Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Réunion du mardi 16 octobre 2018 à 19h40

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mission d'information DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉVISION DE LA LOI RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE

Mardi 16 octobre 2018

Présidence de M. Jean-François Mbaye, vice-président de la mission

La Mission d'information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique procède à l'audition du Pr Florence Brugnon, présidente de la Fédération des Biologistes des laboratoires d'étude de la fécondation et de la conservation de l'oeuf (BLEFCO), chef de service « Assistance médicale à la procréation – CECOS » du CHU Estaing, et du Pr Rachel Lévy, vice-présidente de la Fédération des BLEFCO, chef du service « Biologie de la reproduction » et du CECOS de l'hôpital Tenon.

L'audition débute à dix-neuf heures quarante.

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Mes chers collègues, je vous propose de reprendre nos travaux en vous priant de nous excuser pour notre retard dû aux nombreuses questions qui ont été posées lors de la précédente audition.

Nous achevons les auditions de ce jour en accueillant Mme le professeur Florence Brugnon, présidente de la Fédération des Biologistes des laboratoires d'étude de la fécondation et de la conservation de l'oeuf (BLEFCO), chef du service « Assistance médicale à la procréation » et du centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) au centre hospitalier universitaire (CHU) Estaing de Clermont-Ferrand, et Mme le professeur Rachel Lévy, vice-présidente de la Fédération des BLEFCO, chef du service « Biologie de la reproduction » et du CECOS de l'hôpital Tenon.

Dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique, notre mission d'information est régulièrement amenée à s'interroger sur des sujets liés à la procréation tels que l'assistance médicale à la procréation, la procréation post mortem, l'anonymat du don de gamètes ou l'autoconservation ovocytaire. Mesdames, votre expérience et vos connaissances vont nous permettre de faire progresser notre réflexion sur ces sujets majeurs. Vous avez la parole pour un court exposé que suivra un échange de questions et de réponses.

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Florence Brugnon, présidente de la Fédération des biologistes des laboratoires d'étude de la fécondation et de la conservation de l'oeuf (BLEFCO), chef du service Assistance médicale à la procréation et du centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) du centre hospitalier universitaire (CHU) Estaing de Clermont-Ferrand

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la Fédération des BLEFCO est une société savante qui réunit l'ensemble des praticiens des laboratoires d'assistance médicale à la procréation publics et privés. Nous avons à ce jour 255 membres adhérents actifs qui représentent l'ensemble des laboratoires français d'assistance médicale à la procréation (AMP).

Dans le cadre de la révision de la loi relative à la bioéthique, nous souhaitons aborder trois thèmes : l'autoconservation ovocytaire pour raison non médicale, l'ouverture de l'AMP aux femmes seules et aux couples de femmes – ce sujet sera abordé par ma collègue Rachel Lévy – et l'accès au diagnostic génétique préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A). Sur cette dernière thématique, nous avons participé à la rédaction d'un rapport émanant de l'ensemble des sociétés et collèges de biologie et médecine de la reproduction qu'a coordonné Mme le professeur Nelly Achour-Frydman. Comme celle-ci viendra cette semaine vous le présenter, nous laisserons aujourd'hui ce thème de côté. J'indiquerai juste qu'ouvrir cette offre de soins en l'évaluant par des protocoles de recherche biomédicale nous semble indispensable.

En France, l'autoconservation d'ovocytes est autorisée dans deux situations : lorsque la fertilité est menacée par un traitement médical ou une pathologie susceptible de l'altérer et lors d'un don d'ovocytes. En effet, depuis l'arrêté du 24 décembre 2015, l'autoconservation d'une partie des ovocytes est autorisée pour les donneuses n'ayant pas procréé souhaitant conserver pour leur bénéfice une partie des ovocytes recueillis. Néanmoins, cette conservation n'est possible que si plus de cinq ovocytes matures sont recueillis. Or, bien que la technique de congélation que nous utilisons – la vitrification ovocytaire – permette une conservation optimale, le nombre d'ovocytes obtenus dans le contexte d'un don ne permet jamais d'atteindre le nombre nécessaire pour assurer une naissance vivante. Cette pratique soulève d'autre part une question éthique dans la mesure où nous ne pouvons connaître la motivation réelle des donneuses. Car comment distinguer de façon certaine un don altruiste d'un don que motive l'autoconservation ? Or, nous nous rendons compte que beaucoup des donneuses que nous rencontrons sont plus intéressées par l'autoconservation que par le don.

Des données scientifiques montrent que la fertilité naturelle des femmes diminue avec l'âge de façon physiologique en raison d'une dégradation de la qualité fonctionnelle des ovocytes ainsi que de la raréfaction progressive du stock d'ovocytes contenu dans les ovaires, avec une chute drastique vers trente-cinq ans. La technique de congélation très efficace qu'est la vitrification ovocytaire est autorisée en France depuis 2011. Compte tenu de l'âge moyen de naissance du premier enfant, qui est pour les Françaises de vingt-huit ans et demi d'après les données de 2015 de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la congélation de leurs propres ovocytes pourrait constituer une solution pour les femmes. Elle leur permettrait en effet de reporter leur projet de grossesse sans être pénalisées par leur horloge biologique ou contraintes de recourir plus tard au don d'ovocytes. La pratique de l'autoconservation d'ovocytes pour raison non médicale étant d'ailleurs autorisée aux États-Unis et dans plusieurs pays d'Europe, de nombreuses Françaises s'adressent à des centres espagnols afin d'y réaliser la conservation de leurs ovocytes.

Suite à l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) de juin 2017, nous avons réalisé un sondage auprès des membres de la Fédération des BLEFCO, d'où il ressort que 85,5 % d'entre eux sont favorables à la cryoconservation d'ovocytes pour indication dite sociétale. Mais nos membres insistent aussi sur la nécessité que l'autoconservation se fasse avec un encadrement à la fois réglementaire et médical, en vérifiant l'absence de contre-indication à la stimulation hormonale et à la ponction ovarienne mais aussi le contexte psychologique, et en assurant un suivi médical du traitement et de ses éventuelles complications. Si la France décidait d'autoriser cette prise en charge, la majorité des membres des BLEFCO souhaitent également que l'autoconservation ovocytaire puisse être pratiquée dans tout centre d'AMP autorisé, qu'il soit public ou privé.

Cependant, la procréation hors AMP devra également être encouragée, car congeler ses ovocytes ne garantit pas la possibilité d'avoir un enfant. À cet effet, nous préconisons que soit mis en oeuvre un plan « fertilité » informant de manière précoce les jeunes gens de la diminution progressive de la fertilité féminine, à la fois dans un cadre scolaire, dès le collège, mais aussi lors du suivi gynécologique des jeunes femmes par les professionnels de santé. La réalisation d'un bilan de réserve ovarienne pourrait également être proposée par les gynécologues.

De plus, il nous semble essentiel de développer en France une authentique politique de soutien et d'aide des familles qui facilite l'intégration de la grossesse dans le parcours d'études et la carrière des femmes et qui améliore aussi l'accueil des très jeunes enfants avec la promotion d'installation de crèches sur les lieux de travail et d'étude des jeunes femmes. Ces formes d'accompagnement sont aujourd'hui courantes dans les pays d'Europe du Nord.

Je termine en insistant sur le fait que si l'autoconservation ovocytaire était autorisée, il serait indispensable de doter les centres d'AMP des moyens médicaux, paramédicaux et matériels requis pour cette nouvelle activité.

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Rachel Lévy, vice-présidente de la Fédération des BLEFCO, chef du service Biologie de la reproduction et du CECOS de l'hôpital Tenon

J'aborderai pour ma part la question de l'AMP pour les couples de femmes et pour les femmes seules.

Interrogés par un sondage, les membres de notre société savante se sont prononcés à 72 % pour l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et à 52 % pour son ouverture aux femmes seules, sous réserve de la prise en compte des conditions d'accès et de faisabilité. L'AMP est déjà possible pour les femmes seules et les couples de femmes dans des pays proches de la France comme la Belgique, le Danemark, le Royaume-Uni ou l'Espagne où un « tourisme procréatif » consistant à recourir à l'AMP avec don de spermatozoïdes dans des centres médicaux d'aide à la procréation permet à ces femmes de contourner la loi française. Mme Françoise Shenfield, qui a étudié cette pratique, a montré que 85 % des femmes françaises qui suivent ce parcours procréatif sont prises en charge en Belgique et que, parmi ces femmes, 64,5 % ont fait ce choix pour contourner le droit français. J'ajouterai que l'obtention directe de spermatozoïdes congelés issus des banques de sperme étrangères privées est également pratiquée sans intervention médicale par des couples de femmes et des femmes seules.

Le récent avis du CCNE sur les demandes sociétales de recours à l'AMP mentionne uniquement la technique d'insémination intra-utérine avec sperme de donneur, qui est la technique d'AMP la plus simple. Mais cette technique peut ne pas être indiquée pour des raisons médicales, par exemple une obstruction tubaire ou une insuffisance ovarienne. Dans ces cas, la fécondation in vitro (FIV) avec injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde (ICSI), qui est une technique plus lourde, peut devenir une indication médicale pour ces couples de femmes et ces femmes seules. De plus, ces techniques de fécondation permettent de limiter le risque de grossesses multiples par le transfert d'un embryon unique, contrairement à l'insémination avec sperme de donneur.

L'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules soulève des interrogations légitimes à la fois sur les modalités de prise en charge médicale de ces femmes et sur le bien-être et la filiation des enfants. Mais s'il est habituel de regrouper sous une même thématique la question de l'AMP des couples de femmes et celle des femmes seules, leurs situations sont très différentes. Plusieurs études, dont celles menées par notre collègue Guido Pennings, montrent que, dans le cadre de l'AMP des couples de femmes, la notion de couple est essentielle en ce qu'elle permet d'assurer le bien-être de l'enfant en le faisant grandir dans un environnement familial construit permettant sa bonne insertion sociale.

Pour la prise en charge des femmes seules, l'expérience de nos collègues belges prouve qu'une évaluation psychologique et sociale préalable est indispensable. Les femmes étudiées dans leurs travaux, n'avaient pas initialement, pour la plupart, de projet de maternité seule mais un projet, pourrait-on dire classique, d'AMP en couple. Elles ont une histoire particulière, en rapport avec leur fertilité sur le point de s'éteindre et le fait qu'elles ne trouvent pas de partenaire, et ont le plus souvent vécu une séparation de couple douloureuse. Ces femmes peuvent par ailleurs présenter une vulnérabilité sociale ou psychologique qui risque d'avoir une répercussion sur le bien-être et l'insertion sociale de l'enfant tout au long de son développement.

Concernant la filiation, l'étude que Wannes Van Hoof a réalisée en 2015 au sujet des couples de femmes et des femmes seules démontre que ces femmes souhaitent recourir à une AMP avec des spermatozoïdes issus d'un donneur anonyme. Sans vouloir relancer les débats qui ont précédé notre audition, il nous semble qu'une modification de la loi concernant la filiation serait nécessaire pour que les enfants conçus dans le cadre de l'AMP au sein d'un couple de femmes puissent avoir deux parents. Par ailleurs, des précautions doivent être prises pour toute demande d'AMP avec sperme de donneur et elles seront à observer avec vigilance : qu'existe un projet parental élaboré rendu évident par des entretiens psychologiques préalables, que soient choisis des protocoles visant à favoriser la naissance d'un enfant unique et qu'ait lieu un suivi des enfants nés. Voilà nos sujets de préoccupation. La prise en charge des couples de femmes et de femmes seules nécessitant le recours au don de sperme, il faudra en outre impérativement mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour le déploiement d'une campagne de sensibilisation encore plus active sur cette forme de don.

Enfin, comme l'a dit ma collègue, il serait nécessaire, dans le cas où cette prise en charge serait autorisée, que les centres disposent de plus de moyens matériels mais aussi de plus de moyens humains, notamment de psychologues, d'infirmières, de sages-femmes, de techniciennes et d'assistantes sociales.

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Vous avez évoqué l'encadrement qui pourrait être mis en place en cas d'autorisation de la vitrification des ovocytes des femmes souhaitant les conserver pour elles-mêmes en vue d'une grossesse ultérieure, pour que les ovocytes surnuméraires puissent faire l'objet d'un don. La demande d'ovocytes est en effet aujourd'hui insuffisamment satisfaite.

Par ailleurs, les grossesses sont désormais plus tardives en raison des nécessités qu'imposent les carrières professionnelles, du caractère incertain des couples pendant la jeunesse et du recours extrêmement répandu à la contraception. Tous ces facteurs repoussent la grossesse au moment où les situations familiales et professionnelles sont stabilisées. Vous avez eu raison d'évoquer non seulement les moyens techniques qui peuvent être mis en place pour favoriser les grossesses dans ces conditions, mais aussi la nécessité de davantage rappeler aux femmes leur horloge biologique, car toutes ne le savent pas ou réalisent son existence tardivement, une fois passée la trentaine.

Envisagez-vous que soient menées, par exemple avec l'Éducation nationale, des campagnes qui sensibilisent les jeunes filles – mais aussi les jeunes garçons – à ces lois biologiques qui contredisent les modes de vie modernes ? Mieux les connaître permettrait en effet d'éviter bien des déboires.

Sachant que, comme vous l'avez dit, la conservation des ovocytes ne garantit pas une grossesse, car les taux de réussite de la PMA restent assez faibles, appelez-vous aussi de vos voeux des recherches sur l'embryon en vue d'améliorer ces taux ?

Il semble par ailleurs que nous nous acheminions vers une facilitation de l'accès à certaines informations sur le donneur, éventuellement sous la forme de données non identifiantes, et qu'il devienne même possible pour l'enfant conçu par PMA d'apprendre l'identité de son donneur, si toutefois celui-ci en est d'accord. Mais ces avancées concernent l'avenir. Que proposez-vous pour tous les donneurs dont le don de gamètes a déjà permis des naissances ? Car on nous dit d'un côté que les données concernant les donneurs doivent être conservées pendant quarante ans, et de l'autre que beaucoup de donneurs ont été perdus de vue. Comment retrouver ces donneurs qui, si on les interrogeait aujourd'hui, accepteraient certainement pour nombre d'entre eux de transmettre des informations les concernant aux enfants nés de leurs dons ? Seraient ainsi épargnées des angoisses aux enfants qui veulent avoir des informations sur leur origine.

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Mesdames, vous avez souligné que, si l'autoconservation ovocytaire était autorisée, il serait nécessaire de fixer une limite d'âge à partir de laquelle une femme ne pourrait plus utiliser ses ovocytes pour elle-même. Mais vous avez aussi noté que cette pratique ne doit pas être trop contrainte si nous ne voulons pas encourager le nomadisme procréatif.

Je souhaite par conséquent savoir quelle limite d'âge vous semble la plus appropriée. Quarante-trois ans, aujourd'hui âge limite pour une prise en charge par l'assurance maladie ? Quarante-cinq ans, âge qui selon certains entraîne des risques pour la mère et l'enfant ? Ou envisagez-vous plutôt des décisions au cas par cas ?

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Comme notre rapporteur a évoqué l'encadrement des dons d'ovocytes, je n'y reviendrai pas. Je voudrais en revanche que vous nous exposiez les raisons de la différence que vous faites entre les PMA qui concernent les femmes seules et les autres PMA.

Par ailleurs, quid du don post mortem, qui n'a pas encore été évoqué ?

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Florence Brugnon, présidente de la Fédération des biologistes des laboratoires d'étude de la fécondation et de la conservation de l'oeuf (BLEFCO), chef du service Assistance médicale à la procréation et du centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) du centre hospitalier universitaire (CHU) Estaing de Clermont-Ferrand

Nous souhaitons en effet un encadrement de l'autoconservation ovocytaire. Cet encadrement concernerait la gestion particulière de ces ovocytes, qui seront vraisemblablement conservés pendant des années dans nos cuves d'azote, mais aussi le suivi de consultation des femmes dont les ovocytes ont été congelés. Un courrier annuel leur serait adressé, ainsi que nous le faisons pour les autoconservations de préservation de fertilité. Il faudra par ailleurs décider si le don d'ovocytes sera anonyme. Surtout, il importe que cette autoconservation se fasse dans des centres autorisés, publics et privés, dotés des moyens humains et matériels nécessaires.

Les âges minimum et maximum pour l'autoconservation ovocytaire ont fait l'objet de nombreux débats dans notre société savante. Un âge minimum de trente ans nous a finalement paru adapté, car il laisse à la femme le temps de concevoir autrement qu'à partir des ovocytes congelés dans nos cuves. Concernant l'âge maximum, un consensus s'est fait autour de 45 ans car, au-delà, les risques obstétricaux sont trop grands.

Par ailleurs, le plan fertilité que nous préconisons doit s'appuyer sur l'Éducation nationale. J'ai la chance d'être médecin hospitalo-universitaire en Auvergne, où un plan de prévention a été mis en place par les étudiants en médecine. Ceux-ci se rendent dans les collèges pour y faire des cours de médecine préventive. L'un des axes de leur travail, qu'ils n'auront malheureusement pas le temps de développer cette année, porte sur la fertilité et la sexualité. Je les ai en tout cas sensibilisés à ce thème de façon à ce qu'ils puissent à leur tour y sensibiliser les collégiens. Car attendre le lycée pour parler aux élèves de sexualité et de fertilité est un peu tardif.

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Rachel Lévy, vice-présidente de la Fédération des BLEFCO, chef du service Biologie de la reproduction et du CECOS de l'hôpital Tenon

Transmettre ce type d'informations à des adolescents n'est d'ailleurs pas facile. Il faut trouver les bons mots, qui informeront sans inquiéter, et à ce titre l'aide de spécialistes s'avère très utile.

Que ces informations soient données dès le collège, voire plus tôt, me semble capital. Car nous rencontrons souvent en consultation des femmes ayant reçu un haut niveau d'éducation et eu des carrières professionnelles excellentes, qui pourtant ignorent que des facteurs environnementaux comme le tabac ont un effet délétère sur la fonction ovarienne. Il faut donc sensibiliser les femmes le plus tôt possible.

Nous sommes très favorables à la mise en place d'un plan fertilité ambitieux et intégré à la politique de santé. Et comme le partenaire est lui aussi important, il faut que l'information sur la fertilité soit donnée aux deux membres du couple. C'est d'autant plus nécessaire que les conséquences des facteurs environnementaux les concernent l'un et l'autre.

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Florence Brugnon, présidente de la Fédération des biologistes des laboratoires d'étude de la fécondation et de la conservation de l'oeuf (BLEFCO), chef du service Assistance médicale à la procréation et du centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) du centre hospitalier universitaire (CHU) Estaing de Clermont-Ferrand

Nous avons également parlé de la possibilité, lors de la consultation gynécologique de suivi des jeunes femmes, de leur donner des informations sur la fertilité au moment où elles commencent à utiliser la contraception. Elles seraient ainsi encouragées à penser à l'âge auquel elles doivent arrêter d'employer des moyens contraceptifs si elles souhaitent une grossesse.

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Rachel Lévy, vice-présidente de la Fédération des BLEFCO, chef du service Biologie de la reproduction et du CECOS de l'hôpital Tenon

Vous avez aussi rappelé que des avancées scientifiques permettraient d'améliorer le taux de succès de l'AMP. Nous ne pouvons qu'y être très favorables. Nous sommes nombreux, au sein de nos sociétés savantes, à plaider pour l'accès aux techniques désormais validées permettant d'analyser le nombre de chromosomes portés par les cellules embryonnaires au stade de blastocyste, cinq jours de culture, et de sélectionner les embryons ayant le plus de chances de poursuivre leur développement et de s'implanter. Nous souhaitons donc soutenir la démarche que vous présentera jeudi Mme Achour-Frydman et qui consiste à offrir cette possibilité technique aux couples dans certaines conditions, lorsque les femmes sont âgées de plus de trente-huit ans ou lorsque les couples ont subi des fausses couches répétées.

Enfin, comment retrouver les donneurs ? Ma collègue et moi avons suivi avec beaucoup d'intérêt les débats qui ont précédé notre audition. Pour notre part, nous jugeons impossible aujourd'hui de retrouver les donneurs de spermatozoïdes des quarante dernières années. Chaque dossier demanderait de procéder à de véritables fouilles archéologiques pour lesquelles nous n'avons pas les moyens matériels et humains. Je peux par contre vous assurer que ces dossiers ne dorment pas dans les tiroirs des domiciles des personnels de direction, comme il a été dit, mais qu'ils sont conservés précieusement par les différents CECOS.

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Si je vous ai bien comprise, les informations sur le donneur ne portent que sur le moment du don, et les dossiers ne contiennent aucune information relevant d'un suivi.

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Rachel Lévy, vice-présidente de la Fédération des BLEFCO, chef du service Biologie de la reproduction et du CECOS de l'hôpital Tenon

C'est cela.

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Florence Brugnon, présidente de la Fédération des biologistes des laboratoires d'étude de la fécondation et de la conservation de l'oeuf (BLEFCO), chef du service Assistance médicale à la procréation et du centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) du centre hospitalier universitaire (CHU) Estaing de Clermont-Ferrand

J'ajouterai que nous sommes sensibles à vos remarques sur les problèmes que pose l'absence de suivi des donneurs pour les maladies génétiques à expression tardive. Mais, en tant que responsables CECOS, nous ne pouvons que vous répéter qu'il nous est impossible de contacter ces donneurs, car les recherches seraient excessivement chronophages.

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L'Etablissement français du sang consacre des moyens assez importants, obtenus grâce à des fonds privés, à la rechercher des donneurs. Ne serait-ce pas une piste pour les CECOS ?

Par ailleurs, ne pourrait-on pas envisager de retrouver les donneurs de gamètes en s'appuyant sur l'administration fiscale ?

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Rachel Lévy, vice-présidente de la Fédération des BLEFCO, chef du service Biologie de la reproduction et du CECOS de l'hôpital Tenon

Je vous laisse la responsabilité de ce que vous avancez !

Aujourd'hui, les CECOS ne sont informés de la survenue d'une pathologie grave que sur l'initiative du donneur ou de la donneuse. Un dialogue s'établit alors de médecin à médecin qui nous permet de transmettre l'information au couple ayant bénéficié du don.

Mais si nous n'avons pas les moyens de faire une recherche des donneurs, nous sommes en revanche favorables à la mise en place d'une institution chargée de la transmission des informations entre le couple receveur, le donneur et l'enfant. Cet établissement non seulement recueillerait les informations au moment du don mais il recevrait aussi les donneurs et donneuses, puis il noterait sur des décennies les informations sur la survenue de pathologies chez les enfants ou chez les donneurs.

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Doit-on comprendre que ces informations ne vous sont actuellement données que sur la base du volontariat ?

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Rachel Lévy, vice-présidente de la Fédération des BLEFCO, chef du service Biologie de la reproduction et du CECOS de l'hôpital Tenon

Les CECOS sont en effet assez fréquemment contactés par les médecins de donneurs et donneuses qui souhaitent nous apprendre la survenue d'une pathologie. Mais ces déclarations, parce qu'elles sont volontaires, ne sont pas systématiques.

Vous nous avez aussi interrogées au sujet du don post mortem qui peut concerner des spermatozoïdes mais aussi des embryons. La justice a, ces dernières années, statué sur différents dossiers qui concernaient l'utilisation de spermatozoïdes du conjoint décédé. Aujourd'hui, la loi demande en effet aux centres qui autoconservent les spermatozoïdes d'arrêter la conservation dès réception du certificat de décès du patient. Mais si l'AMP était ouverte aux femmes seules, je ne vois pas comment des femmes seules après le décès de leur conjoint pourraient ne pas avoir droit à ses gamètes dans le cadre d'un projet d'enfant. Ce refus serait d'autant plus incompréhensible que les couples ont été reçus dans nos centres, ce qui prouve que ces spermatozoïdes ont été conservés en vue d'une utilisation en AMP.

Cette disposition nous semble encore plus injuste lorsque le partenaire est décédé après conception des embryons par l'AMP. Ces femmes sont alors victimes d'une double peine, puisqu'elles subissent le deuil de leur conjoint et ne sont plus autorisées, en raison du décès, à utiliser l'embryon conçu dans le cadre d'un désir d'enfant.

Mais, ainsi que nous l'avons déjà dit, ces demandes particulières doivent être encadrées, et en particulier donner lieu à des entretiens avec des psychologues qui les examineront. Car ces demandes peuvent être faites trop tôt après le décès du conjoint et moins correspondre à un authentique projet d'enfant qu'être effectuées sous l'emprise du deuil. Nous sommes donc favorables au respect d'une période de six mois à un an permettant d'évaluer si ces demandes peuvent donner lieu à une insémination avec des spermatozoïdes ou à un transfert des embryons.

Nous insistons sur la nécessité de porter un intérêt particulier aux demandes émanant de femmes seules. Nous n'entendons pas différencier ces demandes, car ce serait stigmatiser ces femmes, mais nous voulons qu'elles soient accompagnées dans leur projet d'enfant. Elles ont toutes des histoires différentes et sont parfois dans une souffrance importante. Or, nous nous soucions d'abord de l'intérêt de l'enfant à naître. Accompagner ces femmes grâce à des entretiens avec des psychologues et des assistantes sociales permettra de déceler si la demande émane d'une femme isolée ou si cette femme seule possède un environnement familial ou amical qui permettra à l'enfant à naître de bénéficier de contacts nombreux au sein de la famille ou des amis.

L'audition s'achève à vingt heures vingt-cinq.

Membres présents ou excusés

Mission d'information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Réunion du mardi 16 octobre 2018 à 19h 40

Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Xavier Breton, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Élise Fajgeles, M. Jean François Mbaye, Mme Agnès Thill, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon

Excusé. - Mme Bérengère Poletti

Assistaient également à la réunion. - Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras