Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Monique Limon, les crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

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Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen des avis budgétaires sur les missions de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019.

Je rappelle que, cette année, la procédure suivie connaît une importante évolution. La Conférence des présidents ayant décidé de mettre fin aux commissions élargies, nos avis budgétaires sont désormais examinés au sein de notre seule commission.

La nouvelle procédure doit répondre à plusieurs exigences : valoriser le travail des rapporteurs pour avis, ne pas recréer de nouvelles commissions élargies, organiser des réunions d'une durée raisonnable. Dès lors, l'examen des diverses missions n'est plus conçu comme une succession d'auditions de ministres. Aucun ministre n'est d'ailleurs présent ce matin. Les questions que vous serez amenés à poser s'adresseront donc au rapporteur pour avis – il peut y en avoir plusieurs, en fonction des missions.

Dans le détail, voici quel sera le déroulé de nos réunions sur les missions budgétaires : interventions de dix minutes par rapporteur pour avis et de quatre minutes par orateur de groupe ; réponses des rapporteurs pour avis ; séries de questions d'une durée de deux minutes pour les députés, le temps de parole pouvant être réduit à une minute si les intervenants sont nombreux. Lorsque des rapporteurs spéciaux de la commission des finances souhaiteront participer à la réunion de la commission des affaires économiques, ils seront les premiers députés à intervenir dans ces séries de questions.

J'insiste sur la nécessité d'encadrer nos débats dans une durée raisonnable afin d'examiner les deux missions inscrites à notre ordre du jour de la matinée. Je vous invite donc à la concision lors de vos interventions et lors de vos réponses.

À l'issue de chaque débat sur une mission, la commission examinera les amendements déposés et votera sur les crédits de la mission et, le cas échéant, sur les articles rattachés.

Conformément à la pratique des précédentes années, seuls les amendements déposés par les membres de la commission des affaires économiques seront examinés. Si un député appartenant à une autre commission dépose un amendement auprès de la commission des affaires économiques, il sera invité à le retirer et à le déposer directement auprès de la commission des finances ou, s'il est trop tard, auprès du service de la séance.

Pour la deuxième année consécutive, la commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de la mission « Investissements d'avenir ». Elle s'est ainsi emparée des sujets d'innovation et de modernisation de notre économie, et a su mobiliser les différents projets de loi qu'elle a eu à examiner pour assurer que ce mouvement de développement technologique et numérique entraîne l'ensemble du tissu économique français, des plus grandes aux plus petites entreprises. Le lien avec le programme d'investissements d'avenir (PIA) est clair : si la loi indique le cap, le PIA est l'un des principaux outils de financement qui vont permettre de parvenir à destination.

Notre rapporteure pour avis, Mme Monique Limon, s'est intéressée de près à la façon dont les dispositions de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « EGALIM », devraient avoir un écho dans les choix d'investissements du PIA. En effet, les trois PIA cumulent 57 milliards d'euros de fonds disponibles dont une partie doit aller vers la recherche d'alternatives aux produits phytosanitaires ou au développement d'une énergie plus verte.

Monique Limon va présenter un rapport qui rappelle, dans le détail, tous ces enjeux. Ce rapport met aussi en avant quelques interrogations. C'est notre rôle de contrôle exigeant du Gouvernement que de veiller à ce que l'emploi des fonds publics se fasse avec la plus grande efficacité possible.

Pour ma part, j'ai deux séries de questions à vous poser sur ce lien entre investissements d'avenir et loi EGALIM.

En premier lieu, les décideurs chargés d'attribuer les fonds du PIA aux porteurs de projet ont-ils suffisamment conscience de la forte demande sociale en faveur d'une transition vers un modèle agricole et écologique performant mais respectueux de l'environnement ? Les projets sont-ils suffisamment soutenus ?

En second lieu, est-ce que tous les territoires, en particulier les territoires ruraux, se sont bien emparés de l'outil PIA ? Parviennent-ils à déposer des projets en nombre suffisant ? Il faudrait sans doute éviter que les fonds ne se concentrent en région parisienne et uniquement dans la food tech. Il faudrait faire en sorte que les agriculteurs qui sont, je le sais, avides de transition numérique, puissent parvenir à financer leurs projets innovants à l'aide de ce formidable levier d'investissement public.

Madame la rapporteure pour avis, vous avez la parole.

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Monsieur le président, chers collègues, je vais introduire la présentation de mon rapport par une citation : « Il faut réapprendre à voir large et loin : ceux qui se laissent écraser par la tyrannie du court terme sont condamnés à toujours réagir, au lieu d'agir, à toujours saupoudrer au lieu de choisir, bref à toujours subir. » Ce sont les mots de MM. Juppé et Rocard, qui furent à l'origine du premier PIA, au coeur de la crise de 2008, dont nous étudions actuellement la troisième version, le PIA 3.

J'interviens comme rapporteure pour avis de la mission relative au PIA dans le projet de loi de finances pour 2019, plus particulièrement sur les programmes 422 et 423 qui concernent la valorisation de la recherche et la modernisation des entreprises. À ce titre, je dirai quelques mots de l'état budgétaire de cette mission, avant de vous exposer l'impulsion thématique que j'ai souhaité donner au rapport : les actions environnementales et agricoles du PIA. Je conclurai par quelques pistes de propositions en faveur d'un PIA utile à l'agroécologie, qui ont pu m'être inspirées par les acteurs auditionnés dans le cadre de cet avis.

Tout d'abord, en termes strictement budgétaires, il faut retenir que le rythme de décaissement des crédits du PIA suit la trajectoire prévue. Si les crédits des PIA 1 et 2 sont toujours en cours de mobilisation, ceux du PIA 3 montent en charge. Le PIA 3 fonctionne selon des règles budgétaires exceptionnelles, avec une autorisation d'engagement de 10 milliards d'euros sur cinq ans, votée en 2017, à laquelle succède désormais un vote annuel des crédits de paiement par le Parlement. En 2019, un peu plus d'un milliard d'euros devraient donc être payés aux opérateurs comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ou Bpifrance, conformément à la feuille de route établie par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI).

Cet effort d'investissement exceptionnel poursuit quatre objectifs stratégiques, définis par le Gouvernement lors du lancement du grand plan d'investissement, dont le PIA est l'une des facettes : accélérer la transition écologique, édifier une société de compétences, accompagner la numérisation de l'État et soutenir une innovation de pointe. Ces quatre objectifs permettent de balayer un champ large d'actions ou d'initiatives innovantes, dans des secteurs aussi divers que la chimie verte ou les bâtiments intelligents, en passant par l'économie sociale et solidaire.

Le PIA intervient dans un contexte scientifique en proie à des questionnements profonds, à une époque où les données, les faits, sont toujours plus omniprésents mais aussi exploités de façon contradictoire. Vous n'êtes pas sans connaître l'épineux problème des « infox », ou fake news, qui, en plus de fausser le jeu politique par la désinformation des citoyens, brouillent aussi le savoir scientifique en donnant la part belle aux positions conspirationnistes : prenez l'exemple du mouvement anti-vaccin ou encore du climato-sceptiscisme.

Il faut donc garder à l'esprit la nécessité de populariser et vulgariser l'avancée de la recherche et de l'innovation dans notre pays. Pour être ouvert sur la société française, le PIA devra être incarné, promu, et en phase avec la demande sociale ainsi que les besoins exprimés par nos concitoyens.

C'est dans cet état d'esprit que j'ai souhaité conférer une approche thématique à mon rapport, face à ce que je considère être un défi de société fondamental : la transition écologique. Je me suis plus particulièrement intéressée au bilan et perspectives du PIA en matière d'agriculture et d'alimentation durables.

Cette focale environnementale répond à une triple motivation de ma part.

Tout d'abord, l'existence d'une demande sociale dynamique et construite autour d'enjeux forts : moindre recours aux produits phytosanitaires, amélioration du bien-être animal, amélioration de la qualité de l'alimentation, recours à une agriculture locale et à des produits locaux, transition vers un modèle agricole plus soutenable écologiquement.

Ma seconde motivation était le besoin de continuité avec le programme présidentiel dont l'application va nécessiter de développer rapidement l'innovation dans les secteurs agricole, agroalimentaire et de la transition énergétique et écologique. L'action gouvernementale, en la matière, est forte et déterminée.

Enfin, il était primordial de montrer qu'à la parole succédaient des actes, après notre adoption en lecture définitive de la loi EGALIM, le 2 octobre dernier. Il convient de veiller à ce que les priorités qu'elle fixe et les ambitions qu'elle porte soient complétées par les leviers financiers suffisants pour garantir son succès.

Si les approches sont hétérogènes, les réalisations du PIA en matière de développement durable sont toutefois tangibles. L'audition de porteurs de projets et d'opérateurs du PIA, comme la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Bpifrance, l'Agence nationale de la recherche (ANR) et surtout l'ADEME qui est dotée d'un milliard d'euros par le PIA 3, m'a montré la richesse et la diversité du chemin parcouru.

Ce chemin continue de suivre son cours. Prenons l'exemple de la plateforme de recherche et développement CertiMétha, un projet de méthanisation qui verra le jour en 2019 grâce à une subvention de 2 millions d'euros de Bpifrance. Ce projet cumule contenu innovant, contribution à la transition énergétique et réponse à des impératifs politiques, en l'occurrence l'objectif de la loi de parvenir à une part de 10 % de biogaz dans la consommation totale de gaz à l'horizon de 2030.

D'autre part, il prend en compte la problématique de la formation aux techniques de méthanisation, qui, à mon sens n'est pas suffisamment structurée. Une action future du PIA pourrait permettre de mieux structurer la formation dans ce secteur d'avenir pour la valorisation de la biomasse par nos agriculteurs.

Autre exemple qui parlera à ceux qui ont suivi les débats de la loi EGALIM : le PIA soutient la R&D d'une entreprise française, Tronico, afin de développer une technique non intrusive de détection du sexe des poussins in ovo, dans l'oeuf, afin d'éviter le broyage de nombreux poussins ou de canetons après la naissance.

Des projets de qualité voient également le jour en matière de biocontrôle, soutenus notamment par les concours d'innovation de l'ADEME. Ainsi, pour citer quelques exemples concrets, l'entreprise sarthoise Biodevas cherche un substitut à base d'extraits de plantes aux solutions actuelles usant d'aluminium et de cuivre pour lutter contre la bactériose de l'olivier.

Le PIA est également un programme qui valorise nos territoires. En la matière, je me réjouis de l'existence des « territoires d'innovation de grande ambition », portés par la CDC qui mobilisera 150 millions d'euros. Nous attendons le verdict du comité indépendant, mais l'appel à manifestation d'intérêt recèle de beaux projets en matière de sylviculture, d'alimentation bio, de projets immobiliers durables, pour le moment équitablement répartis entre zones urbaines, rurales et mixtes. Cette appropriation du PIA par les acteurs locaux va donc dans le bon sens et doit être encouragée.

Nous aurions pu en citer bien d'autres, mais l'important est de retenir que le PIA donne la chance de mûrir et de concrétiser les solutions écologiques de demain.

Néanmoins, et c'est l'objet du second temps de mon avis budgétaire, le tableau n'est pas entièrement satisfaisant. Tout d'abord, il faut avouer que le critère d'éco-conditionnalité qui devait présider à la sélection des projets n'est pas pris en compte à sa juste valeur. Les objectifs gouvernementaux de 60 % de projets destinés à financer la transition écologique semblent donc, en l'état, trop ambitieux. Mes collègues du Sénat ont déjà pu exprimer ces réserves dans leur rapport spécial sur cette même mission en 2017. À l'Assemblée nationale, la mission d'évaluation et de contrôle sur le PIA et la transition énergétique, lancée en 2016, avait fait état de seulement 17 % de crédits affectés effectivement au développement durable. Il semble donc opportun de lancer une réflexion en la matière, que ce soit au niveau des objectifs officiels ou de leur mise en oeuvre.

En particulier, le bilan en matière d'agroécologie demeure assez mitigé, si bien que certains acteurs ont pu nous parler d'un « trou dans la raquette » du PIA. Le programme semble se heurter à certaines barrières qui ne lui permettent pas d'être le soutien efficace de la transformation agricole qui serait nécessaire afin d'allier productivité, respect de l'environnement et diminution des risques sanitaires.

Ces difficultés peuvent être propres au milieu agricole et de la recherche en agrosanté, où le paysage des acteurs demeure assez éclaté. Peu de communautés de recherche dédiées à l'agroécologie et à l'agrosanté existent, ou celles-ci restent trop éloignées des vecteurs du PIA, comme les sociétés d'accélération du transfert de technologies ou les instituts de transition énergétique. Ainsi, les appels d'offres en la matière sont résiduels et soulèvent peu de mobilisation, à l'image de l'initiative « santé-environnement » du concours d'innovation de l'ADEME.

Les causes de cette déconnexion apparente sont aussi à rechercher, semble-t-il, dans les modes d'intervention du PIA. Le fonctionnement par appels à projets de taille importante ne favorise pas la candidature de petits acteurs : les secteurs habitués à travailler en consortiums regroupant de gros partenaires s'en trouvent donc favorisés, je pense par exemple aux industries du transport. Marie Lebec, ma prédécesseure dans cet exercice, avait déjà relevé cet effet d'éviction des très petites et moyennes entreprises dans son rapport de l'an passé.

Par ailleurs, en matière d'alternatives aux produits phytosanitaires, le secteur agricole évolue plus par des changements de pratiques que par l'élaboration de nouveaux produits. Il faut donc penser à des moyens de les accompagner à l'aide du PIA, bien que celui-ci soit destiné initialement à soutenir des innovations réplicables et commercialisables.

Il est vrai, et c'est l'objet de la dernière partie de mon avis budgétaire, que le PIA gagnerait à être en partie réorienté au service des priorités politiques en matière d'agriculture et d'alimentation durables. Mais pour y arriver, repenser en partie ses outils semble nécessaire. En effet, les critères très exigeants de sélectivité des projets sur le plan économique ou financier peuvent constituer une barrière au fléchage du PIA vers les sujets phytosanitaires ou vers le recours au biocontrôle.

Le cas du marché des alternatives au chlordécone, dont les ravages aux Antilles ont été reconnus par le Président de la République, illustre mon propos. Ce marché offre trop peu de débouchés en termes de géographie et de produits pour lever des financements importants en partenariat avec de gros industriels, ce qui semble l'exclure de la logique de co-investissement en consortium qui est le standard du PIA. Nous nous orientons vers des solutions de niche, au spectre d'efficacité bien plus ciblé que les produits chimiques traditionnels. Leurs débouchés commerciaux en seront d'autant plus étroits en retour.

Ainsi, la quête de l'excellence économique ne doit pas être un obstacle au financement de projets d'intérêt général répondant clairement à une demande sociale ou à des enjeux de santé publique.

Ces dernières remarques sont une bonne transition vers mon point conclusif, à savoir des propositions concrètes pour accroître l'efficacité du PIA dans les secteurs environnementaux et agricoles.

Proposition n° 1 : profiter du mouvement de rapprochement des instituts pour la transition énergétique (ITE) et des instituts de recherche technologique (IRT) pour viser la création d'un organisme concentré sur le secteur agricole et agroalimentaire.

Proposition n° 2 : la fusion de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), deux organismes de recherche réputés pour leur expertise de recherche en matière agricole, doit être mise à profit pour réévaluer la politique de valorisation économique et de maturation technologique des innovations agricoles.

Proposition n° 3 : rendre la clause d'éco-conditionnalité plus ferme dans les appels à projets du PIA afin d'assurer son effectivité dans la sélection, tout en la concentrant sur les projets pour lesquels elle est pertinente.

Proposition n° 4 : mieux agréger l'évolution de la demande sociale et les sujets prioritaires de recherche par le vecteur financier du PIA, pour une innovation plus en phase avec les besoins de la société. Les domaines de l'agroécologie, de l'agroalimentaire et du secteur environnement-santé doivent être privilégiés à ce titre.

Proposition n° 5 : profiter de l'évaluation des dix ans du PIA pour examiner l'opportunité d'intégrer un critère de valeur ajoutée sociale au choix des projets, sans dénaturer pour autant leur contenu en innovation.

Vous l'aurez compris, ma préoccupation dans ce rapport pour avis du PIA 3 a été de centrer mon évaluation sur les sujets de société qui nous ont été fortement mobilisés lors de l'examen de la loi EGALIM. Les orientations du PIA 3 permettront, autant que faire se peut, d'alimenter et de rendre possible la mise en oeuvre de la loi, ainsi que son application jusque dans les changements permis par la science et l'innovation.

En espérant que mes dernières propositions visant à donner un nouveau souffle au PIA trouveront auprès de vous un écho favorable, je vous remercie, mes chers collègues, pour votre attention, et j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la présente mission.

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Merci, madame la rapporteure. Nous allons maintenant écouter les orateurs des groupes.

Puisque deux personnes vont intervenir au nom du groupe Les Républicains, je demanderai à chacune d'elles de ne pas parler plus de deux minutes.

Je donne la parole à Mme Célia de Lavergne, pour le groupe La République en Marche (LaREM).

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Avant tout, laissez-moi souligner la qualité du rapport que notre collègue a présenté et la pertinence des propositions qui font suite au travail sur la loi EGALIM.

La mission « Investissements d'avenir » est le symbole d'un sujet essentiel et transpartisan. Investir pour le progrès, pour la recherche et l'enseignement supérieur, pour la modernisation des entreprises et pour l'innovation, en somme investir pour l'avenir de notre pays, est une priorité partagée.

Ce PIA d'avenir a traversé les majorités. Créé en 2009 sous la présidence de M. Nicolas Sarkozy, étoffé et renouvelé sous celle de M. François Hollande, il s'est donc imposé comme un outil indispensable pour l'innovation et la transformation de notre modèle économique. Le troisième PIA, porté par le Gouvernement actuel, porte à 10 milliards d'euros l'effort de l'investissement public. Il ne s'agit pourtant que d'un outil parmi d'autres dans le grand plan d'investissement de 57 milliards d'euros prévu durant la législature.

Nous devons être fiers de la recherche française, qui est d'excellence comme en témoignent d'ailleurs de nombreuses initiatives. Prenons l'exemple de l'appel pour le climat de M. Emmanuel Macron, qui a mobilisé plusieurs milliers de chercheurs du monde entier l'année dernière, désireux de venir travailler sur ces sujets en France. S'ils sont d'excellence, nos laboratoires, nos chercheurs et nos programmes sont parfois frileux vis-à-vis du privé et de la création d'entreprise. Ils ont parfois encore du mal à identifier les financements qui leur permettent de se développer et de mettre des solutions sur le marché.

Levons donc les freins, comme cela a été fait dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), qui comportait des mesures pour les chercheurs-entrepreneurs ou la création du Fonds d'innovation de rupture. Progressons dans la valorisation de la recherche, la montée en puissance de la recherche appliquée en France, la mise sur le marché des solutions développées par cette recherche.

Ce PIA doit y contribuer mais il doit aussi s'améliorer. Vous l'avez dit, madame la rapporteure, tout comme la Cour des comptes au printemps dernier. Si leur existence et leur utilité ne sont pas questionnées, les PIA doivent cependant s'adapter en réponse aux évaluations et aussi à la meilleure connaissance que nous avons des défis d'avenir. À chaque législature, à chaque gouvernement, nous prenons davantage conscience des grands défis de notre temps : transition écologique, performances environnementales, transformation du modèle agricole, transformation numérique de notre économie et notamment de nos TPE et PME, transformation de nos usages, compétitivité des innovations de l'économie, de l'industrie française. Ce sont certains des enjeux essentiels auquel notre pays doit faire face et des tournants que l'on ne peut et ne doit pas rater.

Le PIA 3, tel que décrit dans cette mission, remplit ces objectifs tout en intégrant celui d'augmenter la croissance potentielle en France, en ciblant des investissements sur des projets structurés, innovants et prometteurs et en intégrant ces enjeux d'avenir.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera pour les crédits de cette mission.

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Le PIA a été lancé par M. Nicolas Sarkozy au lendemain de la crise de 2008 et doté de 35 milliards d'euros. Il a été renouvelé sous la présidence de M. François Hollande, par les gouvernements de MM. Manuel Valls et de Jean-Marc Ayrault, et crédité de 22 milliards d'euros. L'enveloppe prévue dans le présent PLF est de 10 milliards d'euros.

On voit que l'évolution est plutôt à la baisse. Je m'inquiète de la finalité de ce PIA, au moment où notre industrie a toujours plus besoin d'être accompagnée comme nous le rappelle l'actualité. Prenons l'exemple de l'aciérie Ascoval où les salariés luttent pour éviter la fermeture de leur usine et où les collectivités locales se mobilisent pour éviter la disparition de ce fleuron industriel. Chaque jour vient nous rappeler le caractère vital de l'accompagnement pour notre industrie dans son activité journalière, dans sa modernisation mais aussi dans sa recherche appliquée ou fondamentale.

L'objectif du PIA est bien d'accompagner la pérennité de nos entreprises quelles qu'elles soient. Or, au vu de la présentation de cet outil, j'ai l'impression que le PIA est davantage destiné aux grandes entreprises qu'aux PME. Pourtant, certains volets du plan sont dédiés aux petites entreprises. Le programme « initiative PME », par exemple, avait pour ambition d'aider les PME à se moderniser afin qu'elles puissent mieux répondre aux enjeux de marché qui les concernent. Madame la rapporteure, je pense qu'il serait essentiel de préciser l'action menée auprès des PME.

J'aurais aussi aimé que vous puissiez rappeler le travail effectué par les pôles de compétitivité. Vous évoquez l'agriculture biologique. Je pense aux pôles « industries et agro-ressources » (IAR) dans le département de l'Aisne, Derbi sur l'énergie, Agri Sud-Ouest Innovation, Aquimer, et autres. Il serait intéressant de vous entendre sur ce sujet.

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Cette mission budgétaire recoupe des champs de plus en plus larges, avec peut-être parfois un risque de saupoudrage et de perte de lisibilité des priorités stratégiques de la France. Quoi qu'il en soit, c'est une mission très importante dans une économie en mutation.

J'ai trois observations à faire.

Tout d'abord, j'ai cru voir qu'il y avait des crédits destinés à des chercheurs résidant à l'étranger. On connaît l'état de la recherche en France, ses besoins dramatiques de crédits, et les beaux projets que l'on est capable de mener dans notre pays. Il m'apparaît très important, voire fondamental, que ces crédits soutiennent avant tout les projets de recherche conduits sur le territoire national.

Ensuite, je m'inquiète pour les appels à projets « territoires d'innovation de grande ambition » (TIGA) dont j'ai cru vous entendre dire un mot. Il est important que ces projets puissent irriguer le développement dans tous les territoires. On aurait besoin de garanties sur le fait qu'ils seront répartis aussi bien dans les grands centres métropolitains où les projets d'innovation se développent par eux-mêmes, que dans nos territoires où il y a beaucoup de projets mais où il manque parfois d'équipes pour aller chercher les subventions. Ces derniers projets ont besoin d'être accompagnés pour bénéficier des mêmes chances dans la compétition économique que ceux des autres territoires.

Enfin, s'agissant des produits agricoles locaux, je vous rappelle l'une des propositions du groupe Les Républicains : qu'il y ait des quotas de produits locaux plutôt que de produits bio dans les cantines. Par le biais de ces PIA, il faut absolument miser sur le développement des labels locaux pour une question de respect de l'environnement. Il faut tendre à la diminution des transports de denrées qui font souvent exploser le bilan carbone des productions, ce qui passe par le développement de l'économie présentielle. Dans nos territoires, nous avons de très belles initiatives dans ce domaine-là aussi, et des consommateurs qui affichent leur volonté d'aller de plus en plus vers ces produits de leur territoire.

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Au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés (MODEM), je voudrais tout d'abord louer la pertinence et la qualité du rapport, et souligner l'importance des choix budgétaires du Gouvernement concernant le troisième volet du PIA.

Les PIA entendent préparer la France aux défis de demain et s'insèrent dans le grand plan d'investissement qui a pour ambition, notamment, d'accélérer l'émergence d'un nouveau modèle de croissance. Les crédits alloués dans le cadre du PIA 1 et 2 ont ainsi été déployés au bénéfice de l'enseignement supérieur et de l'innovation dans les secteurs stratégiques de l'économie française. Le PIA 3 fera une plus large place à la recherche et à la valorisation de la recherche qui vont absorber presque 6 milliards d'euros sur les 10 milliards d'euros annoncés.

Il s'agit donc d'une mission importante au moment où la France ambitionne d'être actrice des transformations massives que notre économie mondialisée traverse. Les investissements d'avenir ont pour objectif de faire de la France un leader en matière d'intelligence artificielle, de biotechnologie, de biomédecine, de big data, de super calcul mais aussi d'efficacité administrative.

Il est primordial que l'État investisse dans les domaines d'avenir mais aussi qu'il rattrape ses retards et accompagne les territoires qui en ont le plus besoin, notamment sur le plan économique. Dans notre groupe, nous sommes particulièrement sensibles au soutien des collectivités, nécessaire pour résorber la fracture territoriale.

S'agissant des collectivités territoriales, le Gouvernement nous avait annoncé l'année dernière que 10 des 57 milliards d'euros du grand plan d'investissement seraient consacrés à un objectif transversal d'investissement et dirigés vers ces collectivités. Il s'agissait notamment des instruments financiers de la CDC pour la rénovation thermique des bâtiments des collectivités territoriales, des logements sociaux et des maisons de santé. Pourriez-vous, madame la rapporteure, nous apporter des explications supplémentaires quant à ces annonces, nous dire si elles sont confirmées et si les crédits alloués dans cette mission entendent soutenir les collectivités territoriales ?

Existe-t-il des fonds partagés avec les régions en faveur des TPE et des PME dans un objectif d'accompagnement et de transformation des filières ? Il semble que ces fonds soient insuffisants.

Il est malgré tout appréciable que le Gouvernement ait souhaité mettre l'accent sur le programme 423 relatif à la modernisation des entreprises, au moment où le projet de loi PACTE était examiné au Parlement. Les signaux envoyés au monde entrepreneurial sont positifs.

Enfin, je voudrais évoquer l'orientation environnementale et agricole. Plusieurs articles de la première partie du PLF soutiennent une fiscalité écologique incitative et reçoivent, bien entendu, notre assentiment. Il en va de même pour les choix budgétaires concernant la recherche et l'innovation qui vont participer à la nécessaire transition écologique que les Français appellent de leurs voeux.

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Au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants (UAI), je voudrais revenir à la philosophie de départ des investissements d'avenir. Au moment où ils ont été lancés par M. Nicolas Sarkozy, à la fin de l'année 2008, j'avais travaillé sur ce sujet. L'idée était que l'État devait préparer l'avenir et investir, mais, surtout, en prenant bien garde de ne pas creuser le déficit de l'État.

J'ai l'impression que nous nous sommes un peu éloignés de cette philosophie. Les premiers investissements ayant été réalisés en 2010-2011, nous avons désormais un recul de six ou sept ans pour évaluer ceux qui ont été effectués par l'État au sein de fonds destinés à soutenir l'innovation ou dans la recherche. À l'époque, dans un esprit très sain de maîtrise des dépenses publiques, nous voulions vérifier la rentabilité à long terme de chacun de ces investissements. Il ne s'agissait pas de concurrencer les fonds d'investissement privés qui ont souvent une rentabilité à six ans. Dans un contexte de déficit extrêmement important, il ne s'agissait pas non plus de grever le budget de l'État. Je m'inquiète du fait que cette logique n'apparaisse plus dans aucun discours. On prépare l'avenir, certes, mais en ne faisant pas attention à cet objectif-là et en ne regardant pas la rentabilité individuelle des investissements réalisés.

Mon deuxième regret est que nous n'en avons pas profité pour investir dans la modernisation de l'État. Le Canada a investi 15 milliards de dollars dans la modernisation de son fonctionnement étatique et il s'est désendetté de façon extrêmement forte et rapide. Ils ont réussi à réduire le nombre de fonctionnaires de 23 %. Or, dans aucun des PIA, je ne vois cet axe de modernisation de l'État lié à l'idée de réviser les politiques publiques dans une optique de rentabilité évidente : le désendettement peut se traduire par une baisse d'impôts pour les entreprises et les citoyens et permettre un développement économique.

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D'emblée, je fais remarquer qu'il y a une baisse de 4 % de l'enveloppe consacrée aux investissements d'avenir : elle se situe cette année à un milliard d'euros. Quel avenir peut-on construire avec un milliard d'euros ?

Pour les membres du groupe La France insoumise, le point clef de ce budget, celui qu'il faut marteler, c'est le choix qui a été fait en matière de crédit d'impôt sur la compétitivité et l'emploi (CICE). Celui-ci n'a pas été seulement renouvelé ou pérennisé, son montant – dont la moitié va aller à des multinationales – a quasiment doublé.

En temps normal, le montant de ce CICE est de 24 milliards d'euros par an. L'année prochaine, on va ajouter 20 milliards d'euros. On se demande à quoi peuvent bien servir les évaluations parce que dans toutes celles de France Stratégie et de la quasi-totalité des organismes qui travaillent sur le sujet, il est indiqué que le rendement de ce CICE est nul. Le CICE est inefficace ; il n'a permis de créer ou de sauvegarder que 100 000 emplois au maximum. On est dans ces eaux-là. Cela signifie que chacun de ces emplois coûte aux alentours de 200 000 euros par an. C'est une gabegie considérable, un puits sans fond.

Ces 24 milliards d'euros par an, auxquels on va ajouter 20 milliards d'euros l'année prochaine, sont distribués tous azimuts, en une espèce de saupoudrage qui profite beaucoup aux multinationales. Les premières grandes entreprises du privé qui bénéficient du CICE sont Auchan, Carrefour et Casino. Ces groupes n'ont aucun besoin de financement ; ils ne sont pas en concurrence avec des hypermarchés étrangers puisque leur activité se passe sur le marché local ; en plus, ils profitent de ce CICE pour procéder à des licenciements massifs.

Il est évident que là se trouve notre marge de manoeuvre, le choix de société, la direction vers laquelle nous voulons aller ou non. Ces 24 milliards d'euros en année normale et ces plus de 40 milliards d'euros pour cette année offrent une marge de manoeuvre considérable pour effectuer la transition écologique, pour aller vers un changement d'agriculture et pour développer ce que j'appelle les « métiers du tendre », qui devraient être considérés comme investissements d'avenir : l'accompagnement des enfants handicapés, les auxiliaires de vie sociale pour personnes âgées, les animateurs périscolaires qui s'occupent de nos gamins après l'école, et ainsi de suite.

Dans le budget, la marge de manoeuvre se trouve à cet endroit-là, dans ces 40 milliards d'euros qui sont saupoudrés et gaspillés dans l'espoir que quelque chose poussera peut-être. Ces sommes colossales auraient permis de réorienter un peu sérieusement la société française, notamment vers l'écologie. Ce n'est pas le choix que vous avez fait.

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Votre travail n'est pas en cause, madame la rapporteure, mais je trouve que ce budget, c'est un peu, passez-moi l'expression, le « bordel ». C'est un cadavre exquis incompréhensible. Je vais donc me risquer à improviser, prêt à prendre des leçons auprès des députés de la majorité qui semblent formés, je dirai même formatés, pour saisir cette nouvelle dialectique budgétaire.

François Ruffin a raison. À un moment donné, il va falloir que Gattaz nous rende ses badges. Il promettait la création d'1 million d'emplois en contrepartie du CICE et nous avons bien vu dans quelle impasse budgétaire cela nous a menés.

Je crois en l'État stratège et en sa capacité à se doter d'outils pour mettre en oeuvre les politiques publiques. Or force est de constater que depuis que vous êtes aux responsabilités, l'État se prive de ces outils stratégiques, qu'il s'agisse de la recherche, de l'innovation ou de la transition écologique.

Comment envisager une transition énergétique sérieuse alors que la logique des actionnaires l'emporte ? Comment envisager une transition énergétique sérieuse alors que vous vous apprêtez à resserrer les financements consacrés à la rénovation thermique ? Comment envisager une transition énergétique sérieuse alors que l'État est en train d'assassiner les bailleurs à dimension humaine ? Comment envisager d'investir dans l'avenir de nos territoires alors que votre réforme ferroviaire vise à renoncer aux lignes de vie ?

Vous soutenez un Gouvernement sans cap, sans cohérence, sans stratégie, et donc sans avenir. Les plans d'investissement d'avenir, même s'ils s'appuient sur certaines intuitions positives comme dirait mon ami Pierre Dharréville, ne sont pas à la hauteur des enjeux.

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Je tiens tout d'abord à saluer la qualité du rapport de Monique Limon, qui est d'une rare hauteur. Nous verrons quelles suites lui donner si nous formons une mission commune pour réorienter les fonds.

Je partage une bonne partie des positions que viennent d'exprimer M. Ruffin et M. Jumel, mais je concentrerai mes propos sur les moyens consacrés à la recherche et à la prévention.

Les fonds dédiés aux PIA souffrent d'un manque d'incarnation territoriale. Il importe de donner des moyens réels aux TIGA – « territoires d'innovation de grande ambition » – qui sont la traduction territoriale des grands projets de recherche. Je pense en particulier à celui de Nancy autour du projet « Des hommes et des arbres, les racines de demain », centré sur la bioéconomie et l'écocitoyenneté. Je pense également aux architectures européennes de développement, qui sont encore trop peu privilégiées. L'Europe de la recherche, qui fait notre spécificité par rapport aux pays asiatiques et anglo-saxons, ouvre de grandes perspectives pour notre continent. Je regrette que sur des questions comme l'autonomie en protéines végétales, qui vise à limiter la déforestation importée, nous n'ayons pas des programmes de recherche concertés qui unissent les pays européens de la Baltique à l'Atlantique.

Je partage votre analyse, madame la rapporteure, sur la nécessité de recherches systémiques. Les querelles picrocholines autour de sujets comme le glyphosate nous éloignent du réel. Ces recherches pourraient s'insérer dans la dynamique ouverte par le programme « Une seule santé » qui mêle épidémiologie et agronomie, par l'étude prospective Agrimonde-Terra lancée par l'INRA et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), ou encore par le scénario d'une « Europe sans pesticide en 2050 » étudié par les chercheurs de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

Je voudrais insister sur l'importance de trois secteurs de recherche.

Il s'agit, d'abord, des recherches sur le sol : nous accusons trente ans de retard en matière de recherches agronomiques fondamentales. Il faut que la France et l'Europe se repositionnent parmi les leaders mondiaux.

Il s'agit, ensuite, des modèles sociaux préventifs. Nous savons la part de l'alimentation dans la santé et son rôle dans la prévention des maladies chroniques. Nous y travaillons, à titre expérimental, avec ATD-Quart monde dans ma région.

Il s'agit, enfin, de la réappropriation des normes publiques comme leviers de changement – je pense en particulier à la haute valeur environnementale – qui mériterait un travail socio-économique et technique.

Bref, nous plaidons pour une amplification de l'effort de recherche-développement dans notre pays.

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Madame Limon, nous le voyons, votre rapport a été unanimement salué.

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Je vais m'efforcer de répondre à toutes les questions, à commencer par les vôtres, Monsieur le président.

Le Secrétariat général pour l'investissement a connaissance de la demande sociale que vous évoquiez. Il est aussi responsable du Grand plan d'investissement qui consacrera 5 milliards d'euros à l'agriculture. M. Olivier Allain, que j'ai auditionné, est l'ambassadeur de ce plan pour le volet agricole et il s'emploie à faire le tour des territoires pour voir comment ils s'en emparent.

Il est vrai que la thématique agricole, sans être ignorée, reste timide au sein des PIA. Il y a peu d'appels à projets et peu de déposants. Nous notons toutefois des initiatives encourageantes pour 2019. Beaucoup de projets liés aux TIGA sont axés sur l'agriculture durable. Nous pouvons nous attendre à une progressive montée en puissance.

S'agissant de la répartition géographique des fonds, nous ne disposons pas de chiffres précis, bien que la régionalisation du PIA soit un sujet primordial. L'écosystème des organismes du PIA est régionalisé. Les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) sont organisées par région et les instituts de recherche technologique, les instituts pour la transition énergétique (ITE) et les instituts hospitalo-universitaires (IHU) sont présents sur tout le territoire. Je pense donc qu'il y a une bonne répartition des fonds.

Monsieur Dive, vous vous inquiétez d'une baisse des crédits. En réalité, aujourd'hui, la consommation des crédits du PIA 1 et du PIA 2 atteint à peine les 50 %. Il reste encore 30 milliards à dépenser, pour les trois PIA confondus.

S'agissant des petites entreprises, je suis d'accord avec vous. Le même constat avait été établi l'année dernière par Mme Marie Lebec, au rapport de laquelle je vous renvoie.

Monsieur Di Filippo, s'agissant des chercheurs à l'étranger, Mme de Lavergne a souligné le travail réalisé grâce à la loi PACTE. J'ai du mal à vous répondre plus en détail car ce sujet concerne plutôt le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » et je me suis focalisée sur les programmes 422 et 423.

Quant à l'appel à manifestation d'intérêt pour les TIGA, il est doté de 450 millions d'euros. Nous attendons le verdict du comité indépendant appelé à se prononcer sur les projets qui lui ont été soumis. Dès qu'ils auront été retenus, nous pourrons les examiner ensemble, si vous le souhaitez.

Madame Deprez-Audebert, le PIA n'a pas vocation à financer les collectivités territoriales. Le PIA 3 comprend toutefois une enveloppe régionale dotée de 500 millions d'euros. Nous pourrons nous attacher à analyser la répartition de ces fonds.

Madame de La Raudière, nous considérons que le PIA ne doit pas grever le déficit. Toutefois, si l'impératif de rentabilité est un aspect important, nous ne voulons pas en faire un critère exclusif. Les personnes que j'ai auditionnées ont mis l'accent sur les PME et sur la nécessité de voir les investissements dans l'innovation et la recherche financés par le PIA 3 déboucher sur une commercialisation, ce qui me paraît aller dans le bon sens. Cette orientation était peut-être moins marquée dans le PIA 1 et le PIA 2 et à l'occasion de l'évaluation des dix ans du PIA, il me paraîtrait bon de mesurer aussi la valeur sociale ajoutée.

Quant à la modernisation de l'État, c'est l'objet du grand plan d'investissement dont a la charge M. Gérald Darmanin. Il vise notamment la transformation numérique de l'État tandis que le PIA 3, qui y est rattaché, est tourné vers l'innovation économique.

Monsieur Potier, le PIA doit en effet s'incarner dans les territoires, d'où le tour de France qu'a entamé Olivier Allain pour voir les diverses modalités de son appropriation.

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L'exercice auquel nous nous livrons est un peu compliqué car il revient à examiner le PIA en dehors du contexte d'ensemble dans lequel il s'insère, notamment celui des organismes de recherche, qui voient leur budget augmenter. Les SATT, les IRT, les instituts Carnot forment un ensemble cohérent avec les entreprises qui utilisent les innovations. Nos chercheurs et nos directeurs d'instituts de recherche ont une productivité extraordinaire : avec des subventions cent à deux cents fois moindres qu'aux États-Unis, ils parviennent à des résultats qui les placent aux premiers rangs mondiaux en matière de recherche fondamentale et aboutissent à des applications qui rendent service à l'économie.

Nous devons être fiers de ce travail, qui est le résultat de plusieurs années d'actions successives.

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Bien sûr, il est important de valoriser la recherche pour répondre aux défis de l'avenir, il nous faut « réapprendre à voir large et loin » pour reprendre la citation que vous avez faite, madame la rapporteure. Le PIA 3 permettra certainement à des sociétés de pointe de lever des fonds mais les mesures de bon sens perdent souvent de leur pertinence du fait de la complexité des procédures administratives. Cela explique sans doute en partie le fait que tous les crédits n'ont pas été consommés. Comment prévenir ce type de difficultés ? Comment faire en sorte que toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, bénéficient de ce dispositif ? Comment améliorer l'efficacité des investissements d'avenir ?

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Mon intervention se concentrera sur l'alimentation industrielle. La commission d'enquête dont j'étais la rapporteure nous a permis de mesurer l'importance de la recherche dans le secteur agro-alimentaire. Le chiffre d'affaires des instituts techniques agro-industriels (ITAI) provient à 80 % de prestations réalisées pour le privé, ce qui les empêche de financer des programmes de recherche appliquée. Il convient de favoriser un financement de l'innovation agro-alimentaire au bénéfice d'une alimentation saine et durable pour tous au lieu de laisser quelques entreprises profiter des avancées dans tel ou tel domaine.

Pouvons-nous imaginer de nouvelles sources de financement pour les ITAI, à l'instar des instituts techniques agricoles, soutenus par le compte d'affection spéciale pour le développement agricole et rural (CASDAR) ? Comment renforcer le financement de l'innovation agro-alimentaire ?

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Mme la rapporteure nous a indiqué que M. Olivier Allain faisait la « tournée des popotes » pour voir comment les territoires se mobilisaient autour du PIA. C'était le grand coordinateur des États généraux de l'alimentation et quand je vois qu'à l'issue de toutes ces réunions, les parties prenantes ne se comportent pas beaucoup mieux qu'avant, je dois dire que je m'inquiète un peu.

Il manque de la part du Gouvernement des impulsions fortes. L'État devrait donner des orientations stratégiques : méthanisation, autonomie protéique, changements dans l'utilisation des produits phytosanitaires, sécurité alimentaire. Il y a trente ans, il y avait les contrats de plan. Il nous faudrait aujourd'hui un ministère en charge des stratégies de long terme. Le Président de la République a pris conscience de la nécessité de créer un ministère en charge de la cohésion des territoires et des collectivités territoriales. Pour que le PIA porte véritablement ses fruits, il faut aller plus loin encore.

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Monsieur Bouchet, s'agissant de la complexité des procédures administratives, j'ai indiqué vouloir m'inspirer de l'initiative qui raccourcit le traitement des dossiers à six semaines pour les PME et pour les PMI. Et je dois vous rassurer : l'argent public n'est pas dilapidé. Tous les fonds n'ont pas encore été consommés, comme je l'ai dit. Les opérateurs étalent parfois les décaissements sur dix ans.

Le secteur agro-alimentaire est dominé par des grandes entreprises très concentrées, comme dans l'industrie automobile, et il est difficile de financer l'innovation sans passer par elles. À l'occasion du bilan des dix ans du PIA, peut-être pourrait-on mettre l'accent sur cet enjeu. Nous devons parvenir à mobiliser les petites entreprises qui sont souvent à l'origine de belles innovations.

Vous avez évoqué la méthanisation, Monsieur Benoit, sujet qui me tient particulièrement à coeur et auquel j'ai consacré un développement dans mon rapport. Nous avons auditionné des responsables de la plateforme CertiMétha. C'est un bel exemple : comment partir d'une innovation pour la diffuser ensuite à plus grande échelle, notamment à travers la formation.

La commission, conformément à l'avis favorable de la rapporteure, donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

Puis la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de Mme Stéphanie Do (Logement) et de Mme Annaïg Le Meur (Ville), les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

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Mesdames les rapporteures, mes chers collègues, l'année dernière, les débats relatifs au budget de la mission « Cohésion des territoires » nous avaient beaucoup occupés. À la suite de l'annonce de la stratégie du Gouvernement sur le logement, la loi de finances initiale pour 2018 avait marqué le lancement d'un mouvement de réforme du modèle économique du secteur HLM. Depuis, la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) a apporté de nouveaux outils pour faciliter la construction, protéger les plus fragiles et inciter les organismes HLM à se regrouper et à se moderniser.

En 2019, la mission « Cohésion des territoires », qui regroupe à la fois les crédits consacrés à la politique du logement, à la politique de la ville et à la politique de l'aménagement du territoire, contribuera une nouvelle fois à l'effort de réduction des dépenses publiques. Les crédits de la mission sont en baisse de 1,16 milliard d'euros, mais cette diminution globale masque des hausses ciblées, en faveur notamment de la politique de la ville et de la lutte contre l'habitat indigne.

Je crois que nos deux rapporteures pour avis, Mme Stéphanie Do, pour les crédits relatifs au logement, et Mme Annaïg Le Meur, pour les crédits relatifs à la politique de la ville, ont eu à coeur dans leurs travaux d'assurer le suivi des mesures décidées l'année dernière et d'analyser certains chantiers à venir, comme la poursuite de la modernisation des aides personnelles au logement ou le développement des services publics dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

J'aurai, pour ma part, deux questions.

À quoi correspond la hausse de 21 millions d'euros en faveur de la lutte contre l'habitat indigne dans le programme 135, et comment cette hausse s'articule-t-elle avec les objectifs de la loi ELAN ?

Quels sont les premiers enseignements du démarrage de l'expérimentation relative aux emplois francs en faveur des habitants des quartiers prioritaires ?

Je vous remercie encore pour votre travail, mesdames les rapporteures, et vous cède la parole.

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Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai l'honneur, pour la deuxième année consécutive, d'être rapporteure pour avis sur les crédits relatifs au logement.

Après une année 2018 marquée par le lancement d'une modernisation sans précédent de la politique du logement en France, l'année 2019 s'annonce comme celle de la poursuite et de la mise en oeuvre des transformations engagées. Partant du constat que la politique du logement ne parvenait pas à remplir les objectifs qui lui avaient été assignés, malgré une dépense publique de plus de 35 milliards d'euros par an, le Gouvernement et la majorité se sont engagés dans une stratégie combinant la libération des énergies pour construire plus, mieux et moins cher, la protection des plus fragiles et l'amélioration de l'efficacité de la dépense publique. Cette stratégie a été déclinée dans deux textes majeurs et complémentaires : la loi de finances initiale pour 2018 et le projet de loi ELAN, qui a été définitivement adopté début octobre.

Le projet de loi de finances pour 2019 s'inscrit dans cette continuité. En 2019, comme en 2018, les programmes 109 et 135, consacrés au financement des aides personnelles au logement et aux différentes aides à la construction et à la rénovation contribueront significativement à l'effort de réduction des dépenses publiques. Les crédits de paiement (CP) de ces deux programmes sont en baisse respectivement de 8 % et de 7 % par rapport à 2018.

Ces baisses sont principalement dues à la modernisation des aides au logement qui, comme annoncé dès l'automne 2017, se poursuit en 2019. À partir de juin ou de juillet 2019, le montant des aides au logement ne sera plus calculé sur le fondement des revenus de l'allocataire de l'année « n – 2 » mais sur celui des revenus de l'année en cours. Cette réforme, attendue depuis tant d'années, permettra, d'une part, de rendre le montant de ces aides plus juste et plus en adéquation avec les changements de situation des allocataires et, d'autre part, de générer une économie budgétaire importante pour l'État. Elle est permise par la mise en oeuvre de la retenue à la source de l'impôt sur les revenus et par la création, à l'article 50 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), d'une base ressources regroupant les différentes déclarations de revenus. Le montant mensuel de l'aide personnalisée au logement (APL) sera ainsi actualisé tous les trimestres sur le fondement des revenus des quatre derniers trimestres glissants de l'allocataire.

La mise en oeuvre de cette réforme est un véritable défi technique pour la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Elle est également le début d'un grand changement stratégique visant à moderniser les systèmes d'information et le modèle de délivrance de toutes les aides sociales d'ici à 2021. Les nouveaux outils développés permettront de supprimer des démarches déclaratives lourdes et fréquentes pour les allocataires et de mieux lutter contre la fraude et le non-recours.

Le PLF pour 2019 prévoit une économie de 900 millions d'euros sur les crédits du programme 109 grâce à la mise en oeuvre de cette réforme. Ce gain pour les finances de l'État tient à deux facteurs. D'une part, du fait de la croissance économique et de l'inflation, les revenus des Français ont progressé en deux ans, ce qui conduira à une baisse globale du coût des APL. D'autre part, le système actuel de calcul des APL est asymétrique : les chutes brutales de revenus, comme lors d'une période de chômage, sont prises en compte, notamment grâce à un mécanisme d'abattement sur les revenus de l'année « n – 2 », mais pas les améliorations de revenus, comme le passage du statut d'étudiant à celui de jeune actif salarié. C'est la combinaison de ces deux facteurs qui explique le gain budgétaire engendré par la réforme, sans toutefois qu'il soit possible aujourd'hui de connaître le poids de chacun d'eux. La réforme fera inévitablement des gagnants et des perdants. Pour les jeunes passant du statut d'étudiant à celui de jeune actif, l'impact sera négatif, même si la prise en compte des quatre derniers trimestres amortira la baisse de l'aide. À l'inverse, pour les salariés passant d'un temps plein à un temps partiel, il sera positif.

Je considère que cette réforme est juste et relève du bon sens. Elle constitue un progrès car elle met fin au décalage actuel entre le montant des APL versées et les revenus de plus en plus instables des allocataires, qui ont fréquemment recours à des contrats à durée déterminée et subissent des variations de salaire. Sa mise en oeuvre devra toutefois être accompagnée d'un effort de pédagogie important auprès de tous les allocataires et des bailleurs percevant l'aide en tiers payant.

Les autres économies sur les aides au logement en 2019, de l'ordre de 350 millions d'euros, proviennent majoritairement des effets en année pleine de la loi de finances initiale pour 2018 et d'une mesure nouvelle, la revalorisation en 2019 de la plupart des prestations sociales au taux de 0,3 % au lieu du taux d'inflation.

En compensation de la mise en extinction progressive de l'APL accession, décidée l'année dernière, le Gouvernement propose cette année de créer un nouveau dispositif d'aide aux travaux des propriétaires modestes, doté d'une enveloppe budgétaire de 17 millions d'euros dans le programme 135. Ce nouveau dispositif est en cours d'élaboration et devrait concerner en priorité 1 000 opérations d'accession à la propriété nécessitant des travaux de réhabilitation lourde, en particulier dans les départements d'outre-mer. Je me félicite de cette mesure nouvelle, qui permet de cibler encore davantage les propriétaires modestes et s'inscrit dans le renforcement de la lutte contre l'habitat indigne prévu par la loi ELAN.

Dans mon rapport, j'ai souhaité cette année évaluer et suivre l'application des mesures décidées à l'occasion de la loi de finances initiale pour 2018, en particulier la mise en oeuvre de la réduction de loyer de solidarité (RLS) dans le secteur HLM, qui avait fait couler beaucoup d'encre.

À l'issue de négociations parfois âpres entre le Gouvernement et le mouvement HLM, l'article 126 de la loi de finances pour 2018 a procédé à une baisse concomitante des loyers et des APL dans le secteur HLM, via le mécanisme de la RLS. Conformément à l'accord intervenu entre le Gouvernement et une partie du monde HLM, l'effort financier demandé aux bailleurs sociaux devait atteindre 800 millions d'euros en 2018 et 2019, avant de s'élever à 1,5 milliard d'euros en 2020. Il devait être accompagné d'une série de mesures de compensation. Toutes les promesses en la matière ont été tenues.

La mise en oeuvre technique de la RLS a connu quelques difficultés au premier semestre, notamment avec la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, mais le mécanisme fonctionne désormais bien et aucun des acteurs que j'ai auditionnés, qu'ils soient bailleurs ou locataires, n'a rapporté d'incidents techniques depuis cet été ou de problème dans le calcul et l'imputation de la RLS sur les quittances de loyer. En outre, un mécanisme de lissage et de péréquation entre les bailleurs sociaux a été mis en place par l'intermédiaire de la modulation de la cotisation des bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Ce mécanisme permet d'éviter que les bailleurs sociaux logeant une proportion importante de locataires modestes soient plus affectés que les autres alors même qu'ils remplissent mieux la mission sociale qui leur est assignée. Tous les acteurs que j'ai auditionnés ont jugé que ce mécanisme était juste et fonctionnait bien.

Afin de compenser l'impact de la RLS sur l'autofinancement des bailleurs sociaux et donc sur leur capacité à investir dans la construction et la réhabilitation, le Gouvernement s'était engagé à mettre en place une série de mesures d'accompagnement. Celles-ci consistaient principalement à améliorer les conditions de financement des bailleurs sociaux auprès de la Caisse des dépôts et consignations pour diminuer leurs charges financières. Je peux vous confirmer que toutes ces mesures sont aujourd'hui opérationnelles.

La mesure ayant eu l'impact le plus immédiat a été le gel du taux du livret A qui a dégagé un gain de trésorerie de 670 millions d'euros en 2018 pour les bailleurs sociaux, sous la forme d'intérêts financiers moins élevés. En outre, la Caisse des dépôts et consignations a proposé aux organismes de logement social un mécanisme d'allongement de leurs dettes contractées auprès d'elle : 360 organismes ont opté pour cet allongement, ce qui devrait leur permettre de gagner 350 millions d'euros par an en trésorerie sur les cinq prochaines années.

Une seconde catégorie de mesures concerne plus particulièrement des dispositifs de soutien à l'investissement dont l'objectif est de permettre aux organismes de logement social de maintenir un niveau élevé de construction et de réhabilitation de logements sociaux, malgré une baisse de leur autofinancement. Parmi ces mesures, celle qui a rencontré le plus grand succès est l'ouverture, sur trois ans, de 2 milliards d'euros de prêts de haut de bilan. Un appel à manifestations d'intérêt a été organisé en juin dernier pour une première tranche de 700 millions d'euros. Il a remporté un franc succès auprès des organismes HLM puisque 384 d'entre eux y ont souscrit en un mois seulement.

La plupart des acteurs du logement social redoutaient une forte baisse de la production de logements sociaux et une hausse du nombre d'organismes HLM en difficulté financière dès 2018 ; rien de tel n'a pour l'instant été constaté. D'après le ministère de la cohésion des territoires, le niveau des agréments de nouveaux logements sociaux en 2018 sera proche de celui de 2017 : 107 000 contre 113 000, soit une baisse de 5 % seulement. Par ailleurs, selon la CGLLS, seuls cinq ou six organismes devraient solliciter auprès d'elle la mise en place d'un protocole de redressement financier en 2018, contre dix en 2016 et 2017. Aucun décrochage de la production neuve et aucune explosion du nombre d'organismes en situation de défaillance financière n'est donc observé pour le moment. Je me félicite de ces éléments rassurants qui témoignent de la pertinence et de l'efficacité des mesures de compensation.

Toutefois, tous les acteurs que j'ai auditionnés estiment qu'il est encore trop tôt pour mesurer l'impact réel de la RLS sur les comptes des bailleurs sociaux. Aucune évaluation chiffrée précise n'est pour l'instant disponible et les premières données sur l'évolution de l'autofinancement des bailleurs ne devraient pas être connues avant le printemps 2019.

En outre, des craintes nombreuses s'expriment quant au doublement du montant de la RLS dès 2020, à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Toutes choses étant égales par ailleurs, un montant de RLS à 1,5 milliard d'euros représenterait une baisse de 7 % des recettes locatives des bailleurs et réduirait leur autofinancement à 2 % ou 3 % seulement. À un tel niveau moyen d'autofinancement, la construction de logements sociaux pourrait être affectée.

À moyen terme, seule une diminution des frais de fonctionnement des organismes HLM leur permettra d'absorber une augmentation de la RLS. C'est d'ailleurs le sens et l'objectif de la loi ELAN, qui prévoit une obligation de regroupement des bailleurs d'ici à 2021 afin de les inciter à mutualiser certaines fonctions support. Toutefois, les effets de ces regroupements en termes de mutualisation et de réduction des frais de fonctionnement ne se feront sans doute pas sentir avant 2021 ou 2022. Il en va de même pour la montée en puissance du volume des ventes HLM.

Dans ce contexte, j'estime qu'il est essentiel qu'une évaluation sérieuse de l'impact de la RLS sur la capacité d'autofinancement des bailleurs sociaux soit menée dès 2019 et que des projections chiffrées soient fournies sur l'impact d'un éventuel doublement de la RLS en 2020. Au vu de ces évaluations et des premiers effets des regroupements, le calendrier de la montée en puissance du dispositif de la RLS pourrait être réinterrogée à l'occasion du prochain projet de loi de finances.

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Après une année 2018 qui fut celle de la co-construction de la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers prioritaires, l'année 2019 sera celle de sa traduction financière et de sa mise en oeuvre. Entre le 14 novembre 2017, date du discours du Président de la République à Tourcoing, et le 18 juillet 2018, date de la présentation de la feuille de route du Gouvernement pour la politique de la ville, un cycle inédit de concertation a permis à tous les acteurs locaux, politiques, associatifs et économiques, de proposer de nouvelles solutions afin de faire durablement reculer les inégalités territoriales et les concentrations urbaines de pauvreté en France. J'ai eu le privilège, avec d'autres parlementaires, d'y participer.

Les idées de terrain formulées à l'occasion de ces échanges et compilées dans le rapport de M. Jean-Louis Borloo, ont ensuite alimenté le travail interministériel de définition de la feuille de route du Gouvernement. Contrairement aux échos qui l'ont parfois accompagnée, la feuille de route du Gouvernement pour la politique de la ville annoncée le 18 juillet dernier est d'une ampleur inédite : quarante décisions engageant l'ensemble des ministères ont été prises pour un montant de 2,5 à 3 milliards d'euros de financements supplémentaires en faveur des habitants des quartiers prioritaires. Ces décisions couvrent tous les aspects de la vie de ces quartiers et se déclinent en trois grands objectifs : garantir les mêmes droits aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), favoriser l'émancipation et « faire République ».

Le projet de loi de finances pour 2019 est la traduction financière de ces engagements. Le budget du programme 147, qui comporte les crédits spécifiques de la politique de la ville, connaît une forte hausse de 85 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression de près de 20 % d'une année sur l'autre. En 2019, le budget de la politique de la ville bénéficiera d'une enveloppe globale de 513 millions d'euros. Un tel niveau de crédits de paiement n'avait jamais été atteint depuis 2012. Je me félicite de cet engagement accru de l'État dans la politique de réduction des inégalités territoriales, tant la situation de certains quartiers est préoccupante.

Ces 85 millions d'euros supplémentaires correspondent intégralement à des dépenses d'intervention, c'est-à-dire à des subventions versées aux associations de proximité, aux collectivités territoriales et aux entreprises qui agissent directement dans les quartiers. Conformément à la feuille de route du 18 juillet 2018, le PLF pour 2019 prévoit la création de mille postes supplémentaires d'adultes-relais et le doublement du nombre de postes de coordonnateurs associatifs financés par l'intermédiaire du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP). S'y ajoute la création d'une nouvelle dotation de 15 millions d'euros pour les associations nationales les plus structurantes afin qu'elles soutiennent et mettent en oeuvre des actions de proximité.

L'ensemble de ces moyens supplémentaires permettra de soutenir l'emploi associatif, dans un contexte de réduction importante du volume des contrats aidés, renommés « parcours emploi compétences » en 2018. Certes, les volumes et les moyens ne sont pas strictement équivalents, mais à des contrats aidés précaires et non ciblés succèdent des dispositifs durables et spécifiquement fléchés en direction des territoires de la politique de la ville.

La hausse des crédits du programme 147 en 2019 permettra en outre de concrétiser d'autres engagements formulés dans la feuille de route du 18 juillet 2018, comme le renforcement de l'encadrement en maternelle dans une soixantaine de grands quartiers sans mixité sociale et la mise en place de « cités éducatives » prenant modèle sur une expérimentation menée à Grigny dans le cadre du programme de réussite éducative. Enfin, l'engagement pris en loi de finances initiale pour 2018 de doubler le budget du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), pour le porter de 5 à 10 milliards d'euros sur la période 2014-2031, est tenu.

Conformément au « pacte de Dijon » conclu avec les collectivités territoriales, l'État continue par ailleurs d'accroître la territorialisation des politiques de droit commun qui relèvent principalement de sa compétence, à savoir la sécurité et l'éducation. Le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les écoles des réseaux d'éducation prioritaire (REP), entamé en 2017, se poursuit en 2018. Tous les acteurs que j'ai auditionnés se félicitent du succès de cette mesure et soulignent son importance pour les habitants des QPV. S'agissant de la sécurité, les années 2018 et 2019 seront celles de la mise en place de la police de sécurité du quotidien. Dans soixante quartiers qui recoupent largement la géographie prioritaire de la politique de la ville, 1 300 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes seront créés d'ici à 2020. Je me réjouis de ce ciblage particulier tant le traitement de la question de la sécurité dans les QPV est un prérequis indispensable au succès de toutes les autres politiques publiques.

Cette année, j'ai abordé dans mon rapport trois points en particulier : le suivi de l'expérimentation relative aux emplois francs, l'émancipation par le sport dans les quartiers et, enfin, le renforcement de la présence des services publics.

Lors des débats sur le PLF pour 2018, un amendement a permis de concrétiser une des promesses de la majorité : la mise en place d'un dispositif expérimental d'emplois « francs » visant à encourager l'embauche des habitants des QPV qui sont confrontés à des discriminations et à des freins spécifiques dans l'accès à l'emploi. Depuis le 1er avril 2018, une expérimentation a donc été lancée sur sept territoires, regroupant 25 % des demandeurs d'emploi résidant en QPV. Pôle Emploi est le principal opérateur chargé de mettre en oeuvre cette expérimentation et a développé plusieurs campagnes de communication au niveau local. D'après Pôle Emploi, au 1er septembre 2018, soit cinq mois après le démarrage de l'expérimentation, 2 092 demandes d'aides « emplois francs » lui ont été transmises et 1 617 ont été directement attribuées. Certes, ces chiffres sont inférieurs aux prévisions alors que l'objectif fixé pour 2018 est de 5 000 emplois francs mais, depuis début juillet, le rythme s'accélère : de 100 à 150 aides sont attribuées chaque semaine et Pôle Emploi attend un décollage fort du dispositif dans les deux mois qui viennent. En outre, les premiers retours qualitatifs sont encourageants : 80 % des emplois francs sont des contrats à durée indéterminée (CDI) et 90 % des employeurs sont des entreprises. En tout état de cause, j'estime qu'il est bien trop tôt pour juger du succès ou de l'efficacité de ce dispositif qui vient à peine de démarrer sur sept territoires seulement. Je considère toutefois que le dispositif doit encore gagner en publicité et que Pôle Emploi doit davantage se tourner vers les réseaux informels locaux d'entreprises qu'animent notamment les collectivités territoriales et les chambres consulaires. Les débuts de l'expérimentation ont montré que les territoires les plus dynamiques en création d'emplois francs sont ceux où le dispositif s'inscrit dans un environnement très structuré, comme à Angers ou à Lille.

Deuxième point : l'émancipation par le sport. Le sport constitue un élément essentiel de la vie sociale des quartiers de la politique de la ville. Le goût pour la pratique sportive y est élevé et les éducateurs des clubs et associations sportives locales y réalisent un travail exceptionnel. Pourtant, malgré cette demande, les QPV sont marqués par un sous-équipement chronique en infrastructures. En 2017, 428 QPV, soit 28,5 % du nombre total de ces quartiers, ne disposaient d'aucun d'équipement sportif. Par ailleurs, deux fois moins de licences sportives sont attribuées en QPV en proportion de la population de ces territoires et ce constat est encore plus prononcé pour les femmes. Face à cette situation, le Gouvernement s'est engagé, dans le cadre de la feuille de route du 18 juillet 2018, à développer des équipements sportifs dans les cinquante QPV les plus carencés. Sur les 18 millions d'euros que la future Agence nationale du sport consacrera au développement des équipements sportifs, la moitié, soit 9 millions d'euros, sera consacrée aux projets de création d'équipements sportifs dans ces cinquante quartiers. Je salue cette décision et espère que la création de l'Agence nationale du sport sera l'occasion de recentrer durablement l'action de cet opérateur sur les territoires les plus fragiles.

Pour développer, diversifier et féminiser la pratique sportive dans les QPV, j'estime qu'une implication accrue de toutes les fédérations sportives est également nécessaire. Certaines fédérations ont d'ores et déjà développé des actions spécifiques, comme la Fédération française de cyclisme qui a développé un concept de parc BMX en milieu urbain dont elle soutient la création dans les QPV. Sur ce modèle, je considère qu'il conviendrait d'imposer à toutes les fédérations sportives agréées, qui sont chargées d'une mission de service public, d'insérer dans les conventions d'objectifs et de performance qu'elles signent avec l'État un volet d'action spécifique en faveur du développement de la pratique sportive dans les QPV.

En outre, le sport dans les QPV est le plus souvent une école de vie et un tremplin vers l'emploi. Des associations et des clubs sportifs locaux, comme l'association « Sport dans la ville » que j'ai auditionnée, utilisent le sport pour créer des liens avec les jeunes afin d'éviter le décrochage scolaire et les accompagner vers l'emploi grâce au soutien de réseaux d'entreprises partenaires. Or, ces associations et clubs locaux sont aujourd'hui particulièrement touchés par la diminution du volume des contrats aidés de droit commun. Je soutiens donc la proposition de l'agence pour l'éducation par le sport de créer un métier de « coach d'insertion par le sport », qui bénéficierait d'une certification par l'État et d'un financement par le plan d'investissement dans les compétences.

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Disons plutôt « entraîneur d'insertion » !

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Soit, si vous préférez ce terme. Quoi qu'il en soit, ce dispositif pourrait aussi être l'occasion de lancer un plan de recrutement de femmes entraîneurs, dont l'absence est souvent un frein au développement de la pratique sportive féminine dans ces quartiers.

J'en viens à mon dernier point : la présence et l'accessibilité des services publics. Pour garantir les mêmes droits aux habitants des QPV, la feuille de route du Gouvernement affiche des objectifs ambitieux : doubler le nombre de maisons et centres de santé d'ici à 2022 et développer les maisons de services au public (MSAP) dans les QPV. Ces annonces sont importantes, car les services publics de première nécessité ont déserté certains quartiers. D'après la Caisse des dépôts et consignations, seules 80 MSAP sont situées dans les QPV. Or, le succès et l'utilité des MSAP dans les QPV sont indéniables. Contrairement aux MSAP situées en milieu rural, qui sont marquées par une faible fréquentation, les MSAP situées dans des QPV affichent une forte activité. De nombreux postes d'agents d'accueil en MSAP sont financés par le dispositif des adultes-relais qui jouent un rôle de médiateurs entre les usagers et les différentes institutions. Tous les acteurs que j'ai auditionnés se sont donc montrés satisfaits de l'engagement pris par le Gouvernement. Toutefois, cette ambition se heurte pour le moment à une absence de financements adéquats. Certes le programme 112 prévoit 4 millions d'euros supplémentaires pour les MSAP en 2019, mais ce montant ne suffirait même pas à combler le déficit actuel. J'appelle donc le Gouvernement à concrétiser sans tarder les annonces de la feuille de route du 18 juillet 2018 en envisageant la création d'une nouvelle ligne budgétaire dédiée dans le programme 147.

Enfin, en matière de santé, j'estime que le doublement du nombre de maisons et centres de santé en QPV nécessite, au préalable, une réflexion approfondie sur leur mode de fonctionnement et sur leur capacité à attirer les professionnels de santé. Les enjeux relatifs à la création de structures coordonnées ne tiennent pas tant à la recherche d'un foncier ou d'une structure immobilière mais plutôt à la recherche d'une activité et d'une structure juridique et fiscale répondant aux diverses aspirations des professionnels de santé. À ce titre, je considère que la réintroduction de la santé dans les quartiers de la politique de la ville doit impérativement être accompagnée d'une souplesse accrue dans les structures et les statuts, permettant de mélanger des professionnels libéraux et salariés. Enfin, le développement des maisons et centres de santé doit s'accompagner d'un financement accru des actions de prévention.

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Nous en venons aux interventions des représentants des groupes.

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Je me satisfais de découvrir un budget qui donne à notre politique les moyens de nos ambitions tout en assurant la maîtrise des dépenses. C'est un budget pensé reposant sur une approche globale, qui doit être mis en regard des politiques visées par les autres missions budgétaires. Le budget de la mission « Cohésion des territoires » est un budget de transformation qui traduit l'ambition de redonner du sens à l'action publique. En outre, la politique de l'État délaisse les mesures catégorielles pour défendre une ambition réelle et tangible consistant à favoriser l'accès de tous les citoyens à un logement décent et à promouvoir l'égalité des territoires en réduisant les multiples fractures existantes.

En matière de logement, le programme d'accès au logement demeure la principale priorité, avec un budget maîtrisé qui tend vers l'efficience. Le Gouvernement est parvenu à proposer une économie substantielle de près de 1 milliard d'euros tout en assortissant ces aides, légèrement revalorisées de 0,3 %, d'une mesure de contemporanéisation des ressources. Il sera ainsi demandé à une personne bénéficiaire pour définir l'aide dont elle a besoin le montant de ses revenus à l'instant t, et non plus deux ans auparavant. Cette aide sera dès lors plus efficace et permettra à ceux qui perdent leur emploi de retrouver rapidement une aide plus conséquente qui correspond à leur situation réelle.

Le programme 177, quant à lui, est repensé : le financement des centres d'hébergement d'urgence dédiés aux migrants est transféré à la mission « Immigration et asile ». Ainsi, à périmètre constant, les crédits de paiement de la principale action visant à proposer des logements et hébergements adaptés augmentent de près de 2,3 % par rapport à la loi de finances pour 2018. Face au constat implacable selon lequel seules 619 places en pension de famille ont été ouvertes en 2018, alors qu'il s'agit d'une mesure nécessaire et à forte valeur sociale, les choix qui s'imposent ont été faits pour accélérer dans un premier temps la mise en oeuvre de la stratégie logement, avec une augmentation significative de 3,7 % du budget dédié, soit plus de 11,5 millions d'euros supplémentaires pour l'année prochaine. J'insiste : le dispositif des pensions de famille est un outil-clé pour sortir les gens de la rue et permettre leur réinsertion.

S'il vise à faciliter l'accès au logement, ce budget vise aussi à garantir la qualité des logements proposés. Dans la continuité des mesures prises par le Gouvernement en faveur de la transition écologique et solidaire, les ressources de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui contribue à la rénovation énergétique des logements privés, sont confortées moyennant une contribution de l'État à hauteur de 110 millions d'euros. Dans le même temps, le projet de loi de finances prévoit un nouveau dispositif d'aide aux travaux pour les propriétaires modestes via une mesure de 17 millions d'euros qui contribuera notamment à la résorption de l'habitat insalubre dans les territoires d'outre-mer.

Je me félicite de la volonté manifeste du Gouvernement de réaffirmer la nécessité de réduire les écarts de développement entre les quartiers urbains défavorisés et les autres territoires de la République. Avec une augmentation de près 20 %, l'État se dote d'un budget renforcé à hauteur de 85 millions d'euros, qu'il faudra employer utilement pour retisser le lien social et favoriser le développement économique, l'accès à l'emploi et l'égalité des chances.

Je salue également les propositions formulées par la rapporteure Annaïg Le Meur qui réaffirment l'importance du sport dans les politiques consacrées à la jeunesse et à l'éducation populaire, mais aussi et surtout comme tremplin vers l'emploi. De plus, votre rapport souligne la nécessité d'orienter davantage certains services publics essentiels en direction des quartiers prioritaires de la ville, comme les maisons de services au public – qui constituent parfois le seul lien de proximité entre les citoyens et l'administration – ou encore les centres de santé, véritables outils permettant de rompre l'isolement des professionnels de santé et d'assurer un maillage efficient.

Je conclus par un regret personnel concernant les centres socio-culturels. Ces espaces sont parfois le seul lieu laïque et accessible à tous qui permet de tisser ou retisser du lien social. Leur présence sur les territoires, en particulier dans les quartiers prioritaires de la ville, devrait à mon sens être réaffirmée et soutenue par cette augmentation budgétaire sensible à destination de ces territoires.

Enfin, ce budget semble cohérent avec les orientations politiques que défend le Gouvernement ; c'est pourquoi je le soutiendrai volontiers.

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Examinons les évolutions budgétaires que vous proposez au titre de la mission « Cohésion des territoires » : vous envoyez des signaux positifs – en millions – qui ne sauraient masquer un coup de rabot – en milliards. Il faut reconnaître que les dépenses du programme 147 relatif à la politique de la ville augmentent de 360 millions d'euros : c'est une bonne nouvelle pour des dispositifs bénéfiques tels que les écoles de la deuxième chance. Il faut reconnaître aussi que les crédits dédiés à la lutte contre l'habitat indigne augmentent fortement, passant de 7,2 à 25,2 millions d'euros. Au total, cependant, le Gouvernement prévoit une baisse de ce budget de 2,19 milliards d'euros par rapport à 2018 et de près de 4,66 milliards par rapport à 2017, soit une baisse de près de 13 %.

Il est indéniable que ce budget 2019 s'inscrit dans la continuité du budget 2018 en matière de politique du logement. La cohésion des territoires ne fait pas partie des priorités budgétaires du Gouvernement. On peut même s'étonner que les moyens consacrés à la mission « Prévention de l'exclusion », qui finance notamment les allocations et prestations d'aides sociales versées aux personnes âgées et handicapées, soient en baisse de 2 % en 2019 après une réduction de 19 % en 2018 par rapport à l'année précédente. On peut s'étonner que les crédits qui financent les centres d'hébergement d'urgence diminuent de 93 millions d'euros par rapport à 2018 alors que l'on en connaît les besoins criants. On peut aussi s'étonner de la baisse de 8,8 % de l'action « Revitalisation économique et emploi », ou encore de la quasi-disparition des aides à la pierre versées par le Fonds national des aides à la pierre (FNAP).

Avant de voter le budget pour 2019, il aurait été utile d'évaluer l'impact des mesures néfastes que vous avez prises lors de votre premier budget l'an passé. Baisse des APL que vous avez fait supporter aux bailleurs sociaux, quasi suppression de l'APL-accession, réduction considérable du prêt à taux zéro et du dispositif Pinel : les effets de ces mesures commencent à se faire ressentir, avec un net ralentissement de la construction en 2018 qui s'aggravera encore en 2019. Le nombre d'agréments a reculé de 20 % en deux ans alors que la demande de logements aidés a progressé de 9 % au cours de la même période. Avez-vous raison de persister sur cette pente du déclin alors que les besoins sont criants ? Ne faut-il pas avancer la clause de revoyure programmée pour le PLF 2020 ? Ne faut-il pas pondérer l'effort demandé en fonction du taux de ménages bénéficiant de l'APL ?

Votre objectif quantitatif ne sera pas atteint. Vous ne construirez pas plus, au contraire : il y aura moins de logements aidés réhabilités, moins de logements aidés produits, moins d'accession sociale à la propriété, moins d'investisseurs dans la pierre, moins de logements privés construits. Pire : l'intitulé même de la mission, « Cohésion des territoires », semble mensonger puisque les fractures s'aggravent depuis un an. Ma région a connu à elle seule une baisse de 47 % des demandes de permis de construire et aucune demande n'y a été déposée en zone B2.

Il existe un problème de cohérence entre les politiques publiques que vous menez. Certains collèges accueillent jusqu'à 50 % voire 70 % d'élèves qui habitent en QPV mais ne se trouvent pas pour autant en zone REP ou REP+ ! Y aurait-il des sous-quartiers ?

Ma question est simple : quel avenir envisagez-vous pour les zones B2 et C ? Sont-elles des sous-territoires ? Quel avenir envisagez-vous pour les territoires en souffrance qui ne bénéficient pas des dispositifs de zone de revitalisation rurale (ZRR) recentrés ou de coeurs de ville ?

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Dotée d'un budget global de 31 milliards d'euros, la mission « Cohésion des territoires » se rattache à une politique transversale qui s'appuie largement sur deux chantiers majeurs : les conférences nationales des territoires et une stratégie ambitieuse pour le logement.

S'agissant du logement, le Gouvernement a présenté une stratégie s'articulant autour d'objectifs bien connus, que l'on retrouve dans le projet de loi ELAN et qui constituent un subtil équilibre visant à répondre aux besoins des Français en matière de logement. Nous approuvons la modernisation du fonctionnement des APL et la prise en compte des ressources en temps réel dans leur calcul – il s'agit là d'une réforme structurelle inédite qui, dans certains cas, se traduira peut-être par un gain de pouvoir d'achat immédiat et surtout par des économies pour l'État, ce à quoi le groupe du Mouvement Démocrate (MODEM) et apparentés est particulièrement attentif. Nous avons bien noté les outils proposés aux bailleurs sociaux et le fait que cette année et la prochaine sont des années de transition.

Je souhaite revenir sur le chantier de la rénovation énergétique des bâtiments, auquel le Gouvernement a fixé plusieurs objectifs. Pourriez-vous préciser les dispositifs qui seront mis en place afin de les atteindre ?

Heureusement, la protection des plus fragiles demeure une priorité, non seulement par conviction mais aussi par fidélité à l'une de nos plus anciennes valeurs républicaines, la fraternité. Nous notons à cet égard que le budget consacré à l'hébergement d'urgence, aux parcours vers le logement et à l'insertion des personnes vulnérables augmente, et passe d'un montant de 1,74 milliard d'euros cette année à 1,99 milliard l'an prochain. Cette hausse contribuera notamment, dans le cadre du plan quinquennal pour le logement d'abord, à produire et à mobiliser un plus grand nombre de logements dits abordables et adaptés, l'objectif étant de produire 40 000 logements abordables par an et l'ouverture sur cinq ans de 50 000 places en intermédiation locative.

Quant à la politique de la ville, elle est structurée autour de trois axes d'action : la mobilisation du service public de l'emploi, la poursuite du renouvellement urbain et le renforcement du lien social. Ce sont des marqueurs forts. Pour financer ces actions et concrétiser les mesures significatives qu'a évoquées Mme Le Meur, les crédits alloués à la politique de la ville ont été accrus de 85 millions d'euros pour 2019. Ces décisions, qui visent à renforcer l'insertion et la sécurité de nos concitoyens, nous semblent aller dans le sens d'une politique de la ville et du logement plus juste et plus équilibrée. Le groupe MODEM et apparentés approuve les orientations budgétaires arbitrées par le Gouvernement et soutiendra ce budget.

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Je ne reprocherai pas au Gouvernement le fait que cette mission contribue à l'effort national de réduction de la dépense publique à hauteur de 2 milliards d'euros car, à mon sens, il en aurait été de même avec n'importe quel autre gouvernement.

Je concentrerai mon propos sur le programme le plus important, à savoir le programme 109, et dans une moindre mesure sur le programme 135. Le programme 109, doté de quelque 13 milliards d'euros, a trait au logement. J'aurais souhaité que la rapporteure pour avis nous indique les enseignements qu'elle tire des dispositions que le Gouvernement a adoptées il y a un an. Bon nombre d'entre elles ont eu une incidence sur le secteur du logement : l'APL, en particulier l'APL-accession, le prêt à taux zéro mais aussi la niche fiscale que constitue le dispositif « Pinel », qui a finalement été maintenu dans les territoires où la demande de logements est forte – ce qui revient à alimenter la chaudière, en quelque sorte. Quitte à conserver cette niche fiscale, mieux vaudrait qu'elle bénéficie à des territoires qui, en matière de logement, manquent de dynamisme. Se pose alors la question des zones B2 et C, c'est-à-dire des villes moyennes. J'interpelle le Gouvernement sur cette disposition.

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Deuxième point : la politique de la ville. Le Président de la République et le Premier ministre ont confié une mission à Jean-Louis Borloo parce qu'il est l'homme-clé des politiques de la ville en France. Je serai franc : je ne partageais pas sa proposition de consacrer 50 milliards d'euros supplémentaires à ces politiques car j'ai le sentiment d'un puits sans fond. J'approuve certaines de ses orientations, mais je suis d'accord avec le choix du Gouvernement de cesser de déverser des milliards d'euros dans les politiques de la ville.

En revanche, comme dans le cas des programmes d'investissement d'avenir dont nous venons d'examiner le budget, il me semble qu'il appartient au Gouvernement de mettre de l'ordre dans cette situation et de relier la politique de la ville avec celles de l'éducation, du sport, de la culture et de la sécurité. Je suis très inquiet non pas du départ de M. Collomb, ancien ministre de l'intérieur, mais de ses déclarations : dans certaines banlieues, a-t-il dit, les habitants vivent côte à côte, mais il est à craindre qu'ils ne vivent face à face d'ici à quelques mois. Or, je ne retrouve pas l'impulsion nécessaire dans le budget de la politique de la ville, hormis dans le programme de rénovation urbaine qui est malgré tout abondé de 10 milliards d'euros.

Enfin, pour ce qui concerne la cohésion des territoires, l'expérience du terrain m'autorise à dire que tous les outils existants – contrats de plan État-régions, dotation de soutien à l'investissement local, contrats de ruralité, programme « action coeur de ville » – et les enveloppes correspondantes ne sont que du recyclage : on prend ici pour donner là et l'on sollicite les bonnes idées qu'ont les maires pour leurs villes – et ils en ont – afin de demander aux préfets ou sous-préfets de signer des conventions tantôt pour la ruralité, tantôt pour le coeur de ville, et ainsi de suite. En fin de compte, je ne sens pas là non plus une impulsion gouvernementale nouvelle, que j'appelle de mes voeux.

Pour conclure, je réitère ma question à Mme la rapporteure pour avis concernant le logement, en particulier l'APL, le prêt à taux zéro et le dispositif « Pinel ».

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Une fois n'est pas coutume, je tiens à féliciter la majorité et le Gouvernement au sujet du budget du logement : 5,7 milliards d'euros sur trois ans pour construire 1,5 million de logements abordables, parce qu'il n'est pas normal que les ménages consacrent 30 % de leurs ressources au logement, et jusqu'à 50 % dans les foyers les plus modestes. C'est une excellente décision ! Pardon, veuillez m'excuser, j'ai confondu mes notes : cette décision n'est pas prise en France mais en Allemagne. Elle n'est pas de Macron mais d'Angela Merkel, qui investit plus de 5 milliards d'euros dans les logements sociaux.

Quoi qu'il en soit, je félicite tout de même le Gouvernement et la majorité : 2 milliards d'euros ! C'est certes un montant moindre mais on peut espérer qu'il permette aux offices HLM de bâtir 300 000 logements supplémentaires. Ce sera un coup de boost ; je dis bravo ! Pardon, je me suis de nouveau trompé : ce n'est pas en France mais en Angleterre, ce n'est pas Macron mais Theresa May.

Encore un essai, et j'espère ne plus me tromper : en France, les crédits du logement social connaissent une baisse de 2 milliards d'euros sur deux ans. Grâce à votre politique très efficace, la construction de logements sociaux plonge déjà. En 2016, 128 000 logements étaient programmés, contre 113 000 en 2017 et à peine 100 000 en 2018. Chapeau pour ces résultats !

Et ce n'est qu'un début. Vous continuez le combat et poursuivez la casse. La « Casse » des dépôts et consignations, justement, prévoit dans son étude annuelle que vos mesures entraîneront une baisse de la construction de 38 % dans les vingt prochaines années. Diviser par deux : voilà votre oeuvre ! En outre, les réhabilitations suivent grosso modo la même courbe de déclin.

Que signifient concrètement ces décisions pour les gens ? Quelle est la principale attente exprimée à ma permanence à Amiens, comme sans doute dans les vôtres ? C'est le logement. En l'occurrence, le mot « attente » convient parfaitement car les familles modestes doivent s'armer de patience et attendre des années avec trois, quatre ou cinq enfants dans un F2 ou un F3. Il y a quinze jours, j'ai fait un petit « Banlieue Tour » en Seine-Saint-Denis pour comparer la situation qui y prévaut avec celle de ma circonscription. Quelle y est la principale attente ? Le logement, là aussi. L'attente d'un logement, mais aussi l'attente de travaux de réhabilitation dans des logements délabrés, ou simplement de la réparation d'un ascenseur en panne.

Vos chiffres abstraits auront des conséquences très concrètes – fuites non réparées, champignons sur les murs, infiltrations d'eau, halls dégradés, ascenseurs en panne – et pour tous, toujours, de l'attente, de l'attente, de l'attente.

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Ses propos reflètent la réalité. Il est juste et cohérent de traiter en même temps la politique de la ville et le logement car la place du logement social est évidemment déterminante dans les quartiers de la politique de la ville. Un tiers de la ville dont j'ai été maire est en QPV. Force est de constater que les familles monoparentales, les retraités modestes, les salariés précaires et les jeunes demandeurs d'emploi ont été les premières cibles des mauvaises politiques que vous avez décidées depuis un an. Elles ont certes produit un résultat positif : les millionnaires se portent mieux. Leur nombre a augmenté de 147 000 depuis le début du quinquennat, ce qui place la France au deuxième rang mondial juste derrière les États-Unis de Trump, avec 2,147 millions de millionnaires.

Quant aux pauvres, qui sont au coeur de la politique de la ville – et même si je souligne le courage de Mme la rapporteure pour avis qui a dénoncé l'impact de la suppression des emplois aidés, laquelle ne sera pas compensée par le doublement des « emplois FONJEP », et qui a insisté sur la fragilité de ces quartiers, notamment en matière de politique sportive – les pauvres, donc, souffrent, et ils souffrent fort. Vous abondez le budget de la politique de la ville de 80 millions d'euros et, dans le même temps, vous asphyxiez les départements qui ferment des services de protection maternelle et infantile, qui réduisent les dotations horaires globales des collèges situés dans les quartiers de la politique de la ville ou qui diminuent les moyens d'accompagnement des fonds de solidarité logement (FSL). Vous asphyxiez également les petites communes – pourtant le partenaire essentiel des politiques de la ville –, ce qui a pour effet de battre en brèche et même de réduire en miettes les contrats de ville. La politique de la ville est pourtant censée être conduite selon le principe de subsidiarité. Or, en flinguant les politiques publiques de droit commun, vous rendez la vie des populations de ces quartiers plus difficiles.

Stéphane Peu a dénoncé les risques majeurs que présentait le projet de loi ELAN. Si Claire O'Petit était ici, elle dirait qu'il faut que les jeunes arrêtent de pleurer pour 5 euros, mais la ponction sur les APL constitue un véritable hold-up, qui me fait craindre un décrochage des plus fragiles d'entre nous dans l'accès au logement social.

Outre le fait qu'elle rendra moins facile la construction de logements dans les villes moyennes et les territoires tendus, la loi ELAN va flinguer les bailleurs à dimension humaine, en les privant de leur capacité à agir sur la rénovation thermique, le cadre de vie, la gestion urbaine de proximité, les murs humides, les ascenseurs en panne et les cages d'escalier indignes.

Pour étayer mon propos, j'userai de chiffres objectifs : entre 2017 et 2018, le nombre de permis de construire a chuté de 19 %. Selon la Fondation Abbé Pierre, le nombre de logements financés par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) ou un prêt locatif à usage social (PLUS) a subi une baisse de 12 %. Votre politique de démolition du logement social commence déjà à produire ses effets, et ce, jusque dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Que les efforts accomplis par les maires, dans la proximité, puissent être à ce point déconstruits m'interpelle et je suis profondément inquiet de la déstabilisation que cela peut produire chez les publics les plus fragiles. Un an après l'« appel de Grigny », le danger est plus que jamais présent : il y a urgence à se trouver au chevet de la France qui manque, de la France qui souffre – une France qui a pourtant de l'énergie à revendre. C'est le sens de notre contribution à l'examen des crédits du programme politique de la ville : leur progression ne compense pas l'abandon des politiques de droit commun et la démolition de la politique du logement social.

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À la différence de Thierry Benoit, je me demande si, finalement, Jean-Louis Borloo n'a pas raison. La nation devrait consentir à cet effort, constitutif de notre république, et rétablir une équité d'accès au logement. Nous devrions nous pencher sur la question du coût élevé du logement, un phénomène qui nous est propre et que l'on ne retrouve pas partout en Europe. Nous devrions, comme pour l'alimentation et d'autres sujets encore, mobiliser les crédits en faveur d'un égal accès à un logement digne. La marge de manoeuvre existe, elle est à trouver entre la fraude, l'optimisation fiscale et les choix iniques de redistribution des deniers publics.

Néanmoins, et dans une logique de mesure, le groupe Socialistes et apparentés constate que les choses sont moins pire qu'ailleurs, notamment sur le plan humain. Après les dégâts causés en 2018, les efforts entrepris, notamment autour du plan pauvreté, marquent une légère inflexion par rapport au début du quinquennat et doivent être salués. Mais le budget n'est pas à la hauteur des enjeux et nous plaiderons pour que 100 millions d'euros supplémentaires viennent abonder la politique de la ville.

En revanche, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la diminution drastique des crédits alloués aux aides au logement. Là encore, on détricote d'une main ce que l'on essaye de fabriquer de l'autre. Les crédits annoncés pour le plan pauvreté ne sont pas encore confirmés, mais on sait qu'à l'effet de la baisse de 5 euros des APL viendra s'ajouter la revalorisation des prestations sociales de seulement 0,3 % au lieu du taux de l'inflation. Au fil du temps, ces réductions s'accumulent et grignottent le pouvoir d'achat des plus fragiles.

Un chiffre publié par Alternatives économiques dans son « Panorama 2018-2019 » m'a profondément touché : les 5 % des Français les plus pauvres vivent dix ans de moins que les 5 % les plus riches. La pauvreté ne représente pas seulement du pouvoir d'achat en moins ; c'est aussi une espérance de vie en bonne santé réduite et, tout simplement, une durée de vie moindre. Ce scandale français, nous pouvons le constater dans nos territoires. Ces 5 euros sont tout sauf un détail ; ils peuvent faire la différence, dans l'alimentation, dans l'accès à la culture pour un enfant. Ne nous payons pas de mots : nous ne sommes pas du tout à la hauteur.

Nous défendrons un amendement sur l'APL-accession, telles qu'elle existait dans la loi de finances pour 2018. Chacun a constaté les conséquences catastrophiques de cette mesure sur la mobilité résidentielle et la production de logements neufs en zone détendue.

Enfin, le Gouvernement opère des coupes budgétaires sans précédent sur les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), cela a été dit sur tous les bancs, en contradiction totale avec l'urgence sociale. Vous avez prévu 57 millions d'euros d'économies sur quatre ans, et après 20 millions d'euros de coupes budgétaires en 2018, vous supprimez 13,4 millions d'euros de crédits pour 2019. De plus en plus de personnes et de familles sont confrontées au sans-abrisme et ont besoin d'accéder à un logement, a minima à un hébergement et à un accompagnement. Les politiques de désengagement de l'État ont des conséquences tragiques, que nous devons dénoncer. Monsieur le président, à Toulouse, l'inadéquation entre l'offre et la demande de logements a provoqué des tensions, aujourd'hui publiques et connues de tous. Nous défendrons donc en séance publique un amendement visant à mobiliser une enveloppe de crédits à la hauteur de ces enjeux.

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Je vous remercie d'avoir cité ma ville, Monsieur Potier, mais je pense sincèrement que les Toulousains, qu'il s'agisse des jeunes, des familles, des foyers monoparentaux ou des personnes victimes de violences sexistes et sexuelles, pourront mieux se loger grâce aux dispositifs prévus par la loi ELAN. Je ne monopolise pas davantage la parole et la donne aux rapporteures pour avis.

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Monsieur le président, vous m'avez demandé à quoi correspondaient les 21 millions d'euros en faveur de la lutte contre l'habitat indigne – une priorité du quinquennat – : 17 millions seront dédiés à l'aide aux propriétaires modestes pour les travaux de réhabilitation et 4 millions permettront de financer les opérations de résorption de l'habitat insalubre dans certains territoires, notamment l'Île-de-France.

S'agissant du logement social, sur lequel M. Bazin a centré son intervention, l'audition des acteurs majeurs du secteur a fait ressortir que la production de nouveaux logements sociaux était en baisse, mais de 5 % seulement. S'agissant de la clause de réexamen, les données concernant les dispositifs récents ne seront connues qu'en 2019. Pour ce qui est de la péréquation entre bailleurs sociaux, un mécanisme de modulation de leur cotisation à la CGLLS a été mis en oeuvre, ainsi que je l'ai expliqué en introduction.

La loi de finances pour 2018, Monsieur Benoit, a prévu une clause de réexamen du dispositif « Pinel » en 2019. Celui-ci ne concerne que les territoires tendus, qui ont besoin d'un choc de l'offre. Dans les territoires détendus, l'expérience a montré que les programmes n'avaient pas beaucoup d'acheteurs.

Monsieur Jumel, je me suis longuement attardée sur la réduction des APL dans mon propos liminaire ; un dispositif de compensation de la RLS pour les bailleurs sociaux a été mis en oeuvre : il comporte notamment le gel du taux du livret A et des prêts de haut de bilan. Les acteurs que j'ai auditionnés n'ont pas manifesté d'inquiétude particulière quant à ces mesures.

M. Potier a évoqué l'hébergement d'urgence. Dans le cadre du plan « logement d'abord », 10 000 places en pension de famille, destinées à accueillir, sans limitation de durée, des personnes en forte exclusion sociale, seront créées sur la durée du quinquennat. Elles s'ajouteront aux 16 521 places existantes au 31 décembre 2017. Les pensions de famille, comme les dispositifs d'intermédiation locative, sont des solutions de logements adaptés permettant une insertion plus durable des publics accueillis. La qualité de l'accompagnement y est bien supérieure à celle des centres d'hébergement d'urgence. Leur financement relève du programme 177, relatif à l'hébergement et à l'insertion des personnes vulnérables. Le PLF pour 2019 prévoit une hausse des crédits consacrés aux pensions de famille de près de 4,4 % : ces 4,8 millions d'euros supplémentaires permettront la création de 2 300 places d'ici fin 2019 et la pérennisation en année pleine de celles créées en 2018. Les crédits contribuent à financer le fonctionnement de ces maisons et en rémunèrent les hôtes, à hauteur de 16 euros par jour et par place. La Fondation Abbé Pierre, que j'ai auditionnée, a estimé que cette hausse de 4,8 millions d'euros pour 2019 était a priori suffisante pour tenir les objectifs. Elle s'est toutefois inquiétée du fait que la rémunération, l'accompagnement social et les moyens de gestion n'ont pas évolué depuis douze ans.

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Je commencerai par une évidence : dans les quartiers prioritaires, les difficultés s'accumulent. Le Gouvernement a décidé d'orienter les dispositifs et la plupart des moyens vers l'emploi.

Votre première question, Monsieur le président, a porté précisément sur les emplois francs. J'ai rappelé en introduction que 2 093 contrats avaient été signés, à 90 % par des entreprises, et pour 80 % d'entre eux à durée indéterminée – l'aide pour un CDI représente 5 000 euros par an pendant trois ans, contre 2 500 euros par an pendant deux ans pour un CDD.

Des adaptations s'avèrent nécessaires. En effet, les personnes qui ont travaillé au sein de l'entreprise dans les six mois précédents dans le cadre d'une mission d'intérim, d'un contrat de professionnalisation ou d'un contrat d'apprentissage ne peuvent pas bénéficier du dispositif, ce qui est dommageable.

Par ailleurs, il faut améliorer la communication pour que les agences Pôle emploi qui ne se trouvent pas dans les QPV, mais alentour, proposent également ce dispositif. Lors des auditions que j'ai menées, j'ai été interpellée par le fait que nombre de recrutements se faisaient par les réseaux sociaux et les réseaux informels, les entreprises étant réticentes à s'adresser à Pôle Emploi. J'ai sollicité l'institution pour qu'elle sorte de ses murs, interagisse avec ces réseaux et les chambres consulaires, notamment, qui créent des forums de l'emploi.

Je note que les territoires qui enregistrent les meilleurs résultats sont ceux où les élus locaux se sont le plus investis pour porter ce dispositif au sein même des quartiers. Je pense notamment à Angers et à Trélazé, dont le maire a pris le sujet à bras-le-corps. Il faut que nous nous battions ensemble, concrètement, pour ces dispositifs, car c'est bien par l'emploi que l'on peut répondre aux besoins du quotidien.

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Allez-vous dresser la liste des mauvais élèves ?

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Ce n'est pas mon style : il ne s'agit pas de dénoncer, mais de faire de la pédagogie par l'information.

Madame Hammerer, vous m'avez interpellée sur les centres socioculturels. Produire un rapport implique de faire des choix, et je n'ai pas abordé ce sujet. Je vous signale que, conformément à la feuille de route du 18 juillet 2018, 1 000 postes d'adultes-relais ont été créés grâce aux 20 millions d'euros de crédits supplémentaires consacrés à leur financement. Ces médiateurs pourront constituer le lien que vous appelez de vos voeux sur les plans culturel et social. L'année prochaine, et si vous le souhaitez, nous pourrons consacrer davantage d'attention à ce sujet.

En préparant mon rapport pour 2018, j'avais pris la mesure de la forte paupérisation des villes moyennes. J'ai proposé que les moyens de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui allaient être portés à 10 milliards d'euros, soient aussi consacrés aux coeurs de villes moyennes, qui ne battaient plus si fort. C'est aussi par là que passe la cohésion territoriale. Les dispositifs qui ont fonctionné dans les zones urbaines peuvent être transposés dans les zones rurales, et inversement : les maisons de services au public, proposées initialement en zone rurale, ont été intégrées dans les QPV. Progressivement, la porosité se crée, on raisonne moins en silo. Compte tenu de la mobilité de nos concitoyens, il est désormais ridicule et dépassé d'opposer la ruralité aux territoires urbains.

M. Benoit m'a interrogée sur la sécurité, un argument que les entreprises qui souhaitaient s'intégrer dans les QPV ont mis en avant et qui m'a été renvoyé l'an dernier lorsque j'ai parlé d'entreprenariat, de la nécessité de créer au sein de ces quartiers des cellules pour les entreprises de l'artisanat. Une police de sécurité du quotidien sera déployée sur les territoires ; il faut peut-être aller au-delà et imaginer d'autres mesures.

Il est certain, Monsieur Jumel, qu'il faut avoir un toit, mais l'emploi est essentiel dans les QPV. J'avais parlé l'année dernière de la nécessité de développer plusieurs formes d'emploi, notamment l'entreprenariat, de mettre en place des cellules, et je persévère dans cette voie. Je suis d'accord avec vous sur le fait que ce sont des zones où les difficultés se cumulent. Il faudra s'emparer de chaque dispositif, pour le développer plus largement. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé plus de moyens sur certains projets.

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Nous passons à une nouvelle série de questions.

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J'ai été interpellé, d'une certaine manière, sur la loi ELAN, et j'aurais beaucoup de chose à dire si le temps ne m'était pas compté. Je suis d'accord avec l'intervention de M. Benoit : l'opposition critique les réductions budgétaires mais ne propose pas de nouvelles économies.

Certes, les crédits ont diminué pour certains dispositifs, mais la loi ELAN prévoit la libération du foncier, la limitation des recours abusifs, et toutes sortes de mesures qui aideront la construction.

Les chiffres qui ont été mis en avant concernent le nombre de mises en chantier, lesquelles font suite à des permis de construire déposés début 2017. En aucun cas la politique du Gouvernement peut être corrélée à cette baisse. Celle-ci se produit effectivement, sans doute après des années de production importante de logements, et un certain attentisme des promoteurs dans la nouvelle situation politique de 2017.

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Avec cette mission budgétaire sur la cohésion des territoires en baisse de 1 milliard d'euros et des crédits spécifiques sur l'aménagement du territoire en baisse également, on s'interroge. Peut-on encore parler de cohésion des territoires quand on dédouble les classes uniquement dans les réseaux d'éducation prioritaire, au prix de fermetures de classes dans nos villages, quand la mise en place des emplois francs uniquement dans les QPV se fait au détriment des emplois aidés dans nos communes et dans nos associations, quand la lutte contre l'habitat indigne n'a aucune commune mesure avec la lutte contre les dents creuses dans les coeurs de nos villages et quand la hausse des taxes, chaque 1er janvier de chaque année du quinquennat, sur les prix indécents du gasoil se produit en parallèle de financements sur l'achat de vélos électriques ?

La fracture territoriale s'amplifie et vous ne comprenez pas la colère et le sentiment d'abandon des habitants d'une France périphérique, devenus majoritaires au fur et à mesure de la marginalisation de territoires supplémentaires, au profit d'une start-up nation parisienne, minoritaire mais dominante sous cette majorité technocratique.

Tous les beaux principes écologistes et urbanistiques que vous prônez ne valent rien si votre politique conduit à entasser de plus en plus de Français dans les grandes métropoles, en accélérant la désertification et en accentuant les difficultés sociales, si vous ne consacrez pas davantage de moyens au désenclavement de nos territoires, pour leur donner des chances équitables de se développer, si vous continuez de charger de taxes et de prélèvements les classes moyennes et les travailleurs de nos territoires. Vous les punissez de leur mode de vie rural ou périurbain, pourtant constitutif de notre identité ; nous le défendrons car il reste une force de notre pays.

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Un peu plus de propositions, un peu moins d'idéologie !

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Après l'intervention de M. Delatte, je donnerai la parole aux rapporteures car il est nécessaire d'apporter une clarification au regard des mensonges qui ont été prononcés. Nous avons tous travaillé sur la loi ELAN, et je prends à témoin M. Bazin, porte-parole de son groupe sur ce texte. Je ne pense pas que ce qui a été dit par M. Di Filippo soit factuellement vrai. J'invite les personnes qui nous regardent à le vérifier en prenant connaissance du texte adopté définitivement par le Sénat le 16 octobre.

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La rénovation urbaine est un sujet majeur. On peut se féliciter de voir concrétisé l'engagement de doubler l'enveloppe consacrée au NPNRU, après un désengagement pendant plusieurs années de l'État en matière d'offre de logements, et ce, au détriment de la mixité sociale.

Faut-il rappeler que ces crédits reposent sur un financement partenarial, essentiellement assuré par les acteurs du logement social ? Or ceux-ci se voient fragilisés par des mesures récentes, comme la réduction de loyer de solidarité ou la restructuration prévue dans la loi ELAN. J'aimerais vous entendre, mesdames les rapporteures pour avis, sur les incertitudes alarmantes quant à la trésorerie de l'ANRU, qui pourrait être déficitaire entre 2023 et 2030, et à la capacité réelle des acteurs du logement social à répondre aux besoins financiers, eu égard aux tensions dans leurs propres trésoreries. Il ne vous a pas échappé que la Cour des comptes alerte régulièrement le Parlement sur la soutenabilité du financement de la rénovation urbaine.

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Monsieur Di Filippo, vous avez parlé des dents creuses : je vous invite à consulter le texte définitif du projet de loi ELAN, qui prévoit un assouplissement des règles d'urbanisme pour stimuler la construction dans les années à venir. C'est un projet pour lequel députés et sénateurs ont travaillé main dans la main et qui a fait l'objet de nombreux consensus.

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Les emplois francs sont en phase d'expérimentation. Il faudra évaluer le dispositif avant de le déployer sur l'ensemble du territoire. Je rappelle aussi à M. Di Filippo que le programme 147 cible spécifiquement la politique de la ville, dans des territoires où se concentrent les difficultés.

Monsieur Delatte, sur ce projet essentiel pour notre territoire que constitue le doublement du NPNRU, tout le monde s'est engagé : Action Logement y contribue pour 2 milliards d'euros, les bailleurs sociaux apportent également 2 milliards d'euros et la participation de l'État s'élève à 1 milliard d'euros. Il faut également compter avec les 700 millions d'euros de reliquat du plan précédent. Les crédits ne seront pas débloqués d'un coup, une montée en puissance est prévue entre 2022 et 2027.

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M. Di Filippo n'a pas proféré de mensonges : il a dit un certain nombre de vérités, à sa façon, peut-être un peu forte. Je ne pense pas que vous soyez autorisé, Monsieur le président, à répondre à un député qu'il a menti. Personne ne ment ici ; chacun dit ce qu'il a l'intention de dire, selon ce qu'il ressent sur le terrain. La parole est libre à l'Assemblée nationale !

Moi aussi, je ressens cette pénurie de logements et cette fracture territoriale. Je le dis avec mes mots, d'une autre façon sans doute. Il est vrai que nous recevons dans nos permanences un nombre croissant de personnes pour des demandes de logement. C'est un problème dont nous devons nous emparer collectivement.

Nous n'avons pas abordé la question de l'accès des personnes handicapées à un logement décent. Nous n'avons pas non plus évoqué les logements insalubres en milieu rural. Pour avoir piloté un schéma de cohérence territoriale (SCoT) dans ma circonscription, je dispose de statistiques qui révèlent un taux de logements insalubres beaucoup trop élevé. Certes, il faut porter l'effort dans les QPV, mais aussi dans la ruralité. C'est le message que je veux faire passer aujourd'hui.

Je ne comprends pas pourquoi les moyens déployés dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) sont bien inférieurs à ceux accordés aux QPV. C'est vrai pour le dédoublement des classes : je connais des écoles de bourgs centres où les niveaux de pauvreté et d'illettrisme sont tout aussi élevés que dans certains QPV. Mais les moyens sont incomparables : on a même fermé des classes dans ma circonscription pour pouvoir en dédoubler d'autres dans le département du Pas-de-Calais. Cette situation existe, nous révolte et nous fait réagir, chacun avec nos mots. Ce que je vous demande, c'est de la prendre en considération et de ne pas la nier !

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Monsieur Fasquelle, j'entends vos remarques. Mais si nous pouvons partager des désaccords, je ne pense pas qu'un ressenti puisse tenir lieu de vérité. Quand je parle de mensonges, c'est que je les oppose à des faits, vérifiables. Les opérations de revitalisation des territoires prévues par la loi ELAN, c'est factuel ; le budget de 5 milliards d'euros débloqué grâce au concours de l'État, d'Action Logement, de l'ANAH, de la CDC, c'est factuel. Tel était le sens de mon propos.

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Je veux revenir sur l'intervention de Richard Lioger. Les mises en chantier sont un indicateur des travaux en cours. Mais ce qu'il est intéressant de regarder, ce sont les réservations de logements, qui se traduiront en travaux demain ou après-demain. Ce que l'on observe, et de façon inégale sur le territoire, c'est que les conséquences en zone B2 et en zone C ne sont pas bonnes. Dans certaines régions, l'activité demeure correcte, dans d'autres, le recul est net.

N'ayant pas eu de réponse à mes questions, je les pose à nouveau. Comment prend-on en compte les bailleurs qui logent un nombre élevé de bénéficiaires de l'APL ? Certains vivent de plein fouet les conséquences des mesures que vous avez prises quand d'autres, à Paris, ont un taux d'allocataires des APL deux fois moindre.

Y aura-t-il une mise en cohérence des zonages ? Si l'on veut restaurer la République dans ces quartiers, il faut les faire bénéficier des autres politiques publiques, dans l'éducation, le logement. Le zonage positif pour le prêt à taux zéro (PTZ) pourrait y participer.

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Ma remarque rejoint celle de mon collègue : ce sont des témoignages véridiques ; je ne crois pas que ce soit le rôle du président de faire la part du vrai et du faux.

En ce qui concerne la sortie de la zone B2 du dispositif « Pinel », il fallait déposer le permis avant le 31 décembre 2017. J'habite une ville moyenne, Colmar, qui est très attractive et où l'on constate qu'il n'y a plus d'offre de logement en ville. Admettons que le marché y soit un peu compliqué mais il n'y a plus aucun logement disponible non plus dans ma commune de Houssen, en proche périphérie. C'est une situation absolument absurde dans une ville au fort dynamisme économique. Plus au sud, Mulhouse est maintenue en zone B1 alors que la tension y est très faible et que l'on trouve très facilement à s'y loger. La majorité a décidé de ne pas faire d'ajustements locaux, ce qui conduit à créer une pénurie dans certaines villes.

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Quelle est la politique générale suivie par la majorité et le Gouvernement actuels ? Nous avons décidé de passer de l'aide à la personne à l'aide à la pierre, comme nous l'avons répété plusieurs fois. La diminution des APL, correspondant à une baisse demandée des loyers, est compensée par une aide à la pierre, donnée notamment par Action logement et la CDC.

Le passage d'un modèle à l'autre peut entraîner un décalage, ce qui explique les difficultés de certains bailleurs sociaux, que l'on ne nie pas. Cependant, ces bailleurs sociaux pourront construire massivement sur la base des prêts de haut de bilan et des sommes que vont investir Action logement et la CDC dans le logement social. En même temps, on leur demande de se regrouper et d'être plus efficaces sur les territoires où ils sont quelquefois trop petits pour assumer un investissement important. C'est une politique globale que nous devons défendre de cette manière-là.

On peut regretter la diminution des APL mais c'est un passage, une transition. Il est dommage que nos collègues communistes ne soient plus là car j'aurais aimé leur parler du débat que j'ai eu sur France Inter avec Ian Brossat. Cet élu communiste de Paris était complètement d'accord avec ce modèle d'aide à la pierre qu'il trouve beaucoup plus cohérent.

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Monsieur Fasquelle, vous êtes intervenu sur la rénovation de logements en milieu rural. Par le biais de son programme « habiter mieux », l'ANAH a rénové près de 50 000 logements en 2017, et ce nombre va passer à 75 000 en 2018. Pour tous les propriétaires modestes, cela représente un budget en forte hausse.

Monsieur Bazin, je vais me répéter car vous n'étiez pas là lorsque j'ai répondu à votre question sur la prise en compte des bailleurs qui ont le plus de locataires bénéficiaires d'APL. Cette particularité a été prise en compte grâce à la modulation de la cotisation à la CGLLS. Après ce lissage, tous les bailleurs sont affectés de la même façon, peu importe leur nombre de locataires bénéficiaires de l'APL. 353 bailleurs étaient bénéficiaires du dispositif et 93 d'entre eux ont même reçu une subvention de la CGLLS.

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La cartographie des REP+ est totalement cohérente avec celle des QPV définie dans la loi de 2014. Les personnes que nous avons auditionnées se sont montrées plutôt satisfaites d'avoir une cartographie s'inscrivant dans une durée de cinq ans. Nous pourrons donc en rediscuter en 2020, à l'occasion de la révision de cette cartographie. Étant donné qu'elle est définie à partir de zones de paupérisation, nous pourrons peut-être en identifier en zone rurale. Les QPV ne sont pas synonymes de banlieues urbaines parisiennes, contrairement à ce que vous pouvez penser. Ce n'est peut-être pas la réponse que vous vouliez mais c'est celle que je vous donne. Nous pourrons en rediscuter, il n'y a aucun souci.

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Nous pourrons peut-être revoir certains critères.

Monsieur Fasquelle, vous avez notamment évoqué l'accès au logement des personnes handicapées, un sujet qui ne peut que m'intéresser puisque je suis masseur-kinésithérapeute de formation. Ces derniers temps, la notion de logement évolutif a un peu animé les débats. En fait, nous avons annoncé le taux de 10 %, puis de 20 % de logements adaptés aux personnes à mobilité réduite, ce qui couvre largement la demande.

Nous avons aussi opté pour une autre mesure, pour laquelle j'avais beaucoup oeuvré et dont les gens ne sont pas encore forcément au courant : l'ascenseur devient obligatoire dans les immeubles de trois étages, et non plus de quatre étages. Les personnes à mobilité réduite pourront ainsi avoir accès à plus d'immeubles. Les logements évolutifs sont parfaits parce qu'ils sont adaptés à la diversité des handicaps, encore faut-il y avoir accès. Selon moi, il était essentiel d'installer des ascenseurs dans des immeubles qui ne sont pas nécessairement des tours et qui peuvent être situés dans des zones reculées. Le décret concernant cette mesure paraîtra avant la fin de l'année.

Ce sont peut-être de petites évolutions mais il est intéressant de les souligner car, en la matière, les choses n'avaient pas bougé depuis 1980.

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Nous en venons à l'examen des amendements. Je précise qu'un amendement portant article additionnel après l'article 74 a été déclaré irrecevable.

La commission examine les amendements II-CE18 et II-CE21 de M. Serge Letchimy.

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L'amendement II-CE18 vise à majorer les crédits alloués aux aides au logement de 261,3 millions d'euros afin qu'elles puissent suivre le niveau réel de l'inflation.

L'amendement II-CE21 a pour but de rétablir l'APL-accession à compter du 1er janvier 2019.

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Avis défavorable à l'amendement II-CE18. La revalorisation à 0,3 % de nombreuses prestations sociales est inscrite à l'article 65 du PLF et ne concerne pas que les aides personnelles au logement. Cette mesure fait partie d'une stratégie globale visant à maîtriser la hausse des dépenses publiques, tout en augmentant les prestations sociales destinées aux ménages les plus modestes. Grâce à cet effort, d'autres prestations, comme le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation aux adultes handicapés (AAH), la prime d'activité et le minimum vieillesse font l'objet de revalorisations importantes. Si cette mesure était supprimée pour les APL, l'équilibre de l'ensemble du dispositif serait menacé.

Par ailleurs, l'application du taux de 0,3 % en octobre 2019 conduira pour le budget de l'État à une économie non pas de 261 millions d'euros mais de 102 millions d'euros. Le taux d'inflation prévu dans les hypothèses du Gouvernement est de 1,4 % en 2019 contre 1,8 % en 2018.

Avis défavorable également à l'amendement II-CE21. Comme vous l'indiquez vous-même dans votre exposé sommaire, j'avais exprimé l'année dernière des doutes quant à la pertinence de la suppression totale des APL-accession. Toutefois, un compromis a ensuite été trouvé en séance publique pour maintenir, au moins jusqu'en 2020, les APL-accession pour les logements anciens situés en zone détendue, afin notamment d'encourager la vente HLM.

En outre, à la suite de l'interpellation d'associations et de députés, en particulier ultra-marins, le Gouvernement a décidé de proposer dans le présent projet de loi de finances une nouvelle mesure de compensation pour l'accession à la propriété des ménages modestes dans le cadre de projets de réhabilitation. L'action n°03 du programme 135 prévoit ainsi un nouveau dispositif d'aide aux travaux des propriétaires modestes, via une nouvelle ligne budgétaire dotée de 17 millions d'euros de crédits de paiement. D'après le ministère de la cohésion des territoires, que nous avons interrogé sur ce point, ce nouveau dispositif pourrait concerner 1 000 opérations, en particulier en outre-mer.

Je vous propose donc d'attendre de connaître définitivement les contours de ce nouveau dispositif et une évaluation sérieuse de l'effet de la suppression de l'APL-accession dans les autres territoires avant de réintroduire en intégralité le dispositif.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite l'amendement II-CE19 de M. Serge Letchimy.

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Cet amendement prévoit de porter de 25 millions d'euros à 100 millions d'euros les crédits de paiement alloués à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

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Comme vous l'indiquez dans votre exposé sommaire, nous avons, l'année dernière, inscrit dans la loi le doublement du budget du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) pour le porter de 5 à 10 milliards d'euros sur la période 2014-2031. Cette promesse de campagne a été tenue grâce à la signature de deux conventions, l'une avec Action Logement, l'autre avec le mouvement HLM, chacun de ces deux acteurs apportant 2 milliards d'euros. Pour la première fois depuis 2009, l'État contribuera également au financement du NPNRU, à hauteur de 1 milliard d'euros, soit 10 % du budget global, sur toute la durée du programme.

Toutefois, le NPNRU n'en est encore qu'à sa phase de démarrage. Seules onze conventions pluriannuelles de renouvellement urbain ont pour l'instant été signées, sur un total attendu de 235. En 2019, les décaissements de l'ANRU seront donc en majorité encore consacrés au paiement du premier programme de rénovation urbaine. D'après le budget prévisionnel fourni par l'ANRU, 428 millions d'euros seront consacrés au paiement du premier programme et seulement 203 millions le seront pour le nouveau programme. La participation de l'État inscrite dans le PLF 2019 correspond donc parfaitement à sa part du financement du NPNRU, à savoir 10 %. Elle est même légèrement supérieure puisqu'elle est de 25 millions d'euros sur un total 203 millions d'euros.

L'exécution financière du NPNRU et, par conséquent, les crédits de paiement de l'État qui y sont associés monteront ensuite progressivement en puissance, principalement entre 2022 et 2027.

Mon avis est défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis favorable des rapporteures pour avis, elle donne ensuite un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 74.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 9 h 30

Présents. - M. Damien Adam, Mme Delphine Batho, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Yves Blein, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, M. Anthony Cellier, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Stéphanie Do, M. Daniel Fasquelle, Mme Véronique Hammerer, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, Mme Laure de La Raudière, Mme Célia de Lavergne, M. Sébastien Leclerc, Mme Annaïg Le Meur, Mme Monique Limon, M. Richard Lioger, M. Didier Martin, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, M. Jérôme Nury, Mme Claire O'Petit, Mme Valérie Oppelt, M. Ludovic Pajot, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Benoit Potterie, M. Vincent Rolland, M. François Ruffin, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Éric Straumann, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Huguette Tiegna, Mme Sylvie Tolmont, M. Nicolas Turquois

Excusés. - M. Patrice Anato, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Grégory Besson-Moreau, M. José Evrard, M. Philippe Huppé, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Marie Lebec, M. Roland Lescure, M. Serge Letchimy, M. Max Mathiasin, M. Richard Ramos

Assistaient également à la réunion. - Mme Emmanuelle Anthoine, M. Thibault Bazin, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot