Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 17 octobre 2018 à 17h00

Résumé de la réunion

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  • OMC
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La réunion

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Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Baptiste Lemoyne, Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.

La séance est ouverte à dix-sept heures.

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Je remercie vivement le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, d'être aujourd'hui parmi nous, conformément à l'engagement qu'il avait pris de se présenter devant notre commission avant chaque réunion du Conseil des affaires étrangères « Commerce ». Cet exercice est d'autant plus nécessaire, urgent et important que désormais, un certain nombre d'accords commerciaux dits « non mixtes » ne passeront plus par la ratification finale de nos parlements. Il y a pourtant une nécessité totale – je pèse mes mots – à associer les parlements nationaux à la question des accords commerciaux, et ce, le plus en amont possible, avant même que les mandats de négociation soient arrêtés. Le Parlement a pour rôle d'identifier des dangers et des lignes rouges à ne pas franchir, de sorte que l'exécutif entende ces points de vigilance et qu'il en soit tenu compte dans les futurs accords et mandats de négociation. Tel est l'état d'esprit que nous souhaiterions voir progresser.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous passerez en revue aujourd'hui l'ensemble des accords de commerce. C'est, pour nous, un point très important.

Nous vous soumettrons par ailleurs quelques questions sur le nouvel accord de libre-échange nord-américain (ALENA) signé entre les États-Unis, le Mexique et le Canada. Les négociations qui ont eu cours entre ces trois pays pourraient en effet avoir des conséquences sur nos relations commerciales avec le Canada, en particulier sur trois sujets majeurs.

Tout d'abord, le Canada a consenti une large entrée aux produits laitiers provenant des États-Unis. Cela pourrait-il affecter la capacité du Canada à recevoir des produits laitiers venant d'Europe ?

Ensuite, les trois parties se sont accordées sur une nouvelle négociation préalable avant même de reconnaître les indications géographiques avec le Canada. Cela sera-t-il de nature à affecter l'accord qui nous régit sur la protection des indications géographiques européennes ?

Enfin, le nouvel ALENA réduit fortement le champ le dispositif d'arbitrage. Cela affectera-t-il notre propre accord commercial avec le Canada ?

Je terminerai par trois questions rapides.

Le Royaume-Uni représente le premier excédent commercial de la France pour les marchandises. Monsieur le ministre, quelles sont les conséquences prévisibles du Brexit sur cette situation ? Sommes-nous bien préparés à une absence d'accord ou à un mauvais accord avec le Royaume-Uni ?

Le 4 novembre entrera en vigueur le deuxième volet des sanctions américaines contre l'Iran. Quelles en seront les conséquences pour la présence de la France en Iran et pour ses relations commerciales avec ce pays ? Où en est la réponse européenne ?

Enfin, des tensions mondiales traversent la politique commerciale. Les États-Unis, en particulier, se livrent à un « bras de fer » commercial avec la Chine et l'Europe. Quelles en sont les conséquences pour l'Europe, pour la Chine, pour le commerce mondial et pour les États-Unis ?

Le Parlement se doit d'être vigilant vis-à-vis de ces grandes questions commerciales qui préoccupent nos concitoyens.

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

J'ai grand plaisir à me prêter à cette première audition précédant un Conseil des affaires étrangères « Commerce ». Nous débattrons aujourd'hui du Conseil qui se tiendra le 9 novembre prochain. Nous nous inscrivons, ce faisant, dans une logique similaire à celle des débats préalables au Conseil européen et au Sénat. L'objectif est de préparer et de rendre compte des positions de la France dans la conduite des délibérations de la politique commerciale, en amont et en aval. Cette politique est essentiellement européenne, et ce, depuis les traités de 1957. L'avis rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 16 mai 2017 a encore précisé le caractère exclusif de la compétence de l'Union européenne en la matière, hormis, notamment, en ce qui concerne les investissements étrangers autres que directs. Les acteurs en jeu sont donc la Commission européenne, qui propose et met en oeuvre les dispositions, le Parlement européen, qui est conduit à ratifier ces dispositions, ainsi que le Conseil des ministres où siègent les représentants des gouvernements. Il est important que nous ayons des échanges en amont des réunions du Conseil.

J'ai pu mesurer combien la dimension européenne – parfois quelque peu intégrée – de cette politique était importante, et combien elle avait servi nos intérêts ces derniers mois. Vous évoquiez, madame la présidente, les tensions croissantes qui caractérisaient la politique commerciale sur le plan mondial. Or, l'unité et la fermeté manifestées par l'Union européenne, première puissance commerciale, lui ont permis de peser dans un contexte d'unilatéralisme américain. L'Union européenne garde un caractère attractif et une réputation d'interlocuteur crédible, ce qui lui permet de négocier avec un grand nombre de partenaires qui, eux aussi, refusent la loi du plus fort. Les accords que nous concluons de la sorte sont autant de polices d'assurance dans un contexte où le multilatéralisme est menacé. Les pays avec lesquels l'Union européenne négocie des accords commerciaux sont d'ailleurs souvent ceux avec lesquels nous sommes engagés dans une sorte d'« alliance des amis du multilatéralisme ». Je pense à la Corée, au Japon, à l'Australie, au Mexique ou au Canada. Nous avons pu en faire le constat à la tribune de l'Organisation des Nations unies (ONU) ou dans des enceintes plus commerciales comme le G20.

Bien évidemment, nous savons tous, pour être régulièrement interpellés sur le terrain, dans nos circonscriptions, que nos citoyens souhaitent avoir voix au chapitre – et ils l'ont par votre entremise. Le commerce mondial est régulièrement interrogé. De ce point de vue, nous sommes conscients qu'à la notion de libre-échange doit se substituer celle de « juste échange ». Il s'agit fondamentalement d'instaurer des conditions de concurrence équitables pour l'ensemble des compétiteurs.

Je vous propose de passer en revue les thèmes qu'abordera le Conseil « Commerce » du 9 novembre prochain. À l'ordre du jour figurent un état des lieux des tensions commerciales, la question de la modernisation des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une revue des négociations en cours et enfin divers dossiers législatifs, portant notamment sur le filtrage des investissements étrangers.

Je commencerai par l'état des lieux des tensions commerciales. Depuis la prise de fonction du gouvernement de Donald Trump aux États-Unis, nous assistons à une orientation tout à la fois agressive et protectionniste de la politique commerciale américaine, se traduisant par des mesures unilatérales destinées à faire pression sur les partenaires, voire, parfois, à modifier certains équilibres commerciaux. Aussi avons-nous constaté une escalade dans les relations économiques entre les États-Unis et la Chine. En mars 2018, le Bureau du représentant américain au commerce a engagé une enquête sur certaines pratiques chinoises en matière de propriété intellectuelle, en particulier sur les transferts forcés de technologies ou les subventions d'acquisition, à l'étranger, d'entreprises à fort contenu technologique. Face à ces pratiques, le Bureau du représentant américain au commerce a proposé au président Trump plusieurs types de mesures : une action devant l'OMC, un contrôle renforcé des investissements chinois, ou encore l'instauration de droits de douane additionnels fondés sur la section 301 de la loi américaine sur le commerce. C'est ainsi que des mesures tarifaires ont été mises en place sur des importations depuis la Chine équivalant à quelque 50 milliards de dollars. La Chine a répliqué avec des mesures similaires. Depuis le 24 septembre 2018, les États-Unis appliquent des droits de douane additionnels de 10 % à une nouvelle liste de produits représentant environ 200 milliards de dollars, soit la moitié des importations américaines depuis la Chine. Ces droits pourraient passer à 25 % le 1er janvier 2019.

Ces mesures ont pénalisé le commerce entre la Chine et les États-Unis. Il n'en reste pas moins que le diagnostic américain repose sur des éléments avérés, à savoir une concurrence déloyale de la part d'entreprises bénéficiant d'un soutien étatique excessif. Nous partageons cette préoccupation. En revanche, il ne nous paraît pas assuré que l'approche adoptée par les États-Unis fasse reculer ces pratiques distorsives, alors qu'elles font peser un risque systémique sur l'économie mondiale. Notez qu'il y a quelques jours le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont revu diverses prévisions de croissance, s'inquiétant de l'impact de ce choc économique.

Face à ces distorsions du commerce mondial, l'Union européenne, et la France en son sein, privilégient une solution multilatérale. Nous avons d'ailleurs lancé un contentieux à l'OMC concernant les pratiques chinoises en matière de propriété intellectuelle. Nous devons aussi améliorer le fonctionnement de l'OMC. Telle est, du reste, l'une des conclusions de la réunion des ministres du commerce du G20. Nous pouvons nous en réjouir, d'autant que les représentants chinois et américain siégeaient autour de la table.

Cependant, les tensions commerciales ne se limitent aux relations sino-américaines. Les États-Unis ont également durci leurs positions vis-à-vis d'alliés et de partenaires commerciaux privilégiés. En janvier 2018, ils ont ainsi lancé une procédure conduisant à l'application de droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium, plaidant une soi-disant atteinte à la sécurité nationale venant de ces produits. L'Europe a été visée, de même que le Mexique et le Japon. Nous y avons répondu fermement, d'une part en lançant un contentieux devant l'OMC, d'autre part en prenant des mesures de rééquilibrage sur les importations issues des États-Unis, ainsi que des mesures de sauvegarde. L'Union européenne a donc su répliquer sans tarder. L'enjeu était notamment d'éviter la redirection de flux commerciaux qui se destinaient jusque-là à l'Union européenne.

Depuis mai 2018, nous faisons face à une enquête américaine relative aux impacts sur la sécurité nationale des importations d'automobiles et de composants. Cette enquête vise essentiellement le Canada, le Mexique, le Japon et l'Union européenne. L'Allemagne est singulièrement visée au sein de l'Union, puisqu'une part importante de l'excédent européen est constituée par un excédent allemand, lui-même largement issu de l'industrie automobile. La France est également concernée, puisqu'elle est assez active en termes d'exportation d'équipements et de composants.

Cette enquête doit donner lieu à la production d'un rapport début 2019. Si des mesures étaient prises par les États-Unis en conséquence, leur ampleur serait bien plus importante que ce que nous avons connu pour l'acier et l'aluminium. C'est dans ce contexte qu'a eu lieu le 25 juillet dernier, à Washington, une rencontre entre Donald Trump et Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, pour tenter de renouer le dialogue sur les questions commerciales et d'entamer une désescalade. Nous sommes persuadés qu'une guerre commerciale ne ferait que des perdants. Cette rencontre a été l'occasion pour les protagonistes de constater que l'Union européenne et les États-Unis partageaient des intérêts communs. Si les États-Unis ont accepté, le 25 juillet, de s'engager dans ce chantier de l'OMC, c'est grâce à la détermination et à l'unité dont l'Union européenne a fait preuve ces derniers mois.

Les menaces sur l'automobile sont pour le moment suspendues, le communiqué commun issu de cette rencontre stipulant que les parties s'abstiendraient de prendre des mesures qui contreviendraient à l'esprit de conciliation auquel étaient parvenues les parties. Nous attendons que les Américains lèvent leurs mesures sur l'acier et l'aluminium, lesquelles sont non seulement illégales, mais encore injustifiées au regard de la relation transatlantique. Les États-Unis se sont engagés à réévaluer ces mesures. Nous y veillerons.

Le 25 juillet a été lancé un travail entre l'Union européenne et les États-Unis visant à déterminer si des négociations commerciales pouvaient être ouvertes entre les entités. Se pose la question du périmètre que pourrait recouvrir un accord tarifaire dans le domaine industriel, hors automobile. L'agriculture est exclue de cette réflexion. Ceci pourrait autoriser des coopérations réglementaires volontaires entre autorités compétentes. Précisons que la France n'est pas favorable à la négociation d'un vaste accord commercial à la manière du traité de libre-échange transatlantique, ou Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP). Le Président de la République l'a affirmé haut et fort. Si accord il devait y avoir, cela supposerait d'une part qu'un mandat soit confié à la Commission, et d'autre part qu'il s'agisse d'un accord purement tarifaire sur des produits industriels, sans que les sujets agricoles entrent en ligne de compte.

Nous savons que les Américains cherchent régulièrement à contourner les refus et à remettre sur la table les sujets agricoles. J'ai pu constater, lors du Conseil informel « Commerce » qui s'est tenu il y a quelques jours à Innsbruck, qu'une forte solidarité européenne se manifestait en faveur du maintien de l'exclusion des sujets agricoles de cette possible négociation. C'est une ligne rouge pour la France, à laquelle nous nous tiendrons.

Ces discussions ne sauraient avoir pour effet de réduire les standards européens en matière environnementale, sanitaire ou alimentaire. Il n'est pas question de revenir sur les règles de production ni sur les standards exigeants auxquels nous sommes attachés, qui garantissent la protection et la sécurité des consommateurs. C'est une autre ligne rouge pour la France. Des discussions ne pourraient être ouvertes que dans le respect de ces exigences claires. Il serait hors de question de négocier sur des bases autres qu'équilibrées et réciproques, ou sous la menace. La commissaire européenne en charge du commerce, Cecilia Malmstroïm, qui rencontre régulièrement son homologue américain, semble percevoir que les États-Unis sont peu disposés à un accord tel que nous l'envisageons. Le sujet est donc en suspens.

Tel est l'état des lieux des tensions qui ont crû ces derniers mois, et de la désescalade qui s'est engagée entre l'Union européenne et les États-Unis.

Le deuxième point inscrit à l'ordre du jour du Conseil « Commerce » a trait à la modernisation de l'OMC. En la matière, l'une des principales préoccupations réside dans le blocage par les États-Unis de la nomination de nouveaux membres à l'organe d'appel de l'organe de règlement des différends. Bientôt en effet, le nombre de juges ne permettra plus de traiter les affaires. Nous pensons qu'il faut améliorer l'OMC dans sa capacité à élaborer des règles mais aussi à les faire respecter. Peut-être faudra-t-il par conséquent réfléchir à des plans de repli, si les États-Unis maintiennent leur veto. La Commission y réfléchit.

L'OMC traverse un moment existentiel. Le commerce international se porterait-il mieux sans cette organisation ? Nous ne le pensons pas, car ce serait avaliser la loi du plus fort. Pour la France, la solution à la crise actuelle de l'OMC consiste à mettre à jour le corpus de règles multilatérales et à régler les problèmes de discipline sur les subventions industrielles et les surcapacités. Ceci va de pair avec le renforcement des mécanismes de surveillance et de transparence qui permettent de prouver l'engagement de chacun. Or, aujourd'hui, certains membres de l'OMC ne notifient pas systématiquement leurs aides et subventions. Il y a donc là d'importantes marges de progression.

Les modalités de négociation au sein de l'OMC méritent d'être renouvelées. La règle du consensus implique de trop nombreux blocages – nous en avons fait l'expérience lors de la onzième Conférence ministérielle, qui s'est tenue à Buenos Aires en décembre 2017. S'y ajoute une fossilisation des positions. Afin de continuer à travailler sur des sujets d'actualité, comme l'e-commerce et les petites et moyennes entreprises (PME), des négociations plurilatérales s'instaurent et progressent. Elles associent une partie des membres de l'OMC, espérant rallier progressivement le plus grand nombre d'États autour de mécanismes sur lesquels un cercle initial se serait entendu.

Fort de ce constat, le Président de la République, lors d'un discours prononcé devant l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) fin mai 2018, a exprimé le souhait d'une modernisation de grande envergure des règles de l'OMC. Le Conseil européen a donné mandat à la Commission, le 28 juin dernier, d'engager des négociations en vue d'une telle modernisation. Nous sommes en ligne avec les orientations que la Commission a proposées, organisées autour de trois axes : la modernisation du corpus de règles, la modernisation du système de règlement des différends, et enfin le renforcement des mécanismes de transparence et du fonctionnement régulier de l'organisation. La route sera longue et difficile, car nous devrons convaincre l'ensemble de nos partenaires de la nécessité d'une réforme. Si, pour le moment, un certain nombre de délégations se disent intéressées par nos idées, nous devons continuer à entretenir ce débat.

Nous avons mis en place un groupe de travail sur l'OMC réunissant l'Union européenne, le Japon et les États-Unis. Cet exercice a notamment le mérite de maintenir le dialogue avec les Américains. Ce groupe de travail proposera à l'OMC, début novembre, des améliorations du système de notification et de transparence.

En parallèle, nous faisons notre possible pour travailler avec la Chine, qui s'affiche régulièrement comme un fervent défenseur du multilatéralisme. De fait, lorsque des décisions sont prises dans le cadre du mécanisme de règlement des différends, la Chine les applique. Cependant, ce pays maintient de nombreuses pratiques commerciales distorsives. Dans ce contexte, la création d'un groupe de travail entre l'Union européenne et la Chine a été annoncée le 17 juillet dernier lors du 20e sommet réunissant ces deux entités.

L'Union européenne s'efforce ainsi de faire progresser ces sujets, par triangulation, avec les deux partenaires complexes que sont les États-Unis et la Chine.

Par ailleurs, nous avons à coeur qu'un certain nombre d'États qui partagent notre diagnostic partagent également les solutions avancées par la Commission. Je pense au Canada, à la Corée, à Singapour, au Mexique, à la Nouvelle-Zélande, au Brésil ou à l'Argentine. À cet égard, plusieurs échéances nous attendent en octobre et novembre. Une réunion ministérielle sera organisée au Canada fin octobre avec un groupe d'une douzaine d'États. Le sommet des chefs d'État du G20 se tiendra à Buenos Aires fin novembre. Dans l'intervalle, le 16 novembre, la France organisera une conférence publique sur la réforme de l'OMC. Ce sera l'occasion de nourrir une réflexion avec des contributeurs venant du monde entier, mais aussi avec Cecilia Malmstroïm, Roberto Azevêdo, directeur général de l'OMC, ou encore avec des ministres du commerce. Vous y êtes évidemment les bienvenus, et je veillerai à ce qu'une prise de parole parlementaire puisse y avoir lieu. En effet, ces sujets commerciaux ne doivent pas se traiter dans l'entre-soi, et les voix des peuples doivent être entendues sur ces questions.

J'en viens au troisième point de l'ordre du jour du Conseil Commerce, les négociations en cours.

L'Union européenne et le Japon ont signé un accord de partenariat économique le 17 juillet 2018. Les négociations se poursuivent sur la partie relative aux investissements. Cet accord devrait entrer en vigueur au cours de l'année 2019, dès lors qu'il aura été ratifié par le Parlement européen et la Diète japonaise. Il permettra de lever des barrières pour les 8 000 entreprises françaises qui exportent déjà vers le Japon, et créera de nouvelles opportunités pour des filières agricoles et agroalimentaires. Les Japonais manifestent un fort attachement à la qualité des denrées et à la santé. La France se positionne favorablement à cet égard, notamment en matière de production bovine et fromagère.

Cet accord comporte également des avancées positives au regard du développement durable, avec la mention du principe de précaution, l'engagement des parties à mettre en oeuvre l'accord de Paris pour le climat et une clause de révision qui permettra de renforcer le contenu de l'accord en fonction de sa mise en oeuvre.

En marge du sommet du dialogue Asie-Europe qui se tiendra ces prochains jours à Bruxelles, un accord de libre-échange et un accord sur la protection des investissements seront signés entre l'Union européenne et Singapour. Cela peut préfigurer, à moyen terme, un accord bloc à bloc entre l'Union européenne et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN). Chacun sait combien l'ASEAN pèse dans la dynamique économique mondiale. C'est donc un partenaire avec lequel nous devons travailler.

La Commission européenne poursuit en outre un agenda de négociation en Amérique latine. Un accord de principe avec le Mexique a été annoncé le 21 avril 2018 sur la modernisation de l'accord existant. Ce nouveau texte permettra en particulier d'ouvrir l'accès aux marchés publics et aux marchés de services, comme le transport maritime. Il assurera la protection de 340 indications géographiques européennes. Il ouvrira le marché à nos produits laitiers, à nos fromages et à notre viande porcine. C'est donc un événement positif.

Le Marché commun du Sud (MERCOSUR) est, je le sais, un sujet de préoccupation pour certains d'entre vous. Son dernier cycle de négociation s'est déroulé du 10 au 14 septembre 2018 à Montevideo. Il convient de noter, à ce stade, la persistance de points de blocage. Or, un accord ne peut être conclu que s'il est équilibré. Nous aurions certes intérêt à être les premiers à signer un accord avec le MERCOSUR, dont le marché se caractérise par un protectionnisme marqué. Toutefois, cela ne doit pas se faire à n'importe quelles conditions. Nous réaffirmons régulièrement nos sensibilités agricoles et notre niveau élevé d'ambition en matière sanitaire et environnementale. Mme Malmstroïm a fait savoir que pour le moment, l'équilibre souhaité n'était pas atteint.

Les négociations avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont été lancées en juin 2018. Un cycle de négociation s'est tenu du 8 au 12 octobre avec la Nouvelle-Zélande, et ce même exercice s'ouvrira avec l'Australie à partir du 19 novembre. Nous percevons une forte volonté politique d'aboutir de la part des Néo-Zélandais. Là encore, nous veillons à la prise en compte de nos sensibilités agricoles ainsi qu'à la préservation et aux intérêts de nos pays et territoires d'outre-mer. Comme vous le savez, le changement de premier ministre et de gouvernement en Australie a été sous-tendu par un débat sur l'environnement. J'ai signifié au nouveau ministre du commerce australien qu'il était hors de question que nous abaissions nos ambitions en la matière. Nous avons obtenu que l'accord de Paris soit explicitement mentionné dans le mandat de négociation. Rappelons que le plan d'action du Gouvernement portant sur la mise en oeuvre de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada (CETA) comporte un axe ambitieux de prise en compte des enjeux sanitaires et de développement durable dans les accords commerciaux.

Venons-en aux dossiers législatifs que traitera le Conseil « Commerce », au premier titre desquels le règlement sur le filtrage des investissements étrangers en France. Ce projet de règlement constitue une priorité pour la France. Il vise d'une part à consacrer et encadrer les dispositifs nationaux de contrôle des investissements pour des motifs d'ordre public et de sécurité, et d'autre part à instaurer un mécanisme de coopération et d'échange d'informations entre les États membres et la Commission, ainsi qu'à conférer à la Commission un rôle consultatif pour les investissements étrangers ciblant des projets ou des programmes d'intérêt européen. L'objectif est d'instaurer une coopération beaucoup plus étroite.

Un texte a été présenté à la Commission en septembre 2017 et a donné lieu à de nombreuses discussions au Conseil. J'en ai été l'acteur, puisque, hélas, un certain nombre de pays, d'Europe centrale et orientale ou à tonalité libérale, étaient réticents vis-à-vis de ce droit de regard sur les investissements étrangers. La France, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie ont dû déployer, ensemble, la plus grande détermination pour faire avancer ce chantier. Les négociations en trilogue doivent permettre d'aboutir à un texte de compromis. Elles ont été engagées début septembre. La présidence autrichienne du Conseil souhaiterait que le compromis aboutisse avant la fin de l'année, pour permettre l'adoption du règlement dans le cadre de la mandature actuelle, avant les prochaines élections européennes.

Au titre des dossiers législatifs, il est prévu un point d'information sur les mesures de sauvegarde bilatérales des accords de libre-échange. Il s'agit de codifications à droit constant qui ne modifient pas les règles elles-mêmes, mais qui consolident en un texte unique la multitude de mesures existantes. Cette simplification est bienvenue.

Je ne pourrai être très prolixe sur le dernier point qui sera évoqué au Conseil, n'ayant pas reçu les documents afférents. Il concernera l'impact des accords de libre-échange sur différentes filières. Un premier rapport global avait été rendu sur ce sujet l'année dernière, et avait d'ailleurs révélé combien l'accord avec la Corée nous était bénéfique, nous faisant passer d'un déficit commercial avec ce pays à un surplus commercial en quelques années. Nous attendons avec intérêt ce nouveau rapport, qui permettra notamment de faire le point sur diverses filières agricoles. La France a appuyé un « non-papier » belge soumis par Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères et européennes, demandant que soit pris en compte l'impact cumulatif des concessions faites en matière agricole dans les accords passés avant d'en négocier de nouveaux, ceci pour ne pas déstabiliser nos filières agricoles.

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Je vous remercie pour cet exposé, monsieur le ministre, tout en notant que vous n'avez pas répondu à certaines de mes questions, en particulier sur les conséquences économiques du Brexit, sur les conséquences de la signature de l'ALENA pour les relations entre l'Union européenne et le Canada, et enfin sur l'Iran. Il me paraîtrait d'ailleurs inconcevable que la question iranienne ne soit pas à l'ordre du jour du Conseil Commerce, tant elle est d'actualité.

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Monsieur le ministre, je tiens à manifester le soutien le plus marqué à l'action que vous menez en matière de réforme de l'OMC. Notre monde est marqué par des tensions commerciales de plus en plus dures, singulièrement entre les États-Unis et la Chine. Nous disposons pour y répondre d'une organisation mondiale du commerce qui exerce plusieurs fonctions, dont le règlement des différends entre ses membres, au travers d'un organe dédié. Cet organe de règlement des différends est normalement composé de sept membres. Or, seuls trois membres y sont aujourd'hui en poste, ce qui ne permet à cet organe de remplir sa mission qu'a minima. Si cette situation perdure, l'OMC sera incapable, fin 2019, de traiter les sujets qui lui incombent et qui visent à pérenniser le système multilatéral. Il laissera la place aux pays les plus forts. Monsieur le ministre, vous avez tout mon soutien et, je pense, tout le soutien de la majorité dans ce chantier. Nous serons présents à vos côtés lors des prochaines échéances relatives à ce sujet.

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À l'instar de notre présidente, je vous invite, monsieur le ministre, à nous faire part de vos vues sur le Brexit. Quelles sont les grandes lignes du projet de loi qui est en cours d'élaboration pour préparer l'hypothèse d'une absence d'accord avec le Royaume-Uni ? Je souhaite également vous interroger sur la situation iranienne, compte tenu du retrait des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien.

Par ailleurs, monsieur le ministre, quels résultats concrets espérez-vous de la désescalade dans les relations commerciales entre les États-Unis et l'Union européenne ? À quelle échéance ces résultats se feront-ils sentir ?

Je souhaite à présent évoquer une question d'actualité qui entre pleinement dans votre périmètre, monsieur le ministre. En tant que secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, quelle est votre opinion sur la proposition de résolution européenne relative à l'état de droit qui a été votée par la majorité au sein de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale ? Je tiens à préciser que ni la commission des affaires étrangères ni sa présidente n'ont été informées en amont de cette proposition de résolution. Cette situation est quelque peu exorbitante du droit commun. Quels que soient les rangs sur lesquels nous siégeons, et quelles que soient nos sensibilités, nous sommes, bien évidemment, extrêmement attachés au respect de l'État de droit. En l'espèce, nous nous trouvons dans une situation étrange où une commission de l'Assemblée nationale s'arroge un pouvoir qui vient se surajouter – pour ne pas dire se substituer – aux procédures en cours auprès des institutions européennes. Je fais ici référence à la procédure lancée à l'encontre de la Pologne, avec le déclenchement en décembre 2017 de l'article 7, paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne. En ce qui concerne la Hongrie, une instance dont je crois pouvoir dire qu'elle est démocratique, le Parlement européen, a saisi la Commission afin qu'elle déclenche ce même article du traité.

La commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale semble donc ne pas respecter le fonctionnement normal des institutions européennes. J'ajoute que cette commission n'a pas même auditionné préalablement les ambassadeurs des deux pays concernés, ce qui est pour le moins étonnant.

Les institutions européennes – le Parlement, le Conseil et la Commission – doivent être respectées. Je ne sache pas que d'autres commissions parlementaires d'États membres se soient saisies de ce sujet. Je ne crois pas non plus que la vocation de la commission des affaires européennes soit de jeter l'anathème sur nos partenaires européens, lesquels peuvent, le cas échéant, s'avérer des alliés de poids dans certaines négociations. Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre opinion sur ce sujet. Je vous connais trop pour savoir que vous ne vous abriterez pas derrière la commodité consistant à dire que vous ne représentez que l'exécutif, et que le Parlement est libre de ses positions.

Une fois encore, il me paraît pour le moins étrange que la proposition de résolution consiste à créer un nouveau mécanisme, à savoir un réseau d'autorités administratives indépendantes nationales et de juristes, qui aurait un pouvoir d'alerte auprès de la Commission européenne en cas de constat de violation répétée de l'État de droit. En d'autres termes, un réseau d'experts se substituerait aux procédures normales qui existent au sein des institutions européennes et qui sont actuellement déclenchées tant à l'égard de la Pologne que de la Hongrie.

Nous nous trouvons, je le répète, dans une situation exorbitante du droit commun. Il me semblait utile que la commission des affaires étrangères soit informée de cette situation. En effet, ce ne sera pas elle, mais la commission des lois, qui sera saisie au fond de cette question.

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Au nom du groupe MODEM, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de prendre part à cette réunion symbolique. Vous répondez en effet aujourd'hui à un engagement pris dans le cadre du plan d'action CETA. Sachez combien il importe, à nos yeux, que vous ayez tenu votre promesse.

L'Europe du commerce et des accords de commerce extérieur est quasiment fédérale. Regardons la réalité en face : l'accord avec le Japon ne passera pas par une ratification au Parlement ; l'accord avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui n'inclut pas les volets liés à l'investissement, ne passera pas non plus par une ratification au Parlement ; enfin, le CETA ne passe devant le Parlement que pour ses aspects touchant à l'investissement.

Dans la configuration actuelle, nous sommes investis d'une responsabilité vis-à-vis de nos opinions publiques et devons créer un lien entre l'exécutif et la fonction parlementaire, de sorte que des débats se tiennent bel et bien sur ces sujets. Nous devons avoir une visibilité sur ces dossiers et y être impliqués, afin d'exercer notre rôle de contrôle de l'exécutif et de suivi dans la durée. La présente réunion est donc symbolique. C'est le début d'une relation qu'il est indispensable, démocratiquement, de construire et de pérenniser.

J'en viens à ma question, monsieur le ministre. La position française érigeant le respect de l'accord de Paris en condition nécessaire des futurs accords commerciaux a beaucoup compté dans l'opinion publique. Où en sommes-nous dans la mise en oeuvre de cette condition, qui n'est pas encore totalement actée ? À défaut, lorsque nous négocions avec des pays développés qui ne sont pas pleinement impliqués dans l'Accord de Paris, une position de repli pourrait consister à faire peser sur ceux-ci des contraintes environnementales renforcées, notamment sur le transport et les modes de production des biens échangés.

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À mon tour, je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez tenu parole. Il sera important qu'à l'avenir, nous poursuivions les échanges qui s'ouvrent aujourd'hui. J'avoue cependant rester en attente de réponses de votre part, notamment sur le sujet majeur, déterminant, qu'est l'Iran. Face à la véritable attaque orchestrée par les États-Unis, l'Europe semble quasiment inerte. Je le dis en Européen convaincu.

Monsieur le ministre, vous envisagez l'élaboration d'un plan de repli au cas où les États-Unis maintiennent leur veto dans le processus de modernisation de l'OMC. Or l'expérience m'incite à me méfier des plans de repli, qui conduisent parfois droit à l'échec. Face à l'orientation très agressive de la politique du président Trump en matière commerciale, quelle est la position de la France ? Notre pays ne pourrait-il pas être le moteur de la réponse européenne ? Qu'attendons-nous pour réagir fermement, à la mesure des attaques ?

J'en viens à un sujet qui m'occupe en tant que rapporteur pour avis de l'article 37 de la première partie de la loi de finances. Parmi les trois sources importantes qui permettraient de dégager des ressources nouvelles pour le budget européen figurent le numérique et la taxation des géants américains de l'Internet. Le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, a fait savoir que nous avancions vers un accord en la matière, et que les positions française et allemande tendaient désormais à converger. Ceci reste assez vague. Pourriez-vous nous en dire davantage sur le projet de taxation des géants de l'Internet ? Cette question n'est d'ailleurs pas sans lien avec le Brexit. Concernant le Brexit, précisément, que pourrait-il advenir en cas de désaccord avec le Royaume-Uni ?

Monsieur le ministre, vos propos me semblent également mériter d'être précisés à propos du MERCOSUR. Sachez que sur le terrain, dans nos départements et parmi les représentants de la profession agricole, de solides inquiétudes s'expriment à ce sujet.

Enfin, ayant été co-rapporteur, avec mon collègue Jean-François Portarrieu, d'une mission d'information sur le tourisme, j'aimerais vous transmettre un message, monsieur le ministre. Il est important que la question du tourisme soit portée haut et fort par votre ministère. Les professionnels du tourisme ont besoin de vous entendre.

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Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur deux sujets en lien avec vos attributions et qui ont marqué l'actualité de ces dernières semaines.

Le sommet de la francophonie qui s'est déroulé la semaine dernière à Erevan a permis l'élection de Louise Mushikiwabo au secrétariat général de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Je souhaiterais connaître votre sentiment sur certaines déclarations de Mme Mushikiwabo concernant le caractère relatif des notions de démocratie et de droits de l'homme. En tant que ministre du président Kagamé au Rwanda, Mme Mushikiwabo a parfois tancé les donneurs de leçons en matière de démocratie. Cela peut nous interpeller.

En 1994, Mme Mushikiwabo a survécu au génocide dans lequel toute sa famille a été décimée. Elle a alors quitté son pays. Elle y est revenue en 2008, après un bref passage en Tunisie, où elle a occupé le poste de directrice de la communication de la Banque africaine de développement. Mme Mushikiwabo a alors intégré le gouvernement rwandais en qualité de ministre de la communication, puis de chef de la diplomatie du président Kagamé, dont elle est une fidèle.

Un article du Monde du 13 septembre 2018 faisait état des réticences de nombreux hauts fonctionnaires de l'OIF quant à l'arrivée de cette nouvelle secrétaire générale. Cet article observe que le pouvoir de Kigali ne fait guère figure d'exemple en matière de droits fondamentaux de ses citoyens. Les opposants sont ainsi traqués, arrêtés voire exécutés à l'étranger. À l'approche du sommet d'Erevan, le président rwandais a cependant relâché 2 000 prisonniers politiques, signe d'une volonté d'apaiser le climat et de redorer l'image de son pays.

Ces dernières années, le régime rwandais ne s'est pas non plus illustré par la défense de la langue française. Il n'a cessé, au contraire, de prendre ses distances vis-à-vis de notre langue, en mettant fin à l'enseignement du français dans les écoles. L'anglais a même été érigé en langue nationale.

Monsieur le ministre, la nomination d'une Rwandaise au secrétariat général de l'OIF témoigne-t-elle d'une volonté de la France de se réconcilier avec le Rwanda – lequel l'accuse de tous les maux au sujet du génocide ? Est-ce un choix véritablement réfléchi à l'égard de la francophonie ?

J'aimerais aussi revenir, monsieur le ministre, sur le processus de ratification du CETA. Nous avons récemment interrogé Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes, sur ce sujet. Or, celle-ci a renvoyé à votre audition plusieurs des questions qui lui étaient posées, arguant qu'elles avaient trait à des aspects politiques.

Comme je l'ai fait devant Mme Gaudin, j'affirme qu'il convient de maintenir une pression et une vigilance sur le CETA, afin de nous assurer qu'il ne produit pas d'effet néfaste sur nos productions ni sur la santé de nos consommateurs. C'est pourquoi je m'interroge sur les raisons qui justifient le report du processus de ratification du traité après les prochaines échéances européennes. J'espère qu'il y a à cela des raisons objectives, et qu'il ne s'agit pas d'un moyen malicieux d'éviter que le sujet pèse sur la campagne des prochaines élections européennes.

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Cette séance est, en effet, symbolique. Depuis plus d'un an, nous nous retrouvons à étapes régulières pour évoquer les traités de libre-échange. J'ai le sentiment que vos propos, monsieur le ministre, traduisent au moins un voeu pieux : que la signature de ces accords se fasse dans la transparence publique, en associant les Français aux décisions. Dans chacun de ces accords se jouent la question environnementale, la question de notre modèle économique, celle de notre agriculture et celle de la santé publique – avec, le plus souvent, l'abaissement d'une série de normes et de protections.

Ma question sera donc simple, monsieur le ministre : quand seront instaurées les conditions grâce auxquelles ce débat deviendra démocratique ? Non seulement nous n'avons pas voté sur le CETA, qui est en application provisoire, mais encore un accord de libre-échange du même acabit, dit JEFTA – pour Japan-EU Free Trade Agreement –, a d'ores et déjà été signé entre l'Union européenne et le Japon. Et voici que se prépare un traité de libre-échange avec le MERCOSUR. C'est se moquer de nous.

Des documents majeurs pour l'avenir de l'environnement, de notre économie et de nos protections – documents très technocratiques – sont en train d'être signés sans faire l'objet de la moindre discussion politique, sans être portés sur la place publique, et sans que les citoyens soient informés des changements substantiels qu'ils impliquent en termes de modèle de développement.

Ces sujets doivent sortir de nos cercles feutrés. Ils ne parviennent sur le devant de la scène que grâce à des tiers, au prix de recherches minutieuses. Un document très informé de la Fondation pour la nature et l'homme dresse ainsi le bilan de la première année d'application du CETA, et c'est Greenpeace qui nous communique pied à pied les éléments de la négociation entre la France et le Japon sur le JEFTA.

Lors de notre dernière rencontre, monsieur le ministre, je vous ai demandé quand le Parlement français serait sollicité. L'on nous répond que des études doivent préalablement être conduites. Je n'ai toujours pas compris qui les mènerait, et je crains que leurs auteurs ne soient pas véritablement indépendants des signataires des traités. Je souhaiterais que des contre-pouvoirs soient associés à cette démarche d'évaluation, de sorte que l'expertise ne soit pas confisquée par ceux qui ont décidé de signer ces accords.

Monsieur le ministre, vous en appelez à une procédure ouverte, démocratique dans laquelle le peuple soit associé. Comment, et quand ?

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Je précise qu'au-delà de M. Lemoyne, le Gouvernement dans son entier s'efforce de tendre vers une consultation en amont des réunions du Conseil. Du reste, je trouve assez regrettable que nous ne soyons pas capables de nous discipliner pour alimenter autant que possible la position du Gouvernement par l'analyse des différents groupes. Utilisons les degrés de liberté qui nous sont offerts pour influer sur les débats aux moments-clés.

Monsieur le ministre, la démarche que vous mettez en oeuvre ne se limite pas à votre personne mais traduit bien l'engagement de l'État. À cet égard, nous avons beaucoup apprécié la transparence dont a fait preuve Mme Gaudin ici même il y a quelques jours, démontrant que plusieurs personnes se consacraient à temps plein à l'étude d'impact. Cet exercice n'a jamais été mené avec un tel degré de sérieux. Il mobilise le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII), mais s'appuie aussi sur des études permettant d'obtenir une vision à l'échelle des filières et des régions. Le bon combat, madame Autain, serait de faire en sorte que cet outil élaboré pour le CETA soit validé et reproductible, afin que nous puissions nous forger une opinion informée et documentée sur l'ensemble des accords à venir. Nous ne pourrons qu'y gagner en influence.

Quant à la communication vis-à-vis du public, à chacun de faire son travail ! Ce soir même, Buon Tan et moi participerons à une réunion publique dans le 13e arrondissement pour expliquer l'agenda commercial. Je suis certain que vous en faites de même, madame Autain… À chacun d'entre nous de s'organiser pour que les citoyens bénéficient de la plus grande transparence possible.

Enfin, j'estime qu'il arrivera un moment où l'Assemblée nationale dans son ensemble devra se prononcer sur cet agenda commercial. Ce sujet ne concerne pas la seule commission des affaires étrangères, mais le Parlement tout entier.

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J'ajouterai que c'est un succès de notre commission que d'avoir obtenu un changement de paradigme sur les études d'impact. Jusque-là, l'exercice se bornait, schématiquement, à traduire les études de la Commission européenne. Aussi lisions-nous invariablement que les accords entraîneraient une croissance des échanges et une hausse du produit intérieur brut (PIB), ayant des effets bénéfiques sur l'emploi et la croissance. La commission des affaires étrangères s'est battue pour qu'il en soit autrement, et a été entendue par le Premier ministre. Nous avons enfin l'assurance d'un pilotage, grâce à Mme Sandrine Gaudin. J'ose espérer que nous obtiendrons une étude d'impact pertinente, filière par filière, région française par région française. Ce sera une première. Voilà une progression démocratique témoignant d'une prise en compte des inquiétudes, des attentes et des aspirations de nos concitoyens, filière par filière et région par région. Nous le devons à la commission des affaires étrangères, et je l'en félicite.

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Je souscris entièrement à vos propos, madame la présidente, et tiens à vous remercier d'avoir contribué à ces avancées concrètes. Il nous reste à nous en emparer, notamment en participant aux réunions aux côtés de notre collègue Jacques Maire, qui porte activement ces sujets. Sur le plan politique, nous n'avons jamais rien caché. Des éléments ont été annoncés avant, pendant et après les élections, et nous avançons en conséquence. Sur le plan technique, les études d'impact permettant d'évaluer les traités commerciaux sont inédites. Ce progrès est à mettre au crédit de notre présidente, de M. Lemoyne qui a en a accepté le principe, et de notre commission qui s'en est saisie. Pour porter démocratiquement ces sujets, enfin, il faut se rendre sur le terrain et redoubler de pédagogie.

J'en viens à ma question, monsieur le ministre. Comment la proposition de réforme de l'OMC est-elle accueillie par les autres partenaires, et notamment par les pays émergents ? Vous évoquiez le dynamisme économique de l'ASEAN : comment ses membres perçoivent-ils le jeu auxquels se livrent actuellement les États-Unis et la Chine ? Quelles sont leurs attentes à l'égard de l'OMC ?

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Sur nos territoires, nous avons des entreprises qui exportent et des emplois qui proviennent du commerce extérieur. Comme l'ont souligné mes collègues, nous avons donc tout intérêt à faire la promotion de nos travaux sur le terrain.

Ma question portera plus spécifiquement sur l'industrie aéronautique, qui représente 838 milliards de dollars à l'échelon mondial. L'industrie aéronautique française se situe au deuxième rang mondial, à hauteur de 69 milliards de dollars, derrière les États-Unis mais devant la Chine. Cette position privilégiée est en quelque sorte une exception française, rendue possible par les performances de nos industriels exportateurs comme Thales, Airbus, Safran ou encore Dassault.

L'industrie aéronautique britannique se place au troisième rang mondial, après la France. Elle bénéficie d'une proximité avec l'industrie américaine, mais aussi de la participation aux grands programmes de l'Union européenne. Nous verrons ce qu'il en adviendra avec le Brexit.

À l'occasion de l'inauguration d'un site dans ma circonscription, le représentant de Boeing en France m'a informée que dans le cadre du développement de son avion 737 Max, son entreprise avait lancé une opération d'ampleur s'appuyant sur le savoir-faire des fournisseurs français. Les achats de Boeing en France représentent 100 fournisseurs, 30 000 emplois et 6,5 milliards d'euros. Parmi ces 100 fournisseurs, 15 ont été triés sur le volet pour constituer la Boeing French Team, équipe française d'excellence du constructeur. Certains de ces fournisseurs bénéficient d'investissements américains. Ceci nous renvoie au mécanisme de filtrage des investissements étrangers qui se met en place, en relation avec l'article 55 du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). Faut-il se montrer circonspect vis-à-vis de ces investissements qui portent sur un domaine stratégique, ou faut-il se réjouir sans arrière-pensée que la filière aéronautique américaine apprécie nos sous-traitants et notre main-d'oeuvre – en d'autres termes, qu'elle valorise notre industrie ?

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Un accord de principe semble avoir été trouvé en avril avec le Mexique pour un nouveau traité de libre-échange. Il doit moderniser l'accord en cours, qui fut le premier, en 2000, à être conclu entre l'Union européenne et un pays d'Amérique latine. Ce nouveau texte serait le premier à intégrer des mesures en faveur de la lutte contre la corruption. Il recommande en effet de faire de la corruption un délit pénal chez les fonctionnaires d'État au Mexique. Il renforce également les contrôles et la lutte contre le blanchiment d'argent. Andrés Manuel López Obrador, nouveau président élu en juillet dernier et qui devrait être installé à la fin de l'année 2018, ne devrait pas le remettre en cause puisque, durant sa campagne, il a pris des engagements pour lutter contre la corruption. Monsieur le ministre, pensez-vous que le calendrier européen, qui prévoit une signature de l'accord avant la fin de l'année 2018, pourra être tenu ?

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Monsieur le ministre, à l'heure où la France tente de convaincre ses partenaires européens de rehausser les exigences communautaires en matière environnementale dans les négociations commerciales, quel pourrait être l'impact du Brexit sur l'attractivité de l'Union européenne en tant que partenaire commercial ? Le départ du Royaume-Uni, deuxième économie européenne, pourrait-il affaiblir la position européenne vis-à-vis des partenaires commerciaux tels que l'Australie et la Nouvelle-Zélande ? Si tel était le cas, comment l'Union européenne pourrait-elle anticiper un tel affaiblissement ? Une sortie « sèche » du Royaume-Uni pourrait-elle avoir davantage d'impact qu'un départ accompagné d'une période de transition ?

Le Royaume-Uni a déjà fait part de sa position sur les pistes proposées par l'Union européenne dans le cadre de la réforme de l'OMC. Pensez-vous, monsieur le ministre, que le Royaume-Uni maintiendra cette position après le Brexit ? Pouvons-nous compter sur le soutien du Royaume-Uni pour cette réforme ?

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Madame la présidente, vous m'interrogez sur les conséquences du nouvel accord ALENA. Cet accord ne remet pas en cause les éléments que l'Union européenne a obtenus dans le cadre du CETA, par exemple sur les indications géographiques ou les produits laitiers. La Commission étudie attentivement ce que les États-Unis ont obtenu, mais notre propre dispositif est inchangé. Notre dispositif d'arbitrage n'est d'ailleurs pas remis en cause.

Il est vrai, cependant, que le Canada a souscrit à un texte avec les États-Unis, qui peut nous préoccuper sous certains aspects. Je pense plus particulièrement à deux mesures.

Tout d'abord, d'après la lecture que nous en faisons, ce texte induit une forme d'autolimitation des exportations automobiles, qui pourrait être contraire aux règles de l'OMC. Une sorte de quota est en effet évoquée. Même si ce quota n'affecte pas les exportations actuelles du Canada, l'introduction par principe d'une telle disposition peut nous interroger. La Commission partage cette interrogation et suit ce sujet de très près.

Ensuite, le Canada a souscrit au devoir d'informer les États-Unis de l'ouverture éventuelle de discussions ou de négociations avec certains États qui ne respecteraient pas tel ou tel principe. En d'autres termes, si le Canada voulait négocier avec la Chine, il devrait en référer aux États-Unis. Ce n'est bien évidemment pas neutre. Là encore, notre analyse converge avec celle de la Commission.

J'en viens à l'Iran. Je n'ai pas évoqué ce sujet spontanément dans mon exposé liminaire, car il est traité dans l'enceinte de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) au titre du plan d'action global commun,– Joint Comprehensive Plan of Action (JCPoA). Je vous livrerai cependant tous les éléments dont je dispose à ce sujet. Federica Mogherini, haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a annoncé en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, fin septembre 2018, la mise en place d'un véhicule dédié – Special Purpose Vehicle (SPV) – pour faciliter les échanges entre les entités économiques européennes et l'Iran. Il s'agit d'une sorte de mécanisme de « troc » perfectionné fondé sur les exportations de pétrole iranien, face auxquelles une créance pourra être instituée afin de financer diverses exportations européennes vers l'Iran. Ce véhicule est en train d'être affiné. L'Union européenne a la volonté affirmée de le mettre en vigueur dans les meilleurs délais. Nous considérons en effet que nous devons aider tout particulièrement les PME et les entreprises de taille intermédiaire – qui ne sont pas nécessairement exposées aux États-Unis – à maintenir leurs flux. Je connais des cas très concrets de PME françaises dont 30 % à 50 % du chiffre d'affaires est lié au marché iranien. Nous devons leur apporter des réponses.

Le Brexit sera évoqué dans les prochaines heures par les chefs d'État et de gouvernement au Conseil européen. La France souhaite l'obtention d'un accord de retrait, mais doit se préparer à toutes les éventualités. Elle se met en position, avec le recrutement programmé de 700 douaniers supplémentaires et la désignation d'un coordinateur national par le Premier ministre. Quoi qu'il en soit, le Brexit aura indéniablement des conséquences. Selon les estimations, elles pourraient atteindre jusqu'à 0,5 point de PIB pour la France d'ici à 2030. Quant au Royaume-Uni, il pourrait subir une baisse de 3 % à 6 % de son PIB à la même échéance.

Le projet de loi d'habilitation traitera de sujets très concrets, comme le statut des résidents britanniques en France ou les passations de marchés publics aux infrastructures frontalières. Il convient de se préparer à faire face à tout type de situation.

S'agissant de l'impact sur la politique commerciale, le Brexit ne remet pas en cause l'attractivité du marché européen, qui possède une taille critique. Des pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, traditionnellement liés au Royaume-Uni à de nombreux égards, ont d'ailleurs ardemment souhaité engager des négociations avec l'Union européenne.

Le Brexit implique par ailleurs de s'accorder sur une méthodologie pour répartir les contingents qui ont été consentis dans divers accords, sur la base de leur utilisation historique par l'Union européenne et le Royaume-Uni. Un processus de négociation s'est enclenché à cet effet. Il pourrait ne pas être conclu avant la sortie effective du Royaume-Uni de l'Union européenne. Pour parer à tout éventuel retard des négociations, l'Union européenne adoptera un règlement qui permettra de modifier unilatéralement les contingents tarifaires existants dès la sortie du Royaume-Uni ou la fin de la période de transition, pour s'adapter à la réduction de la taille du marché européen. Car pour une filière, un volume de quelques dizaines de milliers de tonnes n'est évidemment pas neutre.

J'ai noté un consensus de votre commission sur la nécessité de réformer l'OMC. Vous évoquez notamment l'organe de règlement des différends. Si ce dernier ne comptait plus que deux juges, il serait paralysé. C'est pourquoi des réflexions ont cours sur l'éventuelle mise en place d'un organe qui n'inclurait pas les États-Unis mais permettrait de régler tous les autres différends, si les parties en étaient d'accord. Il faudra redoubler de créativité pour faire face à cette situation inédite.

Monsieur Herbillon, vous vous interrogez sur l'échéance à laquelle nous pouvons attendre des résultats concrets des discussions engagées entre l'Union européenne et les États-Unis. Le président Trump souhaite manifestement que nous parvenions à une convergence de vues d'ici à la fin de l'année 2018. Nous devons néanmoins prendre le temps nécessaire. La négociation ne se fera pas sous la menace. Nous nous réjouissons pour le moment d'avoir assoupli le calendrier grâce à ces discussions préliminaires.

Sur la proposition de résolution que vous évoquez, monsieur Herbillon, je ne me retrancherai pas derrière l'argument des rôles respectifs des pouvoirs exécutif et législatif, mais derrière un principe résolument européen, celui de la subsidiarité.

N'ayant pas à traiter au quotidien du déclenchement de l'article 7 du traité sur l'Union européenne, je reconnais devant vous mes limites. La ministre chargée des affaires européennes, Nathalie Loiseau, pourra en revanche vous éclairer sur cette question. Je ne me prononcerai pas davantage sur le débat interne qui semble avoir cours sur ce sujet à l'Assemblée nationale.

Sylvain Waserman évoquait le respect de l'accord de Paris par les futurs accords commerciaux, principe que le président de la République a réaffirmé à la tribune de l'ONU fin septembre. Notre position est claire : nous ne souhaitons pas signer des accords globaux avec des États qui se seraient retirés de l'accord de Paris. C'est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas conclure un accord global avec les États-Unis en matière commerciale. Nous espérons que le retrait américain ne fera pas d'émules, et que la question ne se posera pas pour d'autres États. Je retiens quoi qu'il en soit l'idée que vous proposez, monsieur Waserman.

Je ne suis pas le meilleur interlocuteur pour vous éclairer sur la taxation des géants de l'Internet. Ce sujet n'est pas traité au sein du Conseil « Commerce ». Je m'attacherai néanmoins à ce qu'une réponse vous soit apportée.

S'agissant du MERCOSUR, la sensibilité agricole est exacerbée. Notez toutefois que nous ouvrons aussi des marchés à nos agriculteurs et à nos filières. Le Japon en est un, la Chine également, puisque le président Macron et d'autres dirigeants européens ont obtenu la levée d'un embargo de la part de cette dernière. Nous devons mettre en oeuvre un plan de bataille méthodique afin de nous saisir de toutes les opportunités qu'offrent ces marchés dès leur ouverture. Nous y travaillons au sein d'une instance dédiée réunissant les filières.

Monsieur Leroy, j'aurai plaisir à traiter plus en détail du tourisme, peut-être à l'occasion d'une audition conjointe avec la commission des affaires économiques.

Monsieur David, vous m'interrogez sur le report du processus de ratification du CETA. Le Parlement a souhaité être pleinement éclairé, et les études d'impact qui sont lancées constituent en quelque sorte une révolution copernicienne, loin des pratiques qui ont prévalu après la réforme constitutionnelle de 2008. L'objectif est de mettre au point une méthodologie qui puisse être déclinée à d'autres accords. Tant que celle-ci n'est pas aboutie aux yeux du Parlement, ce serait un outrage que de vous transmettre une loi de ratification insuffisamment documentée. Il ne s'agit aucunement d'une mesure dilatoire qui serait motivée par les élections européennes. Avec ou sans ratification formelle du CETA, les accords commerciaux seront au coeur des débats, et nous mènerons ces derniers les yeux dans les yeux.

J'en viens à la désignation de Mme Mushikiwabo au secrétariat général de l'OIF. Cette désignation a été faite par acclamation, par l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement. Par définition, un secrétaire général endosse l'histoire et les textes fondateurs de l'institution dont il prend la direction. À ce titre, la charte de la francophonie est un texte engageant prônant des valeurs. Elle est complétée par les déclarations très précises adoptées à Bamako ou à Saint-Boniface. La secrétaire générale de l'OIF a vocation à faire vivre tous ces principes. Du reste, elle ne parle pas au nom de son pays d'origine dès lors qu'elle accède à cette fonction. Je ne doute pas un seul instant que la secrétaire générale nouvellement élue aura à coeur d'accomplir la mission pour laquelle elle a été mandatée par les chefs d'État et de gouvernement.

Le Rwanda a fait le choix du plurilinguisme : on y parle français, anglais et kinyarwanda. Or, les institutions rwandaises ont affirmé le souhait de relancer l'enseignement de la langue française dans son système éducatif.

Madame Autain, nous mettons d'ores et déjà en oeuvre, ici et maintenant, une transparence vis-à-vis des citoyens. Nos réunions sont en effet diffusées publiquement. J'ose espérer que les citoyens s'en emparent pour se forger une opinion. Le Parlement aura à se prononcer sur l'accord MERCOSUR, qui est mixte. Ce sujet sera donc bel et bien débattu.

Quant aux études d'impact, elles doivent être précisément étayées. C'est tout l'honneur du Gouvernement que de vouloir fournir, à la demande du Parlement, des éléments plus consistants que ceux qui étaient communiqués jusqu'à présent.

Hervé Berville évoquait l'accueil par les pays émergents des pistes de proposition émises sur la réforme de l'OMC. Un certain nombre d'« amis » de l'OMC se sont manifestés dans la zone ASEAN. En revanche, les pays émergents africains, l'Inde ou encore l'Afrique du Sud restent très mobilisés dans le programme de Doha et demandent des ouvertures agricoles ou autres exceptions aux règles multilatérales. C'est un enjeu à l'égard duquel nous devons faire preuve de prudence, car il n'est pas sans effet pour nos propres filières.

Madame Clapot, vous évoquez le fait que des composants européens entrent dans la production aéronautique américaine. L'inverse est d'ailleurs également vrai. Notez incidemment que cette situation confère un pouvoir aux États-Unis, où des instances permettent de contrôler les exportations. À ce titre, Airbus devait solliciter des autorisations pour exporter vers des marchés sensibles, notamment en Iran. Quoi qu'il en soit, votre remarque, madame Clapot, illustre à quel point les chaînes de valeur sont éclatées dans la mondialisation. C'est pourquoi les hausses de droits de douane pratiquées par les États-Unis n'ont, me semble-t-il, pas grand sens. Les décisions prises par les États-Unis peuvent d'ailleurs pénaliser les acteurs nationaux. Ainsi, les industriels américains n'étaient guère favorables aux mesures édictées par leur pays en matière d'acier et d'aluminium, et certains ont annoncé des délocalisations à la suite d'annonces d'augmentations des droits de douane.

Monsieur Portarrieu, les dispositions anti-corruption devant figurer dans le futur accord commercial avec le Mexique sont bienvenues. Ce texte permettra de renforcer les liens entre l'Union européenne et le Mexique sur le plan politique. Nous pensons que le calendrier des négociations sera respecté.

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Monsieur le ministre, nous entendons des informations contradictoires sur des projets susceptibles d'être en cours entre l'Europe et les États-Unis concernant les importations de gaz et de soja. Qu'en est-il ?

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Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

En matière d'achat de gaz, les entités effectuent leurs propres arbitrages économiques. Jamais l'Union européenne ne recommandera à un État de se fournir plutôt auprès de la Russie, des États-Unis, de l'Algérie ou d'un autre pays. Pour autant, les États-Unis souhaitent bénéficier d'un meilleur accès au marché européen – si tant est que les infrastructures le permettent. Nous pensons que le gaz américain souffrira durablement d'un prix faiblement compétitif par rapport à d'autres fournisseurs.

Pour ce qui est du soja, il s'est produit une réorientation de flux, certains marchés s'étant clos et d'autres s'étant ouverts. En particulier, le marché chinois était fermé aux États-Unis. Cela explique que l'Europe ait davantage importé de soja américain que précédemment. Là encore, ce n'est que la traduction de décisions d'acteurs individuels.

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Monsieur le ministre, je tiens à vous rappeler que même si la Commission européenne jouit d'une compétence exclusive sur divers aspects de la politique commerciale, cette compétence s'exerce par délégation des États membres. À cet égard, nous sommes investis d'une responsabilité politique majeure. Ces questions de commerce sont aussi l'affaire des parlements nationaux, et en particulier de notre assemblée et de notre commission.

Mes chers collègues, nous devons à présent ratifier la nomination de rapporteurs sur de nouvelles missions d'information.

Cinq nouvelles missions d'information ont été décidées par le bureau sur les sujets suivants : le droit international humanitaire à l'épreuve des conflits, avec Jean François Mbaye et Moetai Brotherson ; les enjeux stratégiques en mer de Chine, avec Delphine O et Jean-Luc Reitzer ; la France et les pays d'Asie centrale, avec Pierre Cabaré et Maurice Leroy ; la France et le Moyen-Orient, avec Bruno Joncour et Claude Goasguen ; les enfants sans identité, avec Aina Kuric et Laurence Dumont.

D'autres missions d'information seront créées avant la fin de l'année, pour remplacer celles qui seront arrivées à leur terme d'ici-là.

La composition de ces cinq missions d'information est approuvée à l'unanimité.

Information relative à la commission

Nous allons maintenant procéder à la nomination de rapporteurs sur les cinq nouvelles missions d'information décidées par le Bureau.

- Le droit international humanitaire à l'épreuve des conflits ;

Co-rapporteurs : M. Moëtai Brotherson (GDR) et M. Jean-François Mbaye (LaREM) ;

- Les enjeux stratégiques en mer de Chine ;

Co-rapporteurs : Mme Delphine O (LaREM) et M. Jean-Luc Reitzer (LR) ;

- La France et les pays d'Asie centrale ;

Co-rapporteurs : M. Pierre Cabaré (LaREM) et M. Maurice Leroy (UAI) ;

- La France et le Moyen Orient ;

Co-rapporteurs : M. Bruno Joncour (MODEM) et M. Claude Goasguen (LR) ;

- Les enfants sans identités ;

Co-rapporteures : Mme Laurence Dumont (socialistes et apparentés) et Mme Aina Kuric (LaREM).

La Commission approuve l'ensemble de ces candidats.

La séance est levée à dix-huit heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 17 octobre 2018 à 17 heures

Présents. - Mme Clémentine Autain, M. Hervé Berville, Mme Mireille Clapot, M. Alain David, M. Michel Fanget, Mme Anne Genetet, Mme Olga Givernet, M. Michel Herbillon, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferriere, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, M. Maurice Leroy, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, M. Jean-François Portarrieu, Mme Marielle de Sarnez, Mme Sira Sylla, Mme Liliana Tanguy, M. Sylvain Waserman

Excusés. - M. Lénaïck Adam, M. Frédéric Barbier, M. Bruno Bonnell, M. Moetai Brotherson, M. Bernard Deflesselles, Mme Laurence Dumont, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, Mme Amélia Lakrafi, Mme Nicole Le Peih, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Monica Michel, Mme Bérengère Poletti, Mme Isabelle Rauch, M. Hugues Renson, M. Bernard Reynès, M. Joachim Son-Forget