La réunion

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La réunion débute à 17 heures 15.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La commission des Lois auditionne Mme Annick Girardin, ministre des Outre-mer.

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Mes chers collègues, je vous remercie de votre présence cet après-midi en commission des Lois. Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, pour l'examen et le vote des crédits de la mission « Outre-mer ». Notre rapporteur pour avis est M. Philippe Dunoyer.

C'est la première mission budgétaire associée au projet de loi de finances que nous étudions ; nous en examinerons d'autres au cours des prochains jours. L'organisation de cette discussion a été fixée : après la ministre interviendront le rapporteur pour avis pendant dix minutes, le rapporteur spécial pour cinq minutes, puis un orateur par groupe pour cinq minutes. Nous prendrons ensuite les questions des députés présents pour une durée de deux minutes chacune, après quoi Mme la ministre répondra. Hors sa présence nous examinerons les amendements et voterons les crédits de la mission.

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, votre invitation devant la commission des Lois me donne l'occasion, avant le débat que nous aurons en séance publique sur l'examen des crédits de la mission « Outre-mer », de répondre à vos interrogations et de dialoguer avec vous.

Je n'ai pas souhaité exercer les fonctions qui m'ont été confiées pour le seul plaisir de profiter des charmes de la rue Oudinot. Chacun le sait, j'ai accepté ce portefeuille il y a maintenant dix-huit mois pour une seule raison : conduire avec l'ensemble des territoires un exercice de co-construction et de transformation des outre-mer pour leur donner les moyens d'affronter l'avenir.

Ce budget, le premier des Assises des outre-mer, est une traduction du travail mené pendant de nombreux mois, dans l'ensemble des territoires. Il engage cette transformation sans laquelle nous ne ferons toujours que reproduire des schémas qui ont été, souvent, également par vous-mêmes, dénoncés.

Que disent les citoyens qui ont pris la parole durant ces Assises ? Les citoyens ultramarins veulent des services publics de qualité, des réseaux de transport qui fonctionnent, des routes en bon état, des écoles et des crèches pour accueillir leurs enfants. Ils veulent une réponse au chômage de masse qui plombe l'avenir des jeunes générations et ancre des milliers de nos concitoyens dans la pauvreté ; beaucoup d'entre vous me le rappellent régulièrement. Ils veulent se projeter dans des territoires pionniers et inscrits dans leur environnement régional. C'est à cela que je veux répondre aujourd'hui, pour mettre l'État et les ressources publiques au service des ambitions que porte le Livre bleu comme une stratégie, comme un projet lisible pour le quinquennat.

Je n'égrènerai pas toutes les lignes des programmes 123 et 138. Vous me poserez toutes les questions que vous voudrez sur les différents sujets. Je ne reviendrai pas non plus sur nos débats, animés d'ailleurs, jeudi dernier dans l'hémicycle. Vous aurez bien entendu l'occasion d'y revenir, si vous le souhaitez.

Je veux, ici, devant vous, assumer les choix qui sont les miens, mais aussi les expliquer en insistant sur le contenu de ce qui change, de ce qui fait l'impulsion de ce budget, c'est-à-dire la volonté de donner aux territoires la capacité de se développer : un effort considérable en matière d'investissements publics et une réforme majeure de l'écosystème économique outre-mer.

En 2019, le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) sera porté de 40 à 110 millions d'euros. Sur le quinquennat, ce sont près de 500 millions d'euros qui permettront la réalisation d'équipements structurants pour le développement des territoires. Nous parlons de projets concrets qui seront lancés dès janvier prochain – j'insiste sur ce point –, en réponse notamment aux demandes exprimées lors des Assises des outre-mer. Nous nous sommes, ensemble, interrogés sur le FEI, il y a quelques jours, et je veux redire ici que 100 % des crédits du FEI ont été consommés, en 2016 comme en 2017.

Vous vous questionnez légitimement sur la pérennité des crédits du FEI. Le ministre de l'action et des comptes publics a été parfaitement clair devant tous ceux qui étaient dans l'hémicycle, la semaine dernière. Ces crédits sont sanctuarisés, même si vous comprendrez qu'il est difficile pour le Gouvernement de s'engager au-delà de ce quinquennat. Ces propos ont été tenus à l'occasion de l'examen des mesures fiscales du projet de loi de finances ; ils engagent donc, publiquement, l'ensemble du Gouvernement.

Mais l'investissement public ne se limite pas au FEI. Les contrats de convergence et de transformation, qui vous tiennent aussi à coeur, prévus dans la loi de programmation du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle outre-mer (ÉROM), seront, je le souhaite, signés avant la fin de l'année. Sur quatre ans, la participation de l'ensemble des ministères va s'élever à près de 2,1 milliards d'euros. Cet engagement financier démontre la priorité que ce Gouvernement accorde aux territoires d'outre-mer.

En 2019, le seul ministère des outre-mer consacrera 179 millions d'euros à cette nouvelle contractualisation, que nous souhaitons tous, soit 23 millions d'euros de plus que l'an passé. Je précise, pour ceux qui en douteraient, que ces crédits s'additionnent à ceux qui étaient d'ores et déjà inscrits dans la trajectoire financière du ministère.

Le PLF prévoit, par ailleurs, en Guyane et à Mayotte, la reprise par l'Etat du financement du revenu de solidarité active (RSA). C'est une dépense de près de 170 millions d'euros, devenue insoutenable pour ces deux territoires, compte tenu de la dynamique de leur démographie, et que l'État reprend à son compte. Dans ces deux territoires, également, l'État compensera l'intégralité du montant des recettes d'octroi de mer réservées aux communes et dont bénéficiaient, jusqu'à aujourd'hui, les collectivités territoriales. Cette compensation d'un montant de 51 millions d'euros permettra de soutenir leurs programmes d'investissement structurants.

Les trois dispositifs d'aide à la reconversion polynésienne sont maintenus à 151 millions d'euros, tout comme la participation de l'État au régime de solidarité du territoire, pour 12 millions d'euros.

Soutenir les plus fragiles, c'est aussi soutenir la jeunesse. Le projet de budget confirme les moyens alloués au service militaire adapté (SMA) ou encore l'aide à la mobilité ou à la modernisation de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM).

J'insisterai sur les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU), dédiés à la politique du logement et sanctuarisés à hauteur de 225 millions d'euros. En supplément, vous l'attendiez car nous en avions débattu et je devais vous le confirmer, 20 millions d'euros de produits des cessions des sociétés immobilières des départements d'outre-mer (SIDOM), une décision antérieure à mon arrivée, seront bien inscrits en loi de finances rectificative (LFR). Je dis cela à ceux qui m'accusent de ne pas tenir mes engagements : les communiqués de presse, c'est bien ; voter les dispositifs favorables aux outre-mer, c'est mieux et cela nous permet d'avancer ensemble.

À ce stade, je ferai une pause dans mon intervention pour vous dire que je n'ignore pas l'intensité des attentes concernant la politique du logement, et notamment la question de l'accession sociale à la propriété portée par de nombreux députés, notamment ceux de La Réunion. Ces allocations, qui permettent aux ménages modestes d'accéder à la propriété et de réhabiliter leur logement, avaient effectivement été suspendues. Je puis vous le dire aujourd'hui : le Gouvernement rétablira, en 2019, de manière transitoire et exceptionnelle, les aides personnalisées au logement (APL) accession outre-mer, afin de solder l'ensemble des opérations engagées qui n'ont pu être menées à terme, du fait de leur suppression en 2018. Nous estimons à un millier le nombre de dossiers concernés. Les crédits du ministère du logement seront abondés en conséquence ; vous serez appelés à vous prononcer sur ce sujet lors de l'examen en nouvelle lecture du PLF.

Mais nous ne nous arrêterons pas là : nous allons mettre en place un dispositif pour 2020 qui devra être durable et efficace, c'est-à-dire au moins équivalent aux anciennes APL. C'est un dispositif que nous devons mettre en place ensemble. Il financera l'accession sociale à la propriété, mais aussi la rénovation des logements des propriétaires occupants sous condition de ressources. Pour ce faire, nous prendrons appui sur les conclusions d'une mission d'expertise qui finalise ses travaux en ce moment. Nous en avons discuté lors de mes déplacements dans différents territoires d'outre-mer. J'en parlerai à La Réunion, jeudi et vendredi prochains. Nous aurons aussi l'occasion d'en parler lors de la conférence « Logement outre-mer » organisée avec mon collègue Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, avant la fin décembre : ceci nous permettra de finaliser l'ensemble de ces annonces et de débattre du meilleur outil possible. Nous répondons donc à deux inquiétudes qui se sont exprimées lors de la suppression des aides du 199 undecies C du code général des impôts, un article qui n'était plus utilisé depuis un certain de temps. Nous débattrons ensemble du nombre de dossiers qu'il reste ou qui ont été montés sous cette forme, en 2018.

L'Assemblée nationale a voté la semaine dernière un amendement prévoyant l'alignement des vignettes de sécurité sociale sur les alcools forts, consommés outre-mer, sur le taux national. Nul n'ignore ici la prégnance de ces enjeux outre-mer : je veux assurer la Représentation nationale de la détermination du Gouvernement à lutter contre le fléau des addictions. Nous devons apporter une réponse équilibrée. Cette mesure aura un impact sur le tissu économique des départements et régions d'outre-mer (DROM), notamment sur la production de rhum qui bénéficiait d'une exemption de vignette. Cela représente un ajustement de 1 à 3 euros par bouteille. Les acteurs de la filière s'y sont préparés à compter de 2020. Nous allons, sans revenir sur le fond de l'amendement, proposer un étalement de la mise en place de ce dispositif, qui débuterait en 2020 et pourrait durer une dizaine d'années, avec un nouvel élément : la création d'un fonds spécifique à l'outre-mer qui sera précisé par amendement.

Nous voulons tous gagner la bataille de l'emploi. Nous avons un combat commun à mener : permettre à toutes ces générations, qui comptent de nombreux demandeurs d'emploi, de trouver leur place dans les territoires d'outre-mer. C'est ce qui me guide dans la réforme des aides économiques qui vous a été proposée. Pour répondre véritablement au chômage de masse, il est indispensable de prendre des initiatives fortes et de changer de logiciel. Ce n'est pas en recyclant en permanence les anciennes recettes qui ne portent pas leurs fruits que nous pourrons apporter une réponse à ces jeunes générations qui nous demandent de trouver leur place dans ces territoires.

Nous avons voulu une réforme globale, ambitieuse. Il s'agit de dispositifs zonés qui se fusionnent, appelés « zones franches d'activités nouvelles », avec des taux d'abattement fortement revalorisés. Les mécanismes actuels de défiscalisation sont prolongés jusqu'en 2025 – contre 2020.

La mission « Outre-mer » va être enrichie pour 50 millions d'euros de nouveaux outils, nécessaires au démarrage des projets : garanties d'emprunt, prêts bonifiés, dotations en fonds propres, capital risque, préfinancement, apport en subventions dans le cadre d'appels à projets ciblés. Vous le constatez : nous avons la volonté que les entrepreneurs bénéficient pleinement du renforcement des moyens dédiés au financement des investissements structurants. Je pense notamment au secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) et à ceux qui y sont associés.

Je rappelle que chaque euro d'investissement structurant ou d'investissement public sur le territoire représente deux à trois fois plus, en termes de dynamique et d'efficacité, qu'une dépense fiscale équivalente. Au total, ce sont 100 millions d'euros qui seront investis dans le soutien à l'activité économique. En parallèle, nous allons travailler à améliorer la confiance envers les grands donneurs d'ordres. Il s'agit d'une question que vous avez voulu aborder : les délais de paiement, souvent inacceptables outre-mer. Le Gouvernement proposera, cette année, une série d'initiatives qui apporteront des réponses.

Je connais vos inquiétudes concernant le projet de loi de financement de la scurité sociale (PLFSS) et les exonérations de charges sociales. Nous ne pouvions pas faire l'économie de ce débat. La suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a été décidée au plan national. L'outre-mer devait réfléchir à une réforme relative aux exonérations de charges et au CICE. Les propositions du Gouvernement mettent en avant une vraie volonté de lutter contre le chômage, avec notamment la mise en place d'une politique de l'emploi. C'est notre réponse au constat récurrent d'un taux de chômage inacceptable dans les territoires d'outre-mer, notre réponse à cette jeunesse souvent trop peu qualifiée et formée. C'est la volonté de donner les moyens aux chefs d'entreprise d'embaucher ces jeunes qui nous amène à leur proposer de ne payer aucune charge pour les rémunérations proches du salaire minimum, horaire ou mensuel.

À engagement financier constant, c'est un dispositif mieux ciblé en faveur des secteurs les plus exposés – tourisme, économie bleue, économie verte. Ce sont 77 % d'entreprises qui seront gagnantes dans les secteurs en compétitivité renforcée.

C'est une réforme d'ampleur, donc, et qui bouscule les habitudes. Toutefois, elle est dictée par l'impératif de ce qui se passe au niveau national. Elle entraînera nécessairement des transferts importants dont nous devons débattre. Sommes-nous pour autant sourds à vos remarques ? Non, au contraire, même si, il est vrai, nous n'avons pas eu un temps d'échange suffisant sur le détail des scénarios.

Nous avons présenté, en juin dernier, une vision macro-économique de cette réforme. Nous sommes entrés récemment dans la vision micro-économique. Il nous faut travailler encore davantage. Depuis dix jours, le Gouvernement a entendu les différentes questions des parlementaires, mais, surtout, il a reçu un grand nombre d'entreprises inquiètes. Nous avons traité leurs demandes, loin du mépris dont certains m'accusent. Nous avons travaillé tous ensemble. Nous voyons bien que les logiciels mis en place ne donnent pas les mêmes chiffres et que nous avons besoin de temps pour comparer ces données.

D'ores et déjà, en réponse aux premières réactions, je voudrais dire que les secteurs du transport aérien et maritime seront revus et qu'ils pourront bénéficier de la réforme. C'est également le cas pour la presse, un secteur qui n'avait pas été traité de la même manière que les autres et qui est fragile dans les territoires d'outre-mer ; nous allons le rendre plus compétitif.

Autre question importante : le traitement de la Guyane qui, jusqu'alors, bénéficiait d'un mécanisme particulier. Nous travaillerons avec la Guyane afin de préserver l'attractivité de ce territoire. Des amendements seront déposés en ce sens, dès demain, en PLFSS.

Mais tout n'est pas obligatoirement réglé, nous avons encore des ajustements à effectuer. Nous devons continuer à travailler avec les entreprises. Dès la semaine prochaine, l'ensemble des représentants des trois ministères concernés – outre-mer, action et comptes publics, solidarités et santé – rencontreront les représentants des entreprises, à Paris, pour ajuster nos logiciels, expertiser les différentes problématiques et définir comment y répondre. Je souhaite que l'on puisse le faire rapidement afin que nous soyons prêts, au Sénat, à corriger, s'il le faut, ce dispositif. Le ministère des outre-mer, comme les autres, est à l'écoute des inquiétudes, notamment quand un certain nombre de réflexions n'ont pas été menées jusqu'à leur terme.

Je n'ai pas souhaité commencer mon intervention par les aspects strictement budgétaires de ce PLF 2019. C'est une action que je veux porter, en passant d'une logique de guichet à une logique de projets. L'ensemble des mesures nouvelles conduit à une hausse sensible des crédits de la mission outre-mer, plus de 20 % : 466 millions d'euros, dont 170 millions d'euros qui viennent abonder le FEI et les nouveaux outils pour le financement de l'économie, de l'investissement public – financement, bien sûr, de projets. Ces crédits traduisent la nouvelle approche mise en place. Et puis ce sont 296 millions d'euros liés à une modification des circuits de financement des exonérations de charges sociales. Il s'agit d'une mesure purement technique, qui n'augmente pas les crédits engagés dans les territoires.

Je souhaite travailler en toute transparence, dans la plus grande confiance. Et parce que je reste la même, je répondrai à toutes vos questions le plus sincèrement possible avec l'ensemble des éléments à ma disposition aujourd'hui. Si je ne peux y répondre, je prends l'engagement que mon cabinet vous répondra très vite. Il ne s'agit pas pour moi de réformer pour réformer, mais bien de relever les défis auxquels sont confrontés les outre-mer, de relever les nombreux défis de ce XXIe siècle.

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Je veux d'abord remercier mes collègues de la confiance qu'ils m'ont témoignée en me confiant ce premier rapport pour avis. C'est une mission exceptionnelle, la ministre l'a rappelé, avec des crédits en augmentation, de 22 % – 2,491 milliards d'euros – en autorisations d'engagement (AE) et de 21 % – 2,576 milliards euros – en crédits de paiement (CP).

Passé le premier moment d'agréable surprise, il nous faut regarder un peu plus en profondeur d'où vient cette augmentation, une augmentation de 473 millions d'euros qui provient de trois sources. La première est la transformation du CICE en exonérations de charges à l'échelle nationale ; 296 millions d'euros qui constituent, non pas une modification structurelle entre CICE et exonérations de charges, mais un changement de périmètre. La bonne nouvelle est l'affichage, dans la mission « Outre-mer », de ce soutien très fort au développement de l'économie et au soutien de l'empoi dans nos territoires. J'y reviendrai, car l'une des principales difficultés à comprendre les politiques menées outre-mer, c'est qu'elles ne sont pas toutes résumées dans cette mission.

La deuxième source, ce sont les 170 millions d'euros les plus célèbres de ces dernières semaines : 100 millions d'euros issus de la suppression du dispositif de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable (TVA NPR), et 70 millions d'euros issus de la diminution de l'abattement sur l'impôt sur le revenu qui existe dans certains de nos DROM – la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion.

Cent soixante-dix millions d'euros d'aides fiscales sont transformées en soutien budgétaire. Cette transformation, quasiment une révolution du mode d'accompagnement de nos territoires, explique une bonne partie des questionnements de mes collègues, la semaine dernière.

Pour résumer le sentiment général sur cette mission et rejoindre l'ambition affichée par la ministre, je crois que nous pouvons parler de stratégie disruptive. À l'échelle des outre-mer, il s'agit d'une stratégie économique qui peut s'appliquer à notre situation, qui consiste à changer sur un marché des positions durablement établies par une nouvelle stratégie et une ouverture au plus grand nombre. Vous verrez tout à l'heure pourquoi il s'agit, à mon avis, à bien des égards, d'une stratégie distructive et donc volontariste à l'échelle des outre-mer, avec un but affiché d'améliorer l'efficacité, si ce n'est l'efficience des dispositifs qui ont été pour certains supprimés et pour d'autres abondés.

Je vous dirai quelques mots de ces fameux 170 millions d'euros : deux dispositifs ont été supprimés et remplacés par des crédits répartis sur les deux programmes qui constituent la mission « Outre-mer », les programmes 123 et 138, relatifs respectivement au soutien à l'emploi et à l'amélioration des conditions de vie. Lorsque des aides fiscales disparaissent, bien souvent elles se perdent dans la masse et ne bénéficient plus à ceux qui les recevaient auparavant. Nous serons donc nombreux à considérer que la conservation des 170 millions d'euros est une bonne nouvelle. Cela n'a probablement pas été un mince effort, madame la ministre, que d'affronter Bercy pour récupérer la totalité de cette somme.

Une deuxième bonne nouvelle est la sanctuarisation de ces 170 millions d'euros pour le reste de la mandature : une nouvelle susceptible de rassurer nos collègues qui se préoccupent, et à juste titre, de la disparition de ce niveau d'aide, remplacée par une nouvelle méthode d'appui budgétaire.

Deux problèmes sont à identifier. D'abord, quand ils disparaissent, ces dispositifs entraînent une réaction des uns et des autres – représentations patronales, chambres consulaires, entreprises. Ils se demandent s'ils vont pouvoir bénéficier, sous une autre forme, de la même aide. La justification, contenue dans le document qui nous a été remis, est incomplète s'agissant de l'inefficience de ces deux mécanismes. Cela a été dit, mais non suffisamment étayé dans le document pour balayer un certain nombre de protestations. Ensuite, concernant la pédagogie de la réforme, je crois qu'elle a eu lieu, pour partie, mais qu'elle est insuffisante. Pour symboliser les inquiètudes de nos collègues, je voudrais vous renvoyer à la page 18 de mon rapport pour avis : un tableau permet de voir de manière plus large, sur l'ensemble du budget de l'État, les 18,5 milliards d'euros dépensés pour les outre-mer, toutes missions confondues. Ces 18,5 milliards d'euros sont répartis par territoire ; or il y a une ligne intitulée « non répartis ». Cette ligne, d'un exercice à l'autre, passe de 180 millions d'euros en 2018, soit 1 %, à 1,7 milliard d'euros en 2019, soit 9,3 %. Lorsque la ligne « non répartis » augmente dans une telle proportion, elle est génératrice des questionnements quant à la lisibilité de la modification et de la réforme conduite.

Néanmoins, il convient d'éviter désormais le piège dans lequel nous sommes tombés, mes chers collègues, la semaine dernière, car cela nous conduirait à nous opposer malgré nous. Je vous le dis, car j'ai vécu douloureusement les commentaires de certains qui pensaient que nous étions dans une confrontation entre une solidarité nationale, que nous appelons collectivement et qui fonde la logique de l'élaboration du Livre bleu, et une solidarité ultramarine. Ou, pire encore, dans une opposition entre les DROM et les collectivités d'outre-mer (COM), au motif que les deux dispositifs supprimés bénéficiaient exclusivement aux DROM et que, maintenant qu'ils sont répartis plus largement, les COM en bénéficient aussi.

Vingt-quatre milliards d'euros, donc, si nous ajoutons les dépenses fiscales, tel est l'effort de l'État à l'échelle du budget – et non pas de la mission, qui n'en reflète qu'un dizième. Notre mission est la seule mission du PLF qui ne traduit pas de manière complète, tant s'en faut, la stratégie politique et budgétaire menée à l'égard des territoires. C'est aussi la seule qui soit à vocation géographique, c'est-à-dire horizontale et non pas verticale ; les autres missions sont concentrées par thématique.

Le programme 138, concerne l'emploi. Il est doté de 1,688 milliard d'euros et comporte quatre actions. L'action principale, qui représente 85 % de l'effort financier, est le soutien aux entreprises qui affiche deux objectifs : la lutte contre les handicaps structurels que connaissent nos économies et l'amélioration de la compétitivité des entreprises – deux objectifs qui vont de pair et que personne ne remet en cause. Je voudrais insister sur une nouveauté, puisque elle consacre une partie de la nouvelle affectation des 170 millions d'euros, c'est l'action 4, « Financement de l'économie ». Madame la ministre, vous l'avez dit tout à l'heure, 50 millions d'euros lui ont été alloués, issus des 170 millions d'euros, et qui servent à financer les dispositifs suivants : création de fonds de garantie pour préfinancer des créances – celles des entreprises qui ont passé des marchés avec des donneurs d'ordres, publics ou privé, et qui ne sont pas payées ; plans de développement pour financer des besoins en fonds de roulement ; outils de capital-investissement ; subventions d'investissement sur appels à projets. Tout cela est très bien. Mais j'appelle votre attention, madame la ministre : il ne faudrait pas que la réponse de l'État à l'égard des besoins de financement de nos entreprises se trouve réduite à l'intérieur de cette action. Car il ne pourra pas, ni à hauteur de 50 millions d'euros, ni même de 65 millions si j'ajoute le montant dévolu à une autre action, se réduire à cela. Nos besoins sont bien plus larges. Notre collègue Serge Letchimy a déposé un amendement, il y a deux ans, pour conditionner la baisse de l'option pour un crédit d'impôt ou une aide fiscale à un dispositif pérenne de préfinancement des entreprises. Ce dispositif fait défaut encore aujourd'hui, je le regrette, et je voudrais indiquer que le financement des entreprises ne pourra pas se résumer à cette aide, même si elle est la bienvenue.

Madame la présidente, pardonnez-moi d'avoir été un peu long ; c'est probablement le fruit de mon inexpérience. Je voudrais indiquer, en conclusion, les deux thématiques sur lesquelles j'ai tenu à faire porter mes travaux. La première est chère à l'ensemble de nos collègues : c'est la lutte contre les violences faites aux femmes, car l'outre-mer est malheureusement, à cet égard, à la pire place du classement. Il faut conduire des politiques qui soient plus visibles ; je formulerai une proposition pour qu'elle soit inscrite dans la mission en tant qu'action identifiée. La seconde thématique a trait au référendum sur la Nouvelle-Calédonie et son autodétermination, mais je n'en dirai naturellement pas plus.

Telles sont les remarques que je souhaitais faire avant d'exprimer un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, tout en souhaitant, bien sûr, que l'audace et le volontarisme affichés se traduisent dans les faits en 2019.

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À titre liminaire, je remercie la présidente d'avoir bien voulu que cette réunion de la commission des Lois soit ouverte aux membres de la délégation aux outre-mer, qui sont heureux d'entendre Mme la ministre.

Vous le savez, les sujets qui touchent nos territoires en cette période budgétaire sont aussi nombreux qu'ils suscitent le débat. Nous sortons d'une semaine de discussions intenses sur les articles relatifs à la révision du plafond de l'abattement fiscal, la suppression de la TVA non perçue récupérable ou encore la réforme des dispositifs zonés d'aide économique. Ces quelques mesures, sur lesquelles nous avons pris des positions claires et fermes, trouvent leur prolongement nécessaire dans la mission portée par votre ministère. Vous l'avez d'ailleurs parfaitement expliqué, monsieur le rapporteur pour avis.

Il en va ainsi, par exemple, de la traduction budgétaire de la révision de l'abattement fiscal dans les crédits demandés pour 2019 au titre de l'action 8 relative au Fonds exceptionnel d'investissement (FEI). Or, nombreuses sont les questions en suspens. Sans que l'inventaire soit exhaustif, je pense à la mise en place d'un dispositif de copilotage du FEI avec les collectivités, que vous avez vous-même évoquée, madame la ministre, la semaine dernière.

Autre question, celle du fléchage vers les départements d'outre-mer du montant de la recette générée par la réforme de l'abattement sur l'impôt sur le revenu qui sera justement prélevé dans ces département d'outre-mer. Effectivement, il ne s'agit pas d'opposer les DROM et les COM, monsieur le rapporteur pour avis : il serait prudent que les fonds récoltés par les DROM aillent aux DROM.

Je pense également à la construction d'un outil pour lutter contre les trop longs délais de paiement des collectivités, sujet sur lequel nous sommes en discussion depuis maintenant près d'un an. Je connais votre sensibilité à ce sujet et à propos duquel je crois savoir que vous auriez quelques informations à apporter aux entreprises ultramarines.

Je pense encore à la suppression, à l'article 55 du projet de loi de finances, de la condition qui suspend le terme des dispositifs de défiscalisation traditionnelle à la mise en place d'un mécanisme de préfinancement du crédit d'impôt. On m'a par ailleurs indiqué, à ce propos, que vous auriez trouvé un dispositif de pré-financement qui aboutirait à ce résultat ; la représentation nationale souhaite connaître les détails concrets de ce dispositif.

Dans le même esprit, un sujet qui nous préoccupe au premier chef est le financement de la réhabilitation des logements individuels dans nos territoires. Vous le savez, l'usage qui consistait à utiliser le dispositif prévu à l'article 199 undecies C du code général des impôts au titre de la réhabilitation du logement social individuel n'est pas encadré par la loi. Vous avez le devoir d'apporter des réponses à nos concitoyens les plus démunis, qui ont un droit fondamental à vivre dans des conditions respectueuses de la dignité humaine.

Bercy évoque des crédits qui auraient abondé la mission « Cohésion des territoires » pour les outre-mer, permettant de financer une solution budgétaire d'intervention directe à hauteur, me dit-on, de 17 millions d'euros. Cependant, là encore, nous attendons une information claire sur la mise en oeuvre de cette intervention, tout en rappelant que les personnes démunies n'ont pas de possibilités réelles de cofinancer leurs travaux.

Plus largement, sur la défiscalisation de la construction de logements sociaux, une deuxième délibération a abouti ce matin à ce qu'un amendement défendu par nos collègues soit finalement rejeté.

Il me faut enfin évoquer l'amendement du rapporteur général du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatif à l'alignement de la cotisation sur les boissons alcooliques, qui sera mis en oeuvre dès le 1er janvier prochain. J'ai entendu avec satisfaction que vous envisagiez d'étaler son application sur dix ans ; je salue cette décision. Je ne doute pas que mes collègues de la délégation aux outre-mer, tout comme les membres de la commission des Lois, auront à coeur de vous interroger sur tous ces sujets et sur bien d'autres.

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

Monsieur Dunoyer, s'agisssant de la TVA NPR et de son inefficience, un grand nombre de rapports existent et sont parvenus à cette conclusion. Alors peut-être n'en disposez-vous pas ; nous allons vous les envoyez – notamment ceux de l'inspection générale des finances et du Trésor. Ce que nous appelons la TVA NPR, c'est du financement bénéficiant à des produits, non à des secteurs d'activité. Or, vous voyez bien que notre volonté, aujourd'hui, est de s'orienter vers des secteurs en développement. La TVA NPR est intraçable, et dès lors qu'elle est intraçable, il est compliqué de donner plus d'éléments.

Concernant l'impôt sur le revenu, 50 % de l'épargne non disponible localement vont être effectivement restitués aux outre-mer. Nous voyons bien ce à quoi servait l'abattement qui, jusqu'à aujourd'hui, profitait à 4 % des contribuables. Les dernières déclarations de M. Victorin Lurel m'ont profondément scandalisée : je reste abasourdie d'entendre un ex-ministre, un sénateur, dire autant de contre-vérités. Je souhaite que ces 50 % soient alloués à l'ensemble des Français d'outre-mer de manière à investir différemment. Je l'ai dit tout à l'heure : un euro investi dans des infrastructures, c'est trois fois plus de dynamisme économique sur un territoire, c'est trois fois plus de possibilités de lutter contre le chômage de masse qu'une dépense fiscale équivalente.

S'agissant du manque de pédagogie qu'on nous reproche sur la TVA NPR, cela fait plus d'un an que nous en discutons avec les entreprises car cette décision a été annoncée très rapidement. De même, nous avons rendue publique en juin la mesure concernant l'impôt sur le revenu, mesure qui se trouve par ailleurs dans le Livre bleu.

Si j'estime que nous avons réalisé un bon travail sur ces deux sujets, je suis consciente que, s'agissant des exonérations, nous n'avons pas terminé le dialogue et qu'il doit se poursuivre.

S'agissant des crédits non répartis, la variation que vous avez mentionnée correspond aux exonérations de charges.

Vous m'avez également questionnée sur le préfinancement du crédit d'impôt. Avec les sommes qui étaient consacrées à la TVA NPR, nous allons renforcer ce que nous avons déjà mis en place, c'est-à-dire le prêt DROM de Bpifrance, qui était un crédit d'impôt pour l'investissement productif, et nous allons l'étendre à toutes les COM. Ce nouvel outil devrait répondre à votre préoccupation. Nous l'évaluerons au fur et à mesure de l'année 2019.

Monsieur Serva, vous avez évoqué un certain nombre de sujets, notamment le FEI. L'impôt sur le revenu n'est pas un impôt local : j'ai quelque difficulté à concevoir que nous puissions flécher l'ensemble des crédits FEI sur les seuls territoires concernés par la suppression de l'abattement. Prenons un exemple : si vous proposiez la suppression de la prime d'éloignement versée aux fonctionnaires affectés dans les territoires du Pacifique, demanderiez-vous que l'économie obtenue soit versée à ces seuls territoires ? Les outils sont conçus pour l'ensemble des territoires d'outre-mer. On peut évidemment créer tel ou tel dispositif particulier, mais je crois qu'il serait déplacé de vouloir cibler les aides selon les territoires dès lors qu'un outil est accessible à tous. Il y a dans votre logique quelque chose que je peux comprendre, mais je ne souhaite pas y entrer. Je veux être équitable et juste, et il conviendra, s'agissant du FEI, de renforcer par différentes mesures les espaces qui en ont le plus besoin. Nous pourrons, par exemple, étudier l'idée d'une FEI « entreprises ».

Quant au copilotage avec les collectivités et à la transparence dans la répartition des crédits, j'y suis favorable et nous pourrons en débattre.

Concernant l'article 199 undecies C, qui a effectivement été supprimé, nous allons rétablir, pour 2018 et 2019, l'APL « accession sociale à la propriété » pour les 1 000 dossiers en suspens – s'il y en a plus, nous les traiterons aussi. Nous allons mettre en place un nouveau dispositif, à compter de 2020, pour répondre à l'ensemble des besoins.

S'agissant des délais de paiement, vous avez déposé un amendement et nous allons continuer à travailler la question ensemble afin d'élaborer un dispositif global. Une concertation avec les collectivités est nécessaire : un groupe de travail au sein de la prochaine Conférence nationale des territoires (CNT) sera dédié à ce sujet.

Pour ce qui est, enfin, de la vignette sur le rhum, nous allons reporter son entrée en vigueur à 2020, en accord avec l'ensemble des producteurs, qui avaient de toute façon anticipé cette taxation, et étaler sur dix ans son déploiement. Les crédits seront orientés vers la prévention outre-mer, qui en a largement besoin.

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Je donne maintenant la parole à un orateur par groupe pour une durée de cinq minutes chacun.

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Madame la ministre, nous ne nous sommes pas réveillés pour rien ce matin : après avoir bataillé pendant un an, vous rétablissez l'APL-accession pour le logement social. La nouvelle est de taille !

Le budget des outre-mer a augmenté de 22 %. Mais nous savons bien que cette augmentation est financée par des suppressions d'avantages fiscaux liés à la TVA NPR, pour 100 millions d'euros, et à l'abattement d'impôt sur le revenu, pour 70 millions d'euros. Et vous avez ajouté récemment une nouvelle taxation du rhum, qui rapportera quelque 30 millions d'euros, soit un total de 200 millions d'euros en moins sur le budget de l'outre-mer. La vérité, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de solidarité dans ce budget qui augmente certes, mais que vous faites augmenter en puisant dans les ressources mêmes des outre-mer.

La répartition des grandes masses ne connaît pas non plus d'évolution particulière ; 56 % de la dépense de cette mission concerne les allégements de charges sociales afin d'améliorer la compétitivité des entreprises. Des ajustements restent à venir : chacun est conscient de l'importance des prochaines négociations pour que la transformation du CICE en allégement de charges sociales ne pénalise pas les entreprises ultramarines – nous parlons de 1,7 milliard d'euros.

Le reste du budget se divise en parts égales, ou presque, entre le logement, le service militaire adapté (SMA) et les contrats État-collectivités. Certes, le prolongement de l'aide fiscale en faveur des investissements outre-mer jusqu'en 2025 est de nature à rassurer les entreprises. Le président de la Fédération des entreprises des outre-mer (FEDOM) disait qu'il s'agissait d'une mesure passablement « optique ». Encore faut-il que l'affichage ne soit pas vidé de son sens par des difficultés d'accès, notamment parce que ces mesures fiscales ne sont pas prises en compte dans le prélèvement de l'impôt à la source !

Le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI), géré par l'État, progresse fortement ; c'est exceptionnel ! Cela veut dire qu'il s'agit d'une cagnotte extrêmement importante, gérée directement par le ministère. Je ne suis pas certain que beaucoup de moyens alloués à ce Fonds se traduisent à la fin de cette année par de réels investissements, étant donné la faiblesse dans laquelle se trouvent les collectivités territoriales.

L'originalité de ce budget est à chercher dans la révision des aides économiques. Vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet et elles ont été modifiées de manière substantielle. La TVA NPR, qui a été supprimée, était un mécanisme qui s'apparentait à une subvention assez simple aux entreprises. Vous nous dites qu'elle a été évaluée et qu'elle ne servait pratiquement à rien ; je n'en suis pas tout à fait sûr.

Comment sera répartie cette dotation, qui bénéficiait déjà aux territoires d'outre-mer, mais que le Gouvernement veut faire apparaître comme une mesure nouvelle ? La plus grande partie, 70 millions d'euros, va abonder le FEI, géré, comme je le disais, par l'État, et visant à financer des infrastructures nouvelles. Des questions restent en suspens. Les promesses engagent-elles réellement le Gouvernement ou seulement ceux qui les croient ? Quels investissements seront privilégiés ? Comment pourrons-nous participer à ces investissements ?

Vingt-trois autres millions d'euros sont fléchés vers les contrats de convergence et de transformation, venant compenser la baisse du budget de la mission « Relations avec les collectivités collectivités » et permettant à l'État de respecter les engagements pris lors des signatures de contrats financiers. Quelque 50 autres millions d'euros financeront les garanties aux entreprises : fonds de garantie, fonds de capital-investissement, appels à projets… Quant au solde, il sera réparti entre les aides aux collectivités fragiles, aux constructions scolaires et aux reconstructions post-cycloniques. Il n'est pas certain que cette dispersion garantisse que tout ce qui aura été récupéré par la suppression des aides fiscales revienne bien aux outre-mer. Il conviendra d'organiser un débat sur cette question à l'issue de l'année budgétaire.

Le second changement majeur, sur le plan économique, réside dans la suppression du CICE, transformé en allégements de charges sociales, afin d'encourager la compétitivité des entreprises et la création d'emplois. Si l'enveloppe globale est préservée, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas saisi l'occasion d'accompagner un meilleur encadrement dans les entreprises en favorisant l'embauche de personnes plus qualifiées à un niveau de salaire égal à 1,2 fois, 1,4 fois, voire 2 fois ou 2,5 fois le SMIC ? Je crois savoir que des débats sont en cours et qu'ils vont donner des résultats satisfaisants. Au-delà de la compétitivité des entreprises, c'est aussi le renforcement de leur encadrement qui est à souhaiter car les jeunes Réunionnais veulent travailler dans des entreprises ultramarines. Les discussions sont ouvertes et j'espère qu'elles trouveront une issue favorable.

La mesure de regroupement des dispositifs zonés en un seul, la « zone franche d'activités nouvelle génération » (ZFANG), apparaît bonne, mais certains points importants restent encore à débattre.

Je réitère mes félicitations pour la bonne nouvelle que vous nous avez annoncée, madame la ministre, mais les 225 millions d'euros alloués au logement social à La Réunion ne permettront pas de répondre à la demande. 22 000 foyers attendent encore un logement.

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Les crédits de la mission « Outre-mer » prennent cette année une dimension particulière puisqu'ils reflètent les échanges qui se sont déroulés lors des Assises de l'outre-mer. Ils incarnent la dynamique voulue et impulsée à cette occasion. Priorité a été donnée aux équipements publics, au développement économique et social, à l'emploi ou encore à la préservation de l'environnement.

Pour cela, la mission s'appuie sur deux programmes, l'un entièrement consacré à l'emploi, l'autre plus largement dédié à l'amélioration des conditions de vie outre-mer. Je n'irai pas plus loin dans le détail des actions que vous avez présentées, madame la ministre, monsieur le rapporteur pour avis. Je souhaite néanmoins revenir sur quelques points spécifiques qui ont trait à trois sujets qui me semblent être des problématiques cruciales pour le développement des territoires ultramarins : l'économie, l'emploi et l'éducation.

Tout d'abord, l'augmentation significative du budget destiné aux territoires ultramarins résulte de deux leviers. D'une part, vous l'avez rappelé, il y a la TVA NPR, dont la suppression va permettre de réorienter environ 100 millions d'euros, chaque année, vers le développement économique des outre-mer. D'autre part, il y a la refonte de l'impôt sur le revenu, qui devrait rapporter 70 millions d'euros, lesquels seront – nous l'espérons car nombre de collègues ont manifesté leur désaccord sur ce sujet – redistribués au bénéfice du plus grand nombre pour encourager l'économie locale et la création d'infrastructures.

Ensuite, je veux insister sur l'augmentation de 300 millions d'euros destinée au financement de la baisse des charges pesant sur les entreprises. C'est, vous l'avez rappelé, une mesure capitale car elle encourage, indirectement, la création d'emplois, essentielle dans les territoires ultramarins qui souffrent d'un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale.

Enfin, je crois qu'il est important de relever le passage de 40 à 110 millions d'euros de l'enveloppe allouée au Fonds exceptionnel d'investissement (FEI), qui servira à accompagner la construction de nouveaux établissements scolaires et à renforcer les équipements structurants, essentiels pour ces territoires.

Ces trois avancées traduisent la volonté du Gouvernement de poursuivre sa politique de soutien à l'égard des outre-mer. Toutefois, dans le prolongement des craintes exprimées lors de différents débats en séance et en commission par mes collègues Justine Benin et Max Mathiasin, nous saluons votre annonce, madame la ministre, concernant le rétablissement transitoire des aides à l'accession à la propriété pour l'année 2019, et la mise en place d'un nouveau dispositif à partir de 2020. Nous souhaitons qu'il soit élaboré en concertation avec l'ensemble des députés et des acteurs économiques locaux.

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La présentation du Livre bleu, en juin dernier, a suscité de vifs espoirs. Il en va de même du discours du Président de la République qui a affirmé nourrir pour ces territoires des outre-mer une « ambition nouvelle » à laquelle notre groupe adhère. L'objectif de ce projet de loi de finances, qui est en fait le premier vrai budget de cette majorité, est de vérifier si nous sommes au rendez-vous de ces ambitions. Bien entendu, tout ne peut être réglé en un an, mais il était important pour nous de voir comment serait construit ce nouveau budget.

Je rappelle, en saluant l'excellent rapport de M. Philippe Dunoyer, que nous traitons dans cette mission de 2 milliards d'euros seulement sur les 18 milliards déployés par l'État dans nos territoires. Il me semble que les budgets accordés aux outre-mer doivent faire l'objet d'une étude particulière à l'Assemblée nationale, car les autres missions – éducation, santé, etc. – disposent du même temps pour traiter d'un seul domaine.

S'agissant des aspects dont nous sommes saisis aujourd'hui, c'est-à-dire les conditions de vie et l'emploi, sommes-nous au rendez-vous ? Je ne reviendrai pas sur le débat de fond qui nous a occupés jeudi, madame la ministre. Nous avons pris position par solidarité avec les DROM, qui n'ont guère apprécié le redéploiement des crédits dégagés par les deux mesures en question. Je comprends leurs inquiétudes et je suis rassurée d'apprendre que vous poursuivez les discussions. Il est fondamental que nous puissions nous inscrire dans une relation de confiance pour reconstruire le modèle économique de nos territoires. Je suis d'accord avec vous : il faut passer de la logique de guichet à la logique de projets. Nous en sommes tous d'accord.

Les moyens déployés sont-ils les bons ? Je ne referai pas le débat mais je ne suis pas persuadée que remanier les crédits en interne soit la meilleure réponse. Nous aurions souhaité un effort exceptionnel supplémentaire, financé sur les crédits nationaux, pour répondre au diagnostic et à l'ambition. En effet, il ne s'agit pas d'une hausse de 20 % à périmètre constant : à périmètre constant, les crédits sont seulement stabilisés. Je vous félicite cependant pour les avoir au moins maintenu.

En ce qui nous concerne, nous sommes favorables à l'idée de renforcer les moyens accordés aux grands projets. Mes questions concerneront trois domaines : l'économie, l'environnement et la formation.

Concernant l'économie, comment sera déployé le FEI ? On ne passe pas si facilement de 40 à 110 millions d'euros dans une programmation ! Pouvez-vous nous donner un peu plus d'informations sur les grandes masses ? Par ailleurs, je rejoins l'idée d'associer les collectivités au déploiement de ces nouveaux crédits.

S'agissant plus particulièrement de l'aide à l'investissement, nous demandons qu'une part des crédits soient priorisés en direction des collectivités d'outre-mer (COM) en faveur de la réhabilitation et que leur emploi soit décidé de façon décentralisée. Nous avons plaidé pour l'extension des aides à la construction de bateaux de croisière et déposé un amendement visant à soutenir l'audiovisuel et la création cinématographique.

Dans le domaine environnemental, j'ai noté 15 millions d'euros pour le Fonds Vert, soit 7 millions d'euros de moins qu'en 2018. Pouvez-vous nous faire un bilan de l'utilisation du fonds en 2018 et nous donner les orientations pour 2019 ?

En matière de formation, nous avons insisté, madame la ministre, sur la mobilité de notre jeunesse, un sujet qui vous tient à coeur. Nous vivons loin de l'Europe et nous avons besoin d'aider les jeunes à se déplacer. J'en profite pour demander l'application du principe de continuité territoriale aux aides à la formation continue de nos salariés.

En conclusion, nous sommes globalement favorables à ce PLF, mais nous attendons d'être rassurés quant au redéploiement des crédits supprimés jeudi dernier.

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Madame la ministre, je suis très ennuyé, car si nous partageons quelques idées, nous nous opposons sur d'autres. Je suis très heureux que vous ayez pensé à construire une nouvelle émancipation économique. Cette volonté est claire, notamment par la mise en place d'une vision globale, avec des filières. En revanche, contrairement à Mme Maina Sage, je ne pense pas que vous soyez passée d'une logique de guichet à une logique de projets. En rapatriant les fonds de la TVA NPR, qui avait pour elle une dynamique de liberté d'utilisation, une dynamique de progrès sur le plan local, vous recentralisez le produit de cette taxe, de l'ordre de 100 millions. La méthode employée va à l'encontre de l'air du temps, puisque c'est de Paris que vous allez décider de l'attribution des subventions, à partir du FEI. Par ailleurs, très honnêtement, je ne suis pas du tout d'accord avec votre analyse sur la question de l'abattement. Nous savons pertinemment que cette décision concernera bien plus de 4 % de personnes : selon nous, 20 % de personnes seront touchées.

Je regrette la fermeté de cette décision à l'image de votre majorité, notamment quand, à cinq heures du matin, elle revient sur un amendement voté sur l'article 199 undecies C du code général des impôts qui aurait permis de continuer la défiscalisation, à la fois dans le secteur public et privé. La majorité sait pourtant bien que le secteur privé ne peut avoir accès aux crédits d'impôt de la même manière que le secteur public – notamment pour le préfinancement des opérations et la réhabilitation. Vous avez même poussé l'audace jusqu'à comparer cet article 199 undecies C à l'APL-accession. Cela n'a rien à voir ! Souvenez-vous du combat que nous avons mené pour le rétablissement de l'APL-accession : il nous avait été radicalement refusé et parce que nous avons protesté, parce que Mme Huguette Bello a fait plusieurs interventions brillantes dans l'hémicycle, vous revenez un an plus tard sur votre décision. Mais pour combien de temps l'avez-vous rétablie ? Pour quelques semaines ? Un an ? Éternellement ? Nous souhaitons qu'elle soit pérennisée car elle permet l'accession des plus pauvres à la propriété. Cette suppression a été extrêmement douloureuse.

S'agissant de la comptabilité, alors que votre budget augmente de quelque 6 millions d'euros, vous rapatriez plus de 370 millions d'euros : 100 millions plus 70 millions, plus 200 millions au titre de la défiscalisation du logement social dont vous dites qu'ils ne sont pas utilisés mais qui sont dans le budget. Il y a tout de même une grosse différence entre 6 millions d'euros et 370 millions d'euros ! Où se trouve l'argent ?

Je partage votre ambition de changer de modèle, mais vous avez employé, dans l'hémicycle, le terme « disruptif », dans lequel il y a rupture. Or quand il y a une rupture, il y a aussi naissance. Il serait donc intéressant de savoir ce que vous voulez faire naître. Par ailleurs, je ne vois pas la sanctuarisation. Dans quelque temps, vous serez, vous ou quelqu'un d'autre, en face d'une réalité budgétaire : les 170 millions d'euros deviendront 2 millions d'euros.

Ce que j'ai trouvé très douloureux, c'est d'opposer les outre-mer entre eux, même s'il y a une différenciation à mettre en oeuvre dans la politique de développement économique.

Madame la ministre, si je me réjouis que vous soyez sur la ligne d'un éventuel nouveau modèle économique qui nous permette de sortir des importations massives et de construire un progrès mieux partagé, je suis attristé par la brutalité des décisions prises, notamment celle consistant à profiter de la nuit pour abîmer un amendement de notre groupe, qui avait créé beaucoup d'espoir dans les outre-mer.

Je vous demande d'être très vigilante s'agissant des exonérations, afin d'éviter que les entreprises rencontrent des difficultés.

Enfin, vous aviez prévu une aide pour l'audiovisuel, visant en particulier les petites télévisions. Nous en avions, par amendement, voté le principe. Or, vos services nous disent qu'elle n'est pas mise en place ; pourriez-vous faire respecter la loi ?

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Madame la ministre, je ferai tout d'abord trois remarques. La première porte sur la prétendue augmentation de la mission « Outre-mer ». Tant que les graphiques de présentation restaient muets, nous n'avons rien dit. Mais voici que, depuis la semaine dernière, le ministre de l'action et des comptes publics s'est lancé dans des démonstrations en vue de faire croire que les outre-mer échappaient à la rigueur budgétaire et que seul leur budget était à ce point privilégié. Écoutons M. Darmanin dire, le 18 octobre dans l'hémicycle : « Nous nous engageons à ne pas diminuer les crédits des outre-mer, ils augmentent même de 20 %, passant de 2 milliards d'euros à 2,4 milliards d'euros, soit une augmentation de 400 millions d'euros... […] Ces 400 millions d'euros, obtenus par Mme Girardin, représentent la plus importante augmentation des crédits des outre-mer… » Et le même M. Darmanin d'ajouter, plus loin : « J'ignore quel autre ministère voit ses crédits augmenter de 20 % dans le PLF ; il n'y en a aucun… »

Qui le ministre veut-il tromper ? Et pourquoi vouloir ainsi jeter la confusion dans les esprits ? Nous savons tous, ici, que ces 400 millions ne sont que des redéploiements issus de trois réformes concernant l'abattement de l'impôt sur le revenu, la suppression de notre TVA NPR et celle de la défiscalisation qui finance le logement social. Bref, il s'agit, si j'ose dire, d'un simple rapatriement budgétaire, en aucun cas d'une augmentation réelle au bénéfice de nos territoires. Cette réalité-là, le Gouvernement et sa majorité doivent l'assumer, en toute transparence et en toute responsabilité.

Ma deuxième remarque concerne le grand retour de la thématique de la solidarité nationale, qui procède de la même logique que le montage précédent. Ce que le Gouvernement appelle solidarité nationale, c'est tout simplement la présence de l'État dans les territoires de la République. Que les outre-mer soient plus éloignés géographiquement, qu'ils soient plus fragiles, qu'ils soient plus pauvres, qu'ils souffrent de grands retards ne change rien à l'affaire. Si l'on évoque la solidarité nationale, il faut immédiatement évoquer Kourou et le centre spatial, le domaine maritime, la biodiversité, tant d'autres choses et même, hélas, les essais nucléaires. Mais raisonner de la sorte relève davantage de la logique des comptabilités des multinationales que des fondements de la République française.

Ma troisième remarque est d'ordre méthodologique. Le Gouvernement a fait le choix d'une consultation citoyenne directe à travers les Assises, synthétisée dans le Livre bleu. Vous y puisez, madame la ministre, la légitimité de vos décisions. Tout cela n'appelle aucune remarque de notre part. Les difficultés surgissent et surgiront de plus en plus puisque, désormais, rien ne paraît opposable au Livre bleu. C'est oublier un peu vite que ce que les Assises ont permis pendant huit mois, les parlementaires, eux, le vivent quotidiennement : nous sommes en dialogue constant avec nos concitoyens dans nos permanences. Les Assises, pour nous, c'est tous les jours ! Les limites de cette approche « disruptive » sont apparues dès la semaine dernière, quand, de manière inédite, des mesures concernant exclusivement les outre-mer ont été adoptées malgré l'opposition unanime des députés ultramarins. Nous avons été interpellés en urgence par le monde économique sur les risques que la réforme des exonérations de cotisations sociales fait peser sur l'emploi et sur les stratégies de spécialisation, dans les secteurs à forte valeure ajoutée. Le petit charpentier des Hauts de La Réunion, celui que vous avez peut-être entendu, s'inquiète de la suppression des zones de revitalisation rurale (ZRR).

J'en viens à présent au budget lui-même, et plus précisément à deux lignes. Les crédits pour le logement ne retrouvent pas leur niveau d'il y a deux ans en autorisations d'engagement et continuent de diminuer en crédits de paiement : moins 4 millions d'euros. La sanctuarisation de la ligne budgétaire unique (LBU) est-elle définitivement abandonnée ? Ce montant intègre-t-il le premier acompte de 20 millions d'euros issu de la cession des parts de l'État au sein des sociétés immobilières d'outre-mer (SIDOM) ? Vous nous annoncez maintenant, concernant l'APL-accession, une décision que vous-même jugiez impossible l'an dernier ; nous sommes fondés à nous demander quelles seront les modalités précises.

S'agissant des crédits de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), et en particulier de ceux qui sont prévus pour la formation professionnelle et la mobilité, la forte diminution de 13 % subie l'an dernier n'est pas remise en cause, alors même qu'une nouvelle action est lancée en faveur de Mayotte. Nous parlons ici de jeunesse, de formation, d'où notre vigilance, notre inquiétude.

Pour terminer, je rappelle simplement l'étude réalisée en 2012 par l'Agence française de développement (AFD), selon laquelle le niveau actuel de développement de La Réunion accuse un retard de vingt-cinq ans par rapport à la France continentale et se situe tout juste devant celui de la Guyane. Ce constat est toujours d'actualité.

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Je crains d'avoir moins de verve que les orateurs précédents… (Sourires.) Il y a un grand changement dans ce budget, et dès lors qu'il y a changement, une forme d'inquiétude se dégage. Pour autant, le fait que l'augmentation de 22 % soit due essentiellement à une évolution du périmètre n'est pas caché par le Gouvernement. Il suffit de se reporter à la page 8 du Livre bleu pour constater que l'augmentation est réelle : à périmètre constant, on observe une hausse des crédits d'une dizaine de millions d'euros par rapport à 2018.

On reproche souvent à ce gouvernement de s'inspirer de la théorie du « ruissellement » selon laquelle faire gagner plus aux plus riches bénéficierait in fine aux plus pauvres, grâce au surcroît de consommation que cela entraînerait. Or, la réforme de l'impôt sur le revenu outre-mer, c'est justement le contraire, puisqu'il s'agit de réorienter le surcroît d'impôt vers davantage d'action et d'investissement publics, ce qui permettra aux collectivités locales de se développer.

S'agissant de la TVA NPR, je veux bien qu'on dise que cela marchait très bien, mais en matière de transparence et de fonctionnement, c'est tout de même un peu spécial : elle est estimée forfaitairement à 100 millions d'euros depuis 2010 ! Je ne connais pas beaucoup de recettes fiscales comptabilisées de la sorte... Là encore, le changement proposé vise à orienter vers un vrai développement des territoires l'argent que la Nation leur consacre au nom de la solidarité : le FEI passera de 40 à 110 millions d'euros, les convention avec les collectivités locales seront abondées de 23 millions d'euros.

Je veux saluer les efforts réalisés en faveur de la mobilité, avec le renforcement de LADOM et l'extension du SMA – un outil important en faveur des jeunes de ces territoires.

Quant à l'APL-accession, il ne faut pas oublier qu'elle peut aussi servir à la réhabilitation, et pas seulement à l'accession proprement dite. Elle répond à la proccupation de notre collègue Olivier Serva s'agissant du logement des plus démunis. De manière générale, nous devrions nous inspirer de la bataille que Mme la ministre a remportée s'agissant de l'APL-accession. Je souligne également l'effort important et continu du Gouvernement en matière de lutte contre l'habitat indigne.

Si ce budget présente des acquis forts, il comporte aussi des sujets d'inquiétude. Nous devons évidemment y être attentifs. Madame la ministre, nous vous demandons de confirmer l' effort de transparence annoncé en matière d'affectation des crédits du FEI et de copilotage par les territoires et les collectivités ; c'est une demande qui me paraît fondamentale.

Enfin, le Président de la République s'est rendu à Saint-Martin pour signifier une forme d'exigence de l'État par rapport à ce qui se passe outre-mer. C'est la nation entière qui est préoccupée. Le Gouvernement consent un effort soutenu qui ne se dément pas dans ce budget. La réforme que nous engageons aujourd'hui tend à une action publique plus efficace.

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Madame la ministre, je ferai bref. Votre budget a clairement évoqué Wallis-et-Futuna comme un territoire pour lequel la formation professionnelle est une impérieuse nécessité. Je souhaite que vous m'indiquiez dans quelles conditions les jeunes de Wallis-et-Futuna pourront bénéficier du service militaire adapté (SMA). Mon prédécesseur avait insisté sur le besoin ; je ne peux que faire de même. Nos jeunes doivent avoir leur place, au minimum dans le site de Nouvelle-Calédonie. Cette structure pour laquelle vous nourrissez de grands projets aura-t-elle les moyens de vos ambitions ?

S'agissant de la desserte aérienne, une nouvelle délégation de service public a été signée. Elle l'a été dans la précipitation et sans véritable vision prospective. J'habite Futuna et, la semaine dernière, j'ai été bloqué quatre jours sans pouvoir rentrer chez moi. Que comptez-vous faire, Madame la ministre, pour que les moyens soient adaptés aux besoins ?

Les autres points dont je souhaitais parler ayant déjà été évoqués, j'en resterai là.

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

Concernant le FEI, la transparence sera totale. Vous souhaitez un copilotage avec les territoires, mais tous les projets proviennent du terrain après négociation avec le préfet. Actuellement, cinq projets remontent par territoire ; nous en finançons quatre. C'est un système que vous n'avez jamais contesté. Je ne comprends donc pas ce que vous voulez dire : c'est bien une logique de projets puisqu'ils sont proposés par les collectivités. Rien n'est retenu qui n'émane d'une collectivité.

Comme vous, j'aimerais qu'un jour une somme globale soit allouée à chaque territoire, les priorités étant définies par le Livre bleu. Oui, le Livre bleu a une légitimité puisque ce sont les collectivités et les citoyens qui demandent un effort pour les réseaux d'assainissement, la construction d'écoles, de structures sportives, d'équipements culturels. Il n'existe aucun autre bénéficiaire du FEI que les collectivités.

Ne pourrait-on, me demandez-vous, mettre en place un FEI « entreprises » ? Il s'agit d'une réflexion à mener ensemble.

S'agissant de la TVA NPR, votre argument a été de dire que les territoires disposaient d'une certaine liberté par rapport à cet argent. Quelle liberté ? Ces crédits étaient alloués automatiquement à des entreprises pour financer environ 80 000 produits. Aujourd'hui, nous voulons une dynamique qui soit fonction, non de produits, mais de filières – filières que je ne choisirai pas seule depuis Paris, mais qui seront portées par les territoires.

Qu'entendons-nous par « accompagner une entreprise » ? L'accompagner lors de sa création, dans son développement, lors d'une transmission. Ce sont tous ces outils que nous allons mettre en place, des outils plus démocratiques, me semble-t-il, que la TVA NPR qui « tombait » en partie là où ce n'était pas vraiment utile. Pour la création, nous allons nous appuyer sur le micro-crédit, sur le plan de développement des DOM (PDDOM) révisé, sur le capital-risque ; pour le développement, nous allons lancer des appels à projets sectoriels ; pour les transmissions, il faut que nous arrivions à structurer le capital développement. Bien entendu, je suis favorable à ce que l'on aille plus loin en donnant la possibilité aux territoires de se saisir de ces outils. J'ai commencé à en discuter avec les collectivités concernées.

Je souhaite pouvoir, avant la fin du quinquennat, présenter devant vous, dans le cadre du budget, l'ensemble du document de politique transversale. J'estime qu'il appartient à la ministre des outre-mer de s'expliquer sur l'ensemble des crédits destinés aux outre-mer. Une réorganisation est en cours, ministère par ministère, chaque ministre devant formuler des propositions. Je me suis souvent nourrie de vos propos : je réfléchirai à une évolution vers cette possibilité mais il est important que nous le fassions ensemble.

Si les engagements que nous prenons pour les outre-mer ne sont pas à la hauteur des retards qu'ils connaissent, on ne peut cependant pas accuser l'État, la France, de ne pas faire preuve de solidarité. Ce sont, par exemple, 134 millions d'euros qui sont redistribués pour compenser la baisse de la taxe d'habitation. En outre, 2,1 milliards d'euros supplémentaires sont alloués, pour les quatre ans qui viennent et dans des périmètres élargis, aux contrats de convergence et de transformation (CCT). De même, plus de 700 millions d'euros seront consacrés à la formation des jeunes ultramarins sur l'ensemble du quinquennat. Concernant la santé, 50 % de l'enveloppe nationale annuelle est attribuée aux hôpitaux ultramarins – et c'est normal, nous en avons besoin. Vous ne pouvez pas dire que la solidarité n'est pas là. Autre exemple, la tarification de l'énergie : 1,3 milliard d'euros sont consacrés à faire baisser le coût de l'électricité outre-mer.

Nous aimerions tous aller beaucoup plus vite pour remettre nos territoires à niveau, notamment en ce qui concerne les investissements structurants. C'est justement ce que j'essaie de faire avec le FEI en m'assurant de l'efficacité des investissements – un euro investi doit être deux fois plus efficace qu'un euro de dépense fiscale.

Concernant le logement, il faut rappeler que 13 % du parc est insalubre et que 80 % de la population est éligible à un logement social.

Le projet de loi de finances comporte un certain nombre d'autres avancées. Il y a l'extension, dans les COM, de l'aide à la réhabilitation aux parcs des bailleurs sociaux. Il y a aussi l'allongement de six à douze mois du délai de mise en location des logements pour bénéficier de l'aide fiscale. Il y aura, grâce à des amendements à venir, l'anticipation du versement du crédit d'impôt dès l'achèvement des fondations ainsi que le relèvement des quotas de prêts locatifs sociaux (PLS) qui permettra de construire davantage de logements étudiants, notamment à La Réunion. Je citerai encore le maintien à 225 millions d'euros en autorisations d'engagement de la ligne budgétaire unique (LBU) – malgré une baisse des crédits de paiement, mais c'est une autre question. Il y a enfin le produit des cessions des SIDOM, à savoir 19 millions d'euros comme vous le verrez lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative.

S'agissant de l'accession à la propriété et l'aide à la rénovation de l'habitat privé, 17 millions d'euros sont inscrits dans la mission « Cohésion des territoires ». Nous allons financer l'ensemble des dossiers restés bloqués du fait de la suppression de l'APL-accession pour 2018, et mettre en place un nouveau système dont nous discuterons une fois rendues les conclusions du groupe de travail.

En ce qui concerne spécifiquement la rénovation de l'habitat privé, le rétablissement de l'article 199 undecies C n'est pas la solution. Je n'aime pas plus que vous, monsieur Letchimy, les annulations en fin de parcours : je les ai moi aussi contestées quand j'étais parlementaire. J'ai regretté de ne pas être présente ce jour-là dans l'hémicycle pour en débattre avec vous, mais huit dossiers seulement sont à traiter cette année – d'ailleurs déposés par le même monteur en défiscalisation. J'ajoute qu'il existe un risque de redressement pour tous ceux qui utilisent ce dispositif ; cela m'inquiète car, sous peu, certains vont regretter de l'avoir utilisé. Nous devons donc faire autrement. Actuellement, sur les 200 millions d'euros, seuls 10 millions sont consacrés aux DROM et tout le reste va aux COM. Et si vous pensez que mes chiffres sont faux, nous allons nous asseoir avec les services concernés et éplucher les documents, car je déteste que l'on mette ma franchise en doute.

Par ailleurs, je n'ai pas affirmé que le rétablissement de l'APL-accession allait tout résoudre. J'ai dit que le nouveau dispositif qui prendra la suite de l'APL-accession répondrait aux problèmes des propriétaires…

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Les petites entreprises auront le temps de faire faillite !

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

Non, puisque l'APL-accession est rétablie pour 2019. Vous pouvez effectivement me reprocher d'appartenir au Gouvernement qui l'a supprimée, mais vous pouvez aussi dire que nous nous sommes tous battus – vous les premiers – pour la récupérer et pour que les dossiers restants soient pris en compte.

Le nouvel outil, juridiquement plus fiable et qui existera à partir de 2020, sera abondé de 17 millions d'euros. Nous ferons le point ensemble, comme je l'ai dit, pour nous assurer de la véracité des chiffres. Nous travaillerons aussi sur la réhabilitation des immeubles de propriétaires occupants modestes.

Le Fonds Vert a été créé dans la double perspective de l'adaptation au changement climatique et de son atténuation. Il était initialement réservé aux collectivités du Pacifique mais j'ai voulu l'étendre à l'ensemble des territoires. En 2017, 17 projets ont été financés pour un montant de 60 millions d'euros. En 2018, il a été élargi à tous et 36 millions d'euros ont été distribués sous la forme de prêts bonifiés. Au total, 98,3 % des crédits ont été consommés. Par ailleurs, 4 millions d'euros en autorisations d'engagement ont été ajoutés pour l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, le montage des dossiers étant très complexe. Nous avons pu, grâce à ce fonds, progresser pour ce qui est des abris anticycloniques, cruciaux en Polynésie, mais il n'a pas été possible de financer la totalité des abris programmés ; c'est une question que nous devons étudier ensemble. Pour l'avenir, je souhaite accentuer notre effort en matière d'accompagnement du dérèglement climatique ; l'instrument Fonds Vert doit être renforcé. Je proposerai que nous ayons, cette année, une vraie réflexion en collaboration avec le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Concernant les croisières, il existe un fort potentiel. Nous en sommes tous d'accord. Nous devons cependant fixer des limites : je suis favorable à ce que seuls les navires ayant vocation à effectuer des croisières dans nos eaux bénéficient de la défiscalisation, car j'ai été témoin de la disparition soudaine d'un navire défiscalisé deux jours avant ! Ils devront naviguer dans nos eaux sous un pavillon qui ne soit pas de complaisance, compter au maximum 300 cabines – soit environ 600 passagers – et faire travailler les entreprises locales pour la maintenance et le ravitaillement.

Pour ce qui est de l'audiovisuel, nous rétablissons les exonérations. Un amendement relatif à la défiscalisation, que j'appuierai, sera discuté en nouvelle lecture avec le rapporteur général. Quant à l'aide qui aurait été promise avant mon arrivée, monsieur Letchimy, je n'en ai jamais entendu parler ; nous ferons donc des fouilles au ministère. Mme Éricka Bareigts pourra nous indiquer ce qui a été décidé.

Enfin, s'agissant de Wallis-et-Futuna, nous devons réserver aux jeunes du territoire un certain nombre des 80 places en service militaire adapté (SMA) annoncées. J'ai évoqué il y a quelques jours, avec les élus du territoire, la question des transports. J'espère pouvoir vous apporter des réponses et tenir mon engagement d'un déplacement dans l'archipel avant la fin de l'année.

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Madame la ministre, vous avez insisté sur le fait que le budget des outre-mer avait pour objectif de donner aux territoires la capacité de se développer. Or, après étude de ce projet de loi de finances, je constate que Saint-Martin se trouve au rang des oubliés. En effet, je m'étonne de ne lire aucune traduction des engagements forts pris par le chef de l'État lors de son déplacement sur l'île le mois dernier.

Toutes les avancées proposées dans le cadre de l'examen de la première partie du projet de loi de finances ont été rejetées sans même faire l'objet d'un quelconque débat. Je prends pour seul exemple la rénovation hôtelière. L'économie de Saint-Martin repose essentiellement sur le tourisme : si nous ne soutenons pas les acteurs de ce secteur prioritaire, à une crise économique s'ajoutera une crise sociale.

Madame la ministre, pensez-vous vraiment que, si la situation de la collectivité de Saint-Martin n'est pas prise en compte dans votre budget, elle pourra faire face à l'avenir ?

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Madame la ministre, je vous ai écoutée avec beaucoup d'intérêt. Ce n'est pas la première fois que vous défendez l'idée de la co-construction et de la transformation. Malheureusement, je ne les trouve jamais au rendez-vous.

Je ne reviendrai pas sur l'épisode de Mayotte, où on nous a parlé de co-construction alors que les mêmes erreurs sont toujours commises : l'État, avec ses gros sabots, nous explique ce qui est bon pour Mayotte. Aujourd'hui, vous nous dites, à juste titre, que nous nous trouvons face à un échec collectif. Je ne m'attarderai pas non plus sur les sujets qui ont déjà été abordés, si ce n'est pour saluer la pertinence des interventions de mes collègues.

Vous ne pouvez pas venir exposer un budget et faire comme si de rien n'était. Vous avez parlé d'infrastructures à Mayotte, mais vous ne parlez pas des pistes longues, de l'aéroport, des paramétrages des services publics. Madame la présidente, vous avez fait le déplacement : vous connaissez le désastre que subit Mayotte. Plus de 60 % de la population a moins de 20 ans ; le chômage est aux alentours de 35 % ; nous ne disposons d'aucune structure de formation. Vous nous parlez de solidarité nationale, de RSA, mais si votre effort portait sur le développement des structures, je n'aurais pas à le demander !

Nous aurions aimé vous entendre, ce soir, sur le développement des infrastructures, du sport et de l'emploi. Comment allez-vous financer ces priorités, nécessaires pour une paix sociale durable à Mayotte ?

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Madame la ministre, vous avez fait de nombreuses annonces que j'accueille avec joie : l'augmentation du budget et le rétablissement transitoire de l'APL-accession, pour laquelle nous avons plaidé durant douze mois. Mais, vous l'avez dit, il n'est que transitoire ; comment allez-vous le rendre pérenne ? Les spécificités de nos territoires justifient un accompagnement renforcé de l'État et la mise en place de dispositifs adaptés.

Nous avons eu à discuter longuement sur la réduction du plafond de l'abattement de 30 %. Elle a finalement été adoptée alors que nombre de collègues et moi-même avions demandé la suppression de l'article 4. Je souhaite résolument que vous puissiez me rassurer, d'une part sur la destination du Fonds exceptionnel d'investissement dont aucune décision budgétaire ultérieure ne devra diminuer le montant, d'autre part sur la création d'une instance propre à garantir une gestion efficace de cet argent ainsi que la représentation de nos collectivités.

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Je souhaitais, madame la ministre, vous poser deux questions sur les exonérations de cotisations patronales, dont une sur la réintégration de la presse dans le dispositif – une attente forte à La Réunion. Mais vous y avez déjà répondu. Les inquiétudes des acteurs économiques sont vives, car le dispositif actuel – excluant – met à mal le tissu économique, nos TPE et PME en particulier. Nous attendons les propositions que vous allez faire devant le Sénat.

Il me faut revenir aussi, j'en suis désolée, sur l'APL-accession. Si j'ai bien compris, vous confirmez le retour de l'ancien dispositif en 2019 et réfléchissez à un nouveau système pérenne mis en place en 2020 ? Est-ce bien cela ?

Concernant la taxe sur le rhum, je suis bouleversée par le recul que constitue son étalement sur dix ans, tant l'alcoolisme détruit nos familles. Les violences faites aux femmes sont terribles. Le colonel de la gendarmerie me disait la semaine dernière que ce fléau ne reculait pas. Or, l'une des raisons en est la consommation abusive d'alcool. Proposer un étalement sur dix ans serait un très mauvais signal. Il faut faire preuve de courage ; je vous en conjure, madame la ministre, ne revenez pas dessus !

Enfin, j'ai déposé deux amendements proposant la création d'un fonds destiné à financer la lutte contre les addictions outre-mer. Ils n'ont pas été déclarés recevables, ce que je regrette. Je les redéposerai.

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Madame la ministre, avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à m'émouvoir de l'absence du document de politique transversale (DPT) chiffrant l'ensemble des efforts de l'État en direction de nos territoires respectifs. C'est bien la première fois, en sept exercices budgétaires, que cela nous arrive. Or, ce document permet de vérifier la traduction financière des engagements de l'État ; cette année, pour la première fois, nous ne pourrons pas opérer notre travail de contrôle. Le ministre de l'action et des comptes publics aurait des choses à cacher qu'il ne s'y prendrait pas autrement.

Cette observation faite, je souhaite obtenir des précisions sur la « ligne budgétaire unique » (LBU) qui finance le logement social outre-mer. Compte tenu de vos annonces, je prendrai le temps de mener quelques recherches pour être plus à même de comprendre comment évolue cette LBU, notamment en Guyane, car certaines informations me plongent dans une profonde perplexité.

Par ailleurs, lorsque j'interroge le ministre de l'action et des comptes publics, c'est vous qui êtes chargée de m'apporter les éléments de réponse. Je vais donc profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour vous poser quelques questions que vous pourrez lui transmettre…

Je voudrais savoir ce que coûte et ce que rapporte le spatial au territoire de la Guyane ; ce que coûte et ce que rapporte la recherche sur la biodiversité ; ce que coûte et ce que rapporte la forêt amazonienne qui fonctionne comme un puits de carbone ; ce que coûte et ce que rapporte la zone maritime de Guyane qui, avec l'appui des autres territoires, permet à la France de disposer de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) du monde. Je veux ainsi souligner que nous contribuons énormément à la puissance internationale de la France et que nous n'accepterons plus certaines remarques émanant de Bercy qui cherchent à nous donner le sentiment que nous pratiquons la politique de la main tendue. Nous ne réclamons, à travers les différentes interventions de mes collègues, que compréhension et respect. Il serait de bon ton que le ministre de l'action et des comptes publics comprenne les questions que nous portons.

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Deux annonces importantes ont été faites aujourd'hui. Il y a le rétablissement de l'APL-accession qui concernerait 1 000 projets – chiffre à préciser. Je n'ai pas compris si le dispositif serait pérenne. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si de nouvelles demandes pourront être engagées au cours de l'année 2019, en attendant le prochain dispositif ?

L'industrie du rhum est très importante dans certains territoires, où elle génère beaucoup d'emplois. Je ne peux donc que soutenir votre décision, qui n'est pas une annulation du dispositif de taxation mais une préparation des producteurs à l'augmentation prévue. Je suis très sensible également aux ravages que provoque l'alcool, mais je ne suis pas certaine que le rhum en soit la première cause.

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Je voudrais tout d'abord, madame la ministre, vous remercier pour le rétablissement de l'APL-accession. Vous allez traiter les 1 000 projets restés en suspens, est-ce à dire qu'il n'y en aura pas d'autres en 2018 ? Repartirons-nous en 2019 sur un nouveau quota ? Ou faudra-t-il attendre 2020 ?

Par ailleurs, nous avons la même préoccupation que vous : comment parvenir à développer des activités sur nos territoires ? C'est bien tout ce qui nous importe aujourd'hui. Il faut réduire le taux de chômage à défaut de le faire disparaître.

Pourquoi ne pas autoriser les territoires ultramarins, notamment La Réunion – c'est l'objet d'un amendement que je défends –, à expérimenter un impôt sur les sociétés favorable à la création d'activité ? Nous ne quémandons rien. Entendre parler systématiquement de solidarité me dérange : nous sommes des territoires français et il n'y a pas plus à évoquer la solidarité nationale pour nos territoires que pour n'importe quelle autre région. Nous demandons simplement la possibilité de favoriser notre développement économique.

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

Concernant Saint-Martin, madame Guion-Firmin, la solidarité est au rendez-vous, tout comme les 500 millions d'euros annoncés. Vous ne pouvez pas dire que Saint-Martin compte au rang des oubliés ; ce n'est pas vrai. Vous pouvez estimer que les choses ne vont pas assez vite. Mais, croyez-moi, je ne manque pas de signaler les retards observés sur le terrain puisque je m'y rends régulièrement. L'Etat, je le rappelle, a décidé de prendre à sa charge 56 millions d'euros de fiscalité afin que les entreprises et la population puissent passer l'année sans difficulté supplémentaire.

La rénovation hôtelière s'étalera jusqu'en 2025. Le fisc étudiera les projets de Saint-Martin en priorité. Vous n'êtes pas oubliés. La mobilisation a été sans faille dans la reconstruction du territoire. Nous aurions voulu, bien sûr, aller plus vite ; j'aurais aimé que les matériaux arrivent plus vite, que toutes les entreprises qui souhaitaient venir sur place participer le puissent, mais cela n'a pas été le cas. Il est vrai aussi que nous ne sommes vraiment opérationnels, pour la reconstruction, que depuis six mois. Mais nous sommes là ; l'État était au rendez-vous. Quand il s'agit d'un territoire à la fois insulaire et divisé en deux, quand le port se trouve de l'autre côté de la frontière, quand la situation est aussi dramatique, on peut comprendre que cela prenne plus de temps qu'ailleurs. Si nous avions voulu reconstruire à l'identique les bâtiments édifiés illégalement, ce serait peut-être déjà fini. Mais ce n'est pas notre choix. Nous avons voulu reconstruire autrement car c'est mettre en danger la vie des habitants que de les loger dans des maisons qui peuvent être facilement submergées par une vague ou détruites par les éléments.

Enfin, n'oublions pas que les soutiens prévus pour Saint-Martin sont répartis entre les budgets des différents ministères et ne figurent pas tous dans la mission « Outre-mer ». La visite du Président de la République a rappelé l'importance de Saint-Martin – j'aurais tendance à dire comme tous les territoires – dans les politiques publiques. Je serai à Saint-Martin dans quelques mois et nous pourrons, à nouveau, Madame, constater ensemble les évolutions et le renforcement des services de l'État.

S'agissant de l'APL-accession, nous avons évalué à mille le nombre de dossiers à étudier – essentiellement à La Réunion. Ce ne sont pas des projets nouveaux. C'est pour les traiter que nous rétablissons le dispositif de manière transitoire. Les projets nouveaux seront soumis au nouveau dispositif mis en place dès 2020. Nous espérons aller vite : c'est à cette fin que 16 millions d'euros sont inscrits au titre de la mission « Logement ».

Concernant le plan pour Mayotte, l'État tient ses engagements, monsieur Kamardine. Le préfet délégué du Gouvernement a réuni, la semaine dernière, un deuxième comité de pilotage en présence des élus, qui ont tous pu constater que nous avançons au rythme prévu. Le site internet TransparenceMayotte – il y en aura un dans chaque territoire – est en ligne. Tous les citoyens peuvent donc suivre le plan pour Mayotte, faire des commentaires, contester. Ils peuvent aussi passer par les élus car, comme Mme Bello l'a justement rappelé, les parlementaires sont quotidiennement sur le terrain et font remonter les problématiques de leur territoire.

L'aéroport de Mayotte fait l'objet de la trente-septième mesure du plan. L'exploitant de l'aéroport procède en urgence aux aménagements indispensables pour un montant de 13 millions d'euros. Les travaux ont débuté en juin ; nous sommes dans les temps. L'État s'engage à poursuivre les études en vue du développement de l'aéroport, ce qui inclut la question de l'allongement de la piste. Nous en avons débattu hier encore avec la présidente de la commission des Lois, très sensibilisée au sujet.

Par ailleurs, nous avons besoin d'un complément d'information sur la desserte aérienne et les lignes susceptibles d'être créées, même si nous nous félicitons de la mise en place de vols de nuit depuis le 6 août dernier.

Je rappelle que le versement du RSA est repris intégralement par l'État, comme nous en avions pris l'engagement.

D'une manière générale, je suis régulièrement l'avancée des projets, qui ne sont pas financés uniquement, je le souligne, par le budget des outre-mer.

Monsieur Serville, si vous n'avez pas encore le document de politique transversale, c'est pour une raison simple : je suis la première à venir devant cette commission dans la période budgétaire. D'habitude, le budget des outre-mer est discuté plus tard et le document de politique transversale a déjà été distribué. Il est actuellement « sous presse » ; vous l'aurez bientôt. Ne voyez là aucune volonté de cacher quoi que ce soit.

La ligne budgétaire unique connaîtra une montée en charge progressive en Guyane. Elle atteindra, comme nous nous y sommes engagés dans le cadre du plan d'urgence, 60 millions d'euros en 2022.

Les exonérations de charges sociales figurent dans le PLFSS, que l'Assemblée nationale examine cette semaine. Nous traiterons aussi, dans ce cadre, des questions relatives à la presse, aux transports et à la Guyane. Parallèlement, nous ouvrons une concertation avec l'ensemble des entreprises et administrations concernées, de manière à discuter avec chacune d'elle de leurs problématiques. Si des modifications devaient être sollicitées, nous les étudierions devant le Sénat.

S'agissant du rhum, il est évident que les questions de prévention en matière de santé publique sont insuffisamment prises en compte outre-mer. Elles sont éligibles au fonds national mais il faut un outil spécifique, dont le principe figure dans le Livre bleu et qui sera créé par amendement. L'étalement sur dix ans de la montée en charge est justifié par l'importance de la hausse prévue : 600 % sur quatre ans, c'est beaucoup. Il nous reste à réfléchir pour alimenter ce fonds autrement et davantage. Je suis favorable à ce que nous en discutions ensemble ; il s'agit d'une priorité du Gouvernement. Nous devons trouver une solution sans mettre à mal ce secteur économique. Par ailleurs, la consommation d'alcool outre-mer pose de vraies questions : quels sont les alcools consommés et par quels publics ? Nous devons notamment faire la part de la consommation locale et de celle des touristes, car les taux me paraissent vraiment énormes.

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Il s'agit d'un sujet aussi important que délicat. Il est d'abord utile de réaffirmer que personne ne souhaite fragiliser l'industrie du rhum. L'amendement qui a été présenté, et voté, vise à une augmentation sur quatre ans de la contribution du secteur à la sécurité sociale. Il s'agit d'un amendement équilibré, qui ne vise que les alcools forts consommés localement et non pas le rhum exporté.

J'avais proposé d'expérimenter, sur le territoire de La Réunion, un fonds de lutte contre les addictions – abondé par cette taxe. La Réunion est la deuxième région où l'on consomme le plus d'alcool en France et où les effets sont les plus néfastes. Comme pour le tabac, c'est par une augmentation importante et rapide du prix que nous pourrons prévenir les conduites addictives. Vous ne devez pas étaler l'augmentation sur dix ans !

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Annick Girardin, ministre des outre-mer

Nous aurons ce débat dans l'hémicycle. Je rappelle cependant que la hausse, sur quatre ans, sera de 600 %.

Madame Bassire, la nouvelle zone franche d'activités ramènera le taux de l'impôt sur les sociétés à 6 % pour les entreprises éligibles, soit moins qu'en Irlande. Nous regarderons le sujet ensemble car notre proposition me semble plus avantageuse que la vôtre.

Concernant l'impôt sur le revenu, 50 000 foyers sur 1,150 million sont touchés par l'abaissement du plafond de l'abattement, soit 4 % des foyers fiscaux. Les 70 millions d'euros ainsi dégagés représentent 20 % de la réfaction de la dépense fiscale. C'est là que réside la confusion ; il était donc important de le préciser. Un célibataire gagnant 50 000 euros par an ne paiera pas d'impôt supplémentaire.

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Madame la ministre, nous vous remercions pour ces échanges.

La séance est suspendue à dix-neuf heures vingt et reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.

À l'issue de l'audition de Mme Annick Girardin, ministre des Outre-mer, la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Outre-mer » (M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis

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Mes chers collègues, il revient maintenant à la commission des Lois, saisie pour avis du projet de loi de finances pour 2019, de se prononcer sur la mission « Outre-mer ».

Un seul amendement sur les crédits a été déposé. Je cède la parole à notre rapporteur pour avis qui en est le premier signataire.

La Commission examine l'amendement II-CL22 de M. Philippe Dunoyer.

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L'amendement que je vous présente a vocation à alerter la Représentation nationale et le Gouvernement sur la nécessaire mobilisation de tous en faveur de la protection des coraux, en cette année 2018 qui a par ailleurs été proclamée année internationale des récifs coralliens. Les actions menées dans ce cadre relèvent notamment de l'initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR). Pour l'année 2019, ce budget s'élève à 1,8 million d'euros dont 1,3 million sont employés au ramassage et à la destruction des algues sargasses. Il reste donc 500 000 euros seulement pour la protection des coraux.

Un dixième du corail au monde se trouve sur le territoire français, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française notamment. C'est un trésor qu'il faut préserver, car le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a d'ores et déjà prévenu que la hausse d'un degré des températures du globe aurait pour conséquence la disparition de 70 % des coraux.

L'amendement que je présente a pour objet de doubler la somme que consacre l'IFRECOR à la protection des récifs coralliens, en prélevant cette somme sur le budget de fonctionnement du ministère de l'outre-mer. J'indique immédiatement qu'il s'agit d'un amendement d'appel car il n'est pas dans mes intentions de retirer des moyens au budget de l'outre-mer. Je porterai cette préoccupation au cours de l'examen par l'Assemblée nationale des crédits du ministère de la transition écologique.

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. Je soutiens l'initiative du rapporteur pour avis. C'est un enjeu que partagent tous les outre-mer : des élèves d'une école primaire de Pointe-à-Pitre m'ont saisi d'une proposition de loi sur ce thème. C'est vous dire à quel point nous sommes tous concernés !

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Il y a aussi des coraux à La Réunion : deux bancs ont été détruits à Saint-Denis avec la construction de la nouvelle route du littoral (NRL). La France doit prendre conscience de l'extraordinaire richesse qu'abritent ses eaux territoriales et sa zone économique exclusive grâce aux outre-mer.

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Nous partageons également les préoccupations qui viennent d'être exprimées. Toutefois, comme l'a indiqué le rapporteur pour avis dans son intervention, nous considérons qu'il n'est pas judicieux d'adopter cet amendement dans la mission Outre-mer. Les députés du groupe La République en marche appellent donc à son retrait.

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Je remercie tous ceux qui viennent d'apporter leur soutien à mon propos. Je vous confirme le retrait de l'amendement. J'espère pouvoir compter sur votre soutien lorsque je le défendrai dans la discussion sur les crédits de l'environnement.

L'amendement est retiré.

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Avant de mettre aux voix les crédits de la mission Outre-mer pour 2019, je demande à notre rapporteur son avis sur ces crédits.

La Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2018.

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Je remercie chacun de sa participation à nos travaux. La commission des Lois se réunira demain matin pour l'examen de la proposition de résolution européenne relative au respect de l'État de droit au sein de l'Union européenne.

La réunion s'achève à 19 heures 35.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, Mme Huguette Bello, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Éric Ciotti, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, M. Mansour Kamardine, Mme Catherine Kamowski, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Naïma Moutchou, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, Mme Maina Sage, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Hélène Zannier

Excusés. - Mme Paula Forteza, Mme Marietta Karamanli, Mme Laurence Vichnievsky

Assistaient également à la réunion. - M. Lénaïck Adam, Mme Éricka Bareigts, Mme Nathalie Bassire, Mme Justine Benin, M. Sylvain Brial, M. Stéphane Claireaux, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Sandrine Josso, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Serge Letchimy, M. David Lorion, M. Max Mathiasin, M. Frédéric Petit, M. Jean-Luc Poudroux, M. Olivier Serva, M. Gabriel Serville, M. Michel Zumkeller