Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 10h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • pesticide
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La réunion

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La séance est ouverte à dix heures quinze.

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Monsieur le ministre d'État, Monsieur le ministre, soyez les bienvenus pour cette première réunion de la mission d'information commune sur la stratégie et le suivi de la sortie du glyphosate. M. Jean-Baptiste Moreau et M. Jean-Luc Fugit, co-rapporteurs, m'accompagneront tout au long de cette audition.

Je commencerai par rappeler l'objet de cette mission d'information commune. Après l'adoption de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « EGALIM », à l'automne dernier, il a été décidé, en Conférence des présidents, de créer une mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate. Cette mission a été instituée le 27 septembre dernier et durera trois ans. J'en ai pris la présidence et MM. Moreau et Fugit ont été nommés co-rapporteurs.

Pour cette première audition de la mission d'information commune, il était normal que nous auditionnions Monsieur le ministre de la transition écologique et solidaire et monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Vous aurez donc, chers collègues, l'occasion de les interroger ce matin sur les différentes questions liées à l'objet de notre mission.

Messieurs les ministres, vous disposez d'environ quinze minutes chacun pour vos propos liminaires. Nous passerons ensuite aux questions, les miennes et celles des co-rapporteurs pour commencer, puis celles des députés. Je propose, par souci d'efficacité, que chaque député se limite à une minute pour poser sa question.

Nous aurons l'occasion d'entendre à nouveau les ministres dans quelques mois puisque, comme je l'ai dit, cette mission va durer trois ans. Un premier point d'étape est prévu dans un an afin de présenter les résultats des premières auditions et des visites que notre mission d'information aura menées.

Je cède sans plus tarder la parole à M. le ministre d'État.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Je vous remercie, monsieur le président. Messieurs les co-rapporteurs, Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à saluer l'initiative de cette mission d'information sur la stratégie de sortie du glyphosate. Il est bon que les députés se saisissent du sujet au même titre que le Gouvernement.

Il faut sortir du glyphosate. Telle la position du Gouvernement, que je tiens à rappeler, pour commencer, de la façon la plus claire. Outre qu'elle constitue un enjeu de santé publique et de protection de l'environnement et de la biodiversité, la sortie du glyphosate, qui doit s'inscrire dans le cadre plus large d'une politique en faveur de la réduction de l'utilisation des pesticides, correspond à une attente de nos concitoyens.

Qu'il s'agisse de la santé publique, de la protection de l'environnement, de la ressource en eau, de la biodiversité ou encore de la qualité de l'air, les préoccupations de nos concitoyens sont grandissantes. Ils s'inquiètent aussi de la qualité de leur alimentation : selon une étude d'opinion, 93 % des Français considéraient en 2017 que leur santé était affectée par les pesticides contenus dans les aliments. Nous ne pouvons pas ignorer cette évolution et nous pouvons même, je crois, nous en féliciter. La forte croissance de la consommation de produits agricoles et alimentaires bio – 15 % par an environ – en est un signe tangible et durable.

Nous avons décidé, dans ce contexte, de nous fixer des objectifs ambitieux de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires par rapport à 2008 : de moins 25 % en 2020 et de moins 50 % en 2025. Ces objectifs sont ambitieux, je le répète, parce qu'ils impliquent des transformations importantes des modes de production. Ils sont, pensons-nous, à la hauteur des attentes des Français.

Il ne s'agit évidemment pas, en soulignant l'ambition de ces objectifs, de nous glorifier, mais de relever qu'en nous attaquant à la réduction des produits phytosanitaires, nous avons l'obligation d'examiner un grand nombre d'autres sujets. Nous ne pouvons pas simplement parler d'exigences de santé publique, de protection de l'environnement ou d'objectifs dans le temps. Nous devons aborder aussi la question des moyens et de notre capacité à atteindre ces objectifs, sans perdre de vue l'activité économique, notamment dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire, très importants en France. Il faut toujours penser à ceux qui, concrètement, doivent mettre en oeuvre les changements.

En tant que premier herbicide utilisé en France – 30 % des ventes –, le glyphosate tient une place particulière dans ce débat. En réponse à ceux qui, encore aujourd'hui, s'interrogent sur sa dangerosité, je voudrais rappeler quelques faits avérés.

Le glyphosate présente des caractéristiques de danger certain. Il provoque des lésions oculaires graves et il est toxique pour les organismes aquatiques. On en retrouve aujourd'hui des traces dans de nombreuses rivières françaises et dans de nombreux cours d'eau, soit un important sujet de préoccupation. Son caractère cancérogène donne lieu à des divergences d'appréciation entre les différentes autorités compétentes. Les agences de l'Organisation des Nations unies (ONU) et le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) le jugent « cancérogène probable ». L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont indiqué, en 2017, ne pas disposer de suffisamment d'éléments pour le classer comme cancérogène. Nous devons travailler à l'amélioration des connaissances afin de lever les divergences d'appréciation entre ces agences. Pour ma part, je suis convaincu que nous ne pouvons pas ignorer l'avis du CIRC et que nous devons en tirer des conclusions dans un esprit de responsabilité.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement a décidé, avant même ma nomination, et en dépit de la décision prise au niveau européen, d'engager en France un plan de sortie volontariste du glyphosate, en faisant appel à l'esprit de responsabilité des acteurs.

Je tiens à rappeler que, de manière constante dans les débats européens, la France, soutenue par de nombreux États membres, s'est opposée aux propositions de la Commission européenne de renouvellement de l'autorisation du glyphosate pour des durées de quinze, puis dix, puis cinq ans, durée finalement approuvée fin 2017 par une majorité d'États membres. On tente parfois, dans le débat politique et médiatique, de faire croire aux Français que notre pays est le seul à poursuivre un objectif de sortie du glyphosate en trois ans. Rien n'est moins vrai. Pour un débat politique sérieux, il faut rappeler les faits. La position de la France et des États membres opposés à une réapprobation du glyphosate pour une longue durée a permis d'infléchir la décision au niveau européen. Il faut s'en féliciter.

Quoique l'on en pense, il nous faut aujourd'hui prendre acte du vote des États membres. Nous avons cependant décidé, en appelant les acteurs à la responsabilité, d'engager un plan de sortie du glyphosate volontariste, la décision prise au niveau européen ne nous empêchant nullement d'agir au niveau national. Le Président de la République a donc clairement indiqué vouloir engager la sortie du glyphosate sous trois ans, soit avant 2021 pour la majorité des usages, et au plus tard sous cinq ans, soit avant 2023, pour la totalité des usages. Le plan de sortie du glyphosate nous permettra d'atteindre cet objectif ambitieux en déployant les leviers d'accompagnement nécessaires.

À ceux qui voudraient que l'on interdise immédiatement, par la loi, l'usage du glyphosate, je souhaiterais rappeler les éléments suivants. Sortir du glyphosate en trois ans est particulièrement ambitieux puisqu'il s'agit, comme je l'ai dit, du premier herbicide utilisé en France. Certes, le glyphosate a déjà été interdit dans le passé pour les usages des particuliers et des collectivités locales, mais l'enjeu est de toute évidence bien différent aujourd'hui. Ces interdictions, que j'avais moi-même soutenues lorsque j'étais député, étaient alors beaucoup plus faciles et chacun était conscient qu'interdire le glyphosate dans l'agriculture nécessiterait des changements bien plus conséquents. Une transformation profonde des modes de production agricole est aujourd'hui nécessaire, mon collègue M. Didier Guillaume y reviendra dans son intervention. Il ne s'agit pas d'une simple substitution du glyphosate par un autre herbicide, chimique ou biologique. Il faut le dire clairement aux Français, sous peine de s'en tenir aux discours et de ne pas passer à l'action.

Pour accompagner cette transformation importante, le Gouvernement a souhaité s'appuyer sur la responsabilisation des acteurs plutôt que sur la contrainte législative ou réglementaire immédiate. Nous n'excluons toutefois pas, si les objectifs et les engagements ne sont pas tenus, la possibilité de prendre des mesures législatives pour respecter les échéances que nous avons fixées.

Le débat qui a eu lieu lors de l'examen de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « EGALIM », dont chacun se souvient et auquel j'ai moi-même participé en tant que député et président de l'Assemblée nationale, ne nous dispense pas, bien au contraire, des mesures que nous prenons par ailleurs. Nous avons ainsi engagé un processus précis, minutieux et plus conforme au droit européen, de révision des autorisations de mise sur le marché des produits contenant du glyphosate. Avec mes collègues M. Didier Guillaume et Mme Agnès Buzyn, nous avons demandé à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) de réviser les autorisations de mise sur le marché de ces produits afin d'exclure les usages du glyphosate pour lesquels des alternatives sont avérées, notamment lorsqu'elles sont validées par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), et qu'elles ne dépassent pas le 31 décembre 2020. Nous nous situons donc déjà dans l'optique de 2021. Loin des symboles et des polémiques, nous menons un travail important et rigoureux pour nous assurer, sans attendre la fin 2020, que les usages pour lesquels des alternatives existent seront progressivement supprimés.

Le plan de sortie du glyphosate comprend des mesures fortes. Les services du ministère de la transition écologique et les services du ministère de l'agriculture travaillent étroitement ensemble dans le cadre de la task force sur le glyphosate mise en place avant ma nomination.

Je laisserai naturellement M. Didier Guillaume revenir sur les mesures prévues en matière d'accompagnement des agriculteurs, mais je rappelle que la séparation entre les missions de vente et de conseil des produits phytosanitaires a été votée dans la loi « agriculture et alimentation » – je préfère la nommer ainsi, le sigle « EGALIM » n'étant pas très parlant pour nos concitoyens.

Cette mesure a été éclipsée par les polémiques autour du glyphosate – que certains, je dois le dire, ont alimenté avec beaucoup d'énergie dans les médias et dans le débat politique -, alors qu'il s'agit d'une mesure extrêmement forte, promise pendant la campagne électorale de 2017, votée par la majorité à l'Assemblée nationale et aujourd'hui mise en oeuvre. Elle est loin, évidemment, de faire l'unanimité car ce n'est pas une mesure facile, ce dont j'ai pu me rendre compte lorsque j'ai rencontré des responsables d'organisations agricoles, qui demandaient son report. Avec une telle mesure nous nous donnons pourtant un moyen concret d'avancer vers un assainissement des relations entre les acteurs sur les questions sensibles liées aux produits pesticides phytosanitaires.

En matière d'incitation, il est prévu, dans le projet de loi de finances pour 2019, de rénover la redevance pour pollution diffuse, qui porte sur les ventes de produits phytosanitaires, et de l'augmenter pour les substances les plus dangereuses. La taxation sur le glyphosate augmentera de 50 %, soit un euro d'augmentation par kilo. Cette taxe nous permettra de financer, à hauteur d'environ 50 millions d'euros par an, le développement de l'agriculture biologique, en plus des 71 millions d'euros consacrés au programme « Écophyto » en faveur de la réduction de l'usage des produits phytosanitaires.

S'agissant de l'information du public, nous renforcerons la transparence et l'accès aux données d'achat et de vente des produits phytosanitaires, en particulier du glyphosate, avec une cartographie publiée sur le site internet du ministère de la transition écologique et solidaire ou du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. La question de la transparence est très importante pour retisser le lien de confiance avec nos concitoyens.

Enfin, avec mon collègue ministre de l'agriculture et de l'alimentation, M. Didier Guillaume, nous rendrons très prochainement officielle la nomination d'un délégué interministériel au plan de sortie du glyphosate et au plan de réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques. Ce délégué s'assurera de l'avancée du plan d'action et de la pleine mobilisation des administrations et des professionnels, filière par filière, pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Je souhaite évidemment qu'il vienne rendre compte des progrès enregistrés devant votre mission d'information, tout comme il en rende compte au grand public.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Monsieur le président, Messieurs les co-rapporteurs, Mesdames et Messieurs les députés, à mon tour, après le ministre d'État M. François de Rugy, de vous remercier pour la mise en place de cette mission d'information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate. Elle aura, à n'en pas douter, un rôle essentiel à jouer.

Avec le Gouvernement, nous souhaitons aujourd'hui travailler à trois réconciliations : celle de l'agriculture et de la société, celle des agriculteurs, des agricultrices et des citoyens, celle du rural et de l'urbain. Ces trois réconciliations sont essentielles pour poursuivre en toute sérénité et en toute transparence, mais avec fermeté et volonté, le travail engagé par le Gouvernement pour la réduction des produits phytosanitaires.

Nous ne pouvons nous satisfaire d'une société coupée en deux, dans laquelle les citoyens se montrent du doigt, avec d'un côté ceux qui pensent que les agriculteurs sont de potentiels empoisonneurs, et de l'autre des professionnels qui croient détenir la vérité sur les modes de production. La transition à venir doit s'inscrire dans notre histoire, dans notre patrimoine et dans notre culture, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République, par le Gouvernement et, à l'instant, par mon collègue et ami M. François de Rugy.

Le moment est venu pour cette transition et les trois ans à venir seront, de ce point de vue, absolument essentiels. Ils fixent la ligne d'arrivée et ne sauraient être prolongés en cas d'échec. Comme M. François de Rugy l'a dit, s'il faut passer par la loi, nous passerons par la loi. L'engagement du Président de la République et du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale est clair.

Les réconciliations dont j'ai parlé sont donc absolument indispensables. On ne peut accepter que, dans les campagnes, des citoyens bloquent les tracteurs, empêchent les agriculteurs de faire leur travail et les accusent d'empoisonner leurs enfants en utilisant tel ou tel produit. Si nous ne parvenons pas à faire advenir ces trois réconciliations, il sera difficile pour notre société d'être véritablement résiliente.

J'aimerais souligner par ailleurs, dans cette introduction, l'engagement total de mon ministère en faveur de la transition agroécologique et la transition sanitaire. Toutes les structures du ministère, toutes les directions régionales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (DRAAF), toutes celles et tous ceux qui travaillent sur le terrain y sont pleinement engagés. La transition agroécologique et la transition sanitaire, après celles de l'économie et du social, sont absolument indispensables. Nos lycées agricoles, nos lycées d'enseignement professionnel, et nos structures de recherche sont, tout comme moi, mobilisés. J'ai eu l'occasion de le dire devant la commission des affaires économiques et lors du débat sur le projet de loi de finances.

La transition de l'agriculture vers l'agroécologie est irréversible. Nous devons la faire à grands pas pour que les réconciliations dont j'ai parlé puissent avoir lieu. Soyez certains que j'en serai le premier acteur et le premier promoteur, d'autant que les agriculteurs français y sont prêts, conscients que des évolutions sont nécessaires. Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant.

Quant à la transition sanitaire, elle passe par la réconciliation entre le rural et l'urbain, entre l'agriculteur, l'agricultrice et le citoyen. Aujourd'hui, la demande sociétale de produits agricoles dotés d'une forte traçabilité et d'une forte sécurité alimentaire est évidente. Le Gouvernement ne cherche pas tant à y répondre qu'à être proactif sur ce sujet. L'agriculture française, à qui l'on a demandé de nourrir l'Europe entière après la Seconde Guerre mondiale, doit permettre à la France de maintenir son indispensable souveraineté alimentaire tout en exportant. Elle doit mettre sur le marché des produits sûrs, tracés, garants d'une sûreté et d'une sécurité sanitaires incontestables.

Si nous respectons ces principes, nul doute que nous réussirons. Je suis personnellement optimiste car les citoyens attendent ces transformations, les agriculteurs y sont prêts, et le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement y sont fermement engagés. Je souhaite donc à nouveau vous remercier très chaleureusement pour cette mission d'information.

La réduction des produits phytopharmaceutiques associe des enjeux de santé publique, de qualité de l'alimentation et de préservation de l'environnement et de la biodiversité. M. François de Rugy a souligné la multiplicité de ces enjeux, je n'y insiste donc pas. La réduction des produits phytopharmaceutiques correspond par ailleurs à une attente forte de la société, réaffirmée lors des États généraux de l'alimentation, qui ont constitué un beau succès pour la France. Pour l'une des premières fois, tous les acteurs étaient rassemblés, l'amont, l'aval, les filières, les citoyens, les ONG et les associations. Les États généraux de l'alimentation resteront comme un point fort de l'année 2017.

Conformément à l'engagement pris par le Président de la République, la sortie du glyphosate dans trois ans et la transition vers l'agroécologie sont irréversibles. Soyons-en tous persuadés. Si certains traînaient encore des pieds, ils doivent savoir que c'est peine perdue : le mouvement est engagé ! Toutefois, et c'est mon rôle de ministre de vous le dire, cette transition ne peut se faire sans un accompagnement des agriculteurs au changement.

Je suis ministre de l'agriculture, certes, mais aussi ministre de l'alimentation. Le Président de la République a bien fait d'accoler ces deux domaines : ils sont absolument consubstantiels dans la société actuelle ; l'un ne va pas sans l'autre. Le plan gouvernemental pour la réduction des produits phytopharmaceutiques, présenté en avril 2018, et le plan de sortie du glyphosate, présenté le 22 juin dernier, témoignent tous deux de cette conviction.

Au cours des trois dernières années, la France a utilisé davantage de pesticides que les trois années précédentes. Il y a là un problème qui doit nous faire réfléchir. Vous noterez que je n'ai pas parlé de l'agriculture, mais bien de la France, car le débat sur le glyphosate et les produits pharmaceutiques dépasse largement l'agriculture. Pour désherber ses voies ferrées, la SNCF utilise elle aussi des herbicides. Elle devra trouver demain des alternatives à l'utilisation du glyphosate pour que les TGV, les TER et les trains d'équilibre du territoire (TET) puissent circuler sur des voies non envahies par les mauvaises herbes. La question se posera aussi pour les pistes d'atterrissage des avions. Il me semblait important de le préciser.

Nous avons donc utilisé en France au cours des trois dernières années davantage de pesticides que les trois années précédentes. Cela ne peut pas durer, et je serai celui qui fera en sorte que cela cesse. Cet engagement est inscrit dans mon mandat, à la demande du Président de la République.

Les objectifs du plan de sortie du glyphosate sont ambitieux par rapport à l'Union européenne. M. François de Rugy en a parlé, j'irai donc vite. Les objectifs de moins 25 % en 2020 et de moins 50 % en 2025 doivent être tenus. Le monde agricole lui-même les approuve. Sur la stratégie de sortie du glyphosate, soyons conscients que le gouvernement français a pris le leadership au niveau européen. Nul besoin d'être sur la défensive au motif que le Parlement, avec la loi EGALIM, n'aurait pas veillé suffisamment à la santé des Français. Nous sommes au contraire les premiers en Europe à avancer dans la bonne direction. Sachons reconnaître aussi les points positifs ! Si nous allons plus vite que prévu, alors tant mieux, mais gardons le cap des trois ans à l'esprit. Lorsqu'en 2021, la France sera sortie du glyphosate, elle sera peut-être le premier pays au monde à l'avoir fait. Reconnaissons que nous sommes en avance et gardons le leadership en Europe sur les questions sanitaires et la sortie du glyphosate !

La stratégie de sortie du glyphosate s'appuie sur la responsabilisation des acteurs sans toutefois écarter les voies réglementaires. Je l'ai dit il y a quelques instants, s'il faut passer par la loi nous le ferons, mais c'est d'abord par la responsabilisation des producteurs, des industriels, des distributeurs et des consommateurs que nous souhaitons avancer. Nous allons donc nous adresser à l'ensemble du spectre sociétal pour identifier, déployer et valoriser les alternatives au glyphosate.

Sortir du glyphosate, soit, mais quel produit de substitution utiliser ? Il est évidemment hors de question de le remplacer par un autre herbicide. Dans le cadre des plans de filières, nous avons interrogé les filières agricoles sur des engagements de sortie du glyphosate. Le secteur des grandes cultures – céréales et oléo-protéagineux –, le secteur viticole et celui des fruits et légumes – je suppose que votre mission les auditionnera – nous ont déjà fait parvenir leur contribution, ce qui montre que les choses avancent. Pourront-ils sortir totalement du glyphosate d'ici trois ans ? L'accompagnement mis en place par l'État à travers nos deux ministères aura précisément pour but de les y aider.

Nous attendons de la grande distribution qu'elle s'engage à valoriser économiquement les efforts des agriculteurs. Le plan de sortie du glyphosate passe par un engagement de sa part à s'impliquer dans la définition des standards de marché et des cahiers des charges et à valoriser les productions obtenues sans glyphosate. Nos concitoyens sont exigeants. Des démarches de progrès ont déjà été engagées par les filières agricoles. Ainsi, le syndicat agricole majoritaire, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), défend, avec une quarantaine d'organisations, un contrat de solutions pour la sortie du glyphosate, que nous allons examiner, évaluer et tester. Nous verrons par la suite s'il faut en venir à la voie réglementaire.

Nous avons la chance de posséder en France des structures de recherche, d'innovation et d'évaluation des risques de grand talent. Nous devons leur permettre de trouver les solutions alternatives dont nous avons besoin. Prenons garde à ce que la substitution du glyphosate n'aboutisse pas à l'utilisation d'herbicides au profil toxicologique plus défavorable. La mobilisation de ces structures est indispensable pour nous prémunir contre ce danger, dont je les ai alertées, tout comme l'avait fait mon prédécesseur.

Force est de le constater, malgré les différents plans « Écophyto », nous ne sommes pas allés assez vite dans la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires. Le plan de sortie du glyphosate s'appuie sur le rapport de l'INRA remis en décembre 2017 au Gouvernement, qui démontre que de nombreuses alternatives au glyphosate sont déjà disponibles, en particulier pour les grandes cultures, la viticulture et l'arboriculture, filières consommatrices de glyphosate. Puisqu'elle est d'ores et déjà possible, nous devons accélérer la transition. Certaines filières peuvent aller plus vite que d'autres et peut-être sortir du glyphosate avant 2020. Banco, allons-y, aidons-les ! Je serai fier d'être le ministre de l'agriculture qui aura contribué à cela.

Le Gouvernement ne laissera pas sans solutions les filières qui, malgré leur bonne volonté, ont plus de difficulté à trouver des alternatives au glyphosate. Il les accompagnera. M. François de Rugy l'a évoqué tout à l'heure, nos deux ministères ont saisi l'ANSES. Les solutions de biocontrôle devront également être au coeur de la réflexion.

Enfin, et j'y tiens beaucoup, un accompagnement technique des agriculteurs est nécessaire. Comme je l'ai dit pour commencer, nous ne devons pas opposer les uns aux autres. L'État, les chambres d'agriculture, les syndicats agricoles et les coopératives doivent se mobiliser pour cet accompagnement. Avec la robotisation, le développement de l'agriculture de précision, les innovations variétales, les rotations et la gestion des sols, entre autres, des changements profonds sont en cours dans les exploitations. Vous connaissez tous ces sujets aussi bien que moi. Ces changements nécessitent un important accompagnement, qui passera par une mobilisation générale.

Nous ne pouvons pas nous limiter à des effets d'annonce. Il nous faudra rapidement des résultats. D'ici à la fin de l'année, un centre de ressources « glyphosate », qui rendra accessibles à l'ensemble de la profession agricole les solutions alternatives existantes, sera disponible. Il jouera un rôle exclusivement positif : plutôt que de montrer du doigt les échecs, il s'efforcera de mettre en avant les réussites. Ce n'est pas avec le bâton que nous réussirons la transition, mais au contraire en valorisant les bonnes pratiques. Or, les exemples sont nombreux, comme nous l'avons vu lors du débat sur le projet de loi de finances.

Parmi ces exemples, j'aimerais mentionner le réseau des fermes du réseau « Démonstration, expérimentation et production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires » (DEPHY) et rappeler que les parlementaires ont rajouté de l'argent au budget initial que j'ai présenté vendredi dernier. Ce réseau regroupe aujourd'hui 3 000 fermes et 40 sites expérimentaux. C'est grâce à ce type d'initiative que nous réussirons. L'accompagnement de collectifs de fermes en transition doit aussi être mentionné. Elles sont 30 000 à l'heure actuelle. Continuons là encore d'avancer !

Quant à « ÉcophytoPIC », le portail de la protection intégrée des cultures, son objectif est la promotion et l'accompagnement du monde agricole. Cet accompagnement de transition est la voie par laquelle nous gagnerons.

Enfin, M. François de Rugy l'a dit, la loi EGALIM prévoit la séparation entre les missions de vente et de conseil des produits phytosanitaires. J'étais sénateur lorsque la loi a été présentée et j'ai soutenu cette mesure indispensable, bien qu'elle pose des problèmes dans certains secteurs, celui des coopératives notamment. Il n'est plus possible de revenir en arrière et je maintiendrai cette mesure, mais nous accompagnerons les secteurs dans lesquels elle pose des difficultés. Plutôt que d'y être véritablement opposés, certains agriculteurs sont en réalité démunis face aux changements qu'elle exige : ils ne savent pas comment faire et ont besoin d'être étroitement accompagnés. J'en reviens, comme toujours, à mon leitmotiv : accompagnement dans la transition !

Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, Messieurs les co-rapporteurs, je suis convaincu que le coordinateur interministériel qui sera prochainement nommé vous sera d'une grande aide. Je suis prêt à revenir devant vous en tant que de besoin. Les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation sont tout entiers tournés vers la transition agroécologique, la transition sanitaire et la sortie des produits phytosanitaires. Celle-ci est indispensable et irréversible, et correspond à une volonté politique partagée par le Gouvernement et les parlementaires, quel que soit leur bord politique.

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Je vous remercie, Messieurs les ministres. Les questions que je souhaite vous poser s'organisent autour de deux thèmes.

Pouvez-vous, tout d'abord, nous présenter les quantités vendues et utilisées de produits contenant du glyphosate en France, par agriculteur, pour les différents professionnels, parmi lesquels les collectivités, et pour les particuliers, notamment les jardiniers ? Sommes-nous aujourd'hui capables de mesurer la part des produits importés, transformés ou non, contenant des résidus de glyphosate ?

Monsieur le ministre de l'agriculture, vous avez laissé entendre, dans le courant du mois d'octobre, que la date de sortie du glyphosate pourrait varier selon les types de cultures. Pouvez-vous clarifier la stratégie de sortie du glyphosate ? Envisagez-vous une sortie en sifflet selon les catégories de cultures ? Pouvez-vous préciser les démarches aujourd'hui initiées par les différentes filières et indiquer si elles sont associées à votre stratégie ?

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Messieurs les ministres, je vous remercie pour vos propos liminaires.

Ma première question porte sur le rôle de l'ANSES, après les annonces de vos prédécesseurs il y a quelques mois. L'ANSES délivre-t-elle encore de nouvelles autorisations de mise sur le marché des produits contenant du glyphosate ? Prolonge-t-elle des autorisations en vigueur ?

Pouvez-vous, par ailleurs, nous apporter des précisions sur le plan « Écophyto II + », annoncé cet été ? Quelles sont les mesures propres au glyphosate ? Ce plan devait être soumis à la consultation publique d'ici la fin de l'année 2018. Qu'en est-il exactement ?

J'aimerais revenir également sur le rôle du coordinateur interministériel qui va prochainement être nommé. Sans nous dévoiler son identité, pouvez-vous nous présenter sa feuille de route ? Comment travaillera-t-il avec les différents acteurs techniques de la recherche et les organisations professionnelles qui constituent l'écosystème aujourd'hui mobilisé dans la réduction des produits phytosanitaires et dans la sortie, aussi rapide que possible, du glyphosate ? Quelle feuille de route le coordinateur interministériel recevra-t-il pour faire travailler ensemble les différents acteurs, l'INRA, l'ANSES, l'Institut de recherche pour le développement (IRD), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), les centres techniques, les organisations professionnelles, mais aussi les syndicats agricoles ? Ces derniers ne doivent pas être oubliés. Vous avez évoqué le contrat de solutions de l'un d'entre eux, mais les initiatives des autres syndicats méritent elles aussi d'être examinées, dans la perspective de possibles synergies.

S'agissant des travaux conduits avec l'Union européenne, pouvez-vous clarifier notre stratégie ? Sous votre impulsion, nos instituts et nos forces de recherche seront-ils en lien avec le milieu européen ?

Sur ce sujet passionnant, vous le voyez, mes questions sont nombreuses. J'y accorde un intérêt particulier en tant que scientifique et ancien formateur. J'aimerais donc savoir également quel sera le rôle des lycées agricoles à l'avenir.

Enfin, je terminerai par une question sur la communication avec les citoyens. Vous avez évoqué, Monsieur le ministre de la transition écologique, l'idée d'une cartographie. Comment comptez-vous procéder ? Quelles échéances et quelles méthodes sont-elles prévues ?

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Je serai plus bref que M. Fugit pour laisser un peu de temps aux députés.

Le Président de la République a annoncé récemment la création d'une start-up d'État. Quels en seront exactement le contenu et le calendrier ?

Si le glyphosate est utilisé par les agriculteurs, ce n'est pas parce qu'ils y trouvent un plaisir particulier, mais parce qu'il s'agit d'un produit très efficace et à moindre coût. Comme vous l'avez dit, Monsieur le ministre de l'agriculture, la substitution ne doit évidemment pas se faire au bénéfice d'un produit potentiellement aussi nocif. Elle entraînera donc un surcoût.

Quel accompagnement économique comptez-vous proposer aux exploitations agricoles, dont certaines sont très fragiles ? Les exploitations de l'agriculture biologique se passent déjà du glyphosate, avec succès, mais la période de transition est délicate et souvent critique pour les agriculteurs. Envisagez-vous des moyens d'accompagnement économique spécifiques ?

J'aimerais, pour finir, évoquer le biocontrôle, assez peu applicable au désherbage, mais envisageable pour les fongicides et les insecticides. Contrairement aux États-Unis ou à l'Australie, la France est à la traîne dans la recherche sur le biocontrôle. J'ai défendu, en commission des finances, un amendement renforçant le crédit d'impôt recherche (CIR) dans ce domaine. Il a, hélas, été rejeté. Envisagez-vous de mettre en place des moyens pour stimuler la recherche sur le biocontrôle, qui en est toujours à ses balbutiements et qui pourrait constituer une alternative intéressante pour l'agriculture et les entreprises françaises ?

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Vous avez la parole, Messieurs les ministres. Nous passerons ensuite aux échanges avec les députés. S'il manquait des éléments de réponse aux nombreuses questions qui viennent de vous être posées, je ne doute pas que nos collègues y reviendraient.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Sur les usages du glyphosate, il faut en effet dire les choses de la façon la plus claire. Je rappelle, tout d'abord, que 800 000 tonnes de glyphosate sont utilisées dans le monde, dont 8 800 sont vendues en France. Le glyphosate est, comme je l'ai dit, le premier herbicide dans notre pays. Les quantités de glyphosate vendues ont augmenté fortement entre 2009 et 2014, puis baissé de 7 % entre 2014 et 2017. En 2014, 9 500 tonnes de glyphosate étaient vendues en France sur 27 000 tonnes d'herbicides, soit environ un tiers.

En ce qui concerne les usages, beaucoup le savent mais il faut le rappeler, l'utilisation du glyphosate est liée à certains types de cultures : la viticulture, l'arboriculture et certaines cultures céréalières. Par ailleurs, comme l'a dit le ministre de l'agriculture, le glyphosate est utilisé dans les transports. La SNCF en est la première utilisatrice pour le désherbage des voies, et pas seulement pour les lignes à grande vitesse. Les petites lignes, sur lesquelles les trains passent moins fréquemment, sont très vite envahies par les herbes. Lorsque des voies sont inutilisées pendant un certain temps, ce sont même des arbres qui poussent, soulevant les rails et les rendant impraticables. J'ai été confronté à ce problème lorsque j'occupais d'autres fonctions. Pour rouvrir la ligne, il faut alors refaire intégralement le ballast et les voies. Le président de la SNCF, avec qui je me suis entretenu de ce sujet, juge qu'il sera difficile pour la SNCF de trouver des alternatives au glyphosate. L'entreprise y réfléchit cependant et envisage notamment le désherbage thermique, puisque, bien entendu, le désherbage ne peut être mécanique sur le ballast. Quelle que soit l'alternative qui sera choisie, comme toujours, elle aura un surcoût.

Dans les jours qui ont suivi ma nomination, avant que M. Didier Guillaume ne soit nommé ministre de l'agriculture, j'ai travaillé avec M. Stéphane Travert, à qui je tiens à rendre hommage pour son action et son engagement. Il a fait l'objet de critiques injustes, en particulier sur la question du glyphosate. Pour notre premier déplacement commun, nous avions choisi de nous rendre en Gironde – Mme Bérangère Couillard et Mme Véronique Hammerer étaient d'ailleurs présentes – pour aborder le thème de la réduction des pesticides et de la sortie du glyphosate dans le secteur viticole. L'examen de la loi « agriculture et alimentation » n'était pas achevé, mais nous avions, lors de cette visite, parlé clairement aux responsables de la filière et discuté avec des viticulteurs déjà engagés dans un processus de changement.

Les viticulteurs d'une exploitation de 40 hectares, c'est-à-dire relativement importante pour ce secteur, nous ont expliqué qu'avec le glyphosate, le désherbage des vignes représentait une semaine de travail pour une personne, contre cinq semaines avec le désherbage mécanique. Ils l'ont pourtant adopté parce qu'ils sont décidés à sortir du glyphosate, bien que leur exploitation ne soit pas bio. La sortie du glyphosate est donc possible dans la viticulture, mais elle entraîne un surcoût. D'après un autre exploitant, ce surcoût, ramené à la bouteille, s'élèverait à 50 centimes d'euro, chiffre qu'il faut bien sûr vérifier. Pour un vin d'entrée de gamme et une bouteille vendue 2,50 euros à la sortie de l'exploitation, il s'agit d'un surcoût important. Bien entendu, pour un vin de moyenne ou haute gamme, il est tout à fait absorbable.

Ces exemples précis ont le mérite de poser les enjeux. Notre déplacement en Gironde avait précisément pour objectif de nous apporter des éléments concrets sur la sortie du glyphosate dans le secteur viticole.

Concernant les autorisations de mise sur le marché évoquées par M. Jean-Luc Fugit, 198 produits incluant du glyphosate bénéficient d'une autorisation de mise sur le marché, dont 58 demandent actuellement un renouvellement. Leur cas est en cours d'instruction par l'ANSES. Les autorisations ne seront données qu'après analyse et exclusion des usages pour lesquels existent des alternatives avérées.

M. Didier Guillaume a eu raison de préciser « II+ » en parlant du plan « Écophyto » : il y a eu « Écophyto », puis « Écophtyo II » ; nous en sommes aujourd'hui à « Écophyto II + » car nous sommes encore loin d'avoir atteint les objectifs que nous nous sommes donnés. Le plan « Écophyto II + » sera mis en consultation mi-novembre. L'objectif est bien sûr d'accélérer sa mise en oeuvre.

S'agissant du délégué interministériel à la sortie du glyphosate, en l'occurrence M. le préfet Pierre-Étienne Bisch, qui sera bientôt nommé, il a déjà remis un rapport, à la demande de nos deux ministères, sur la question de l'eau. Ce rapport a été commandé à une période où ni M. Didier Guillaume ni moi-même n'étions ministres mais il nous sera très utile. Le délégué interministériel s'appuiera sur la task force « glyphosate », les chambres d'agriculture, les instituts agricoles, l'INRA et les deux ministères. Sa lettre de mission sera bientôt signée par le Premier ministre.

M. Didier Guillaume répondra sans doute aux questions posées par M. Jean-Baptiste Moreau, notamment sur la start-up d'État. J'aimerais aborder quant à moi le sujet du biocontrôle et de la recherche, que nous avons également évoqué avec M. Stéphane Travert lors de notre déplacement en Gironde. Nous avons rencontré à cette occasion les représentants d'une société qui a mené des recherches sur les fongicides et conçu un produit à partir de micro-algues destiné aux vignes. Le produit fonctionne, mais six à huit ans de procédure sont nécessaires pour obtenir l'autorisation de mise sur le marché. Quant au coût de la procédure, il se situe entre 500 000 euros et 5 millions d'euros. Autant dire qu'en l'état actuel des choses, cette start-up envisage de mettre fin au projet. Pour une grande société comme Monsanto, en revanche, six à huit ans de procédure ne sont pas un problème. Elle en a l'habitude et compte d'ailleurs de nombreux produits en attente d'autorisation de mise sur le marché. Le coût de la procédure n'est pas non plus à même de l'effrayer ou de la faire reculer.

De toute évidence, les procédures d'autorisation de mise sur le marché ont été créées pour un type de molécule, un type de produit et un type d'entreprise. Pour mettre en place le biocontrôle, il faut donc non seulement financer la recherche, mais encore changer les procédures. Comment imaginer sortir un produit dans trois ou cinq ans si l'application de la procédure prend à elle seule six à huit ans ? Il ne s'agit évidemment pas d'en rabattre sur nos exigences en termes de sécurité sanitaire ou environnementale. Je le précise, car je sais d'expérience que lorsqu'on propose d'alléger les procédures, immédiatement s'élèvent des voix dans le débat politique pour dénoncer le démantèlement de la sécurité sanitaire et les cadeaux faits aux industriels. Encore faut-il, pour alléger les procédures, obtenir au niveau européen le droit à des dérogations, en France, pour certaines expérimentations. La région Nouvelle-Aquitaine est d'ailleurs volontaire pour copiloter avec l'État ce type de démarche.

En tout état de cause, si nous écoutons ceux qui s'opposent systématiquement à l'allégement des procédures, nous ne ferons rien, ce qui est vrai pour un grand nombre de sujets. Ce sont d'ailleurs les mêmes qui exigent des changements immédiats, comme si l'on pouvait sortir du glyphosate du jour au lendemain. J'ai parfaitement en mémoire les débats sur ce sujet. On a fait croire aux Français que des députés étaient pour l'interdiction du glyphosate aussitôt que la loi serait entrée en vigueur et que d'autres étaient contre et voulaient le maintien du glyphosate. (Applaudissements.)

Ce n'était évidemment pas la vérité, puisque les amendements déposés ne visaient pas une interdiction immédiate mais une interdiction dans trois ans. Il s'agissait donc simplement d'un changement de méthode et non d'un changement d'objectif. Interdire le glyphosate dès l'entrée en vigueur de la loi aurait en outre placé un grand nombre de filières agricoles dans l'incapacité de produire et la SNCF dans l'incapacité de faire circuler les trains. Les Français se seraient retournés contre nous et nous auraient traités d'irresponsables, à juste titre, parce que nous aurions mis des filières économiques très importantes pour la France en grande difficulté.

Vous savez peut-être qu'on a interdit du jour au lendemain le métam-sodium, un pesticide utilisé dans les cultures maraîchères d'une région que je connais bien. On a considéré, pour des raisons sanitaires, que l'utilisation de ce produit représentait trop de risques, notamment pour les ouvriers agricoles. Il a donc été interdit, ce qui a posé immédiatement de grandes difficultés aux maraîchers, qui peinent aujourd'hui à trouver un produit de substitution. Nous devons toujours garder cela en tête.

Sachez-le, il n'y aura pas d'opposition entre M. Didier Guillaume et moi, entre l'agriculture et l'écologie. Esprit de responsabilité pour la santé, esprit de responsabilité pour l'environnement, esprit de responsabilité pour l'économie. On ne peut opposer les uns aux autres, car nous vivons tous de santé, d'environnement et d'économie.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Je partage bien entendu cette conclusion. Soyons cohérents et ne mentons pas à la population, car cela nous reviendrait en pleine figure, à nous comme à vous.

Une sortie en sifflet ? Non, il n'en est pas question. La date prévue est 2020. Cependant, et M. François de Rugy l'a dit, les agriculteurs iront peut-être plus vite que le TGV... Certains secteurs d'activité sortiront plus rapidement que d'autres du glyphosate. Nous allons suivre attentivement la situation, mais je suis plutôt confiant pour l'agriculture.

Sur le taux de glyphosate, M. François de Rugy a indiqué le chiffre de 9 500 tonnes pour la France en 2014. Le glyphosate représente un huitième des produits phytosanitaires utilisés, soit moins de 10 %, et ce taux reste stable.

En ce qui concerne « Écophyto II + », le constat est clair en effet. Pour l'agriculture, les plans précédents n'ont pas bien marché. Une révision est donc en cours et la consultation publique sera lancée dans les jours qui viennent, sur la base des contributions des membres du comité d'orientation stratégique et de suivi du plan « Écophyto ».

Au niveau européen, la France a demandé à faire partie, avec d'autres pays, du consortium chargé de la réévaluation des substances. Nous avons également sollicité l'ANSES afin qu'elle précise les modalités d'une étude indépendante. Il s'agit d'un point important, car nous avons besoin de l'aide des scientifiques. La France défend auprès de la Commission le renforcement de l'indépendance et de l'évaluation. Il faut des études indépendantes et des financements adaptés.

S'agissant des lycées agricoles et des centres de formation, la transition vers l'agroécologie est désormais enseignée et je donnerai bientôt de nouvelles instructions pour que l'évolution des programmes soit examinée avec les responsables de formation. Il convient, en particulier, d'y inclure les nouvelles techniques et la performance sanitaire.

Quant à la communication avec les citoyens, je ne crois pas, en réalité, que ce soit de communication dont nous avons besoin mais d'explication et de compréhension.

J'en viens à la start-up d'État, dont le site internet sera bientôt mis en ligne. Sur ce sujet également, nous devrons éviter d'opposer les uns aux autres et privilégier la valorisation des bonnes pratiques.

Les missions du coordinateur interministériel, M. le préfet Bisch, sont définies. Je n'y reviens pas, M. François de Rugy les a évoquées.

M. Jean-Baptiste Moreau a posé une question sur l'accompagnement financier des exploitants agricoles. Des montants significatifs leur ont été alloués : 41 millions d'euros au niveau national, dont une part très significative consacrée à la recherche de solutions alternatives. Par ailleurs, 30 millions d'euros leur sont dédiés par les agences de l'eau.

Enfin, le biocontrôle. La France est moteur dans ce domaine, qui mobilise un très faible nombre de pays. Les délais d'évaluation et les prix des demandes d'autorisation de mise sur le marché ont diminué, mais les dossiers sont globalement coûteux. Les chiffres cités par M. François de Rugy le montrent. Aujourd'hui, les produits de biocontrôle connaissent un essor certain, mais ne représentent que 5 % du marché de la protection des plantes. En revanche, une croissance forte est prévue d'ici 2020, avec une augmentation d'environ 25 % en 2016-2017. Les produits de biocontrôle progressent donc et nous devons réfléchir à la manière de les encourager encore davantage. Le consortium public-privé sur le biocontrôle jouera un rôle important. L'INRA, à qui j'accorde une très grande confiance, en fait partie.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Permettez-moi un complément d'information sur ce point. Un appel à projets de biocontrôle a été lancé par l'Agence nationale de la recherche (ANR) avec 3,5 millions d'euros budgétés en 2019.

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Je vous propose de passer à présent aux questions des députés. Nous les prendrons par séries de deux. Le temps de parole par question est limité à une minute.

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Selon les données du projet de loi de finances pour 2019, le nombre de doses d'unités de pesticides utilisées en agriculture (NODU) a augmenté en France en 2017, passant à 94,2 millions contre 93,9 millions en 2016. Cependant, le recours aux substances les plus dangereuses est bel et bien en baisse.

Le Gouvernement s'est donné comme objectif de réduire de 50 % l'utilisation des produits phytopharmaceutiques en 2025. Comment s'assurer que le plan « Écophyto II + » répondra efficacement à cet objectif ?

La sortie du glyphosate a un coût. Peut-on envisager un soutien financier aux agriculteurs pour assurer leur transition vers un modèle d'agriculture sans glyphosate ? Je pense tout particulièrement aux secteurs viticole et arboricole.

Enfin, la question de l'accompagnement et de la formation a été évoquée. Comment peut-on mettre en oeuvre un plan d'accompagnement au changement de pratique ? Il est, à moins avis, incontournable pour les agriculteurs.

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Messieurs les ministres, je partage entièrement ce que vous avez dit. Oui, il faut sortir du glyphosate. Avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous avons voté contre l'amendement de M. Orphelin, mais nous n'avons pas voté contre la fin du glyphosate.

Il faut sortir du glyphosate, mais avec intelligence, en aidant les agriculteurs à trouver des solutions de substitution et en prenant garde à ne pas faire pire avec un nouveau produit. Nous vivons cependant dans un marché européen et mondial, un marché ouvert. Comment envisagez-vous la concurrence avec les pays voisins de la France, l'Espagne et l'Allemagne notamment ? Le risque de concurrence déloyale est évident.

Je voudrais revenir, pour finir, sur l'annonce par le Président de la République de la création d'une start-up d'État. Où en est-on ? S'agissait-il uniquement d'un effet d'annonce ? Votre réponse, Monsieur le ministre, était, si je puis me permettre, relativement vague…

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Pour mémoire, avant mai 2017, la France s'est opposée à la proposition de la Commission européenne de réapprobation du glyphosate pour quinze ans. Elle s'est opposée ensuite aux propositions de réapprobation pour dix ans et pour cinq ans, et a proposé une durée de trois ans, qu'elle met aujourd'hui en oeuvre. Il me semble utile de le rappeler pour les personnes qui ont tendance, en ce moment, à réécrire l'histoire.

Je rappelle aussi qu'en novembre 2017, quand la réapprobation du glyphosate pour cinq ans a été adoptée par l'Union européenne, les pays qui ont voté cette mesure, à la majorité qualifiée, étaient l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et l'Espagne, c'est-à-dire de grands pays qui affichent une ambition environnementale forte. La France a voté contre, avec l'Italie et la Belgique.

Je précise par ailleurs, pour répondre à la question de M. le président Dive sur les usages autres qu'agricole et ferroviaire, que le glyphosate est interdit dans les espaces publics depuis le 1er janvier 2017. Cette interdiction concerne essentiellement les collectivités locales. Pour les usages particuliers, c'est-à-dire le jardinage, l'interdiction prendra effet à partir du 1er janvier 2019. Nous y sommes donc presque, mais pas tout à fait, d'où les polémiques sur les opérations de promotion organisées par certaines jardineries qui cherchent à écouler leurs stocks de pesticides à base de glyphosate. On ne peut que déplorer ce type de pratiques, mais c'est la règle. Les grandes gesticulations qui consistent à se rendre dans les jardineries pour retirer les produits des rayonnages sont contraires au bon fonctionnement d'un État de droit, dans lequel les règles s'appliquent à partir d'une certaine date. Les effets d'annonce non suivis d'effet en matière d'écologie je connais, et ils ne m'intéressent pas.

Je rappelle, pour finir, que l'augmentation de la redevance pour pollution diffuse est prévue au 1er janvier 2019. Il s'agit d'une mesure concrète, que certains d'ailleurs nous reprochent.

Les autres sujets évoqués s'inscrivent dans le cadre du plan « Écophyto ».

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Madame Limon, vous avez évoqué l'augmentation du nombre de doses d'unités de pesticides utilisées en France entre 2016 et 2017. En vérité, les données indiquées dans le projet de loi de finances pour 2019 ne concernaient pas l'année 2017, mais l'année 2016. Il y a toujours un an de décalage.

Sur le plan de formation, je ne peux vous en dire davantage à ce stade. Je vais réunir, dans les semaines qui viennent, les responsables de la formation agricole pour dresser le bilan de l'enseignement de la transition agroécologique. Une fois formés, les jeunes doivent mettre en pratique ce qu'ils ont appris. La transition agroécologique reste encore difficile dans notre pays compte tenu du poids des habitudes. Les jeunes en seront les véritables fers de lance.

S'agissant du soutien financier aux agriculteurs, aucun dispositif particulier n'est prévu pour l'instant. En revanche, des mesures de droit commun existent. Les possibilités doivent en être examinées avec les chambres d'agriculture.

J'en viens aux questions de M. Jean-Yves Bony. L'Europe est évidemment un sujet essentiel. Dans le passé, les fruits espagnols qui arrivaient chez nous étaient moins chers que les fruits français vendus dans nos supermarchés. Nous pouvions éventuellement nous dire que le climat de l'Espagne y était pour quelque chose, mais c'est aujourd'hui l'Allemagne qui nous prend des parts de marché avec ses légumes. Le problème est en réalité un problème de dumping social, mais aucun parlementaire ici présent ne demande que l'on supprime le SMIC et que l'on baisse le taux horaire. Le Gouvernement a mis en place une baisse des charges généralisée qui, comme le montrent les résultats de ce mois-ci, produit ses effets dans tous les secteurs, y compris l'agriculture. Lors du vote sur la disposition relative aux travailleurs saisonniers, il y a quelques jours, les députés ont ajouté 105 millions d'euros au budget initial pour soutenir certains secteurs.

Aujourd'hui, la bataille que nous devons mener est celle de l'harmonisation sociale et économique de l'Europe. Le chef de l'État et le Gouvernement y sont résolument engagés. Votre observation, Monsieur Bony, est donc essentielle. Sans cette harmonisation au niveau européen, nos agriculteurs continueront de se dire que l'Europe n'est pas bonne pour eux parce qu'elle leur taille des croupières.

Un conseil des ministres de l'agriculture et de la pêche a lieu dans quinze jours et j'ai bien l'intention d'y aborder ces sujets. Nous ne les réglerons pas demain, de toute évidence, car ils traînent depuis trop longtemps, mais nous devons les mettre sur la table. La concurrence déloyale, ça suffit ! Je ne peux pas expliquer à nos arboriculteurs qu'ils travaillent moins bien que leurs collègues espagnols, ni à nos maraîchers qu'ils travaillent moins bien que leurs collègues allemands. Nous devons prendre nos responsabilités, mais les prendre dans le cadre européen. En ce sens, les élections européennes de mai prochain seront un moment essentiel pour affirmer notre position. Ce Gouvernement n'est pas pour le protectionnisme absolu, c'est certain, mais il refuse le dumping social.

Quant à la start-up d'État, sa création n'a rien d'un effet d'annonce. Ce n'est pas le style du Président de la République, dont les déclarations sont toujours suivies d'effets. La start-up d'État fait actuellement l'objet d'une réflexion au niveau interministériel. Nous ne savons pas encore exactement quel sera son mode de fonctionnement. Il s'agit d'un dispositif nouveau, qui exige quelques mises au point, mais nous pourrons indiquer dans les prochaines semaines comment la plateforme verra le jour.

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Cinquante-huit produits à base de glyphosate font actuellement l'objet d'une demande de renouvellement d'autorisation de mise sur le marché. Dans combien de temps aurons-nous les premiers retraits d'autorisation pour les usages qui ont des alternatives claires, démontrées par le rapport de l'INRA ? Nous avons vu récemment avec le métam-sodium que l'ANSES pouvait procéder très vite.

Le centre de ressources qui constituera la banque des solutions alternatives sera-t-il bien lancé avant la fin du mois de décembre 2018 ?

Le plan de sortie du glyphosate prévoit une transparence nouvelle sur les quantités de glyphosate vendues et consommées. À partir de quand disposerons-nous de ce suivi, au moins trimestriel ?

Mieux produire sans pesticides, mais aussi faire face au changement climatique conduisent à de nouveaux risques pour les agriculteurs. Il faut les accompagner, notamment à travers des mécanismes d'assurance qui peuvent permettre de garantir les revenus face à des aléas de production. Comment allez-vous travailler sur ces nouveaux outils ?

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Comme mon collègue M. Jean-Yves Bony, j'aimerais rappeler que nous avons pris nos responsabilités à deux reprises, en première et en deuxième lecture, et que nous avons en effet voté contre l'amendement de M. Orphelin, parce que nous croyons que la sortie du glyphosate dans trois ans, comme l'a affirmé le Président de la République, ne peut se faire qu'en concertation avec les professions, et non pas contre elles. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation l'a très bien rappelé dans son propos introductif.

À ce sujet, Monsieur le ministre, j'aimerais savoir quel type de concertation est actuellement entrepris avec les organisations agricoles, le secteur de la distribution et les instituts scientifiques qui travaillent sur le sujet du glyphosate.

Ma deuxième question porte sur la différenciation d'objectifs entre trois ans et cinq ans selon les produits. A-t-on une idée des cultures pour lesquelles il faudra attendre cinq ans ?

Enfin, la Commission européenne a autorisé pour cinq ans l'utilisation du glyphosate, ce qui ne signifie pas qu'elle ne prolongera pas à nouveau son autorisation dans cinq ans. Quelle compétitivité nos produits conserveront-ils si elle continue d'autoriser l'utilisation du glyphosate dans les autres pays européens ?

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Concernant les autorisations de mise sur le marché, les trois quarts d'entre elles seront connues d'ici la fin de l'année. Des délais d'écoulement des stocks seront fixés pour les produits utilisés par le grand public pour le jardinage et interdits à partir du 1er janvier 2019. Pour les autres, l'ANSES instruit actuellement les renouvellements, qui s'étaleront tout au long de l'année 2019, selon le principe d'exclusion des usages du glyphosate pour lesquels des alternatives sont avérées.

Les données relatives aux achats et aux ventes seront disponibles d'ici la fin de l'année. Elles incluront des données cartographiques et seront mises à jour régulièrement. Je rappelle que certaines informations sont d'ores et déjà consultables sur le site du ministère de la transition écologique et solidaire. Les médias les ont d'ailleurs exploitées il y a plusieurs années en les présentant comme des scoops, alors que ce sont des données disponibles au grand public.

Notre objectif est d'affiner encore la transparence des données, tout en gardant à l'esprit ce qu'a dit M. Didier Guillaume et que j'aimerais illustrer par un exemple selon moi instructif.

Nous étions aux Antilles, il y a quelques semaines, avec le Président de la République et nous avons évoqué sans détour les dégâts causés par la molécule chlordécone, utilisée pendant plusieurs dizaines d'années par les producteurs de bananes. Son interdiction a mis en difficulté un grand nombre d'agriculteurs, qui ont demandé des prolongations d'autorisation pour protéger leur compétitivité. Aujourd'hui, bien que la chlordécone soit interdite depuis vingt ans, les sols sont toujours pollués. À la demande de la population, une cartographie de la contamination des sols par le chlordécone a été effectuée et rendue accessible à tous. Bien qu'il soit démontré de manière scientifique que certaines cultures ne fixent pas la molécule et peuvent donc être produites sur les sols pollués – c'est le cas des choux et des tomates, mais pas des carottes et des ignames –, les habitants refusent de manger tout légume cultivé sur ces sols. Comme nous l'ont expliqué les agriculteurs, c'est la mise à disposition de la carte de contamination des sols qui a engendré ce mouvement de défiance au sein de la population.

Au-delà de la simple publication des données, il faut donc s'interroger sur leur utilisation et leur perception par nos concitoyens. Notre but, dans des territoires comme ceux-là, est non seulement que les activités agricoles se maintiennent, mais que les importations ne prennent pas le dessus. Nous préconisons donc une approche globale. Il faut toujours avoir en tête l'ensemble des enjeux lorsque l'on prend une décision.

Nous n'en sommes pas moins des partisans de la transparence. Nous poursuivrons donc dans cette voie, sur le glyphosate en particulier et sur les pesticides en général.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

S'agissant de la réévaluation des autorisations de mise sur le marché, je complèterai en indiquant qu'un arrêté ministériel va être pris rapidement pour interdire les usages de pré-récolte. Cela me semble très important.

Je précise, en réponse à M. Orphelin, que le suivi trimestriel n'est pas pertinent car l'utilisation du glyphosate est saisonnière. Pour la plupart, les usagers sont néanmoins des interlocuteurs du ministère. Nous mettrons donc à disposition des indicateurs de suivi du plan.

Le rapport de l'INRA a permis d'identifier des impasses, notamment pour les vignes en forte pente et l'agriculture de conservation, mais M. Jean-Baptiste Moreau est bien plus compétent que moi sur ce sujet.

Monsieur Lurton, la Commission européenne a en effet autorisé pour cinq ans l'utilisation du glyphosate et pourrait décider de prolonger à nouveau l'autorisation, mais la France a choisi d'être leader en matière de stratégie de sortie du glyphosate. Quand l'utilisation du glyphosate sera interdite en France, peut-être restera-t-elle autorisée au niveau européen, mais c'est ainsi. Sur un tel sujet, je crois que notre société tout entière doit se mobiliser. Les citoyens et les consommateurs doivent faire la démonstration qu'ils refusent les produits traités au glyphosate. Si dans trois ou cinq ans, ils ont le choix, sur les étals, entre des produits avec ou sans glyphosate, je suis certain qu'ils choisiront les produits sans. Le succès de l'application Yuka permet de nous en convaincre. Aujourd'hui, on peut tout savoir des produits. Fort heureusement toutes les informations n'apparaissent pas sur leurs étiquettes, car elles deviendraient de véritables romans. Nous en avons débattu lors de l'examen de la loi EGALIM : il faut simplifier l'information donnée au consommateur. En tout état de cause, je suis persuadé que c'est le citoyen acheteur qui fera la différence.

Quant à la concertation, je discute avec tout le monde, dans la transparence. Je suis contre l'obscurantisme quel qu'il soit, contre les idées toutes faites. Les scientifiques mènent des recherches et les responsables politiques décident. Je parle régulièrement avec les organisations professionnelles agricoles, les transformateurs, les industriels, avec l'ensemble des acteurs de la filière, ce qui ne signifie pas, évidemment, que ce sont eux qui vont décider. La décision revient au politique. Elle n'appartient ni aux administrations, ni aux partenaires, ni aux lobbies. Toutefois, c'est par la concertation que la décision se construit. Vous avez eu raison de le dire, la sortie du glyphosate ne peut se faire qu'en concertation avec les professions, et pas contre elles. Contre elles, cela ne marchera pas ; avec elles, si ! Elles y ont tout intérêt, et nous aussi.

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Je vous remercie, Messieurs les ministres, pour votre présence commune et vos réponses à la fois claires et franches.

Monsieur le ministre d'État, je tiens à vous remercier particulièrement d'avoir mentionné votre visite, en Gironde, de l'entreprise Immunrise Biocontrol, qui développe une solution de biocontrôle à base de micro-algues pour le traitement du mildiou des vignes. Cette entreprise est prête et en mesure aujourd'hui de proposer une solution au même prix que les produits phytosanitaires. Seule l'absence d'autorisation de mise sur le marché l'empêche encore de commercialiser son produit.

Je m'interroge donc sur la solution, je l'espère, de biocontrôle, qui nous permettra de sortir du glyphosate. Nous la trouverons dans les trois ans, j'en suis sûre, mais comment autoriserons-nous concrètement sa mise sur le marché ?

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En technique journalistique, pour illustrer un principe, on présente un cas particulier. C'est tout l'inverse en technique parlementaire : on se préoccupe d'abord des principes, puis on vérifie qu'ils couvrent l'ensemble des cas possibles.

Sur les principes, Messieurs les ministres, vous avez évoqué tous les deux la voie législative ou réglementaire. À quoi pensez-vous précisément ?

Estimez-vous que nous avons suffisamment de marges de manoeuvre dans le cadre européen ? Et si la contrainte est trop forte, faut-il changer le cadre, et dans quelle direction ?

Nous sommes, à mon sens, confrontés à une difficulté majeure aujourd'hui. Pour une autorisation de mise sur le marché, il faut d'abord l'initiative d'une firme qui a développé un produit et qui veut le commercialiser. L'opinion publique, relayée par la presse et les parlementaires, prend conscience de certaines inadéquations. Les pouvoirs publics doivent-ils sortir de leur position d'arbitre et prendre l'initiative ?

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Je me suis déjà exprimé sur les autorisations de mise sur le marché. Je laisserai donc M. Didier Guillaume y revenir et aborder la simplification et les dispositifs dérogatoires. Ce que vient de dire M. Antoine Herth, néanmoins, est tout à fait juste.

Sur la voie législative et réglementaire, nous avons été clairs. La sortie du glyphosate est prévue, il n'y a rien à ajouter. La question des relations avec l'Union européenne est récurrente sur de nombreux sujets, mais l'Union n'empêche jamais les pays d'aller plus loin. En général, elle fixe des règles a minima. La France décide aujourd'hui d'accélérer la sortie du glyphosate. On ne peut pas l'en empêcher.

Quant aux conséquences de cette décision en matière de concurrence, M. Didier Guillaume les a évoquées et j'en suis également très conscient. Lors de l'examen du budget de l'écologie, le sujet a été abordé à l'occasion d'une question de M. Julien Aubert sur l'utilisation du diméthoate dans la production de cerises, importante dans le sud de la France. Ce produit, considéré comme nocif, a été interdit en France, mais d'autres pays ont continué de l'utiliser. Lorsqu'il était ministre de l'agriculture, M. Stéphane Le Foll a pris des mesures d'interdiction des importations de cerises traitées au diméthoate en provenance de Turquie. Nous sommes confrontés en permanence à la nécessité de prendre ce type de décision, sous peine d'incohérence.

Je n'ai pas de données précises sur la production de cerises, mais il faut aussi s'interroger sur la viabilité des productions. Soyons concrets ! Comme M. Jean-Baptiste Moreau l'a souligné tout à l'heure, on n'a jamais vu d'agriculteur utiliser un pesticide par plaisir. Tous les jardiniers savent ce que c'est qu'une production dévastée par un parasite, la sécheresse ou les mauvaises herbes. Ils s'affligent que leurs tomates soient pourries par le mildiou ou desséchées sur pied, mais ils ne vivent pas de leurs plantations. Pour eux, ce n'est donc pas très grave.

Pour les agriculteurs, en revanche, les pesticides ont une importance capitale : ils sont ce qui rend viable ou non, rentable ou non, une production. Je ne connais aucune entreprise qui réussisse à survivre en perdant de l'argent.

Cette tension entre les préoccupations sanitaires, environnementales et économiques est permanente. Le mot « rendement » n'est d'ailleurs pas un gros mot. J'ai lu un jour, sur Twitter, le message d'une chambre d'agriculture qui expliquait que tant de coquelicots à l'hectare représentaient tant de rendement et de revenu en moins pour une production céréalière. En tant que ministre de l'écologie, j'estime qu'il est aussi de ma responsabilité de prendre en compte cette réalité. Si je ne le faisais pas, si je me concentrais uniquement sur les problèmes de pollution, d'environnement et de santé, c'est que je ne chercherais pas réellement à régler les problèmes. Les propos qu'a tenus M. Didier Guillaume il y a quelques instants vont exactement en ce sens. Si le ministre de l'agriculture se désintéressait totalement de la préoccupation environnementale et sanitaire, nous ne pourrions jamais avancer.

La pente médiatique et politique spontanée est d'opposer les différentes préoccupations pour tirer profit à court terme de la mise en scène des oppositions. Je m'y refuse personnellement, je vous le dis aujourd'hui comme je l'avais dit à M. Stéphane Travert, car la mise en scène ne permet pas de régler les problèmes au bout du compte. Or, ce que je souhaite avant tout, c'est les régler, qu'il s'agisse du glyphosate, des pesticides ou de la production agricole de manière générale.

M. Didier Guillaume et moi-même savons ce qui a été fait avant nous. L'agroécologie est un concept que nous avons soutenu l'un et l'autre dans nos responsabilités passées. Ce n'est pas parce que d'autres l'ont porté avant nous que nous allons nous en détourner.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

La France demande, et elle est la seule à le faire, que le biocontrôle soit reconnu dans le cadre du futur règlement européen. Elle se battra pour cela.

Madame Couillard, les services de mon ministère connaissent bien l'entreprise Immunrise Biocontrol puisqu'ils ont rencontré ses responsables. Nous leur avons demandé un certain nombre de documents il y a plusieurs mois, mais nous n'avons toujours rien reçu. Ces éléments nous manquent pour aller plus loin dans la discussion. Si nous pouvions faire la démonstration qu'une entreprise de biocontrôle peut avoir l'agrément, ce serait formidable. Reste que les services de contrôle doivent donner leur accord et que cet accord ne peut évidemment être soumis à une quelconque orientation politique.

S'agissant de l'évolution du cadre, je rappelle que le règlement européen qui autorise le glyphosate a dix ans. En dix ans, beaucoup de choses se sont passées. Une évaluation est en cours et un nouveau règlement sera élaboré par la future Commission. La France insiste sur l'indépendance, le financement et la transparence. Il faudra par ailleurs une capacité publique pour les impasses sur les usages mineurs.

Lorsque l'on réfléchit à toutes ces questions, on ne fait pas autre chose, en vérité, que de l'agronomie. Si nous avançons dans cet état d'esprit, nul doute que la situation ne pourra que s'améliorer.

Quelques mots, enfin, sur le diméthoate. J'ai moi-même beaucoup protesté auprès de Stéphane Le Foll au sujet des producteurs de cerises, et pourtant j'étais dans le même camp que lui. La décision de la France sur le diméthoate a été exemplaire au niveau européen et sera suivie par d'autres pays. Ce produit est très toxique et la France a eu raison d'activer la clause de sauvegarde pour protéger son territoire. Cette décision a soulevé les protestations des agriculteurs, des arboriculteurs et des producteurs de cerises, mais dans les prochains mois, grâce à l'action de la France, le diméthoate va être interdit dans toute l'Europe. Il faut savoir être précurseur.

Si nous restons pétrifiés, si nous avons peur du changement ou de la transition, alors nous ne ferons rien. Nous ne sortirons ni des pesticides, ni du glyphosate. Nous devons aller de l'avant. Peut-être cela nous coûtera-t-il un peu au début, peut-être quelques difficultés surgiront-elles, mais seule compte la ligne d'horizon. Si nous voulons devenir les leaders européens de la stratégie de sortie du glyphosate, nous devons l'assumer politiquement, publiquement, auprès des agriculteurs et des citoyens.

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Depuis le début de cette audition, notre discussion est à modèle constant, alors qu'il existe de nombreuses alternatives aux pesticides, sur lesquelles la littérature est abondante : variétés résistantes, association de variétés, succession culturale, désherbage, lutte biologique, etc. « La plupart de ces techniques, prises isolément, ne sont pas suffisantes pour contenir les épidémies et éviter tout dégât mais, en les combinant, on peut souvent atteindre des efficacités comparables à celles des pesticides. » Cette citation n'est pas tirée d'un quelconque manuel insoumis, mais d'une publication scientifique très sérieuse de l'INRA et du CNRS.

Je m'interroge donc, Messieurs les ministres. Vous appelez à la bonne volonté, vous demandez que l'on mette en avant les bonnes pratiques, mais on a vu les échecs des engagements volontaires. « Écophyto I » devait aboutir à moins 50 % de pesticides en dix ans ; le résultat est plus 5 % par an. Croyez-vous sincèrement aux engagements volontaires ?

Quels accompagnements seront mis en place pour favoriser les alternatives au glyphosate ? Ceux qui ont le plus de mal à obtenir les aides qui leur sont dues sont les agriculteurs bio.

Il ne s'agit évidemment pas de stigmatiser les agriculteurs, mais les mesures d'accompagnement sont essentielles, car ils sont aujourd'hui prisonniers de la facilité que représente l'utilisation des pesticides.

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Ma question porte sur les alternatives au glyphosate et sur la coordination du dossier. Nous sommes en retard parce que les instituts travaillent en silos, sans véritable synergie. Les alternatives au glyphosate sont aussi des alternatives aux pesticides. Les chercheurs proposent des huiles essentielles, des cépages résistants, qui produisent déjà des résultats sans pesticides, et des solutions robotique, qui ne sont pas aidées.

La sortie avancée du glyphosate va-t-elle permettre de consacrer plus de financements à la recherche, de lever les barrières administratives et d'accompagner les agriculteurs dans la transition, alors qu'ils sont obligés de changer radicalement de mode de culture ?

J'ai rencontré ce matin le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, M. Alain Rousset, que j'ai sollicité dans le cadre du projet « territoires d'innovation de grande ambition » (TIGA) pour la viticulture. Il est prêt à apporter des moyens supplémentaires si le signal est donné. Il faut arrêter de travailler en silos et en solo. Mutualisons les solutions et les budgets.

Quel sera, enfin, le pouvoir du délégué interministériel ?

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Je dirai à M. Loïc Prud'homme que nous faisons en réalité la même analyse que lui. Aucun changement ne peut survenir à cadre et à pratiques constants. M. Didier Guillaume vient de le montrer, nous appelons à la transformation et au changement. Nous les revendiquons d'ailleurs dans tous les domaines. Reste que la sortie du glyphosate touche à des sujets sensibles. Les pratiques et les comportements sont liés aux mentalités, qu'il n'est pas facile de faire évoluer. Vous le savez bien, Monsieur Prud'homme, car vous êtes un bon connaisseur de ces questions. On ne peut rien faire sans convaincre ni mobiliser. Dans toute politique, il faut un savant dosage entre l'incitation et la contrainte pour enclencher le changement et l'inscrire dans la durée.

Pour répondre à votre question, nous ne pourrons donc pas, bien sûr, nous appuyer uniquement sur les engagements volontaires. En l'occurrence, et nous l'avons précisé, M. Didier Guillaume et moi-même, au début de nos interventions liminaires, si jamais il ne se passait rien d'ici à 2021, nous serions prêts à passer par la loi ou par la voie réglementaire. Nous le redirons autant qu'il le faudra, même si certains continuent de vouloir faire croire l'inverse aux Français.

Pour autant, nous constatons que des organisations agricoles et professionnelles sont déjà engagées dans des transformations. Elles nous demandent simplement d'avancer par étapes et nous alertent sur la question de la compétitivité, qui est une question fondamentale que nous n'avons pas l'intention d'ignorer. Je vous ai donné des exemples concrets. La vigne utilise beaucoup le glyphosate mais possède des pratiques culturales qui lui permettent de s'en passer. La sortie du glyphosate a toutefois un surcoût. Pourra-t-il être intégré au prix du produit final ? Je rappelle que l'un des objets de la loi agriculture et alimentation était la fixation du prix, à partir des coûts.

À titre personnel, et sans créer d'incident diplomatique, je ne mets pas sur le même plan le vin de Bordeaux, le vin espagnol et le vin italien. Je préfère le vin de Bordeaux. Nous sommes cependant dans un monde concurrentiel et certains consommateurs, vous le savez comme moi, quand ils sont dans le rayonnage d'un magasin, se préoccupent avant tout du prix du produit. D'autres, bien sûr, sont attentifs à l'étiquette, au label, au contenu du produit, et d'autres encore prennent en considération l'ensemble des éléments. Telle est la réalité.

De manière générale, il faut tenir un langage de vérité aux Français. Si l'on veut des produits alimentaires et viticoles de qualité, il faut en payer le prix. Dans un communiqué d'un groupe politique que vous connaissez bien, j'ai lu récemment qu'il se présentait comme « un mouvement contre la vie chère ». Mais à force de rechercher des prix toujours plus bas, on obtient une qualité toujours moins bonne. Nous ne pouvons pas demander à nos agriculteurs et à nos industries agroalimentaires de proposer des produits de qualité à des prix hard discount. À une époque, on disait qu'il fallait créer plus de commerces hard discount pour donner du pouvoir d'achat aux Français. Mais les produits à prix très bas vendus par ces commerces ne sont généralement pas issus des pratiques culturales dont vous avez parlé.

Il faut le dire, et tenir un langage de vérité non seulement aux producteurs, mais aussi aux consommateurs. Nous devons l'assumer politiquement, même si ce n'est pas facile. Je suis bien placé pour le savoir, en ce moment, sur un autre sujet : il n'est pas facile d'assumer que les prix augmentent. La sortie du glyphosate est un sujet que nous entendons traiter dans sa globalité, parce que nous sommes des responsables politiques. Comme l'a dit M. Didier Guillaume, nous prenons l'avis des scientifiques, des administrations, des producteurs, des associations et des citoyens, et ensuite nous prenons la décision qui nous paraît la plus équilibrée du point de vue de l'intérêt général.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

« Écophyto I » n'est pas un échec.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Personnellement, je regarde toujours le verre à moitié plein. Le nombre de doses d'unités n'a pas baissé, certes, et on peut le regretter, mais n'oublions pas les fermes DEPHY, les certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), dits « Certiphyto » et les programmes de recherche. Cessons de dire que tout va mal et qu'il n'y a que des échecs.

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Ce sont les scientifiques qui le disent !

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Je vous accorde que tout cela ne va pas assez loin. Nous en avons parlé lors de l'examen du budget vendredi dernier.

En ce qui concerne les alternatives aux pesticides que vous avez citées, je suis personnellement très favorable aux cépages résistants. Nous devons accélérer la recherche dans ce domaine. Le déploiement des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques a été pérennisé dans la loi EGALIM, mais il faut aller plus loin.

Nous ne travaillons pas uniquement en silos, comme vous avez pu le remarquer ce matin. Avec M. François de Rugy, nous n'agissons pas dans la cacophonie, mais dans la stéréophonie ! Vous l'aurez remarqué ce matin, nous sommes dans le même bateau.

Quand j'avais vingt ans et que je prenais ma voiture, mon pare-brise était couvert d'insectes après seulement quelques kilomètres de route. Quand je me promenais dans la campagne drômoise, je voyais des alouettes et, au bord des rivières, des écrevisses. Aujourd'hui, nous faisons tous le constat que la biodiversité est en danger. Il n'y a quasiment plus d'abeilles. Le Gouvernement de la France en est fortement préoccupé.

Il faut aller vers plus de recherche dans le domaine de la création variétale et des semences. Nous ne devons pas avoir peur de dire les choses.

En ce qui me concerne, je refuse d'opposer les agricultures : d'un côté, l'agriculture conventionnelle, productive, qui exporte et permet à la France d'avoir une balance commerciale excédentaire de 6 milliards d'euros ; de l'autre, les circuits courts et l'agriculture biologique. Mon département, la Drôme, est le premier département bio de France : 20 % de la surface agricole utile (SAU), 50 % de produits bio dans les cantines.

Il ne faut pas non plus nous reprocher de ne pas faire assez. Si la recherche réussit à trouver des plantes résistantes qui n'ont pas besoin de beaucoup d'eau, nous ne pourrons que nous en féliciter. Les sélections variétales ne me font donc pas peur. Nous avons la chance d'avoir en France des instituts de recherche très importants. Je pense en particulier à l'INRA, qui mène un travail exceptionnel. Dans le cadre du plan « Écophyto », 8 millions d'euros sont prévus pour la recherche. Le programme prioritaire de recherche annoncé par la ministre Mme Frédérique Vidal se verra doté de 30 millions d'euros. Les recherches engagées par l'INRA, l'Association de coordination technique agricole (ACTA) et les sociétés semencières vont dans la bonne direction. J'aimerais bien entendu que le changement soit plus rapide et que l'utilisation des produits phytosanitaires baisse davantage, mais je constate que l'agriculture se transforme.

Pour terminer, et parce que nous sommes réunis au sein de la mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, j'aimerais vous livrer une réflexion qui vous paraîtra peut-être provocatrice. Certains Français peuvent se permettre de payer des produits plus chers, d'autres non. Or, je ne veux pas d'une agriculture et d'une alimentation bonnes pour les riches, et d'une agriculture et d'une alimentation moins bonnes pour les pauvres. Justifier que certains produits soient vendus trois euros plus chers par le fait que ce sont de bons produits revient à cautionner l'existence de mauvais produits. Ce n'est pas ma position. Aujourd'hui, les produits issus de l'agriculture française sont tous bons…

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

…mais le consommateur doit avoir le choix. Demain, le juge de paix, ce sera lui, et nous devrons, quant à nous, nous concentrer sur la montée en gamme de l'agriculture, avec les labels, les indications géographiques protégées (IGP), les appellations d'origine contrôlée (AOC) et les appellations d'origine protégée (AOP), grâce aux nouvelles techniques, et sur la sortie du glyphosate et des pesticides. Les nouvelles pratiques agraires et les labels n'utilisent quasiment pas de produits phytosanitaires. Le bio n'en utilise pas du tout.

Mais faire croire aux Français que nous pourrons tous, du jour au lendemain, manger bio est un mensonge. Nous devons continuer d'avancer afin que la France devienne le leader européen du bio dans les trois ans à venir.

Quant au coordinateur, sa mission est de coordonner les plans de réduction des produits phytosanitaires et de sortie du glyphosate. Il s'assurera de la diminution de l'utilisation des substances préoccupantes, évaluera les impacts dans une perspective de parangonnage, développera la recherche alternative, suivra le plan « Écophyto II+ » en analysant ses succès, ses échecs et ses prolongements, pilotera la task force glyphosate, mettra en place la plateforme de solutions, identifiera les alternatives et diffusera les bonnes pratiques.

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Je vais maintenant prendre les questions par séries de trois. Je dois arbitrer entre les députés qui font partie de la mission d'information et les différents groupes politiques…

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Messieurs les ministres, je salue votre volonté affichée de travailler en coordination et en transversalité. Il me semble qu'il manque à vos côtés la ministre de la santé. Si nous sommes réunis aujourd'hui, en effet, c'est que craignant les effets du glyphosate sur la santé, l'opinion publique s'est fortement mobilisée.

Ma question portera sur la recherche. Vous avez beaucoup parlé de la recherche sur des alternatives aux pratiques agricoles, mais un peu moins des crédits affectés à la recherche en matière de prévention des effets du recours aux produits phytopharmaceutiques, chimiques et perturbateurs endocriniens, sachant que des mesures pourraient d'ores et déjà être prises pour protéger la population.

Comment envisagez-vous la recherche sur ces questions en coordination avec le ministère de la santé ? Comment s'établit par ailleurs la coordination avec le ministère de l'agriculture sur la question du caractère sain des produits alimentaires, qui impactent aussi la santé publique ?

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Ma question s'adresse plus particulièrement au ministre de l'agriculture et porte sur la séparation entre les missions de vente et de conseil des produits phytosanitaires.

Pour utiliser moins de glyphosate, il faut en effet moins en prescrire. Or, pour moins en prescrire, il faut être bien conseillé, dans le cadre d'un diagnostic global sur l'exploitation agricole. Les chambres d'agriculture sont au contact du terrain et des utilisateurs. Or, ce conseil, délivré par des conseillers qualifiés et destiné à orienter la consommation du glyphosate, aura un coût : 3, 4 ou 5 euros à l'hectare.

Les chambres d'agriculture seront-elles missionnées et rémunérées pour accompagner nos cultivateurs dans la réduction du glyphosate ? Elles doivent prévoir le recrutement de personnels qualifiés dans leur budget prévisionnel. Elles ont besoin d'une vision claire et d'une orientation générale pour l'avenir.

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J'aimerais témoigner de convictions qui m'animent profondément pour avoir, pendant cinq ans, piloté la révision du programme « Écophyto » et animé le lancement d'« Écophyto II ».

Dans une démocratie moderne, ce n'est pas au Parlement de décider si une molécule doit être interdite et à quel moment. Je sais que cette position est absolument inaudible, mais je la réaffirme aujourd'hui. Je suis fier d'avoir fait partie d'une majorité qui a séparé les pouvoirs. Heureusement pour les médicaments et la phytopharmacie, ni l'opinion ni le marché ne fixent les autorisations de molécules, mais des agences spécialisées, renforcées et autonomes, compétentes à l'échelle française et européenne.

En revanche, le rôle du Parlement est de créer une trajectoire d'affranchissement de la dépendance à la phytopharmacie. Tel était le sens d'« Écophyto II ». Il y a quatre ans presque jour pour jour, j'ai remis au Premier ministre le rapport d'évaluation et de révision du plan Écophyto en présence de la ministre de l'écologie, Mme Ségolène Royal. Il avait été adopté à l'unanimité, mais les groupes de pression ont fait ensuite leur oeuvre. Toutes les solutions sont dedans ; je vous invite à le relire. Il y a un an, lors des États généraux de l'alimentation, toutes les parties prenantes se sont entendues pour confirmer la trajectoire, basée sur une approche systémique, seule à pouvoir nous affranchir de la phytopharmacie.

Vous dites, Monsieur le ministre de l'agriculture, que les consommateurs sont l'un des leviers de la transformation de la loi. Il faut leur donner des grilles de lecture. Nous avons fait en sorte, avec M. Jean-Baptiste Moreau, que la haute valeur environnementale (HVE) devienne l'un des moteurs de l'agroécologie. Je me mets à votre disposition sur ce sujet.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Certes, Mme Agnès Buzyn n'est pas à nos côtés ce matin, mais nous travaillons avec elle. Dans ses prises de position publiques, elle invite toujours à la prudence. Médecin de formation, elle est très attachée, à juste titre, à une approche scientifique des problèmes.

La transparence est valable dans tous les domaines, y compris celui de la santé. Nous le savons toutes et tous, des emballements médiatiques ou politiques peuvent conduire à jeter l'opprobre sur une molécule ou un produit en passant sous silence certaines données. Je défends, comme M. Didier Guillaume et Mme Agnès Buzyn, une approche scientifique des problèmes. Or, nous avons besoin de davantage d'éléments que nous n'en avons aujourd'hui pour nous prononcer sur les effets des produits phytosanitaires sur la santé. Ce que l'on appelle l'« effet cocktail », c'est-à-dire l'effet combiné de différentes molécules sur la santé humaine ou l'environnement, est particulièrement difficile à évaluer. La recherche scientifique et sanitaire est encore insuffisante sur cette question. Nous souhaitons, avec Mme Agnès Buzyn, renforcer ses moyens afin de disposer, par exemple, de registres médicaux sur les cancers encore plus poussés.

Il me paraît important d'insister sur la nécessité de prendre toujours en compte l'intégralité des données d'un problème, dans un esprit de transparence. Cela est particulièrement vrai pour un sujet qui a défrayé la chronique ces derniers temps.

Je partage la position de M. Dominique Potier sur l'indépendance des agences. Les politiques ne doivent pas, en effet, se substituer aux scientifiques. Mais ils prennent la décision in fine, en fonction de leur vision de l'intérêt général. Bien entendu, nous n'avons pas tous la même – c'est normal dans un débat démocratique. Nous devons, en revanche, être cohérents. Les mêmes responsables politiques qui en appellent au respect strict des décisions d'une agence sanitaire protestent quand cette agence rend une décision qui ne leur convient pas. Le respect de l'indépendance des agences doit correspondre à un principe général d'organisation. Nous avons d'ailleurs renforcé, ces dernières années, le caractère indépendant des agences. Nous évoquions tout à l'heure le métam-sodium. L'ANSES a décidé de l'interdire sans nous consulter et j'ai appris en même temps que vous cette interdiction. Quelles que soient les décisions qu'elle prendra à l'avenir, nous devrons nous y tenir, y compris si nous n'avons pas la même évaluation.

Quant au rapport de M. Dominique Potier présenté il y a quatre ans, nous nous pencherons sur lui si nécessaire. L'approche systémique qu'il défend est également la nôtre.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Je partage également les convictions de Dominique Potier, avec qui j'ai travaillé au cours du précédent quinquennat. Lors de l'examen de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, après des heures de débat à l'Assemblée nationale et au Sénat, nous avons pris la décision de confier à l'ANSES la délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires et des matières fertilisantes, jusque-là du ressort au ministère de l'agriculture. Il s'agissait d'un véritable choix de société, basé sur le principe de précaution.

Nous sommes des responsables politiques et nous prenons des décisions politiques en fonction du principe de précaution. Qui peut le moins peut le plus, mais ce sont les autorités sanitaires et les scientifiques qui doivent prendre les décisions.

S'agissant du bio et de la HVE, je sais le travail que vous avez mené, Monsieur Potier, avec M. Jean-Baptiste Moreau. Il faut évidemment aller dans cette direction.

Madame Toutut-Picard, vous avez cité Mme Buzyn, mais Mme Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, aurait également mérité de se trouver parmi nous. Le travail que nous menons concerne nos quatre ministères. Mme Vidal copréside d'ailleurs le comité « Écophyto ». Il est important de lutter contre l'obscurantisme et de faire prévaloir la réalité scientifique. Le plan de réduction des produits phytosanitaires comporte aussi un volet d'éducation aux impacts sur la santé.

Sur le coût du conseil, M. Didier Martin, une chose est sûre : si l'agriculteur utilise moins de produits phytosanitaires, ses dépenses baisseront. C'est en tout cas le pari que nous devons faire : cela ne lui reviendra pas forcément plus cher. Je considère la séparation de la vente et du conseil comme absolument indispensable. Il y a néanmoins des organismes qui travaillent bien. Nous allons nous pencher sur cette question.

Les chambres d'agriculture sont représentées dans la task force glyphosate et seront donc partie prenante de notre démarche. Quant au coût lui-même, il est difficile à évaluer : vous avez parlé de 5 euros l'hectare, mais le glyphosate, en coût complet, représente environ 20 euros l'hectare. Tout dépend bien sûr de la filière. La sortie du glyphosate pourrait aller très vite dans la viticulture, avec une conversion totale. Nous devons juste encourager les acteurs, d'autant que la viticulture n'est pas la filière agricole la plus en difficulté à l'heure actuelle.

Reste que la question posée par M. Didier Martin est essentielle. Si nous voulons réussir, les chambres d'agriculture doivent être pleinement associées à notre stratégie. Faut-il réorienter leurs missions ? En toute honnêteté, je ne peux vous le dire aujourd'hui. Il s'agit néanmoins d'une question très importante, à laquelle nous allons réfléchir.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Je précise, en réponse à Mme Toutut-Picard, que l'INRA a reçu comme mission de travailler au cahier des charges d'une étude sur les dangers du glyphosate. Une autre étude est en cours, à l'ANSES et à l'Agence nationale de santé publique (ANSP), sur l'exposition des riverains, un sujet qui a fait l'objet de nombreux débats, notamment à l'Assemblée nationale. Deux autres études de l'ANSES sont actuellement menées sur l'exposition du personnel agricole et les effets des pesticides sur la qualité de l'air.

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Depuis 2008, malgré les plans « Écophyto » successifs destinés à diminuer l'usage des pesticides, leur consommation n'a fait qu'augmenter. Ne pensez-vous pas qu'à force d'interdire les produits les plus efficaces et donc les plus polluants, on encourage l'utilisation de produits moins efficaces et moins polluants, mais en quantité plus grande, d'où l'augmentation de la consommation ?

S'agissant des agences spécialisées, le véritable problème a été le classement par certaines d'entre elles du glyphosate comme « cancérogène probable », ce qui a sans doute ralenti la sortie du glyphosate. Dispose-t-on aujourd'hui d'une analyse objective permettant d'indiquer avec certitude que cet herbicide est cancérogène ?

Enfin, baisser le rendement à l'hectare n'oblige-t-il pas à cultiver davantage de terres, au détriment de la biodiversité et des forêts ?

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La sortie du glyphosate et sa non-inscription à ce jour dans la loi sont des sujets sur lesquels nous sommes en désaccord avec certains de nos concitoyens. Je suis bien placée pour le savoir. Ils polarisent l'inquiétude de la population quant à l'usage d'un produit nocif, sur lequel des annonces rapides sont nécessaires pour rassurer les usagers. Ils polarisent également l'inquiétude des agriculteurs qui, pour certains, ne croient pas que des alternatives fonctionnent, voire existent.

Ma question porte sur l'accompagnement et sur le changement des pratiques. Sur mon territoire, une coopérative très active expérimente un produit à base de molécule d'algues avec la start-up Immunrise Biocontrol. D'autres viticulteurs utilisent des huiles essentielles, qui fonctionnent. D'autres encore, à quelques kilomètres, utilisent le glyphosate parce qu'ils ne savent pas que des alternatives existent ou, quand ils le savent, n'y croient pas ou craignent qu'elles leur coûtent trop cher. Tout cela sur le même territoire.

Vous avez présenté le calendrier et évoqué la création d'un centre de ressources, mais je voudrais savoir concrètement qui va, sur le terrain, piloter l'animation de la stratégie et l'articulation entre tous les acteurs. Qui va mettre autour de la table les chercheurs, les viticulteurs, les filières professionnelles et la chambre d'agriculture ?

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Messieurs les ministres, j'aimerais tout d'abord vous remercier pour vos engagements et le cap que vous avez réaffirmé ce matin, ambitieux et essentiel.

La problématique des plantes envahissantes concerne de nombreux territoires et vous connaissez sans doute, Monsieur le ministre de l'agriculture, le cas de la jussie, qui touche les Barthes de l'Adour. Il y a dix ans presque jour pour jour, en tant que président de la commission de l'environnement du conseil général des Landes et président du centre permanent d'initiatives pour l'environnement (CPIE), j'ai interrompu les subventions et les aides des collectivités et lancé une démarche d'expérimentation pour trouver des méthodes alternatives de lutte contre ces plantes, qui font des dégâts non seulement dans les espaces naturels, mais également dans les espaces agricoles.

Je demande au Gouvernement, dans son accompagnement, de nous donner des garanties en matière de recherche sur cette question complexe. Nous faisons des photos aériennes depuis dix ans et nous développons des méthodes alternatives sur les Barthes de l'Adour, mais l'État n'est toujours pas présent à nos côtés. Or, il y a urgence. La problématique des plantes envahissantes sera encore plus aiguë dans les années à venir.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Pour répondre à M. Jean-François Cesarini, il n'est évidemment pas exclu que des effets de substitution interviennent. La question des rendements agricoles et de l'utilisation des terres, question récurrente, mérite d'être examinée concrètement. Une fois encore, nous devons avancer vers des solutions d'équilibre. Ces interrogations ne doivent pas, en tout état de cause, constituer des prétextes pour ne rien faire.

Je partage tout à fait la position de Mme Véronique Hammerer. Nous évoquons toujours avec des pincettes la nécessaire évolution des mentalités, mais elle est indispensable chez les agriculteurs. Toute profession confrontée au changement voit s'exprimer des résistances. Des viticulteurs m'ont dit que lorsqu'ils ont cessé le désherbage entre les rangs de leurs vignes, dans leur entourage, on leur a affirmé qu'ils allaient tout perdre. Les meilleurs ambassadeurs du changement sont ceux qui l'ont pratiqué, car les politiques sont souvent perçus comme des donneurs de leçons édictant des règles et des contraintes.

Qui met les acteurs autour de la table ? Deux ans après l'avoir visitée, j'ai tenu à revenir à la coopérative de Tutiac avec M. Stéphane Travert parce qu'elle regroupe, dans son conseil d'administration, des viticulteurs passés au bio, des viticulteurs conventionnels, des viticulteurs qui ont choisi l'agriculture raisonnée et d'autres qui se posent encore des questions. Tous ces exploitants travaillent ensemble et ont décidé de développer des vignes expérimentales.

Certes, comme l'évoquait tout à l'heure M. Prud'homme, il existe de nouvelles variétés, mais il faut souvent plusieurs années avant de pouvoir les développer. Nous avons deux défis à relever en même temps : non seulement la réduction des produits phytosanitaires, mais aussi l'adaptation au dérèglement climatique. On sait les conséquences de la sécheresse ou des fortes pluies sur les productions agricoles.

Je crois beaucoup au modèle coopératif, même s'il a pu être dévoyé dans l'agriculture. À condition d'en rappeler toujours les grands principes, il constitue un bon outil parce qu'il est participatif. Tout ceci va d'ailleurs dans le sens de l'intervention de M. Lionel Causse.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Pour prolonger ce que vient de dire le ministre d'État, en ce qui me concerne, je ne critique jamais ni les coopératives, ni les communautés d'agglomération et de communes. Les patrons des coopératives sont les agriculteurs, ceux des communautés d'agglomération et de communes les élus. Les uns comme les autres doivent prendre leurs responsabilités. Le modèle coopératif est une chance pour notre pays, même s'il arrive parfois, dans le cas de grosses coopératives, que les coopérateurs se sentent un peu loin des centres de décision.

Monsieur Cesarini, vous parlez d'or. Néanmoins, il n'est pas démontré que l'interdiction de produits plus efficaces et polluants aboutisse à l'utilisation de produits moins efficaces et aussi polluants en quantité plus grande. C'est pourquoi nous devons constituer un guide des bonnes pratiques et continuer d'avancer. On ne sait d'ailleurs pas si les nouveaux produits seront moins efficaces. Si on commence à le dire, alors on ne fera rien. Je le répète, il ne faut pas raisonner en termes de substitution de produits, mais en termes d'agronomie.

Madame Hammerer, la diffusion des bonnes pratiques est indispensable, mais je refuse que l'on montre du doigt les agriculteurs qui n'ont pas modifié les leurs. Ce serait la pire des choses et je ne l'accepterai jamais. Mieux vaut parler avec eux et tenter de les convaincre. Le réseau des fermes DEPHY et le dispositif 30 000 fermes ont précisément cet objectif. La transformation viendra de l'intérieur du milieu agricole. Il faut expliquer, aider, rencontrer et éviter les oppositions entres communes, entre agriculteurs. Nous devons faire avancer tout le monde, en communiquant sur les bonnes pratiques, les fermes DEPHY, les 30 000 fermes et le réseau des lycées agricoles. Les bonnes pratiques vont se développer dans les fermes expérimentales rattachées aux lycées agricoles.

Qui met tout le monde autour de la table ? Le préfet, en relation avec les chambres d'agriculture et le milieu agricole.

Quant aux plantes envahissantes, ce sujet ne concerne pas uniquement les rives de l'Adour et mérite en effet toute notre attention.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, Messieurs les ministres, de vous être prêtés à l'exercice de cette audition. Je tiens à souligner la qualité de nos échanges. Notre débat a été beaucoup plus apaisé que dans l'hémicycle ou sur les réseaux sociaux.

Je vous remercie également, chers collègues, d'avoir participé à cette mission d'information. Nous mènerons bientôt d'autres auditions, celles de l'INRA, du délégué interministériel, de l'Union des industries de la protection des plantes (UIPP) et des différentes filières concernées.

La séance est levée à douze heures trente.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 10 h 15

Présents. - M. Jean-Yves Bony, Mme Bérangère Couillard, M. Michel Delpon, M. Antoine Herth, Mme Monique Limon, M. Gilles Lurton, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Didier Martin, M. Thierry Michels, M. Matthieu Orphelin, M. Dominique Potier, M. Loïc Prud'homme, Mme Élisabeth Toutut-Picard, M. Nicolas Turquois, Mme Michèle de Vaucouleurs

Excusé. - Mme Martine Wonner

Assistaient également à la réunion. - M. Lionel Causse, M. Jean-François Cesarini, M. Didier Guillaume, Mme Véronique Hammerer, M. Adrien Morenas, M. François de Rugy