Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mercredi 31 octobre 2018 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mercredi 31 octobre 2018

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

Présidence de M. Bruno Studer, président de la Commission

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La commission des Affaires Culturelles et de l'Éducation procède à l'audition de Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société en 2017.

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Mes chers collègues, j'ai le plaisir d'accueillir ce matin Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, pour une présentation de l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'entreprise, en 2017.

Cette rencontre annuelle, qui se déroule cette année en pleine discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2019, va également nous permettre, madame la présidente, d'échanger avec vous sur l'actualité du groupe France Télévisions et ses projets d'évolution, dans cette période de grande réflexion sur les mutations nécessaires du service public de l'audiovisuel et, au-delà, de la régulation de l'ensemble du secteur.

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Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation. Je vais en effet vous brosser un tableau de la profonde transformation qui est en cours au sein de France Télévisions.

L'entreprise France Télévisions est prête pour le changement. D'abord, parce que le contexte nous y invite.

Partout en Europe, les citoyens ont une nouvelle attente vis-à-vis de l'audiovisuel public. Ils veulent des garanties sur l'utilité de la contribution à l'audiovisuel public, tout en reconnaissant qu'une l'information indépendante et de qualité est la pierre angulaire du service public. Ils ont la même attente à l'égard des programmes, qui doivent savoir fédérer et être renouvelés en permanence.

Ensuite, c'est une évidence aujourd'hui, nous faisons face à la concurrence des plateformes globales. Dans certains pays – je me suis rendue récemment en Suède et en Norvège –, elles ont d'ores et déjà pris la première place. Tony Hall, le patron de la British Broadcasting Corporation (BBC), a tiré la sonnette d'alarme dès l'année dernière, avec le message suivant : « Si nous ne faisons rien, nous sommes menacés d'effacement. » Je l'avais également évoqué, dès ma nomination à France Télévisions : les concurrents ne sont plus hexagonaux, ils sont mondiaux.

Enfin, face à ces évolutions du marché et des attentes des citoyens, le Gouvernement a engagé une réforme claire, consistant à accélérer la transition numérique de notre entreprise, à investir fortement dans les contenus et à réduire notre poids sur les finances publiques. La loi audiovisuelle, que vous écrirez, permettra de fixer un cadre réglementaire plus agile, comme l'a proposé, par exemple, le rapport Bergé-Bournazel.

France Télévisions met en place les conditions de la réussite. Cette réforme se déroule dans une entreprise qui se porte bien. Depuis le début de l'année, les audiences de nos chaînes ne cessent de progresser. La rentrée a été particulièrement réussie, avec le lancement du nouveau feuilleton quotidien qui fédère plus de 3,5 millions de Français tous les soirs.

Nous avons aussi travaillé à une nouvelle offre en matière de fictions, et à un renforcement de notre offre de savoirs et de connaissance. Je pense notamment à la série documentaire événement Histoires d'une nation ou au cycle que nous dédions à Victor Hugo, qui commencera la semaine prochaine. Ce succès éditorial n'est pas à apprécier uniquement à l'aune des audiences, mais au travers d'une mesure qualitative et d'une évaluation quotidienne de nos missions de service public, grâce au baromètre QualiTV.

À ces performances, s'ajoute une rigueur de gestion. Depuis 2015, notre entreprise est à l'équilibre budgétaire. C'est pour moi la condition sine qua non de la confiance de notre actionnaire dans l'entreprise. Nous avons atteint cet équilibre budgétaire trois années consécutives, nous y parviendrons également en 2018, malgré une réduction du budget de 50 millions d'euros, intervenue en fin d'année dernière. L'effort, cette année, pour tenir cet engagement budgétaire, a porté prioritairement sur la structure. Depuis 2012, France Télévisions a réduit ses effectifs de 8 %.

Ces efforts ont été possibles parce que nous avons mis en place des réformes structurelles. Nous avons fusionné les rédactions de France Télévisions et nous disposons, aujourd'hui, d'une rédaction unique. Nous avons réorganisé l'ensemble du réseau régional de France 3 sur les treize régions. Nous avons réduit le recours à l'intermittence. Nous avons réorganisé nos moyens de fabrication interne.

Nous nous appuyons sur des équipes de salariés mobilisés. Il est frappant de constater à quel point ceux-ci sont pleinement engagés pour le service public. Ils croient à la mission de notre entreprise et y sont dévoués. Ils ont conscience que les efforts demandés sont significatifs, mais ils sont surtout attentifs à ce que toutes ces réformes aient un sens pour l'avenir de France Télévisions.

Nous souhaitons profiter de cette réforme pour repenser notre cadre de travail, à la fois pour basculer d'une entreprise très hiérarchisée vers une organisation plus agile, plus souple et plus transverse, où les décisions seront plus décentralisées, et pour continuer à favoriser la qualité de vie et la santé au travail. Je l'ai toujours dit : on ne se lève pas le matin pour faire des économies. C'est pourquoi j'ai souhaité que les salariés soient associés à la transformation de leur entreprise.

Malgré ces efforts budgétaires, ma stratégie est de renforcer les investissements dans la création. Ils étaient de 390 millions d'euros en 2015, quand je suis arrivée à la tête de cette entreprise ; ils sont aujourd'hui de 420 millions d'euros par an. Dès le début, j'ai indiqué que pour réaliser un tel investissement, un partage plus équitable des droits entre producteurs et diffuseurs était nécessaire. C'est la raison pour laquelle nous avons conclu un accord en ce sens en 2015, et que j'ai ouvert de nouvelles négociations pour l'adapter au nouveau contexte.

Dès les annonces du Gouvernement relatives aux enjeux et à la réforme de l'audiovisuel public, j'ai souhaité que nous mettions en place les mesures pour déployer rapidement la réforme décidée par l'actionnaire.

Nous avons lancé un conseil consultatif de jeunes téléspectateurs, de moins de 35 ans, avec qui nous allons travailler pendant un an. En parallèle, nous lançons, avec Radio France, une consultation citoyenne extrêmement large, à laquelle ont déjà répondu plus de 100 000 personnes, sur l'avenir de la télévision et de la radio. Une matière extrêmement riche que nous allons analyser et mettre à profit pour dessiner les futures lignes éditoriales.

Entre une télévision d'offre, dont nous pensions que le public allait suivre, et ce que proposent les plateformes et les réseaux sociaux – des programmes à la demande –, il y a un juste milieu à construire pour l'audiovisuel public, qui est une « télévision du choix » : choix des citoyens et choix des programmes.

Nous avons également concrétisé les rapprochements de l'audiovisuel public. Franceinfo est une première expérience réussie, depuis le 1er septembre 2016. En deux ans, elle est devenue la première plateforme numérique d'actualité, devant tous les autres médias. La radio a bénéficié de la force du média global et se porte de mieux en mieux. L'audience de la télévision a augmenté de 40 % en un an et touche aujourd'hui plus de 3 millions de téléspectateurs par jour. Son offre est clairement différente des autres chaînes d'information, peut-être plus calme et apaisée tout en étant très professionnelle et en cherchant à approfondir l'analyse des événements. Il s'agit d'une expérience réussie, car elle nous montre que, en innovant sur les formats, nous sommes capables, dans l'audiovisuel public, d'aller chercher des publics beaucoup plus jeunes.

Nous souhaitons élargir le champ des coopérations avec, d'abord, Radio France. C'est ce qui nous a permis de lancer des expérimentations communes entre les réseaux de France 3 et France Bleu, avec deux matinales communes, à Nice et à Toulouse. Nous travaillons aussi avec nos collègues de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), de France Médias Monde (FMM), de TV5 Monde et d'Arte, sur la culture, mais aussi sur des synergies opérationnelles.

Enfin, j'ai lancé une réorganisation des fonctions centrales de France Télévisions. Nous avons commencé par les secteurs des antennes et des programmes, qui ne seront plus organisés par chaîne, mais par unité de programmes, afin de pouvoir mettre le contenu, l'offre éditoriale, au centre de nos préoccupations. Ce changement a déjà été accompli par tous les services publics européens. Nous nous sommes donc inspirés de ce qui a été réalisé en Angleterre, en Suède, et un peu partout en Europe. Mon objectif est simple : notre maison doit être ouverte aux talents et aux créateurs, et notre organisation doit être agile, tournée vers les contenus et ses publics.

Cette révolution de la télévision publique a un sens fort.

France Télévisions a souvent fait l'objet de réformes, mais ce ne sera pas une réforme de plus. Ce qui est à l'ordre du jour n'est pas une réformette, ni un ajustement, c'est une véritable révolution de la télévision publique. Tout doit être remis à plat. C'est un changement de métier. Nous allons continuer à faire de la télévision, mais nous allons radicalement changer notre manière de la faire. C'est un saut technologique, managérial et organisationnel. Mais il n'y a pas de projet de télévision qui ne soit pas avant tout un projet éditorial.

Nous souhaitons, à travers les programmes et l'information, être capables d'éclairer nos concitoyens et les rendre plus libres ; libres de leurs choix, libres dans leur façon de comprendre les débats, libres au travers de l'imaginaire et des oeuvres de création.

Pour réaliser cette transformation, nous devons nous appuyer sur nos points forts. Premièrement, nous sommes une référence reconnue en matière d'information : le « 12-13 » et le « 19-20 » sont puissants sur France 3. L'information régionale a la confiance de 80 % des Français. Les journaux d'information dans les territoires ultramarins sont largement leaders, et peuvent atteindre près de 70 % de parts de marché. Le « 13 heures » de France 2 ne cesse de progresser, tandis que le « 20 heures » a fait sa meilleure saison depuis douze ans. L'information de service public est reconnue comme fiable et indépendante. Nous sommes la seule télévision, en France, à donner une place aussi large à l'investigation et à l'exposition du débat politique à des heures de grande écoute.

Nous avons su également donner une nouvelle place à la fiction française. Il y a encore quelques années, elle était considérée comme sans avenir face à la fiction américaine. Or nous avons réussi à renouveler le genre. Hier soir, Capitaine Marleau a battu des records d'audience.

Nous avons également une mission éducative. Nous mettons la culture et la connaissance au coeur de nos offres, afin de les rendre accessibles au plus grand nombre, que ce soit à travers nos magazines, nos documentaires ou nos émissions dédiées. Le service public est reconnu pour sa capacité à faire connaître et à faire découvrir.

Notre premier enjeu est de reconquérir les jeunes publics. En effet, toute une génération s'éloigne de la télévision, et notamment du service public. Cinq défis doivent être relevés.

Le premier est de réussir la transformation de France 4. Aucune chaîne en Europe n'a encore mis son offre enfants en non linéaire, même si certains commencent à y réfléchir. Aujourd'hui, les acteurs dominants dans ce secteur sont YouTube et Netflix. Nous serons donc les premiers, en France, à relever ce défi d'une offre non linéaire pour les jeunes enfants. Une offre qui doit s'imposer et être repensée complètement, à la fois en maintenant des cases d'animation en linéaire et en bâtissant une offre non linéaire, riche, éducative, pertinente et sécurisante pour les parents. Ce qui nous permettra de maintenir nos engagements dans l'animation et de lancer notre plateforme en septembre 2019, autour d'une marque pour enfants unique.

Le deuxième défi, ce sont les jeunes adultes. Nous avons renforcé Slash, le média social lancé cette année, en proposant des contenus numériques, originaux et innovants. Nous allons donc continuer dans cette veine-là, en renforçant considérablement les investissements dans ces contenus créés spécifiquement pour le numérique. Nous allons également continuer de travailler en partenariat avec les équipes de Mouv' et de Radio France, car nous estimons que les adolescents et les jeunes adultes, même s'ils sont attirés par YouTube et Instagram, ne sont pas une cause perdue pour le service public.

Le troisième défi, c'est le renouveau du divertissement, le genre par excellence qui arrive à réunir la famille. En effet, là où les grands shows des chaînes privées parviennent à fédérer le public familial, la télévision publique manque d'émissions populaires et fédératrices ; à nous de les trouver. C'est un enjeu pour retrouver les jeunes.

Le quatrième défi à relever est de diversifier la fiction. Notre fiction fait de bonnes audiences mais les publics les plus jeunes, et ce ne sont pas les seuls, attendent une offre plus diversifiée, qu'ils ne trouvent aujourd'hui que sur les plateformes. Nous allons nous appuyer sur le vivier d'auteurs et de scénaristes et faire éclore leurs projets. La rapporteure Céline Calvez a rédigé un rapport intéressant sur cette question.

Le cinquième défi est de devenir le lieu d'éducation et de culture pour le plus grand nombre, le lieu où se raconte le roman national, au travers de grands événements sportifs et des commémorations, qui sont importantes pour expliquer aux jeunes publics l'histoire de France ; nous en diffuserons un bel exemple le 11 novembre.

Faire revenir les jeunes sur le service public n'est pas une chimère, c'est possible, mais nous devons nous en donner les moyens et changer radicalement nos habitudes pour y parvenir.

Notre deuxième enjeu est de remettre la périphérie au centre.

Les territoires sont au coeur des enjeux de la réforme de l'audiovisuel public. La télévision a été bâtie sur un modèle jacobin. Nous racontons trop souvent la France depuis Paris, alors que notre force réelle est bien notre ancrage territorial, que ce soit outre-mer ou dans les régions hexagonales. Derrière la question des territoires, c'est une question démocratique qui se pose, celle de la représentation. Nous avons l'obligation de représenter tous les Français, de toutes les géographies, mais aussi de toutes les origines.

Cela passe d'abord par la clarification de la place de France 3. Nous souhaitons en faire une chaîne clairement régionalisée. Cela se fera d'abord autour de l'information, mais aussi par une offre régionale que nous élargirons progressivement. Nous allons passer de deux heures de programmes régionaux à six heures. Cette inversion du modèle ne peut se faire qu'à travers une coopération renforcée avec France Bleu, qui sera notre premier partenaire dans la production de ces nouveaux programmes.

La visibilité des outre-mer est aussi un enjeu fondamental. Nous sommes très puissants dans les territoires ultramarins, avec neuf stations qui regroupent à la fois une télévision, une radio et une offre numérique. Cependant, nous peinons à irriguer l'ensemble de la communauté nationale. Les territoires ultramarins doivent être traités comme tous les territoires de la République. L'arrêt de France Ô doit nous amener à renforcer très fortement notre offre sur toutes les chaînes, dans l'information comme dans les programmes. Au moins une fois par mois, France Télévisions dédiera un prime time aux outre-mer.

Enfin, le traitement de l'actualité européenne est encore trop confidentiel sur nos antennes. Nous ne souhaitons pas y consacrer des programmes de spécialistes, mais davantage vulgariser et faire découvrir l'Europe à l'ensemble de nos concitoyens. Une attention particulière sera consacrée au débat européen qui s'ouvrira pour les prochaines échéances électorales. Nous diffuserons notamment le débat des candidats à la présidence de la Commission européenne. Nous avons également lancé un nouveau magazine, le samedi, intitulé Bons baisers d'Europe, visant à rendre plus proches les habitudes de vie de nos concitoyens européens.

Troisième enjeu : avoir une offre pleinement adaptée au numérique. Cette refonte éditoriale vise à faire passer toute notre offre à l'ère du non linéaire. Notre stratégie pour y parvenir repose sur trois piliers : l'exigence, l'expérience et l'exclusivité.

D'abord, l'exigence. L'offre vidéo sur internet est pléthorique, mais sa qualité est relative. Nous devons amener la même exigence que nous portons sur les antennes linéaires sur le numérique. Cela veut dire créer du contenu natif de qualité, quel que soit le programme. La qualité France Télévisions doit être perçue par le public comme étant une signature audacieuse et originale. Les contenus liés à la culture et à la connaissance doivent pleinement trouver leur place. L'enjeu éducatif est prioritaire, et nous nous inspirons beaucoup de la BBC qui aide tous les ans des centaines de milliers d'élèves à réviser leurs examens ; à nous d'être à la même hauteur.

Ensuite, l'expérience. Les éditeurs français ont trop peu investi la question de la qualité de l'expérience utilisateur, de l'ergonomie, de la « découvrabilité » des contenus. Nous devons investir tous les champs de l'innovation, la réalité virtuelle, l'intelligence artificielle… La question des algorithmes et des données de service public est majeure. Nous devons apporter aux citoyens la garantie du respect de la vie privée, de la non-utilisation commerciale de leurs données. Cependant, nous priver des données, c'est nous condamner à la relégation en matière d'expérience numérique. C'est également nous priver d'un moyen d'échanger avec nos publics, qui sont désireux d'avoir une conversation individuelle avec nous. La recommandation de service public ne doit pas être vécue comme un danger, mais, au contraire, comme la clé d'une relation personnalisée entre le citoyen et l'offre.

Enfin, l'exclusivité. L'argent de la redevance n'est pas là pour financer les marges gargantuesques des « GAFAN ». Je ne veux pas, alors que c'est le cas aujourd'hui, que demain les programmes financés par les impôts des Français se retrouvent sur Netflix et YouTube. Nous l'avons fait jusqu'à il y a deux ans, et nous voyons que cette stratégie ne mène nulle part. Discuter avec nos homologues européens a été très enrichissant, chacun ayant cherché à composer avec ces acteurs très puissants dans leur pays. Notre enjeu principal est de bâtir des plateformes françaises d'envergure. Mon objectif est, qu'en septembre 2019, france.tv soit notre première antenne. C'est sur cette plateforme que doivent se retrouver les contenus innovants du service public.

Mesdames, Messieurs, la télévision publique a un bel avenir devant elle, en France comme en Europe. D'ici à quelques semaines, je prendrai la vice-présidence l'Union européenne de radio-télévision (UER) aux côtés de Tony Hall. Les évolutions engagées par les deux grands pays que sont le Royaume-Uni et la France, indiquent qu'il existe un vrai besoin, à l'heure où les populistes nous attaquent de toute part, de réaffirmer le rôle de l'audiovisuel public, partout en Europe. C'est en donnant toute sa chance au service public que nous pouvons soutenir la démocratie, réaffirmer l'importance de la liberté d'expression et de l'indépendance du service public. C'est aussi une façon, pour Tony Hall, de réaffirmer le rôle, dans la construction européenne, que peuvent jouer les services publics européens, dans la diffusion d'une culture commune européenne, bien différente que la culture américaine, entre autres. Nous avons un rôle important de soutien de nos démocraties à jouer.

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Madame la présidente, je vous remercie d'être venue nous parler de la stratégie de France Télévisions.

Hier, je me suis rendue dans les studios que vous avez installés à Vendargues, près de Montpellier, pour produire et réaliser la série que vous diffusez depuis deux mois sur France Télévisions, Un si grand soleil. Cette série, qui a été pensée et fabriquée en interne, est une véritable innovation industrielle ; j'ai pu constater des innovations technologiques prometteuses qui pourraient être appliquées à d'autres fictions.

Quelle est la capacité de France Télévisions à être à la pointe de l'innovation, non seulement technologique, mais également managériale, de création et de conception ?

Quelle est la capacité de France Télévisions à inviter un grand nombre de talents à venir, dès la phase de conception, irriguer sa création ?

S'agissant d'innovation managériale, au-delà de ce que vous pouvez produire en interne, quelle est votre capacité à pouvoir co-créer avec d'autres entités, telles que Radio France ? Vous avez parlé des projets qui vous unissent dans l'information, avec Franceinfo, et de la plateforme culture, qui sera source de créations. Mais comment pousser encore plus loin et installer ces réflexes de création qui pourraient porter aussi bien sur un contenu diffusé à la radio qu'à la télévision ?

Comment créer un laboratoire d'élaboration et d'innovation de contenus communs à l'ensemble de l'audiovisuel public ?

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Madame la présidente, je reviendrai sur deux points que vous avez abordés dans votre présentation liminaire.

Ma première question concerne France 3, considérée à juste titre comme la chaîne des régions, et qui participe à notre cohésion territoriale en défendant les spécificités locales, auxquelles nous sommes tous très attachés. Je note avec satisfaction que les objectifs du COM sont atteints pour 2017, en ce qui concerne la part des programmes régionaux et à caractère régional, mais qu'il reste encore une marge de progression, d'ici à 2020, afin d'atteindre les 35 %. Pouvez-vous nous indiquer les mesures qui seront prises afin d'ancrer toujours davantage France 3 dans nos régions ?

Ma seconde question concerne France 4. Comme de nombreux collègues, je m'interroge sur le choix de basculer France 4 sur le tout-numérique, alors qu'il s'agit d'une chaîne dédiée, pour partie, à la jeunesse. En effet, dans un contexte inédit de violence à l'école, il me semble essentiel qu'une chaîne publique puisse offrir des programmes de qualité qui se partagent en famille, à tous les âges, donnant l'occasion aux parents d'échanger avec leurs enfants sur les images qui sont diffusées et non pas d'encourager un visionnage solitaire d'un programme favorisant le repli sur soi. Quel est votre avis sur cette question ?

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Madame Ernotte, je suis ravie de vous retrouver et vous remercie de votre présentation.

En 2018, l'animation française s'est une nouvelle fois illustrée. En effet, parmi les programmes les plus visionnés par les acheteurs du monde entier, la France place six programmes parmi les dix premiers. La production française confirme ainsi son attractivité internationale, la diversité et la densité de sa production au plus haut niveau mondial.

En 2017, France Télévisions reste le premier financeur de l'animation française, représentant ainsi plus de 50 % du financement de l'animation en France. Cependant, la fermeture annoncée de France 4 en 2020 va priver l'industrie de sa principale plateforme de diffusion, entraînant la disparition de plus de la moitié de l'offre. Cette suppression devrait être remplacée par la création d'une plateforme numérique, à construire dans un délai très court. Mais cette construction et l'arrêt brutal de la chaîne ne permettront pas de changer les habitudes de consommation du jeune public et des parents. France Télévisions risque de perdre ce contact, cette relation avec ce public privilégié. Bien évidemment, la bascule vers le numérique doit avoir lieu, c'est dans l'air du temps, mais ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de retarder la fermeture de France 4 afin de développer de nouvelles habitudes de consommation, d'assurer la stabilité de la nouvelle plateforme et de protéger ainsi l'industrie de l'animation ?

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Madame la présidente, je vous félicite pour votre investissement et les progrès qui ont été réalisés pour donner toute sa qualité au service public audiovisuel. Je note que vous avez pu le faire dans le respect des équilibres économiques et budgétaires qui vont sont impartis.

Vous évoquez la disparition de France Ô, mais je n'ai pas bien saisi ce qui était précisément prévu pour que les grands événements qui touchent les territoires d'outre-mer soient effectivement repris et relayés sur les chaînes d'information générale. Je prendrai l'exemple du Carnaval tropical qui a lieu chaque année et qui, contrairement au Carnaval de Londres, n'a quasiment aucune place sur nos grands médias.

J'ai également noté les mesures que vous avez prises pour l'adaptation de France Télévisions au numérique. Quelles suites pensez-vous pouvoir donner à certaines préconisations du rapport Bergé-Bournazel ?

Par ailleurs, j'ai cru comprendre que France Télévisions avait pour projet le lancement d'une plateforme, Salto, qui se veut une réponse ambitieuse aux nouvelles attentes du public, et une alternative à Netflix et Amazon. Mais c'est un projet que vous n'avez pas évoqué dans votre présentation.

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Le projet de budget 2019 pour l'audiovisuel public est en diminution de 36 millions d'euros, ce qui, au regard de l'inflation, représente en fait une baisse supérieure à 40 millions d'euros. Malgré les résultats de 2017, qui confirment le retour à l'équilibre et une large audience en constante augmentation, France Télévisions absorbe pour sa part 26 millions d'euros de cette baisse. Depuis 2012, l'effectif de France Télévisions a diminué de 6,2 %.

À vous écouter, j'ai l'impression que vous seriez la seule à résoudre ce théorème de Bercy qui est de faire mieux avec moins. Je m'interroge sur l'impact de la baisse du budget et sur la réduction du nombre d'équivalents temps plein (ETP) au sein de France Télévisions. La transition vers le numérique est une évidence mais elle demande des moyens et doit se faire, non pas en substitution du travail d'hommes et de femmes, mais avec eux et à leur service. Je m'interroge également sur le plan de formation en interne, pour développer ces nouveaux savoir-faire, essentiels pour cette transition et qui ne peuvent se faire en tuant d'autres savoir-faire qui ont encore de l'avenir.

J'ai un regard extrêmement inquiet quant à l'avenir de France Télévisions, que je ne ressens pas dans vos propos. Je partage bien évidemment les atouts que vous avez évoqués, mais ces atouts ont besoin de ressources pour se développer, ne pas mettre en danger l'investigation et la création du service public de l'audiovisuel. Avec la fusion des chaînes, quel regard portez-vous sur la spécificité des contenus et des rédactions de chaque chaîne ?

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Le COM insiste sur la nécessité de renforcer l'identité, la spécificité des chaînes et leur complémentarité. Le modèle choisi par tous les audiovisuels publics européens pour les chaînes pour enfants est une chaîne linéaire – il y a en général deux chaînes pour les enfants. Aucune chaîne européenne n'a fait la bascule du numérique. Le Gouvernement a décidé la suppression du canal hertzien de France 4, alors même que le basculement vers le tout-numérique du service iPlayer de BBC 3, destiné aux jeunes adultes, a amené l'effondrement des audiences de la chaîne. Alors qu'elle faisait 30 % de parts de marché, elle n'atteint, aujourd'hui, même pas 3 %. C'est préoccupant. Par ailleurs, le Gouvernement a décidé le rapatriement de certains programmes jeunesse de France 4 sur les chaînes France 2, France 3 ou France 5, ce qui, en soi, démontre la nécessité de garder une diffusion linéaire et un canal hertzien pour les programmes jeunesse. Ne pensez-vous pas que ce parti pris est totalement contradictoire avec l'objectif revendiqué de renforcer l'identité, la spécificité et la complémentarité des chaînes du service public ? Que nous sommes à contresens de l'histoire et de tous les exemples européens ?

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Madame la présidente, en tant que télévision remplissant une mission de service public, France Télévisions, comme le souligne votre rapport d'exécution sur l'année 2017, s'engage notamment à développer des contenus de qualité qui soutiennent la création audiovisuelle, assurent une juste représentation de la diversité sociale et culturelle de la France, s'engagent pour le droit des femmes ou encore assurent une accessibilité des programmes à tous par le sous-titrage et la traduction en langue des signes.

Or, dans sa réforme de l'audiovisuel, le Gouvernement souhaite imposer un plan d'économie drastique de 190 millions d'euros aux groupes audiovisuels publics qui touche en particulier France Télévisions, puisque le groupe se verra amputer de 160 millions d'euros à l'horizon 2020. Cette baisse budgétaire s'accompagne d'une diminution et d'une précarisation des salariés qui ne peuvent manquer d'affecter la qualité des contenus.

Ainsi, vous allez supprimer France Ô et transformer France 4. Votre rapport d'exécution sur l'année 2017 illustre que France 4 assurait une mission familiale en développant notamment des programmes de divertissement à finalité pédagogique à destination des enfants, tandis que France Ô assumait un rôle de vitrine des outre-mer et représentait la diversité des territoires français, dépassant, en 2017, l'objectif annuel prévu par le COM, pour atteindre un niveau proche de l'indicateur de cible.

Comment, dans un contexte de coupes budgétaires, comptez-vous redéployer les missions d'intérêt général assumées par ces deux chaînes sur l'ensemble des autres programmes de France Télévisions et, plus généralement, continuer à proposer des contenus de qualité remplissant une mission de service public ?

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Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions

Je prendrai les questions dans l'ordre.

S'agissant de l'innovation, il y en a de plusieurs types. D'abord, des innovations de processus dans notre façon de fabriquer nos programmes, comme c'est le cas du nouveau feuilleton quotidien pour lequel nos équipes ont mis en oeuvre les dernières pratiques ; elles ont ainsi pu réaliser un feuilleton de qualité. Ces innovations contribuent à enrichir le secteur audiovisuel de ces compétences, d'autant que les équipes de France Télévisions sont à la pointe des nouvelles techniques.

Nous sommes capables, comme nous l'avons prouvé avec Franceinfo, de fabriquer une chaîne avec des moyens radicalement différents de ce que nous pouvons mettre en oeuvre sur d'autres chaînes. Nous avons changé notre façon de travailler, avec des descriptions de métiers et de postes radicalement différentes. Nous avons ainsi pu lancer NoA, la chaîne de Nouvelle-Aquitaine, en réponse à un appel d'offres de la région. Construite par les équipes de France 3 Nouvelle-Aquitaine, nous avons démontré que nous étions tout à fait capables d'assurer des directs avec des iPhone, montés sur un ordinateur.

L'entreprise dispose, en son sein, de compétences et de savoir-faire qui lui permettent de faire radicalement différemment de ce qui était fait par le passé. Elle est capable de s'approprier toutes les nouvelles innovations numériques qui touchent les métiers de la télévision pour produire mieux, être à la pointe et efficace. C'est ce que nous avons cherché à mettre en oeuvre à Vendargues, et ce que nous allons continuer de faire.

Il y a, ensuite, un second champ d'innovations qui est beaucoup plus en rupture, et qui comprend la réalité virtuelle et l'intelligence artificielle. Nous disposons, là aussi, d'équipes en interne qui sont à la pointe de ces innovations. C'est ainsi que nous avons pu, lors de la journée du patrimoine, faire vivre à nos téléspectateurs les deux dernières minutes avant le lancement du journal télévisé (JT) du soir sur France 2.

France Télévisions a également travaillé avec des start-ups, les a incubées pour ensuite tirer parti de ce qui se fait, même si nous devons encore progresser et déployer une politique plus ambitieuse d'appropriation. Il serait même intéressant, mais on ne se l'autorise pas encore, d'investir dans certaines start-up.

L'idée de monter un laboratoire de contenus avec l'ensemble de l'audiovisuel public est une très bonne idée.

Concernant l'innovation managériale, France Télévisions est confrontée à cette évolution, comme toutes les entreprises au monde : comment être plus agile, travailler dans des délais plus courts tout en gardant une qualité et le plaisir, pour les salariés, de venir travailler chaque matin ?

Il s'agit donc d'une réforme culturelle profonde, à laquelle nous avons associé les salariés. La réforme métier qui est en cours touche toute la direction des programmes, puisque nous passons d'une polarisation par chaîne à une polarisation par genre ; c'est l'ensemble des salariés de la direction concernée qui travaille à cette réorganisation.

Par ailleurs, nous sommes beaucoup trop centrés dans nos décisions, nous ne déléguons pas suffisamment et, finalement, nous ne faisons pas suffisamment confiance aux managers qui, sur le terrain, sont les plus à même de prendre les bonnes décisions. Nous allons revoir tout cela, mais une telle révolution culturelle va prendre du temps.

S'agissant de France 4, la chaîne dédiée au jeune public, je vous l'ai dit, nous serons les premiers à basculer au numérique ; nous allons dans le sens de l'histoire. Si, en France, les enfants regardent encore la télévision traditionnelle, dans d'autres pays où les « GAFAN » sont bien plus présents, ils ont complètement basculé sur le numérique. Bien entendu, nous devons fournir une offre numérique de qualité et sécurisée ; c'est indispensable. À quel moment allons-nous basculer ? Le Gouvernement a décidé de l'arrêt de France 4 et de France Ô en 2020, ce qui nous laisse du temps pour dessiner cette nouvelle offre numérique, qui ne part pas de rien, puisque nous avons déjà des plateformes que nous allons redéfinir.

Vous avez parfaitement raison, madame Mette, de rappeler que nous devons absolument protéger le secteur de l'animation, qui est exemplaire, à la fois par sa qualité et son organisation. Nous nous y engageons. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il existe déjà, sur nos autres chaînes, des offres d'animation que nous allons renforcer. Nous continuerons, par ailleurs, à maintenir nos investissements dans l'animation. Je voudrais tout de même ajouter, s'agissant des offres pour enfants et jeunes adultes, que ce n'est pas uniquement par les programmes qui leur sont spécifiquement dédiés que nous pourrons les toucher. Nous devons également les intéresser par des divertissements, des documentaires et de la fiction. Nous devons opérer un mouvement d'ensemble.

Quoi qu'il en soit, même si nous ne constatons pas encore un décrochage aussi fort quand dans d'autres pays, le jeune public regarde de moins en moins la télévision : les adolescents ne la regardent plus qu'une heure vingt par jour en moyenne. C'est la conséquence de l'équipement haut débit du territoire et de la démocratisation des petits écrans. Le numérique est de plus en plus attrayant pour les publics jeunes. Et quand un décrochage se produit, il est rapide et brutal. Nous devons donc nous y préparer.

S'agissant de France Ô, la problématique est un peu différente, car si l'offre était importante, elle l'était par défaut de notre capacité à parler des outre-mer sur les autres chaînes. Prenons l'exemple des événements de Mayotte, nous avons tous été choqués par le temps que nous avons mis à passer le sujet au journal télévisé de 20 heures. Ce n'est pas de la mauvaise volonté des uns ou des autres, mais par son existence, les autres chaînes se déchargent sur France Ô pour parler des outre-mer. Or les outre-mer doivent irriguer l'ensemble de nos journaux et de nos programmes. Sur cette question, une réflexion est en cours à la direction de l'information, avec Yannick Letranchant. Nous avons, en outre, nommé un correspondant outre-mer qui assiste aux conférences de rédaction des différentes éditions, pour que tous les journalistes aient le réflexe de se demander ce qui mérite d'être passé au journal télévisé.

Nous allons d'ailleurs avoir un bel exemple de coopération avec le référendum, ce week-end, en Nouvelle-Calédonie ; des sujets seront diffusés, évidemment sur France Ô, mais également sur Franceinfo et France 2. Nous enchaînerons sur un autre événement, la Route du Rhum, qui n'est pas un événement politique, mais qui est d'importance et qui mobilisera l'ensemble des équipes.

Dans le cadre de la nouvelle organisation de la direction des programmes, nous avons prévu une direction des programmes ultramarins. Nous souhaitons normaliser les outre-mer, ce qui n'a jamais été fait, France Ô étant un mauvais prétexte pour ne pas le faire. Tous les territoires doivent bénéficier d'une égalité de traitement.

Enfin, c'est symbolique, mais depuis fin août, nous diffusons la météo ultramarine avant le journal de France 2. Nous voulions envoyer un signe à nos publics ultramarins de l'Hexagone.

Vous m'avez également interrogée sur les coupes budgétaires et, pour résumer, comment nous comptions « faire plus avec moins ». C'est une question qui nous absorbe et très clairement, nous n'allons pas faire exactement la même chose. C'est tout l'enjeu des réformes que nous devons mettre en place. Il n'est pas question de ne rien changer, et de nous contenter de baisser les effectifs et les budgets. Je vous l'ai dit, nous disposons, en interne, de toutes les compétences nécessaires pour innover et faire différemment. Ma priorité sera de faire peser les efforts sur la structure, et toucher le moins possible à l'offre de programmes. Nous réfléchissons à comment réorganiser les fonctions centrales pour être plus efficaces et laisser le plus de moyens possibles aux équipes opérationnelles. C'est tout le sens de notre travail au sein de l'entreprise.

Je ne vous le cache pas, ce n'est pas facile, les coupes étant importantes. Vous avez cité le chiffre de 160 millions d'euros, mais en réalité ce sera plus. Avec la bascule sur le numérique, l'augmentation de charges, des salaires, des loyers, entre autres, un effort de 400 millions d'euros nous sera demandé. Mais je suis confiante, nous allons nous appuyer sur le savoir-faire et les compétences des équipes de France Télévisions, qui sont, par ailleurs, mobilisables et d'une agilité remarquable. Il faut le dire, les équipes de France Télévisions sont très compétentes et extrêmement férues d'innovations. Nous avons donc la capacité, en interne, de mener les réformes attendues et de dégager de nouvelles perspectives sur le numérique.

Quant à Salto, il s'agit d'une plateforme commune à TF1, M6 et France Télévisions qui sera, nous l'espérons, une alternative à Netflix, et qui ne concurrencera pas les offres gratuites des trois groupes. Je ne peux pas, aujourd'hui, vous en dire plus, puisque nous devons passer sous les fourches caudines de la direction générale « Concurrence » de la Commission européenne, et peut-être de notre Autorité de la concurrence. Je puis vous dire, en revanche, que tous mes collègues européens souhaitent faire la même chose, notamment les Britanniques, afin de proposer des alternatives aux médias globaux.

Monsieur Minot, s'agissant des territoires, l'idée n'est absolument pas de réduire notre présence. Bien au contraire, nous souhaitons proposer des offres de proximité. Pour ce faire, nous nous appuierons sur le maillage de France 3 et sur celui de France Bleu, qui est différent. Le mot d'ordre est de sortir le plus possible des grandes métropoles, en nous rendant dans les banlieues et les territoires ruraux, notamment, où les téléspectateurs ne nous voient pas assez. Nous voulons donc couvrir tout le territoire et rendre compte de ce qui s'y passe.

Alors bien sûr, nous ne ferons pas autant d'antennes que de départements, nous allons rester sur ce qui existe aujourd'hui, à savoir 24 journaux télévisés sur France 3, 44 journaux sur France Bleu. En revanche, nous allons démarrer des programmes en commun, une émission politique par région, une matinale de proximité, etc. Mais nous proposerons aussi des émissions économiques, culturelles et des grands événements. Nous dédierons, par exemple, une journée entière à un événement régional, avec des déclinaisons infra régionales. Cette évolution est en bonne voie, et je ressens une vraie envie des équipes de France 3 de remporter ce défi de la proximité.

Enfin, s'agissant du rapport Bergé-Bournazel, nous l'avons trouvé extrêmement complet, courageux et en même temps délicat dans sa formalisation. Trois points m'ont particulièrement intéressée. D'abord, l'idée de faire converger les fiscalités des acteurs nationaux et des acteurs mondiaux. Notre ministre de l'économie se bat en ce moment sur la taxation des « GAFAN », ce qui est plus que nécessaire et qui va se traduire par la transposition de la directive « Services de médias audiovisuels » (SMA) dans la future loi.

Ensuite, assouplir la réglementation publicitaire. Effectivement, nous sommes contraints sur nos marchés locaux et laissons les « GAFAN » prospérer, sans les taxer. Il est de notre intérêt collectif que TF1 et M6 se portent mieux.

Enfin, la proposition d'universaliser la redevance et le respect des contrats pluriannuels État-France Télévisions. Il est vrai qu'une entreprise lancée dans une réforme d'une telle envergure a besoin de visibilité, d'un cadre qui reste fixe pendant un certain nombre d'années, au risque de manquer sa transformation.

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Madame la présidente, je vous remercie pour cet exposé très clair sur la situation de France Télévisions.

Votre groupe s'est distingué en 2017 par la visibilité inédite qu'il a accordée au sport féminin. Selon une étude du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), le sport féminin n'occupait, en 2012, que 7 % du volume horaire de diffusion des retransmissions sportives ; cette place est aujourd'hui estimée entre 16 % et 20 %.

Malgré cette amélioration, le traitement médiatique actuel, télévisé et de la presse spécialisée, est encore loin de refléter la pratique sportive des femmes dans notre pays. Dans ce contexte, et dans la perspective des grandes rencontres sportives à venir en France, telles que les Jeux olympiques en 2024 et la Coupe du monde de football féminin en 2019, il est essentiel que la pratique sportive féminine soit plus visible dans les médias, que les rencontres et les compétitions soient diffusées au même titre que celles de leurs homologues masculins – et aux mêmes heures d'écoute, cela va sans dire. Par ailleurs, je me suis rendue, lundi, au Centre national de rugby de Marcoussis avec la ministre des sports pour rencontrer les équipes féminines du « 15 » et du « 7 ». Celles-ci nous ont communiqué leurs inquiétudes quant à la disparition du canal hertzien de France 4, chaîne qui était jusqu'ici privilégiée pour la diffusion du sport féminin et en particulier de leur sport, le rugby. Aussi, à l'orée de la réforme de l'audiovisuel public, quels sont vos objectifs et vos engagements pour continuer d'assurer une visibilité du sport féminin à la télévision, voire même de l'accroître ?

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Madame la présidente, je vous poserai deux questions.

La première a trait à l'actualité de l'un de vos concurrents, mais qui ne peut vous laisser indifférente. En effet, Canal +, par la voix de son président, a rompu, le 19 octobre, les négociations avec les vingt-trois organisations du septième art sur le renouvellement de l'accord qui les liait jusqu'à la fin 2019. À ce jour, aucun accord n'a été conclu et les conséquences sont de plusieurs ordres : achoppement de la réforme de la chronologie des médias, mais surtout risque pour le financement du cinéma français. Ne craignez-vous pas, à la veille de l'écriture de la loi sur l'audiovisuel, que la pression soit d'autant plus forte pour France Télévisions, en matière de soutien à l'activité cinématographique ?

Ma seconde question a trait à un défi audiovisuel et économique à relever et qui nous concerne tous, à savoir la sensibilisation de tous les publics aux différentes formes de piratage, menaçant la souveraineté de la production audiovisuelle française. Une étude de 2017 montre que 13 millions d'utilisateurs consomment illégalement pour 2,5 milliards d'euros de contenus culturels, et que le manque à gagner pour l'État est astronomique : 1,35 milliard d'euros – sans parler des 330 millions d'euros qui manquent à l'investissement dans la création cinématographique. Pouvez-vous nous détailler les actions que mène France Télévisions pour lutter contre ce fléau ? Avez-vous prévu un programme de sensibilisation du jeune public, justement dans le cadre de France 4, leur expliquant, au-delà des enjeux économiques, les risques judiciaires encourus ?

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Madame la présidente, le secteur de l'audiovisuel public est un vecteur puissant et structurant dans le secteur de l'innovation des programmes et de la formation des publics, et notamment des plus jeunes. Vos programmes veulent refléter l'évolution et la complexité de la société française et du monde. Ils doivent être utiles à la jeunesse dans sa compréhension et son décryptage du monde, être aux côtés des familles lorsqu'elles le peuvent, et des enseignants, au quotidien.

Dans le cadre d'une mission flash sur la prévention de la radicalisation à l'école que nous avons menée avec Sandrine Mörch, nous avons rencontré des collaborateurs du groupe France Télévisions, partenaire historique des acteurs éducatifs, et dialogué avec eux sur le rôle majeur que peuvent jouer les journalistes, lorsqu'ils interviennent directement auprès du public scolaire, en plus de la diffusion habituelle des programmes éducatifs sur les chaînes publiques.

Sur de nombreux sujets difficiles, touchant notamment à la radicalisation, à la lutte contre les discriminations, à l'égalité homme-femme, il nous faut, je crois, accompagner encore davantage les enseignants dans leur mission éducative et citoyenne. C'est grâce à ce travail collectif que nous pourrons conduire les jeunes à s'interroger sur les sources d'information, les fausses nouvelles et la propagande, en les aidant à s'approprier le savoir-faire de vos journalistes. Aussi aimerions-nous connaître vos intentions : comment l'ensemble des chaînes de l'audiovisuel public peuvent-elles amplifier des propositions d'actions, telles que l'intervention de personnes ressources sur le terrain, la production de programmes spécifiques innovants capables d'accrocher la jeunesse – je pense au site france.tv –, la collaboration avec le réseau des journalistes volontaires, et en particulier le suivi des classes impliquées dans ce dispositif ? Tout cela nécessite du temps et des moyens supplémentaires. Quels seront-ils ?

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Madame la présidente, je tiens à vous remercier pour votre exposé et les premières réponses que vous nous avez apportées concernant le bilan de l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions en 2017. Je tiens à vous remercier également pour les informations que vous nous avez fournies concernant France 4 et France Ô.

S'il est clair que beaucoup d'objectifs ont été atteints, l'avis du CSA souligne quelques points d'amélioration possible. Je souhaite vous interroger sur l'amélioration de la visibilité de la programmation culturelle de France Télévisions et les pistes possibles pour atteindre pleinement les ambitions du COM.

En effet, les objectifs quantitatifs sont atteints, mais l'accès à la culture pour tous passes aussi par une mise en avant intelligible de ces programmes, afin qu'ils puissent atteindre un public de plus en plus large, et ce de façon pérenne. Vous nous avez expliqué que vous souhaitiez reconquérir le jeune public, mais quid de l'ensemble des téléspectateurs ? Le CSA a noté, par exemple, un recul regrettable de la programmation des magazines culturels pour 2017, et une concentration de la programmation sur la chaîne France 5, au détriment des chaînes disposant d'une audience plus importante. Comment interprétez-vous ces observations et quelles pistes de travail sont envisagées pour une amélioration de la situation ?

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Madame la présidente, vous avez évoqué la fusion des rédactions des journaux nationaux de France 2 et de France 3, vous avez aussi parlé de « télévision du choix », de projet éditorial, etc. Comment s'est réellement passée cette fusion des rédactions ? J'ai eu le sentiment, en regardant les journaux nationaux, d'une perte d'identité de chacun de ces journaux, avec des reportages quasiment identiques. Comment travailler une identité qui serait propre à chacun des deux journaux ?

Ma seconde question rejoint celle posée par ma collègue Marie-Pierre Rixain : quelles sont les prévisions d'achats des droits des grands événements sportifs, le budget pour ces achats ayant subi une baisse ? Comment France Télévisions va-t-elle pouvoir se positionner face aux grands événements sportifs qui se profilent ?

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Madame la présidente, ma question porte sur la dimension européenne. J'ai noté avec intérêt l'alliance inédite des services audiovisuels publics européens – ZDF, RAI et France Télévisions – dans le domaine de la fiction. Ils vont en effet partager un projet commun, dont l'objectif, à terme, est de réaliser douze séries de fiction européennes pour contrer les propositions des plateformes mondialisées.

Pouvez-vous nous préciser comment vous concevez cette dimension européenne dans la perspective des échéances électorales de mai prochain ? Vous avez annoncé que des émissions mettraient à la portée de tous l'enjeu de la présidence de la Commission européenne. S'agissant du traitement de la séquence électorale, ne pourrait-on pas imaginer une alliance audacieuse et inédite entre services audiovisuels publics européens, pour contrer les discours nationalistes et populistes qui émergent dans l'ensemble des pays de l'Union européenne, et auxquels nous devons absolument apporter une réplique ?

J'ai été très sensible à votre conclusion, madame la présidente. Vous nous avez rappelé que les services audiovisuels publics étaient les marqueurs de la démocratie. Pouvez-vous nous préciser la manière dont vous avez envisagé ces échéances ? Je pense aussi à la pédagogie pour expliquer l'Europe, même si beaucoup a déjà été fait, et j'ai en tête la formidable série Histoires d'une nation, que vous avez diffusée il y a peu, qui mériterait un pendant européen, peut-être avant le mois de mai prochain. Comment peut-on imaginer ce partenariat avec les autres services audiovisuels européens ?

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Madame la présidente, notre commission a déjà eu l'occasion de vous auditionner à plusieurs reprises, sous ce quinquennat, ainsi que sous le précédent. Je suis frappée par votre changement de ton. Je vous ai connue plus accablée par les baisses de dotations, et je me souviens des difficultés que vous aviez exprimées. Je vous trouve très optimiste. Vous nous avez expliqué que les changements structurels et managériaux avaient produit leurs effets, que l'entreprise France Télévisions était à l'équilibre. Ma question sera un peu provocatrice : l'État a-t-il eu raison de baisser les dotations de France Télévisions ?

Vous savez, par ailleurs, que circule l'idée, avancée par le nouveau ministre de la culture, d'une sorte de BBC à la française. Vous n'avez pas évoqué cette perspective dans votre propos, j'aimerais connaître votre avis sur le sujet.

Enfin, qu'attendez-vous de la future loi sur l'audiovisuel ?

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Madame la présidente, vous avez lancé le 8 octobre, avec Radio France, une grande consultation citoyenne. Vous nous avez indiqué, dans votre propos liminaire, avoir reçu plus de 100 000 réponses à ce jour. Vous avez également indiqué que le groupe était prêt aux transformations et aux mutations. Parmi ces 100 000 réponses, une tendance spécifique se dégage-t-elle ? Si oui, laquelle ?

Par ailleurs, vous avez parlé d'expérience réussie en termes de coopération, avec les rapprochements de France Bleu et de France 3 et une hausse de l'audience de 40 % en un an. Comment faire fructifier cette coopération, notamment à l'égard du jeune public ?

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Madame la présidente, j'aimerais vous questionner plus précisément sur l'offre de sport moderne et la définition que vous en donnez. Vous nous avez expliqué que, « le Conseil a émis le souhait d'une offre de sports diversifiée et accessible au plus grand nombre qui remette la dimension humaine au coeur de l'offre ».

Nous le savons, France Télévisions traite avec qualité une large diversité de sports et diffuse les grands événements sportifs, les rendant ainsi accessibles au plus large public. J'espère d'ailleurs que vous obtiendrez les droits de diffusion des Jeux olympiques 2024. Toutefois, en attendant cette grande célébration, j'aimerais savoir ce que vous comptez faire et quelle place vous allez accorder sur vos grilles de diffusion aux sports moins médiatiques et médiatisés, je pense évidemment au sport féminin et au handisport ?

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Madame la présidente, vous avez indiqué, dans votre propos liminaire, votre souhait de donner une meilleure visibilité aux territoires. Je souhaite attirer votre attention sur une demande forte du territoire dont je suis élu de voir figurer Saint-Étienne sur les cartes météorologiques diffusées sur les chaînes du service public.

Saint-Étienne est aujourd'hui absente de toutes les cartes météo. Ce n'est pas la seule métropole dans ce cas précis, je le précise, pourtant, Saint-Étienne, quatorzième ville de France, constitue la seconde ville la plus importante de la région après Lyon. Sa métropole compte plus de 400 000 habitants et son aire urbaine, plus de 500 000. Et sur un plan purement météorologique, Saint-Étienne, parce qu'elle est la seconde ville de plus de 100 000 habitants la plus haute d'Europe après Madrid, avec une altitude moyenne supérieure à 500 mètres, présente un climat spécifique, en tout cas très différent de celui de Clermont-Ferrand, Lyon ou Grenoble, villes présentes sur les cartes. Bien que voisines d'une cinquantaine de kilomètres, Saint-Étienne et Lyon ont des températures moyennes différentes d'environ trois degrés. Il ne vous a pas échappé, en début de semaine, après l'épisode neigeux, qu'il était tombé 30 centimètres de neige à Saint-Étienne et zéro flocon à Lyon.

Une pétition citoyenne a recueilli à ce jour de très nombreuses signatures et, comme vous le savez, plusieurs acteurs du monde de la météorologie télévisuelle ont déjà fait savoir que l'absence de Saint-Étienne des cartes relevait de considérations techniques, notamment de lisibilité au regard de la proximité géographique entre plusieurs villes référencées sur les cartes diffusées. Je ne pense pas que ces arguments constituent aujourd'hui des obstacles insurmontables, considérant en particulier les capacités d'innovation induites par les outils infographiques actuels. Vous avez signalé que la météo des outre-mer était désormais présentée avant le journal de 20 heures, et je vous en remercie, car nous sommes tous solidaires de nos collègues ultramarins.

Que comptez-vous faire pour une meilleure visibilité et une légitime reconnaissance du territoire stéphanois sur les bulletins météorologiques ?

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Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions

Concernant le sport, et en particulier du sport féminin, nous sommes victimes de l'inflation des droits sportifs qui ont été multipliés par deux ! Alors que nous avons mis le sport féminin à l'honneur, à un moment où il n'était pas prisé – les droits étaient alors abordables –, nous n'avons aujourd'hui plus les moyens d'en acheter les droits. Finalement tant mieux, cela veut dire que le sport féminin est diffusé et c'est très bien. Mais cela résume aussi bien les choses : dès que nous faisons monter un sport, les droits augmentent et nous n'avons plus les moyens de les acheter.

Nous avons donc décidé de continuer à être présents là où les autres ne le sont pas, et notamment sur le handisport, très peu exposé. Nous avons diffusé les Jeux paralympiques à deux reprises et nous allons continuer.

Alors comment être présents sur les grands rendez-vous sportifs, le Tour de France, les Jeux olympiques, Roland-Garros, le rugby ? S'agissant des Jeux olympiques, nous avons bien entendu fait une offre, mais ils en veulent beaucoup plus ; nous ne désespérons pas de trouver un moyen de négocier. Car évidemment, nous voulons les JO 2024. Il est impensable que les Français n'aient pas accès gratuitement aux JO de Paris.

S'agissant du cadre réglementaire, vous pouvez nous aider, car il n'est pas protecteur pour le service public. Le volume de retransmission en clair est extrêmement faible, avec 200 heures contre 300 heures auparavant, et le décret sur les événements d'importance majeure concerne assez peu les JO.

Nous avons prévu de continuer à être présents sur ces grands événements et à relever le défi des disciplines peu visibles et, bien sûr, du sport féminin.

D'une manière plus générale, s'agissant de l'exposition du sport, du cinéma, de la création, qui est aujourd'hui assez forte sur les petites chaînes que sont France 4 et France Ô, nous allons faire le pari du numérique. France.tvsport progresse énormément, puisque nous disposons maintenant d'offres spécifiques à cette plateforme, qui complètent ce qui est diffusé sur nos antennes.

Le pari que nous faisons est le suivant : moins d'exposition linéaire et plus d'exposition numérique. Pour le sport, nous devons être capables d'acquérir des droits numériques. Pour le cinéma, la difficulté est que nous n'avons aucun droit numérique. Nous ne pouvons même pas, alors que nous diffusons plus de 500 films par an, les proposer sur notre plateforme France.tv. Nous allons bien évidemment travailler sur ce sujet avec les organisations du cinéma.

S'agissant de la pérennité du cinéma français, si Canal + est un grand financeur du cinéma, France Télévisions en est un autre, avec quelque 60 millions d'euros investis chaque année, 60 films, et une attention toute particulière portée au cinéma d'auteur : nous finançons 30 % de premiers ou seconds films. Mais la situation nous inquiète, car nous savons bien que les chaînes payantes sont un soutien fort du cinéma français et que nous n'aurons pas le relais des plateformes américaines. Je n'ai donc pas de réponse à la question de savoir comment nous allons pourvoir continuer à financer le cinéma français pour qu'il demeure de qualité. Car sans l'aide de l'État, nous serions comme nos amis italiens, qui n'ont plus de cinématographie.

Concernant le piratage, même si nous ne disposons pas de tous les pouvoirs pour lutter contre ce phénomène, l'un des moyens est l'exposition gratuite et légale. C'est la raison pour laquelle nous travaillons à étendre notre capacité à exposer les oeuvres sur nos propres environnements numériques et réfléchissons, avec TF1 et M6, non seulement à un moyen de trouver une juste rémunération des producteurs et des auteurs, mais également à une nouvelle offre payante qui pourrait contribuer à l'économie générale du système.

La culture et l'éducation sont effectivement deux sujets importants. La culture n'est pas uniquement l'exposition du spectacle vivant ou des événements culturels en tant que tels. Notre plateforme Culturebox est très diversifiée, puisqu'on y trouve de la musique, des concerts, des pièces de théâtre, de l'art, des livres, etc. Mais elle est mal connue, ce qui est un sujet en soi : comment faire connaître nos offres numériques ? À cet égard, nous allons lancer, en collaboration avec nos partenaires de l'audiovisuel public, une offre sur les réseaux sociaux, dénommée Cultureprime, qui va, dans des formats totalement innovants, mettre en avant les offres culturelles de nos différents médias et approfondir des sujets spécifiques, avec l'objectif de toucher des publics qui ne vont ni sur Culturebox, ni sur nos chaînes traditionnelles. Nous travaillons également sur des formats beaucoup plus classiques, avec le retour d'une nouvelle émission culturelle en première partie de soirée, sur la première chaîne du groupe, qui sera lancée au mois de décembre.

Concernant l'éducation, France.tvéducation permet d'ores et déjà aux enfants, aux élèves, de trouver des contenus éducatifs en fonction de leur âge et de leur niveau scolaire. Nous avons la volonté, avec nos partenaires, d'élaborer un projet collectif sur cette offre. Nos journalistes se rendent, par ailleurs, dans les établissements scolaires ; ceux de Radio France également. Nous essayons de couvrir l'ensemble du territoire. Nous sommes à la disposition de l'Éducation nationale quand certains de nos contenus les intéressent. Nous y allons en général avec des comédiens et des réalisateurs pour donner un autre éclairage aux élèves et aux enseignants.

Les fakes news sont un sujet qui nous a beaucoup occupés et qui nous occupera encore de nombreuses années. Nous avons créé un onglet sur Franceinfo, Vrai ou fake, qui recense toutes les fausses idées qui circulent. Nous travaillons sur des petits programmes, tels la Collab' de l'info, que nous lançons à la fois sur France.tvéducation et Franceinfo. Quinze journalistes emblématiques de France Télévisions se sont associés à quinze « youtubeurs » pour faire le point sur les fondamentaux de l'éducation aux médias et à l'information : comment vérifier une information, s'assurer de sa source, ou encore repérer les fausses nouvelles, sous la forme d'une série de petits modules à destination du jeune public.

S'agissant de l'Europe, nous allons d'abord renforcer notre collaboration avec les télévisions européennes à travers l'UER pour lutter en faveur de l'indépendance et de la liberté d'expression, ce qui se manifestera par des prises de position claires. Vous le savez, nous mutualisons déjà des sujets d'information, des acquisitions de droits sportifs ; nous allons renforcer cette mutualisation de nos moyens pour être à même de mieux exposer nos sujets et d'acquérir plus facilement des droits.

Par ailleurs, pour faire face plus efficacement aux médias globaux, nous allons étendre notre collaboration non seulement avec la ZDF et la RAI, mais également avec l'Espagne et les pays du nord de l'Europe qui sont déjà organisés en association pour coproduire des fictions de standards internationaux ; six projets sont déjà en cours. Nous n'en sommes pas encore à une par mois, mais le besoin de collaborer existe bel et bien. Nous allons sans doute étendre cette collaboration aux documentaires. En effet, la BBC réalise des documentaires animaliers incroyables, que nous diffusons sur nos antennes.

Concernant les élections européennes, nous disposons déjà d'émissions sur l'Europe, mais elles sont trop souvent conçues sous l'angle institutionnel ; c'est important, mais cela peut sembler un peu obscur – c'est en tout cas le retour que nous avons des téléspectateurs. Nous avons donc lancé toute une série d'émissions sur la vie quotidienne des pays européens, en vue de créer du lien et un sentiment d'appartenance à une communauté. Enfin, nous allons nous mobiliser pour rendre compte des débats tout au long de la campagne électorale. Nous avons une façon de fonctionner assez similaire aux autres services audiovisuels publics européens, de sorte que nous nous échangeons des sujets sur l'Europe.

Madame Genevard, je ne dis pas que cette baisse de budget est facile à gérer, et si je suis plus confiante que les années précédentes, c'est parce que la réforme décidée par le Gouvernement est globale : la réforme a été pensée en même temps que l'enveloppe budgétaire. Ce qui est bien différent d'une coupe nette de 50 millions accompagnée de la consigne de ne rien changer… En outre, le basculement vers le numérique est une demande cohérente. Je ne dis pas que tout sera facile, mais je pense que c'est faisable, d'autant que les coupes budgétaires se feront dans le temps, que la réforme attendue est accompagnée et se fera sur quatre ans. Et que, je le répète, les salariés sont compétents et disposent d'un grand savoir-faire. Il est important qu'une ligne soit tracée et tenue, contrairement aux dix dernières années, où chaque année le plan stratégique et le budget de l'entreprise étaient revus. Aucune entreprise ne peut être pilotée dans ces conditions.

Concernant la « BBC à la française », je ne me suis pas exprimée, car il ne m'appartient pas de le faire. Mais j'ai bien évidemment un avis de chef d'entreprise. Nous devons prendre cette nouvelle de manière pragmatique, les réformes d'organisation ne servent qu'un seul but : la ligne stratégique. La BBC à la française n'est donc pas un but en soi : cela ne résoudra pas les problèmes liés, par exemple, à Netflix, aux réseaux sociaux ou au piratage. D'ailleurs, mon homologue à la BBC rencontre les mêmes problèmes que moi. Cela étant, je n'ai pas d'avis tranché sur cette question. Il est vrai que les collaborations seraient facilitées, qu'une fusion des entreprises de l'audiovisuel public permettrait potentiellement plus de synergies. Mais d'un autre côté, nous le savons car nous l'avons vécu à France Télévisions, une fusion, c'est lourd et cela prend du temps. Il faut, par exemple, unifier les systèmes d'information. Les ressources humaines, lors de la fusion de France Télévisions, ont été occupées durant deux ans uniquement à verser les salaires, n'ayant pas le temps de faire quoi que ce soit d'autres. Dans tous les cas, une telle fusion s'étudie, s'anticipe et s'accompagne. Et, surtout, elle ne peut pas être une réponse à tous les problèmes que nous connaissons.

Qu'est-ce que j'attends de la future loi ? J'ai énormément d'attentes, car sans réforme sur les droits, notamment, je ne saurai pas mettre en oeuvre cette réforme. Aujourd'hui, il m'est demandé de basculer les investissements vers le numérique, or je n'ai aucun droit sur le numérique ! Bien entendu, je n'attends pas la loi pour discuter des droits, j'ai commencé les négociations avec les syndicats de producteurs.

Le deuxième point essentiel est la taxation des « GAFAN ». La question qui se pose est la suivante : comment favoriser l'audiovisuel public local ? Comment restaurer la compétitivité pour l'audiovisuel français, public et privé ? Nous avons tous besoin d'être plus forts pour résister aux médias mondialisés. En Suède, Netflix a déjà 58 % des parts de marché !

Monsieur Juanico, Saint-Étienne n'est en effet pas très loin de Lyon, et nous avons besoin d'une vue simplifiée, l'écran de télévision n'étant pas très précis. Vous n'êtes pas le seul à nous faire une telle demande, que nous comprenons bien, mais nous ne pouvons pas le faire sur une carte nationale. C'est d'ailleurs tout l'intérêt des météos régionales de France 3. Nous avons besoin d'une juste représentation de la France et c'est la raison pour laquelle les outre-mer sont représentés, mais nous ne pouvons pas être aussi précis que ce que vous souhaitez, monsieur le député.

Enfin, s'agissant de la consultation citoyenne, je ne suis pas en mesure de vous donner les premières tendances, car elle se termine dimanche. Mais je communiquerai dès que notre société de sondage nous les aura révélées. Nous avons eu 100 000 retours, ce qui était notre objectif.

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Madame la présidente, la représentation de la diversité sous toutes ses formes est un vrai défi lancé à l'industrie audiovisuelle et aux chaînes de télévision. Si le sujet de la diversité à l'écran n'est pas nouveau, il semble être, cette année plus que les précédentes, au coeur des discussions. Au-delà de la question des genres et de l'égalité femme-homme, la représentation des origines ethniques à l'écran est une question importante. Pourtant, force est de constater que nous ne sommes pas prêts de voir à la télévision le miroir exact de la société française. Par exemple, le baromètre de la diversité établi par le CSA révélait que sur 1 900 programmes diffusés en 2017 à la télévision, seules 19 % des personnes y apparaissant étaient « non blanches », et encore étaient-elles le plus souvent cantonnées à des rôles secondaires ou à connotation négative.

Pouvez-vous nous indiquer si, à France Télévisions, vous travaillez à une meilleure représentation de la diversité, notamment des femmes, à l'écran, que ce soit dans la présentation des émissions ou les séries et films que vous diffusez ? Quel est votre plan d'action en la matière ?

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Madame la présidente, vous avez dit vouloir attirer le jeune public, objectif qui était déjà le vôtre lorsque nous vous avons reçue en juillet 2017. Aujourd'hui, vous avez créé Salto, une plateforme qui a pour but de concurrencer directement Netflix et Amazon Prime Video, en proposant évidemment du direct, du replay et des programmes inédits. J'ai bien compris que l'une des priorités de cette réforme de l'audiovisuel était, pour vous, de concurrencer les « GAFAN » en créant notamment cette plateforme. Or, j'ai lu que Salto sera hébergée sur Amazon Web Services, et non par un hébergeur français. Sachant qu'Amazon fait partie de ces « GAFAN » que vous souhaitez tant concurrencer, le paradoxe évidemment est à relever. Pouvez-vous nous confirmer cette information ?

Je souhaite, par ailleurs, connaître votre avis sur les récentes déclarations de Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et des compositeurs dramatiques (SACD), qui a déclaré que Salto n'avait aucune chance contre Netflix. Selon lui, la seule réponse crédible est une plateforme regroupant les services publics européens et proposant le meilleur de la création européenne. Il dénonce aujourd'hui une opération politique. Qu'en pensez-vous ?

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Madame la présidente, le CSA indique, dans son avis, que l'offre du groupe en termes d'investissement dans la fiction audiovisuelle reste fortement ancrée dans le registre policier. Par ailleurs, il s'arrête sur un écho bien trop faible du spectacle vivant, notamment aux heures de grande écoute, et une programmation culturelle insuffisante. Les remarques sont heureusement plus positives quant à l'exposition et à l'impact des fictions abordant des questions de société, ou à la présence améliorée des documentaires.

Les choix de programmation ont un impact sur la société, et un excès de films policiers peut entraîner une sur-présence de scènes de crime, de meurtres, de mots comme « coupable » ou « criminel », voire d'hémoglobine. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? La question posée est celle de l'équilibre entre les attentes des téléspectateurs et l'audience, et la nécessité peut-être de les amener vers autre chose.

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Madame la présidente, je m'inscris pleinement dans le contenu de l'avis du CSA concernant l'exécution du COM. En commençant, bien évidemment, par saluer la dynamique de vos efforts financiers pour soutenir le cinéma. Votre plan en faveur des différentes filières de création porte ainsi ses fruits dans un contexte financier très contraint. Vous avez mis en place une charte de développement. Pouvez-vous nous en détailler le contenu ? Notre pays ne manque pas de scénaristes, vous l'avez souligné ; à quand une Casa de papel qui serait made in France ?

Un autre sujet me tient à coeur, celui de la programmation culturelle dont les objectifs ne sont pas totalement atteints. Ces objectifs auraient beaucoup à gagner à une multiplication des décrochages régionaux, par exemple à travers la valorisation du patrimoine immatériel que représentent les festivals, les fêtes, les événements locaux à travers l'événementiel, en s'appuyant aussi sur des relais locaux, tels que les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les institutions culturelles locales et les conseils régionaux – je pense notamment aux expositions muséales et aux découvertes archéologiques.

Enfin, la captation de spectacle vivant mériterait d'être plus régulière et, s'agissant de la plateforme de rattrapage, une meilleure couverture par l'audiovisuel des festivals et des scènes de musique actuelles, à destination des jeunes, serait également la bienvenue.

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Madame la présidente, beaucoup de sujets ayant été évoqués, je voudrais pour ma part revenir sur le financement de l'audiovisuel public, et notamment sur la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, qui est normalement affectée à France Télévisions pour compenser la suppression de la publicité en soirée sur les antennes du groupe. Que pensez-vous de son détournement au profit exclusif de l'État ?

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Madame la présidente, dans le contexte de transformation de France Télévisions, et étant donné la difficulté qu'il y a à séduire un jeune public tout en préservant une très haute qualité éducative et culturelle, comment envisagez-vous, par vos programmes et par la réorganisation future du groupe, de relever ce défi ?

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Madame Ernotte, je vous remercie pour votre présentation.

France Télévisions ainsi que l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel public ont consenti de gros efforts ces dernières années pour effectuer un travail de pédagogie auprès du grand public sur l'actualité, la lutte contre les manipulations de l'information et les moyens de s'en prémunir. Très récemment, France Télévisions a associé une quinzaine de ses journalistes renommés à des Youtubeurs de talent pour créer la Collab' de l'info, une courte émission qui promeut l'éducation aux médias ; c'est une belle initiative, que vous avez évoquée tout à l'heure et que je salue.

Ce partenariat avec la société civile est intéressant, car il permet de viser un public différent et plus large que des modules réalisés uniquement par des journalistes ou des experts. France Télévisions a-t-elle l'intention de poursuivre et d'intensifier ces partenariats pour donner à notre jeunesse une éducation aux médias de qualité ?

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Madame la présidente, dans un contexte de réorganisation de l'audiovisuel public et de la suppression de France 4 et France Ô, vous avez créé en 2016 Franceinfo, chaîne d'information, alors même qu'une chaîne d'information publique existait déjà depuis 2006, France 24, créée par le président Chirac et qui est la voix de la France à l'étranger. Diffusée en quatre langues, elle délivre une information culturelle, économique, politique, avec notamment des thématiques européennes et africaines et une hiérarchisation de l'information différente de celle des autres chaînes d'information.

France 24 est diffusée sur Franceinfo dès minuit. Comptez-vous la diffuser plus largement pour approfondir les synergies et permettre à cette chaîne de se renforcer, et ainsi renforcer globalement l'information en France, tout en procédant à des économies ?

S'agissant de la diversité et de la lutte contre les discriminations, une polémique a alimenté France Télévisions sur la place des « mâles blancs de plus de 50 ans » à l'antenne. Cette formulation particulièrement maladroite constitue une triple discrimination : par le sexe, par la couleur de la peau et par l'âge. Or, quand on lutte contre les discriminations, certains termes sont à bannir, d'autant que nous partageons votre volonté de mieux représenter l'ensemble de la diversité française à l'écran.

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Madame la présidente, je souhaitais vous interroger sur les droits de diffusion du sport, et notamment sur la retransmission des Jeux olympiques et paralympiques, mais vous avez déjà répondu à cette question. Je vais donc passer mon tour. Mais je tiens à vous féliciter pour la qualité de votre intervention.

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Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions

La diversité à l'antenne est une question très importante pour nous, car nous nous devons d'être le reflet de la population française. Or si nous nous sommes améliorés, il nous reste des progrès à faire. Le CSA a pointé les progrès qui ont été réalisés sur le nombre de femmes expertes et de femmes animatrices, ainsi que sur la parité. J'ai affiché un objectif clair de parité d'ici à 2020. À mon arrivée, les femmes représentaient 25 % des effectifs, elles sont aujourd'hui 40 % ; il s'agit donc d'une amélioration franche.

Nous avons également des efforts à réaliser sur la diversité des origines. Pour cela nous avons appliqué des recettes qui ont fonctionné pour la mixité et travaillé à un annuaire commun des experts avec le Club du XXIe siècle pour recevoir sur nos plateaux des sachants de toutes les origines et de tous les sexes. La difficulté est que, si nous pouvons compter le nombre d'hommes et de femmes, il est très compliqué de faire un compte des origines.

Un travail a également été entamé concernant les fictions, pour tenter de trouver un équilibre dans les rôles, entre les hommes et les femmes, et pour que toutes les origines soient représentées. Le feuilleton quotidien est aussi une façon de faire découvrir de jeunes talents, et des talents d'origines diverses. Nous sommes très attachés à ce que nos héros soient représentatifs de la population française. Je parlais de Capitaine Marleau, qui est un très bon exemple. Si l'héroïne n'est pas banale, c'est un personnage auquel les femmes peuvent s'identifier, elle n'est pas spécialement belle, a un caractère de cochon, jure comme un charretier… C'est aussi une façon de ne pas présenter des héros formatés.

Monsieur Boucard, vous m'avez reproché mon expression, mais sachez que j'ai parlé d'« hommes blancs de 50 ans » et non de mâles.

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Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions

Je ne sais pas si c'est pareil, mais, à un moment, il faut appeler un chat, un chat. Je n'ai pas fustigé les hommes blancs de plus de 50 ans, j'ai dit que nous avions une télévision d'hommes blancs de plus de 50 ans, ce qui est la réalité – le CSA l'évoque également dans son rapport. Je dis les réalités et je continuerai à le faire. J'aimerais d'ailleurs que l'on soit aussi virulent pour parler des violences faites aux femmes ou des discriminations. Je ne fustige personne quand je parle des hommes blancs de plus de 50 ans, je suis une femme de plus de 50 ans et je l'assume très bien.

Concernant Salto, la plateforme n'est pas lancée puisque nous devons attendre l'autorisation de la direction générale « Concurrence » de la Commission européenne, mais je vous assure que nous l'hébergerons chez un hébergeur européen.

S'agissant des propos de M. Rogard, je répondrai que nous devons faire attention à ne pas tuer les initiatives dans l'oeuf. Nous avons pour spécialité, en France, d'annoncer l'échec d'une initiative ou d'une start-up avant même qu'elle soit lancée. Je n'affirme pas que cette plateforme a 100 % de chance de fonctionner, mais essayons ! Déjà, personne ne me donnait une chance de trouver un accord avec TF1 et M6. Et si nous avons obtenu la validation de l'État et des conseils d'administration de TF1 et de M6, c'est bien parce qu'ils pensent tous que nous avons une chance.

Je ne pense pas du tout que ce soit un coup politique, et je pense encore moins que TF1 et M6 s'amusent à faire des coups politiques alors qu'ils ont à rendre compte, tous les jours devant les marchés, de leur politique d'investissement. Nous sommes tous bien conscients que nous avons besoin de cette entraide. Nous nous sommes d'ailleurs inspirés de Hulu, aux États-Unis, qui est un succès.

Il est vrai, et je rejoins Pascal Rogard sur ce point, que l'idéal serait une plateforme européenne. Mais comme, aujourd'hui, nous n'avons même pas les droits pour la France, imaginez la difficulté d'harmoniser nos différentes législations et d'acquérir des droits pour l'Europe ! Nous allons donc commencer par faire ce que nous pouvons faire, à savoir une plateforme française et des alliances au niveau européen pour diffuser des oeuvres de niveau international.

En ce qui concerne les séries, nous travaillons actuellement sur deux nouveautés : une série de science-fiction et une série sur fond de musique classique, Philharmonia – que j'adore. Mais il est vrai que je défends le genre policier, car il peut être le prétexte, le fil narratif pour raconter une autre histoire. Dans l'Art du crime, par exemple, diffusé sur France 2, c'est en fait d'art dont il est question. L'enquête n'est qu'un prétexte pour parler d'un tableau, de différentes oeuvres d'art. Il en va de même pour Philharmonia, qui a été tournée à la Philharmonie de Paris, et qui nous initie à la musique classique, à l'émotion de la musique classique. Néanmoins, nous devons, il est vrai, continuer de diversifier les genres. Des progrès sont également à réaliser dans nos processus, dans notre capacité à décider vite, à faire confiance aux auteurs et aux producteurs. Mais nous avons cette volonté de faire mieux.

S'agissant de la « taxe Copé », je n'ai pas d'avis sur son affectation. En revanche, je suis contente que le budget de France Télévisions soit déterminé par la redevance, un impôt affecté, ce qui est une garantie d'indépendance du service public et de pérennité de ses moyens. Le fait qu'en 2019 le financement de l'audiovisuel public soit « pur » est pour moi une très bonne nouvelle.

Concernant France 24, nous avons déjà des synergies renforcées avec cette chaîne. Nous nous sommes un peu inspirés de BBC News et BBC World : la première est nationale, la seconde internationale. France 24 diffuse énormément de sujets produits par France Télévisions et réciproquement.

Monsieur Bois, à quand une Casa de papel en France ? J'en ai une, mais ce n'est pas une bonne nouvelle. Nous avons diffusé sur France Télévisions une série qui a rencontré un beau succès mais la saison 2 sera diffusée par Netflix. Les tarifs ont augmenté et nous n'avons pas les moyens de suivre. J'espère donc qu'il n'y aura pas trop de Casa de papel en France !

Madame Dubois, la jeunesse est l'un des enjeux principaux de notre transformation, nous en avons donc tenu compte dans la réorganisation de la direction des programmes. Il y aura une entité « programmes jeunesse » totalement dédiée aux jeunes publics. Elle aura sans doute aussi la responsabilité de l'animation, afin de constituer un pôle fort. Enfin, la jeunesse, c'est aussi produire des programmes nativement numériques. Nous aurons donc, dans chaque genre, une personne qui sera chargée de concevoir et de faire exécuter des programmes numériques natifs. Pour les fictions, nous avons déjà nommé un jeune homme qui sera en charge de la fiction numérique.

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Je tiens à saluer la politique accomplie par France Télévisions en 2017, pour représenter la diversité de la société française, avec des fictions qui n'hésitent pas à aborder des sujets comme l'homosexualité ou la précarité. Par ailleurs, le CSA a souligné les progrès de France Télévisions dans la représentation de la diversité. Un effort important a également été accompli pour faire avancer la cause de l'égalité homme-femme sur les chaînes. Et puis peut-être un coup de chapeau particulier pour la diffusion récente sur France 2 de la série documentaire Histoires d'une nation, qui retrace l'histoire de l'immigration en France et les combats pour l'égalité des droits au cours des cent cinquante dernières années. J'ai pu le constater, ce documentaire a provoqué une onde de choc, une onde d'émotion, mais aussi une prise de conscience très salutaire. Les langues se délient, des Français et des non-Français retrouvent leur fierté, font surgir leur histoire souvent enfouie ou autocensurée. Dans un pays qui pourrait devenir raciste, ou un peu rassis en tout cas, cela fait beaucoup de bien. C'est par ailleurs un outil pédagogique exceptionnel que France Télévisions propose sur ses plateformes éducatives, une série que le groupe accompagne également dans les collèges en organisant des master class en région – que j'invite mes collègues à soutenir.

France Télévisions compte-t-elle amplifier cette mission de service public et renforcer les partenariats avec l'Éducation nationale et ses réseaux de diffusion des ressources pédagogiques, comme le réseau Canopé, avec l'objectif de porter les contenus à la connaissance des plus jeunes ?

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Madame la présidente, je vous remercie pour vos réponses et toutes ces informations concernant vos réformes en cours ou vos défis à relever pour l'avenir de notre audiovisuel français.

Ma question porte sur la mission pédagogique de France Télévisions, et plus précisément sur la sensibilisation aux gestes qui sauvent et aux premiers secours. Vous le savez, le Président de la République a annoncé un objectif ambitieux : permettre à 80 % de la population française d'être en capacité à bien réagir face à un événement gravissime, mais aussi face à une situation individuelle de mort subite. Chaque année, ce sont entre 40 000 et 50 000 personnes qui décèdent en France après un malaise cardiaque. Les chances de réanimer les victimes chutent de 10 % chaque minute, et les actions entreprises par les premiers témoins sont primordiales. Une proposition de loi sera étudiée prochainement à l'Assemblée nationale pour débattre sur l'importance du citoyen sauveteur. L'objectif de 80 % de citoyens initiés permettrait de sauver quelques milliers de personnes chaque année.

Ne pensez-vous pas que France Télévisions a également un rôle à jouer pour atteindre cet objectif, en construisant une action pédagogique concrète, en sensibilisant davantage nos concitoyens et – pourquoi pas ? – en proposant des initiations télévisées disponibles également en replay ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer si France Télévisions mène une politique spécifique en termes de formation de ses salariés aux gestes qui sauvent et aux premiers secours ?

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Madame la présidente, plusieurs de mes questions ont été posées, notamment sur la gouvernance, la télévision de proximité et la programmation culturelle.

Comme plusieurs de mes collègues, je salue les actions Vrai ou fake sur Franceinfo et la Collab' de l'info, cette coopération entre journalistes et « youtubeurs » est particulièrement originale et intéressante pour toucher le jeune public. Envisagez-vous de développer et de valoriser ce type de programmes sur les chaînes publiques de télévision afin de toucher un plus large public ?

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Madame la présidente, Franceinfo est la cinquième chaîne d'info en continu et, comme pour toutes ces chaînes d'info, les investissements sont très lourds. Or force est de constater que ses audiences se situent aux alentours de 1 %.

Le secteur est très concurrentiel, mais ce score n'est pas, selon moi, en rapport avec la notoriété et la qualité de la chaîne. En revanche, sa position sur le canal 27 est peut-être à revoir afin de la remonter. En tout état de cause, quelles décisions conviendrait-il de prendre pour améliorer cet état de fait ?

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Madame la présidente, vous parliez tout à l'heure de devoir de représentation des territoires. Ma première remarque concerne les horaires de diffusion des journaux télévisés des stations premières sur France Ô, entre 4 h 55 et 7 h 55 le matin – des horaires qui ne valorisent absolument pas l'information des outre-mer auprès des Français.

Si nous accueillons avec satisfaction votre annonce concernant la présence d'un référent outre-mer aux conférences de rédaction de France Télévisions, il m'apparaît justifié qu'un sujet lié à l'actualité ultramarine soit diffusé chaque soir, au journal de 20 heures. Cela permettrait de montrer qu'il ne se passe pas, outre-mer, uniquement des catastrophes naturelles ou sociales, qu'une vie économique, sociale et culturelle existe et s'y développe pleinement. Ces quelques minutes d'information outre-mer quotidiennes au journal de 20 heures de France 2 seraient pour nos territoires une progression énorme et une reconnaissance en termes de visibilité nationale.

Concernant le financement de la création audiovisuelle, sachant que France Télévisions est un partenaire important, voire incontournable, dans le financement des productions audiovisuelles en tous genres, je voudrais saisir l'occasion qui m'est donnée pour rappeler qu'avec la mutation de France Ô vers le numérique, il existe un risque que le tout numérique supprime des financements potentiels en faveur d'une production audiovisuelle ultramarine diverse. Devrons-nous tourner des fictions avec un iPhone ? Pouvez-vous nous confirmer, madame la présidente, que, dans le prochain contrat d'objectifs et de moyens, France Télévisions s'engagera à maintenir une production audiovisuelle, notamment de fictions, dans les outre-mer ?

Une dernière remarque concernant le développement numérique de France Télévisions. Pensez-vous qu'il soit normal que sur les plateformes du service public, l'internaute doive en passer par le visionnage d'une publicité pour accéder à du contenu en replay, notamment les journaux télévisés ou encore les clips officiels de la campagne du référendum en Nouvelle-Calédonie ?

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Madame la présidente, dans la continuité de mon collègue Claireaux, ma question a pour objet le traitement des territoires dans l'information. Je comprends que, pour les rédactions, il soit facile de recueillir de l'information sur les métropoles ou les grandes villes pôles de notre territoire, mais il est important de pouvoir équilibrer cette information.

Par ailleurs, lorsque deux événements sont d'une ampleur similaire, il est important qu'ils soient traités de la même façon. Je vous citerai deux exemples. Le Ciné Manivel, qui a reçu le prix de l'innovation, à Redon, et le festival de la Bogue d'or, qui s'est également déroulé à Redon et qui a attiré plus de 30 000 personnes, ne sont manifestement pas soutenus à la même hauteur que d'autres festivals de même taille qui se déroulent dans nos métropoles. Je ne peux que le regretter. Des actions sont-elles prévues en ce sens ?

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Madame la présidente, la télévision est la seule puissance capable de réunir en même temps des millions de personnes et de leur faire partager la même émotion ; chaque Français passe environ cinq heures par jour à se divertir devant le petit écran.

Divertissement, information, culture, documentaire, la télévision est cette fenêtre ouverte sur le monde et représente, pour un certain nombre de nos concitoyens, un lien presque unique avec la société. Que ce soit Arte pour sa résonance européenne, France 3 pour son implication dans la vie régionale, France 2 pour sa qualité et son indépendance éditoriale mais aussi pour ses fictions mettant en valeur les régions, ou France Ô qui émet des territoires outre-mer, toutes nos chaînes ont un rôle majeur à jouer dans le paysage audiovisuel national.

Mon esprit un peu chauvin, à l'instar de mon ami Juanico à Saint-Étienne, m'amène à faire état de deux fictions qui se déroulent dans ma région languedocienne, l'une à Montpellier, ma ville, l'autre à Sète. Non seulement elles sont un moteur de l'activité économique et touristique, mais leurs audiences sont remarquables et démontrent la qualité des programmes proposés. Cette confiance doit être préservée face à la concurrence du web et des réseaux sociaux.

Le changement d'habitude des usagers, et notamment des jeunes, doit être une préoccupation de tous les instants, pour tous ceux qui considèrent comme essentiel le rôle social, éducatif et récréatif de la télévision publique. Mais rivaliser avec le numérique ne peut être une fin en soi. La meilleure politique, de mon point de vue, est celle qui consiste à ne jamais céder à la médiocrité, et d'avoir toujours à l'esprit l'exigence de l'excellence.

Madame la présidente, quels sont les moyens envisagés à mettre en oeuvre pour continuer à éduquer le téléspectateur et le télénaute ? La concurrence sur le marché publicitaire et les besoins économiques peuvent-ils constituer un frein à la mission de la télévision publique ?

Enfin, la semaine dernière nous avons offert un camion de roses à Mme Saragosse, si la baisse de votre budget est trop importante, nous vous offrirons un camion de Kleenex.

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Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions

Je vous le dis tout de suite, je préfère les roses ! (Sourires.)

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Madame la présidente, je vous remercie de votre intervention.

Le rôle d'un média public est d'accompagner, d'une part, l'évolution de la société en sensibilisant le citoyen et, d'autre part, les politiques publiques sur les territoires, en informant le citoyen. Sur le premier point, je pense notamment à l'accompagnement des citoyens dans la transition numérique, afin de mettre à la portée de tous les citoyens, qui les appréhendent souvent mal, les concepts de base de programmation et de données, ainsi qu'à l'apprentissage du codage informatique par les enfants.

Sur le second point, je citerai l'accompagnement à la lutte contre le chômage, par une information sur les formations d'apprentissage qui seraient disponibles à proximité du citoyen, donc au niveau régional, à l'image des offres d'emploi qui sont parfois diffusées par les chaînes régionales.

Quelle est, madame la présidente, votre position sur ces sujets ?

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Madame la présidente, à la lecture du rapport d'exécution du contrat d'objectifs et de moyens, mais surtout à la suite des propos de mes collègues et de vos propres propos, je m'interroge sur les objectifs qui ont été fixés dans ce rapport, notamment sur l'absence d'un élément essentiel à mon sens dans une démocratie moderne, celui de l'éducation aux médias. Je pense qu'une redéfinition de ces objectifs devrait être effectuée afin d'intégrer cette question essentielle. J'entends par « éducation aux médias » la responsabilité individuelle de chacun, la responsabilité des parents, mais aussi notre responsabilité collective, celle, en l'espèce, d'un service public dans une démocratie moderne.

Vous avez parlé des contenus et des programmes, et je voudrais vous interroger sur notre responsabilité face au temps passé devant les écrans et la violence de certaines images, et sur notre responsabilité quant aux contenus diffusés. Comment envisagez-vous votre responsabilité, en tant que présidente, dans la redéfinition de ces objectifs et sur ces questions de prévention et d'éducation ?

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Madame la présidente, France Télévisions a investi, en 2017, 421 millions d'euros dans la création audiovisuelle, soit 4 % de plus par rapport à 2016. La fiction représente 65 % de l'investissement total dans la création. La fiction française connaît une excellente trajectoire d'évolution en termes d'heures de diffusion et permet de gagner en audience. Pour la première fois, les fictions françaises de France Télévisions occupent dix places parmi les cent meilleures audiences de 2017.

Pourriez-vous nous préciser comment s'exportent les fictions françaises, tant pour l'intérêt financier que cela représente que pour le rayonnement de la culture française dans le monde ?

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Madame la présidente, l'inconvénient d'intervenir en dernier est que toutes les questions ont été posées…

La suppression de France Ô a été décidée en juin 2018 par le Gouvernement dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public. En effet, France Télévisions entend construire une nouvelle visibilité des outre-mer au sein du groupe. Quelle est la place de France Ô et de ses équipes dans le nouvel ensemble de France Télévisions ? S'agissant de la future plateforme numérique de France Ô, quels en seront les contours, sachant qu'il existe une fracture numérique dans les territoires ultramarins ?

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Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions

Oui, nous sommes toujours très heureux de produire des documentaires comme Histoires d'une nation, nous avons vraiment le sentiment de faire notre travail. Nous avons créé un pendant numérique, où chacun peut raconter son histoire et aller à la rencontre des jeunes, qui est très satisfaisant. Cela fait partie des très bons moments – dont nous sommes fiers – que nous vivons dans cette entreprise.

Nous travaillons très bien avec l'Éducation nationale, nous allons bientôt annoncer les nouveautés que nous avons préparées pour les collèges et les lycées. Nous avons l'ambition d'une plateforme renforcée, concentrée et unifiée autour de l'Éducation nationale. Nous souhaitons faire de cette éducation un axe de développement très fort, au sein de l'unité programmes, pour répondre aux enjeux des élèves et des professeurs. Je suis très confiante quant à notre capacité à bien travailler avec l'Éducation nationale.

S'agissant des gestes qui sauvent, ce n'est pas un mince sujet, puisque, effectivement, des vies peuvent être sauvées. De manière générale, nous diffusons des émissions de médecine qui en parlent régulièrement, comme Allô Docteurs ou Le Magazine de la santé – ce thème est même abordé dans La Maison des maternelles, une émission destinée aux parents. Le 8 septembre dernier, nous avons réalisé une émission spéciale d'Allô Docteurs sur le thème « premiers secours, tout savoir pour sauver des vies en cas d'urgence ». Je ne sais pas si ce programme a permis d'en sauver une, mais je l'espère. Nous diffusons également des grandes émissions, fédératrices, en première partie de soirée, telles que, en juin 2017, Le test qui sauve, présentée par Michel Cymes et Adriana Karembeu, qui justement rappelait les gestes de premier secours ; 2,5 millions de personnes ont regardé cette émission. Plus récemment, en septembre, nous avons tiré une « web série » de la série Nina, dont l'héroïne est une jeune infirmière, autour des gestes qui sauvent : que faire en cas de crise d'épilepsie, d'hémorragie aiguë, de détresse respiratoire, etc. Enfin, comme le thème des « premiers secours » avait été déclaré « grande cause nationale » en 2016, nous avons largement contribué à diffuser les spots sur les comportements qui sauvent sur nos antennes, à des heures de grande écoute. Il s'agit donc bien d'un sujet que nous essayons d'intégrer au mieux, à la fois à nos fictions et à notre vie quotidienne.

Concernant la lutte contre les fakes news, notre volonté est bien de la renforcer. Pour ce faire, nous devons être très présents sur des initiatives disruptives car c'est de cette façon que nous allons toucher les jeunes. Nous ne traitons pas ce sujet sur les antennes plus traditionnelles, et il est vrai que nous pourrions imaginer une émission relative au décryptage des médias. Mais, je le répète, notre cible première est le jeune public, et pour les toucher, nous devons utiliser des formats très courts et les réseaux sociaux. Par exemple, sur Slash, une télé numérique à destination des 18-30 ans, nous utilisons les talents d'une « youtubeuse », journaliste, que nous filmons en train de mener une enquête. Nous la voyons ainsi se heurter aux fausses informations, vérifier ses sources, etc. C'est par ce type d'approche que nous allons arriver à toucher un maximum de jeunes. Nous menons également des actions avec l'Éducation nationale dans le cadre scolaire, qui sont également très importantes.

Madame Liso, Franceinfo, contrairement aux autres chaînes d'information, ne coûte pas cher, puisqu'elle est constituée à partir du travail des rédactions existantes – la rédaction nationale, les rédactions régionales et les rédactions ultramarines. Nous avons mutualisé les coûts. Certes, une vingtaine de millions d'euros, ce qui n'est tout de même pas négligeable, mais cela coûterait beaucoup plus cher si nous l'avions créée à partir de rien. Vous avez parlé ensuite de l'audience, mais n'oubliez pas que Franceinfo produit des programmes non seulement pour la télévision, mais également pour le numérique. Il est vrai aussi que le numéro du canal est important et qu'entre le canal 15 et le canal 27 nous perdons la moitié des téléspectateurs ; ce n'est pas neutre. Mais seul le CSA peut traiter cette question et prendre une décision, les numéros de canaux ne nous appartenant pas. Vous avez raison, c'est une question que nous devrons étudier pour 2020.

Monsieur Claireaux, je comprends votre question sur les outre-mer. Nous avons beaucoup travaillé avec des députés et des téléspectateurs ultramarins sur ce que nous devons mettre en place pour ces territoires. Nous nous sommes posé la question des quotas, notamment pour les journaux télévisés. Personnellement, je ne pense pas que nous puissions raisonner de cette façon, et ce pour deux raisons. D'abord, parce que la question n'est pas d'avoir des sujets sur les outre-mer, mais de les normaliser. Ensuite, parce que nous ne prédéterminons pas les sujets d'information, qui relèvent de l'exigence d'indépendance des rédactions ; les sujets diffusés dépendent de l'actualité. Néanmoins, nous nous sommes engagés à mesurer le nombre de sujets qui parlent des outre-mer et à les augmenter.

Concernant la violence à la télévision, nous sommes bien entendu très concernés. Votre président a, d'ailleurs, très tôt appelé mon attention sur les dangers de la pornographie pour les enfants. Nous avons réagi rapidement et diffusé des documentaires sur ce sujet. Comme pour les violences faites aux femmes et un certain nombre de sujets qui traversent en ce moment la société, nous traitons cette question de la violence que les enfants voient sur leurs écrans. Nous avons pris l'habitude de proposer, sur France 2, des soirées au cours desquelles, après la diffusion d'un film à thème, un débat est organisé par la rédaction ; il s'agit de soirées extrêmement suivies et qui ont un impact important sur la société française.

Monsieur Vignal, j'attends donc des roses ! Et je vous remercie d'avoir noté que France Télévisions supporte la quasi-totalité des économies de l'audiovisuel public, tout en augmentant ses missions. Je le prends donc comme un compliment.

Madame Granjus, si nous nous battons pour garder l'exception culturelle française, c'est aussi pour augmenter le rayonnement de la France à l'étranger, et les fictions françaises y contribuent. Deux entreprises audiovisuelles concourent à ce rayonnement, France 24 et, pour les contenus plus traditionnels, TV5 Monde, qui expose des contenus de France Télévisions et de partenaires francophones, suisses, belges et canadiens. Mais au-delà du rayonnement, la question qui se pose est la suivante : sommes-nous capables de fabriquer des fictions qui se vendent à l'étranger ? Les exportations sont en augmentation – 200 millions d'euros tous genres confondus –, la fiction représentant, au sein de ce total, 63 millions en 2017, soit trois fois plus qu'il y a quelques années ; mais nous pouvons faire beaucoup mieux. C'est la raison pour laquelle nous travaillons à une diversification des genres et que nous nous sommes alliés à nos partenaires européens. Nous souhaitons produire des séries de classe internationale qui s'exportent et feront ainsi rayonner la culture française et, plus largement, la culture européenne.

Je n'ai d'ailleurs pas répondu à M. Claireaux sur les investissements dans la création outre-mer. Sachez que nous nous sommes engagés à les maintenir.

Par ailleurs, madame Ali, nous devons différencier deux choses. D'abord, les stations ultramarines – radio et télé web –, qui sont très puissantes et pour lesquelles il existe des enjeux de transformation. Nous travaillons ensemble pour redéfinir les métiers et remettre des forces sur le numérique ; aujourd'hui, ces chaînes sont incontournables. Ensuite, il y a la question du traitement des sujets relatifs aux outre-mer dans l'Hexagone, ce qui est le rôle de France Ô. D'ailleurs, France Ô outre-mer est considérée par les stations ultramarines comme un concurrent davantage que comme un soutien.

Nombreux sont ceux de nos compatriotes ultramarins qui vivent en Île-de-France et qui ont basculé vers le numérique ultramarin. Nous nous heurtons néanmoins à une difficulté : nous ne pouvons pas donner à voir les chaînes ultramarines directement dans l'Hexagone, car dans ce cas nous devons acquérir des droits pour les outre-mer que nous n'avons pas forcément pour l'Hexagone. Par exemple, pour la Coupe du monde de football, TF1 avait acheté les droits pour l'Hexagone et France Télévisions les a achetés pour les territoires ultramarins. De même, nous achetons des fictions pour les territoires ultramarins que nous ne pouvons pas nous permettre d'acheter pour l'Hexagone, les droits étant trop élevés. C'est la raison pour laquelle nous mettons parfois des écrans noirs, quand nous n'avons pas le droit de diffuser certains programmes en métropole.

Nous devons donc arriver à dépasser cette situation, en investissant davantage dans le numérique – qui est déjà très fort dans les outre-mer. En revanche, au-delà de la mise à disposition des contenus ultramarins, comment créer une conversation, une communauté autour des sujets ultramarins ? C'est donc vers une version « réseau social » que nous souhaitons faire évoluer la plateforme existante.

La séance est levée à douze heures vingt.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 9 heures 30

Présents. – Mme Ramlati Ali, Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Philippe Berta, M. Pascal Bois, M. Ian Boucard, M. Bertrand Bouyx, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, Mme Fannette Charvier, M. Stéphane Claireaux, Mme Fabienne Colboc, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Frédérique Dumas, Mme Elsa Faucillon, M. Alexandre Freschi, M. Laurent Garcia, Mme Annie Genevard, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Florence Granjus, M. Pierre Henriet, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Brigitte Kuster, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Brigitte Liso, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, Mme Cécile Muschotti, Mme George Pau-Langevin, M. Guillaume Peltier, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, Mme Cathy Racon-Bouzon, Mme Muriel Ressiguier, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Cédric Roussel, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, Mme Michèle Victory, M. Patrick Vignal, M. Michel Zumkeller

Excusés. – Mme Aude Amadou, Mme Aurore Bergé, Mme Anne Brugnera, Mme Sylvie Charrière, M. Grégory Galbadon, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Raphaël Gérard, Mme Josette Manin, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac

Assistaient également à la réunion. – M. Pierre Dharréville, Mme Sylvie Tolmont, M. Jean-Luc Warsmann