Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mission d'information DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉVISION DE LA LOI RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE

Mardi 30 octobre 2018

Présidence de M. Xavier Breton, président de la Mission

La Mission d'information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique procède à l'audition de M. François Toujas, président de l'Établissement français du sang, Mme Nathalie Moretton, directrice de cabinet, et M. Jonatan Le Corff, responsable du département juridique Santé, recherche, numérique et affaires (direction juridique et conformité).

L'audition débute à seize heures quinze.

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Chers collègues, nous poursuivons notre séquence d'auditions en accueillant M. François Toujas, président de l'Établissement français du sang (EFS), qui est l'opérateur civil unique de la transfusion sanguine en France. Il est accompagné de Mme Nathalie Moretton, directrice de cabinet, et de M. Jonatan Le Corff, responsable du département juridique « Santé, recherche et numérique ». Nous vous remercions d'avoir accepté d'intervenir devant nous.

La révision de la loi de bioéthique donne à notre mission d'information l'opportunité d'étudier le sujet des dons d'organes, de tissus ou encore de produits issus du corps humain, tels que le don de sang, à travers notamment la question de l'adéquation de notre modèle de don et de ses valeurs à la réalité de la demande et des pratiques. Votre expertise dans ces domaines nous sera utile dans la poursuite de nos réflexions.

Je vous donne donc maintenant la parole pour un exposé et nous poursuivrons par un échange de questions et de réponses.

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

C'est un grand honneur que d'être auditionné par la mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique. Je connais l'attachement de la représentation nationale et votre engagement pour le don du sang, qui est un geste bénévole et altruiste.

Je rappellerai en premier lieu comment s'organise aujourd'hui la transfusion sanguine dans notre pays. La transfusion sanguine civile telle qu'elle est prévue par la loi du 1er juillet 1998 permet, chaque année, d'assurer l'autosuffisance de la France en produits sanguins labiles (PSL) – concentrés de globules rouges, plaquettes et plasma thérapeutique – dans des conditions de sécurité et de qualité optimales.

L'Établissement français du sang est un établissement public composé d'un siège national et de treize établissements régionaux, placé sous la tutelle de la ministre des solidarités et de la santé. Nous sommes présents sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin, grâce à 126 sites fixes et au travers du déploiement de plus de 40 000 collectes mobiles par an.

Nous accueillons un peu moins de 1,7 million de candidats au don, nous réalisons environ 10 000 dons par jour et, chaque année, ce sont environ un million de malades qui sont soignés, 500 000 directement, grâce à des produits sanguins labiles, et 500 000 autres grâce à des médicaments un peu particuliers qu'on appelle les médicaments dérivés du sang, fabriqués notamment à partir du plasma.

Le don du sang, c'est aussi – et c'est important de le souligner – une organisation assise sur le bénévolat de plus de 2 800 associations, de la Fédération française pour le don du sang et de ses 750 000 adhérents bénévoles, qui nous aident quotidiennement dans l'organisation, le recrutement et la fidélisation des candidats au don. Le monde associatif est absolument nécessaire au bon exercice de notre mission de service public, puisque nous sommes bel et bien en charge d'une mission de service public, qui consiste à assurer le prélèvement, la qualification, la préparation et la délivrance ou distribution des produits sanguins labiles, dans un cadre monopolistique.

L'établissement a prouvé à plusieurs reprises sa robustesse et son efficacité, notamment lors de crises majeures, comme les crises climatiques ou les attentats, à Paris et à Nice. Cette robustesse, il en apporte également la preuve en fournissant chaque année plus de dix mille dons pour la prise en charge de patients.

Enfin, l'EFS développe de nombreuses actions de coopération internationale – j'étais ainsi il y a quelques jours au Liban –, afin de promouvoir notre modèle dans des pays qui souhaitent s'en inspirer.

L'organisation de la transfusion sanguine repose sur des principes éthiques forts : le bénévolat, l'anonymat, l'absence de profit et le consentement. Ce sont des principes qui concourent à une plus grande sécurité, au bénéfice avant tout des receveurs mais également des donneurs. Le don du sang obéit en outre dans notre pays aux principes de non-patrimonialité et de non-commercialisation du corps humain et de ses produits, inscrits dans les lois de bioéthique. Sur ce socle majeur s'ancrent les notions de générosité, de solidarité et d'altruisme auxquelles se rattache le fonctionnement de la société française. J'aime enfin rappeler à cet égard que le don du sang est aussi, et peut-être avant tout, un geste citoyen.

Ce modèle doit aujourd'hui faire face à un ensemble de remises en question, qui sont autant de menaces ou d'occasions à saisir.

La première interrogation est liée au risque de requalification de tout ou partie des PSL en médicaments. Il faut ici distinguer juridiquement, d'une part, la collecte, la préparation et la distribution des produits sanguins labiles, monopole de l'ESF, et, d'autre part, la fabrication et la distribution des médicaments dérivés du sang, ouvertes à la concurrence. Entre les deux néanmoins la frontière est poreuse, puisque, par décision du 23 juillet 2014, le Conseil d'État, faisant suite un arrêt du 13 mars 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne, a exclu le plasma thérapeutique sécurisé par solvant-détergent (PFC-SD) de la liste des produits sanguins labiles, motivant cette décision par le fait que sa production fait appel à un processus industriel qui lui confère un statut de médicament, dit médicament dérivé du sang. La conséquence est que ce TFC-SD a cessé d'entrer dans le champ du monopole de l'EFS et des PSL pour entrer dans le champ concurrentiel des médicaments dérivés du sang, ce qui pourrait entraîner sa requalification.

Le second sujet qui doit retenir notre attention, car ce peut être une chance comme une menace, c'est la probable révision de la directive européenne 2002-98 établissant des normes de qualité et de sécurité pour la collecte, le contrôle, la transformation, la conservation et la distribution du sang humain et des composants sanguins. À l'heure actuelle, l'Union européenne n'impose pas l'organisation d'une collecte éthique, se bornant à recommander sa mise en place dans la mesure du possible. La révision de la réglementation européenne devrait être pour nous l'occasion de défendre notre modèle.

Vous savez enfin que de nombreux médicaments connaissent aujourd'hui des problèmes d'approvisionnement ; c'est le cas de manière récurrente pour les médicaments dérivés du sang, ce qui constitue un enjeu pour l'ensemble de la filière, en amont comme en aval.

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Dans son rapport sur la révision de la loi de bioéthique, le Conseil d'État suggère de modifier l'article L. 5124-14 du code de la santé publique pour permettre à l'EFS de céder son plasma à d'autres fractionneurs que le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) et de diversifier ainsi ses partenaires afin d'élargir l'offre de plasma éthique. Êtes-vous favorable à cette proposition et, si oui, comment l'EFS envisage-t-il d'augmenter la collecte de sang pour répondre à la demande ?

Êtes-vous favorable à la création d'un « statut » de donneur, comme y invite le CCNE dans son avis de septembre 2018 ? Quels pourraient être les contours d'un tel statut ?

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

La proposition du Conseil d'État pose, au-delà de la question des capacités de l'ESF à céder son plasma à d'autres fractionneurs, le problème tout à fait sensible de l'avenir de la filière du fractionnement en France. En d'autres termes, elle pose, en amont, la question des capacités de collecte de l'EFS et, en aval, celle du développement du LFB, mais également celle de la prise en charge convenable des malades, car il ne faut pas oublier que, si nous collectons du sang et fabriquons des médicaments, c'est in fine pour guérir les malades.

Cela appelle un constat dur. Aujourd'hui, 80 % des médicaments dérivés du sang produits dans le monde sont fabriqués à partir de plasma d'origine américaine, ce qui signifie que le marché mondial dépend très fortement du plasma collecté aux États-Unis, avec tous les risques que cela peut comporter, notamment, celui de voir se multiplier les tensions sur le marché mondial où la demande est de plus en plus importante du fait du développement de pays comme le Brésil, l'Inde ou la Chine.

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Il faut préciser qu'aux États-Unis le don du sang est rémunéré.

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

En effet, ce qui fait d'ailleurs qu'on ne peut parler de don et que les collectes de sang américaines sont parfois assez éloignées de l'éthique.

Parallèlement, et c'est heureux, la prise en charge des malades s'améliore considérablement, ce qui se traduit par des chiffres qui peuvent donner le vertige : en France, la consommation d'immunoglobulines est passée en dix ans de cinq à neuf tonnes, ce qui, là encore génère, d'importantes tensions.

L'EFS est aujourd'hui dans une situation où il a l'obligation légale de céder au LFB la totalité de son plasma pour fractionnement, sachant que le plasma collecté et fractionné en France est réservé aux besoins des malades français. En d'autres termes, l'EFS ne peut collecter plus que ce qui correspond aux besoins du LFB, toute la question étant celle de la capacité du LFB à servir les patients, dans un cadre qui, à son niveau, n'est pas celui du monopole mais celui du marché concurrentiel, où, pour se procurer les médicaments dérivés du sang, les hôpitaux passent par des appels d'offre. Il faut donc que le LFB soit en capacité de répondre dans de bonnes conditions à ces appels d'offre, l'ESF étant cantonné à un rôle de « suiveur ». Nous avons ainsi livré en 2012 un peu plus de 600 000 litres de plasma au LFB, et lui en livrerons l'année prochaine 900 000 litres, ce qui montre que nous avons la capacité de répondre à la montée en puissance du LFB sur le marché français, en pratiquant une collecte éthique et non rémunérée.

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Quelle est la part occupée par le LFB sur le marché français ?

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

C'est assez difficile à dire, mais on estime que, pour atteindre l'autosuffisance en matière de médicaments dérivés du sang, il faudrait collecter un peu plus de 2,5 millions de litres.

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Cela signifie donc que le LFB détient 45 % du marché.

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

Selon moi cependant, le concept d'autosuffisance est assez inopérant dès lors que nous sommes dans un système de marché. En revanche, nous devons nous efforcer de réfléchir aux moyens d'accompagner le LFB pour qu'il augmente sa part de marché et réduise sa dépendance par rapport aux fournisseurs étrangers.

Par ailleurs, il faut déduire de la proposition du Conseil d'État que, dans l'hypothèse où le LFB ne pourrait plus fournir la quantité nécessaire de médicaments, il faudrait que nous puissions vendre à d'autres fractionneurs, à condition que le plasma fractionné serve à des malades français.

Quant au statut du donneur, il renvoie à la question du statut du bénévole, qui n'est pas tranchée. Le bénévolat est avant tout un engagement personnel : cet engagement doit-il se faire sous statut ?

Ce qui est certain en revanche, c'est que nous devons mieux valoriser les donneurs, mieux les accueillir, mieux les accompagner et davantage favoriser le don. C'est un effort qui doit impliquer non seulement l'EFS, mais également nos partenaires, les collectivités locales et les entreprises, les unes et les autres pouvant, par exemple, nous ouvrir des lieux d'accueil lorsque nous procédons à des collectes.

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Je veux tout d'abord féliciter l'EFS, qui est parvenu à développer son activité, d'une importance cruciale, en faisant preuve d'une grande maîtrise. Après l'épisode du sang contaminé, il était essentiel pour notre pays de rétablir la sérénité et la confiance dans les produits résultants de la collecte du sang.

Monsieur le président, j'aimerais vous poser trois questions.

Premièrement, si nous sommes très attachés en France aux valeurs présidant à la collecte du sang, à savoir le bénévolat, l'anonymat et la gratuité, nous devons faire appel, pour la préparation de certains produits, tels que le plasma et les immunoglobulines, à du sang provenant de collectes effectuées à l'étranger auprès de donneurs rétribués, ce qui crée une certaine ambiguïté.

Par ailleurs, le fait que certaines immunoglobulines soient obtenues à partir de sang provenant de donneurs américains implique qu'elles contiennent des anticorps plutôt adaptés aux micro-organismes se trouvant le plus fréquemment aux États-Unis, et non en Europe, ce qui pose un problème en termes d'efficacité – même si l'on retrouve certains micro-organismes des deux côtés de l'Atlantique. En d'autres termes, les immunoglobulines utilisées en France ont plus de chances d'être efficaces lorsqu'elles ont été préparées à partir du sang provenant de donneurs vivant sur place.

Il faut donc se demander quelles solutions permettraient d'assurer, à terme, une autosuffisance de la France pour l'ensemble des produits d'origine sanguine.

Deuxièmement, même si l'EFS a déjà accompli des efforts méritoires dans ce domaine au cours des années passées, pensez-vous qu'il soit possible d'imaginer des campagnes d'incitation au don qui soient encore plus efficaces ?

Troisièmement, à quel horizon estimez-vous que l'on puisse envisager la possibilité de recourir, au moins pour certains patients, à des succédanés d'hématies et d'hémoglobine, également appelés transporteurs artificiels d'oxygène, ou aux machines à perfusion d'organe ? Cela permettrait de s'affranchir de la dépendance aux dons, mais aussi d'éliminer tout risque de transmission d'agents pathogènes – je précise cependant qu'en tout état de cause, il n'est pas question de baisser les bras en matière de don du sang, car celui-ci restera indispensable pour la préparation d'autres produits.

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

Pour ce qui est de votre dernière question, je vous dirai que, n'étant ni chercheur ni devin, je me dois de faire preuve de la plus grande prudence et de me contenter des éléments d'information dont je dispose pour vous répondre. Pour ma part, je ne crois pas que les hématies puissent être produites artificiellement et en quantité massive, donc que le don du sang puisse être remplacé par d'autres techniques, dans les vingt ans qui viennent.

C'est ce qui justifie que je continue à m'efforcer de faire passer le message selon lequel la collecte de sang reste l'un des éléments essentiels permettant d'assurer la santé de nos concitoyens, pas seulement pour faire face aux accidents et aux attentats : nous ne devons pas oublier que plus de 45 % des transfusions sanguines vont à des malades atteints d'un cancer. Très franchement, le moment à partir duquel nous pourrons peut-être nous passer du don de sang se situe pour moi à un horizon si lointain que je ne le vois même pas… En revanche, à une échéance relativement proche, les progrès de la technique vont certainement aboutir à la mise au point de réactifs permettant d'améliorer le geste transfusionnel.

Quant aux futures campagnes de communication, elles sont au coeur de notre réflexion. Nous nous efforçons régulièrement de « déringardiser » l'image des collectes de sang, et devons continuer à le faire en développant une sorte de « marketing social ». Il existe des donneurs qui présentent un intérêt particulier en raison de leur groupe sanguin, et que nous devons être capables de faire participer davantage à nos collectes. Je précise que ce n'est pas lié à la rareté de tel ou tel groupe : il y a régulièrement des tensions sur l'approvisionnement de sang du groupe O+, qui est pourtant le plus commun en France. De ce fait, parallèlement aux grandes campagnes nationales, nous devons développer des outils de communication modernes, reposant notamment sur les réseaux sociaux et les techniques de marketing, afin de nous permettre de mieux cibler certaines campagnes.

L'EFS a également entrepris de recourir aux sciences sociales liées à l'animation des territoires, partant du principe que l'une des clés du succès des collectes réside dans la compréhension de la façon dont les personnes se déplacent au sein des territoires. De ce point de vue, la situation actuelle n'est plus celle d'il y a vingt ans, ce qui justifie que nous adaptions l'outil de collecte en conséquence – notamment grâce à la géolocalisation. Par ailleurs, nous devons nous employer à faire comprendre, notamment aux jeunes générations, que non seulement le don du sang est nécessaire, mais qu'il constitue une expérience intéressante, que tout un chacun devrait faire au moins une fois dans sa vie – j'en profite pour remercier les donneurs réguliers.

J'en viens à la première question que vous m'avez posée – à laquelle il est le plus difficile de répondre. En effet, on voit mal comment aller vers l'autosuffisance au sein d'un marché ouvert. Si la notion d'autosuffisance s'applique au monopole des produits sanguins labiles, pour lesquels la collecte en France est organisée selon un modèle non lucratif, les choses sont plus compliquées pour les médicaments dérivés du sang et la collecte de plasma.

En matière d'éthique, nous ne devons pas nous contenter de vérifier qu'elle s'applique aux donneurs : l'éthique, cela consiste aussi à faire en sorte que les malades puissent disposer en quantité suffisante des produits qui leur sont nécessaires…

À mon sens, l'EFS doit prendre sa part dans l'effort de consolidation de la filière française de médicaments dérivés du sang, en se posant deux questions. Premièrement, sommes-nous capables d'augmenter notre effort de collecte à mesure que les besoins du LFB s'accroissent ? La réponse est oui si l'on considère que nous sommes passés de 600 000 litres de plasma livrés au LFB en 2012 à 900 000 litres cette année, mais il faut s'interroger sur le prix auquel nous cédons notre plasma au LFB, à savoir un prix très bas par rapport à celui pratiqué à l'échelle internationale.

Deuxièmement, l'EFS doit-il prendre en compte les aspects relatifs à l'équilibre économique ? À cette question, mes collègues du budget répondront sans hésiter par l'affirmative, tandis que Mme Buzyn rappellera qu'il faut aussi soigner… En fait, la question doit être posée en termes de filière et, pour ma part, je suis extrêmement réservé à l'égard de toutes les pratiques pouvant conduire à une dérive vers la marchandisation du corps humain.

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Monsieur le président, j'ai trois questions à vous poser.

Premièrement, sur le plan juridique, les statuts de l'EFS lui permettraient-ils d'être opérateur sur le marché des produits dérivés du sang ?

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

Non, ce n'est plus possible depuis la loi du 4 janvier 1993, qui a instauré une séparation absolue entre le collecteur et le fractionneur.

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On peut se demander si cette séparation était une bonne idée. Compte tenu de ce que vous nous dites sur l'évolution du marché, le fait que vous puissiez aussi assurer une partie du traitement aval – la préparation de produits dérivés du sang –, n'aurait-il pas pour effet de sécuriser le dispositif ?

Deuxièmement, pouvez-vous nous préciser quelle est l'ampleur des échanges internationaux, et si notre pays importe ou exporte du sang ?

Troisièmement, le prélèvement de sang sur le cordon ombilical fait-il partie des activités de l'EFS ?

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

L'Agence française du sang (AFS), qui a précédé l'EFS, avait autrefois des responsabilités dans l'organisation générale des collectes, mais aussi en matière de police sanitaire. La loi du 4 janvier 1993, qui faisait partie de l'ensemble de dispositions que les pouvoirs publics ont décidé de mettre en oeuvre à la suite de la crise du sang contaminé, a séparé la fonction de collecteur, revenant à l'EFS, de celles de police sanitaire, assumées par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), devenue Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en 2012 – un principe qui me paraît devoir être régulièrement renforcé.

Le législateur a également instauré une stricte séparation entre le collecteur et le fractionneur, car il lui paraissait opportun de distinguer l'activité de collecte, qui relève du service public, de celle de fractionnement, qui entre dans le champ du marché, puisqu'elle aboutit à la préparation de médicaments dérivés du sang. Ce modèle propre à la France ne se retrouve pas partout à l'étranger : ainsi, aux États-Unis, quelques fractionneurs ont intégré un collecteur.

Par ailleurs, le fait que la frontière entre les PSL et les médicaments soit poreuse n'est pas sans poser certaines questions. Le Conseil d'État a requalifié des PSL en médicaments, ce qui remet en question la capacité de l'EFS à produire ces PSL – je pense notamment à certains plasmas thérapeutiques. Pour moi, la solution doit être recherchée dans notre capacité à renforcer le laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies.

Pour ce qui est de votre deuxième question, la France n'importe jamais de produits sanguins labiles. Il peut y avoir des exportations, mais cela ne se fait que de manière exceptionnelle : il faut pour cela que le président de l'EFS signe une autorisation, destinée à répondre à un besoin particulier – par exemple, l'assistance à des soldats français en opération extérieure.

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Il n'y a donc pas de marché international en France ?

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

Il n'y en a ni en France ni en Europe, et il serait de toute façon extrêmement difficile d'organiser le marché pour un produit aussi rare. Aux États-Unis, c'est la Croix-Rouge américaine qui intervient pour un peu plus de 55 % du marché, le reste de la collecte de PSL étant organisée par des centres non lucratifs.

Enfin, l'EFS joue un rôle important en matière de collecte du sang de cordon, puisqu'il recueille une partie de ce sang, qu'il stocke dans des banques.

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

Nous stockons le sang de cordon et le ressortons quand les médecins en ont besoin pour la mise en oeuvre du traitement de certaines pathologies. Cela dit, on constate aujourd'hui que le sang de cordon donne lieu à une utilisation beaucoup moins fréquente qu'on n'aurait pu le croire il y a quelques années.

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François Toujas, président de l'Établissement français du sang

Oui, bien sûr.

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Monsieur le président, je vous remercie d'être venu éclairer notre mission d'information.

L'audition s'achève à dix-sept heures quinze.

Membres présents ou excusés

Mission d'information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 16h15

Présents. – M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, M. Charles de Courson, Mme Élise Fajgeles, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Agnès Thill, M. Jean-Louis Touraine, Mme Annie Vidal

Excusés. – Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean François Mbaye, Mme Bérengère Poletti

Assistaient également à la réunion. – Mme Émilie Bonnivard, M. Philippe Gosselin, M. Gilles Lurton