficilement évitable, mais elle crée une situation complexe.

D'autre part, le président du CCNE craignait dès l'origine que les débats se concentrent sur certaines questions seulement – non sans raison, puisque c'est advenu. Pendant les États généraux de la bioéthique, je suis intervenue sur la procréation artificielle, mais même si la Ligue considère ce sujet comme très important pour la société, là ne sont pas les questions que posent les nouvelles technologies. Que par de longs débats, de multiples interventions sur le site et des propositions spontanées, les citoyens se soient focalisés sur cette question et sur celle de la fin de vie est très intéressant pour prendre le pouls de la société, mais cela ne me semble pas parfaitement éclairer les décideurs que vous êtes.

Enfin, on a constaté que des lobbies se sont aussi emparés de la question. Ceux-là défendent un intérêt particulier et non l'intérêt général. Il y a eu beaucoup d'interventions de type « copié-collé », et l'on sait que les lobbies étaient aussi très organisés et très présents dans les régions ; cela fait s'interroger sur l'influence des groupes de pensée, des entreprises marchandes et des sociétés savantes sur le débat citoyen.

Pour avoir lu le rapport du CCNE sur les États généraux, j'ai été frappée de voir revenir systématiquement la demande d'information des citoyens. Quel que soit le sujet abordé – les données de santé, l'intelligence artificielle, la recherche en génétique… – les gens expriment systématiquement le sentiment de ne pas être suffisamment informés, alors même qu'ils sont là, et la volonté d'en savoir plus. Il faut entendre cette demande répétée et y faire droit en dehors de ces grands moments de consultation ; c'est une nécessité pour que les citoyens puissent faire front. Si l'on veut réellement un lien avec le citoyen, un peu d'éducation à la technique me semble nécessaire.

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Françoise Dumont, présidente d'honneur de la Ligue des droits de l'homme

Certains droits entrent en effet en conflit, dans de nombreux domaines. Au sein de la LDH, je m'occupe du groupe de travail qui se consacre aux droits des enfants et des jeunes ; nous constatons que la question de l'accès aux origines se pose de manière récurrente et certains témoignages montrent le traumatisme que l'anonymat du géniteur et le fait d'ignorer ses origines peuvent susciter. Notre fil conducteur est la préservation du consentement. Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas aussi réaliser un travail d'encadrement et de formation, mais outrepasser le consentement peut aussi provoquer des dérives extrêmement graves.

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Je suis d'accord avec la très claire démonstration concernant la PMA et la GPA faite par Mme Gründler. Je la résume : les femmes homosexuelles et les femmes seules ayant le droit d'adopter des enfants, on ne peut les priver du droit à l'accès à l'AMP déjà ouvert aux couples hétérosexuels. Á l'inverse, en ce qui concerne la GPA, pour les hommes en particulier, le principe de non-discrimination ne s'applique pas puisque cette technique n'est pas admise pour les couples hétérosexuels en France. Mais comme il n'est pas interdit d'aller solliciter une GPA dans des pays voisins, se pose la question de la filiation des enfants nés de GPA réalisées à l'étranger. Dans ce contexte, la Ligue est-elle d'accord avec la CEDH sur la nécessité de faire évoluer la loi française pour que les droits de l'enfant né d'une GPA, qui n'a pas à porter la responsabilité des conditions de sa procréation, soient reconnus, sans que cela implique de changer forcément notre législation sur la GPA elle-même ?

D'autre part, la France est probablement, parmi les pays européens, l'un de ceux qui essayent de limiter au maximum l'accès aux données personnelles de santé. Mais l'on se demande parfois si d'une part cet excès de souci de protection n'entraîne pas une certaine inefficacité et si, d'autre part, il ne va pas contre l'intérêt des malades eux-mêmes. Si je parle d'inefficacité, c'est que les données du SNIIRAM comme celles du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) des hôpitaux sont vendues à des personnes qui sont évidemment tous à fait dignes de les utiliser, mais que ces données se retrouvent ensuite dans des sociétés commerciales, du fait de plusieurs intermédiaires. Cela aboutit à des abus, comme des propositions d'objets connectés faites aux malades qui sortent de l'hôpital, les diabétiques par exemple. Visiblement, l'efficacité alléguée de la procédure n'a pas suffi à empêcher qu'elle soit détournée. D'autre part, comme vous l'avez indiqué, la lenteur de la mise en place du DMP a eu pour conséquence l'apparition d'alternatives. Les médecins du XXIe siècle n'entendant pas travailler comme du temps de Roger Martin du Gard, des systèmes commerciaux se sont développés, qui ne prévoient pas les mêmes contrôles.

Ce constat étant fait, comment progresser ? Ne pourrait-on se dire, comme le font certains pays d'Europe du Nord, que le plus simple est de ne pas tout contrôler en amont mais d'être extrêmement sévère en aval ? Notre prérogative serait alors de définir de lourdes pénalités pour sanctionner tous ceux – l'employeur, l'assureur, le commercial – qui, au mépris de la confidentialité des données personnelles de santé, se seraient procuré indûment des listes de malades et utiliseraient ces données de façon inappropriée.

Vous nous avez dit que le respect des droits de l'homme peut impliquer un droit plus large à la connaissance de ses origines, ce qui recueille un assez large assentiment. La LDH considère-t-elle aussi qu'il convient d'élargir le droit d'accès aux informations génétiques ? Actuellement, on ne peut y avoir accès en France que sur prescription médicale mais on peut recourir à des laboratoires d'autres pays européens ou américains. Selon la Ligue, est-ce un droit de pouvoir connaître les gènes de prédisposition à une maladie, et donc de renforcer la prévention d'une pathologie donnée – par exemple, si l'on a de forts risques de développer un diabète, on consommera un peu moins de sucre et l'on fera plus d'exercice physique ?

Enfin, le docteur Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens, vient de faire une déclaration tonitruante contre la pratique de l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Conformément à la clause de conscience, ce médecin peut tout à fait signifier qu'il ne veut pas réaliser cet acte lui-même, mais il va bien au-delà en qualifiant l'IVG « d'homicide » et, si l'on comprend bien, en ne se soumettant pas à l'obligation légale d'aider la femme qui le demande à trouver le praticien qui le réalisera. Quel avis portez-vous sur les praticiens qui non seulement ne font pas d'IVG, ce qui est leur droit, mais qui, de plus, font tout pour dissuader les femmes de trouver le praticien qui satisfera leur demande ?

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Tatiana Gründler, membre du groupe de travail Santé-bioéthique de la Ligue des droits de l'homme

Je l'ai indiqué, nous sommes très vigilants sur la situation des enfants nés d'une GPA pratiquée à l'étranger, qui n'ont pas à souffrir des effets, notamment juridiques, très insécurisants de la pratique de leurs parents. La situation s'est grandement améliorée depuis 2014 sous l'influence de la CEDH qui, en imposant la reconnaissance du lien génétique, c'est-à-dire un droit à l'identité biologique, a ouvert la voie à la demande adressée aux États de reconnaître le père qui a donné ses gamètes pour la GPA. La Cour de cassation s'est pliée à cette solution, ce qui était dans l'ordre des choses en termes juridiques. Depuis lors, les choses se sont encore améliorées puisque, depuis juillet 2017, il est admis que le conjoint du parent reconnu, qui figure sur l'acte d'état civil initial établi à l'étranger, peut adopter l'enfant. Cela signifie que dans tout couple marié – hétérosexuel et, depuis la loi Taubira, homosexuel – le conjoint peut adopter l'enfant de son partenaire. Cela n'est pas encore complètement satisfaisant, d'une part parce qu'il faut être marié, d'autre part parce que pendant la période qui court jusqu'à l'adoption, la sécurité juridique de l'enfant n'est pas assurée si le couple se sépare ou si l'un des conjoints décède – a fortiori si c'est celui qui a un lien biologique avec l'enfant et qui est reconnu juridiquement.

La Ligue estime que la situation actuelle, imparfaite, pourrait être améliorée, tant en substance que dans la forme – car tout cela est l'oeuvre du juge, ce qui n'équivaut pas à la protection de la loi –, sans reconnaître la GPA.

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Philippe Laville, membre du comité central de la Ligue des droits de l'homme et coresponsable du groupe de travail Santé-bioéthique

La question de l'articulation entre la protection des données personnelles de santé et l'avantage que leur partage peut apporter au patient est complexe. La position de la LDH n'est pas complètement arrêtée mais, dans le prolongement des principes qui sous-tendent notre action, nous ne sommes pas favorables à ce qui se fait déjà : permettre que les données recueillies soient vendues à des compagnies d'assurance et des opérateurs commerciaux. Nous considérons qu'il faut éviter toute dérive marchande et aussi le risque de réidentification des personnes. Le contrôle préalable par des instances telles que la CNIL ou l'Agence de biomédecine nous semble indispensable pour garantir que l'accès à ces données soit réservé à des recherches à caractère public, sous maîtrise d'opérateurs publics. La Ligue souhaite donc que l'on revienne sur des pratiques que l'on a laissé se développer ces dernières années.

Il est vrai que, dans le même temps, de grands progrès ont eu lieu dans le prolongement des études réalisées. Mais si le risque de réidentification des données personnelles est très faible lorsqu'elles sont agrégées dans des ensembles très larges, il n'en va pas de même quand les données traitées sont en faible nombre : en ce cas, la possibilité de réidentification par croisements est réelle et il faut donc être très vigilant.

Je ne suis pas convaincu que de lourdes pénalités ex post seraient dissuasives, à la fois parce que cette approche n'a pas toujours très bien fonctionné dans d'autres domaines et parce que les données numériques peuvent se promener à l'échelle internationale. La Ligue a co-édité un petit guide intitulé Quels risques pour le citoyen ? qui traite de la finalité et des dangers des fichiers. Nous avons proposé qu'à l'échelle européenne le dossier médical électronique soit réservé aux patients dont l'état demande des traitements lourds, coûteux et de longue durée. Nous demandons, comme toujours, le respect du consentement du patient, que l'on ne fasse pas de ce dossier une règle absolue et que l'on n'accroisse pas le nombre de fichiers relatifs à la personne quand cela ne s'impose pas. Principalement, il est nécessaire, je l'ai dit, que chaque citoyen ait un droit d'accès, de rectification et de refus de communication de ses données à tous les niveaux. La durée de conservation des données personnelles de santé collectées sur papier était de dix ans en France. On parle de s'aligner sur les durées de conservation plus longues en vigueur dans d'autres pays européens, au motif que cela permettrait des études au long cours. Là encore, il ne peut s'agir que d'études sur des données agrégées en très grand nombre mais même en ce cas, la vigilance s'impose en amont car, en dépit des garanties données, des études montrent que la possibilité de réidentification existe.

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Madame Gründler, vous avez évoqué l'argument de la non-discrimination pour justifier que l'AMP, technique déjà autorisée pour les couples hétérosexuels, soit ouverte aux couples de femmes. Si l'on pousse un peu plus loin la réflexion sur la non-discrimination, ne doit-on pas aussi s'interroger sur le critère relatif à l'âge de procréer ?

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La Ligue avait vivement critiqué les consultations préalables à la révision de la loi de bioéthique en 2011, principalement parce que le projet de loi ne tenait pas compte des avis formulés lors de ces consultations. Cette année, beaucoup de gens qui ne sont pas des experts se sont exprimés au cours des débats. Je m'en réjouis, car nous sommes ainsi passés d'un débat d'experts à un débat plus sociétal. Mais il est compliqué de faire converger les avis émis lors des États généraux ; il est donc possible qu'une fois encore la Ligue juge les opinions émises insuffisamment prises en compte dans le futur projet de loi. Quelles sont vos recommandations à ce sujet ?

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Tatiana Gründler, membre du groupe de travail Santé-bioéthique de la Ligue des droits de l'homme

La LDH fonde son analyse sur le principe juridique de la non-discrimination et constate que l'élargissement de l'accès à l'AMP est rigoureusement indépendant de la question de la GPA, à la légalisation de laquelle elle est hostile.

On ne peut arguer d'une discrimination que lorsqu'un droit existe. La France ne reconnaît pas un « droit à l'enfant ». Le législateur établit les critères dont il estime qu'ils valent pour devenir parents, ce qui explique toutes les conditions posées en 1994. Le raisonnement qui a été tenu pour l'adoption montre que les lignes ont aussi bougé sur la vision de la famille, ce qui n'empêche pas de poser la question de l'âge de procréation. Cette question devra effectivement être tranchée en raison d'une discrimination très forte entre les hommes et les femmes : la question de l'âge est beaucoup plus problématique pour l'accès à la parentalité pour les femmes que pour les hommes et il existe donc une discrimination fondée sur le genre. D'autre part, comme l'indique le rapport du Conseil d'État, accorder à une femme seule l'accès à l'AMP pourrait faire craindre au législateur « de créer des situations présentant un risque accru de vulnérabilité face aux accidents de la vie du fait mathématique de l'existence d'un seul parent » Cela peut justifier que le législateur estime que l'accès à la parentalité ne doit pas se faire trop tardivement. Je ne suis pas favorable à une ouverture absolue : certains critères d'interdiction me paraissent justes, mais ni celui de l'orientation sexuelle ni celui de la situation familiale.

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Françoise Dumont, présidente d'honneur de la Ligue des droits de l'homme

La Ligue a en effet critiqué la précédente consultation relative à la révision de la loi de bioéthique. Pour dire les choses de manière directe, nous souhaitons que les consultations ne servent pas à rien, et aussi que la parole des membres de la société civile dans toute sa diversité soit entendue comme celle des experts, de manière que les conclusions de la consultation reflètent la diversité des expressions. Nous savons la difficulté de l'exercice, mais rien n'est pire pour nos concitoyennes et nos concitoyens que des consultations dont ils ont le sentiment qu'elles sont de pure forme. Cela ne les encourage pas à participer aux suivantes.

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Philippe Laville, membre du comité central de la Ligue des droits de l'homme et coresponsable du groupe de travail Santé-bioéthique

M. le rapporteur a mentionné les praticiens qui s'efforcent de dissuader les femmes de recourir à une IVG. Dans un cadre plus large, la Ligue, qui s'est beaucoup impliquée dans l'élaboration de l'avis rendu par la Commission nationale consultative des droits de l'homme au sujet des maltraitances dans le système de santé, considère qu'une telle manière d'agir participe de ces violences. Certaines personnes que nous avons auditionnées ont témoigné de diverses dérives : absence d'informations, informations très orientées visant à les faire changer de point de vue, désintérêt complet pour leur approche.

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Françoise Dumont, présidente d'honneur de la Ligue des droits de l'homme

Nous ne sommes pas favorables à la suppression de la clause de conscience relative à l'IVG pour les médecins. Mais nous constatons que des groupes et des groupuscules tels que SOS Tout-Petits s'agitent et que des voix dites autorisées s'élèvent pour obtenir un retour en arrière au sujet de l'IVG. Les pouvoirs publics doivent n'avoir aucune bienveillance pour le discours et les actions de ces groupes, montrer que ces mouvements s'inscrivent dans une vision globale de la situation de la femme et les dénoncer pour ce qu'ils sont.

D'autre part, ce qui est en question aujourd'hui est la politique globale en matière d'IVG, avec ce qu'elle suppose de crédits. Ainsi, il est anormal que la survie du Planning familial soit en permanence suspendue à l'attribution ou à la non-attribution de crédits. D'autre part, même si, en ma qualité d'ancienne enseignante, je considère que l'on charge beaucoup la barque de l'Éducation nationale, je pense qu'au sujet de l'IVG elle n'a pas fini son travail, qu'il s'agisse du contenu ou des personnels qui peuvent contribuer à informer les jeunes à ce sujet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quand il est question de GPA, il faut avant tout souligner le principe de la non-disponibilité et de la non-marchandisation du corps humain. Il n'en reste pas moins que l'enfant né dans ces conditions ne doit en effet pas porter la responsabilité de sa procréation, si bien que, la GPA se pratiquant dans d'autres pays, un problème se pose à nous. Je suis assez partagée au sujet de l'AMP, qui est un parcours extrêmement difficile pour un couple quel qu'il soit ou pour une femme seule. Quelques conditions ne doivent-elles pas être maintenues, dont celle de l'âge de procréer, singulièrement pour les couples hétérosexuels ?

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Je vous remercie pour la qualité de vos interventions et de vos travaux. Je partage votre approche, celle du respect du principe de non-discrimination dans l'accès à l'AMP, pratique médicale établie mais technique aujourd'hui interdite en raison de leur orientation sexuelle aux couples de femmes, et en raison de leur statut matrimonial aux femmes célibataires ; c'est inacceptable et il faut y remédier – le politique a d'ailleurs un temps de retard sur la société. Une question connexe : quel est votre avis sur l'AMP post mortem et sur la garantie de consentement en ce cas ?

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Tatiana Gründler, membre du groupe de travail Santé-bioéthique de la Ligue des droits de l'homme

Peut-être mon propos sur la GPA n'a-t-il pas été assez clair ; je le précise donc. La position de la Ligue est que pour la GPA le principe de non-discrimination n'opère pas. Ensuite, la question se pose au législateur de savoir si l'interdit doit ou non demeurer ; à notre sens, il doit demeurer au nom du principe de l'indisponibilité du corps humain. On peut ajouter la référence à la non-marchandisation, mais quand bien même la GPA n'aurait pas lieu à titre onéreux, usage est fait d'un corps pendant neuf mois, des contraintes existent et il faut déterminer ce que l'on fait en cas de malformation du foetus : impose-t-on une IVG ? C'est en premier lieu en raison du principe d'indisponibilité du corps humain que la LDH est opposée à la GPA.

Pour l'AMP, des conditions doivent bien sûr être maintenues et notamment l'exigence d'un projet parental, qu'il soit celui d'une femme seule, d'un couple de femmes ou d'un couple hétérosexuel, examiné et pris en compte par le médecin – bien davantage que ne l'est celui des couples qui procréent de manière naturelle.

Je n'ai pas souvenir que la Ligue ait pris position sur l'AMP post mortem, mais le développement du « tourisme procréatif » à l'étranger, les demandes qui ont été adressées à l'Agence de la biomédecine pour autoriser des exportations de gamètes, les jurisprudences et le fait que le Conseil d'État ait dû se prononcer, l'hypothèse, enfin, d'une éventuelle ouverture de l'AMP à des femmes seules impliquent évidemment que l'on s'interroge sur la pertinence de l'interdit d'utiliser les gamètes du membre du couple qui viendrait à décéder. Dans notre grille de lecture, la question s'analyse en fonction du consentement donné au sein d'un couple engagé dans une AMP. Actuellement, même dans les pays où l'AMP post mortem est autorisée, elle l'est dans un délai très bref après la disparition du conjoint ; comme elle est généralement due à une longue maladie, on sait que les parents potentiels étaient engagés dans une démarche commune. On pourrait d'une part faire une distinction entre embryons déjà créés et gamètes recueillis, d'autre part prévoir dans le dossier rempli au moment d'entreprendre le parcours d'AMP une question relative au consentement ou à l'absence de consentement du couple à la poursuite du projet parental en cas de disparition de l'un d'entre eux. Les principes qui fondent la LDH ne posent pas un interdit absolu – et, d'une certaine manière, accepter l'hypothèse de l'AMP post mortem serait cohérent avec l'ouverture de l'accès à l'AMP aux femmes seules.

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Mesdames, monsieur, je vous remercie pour vos présentations et pour vos réponses précises et éclairantes

La séance est levée à onze heures trente-cinq.

Membres présents ou excusés

Mission d'information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Réunion du jeudi 13 septembre 2018 à 10 h 15

Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Joël Aviragnet, Mme Blandine Brocard, Mme Marie-George Buffet, Mme Samantha Cazebonne, M. Guillaume Chiche, Mme Élise Fajgeles, M. Jean-Carles Grelier, Mme Caroline Janvier, Mme Bérengère Poletti, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, Mme Annie Vidal

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, M. Xavier Breton

Assistait également à la réunion. – M. Thibault Bazin