Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 14 novembre 2018 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AFD
  • COM
  • afrique
  • pilotage

La réunion

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Examen, ouvert à la presse, du projet de contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence française de Développement (AFD) pour la période 2017-2019 (M. Frédéric Barbier, rapporteur)

La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission des Affaires étrangères a procédé à l'examen, ouvert à la presse, du projet de contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence française de Développement (AFD) pour la période 2017-2019 (M. Frédéric Barbier, rapporteur).

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Chers collègues, l'ordre du jour appelle l'examen pour avis par notre commission du projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'Agence française de développement (AFD) pour la période 2017-2019, sur le rapport de notre collègue Frédéric Barbier.

Un contrat d'objectifs et de moyens est, aux termes de la loi du 17 janvier 2010, une convention pluriannuelle passée entre l'État et un établissement contribuant à l'action extérieure de l'État ; il définit « au regard des stratégies fixées, les objectifs et les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ses missions ». Les commissions compétentes des deux assemblées ont la possibilité d'émettre un avis sur ces conventions avant leur adoption formelle par les autorités dirigeantes des établissements concernés.

Cette procédure est de nature à susciter plusieurs remarques.

En premier lieu, les commissions ne peuvent prononcer qu'un avis consultatif, ce qui limite le contrôle effectivement exercé par le Parlement sur l'action des établissements visés par l'article 1er de la loi de 2010.

En deuxième lieu, concernant son contenu, ce projet de contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD se présente sous la forme d'un document de seize pages composé de deux parties. La première dresse une liste de vingt-cinq objectifs ; la seconde, limitée à une page et demie, affiche la programmation des moyens. Le document n'est donc guère détaillé.

Mais le plus surprenant dans l'exercice qui est aujourd'hui le nôtre tient à ce que ce contrat d'objectifs et de moyens s'applique à une période qui commence avec l'année 2017 et se termine fin 2019, alors que nous sommes déjà au mois de novembre 2018. Autrement dit, la période concernée par ce projet de COM est déjà écoulée aux deux tiers. Je sais que vous reviendrez, monsieur le rapporteur, sur la raison de ce que je nommerai, pour le moins, une « originalité » !

Par ailleurs, comme l'AFD fera bientôt l'objet d'un regroupement avec l'agence Expertise France, elle-même soumise à un COM, et qu'interviendra au premier trimestre 2019 une loi d'orientation et de programmation sur l'aide au développement, il faudra – et cette fois, je l'espère, dans des délais appropriés – écrire un nouveau COM pour le « groupe AFD » ainsi formé, qui déclinera ce qui aura été écrit et voté dans la loi d'orientation.

Cette situation un peu étrange nous conduit à nous interroger à la fois sur le contrôle parlementaire et sur la véritable valeur à accorder aux contrats d'objectifs et de moyens lorsqu'un établissement peut fonctionner sans problème apparent pendant deux ans alors que son COM n'a pas été adopté, et encore moins examiné par les assemblées.

Rappelons que l'AFD, avec un rôle et des moyens en augmentation, est devenue également un lieu central d'élaboration de la stratégie française d'aide au développement.

L'examen de ce projet de COM est ainsi l'occasion de nous amener à réfléchir à la question du pilotage de l'aide publique française au développement et de sa dispersion, une question qui devient encore plus pressante en raison de l'augmentation du budget de l'aide.

Nos collègues Bérengère Poletti et Rodrigue Kokouendo ont recommandé dans leur rapport d'information le regroupement des services de l'État compétents au sein d'un ministère unique de l'aide au développement. Notre collègue Hervé Berville a, pour sa part, préconisé dans son rapport la création d'une conférence de pilotage permanente placée sous l'autorité du Premier ministre.

Ces différentes pistes doivent être examinées très attentivement car l'aide publique au développement de la France ne pourra pas atteindre les objectifs ambitieux fixés par le Président de la République si elle demeure éclatée comme elle l'est aujourd'hui, au détriment d'un pilotage politique fort.

C'est au bénéfice de ces remarques liminaires que je vous laisse la parole, monsieur le rapporteur, avant le débat avec nos commissaires.

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Notre commission est chargée, en application de l'article 1er de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, d'examiner le projet de contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence française de développement pour la période 2017-2019.

Ce texte vise à permettre aux assemblées d'exercer un contrôle sur les agences contribuant à la politique étrangère de la France. Le contrat d'objectifs et de moyens est une convention passée entre l'État et l'agence concernée qui détaille, comme son nom l'indique, les objectifs assignés à l'agence et les moyens devant être mis à sa disposition.

L'examen du présent projet de COM nous donne cependant l'occasion de nous interroger à la fois sur la politique d'aide au développement de la France, dont l'AFD est l'un des principaux acteurs, et sur la pertinence de cette procédure d'examen.

Le fait que l'examen de ce document intervienne au mois de novembre 2018 peut en effet surprendre. Un premier projet de COM avait été élaboré au mois d'avril 2017, mais il a été jugé peu opportun de faire procéder à son examen par les assemblées très peu de temps avant les élections présidentielles et législatives. Le changement de majorité ayant entraîné une réévaluation de la politique d'aide française et par conséquent des missions de l'Agence, il a encore fallu attendre que certains arbitrages soient rendus pour que nous disposions de ce document.

Cependant, la mise en oeuvre de la politique d'aide décidée par le Président de la République est progressive et impliquera, entre autres choses, l'intégration au sein du groupe AFD de l'agence Expertise France, qui fait elle-même l'objet d'un contrat d'objectifs et de moyens distinct.

Le rapprochement des deux agences au sein d'une entité commune conduira, par conséquent, à l'examen d'un nouveau COM dont la période d'application commencera en 2020. C'est pourquoi le présent projet de COM, qui portait initialement sur la période 2017-2020, ne s'applique plus désormais que jusqu'à la fin de l'année 2019. Le présent projet de COM porte donc, concrètement, sur une seule année, et l'AFD aura fonctionné pendant deux ans sans qu'un tel document ait été approuvé.

Le projet de COM 2017-2019 constitue cependant une occasion d'examiner la politique d'aide française et la place de l'AFD au sein de ce dispositif, préalablement à l'examen de la loi d'orientation et de programmation qui devrait nous être soumise au début 2019.

Créée en 1941 en tant que Caisse centrale de la France libre, l'Agence française de développement est un établissement public de l'État à caractère industriel et commercial (EPIC). Elle a pour mission de « réaliser des opérations de toute nature en vue de contribuer à la mise en oeuvre de la politique d'aide au développement à l'étranger et de contribuer au développement des départements et collectivités d'outre-mer, ainsi que de la Nouvelle-Calédonie.

L'AFD finance des projets de développement dans 90 pays ou territoires. Elle dispose d'un réseau de 70 agences dans le monde, dont onze outre-mer. En 2017, elle employait 2 027 personnes, dont 707 étaient en poste à l'étranger.

L'AFD est avant tout une banque spécialisée dans le financement de projets de développement. Elle emprunte des ressources sur les marchés financiers à des taux favorables. Elle prête ensuite à des conditions qui peuvent être ou non bonifiées par rapport aux taux habituels des marchés. Les montants correspondant aux bonifications sont reçus de l'État.

Bien que l'activité de prêts sans bonification soit aujourd'hui majoritaire dans l'activité de l'agence, son image reste plutôt celle d'une agence de coopération qui octroie des subventions au nom de l'État. Ainsi, l'AFD attribue, au nom du ministère des affaires étrangères, les dons destinés à la réalisation de projets dans les secteurs de l'agriculture et du développement rural, de la santé et de l'éducation de base, de la formation professionnelle, de l'environnement, du soutien au secteur privé, des infrastructures et du développement urbain.

Le projet de COM que nous examinons intervient dans un contexte d'augmentation historique de l'aide publique au développement de la France et par conséquent de l'activité de l'AFD.

Le président Hollande avait annoncé une première trajectoire d'augmentation de l'aide en 2015 avec une hausse prévue de l'activité de l'AFD de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020, dont 400 millions d'euros sous forme de dons, soit une activité prévue d'environ 12,7 milliards en 2020.

Le président Macron a annoncé une nouvelle trajectoire budgétaire, confirmée par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018, qui doit porter l'activité de l'AFD à 14 milliards d'euros à la fin de 2019. La part des dons est également augmentée d'environ un milliard d'euros d'autorisations d'engagement dans le projet de loi de finances, actuellement en discussion.

Il s'agit donc au total d'un quasi-doublement de l'activité de l'AFD depuis 2013, qui s'accompagne d'une croissance importante des effectifs de l'agence, ses effectifs étant passés au cours de cette période de 2 027 à 2 651 agents.

Une telle augmentation du niveau de l'aide publique au développement de la France implique un effort d'adaptation important de la part de l'AFD, qui est son principal opérateur, en particulier si l'Agence doit orienter davantage son activité vers les pays ayant le plus besoin d'un soutien financier. Il a ainsi été nécessaire d'augmenter les fonds propres de l'agence en 2016 afin qu'elle puisse faire face aux risques financiers plus importants de ces pays.

Le projet de COM insiste également sur la dimension de plus en plus partenariale que l'AFD entend donner à son activité.

La recherche de partenaires extérieurs doit être systématique, qu'il s'agisse de la société civile, du secteur privé ou de collectivités territoriales, du nord comme du sud. L'AFD entend également diversifier ses partenaires bénéficiaires de l'aide en développement et son activité de prêts non souverains.

Le caractère partenarial de l'activité de l'agence sera enfin renforcé par l'approfondissement du rapprochement avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) entériné en décembre 2016 et par celui qui est prévu avec Expertise France, formant ainsi un groupe AFD élargi qui fera l'objet donc du prochain COM.

Le projet de COM 2017-2019 énonce donc les grandes lignes de la stratégie de l'AFD, à la fois du point de vue sectoriel et du point de vue géographique.

Reprenant les grandes lignes du plan d'orientation stratégique adopté en août 2018 et intitulé « Pour un monde en commun » et conformément aux priorités énoncées par le CICID de février 2018, le projet de COM met l'accent sur six grandes transitions : démographique et sociale, énergétique, territoriale et écologique, numérique et technologique, politique et citoyenne, économique et financière avec une importance particulière accordée à l'application des Accords de Paris.

Du point de vue géographique, l'augmentation des dons-projets doit faciliter le respect des priorités françaises en matière d'aide puisque les pays pauvres prioritaires et, plus généralement, les pays d'Afrique subsaharienne sont souvent dépourvus de la capacité d'endettement qui permettrait de leur accorder des prêts. L'AFD peut donc réorienter son activité vers l'Afrique subsaharienne et les pays pauvres et contribuer aux objectifs de la politique française dans les régions, tels que la stabilisation à long terme du Sahel.

Le projet de COM prévoit cependant que l'activité de l'AFD s'articulera autour de trois zones géographiques pertinentes : l'Afrique, sans distinguer désormais le nord et le sud ; les trois océans, zone correspondant à la problématique de l'outre-mer français et des régions voisines ; la zone Amérique et Orient correspondant à la problématique des économies émergentes.

Le projet de COM 2017-2019 est donc quelque peu paradoxal. Il s'agit d'un projet ambitieux qui énonce une conception renouvelée de l'aide, inspirée des objectifs du développement durable de 2015 et qui entend même dépasser la notion d'aide publique au développement. Ainsi le COM insiste sur la recherche de ressources tierces, notamment privées, pour amplifier l'impact de son action ; d'un autre côté, le document lui-même est court. Il est tardif et son examen par les assemblées s'apparente plus à un enregistrement formel qu'à une véritable occasion de se prononcer sur le fond du projet. Je recommande néanmoins d'approuver ce projet de COM qui ne pose pas de problèmes particuliers, mais en assortissant ce vote de quelques remarques.

En premier lieu, il serait utile de savoir quand et sous quelle forme les vingt-quatre objectifs énoncés par le projet de COM feront l'objet d'un suivi et d'un bilan.

Une information plus régulière du Parlement sous la forme d'un document suffisamment détaillé, mais tout de même accessible, serait utile.

En second lieu, la situation qui fait que nous examinons à la fin de 2018 un projet de COM qui doit s'appliquer entre 2017 et 2019 renvoie plus généralement à la place qu'occupe l'AFD dans le dispositif français d'aide publique au développement.

Le pilotage politique de l'aide publique au développement est aujourd'hui divisé entre plusieurs ministères et manque de cohérence, comme cela a été relevé dans plusieurs rapports récents, comme celui de notre collègue Hervé Berville et celui de nos collègues Rodrigue Kokouendo et Bérengère Poletti.

Cette situation aboutit notamment à ce que l'AFD se trouve soumise à une triple tutelle, impliquant une coordination complexe entre ministères, ce qui a pu jouer dans le retard initial du projet de COM qui aurait pu être présenté à la fin 2016.

Plus généralement, un pilotage politique divisé peut s'avérer inadéquat face à une agence qui est cohérente, qui détient le savoir, l'expertise et l'expérience de terrain. Ce déséquilibre ne peut qu'être accentué par l'accroissement présent et à venir de l'activité de l'agence.

L'examen de ce COM doit donc nous amener à réfléchir sur le rôle exact de l'AFD, mais aussi et surtout sur la cohérence du pilotage politique de l'aide française, sujet que nous serons amenés à étudier à l'occasion de l'examen de la loi d'orientation et de programmation qui nous sera soumise en 2019. Sous ces réserves, je recommande donc d'approuver ce projet de contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence française de développement.

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Un grand merci, monsieur le rapporteur, pour votre expertise et ce rapport, que je trouve pertinent et qui pose parfaitement les questions qui sont devant nous et auxquelles il nous faudra répondre.

J'ouvre le débat pour que les représentants des différents groupes puissent s'exprimer.

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Merci, monsieur le rapporteur, pour la qualité de votre rapport. Je souscris au propos de Mme la présidente sur la mise en perspective et sur les perspectives que vous tracez vous-même sur les échéances qui se profilent pour les six prochains mois.

Vous avez parlé d'intégration, ensuite de rapprochement. Comment percevez-vous cette intégration-rapprochement entre l'Agence française de développement et Expertise France ? Quelles en sont les conséquences en termes de pilotage politique ? Expertise France, en effet, ne se limite pas à des actions d'aide publique au développement, mais réalise aussi des missions hors APD. Quelle en est l'articulation ?

Par ailleurs, les moyens qu'accorde l'État français à l'AFD sont-ils à la hauteur des enjeux que s'est fixé le président de la République et de ceux que nous nous sommes collectivement fixés ? Les estimez-vous un peu trop élevés, ou au contraire insuffisants ? Le fait qu'une grande partie des moyens soit concentrée à l'AFD est-il une force ou estimez-vous nécessaire une diversification en accordant un peu plus de moyens, par exemple, au ministère des affaires étrangères ou à d'autres canaux ?

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L'intégration d'Expertise France – et, globalement, le rapprochement avec la Caisse des dépôts et consignations – constitue un grand chantier. Que la France retrouve toute sa place est une ambition forte. Jusqu'à aujourd'hui, compte tenu d'une situation économique compliquée pour notre pays, nous procédions sous forme de prêts et de financements, contrairement à d'autres pays très présents qui procèdent plus souvent sous une forme bilatérale parce qu'ils ont les capacités de subventionner et de faire des dons.

Avec ce grand chantier de l'AFD, la France se dote d'une véritable force de frappe. Nous avons tout intérêt à permettre à d'autres structures d'intégrer, non plus l'AFD, mais le groupe AFD parce qu'en filigrane se pose la question du coût de ces agences, y compris en termes de personnel. En intégrant Expertise France et en rapprochant la Caisse des dépôts et consignations et l'AFD, nous gagnerons en efficience, en pertinence et en efficacité sur le territoire. C'est un chantier véritablement utile en termes de pilotage politique. Nous y reviendrons certainement.

Je dis toujours qu'un aigle à deux têtes ne fonctionne pas, un aigle à trois têtes encore moins, c'est-à-dire que l'AFD aujourd'hui dépend globalement de trois tutelles : du ministère des outre-mer, de la direction générale du Trésor et du ministère des affaires étrangères.

Il existe différentes expressions sur une ambition et un pilotage politiques forts. Je pense au rapport d'information de Rodrigue Kokouendo et de Bérengère Poletti, du vôtre également, monsieur Berville. Si je prends le cas des Comores et de Mayotte, les Comores seront traitées par le ministère des affaires étrangères, Mayotte par celui des outre-mer. Dès lors, comment le Parlement ou bien le Gouvernement seront-ils assurés de la pertinence des actions ? Il convient donc de clarifier et de rendre le pilotage politique plus fort.

En termes de moyens de l'État, nous sommes sur une trajectoire qu'il convient de poursuivre. En outre, il ne faut avoir ni état d'âme ni langue de bois sur les raisons pour lesquelles la France investit dans ces pays et les aide. Nous voulons parvenir à un juste retour et alimenter un cercle vertueux de l'économie avec les pays que nous aurons aidé à se développer.

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Monsieur le rapporteur, dans votre rapport, la priorité africaine de la politique française est réaffirmée, mais elle fait l'objet d'une double approche que je vous demanderai de préciser car elle pourrait susciter un problème de cohérence.

L'AFD insiste sur la pertinence d'une zone Afrique incluant le nord et le sud. Une telle vision s'appuie sur les relations de plus en plus denses existant entre les deux parties du continent, illustrées notamment par la politique marocaine très active à l'égard du sud du continent. D'un autre côté, l'AFD applique les recommandations du CICID en matière de priorités géographiques et s'implique fortement dans l'effort de stabilisation des zones de crise qui concerne plus particulièrement l'Afrique subsaharienne, le Sahel notamment.

Pouvez-vous donc préciser, d'une part, les efforts consentis par l'AFD pour stabiliser la bande sahélienne ; d'autre part, la stratégie mise en oeuvre pour favoriser nos entreprises ou, à tout le moins, les entreprises européennes dans les appels d'offres financés par nos crédits et non en faveur des entreprises, en particulier chinoises, qui construisent nombre d'infrastructures, comme nous avons pu encore récemment le constater à Djibouti ?

Enfin, est-il prévu de participer à des actions pour maîtriser l'explosion démographique que connaissent certains pays et qui risque d'annihiler tous les progrès réalisés en matière de développement ?

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Je vous remercie, cher ami, de vos questions.

Ainsi que le relève le rapport, une véritable difficulté à voir se dessiner une stratégie pèse sur l'ensemble des objectifs. Aussi, une stratégie politique devra-t-elle apparaître dans le futur COM. Mais l'on revient à la multiplicité des tutelles de l'AFD. En outre, le COM est tardif et rapide. Il ne vous aura pas échappé qu'il n'y a que vingt-quatre objectifs sur les vingt-cinq affichés dans la mesure où le numéro 18 n'existe pas dans le COM présenté.

L'idée consiste à ne plus distinguer entre le nord et le sud de l'Afrique et de raisonner globalement. D'autres pays doivent pouvoir participer aux actions que nous mettons en oeuvre et des pays de la bande subsaharienne y être associés. L'action de la France ne doit plus se limiter à l'Afrique.

Un objectif s'attache aux appels d'offres. C'est ainsi que les entreprises françaises doivent être présentes, ce qui, certes, n'est pas simple. Je me souviens de réunions au Mouvement des entreprises de France (MEDEF) qui mettaient en avant la difficulté pour les entreprises à suivre l'action de la France dans divers pays. Dès lors que nous avons la volonté de nous redéployer en Afrique, il convient de déployer notre aide et de faire en sorte que nos entreprises françaises aient la capacité de nous accompagner.

Le contrôle démographique est un sujet extrêmement sensible, qui s'inscrit dans le cadre de l'objectif de santé et qui ne peut se faire sans l'accord des pays, en partenariat avec la France.

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Au nom du groupe MoDem, je veux vous remercier, monsieur le rapporteur, d'avoir mis l'accent sur des points qui posent problème et qu'il faudra résoudre collectivement dans les années à venir.

Je m'explique : nous avons été très nombreux à nous féliciter de la volonté présidentielle de faire passer l'aide publique au développement de 0,38 % à 0,55 % du produit intérieur brut (PIB). Nous avons également été très nombreux – en tout cas je l'ai été en tant que nouveau député – à être surpris par le manque de visibilité et de contrôle qui nous empêche de lire sur une feuille Excel la ventilation de 0,38 % par nature et par destination au niveau national.

J'aurais préféré que ce contrat d'objectifs et de moyens pour l'AFD – qui recouvre une part importante, même si elle n'est pas exclusive, de l'aide publique au développement – s'appelle « document de transition » dans la mesure où l'on passe d'une situation où le Parlement, à mon sens, n'a pas les moyens d'exercer son contrôle et son suivi des activités à une ambition plus claire, plus détaillée et plus mesurée de l'aide publique au développement et de l'action de l'AFD.

Dans cette logique, vous avez souligné les différentes tutelles ministérielles. Nous avons la chance d'avoir un seul Parlement, une seule Assemblée nationale. En tant que parlementaires, nous avons donc, à mon sens, une exigence démocratique et une responsabilité d'autant plus fortes d'atteindre l'objectif d'une lisibilité de la granularité des destinations et de l'utilisation de l'aide publique au développement dans son ensemble, en particulier de l'action menée par l'AFD. Par conséquent, nous ne devons pas manquer collectivement le rendez-vous du prochain contrat d'objectifs.

Mme la présidente l'a relevé ; je le dis, pour ma part, en termes moins diplomatiques. Nous validerons le contrat triennal 2017-2018-2019 et c'est très bien, mais j'aurais préféré, encore une fois, qu'on l'appelle « plan de transition » avant l'arrivée d'un nouveau contrat d'objectifs qui tienne la route et sur lequel le Parlement exercera réellement son rôle de vigilance et d'exigence de contrôle démocratique.

Pensez-vous qu'exercer notre contrôle est la priorité et l'objectif de l'exécutif ? Les échanges que vous avez sur cette thématique sont-ils rassurants ? Le prochain COM nous permettra-t-il de jouer notre rôle de contrôle démocratique sur l'activité de l'AFD ? L'attente des organisations non gouvernementales (ONG) que nous rencontrons tous régulièrement est forte et légitime. C'est aussi une attente démocratique de l'ensemble des parlementaires.

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Monsieur Waserman, je suis très attaché, tout comme vous, au pouvoir politique, dans le bon sens du terme, celui de l'organisation et de la gestion. Tout comme vous, le modeste député que je suis a été heurté, choqué, de constater que les parlementaires avaient été saisis si tardivement d'un document succinct et incomplet – il manque un article sans que l'on nous en ait donné aucune explication et sans que, pour autant, la numérotation ait changé. Je partage avec vous le sentiment que nous avons été assez mal traités.

Je pense que tout ce qui est sous contrôle s'améliore et que le rôle du politique doit s'affirmer. Ce rapport nous est soumis pour avis consultatif, à la limite facultatif, tant il est vrai que ne pas étudier ce rapport n'empêche nullement le conseil d'administration de l'AFD de se prononcer. Aussi devons-nous en tirer des conclusions et présenter des propositions comme l'évoquent les rapports de M. Hervé Berville, de Mme Bérengère Poletti et de M. Rodrigue Kokouendo.

Il convient de présenter des propositions et d'insister sur le fait qu'un contrat d'objectifs et de moyens n'est pas un document qui, une fois présenté, n'est revu qu'un an plus tard. Il doit être réexaminé au fil de l'eau. Nous devons vérifier que les indicateurs sont atteints. Si ces indicateurs ne sont pas suffisamment lisibles, il faut qu'ils soient modifiés. Si les actions correctives doivent être engagées, il faut qu'elles puissent l'être.

Dans toute entreprise, un plan d'action, un contrat d'objectifs et de moyens est revu mensuellement. Je ne veux pas aller jusque-là. Il n'en reste pas moins que le Sénat comme l'Assemblée nationale doivent pouvoir, selon un rythme à définir, procéder à un suivi au fil de l'eau pour déterminer ce qui fonctionne ou dysfonctionne et les domaines qui nécessitent d'intensifier leur action. Les parlementaires doivent retrouver leur place dans l'examen de la politique d'aide au développement mise en oeuvre, surtout au cours d'une période où l'AFD prendra de l'ampleur, se réorganisera et où l'ambition de la France sera portée à son plus haut niveau.

Mme la présidente et moi-même vous présenterons des propositions sur une amélioration du suivi de l'AFD.

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Je vous ferai des propositions à l'issue de notre débat. Au préalable, nous entendrons vos propositions que notre commission pourrait porter dans les semaines prochaines.

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Monsieur le rapporteur, je vous remercie de votre présentation.

Je reviens sur la politique que promeut notre agence. Dans l'ensemble, elle est conforme à nos objectifs. Prenons l'exemple de l'initiative en faveur de la forêt d'Afrique centrale, menée en 2017 en République démocratique du Congo. La France a financé à hauteur de 6 millions de dollars ce projet qui devait contribuer à la gestion durable des forêts et lutter contre la déforestation dans une zone qui représente 7 % des forêts tropicales mondiales. La disparition de ces forêts serait une catastrophe face au changement climatique. En réalité, ce projet a été dénoncé par une coalition d'ONG environnementales puisqu'il devait conduire à tripler les superficies accordées aux exploitants industriels – de 11 à 30 millions d'hectares – l'amélioration de la gouvernance du secteur et la protection de l'environnement sont passées à la trappe au profit des intérêts privés.

Faut-il octroyer des prêts aux seuls pays qui respectent les règles démocratiques ? À l'époque, François Mitterrand l'affirmait sans toujours s'y tenir. Emmanuel Macron, quant à lui, estime que l'Europe n'est pas là pour dire à l'Afrique ce qu'elle doit faire.

Ma seconde interrogation fait suite aux déclarations de notre ministre des affaires étrangères, en septembre dernier, lorsqu'il présentait la feuille de route de l'agence. Jean-Yves Le Drian déclarait alors : « Ce n'est pas parce que certains régimes ne partagent pas les valeurs de la France que nous devons exclure leur population de l'aide française. »

Or ce n'est pas ce que nous faisons avec l'AFD en réalité. Financer les projets d'États farouchement opposés à tout concept démocratique ne bénéficiera pas à leurs populations mais seulement à leurs dirigeants. Prenons l'exemple du Gabon, auquel l'AFD accorde un prêt pour qu'il rembourse des échéances, ce qui ne contribue pas au développement économique et conforte un président à la légitimité contestée. Pourtant, d'autres options sont possibles en attendant de construire des alternatives et de faire émerger une société civile qui, elle, croit réellement à son développement.

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Cher collègue David, je mesure à quel point mon action est modeste en tant que député, car mon rapport porte sur le COM et sur la question de savoir s'il est conforme à notre politique alors que votre propos va plus loin et porte sur le suivi, les actions correctives et les remarques.

Des contrôles des différentes actions sont effectués, soit par l'AFD en interne, soit par des cabinets externes, soit encore par les ambassades qui ont leur mot à dire sur le sujet. Les parlementaires sont présents au conseil d'administration de l'AFD, où l'Assemblée nationale et le Sénat comptent chacun deux représentants, pour juger plus précisément et concrètement – c'est la raison pour laquelle j'en appelais à ma modestie – sur ce type d'actions. Il n'en reste pas moins que le débat est nécessaire, sans avoir besoin d'évoquer l'adéquation du COM à notre politique. Nous mènerons ce type de débat à l'occasion de l'examen du projet de loi. Ces sujets doivent remonter par nos collègues qui siègent au conseil d'administration de l'AFD.

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Je ne reviens pas sur les délais pour les critiquer, car cela a été fait à plusieurs reprises.

Je note, en revanche, que la santé est le parent pauvre des aides bilatérales. Est-ce à dire que les questions de santé dans le monde sont gérées par le multilatéralisme ? Si oui, il serait intéressant de mesurer à quel niveau.

Par ailleurs, l'intégration au sein du groupe AFD de l'agence Expertise France conduira à rendre l'AFD très puissante, quasi indépendante. Comment un tel défi peut être relevé sans appui politique, sans ministère de plein exercice ? J'esquisserai une réponse. Depuis le début, nous sommes dans « la com » et non dans le COM… (Sourires.) Mon analyse est confortée par l'intervention du Président de la République. Je prétends que l'Élysée pilote et qu'il n'a pas besoin que les parlementaires ou qu'un ministère s'en mêle. Cela lui permet d'avoir les mains libres. Ce n'est pas juste, mais il semble néanmoins qu'il en soit ainsi.

Le pilotage par l'Élysée permet le clientélisme. Le clientélisme, notamment avec les pays d'Afrique, nous fait souvenir l'histoire de la France avec l'Afrique. Au surplus, les pays avec lesquels nous travaillons sont presque tous francophones. Nous avons choisi un espace qui rappelle davantage encore la « Françafrique ». Aussi n'est-ce pas uniquement un pilotage de l'AFD qui est nécessaire, mais un contrôle démocratique indispensable du Parlement sur les objectifs et les fonds de cette politique.

S'ajoute un verbiage qui pose question, tant il est vrai que la sémantique n'est pas neutre en politique. On commence à remplacer les mots « aide publique au développement » par « investissement solidaire ». Monsieur le rapporteur, vous avez utilisé les termes « un juste retour sur investissement ». Je suis désolé de le dire, mais l'aide publique au développement ne peut viser un juste retour sur investissement. Cela a été, nous nous sommes servis en Afrique, le développement français s'est fait sur le dos de l'Afrique – pas uniquement, mais aussi. Notre obligation doit être celle du désintéressement total : aider l'Afrique à se développer et accompagner son développement excluent la dimension d'un retour sur investissement. Le contrôle doit être désintéressé.

Quant au pilotage, si nous ne pouvons passer par un ministère que nous contrôlerions, une commission spécifique du Parlement devra avoir l'oeil sur cette politique. Merci, madame la présidente, de votre indulgence et de votre bienveillance.

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Monsieur Lecoq, ma réponse sera brève car vous dressez en partie des constats que je partage. Je pense, en effet, qu'il est nécessaire de renforcer le pilotage politique dans le cadre duquel le Parlement doit jouer un rôle essentiel, en participant à l'élaboration du prochain contrat d'orientation d'objectifs et de moyens et à son évaluation au fil de l'eau.

S'agissant de la santé, nous aborderons dans deux mois la loi de programmation et d'orientation. Nous devons retrouver un fil conducteur et une véritable stratégie.

Enfin, je n'ai pas utilisé les termes de « retour sur investissement » et si je l'ai fait, je m'en excuse. J'ai parlé de cercle vertueux, qui, pour moi n'est pas un juste retour sur investissement. La France se porte mieux, elle est plutôt en bonne santé. D'où la nécessité pour elle d'aider d'autres pays afin de progresser ensemble, car tel est le principe d'un monde en commun.

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Dans le prolongement des remarques émises par mon collègue Jean-Paul Lecoq, je poserai trois questions précises qui portent sur le nouveau contrat d'objectifs et de moyens pour 2017-2019 de l'Agence française de développement.

Ma première question porte sur la filiale de l'AFD, Proparco, qui ne figure pas dans le rapport, ce qui suscite notre inquiétude. Il est indiqué dans l'introduction qu'il ne sera pas traité de cette filiale alors que nous estimons, quant à nous, que son activité est assez opaque. Aussi, je voudrais savoir pourquoi il n'y est pas fait référence. Son activité est dédiée au privé, elle accompagne des projets et des institutions financières. Il semble que Proparco agisse comme n'importe quel investisseur privé dans le choix des projets. Je citerai Mediapart qui livre un avis, j'imagine très informé ; il n'en reste pas moins que le Parlement aurait besoin de précisions supplémentaires. Selon Mediapart, 10,46 % des financements de Proparco vont au renforcement des institutions financières et des marchés financiers, au développement du secteur bancaire, au financement des entreprises agro-industrielles contre seulement 6 % à la santé et à l'éducation. Une privatisation de l'aide publique au développement se profile-t-elle ? Il semblerait même que Proparco investisse régulièrement dans des sociétés situées à l'île Maurice, aux îles Caïmans, au Luxembourg, à Chypre ou à Jersey. La question intéresse le Parlement et doit faire partie de la feuille de route fixée par l'État.

Deuxième question : dans la partie 1, titre 2, qui fait partie des objectifs de développement durable affirmés dans ce contrat, je vois un petit loup qui a déjà été soulevé au sein de la commission : 41 millions d'euros sont accordés à la Chine pour aider une centrale à charbon à créer un système de cogénération et de chauffage urbain. Je souhaite vous alerter sur cette question car je relève une contradiction.

Enfin, j'avoue éprouver une inquiétude quant à l'objectif 12 visant à intensifier l'action de l'AFD au Sahel par la mise en place de l'Alliance Sahel. Il appartient aux parlementaires d'exprimer leur point de vue sur ce sujet car un glissement est possible vers un financement d'opérations militaires. J'aimerais que vous nous fournissiez un éclairage car si l'aide au développement se traduisait par le renforcement d'une action à caractère militaire, nous ferions littéralement fausse route !

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Proparco est une filière de l'AFD qui ne consomme pas de fonds publics ; c'est la raison pour laquelle nous ne l'évoquons pas dans le COM. Nous avons auditionné M. Rémy Rioux, le directeur général de l'AFD ; je ne sais pas s'il s'est exprimé sur le sujet. La question pourra être posée.

Vous avez raison, madame, le dossier de la centrale à charbon a déjà été soulevé. Je crois même que la question a été posée au directeur général de l'Agence au cours d'une audition. Je n'ai pas sa réponse en mémoire, mais nous pourrons la reprendre.

Les investissements de l'objectif 12 en faveur du Sahel ne sont en rien liés à une action militaire. Ils cherchent à asseoir la reconstruction des différentes structures nécessaires à la vie sur ces territoires.

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Merci, monsieur le rapporteur. Il est extrêmement important de réfléchir à la façon dont nous pouvons mener un débat approfondi sur l'AFD, aujourd'hui et dans les mois qui viennent, car l'enjeu est majeur. Nous passons beaucoup de temps sur des sujets sur lesquels nous n'avons pas toujours beaucoup de prise. Si le projet politique consiste à renforcer le rôle de l'AFD au sein de l'administration française, il doit être validé et porté par le Parlement.

L'AFD est une belle boutique, très bien gérée ; en tant qu'institution, elle est crédible et facteur de lisibilité sur le plan international. Le projet de création et de transformation de l'AFD en outil majeur de développement est totalement réussi. Il n'en reste pas moins que nous sommes confrontés à des difficultés pour reprendre les remarques du rapporteur.

La première tient à la multiplicité des tutelles. Sans enjeux politiques portés par la société, l'objectif de 0,55 % du PIB ne sera pas atteint. Les contraintes budgétaires imposées par Bercy empêcheront d'y parvenir. Si l'objectif de 0,55 % est perçu comme une augmentation de la capacité à participer à des tours de cofinancement par une banque et si ce pourcentage n'est pas lié à des enjeux politiques que nous portons, que nous aurons délibérés et validés, nous n'atteindrons pas cet objectif. D'où la question de la gouvernance de l'AFD qui, depuis plusieurs mois, voire depuis plus d'un an, est élyséenne avec ses avantages et ses inconvénients, bien décrits par M. Lecoq.

Le second problème tient au périmètre d'action, dans la mesure où nous avons attribué à une banque de développement des domaines qui se situent hors de son champ culturel et professionnel. Je pense à la gouvernance, au contenu sécurité et développement ; on peut également s'interroger sur la migration. Nous n'avons pas donné à l'AFD ce qui relevait de son métier de base, à savoir l'ensemble des prêts et des outils de financement classiques. Je pense au guichet d'aides liées parce que le Quai d'Orsay a baissé les bras et que le Trésor a fait de la résistance. Pour résumer, le périmètre n'est pas du tout optimisé, qui est le résultat d'un rapport de force. Il faut réinterroger, vérifier l'efficacité et mesurer la réversibilité des choix qui sont faits.

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Merci, monsieur le rapporteur, pour ce rapport éclairant et clairvoyant.

Parmi les objectifs et indicateurs du contrat d'objectifs et de moyens présenté figure la lutte contre les changements climatiques en regard des Accords de Paris. Rappelons que, lors de l'Assemblée générale des Nations unies de 2015, tous les pays du monde s'étaient mis d'accord sur dix-sept objectifs de développement durable afin de lutter contre les changements climatiques ou encore les inégalités.

Sur ces deux volets, l'AFD joue un rôle. Votre rapport souligne d'ailleurs que le sommet des Nations unies de 2015 a directement participé à la croissance rapide de l'activité de l'AFD. Le retrait des États-Unis des Accords de Paris, plus récemment encore les positions du nouveau président brésilien, semblent inexorablement fragiliser cette mission. Pouvez-vous nous éclairer sur l'impact à venir de ces prises de position sur le contrat d'objectifs et de moyens ?

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Je remercie Frédéric Barbier pour son exposé et sa sincérité. Ce rapport, en effet, pose deux grands problèmes.

D'une part, un problème de forme que je trouve inacceptable. Il est absolument inadmissible, alors que nous sommes en train de discuter des orientations budgétaires, que l'on nous propose de voter les orientations de l'AFD de 2017, 2018 et 2019. Le groupe Les Républicains s'abstiendra en raison de cet état de fait.

Avec Laëtitia Saint-Paul, nous nous sommes rendus aux Comores. Il n'y a pas eu moyen d'obtenir un rendez-vous avec l'AFD avant de partir. Et parce que, en revenant à Paris, nous avons un petit peu secoué la boutique, aujourd'hui, l'AFD nous demande un rendez-vous d'urgence, on veut nous voir !

Fondamentalement, j'estime qu'il y a un manque de respect du Parlement dans cette affaire et que s'abstenir est le meilleur message que nous puissions délivrer. En tant que parlementaires, nous ne pouvons valider les orientations dans ces circonstances.

D'autre part, un problème de fond tient au pouvoir considérable qui sera celui de l'AFD. Il est déjà opaque, dans la mesure où les décisions se font sans que le Parlement ait grand-chose à dire, les crédits qui sont discutés par le Parlement en faveur de l'aide au développement représentant la portion congrue de cette aide alors que l'on s'apprête à augmenter les moyens de manière considérable pour atteindre 0,55 %. D'ailleurs, nous n'y sommes pas encore. Si l'on a augmenté les autorisations d'engagement, sans doute moins que cela aurait été nécessaire, les crédits de paiement, eux, ne sont pas encore vraiment à la hauteur des ambitions présidentielles. Mais admettons : l'ambition est là, on veut augmenter les crédits et, toujours dans cette ambiance opaque, on continuera d'accorder des moyens considérables à l'AFD.

Si le niveau de ces moyens est discutable au niveau national en raison du peu de contrôle exercé par le Parlement, il l'est également dans les pays où l'AFD est présente, puisque la représentation de la France y est divisée. Les ambassadeurs sont coupés de leurs techniciens alors que l'AFD, hyperpuissante dans les territoires, a ses locaux, ses voitures, son personnel, ce qui, selon moi, reste un grave problème. Nous l'avons constaté quand nous nous sommes déplacés aux Comores. J'aurais souhaité que la question du contrôle politique soit évoquée par ce contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD.

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Je félicite mon collègue Barbier pour ce rapport court, synthétique et impactant. Je partage une grande partie de ses conclusions et analyses.

Dans un premier temps, je voudrais dire mon inquiétude sur la méthode. Pourquoi ce rapport est-il présenté si tardivement ? Une raison particulière préside-t-elle à cet état de fait ? Je n'ai pas encore compris pourquoi nous arrivions quasiment aux deux tiers de la période pour considérer ce contrat d'objectifs et de moyens. Pour cette raison, je m'abstiendrai, car on ne peut pas faire un travail correct au terme d'un an et demi.

Sur le fond, nous avons une stratégie de moyens. Depuis 2013, l'AFD tend à doubler de dimension. Seule certitude, les moyens sont là.

Sur la question des tutelles et des objectifs, au-delà de l'Élysée, le nombre élevé d'acteurs rend les stratégies et les objectifs peu clairs, voire contradictoires. M. Lecoq a indiqué que la santé ne figurait pas parmi les objectifs prioritaires ; la pauvreté, l'eau et l'assainissement non plus.

S'agissant de la francophonie, parmi les quatre derniers pays traités, on compte trois pays anglophones : le Liberia, la Gambie, l'Éthiopie. Il n'y a que Haïti qui fasse partie de l'espace francophone. Continuerons-nous à développer des actions dans l'espace francophone ou élargirons-nous le champ d'action ? S'agissant de la stratégie et des objectifs en Afrique, nous avons besoin de clarifications. À cet égard, je propose que notre commission auditionne M. Rioux.

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Monsieur le rapporteur, je veux, à mon tour, vous remercier pour la sincérité de vos propos.

Une question courte : pouvez-vous nous indiquer dans quelle mesure l'AFD coordonne ses actions avec les autres agences nationales impliquées dans l'aide au développement et quelle est la synergie avec les agences de l'ONU et les organisations internationales ?

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Sur le fond, mon intervention se rapproche sensiblement des propos de plusieurs de nos collègues.

On peut tout d'abord saluer la volonté du Gouvernement de renforcer l'AFD et d'avoir établi un contrat d'objectifs et de moyens. Il va sans dire qu'un contrôle suppose de renforcer les moyens de l'Agence et d'évaluer minutieusement l'efficience des politiques menées. L'intérêt même de cette politique, me semble-t-il, est de tendre vers une maîtrise des flux migratoires dans la mesure où plus nous aiderons les pays en voie développement, moins nous subirons une immigration non souhaitée. L'intérêt de cette politique tient également à la place que la France veut conserver dans le monde.

Toutefois, se pose la question des modalités de contrôle des partenariats engagés par l'AFD. En effet, en tant qu'institution mettant en oeuvre la politique de développement de la France, les projets qu'elle soutient engagent notre pays.

Il est également question de la bonne gestion des deniers publics. Le partenariat et le soutien financier aux projets doivent intervenir dans un cadre précis afin d'éviter tout détournement – nous savons que de tels phénomènes existent, ô combien ! – ou tout soutien à des actions illégales, voire violentes, puisque cet argent peut servir à des achats d'armes dans des pays que l'on pourrait qualifier de zones grises. À l'heure où les Français demandent plus de transparence dans l'utilisation de l'argent public, l'État doit être exemplaire s'agissant de ses comptes publics. Pourriez-vous, monsieur le rapporteur, préciser dans quelle mesure le contrat d'objectifs et de moyens répond à cette impérieuse nécessité ?

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Merci, cher collègue, pour ce rapport.

Le contrat d'objectifs et de moyens prévoit, en son objectif 4, une contribution à la lutte contre le réchauffement climatique par la mise en oeuvre des Accords de Paris qui prennent en compte l'engagement de la France au sommet de Bamako de janvier 2017 et la mobilisation de 3 milliards d'euros entre 2016 et 2020 en faveur du développement des énergies renouvelables en Afrique. Or, le continent est fracturé et présente de fortes disparités régionales, également en matière de consommation d'énergie. L'Afrique du Nord et l'Afrique du Sud représentent ensemble moins d'un tiers de la population africaine, mais 80 % de la consommation d'énergie. Elles utilisent très souvent des énergies polluantes dans les tâches quotidiennes. Quelque 700 millions d'habitants d'Afrique subsaharienne utilisent des poêles alimentés par des déchets végétaux pour la cuisson des aliments, dégageant des fumées nocives à l'origine, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), de maladies respiratoires, touchant particulièrement les femmes et les enfants et occasionnant près de 600 000 décès prématurés par an.

Je souhaiterais donc savoir si, dans le cadre de cet objectif numéro 4, les actions de formation, d'éducation et de sensibilisation des populations sont prévues.

Par ailleurs, le contrat d'objectifs et de moyens a pour ambition de rendre l'AFD plus innovante, plus agile dans sa partie 1.3, en déclinant dans ses objectifs 20 à 25 des voies pour y parvenir.

Il me semble que ce document fait l'impasse sur la recherche de modes de financements innovants, qui constituent pourtant l'un des leviers de l'amélioration de l'effort français en matière d'aide publique au développement, comme le montrent les exemples de la taxe sur les transactions financières depuis 2012 ou encore de la taxe sur les vols internationaux. L'AFD envisage-t-elle actuellement de recourir à des modes de financement innovants pour assurer l'augmentation de ses ressources et, le cas échéant, nous présenter les pistes envisagées ?

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Sans orgueil aucun, je rappelle qu'un rapport budgétaire sur le pilotage politique a été publié, le mien, l'année dernière, qui recommandait fortement la création d'un ministère unique, avec une tutelle sur les deux programmes 110 et 209 relatifs à la mission de l'AFD.

Je ne voudrais pas que nous raisonnions à l'envers. Le fait que l'AFD devienne un groupe très puissant, une vraie force de frappe, n'est pas une mauvaise nouvelle. Il faut le dire, c'est une bonne nouvelle pour l'aide française. La question, en effet, est celle de la gouvernance et du pilotage, mais avoir un groupe puissant à l'étranger est une bonne chose. Il convient de le rappeler, car les autres pays qui mènent des aides efficaces disposent d'agences de développement puissantes et ont regroupé l'ensemble des moyens et des outils de l'aide publique au développement. C'est donc une bonne nouvelle que d'avoir un groupe regroupant des acteurs puissants tels que la CDC et Expertise France. Il n'en reste pas moins nécessaire de traiter la question de la tutelle et du pilotage.

Le groupe AFD ne sera pas indépendant, monsieur Lecoq. Si la question du pilotage et de tutelle se pose, pour autant, il existe un cahier des charges arrêté par le CICID ; par ailleurs, une loi de programmation doit intervenir. Pour l'heure, les dépenses de l'AFD sont sous la tutelle du ministère des affaires étrangères. Cela restera ainsi même si, encore une fois, il faut améliorer le pilotage.

M. Lecoq a raison quand il déclare que l'aide publique au développement ne doit pas servir nos intérêts économiques. L'objectif de l'aide au développement est la réduction des inégalités entre les territoires dits développés et les territoires dits en développement. Il en va de même pour l'immigration : la lutte contre l'immigration ne doit pas être l'objectif de notre aide publique au développement. Bien sûr, si la réduction des inégalités entre le Nord et le Sud a pour conséquence de réduire l'immigration subie parce que les gens seront plus heureux dans leur pays, c'est tant mieux. Pour autant, le lien entre aide au développement et migration n'est pas automatique. Certaines études montrent, au contraire, que l'augmentation du pouvoir d'achat dans certains pays encourage la mobilité.

Ensuite, se pose un problème de calendrier. Il est important que nous auditionnions le directeur général de l'AFD.

Je crois me souvenir de la réponse de M. Rioux sur la centrale à charbon en Chine. Le temps me manque et je ne veux pas m'en faire le porte-parole, mais je crois qu'il avait répondu de manière assez précise. Nous lui reposerons la question.

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Je rappelle la publication du rapport de M. Hervé Berville, des rapports de Mme Bérengère Poletti et de M. Rodrigue Kokouendo, et de votre avis, l'an dernier, monsieur Julien-Laferrière. L'ensemble de ces rapports et avis allaient dans le même sens. J'espère bien, par conséquent, que nous serons entendus !

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Ce matin, en arrivant dans cette assemblée qui devient de plus en plus scolaire, j'ai signé. Je vais parler ; mondéputé. fr. sera également content ! (Sourires.) Mais je ne regrette pas d'être venu, car les propos liminaires que vous avez tenus, madame la présidente, sont tout à votre honneur. Ils sont devenus une habitude que nous apprécions. Défendre votre commission comme vous le faites ne s'est pas produit depuis plusieurs mandats.

Monsieur le rapporteur, votre rapport est formidable ! Vous n'avez pas à être modeste, vous n'êtes pas un modeste député, vous n'êtes pas non plus un « MEDEF député ». Ni modeste ni MEDEF ! (Sourires.) Vous avez la franchise de nous expliquer la réalité des situations.

Personnellement, je suis en colère. Pour qui nous prend-on ? On veut nous faire accepter un COM en vigueur depuis deux ans ! Allons-y gaiement ! Ce retard marque le privilège du Président de la République qui décide à qui il va donner de l'argent, où et comment. Et nous, nous sommes là en nous disant que cela va aller, que nous allons peut-être s'abstenir. Je propose, quant à moi, que notre commission ne se prononce pas ! Si jamais nous nous prononcions, cela signifierait que nous ne sommes rien.

Je vous rappelle que la Caisse centrale de la France libre, qui a permis à Charles de Gaulle de rallier à lui un certain nombre de territoires d'Afrique, était constituée de l'argent donné par Paul Reynaud et de quelques bijoux laissés à une époque par des dames anglaises. Si nous voulons être respectés en tant que députés, ne nous prononçons pas car l'abstention ne représente rien. Donnons un peu de courage à cette assemblée ! C'est une petite colère politique qui n'a rien à voir avec nos appartenances politiques respectives. Je vous le dis, madame la présidente, car vous défendez cette commission. Vous avez même réussi à réunir un certain nombre de partis pour porter avec vous les positions de notre commission dans l'hémicycle.

Monsieur le rapporteur, vous avez été extrêmement franc, et c'est très beau.

Je ne sais si tout le monde sera d'accord, mais ne nous prononçons pas. Il faut arrêter de nous prendre pour des imbéciles !

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Je ferai deux observations.

La première portera sur le COM. Il faut questionner la notion de COM qui est un outil de surface, un outil de « com » comme l'a souligné M. Lecoq, non un outil de pilotage. Il faut que nous nous battions sur ce point. Ainsi que nous l'avions demandé, le COM doit être préparé politiquement en amont et ne doit pas être présenté devant la commission prêt à être ratifié.

Si nous voulons un COM politique, il doit correspondre à un mandat. Pourquoi un COM de trois ans, cosigné à mi-parcours ? Il doit correspondre à un mandat politique – sans quoi ce n'est pas un COM politique – ou lié à une trajectoire budgétaire, ce qui serait encore plus logique.

Le COM doit être signé par Bercy. C'était le sens d'un amendement que j'ai porté l'an dernier qui a été rejeté. Je rappelle que le dernier COM de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), signé en 2014, a été contredit par Bercy six mois plus tard.

Le COM doit s'imposer juridiquement au conseil d'administration des opérateurs. Avec Bérengère Poletti, nous connaissons bien la situation au conseil d'administration d'Expertise France. Le COM est un effort de « com », mais, en l'occurrence, le conseil d'administration se considère supérieur au COM.

Le COM doit être inscrit dans les statuts des opérateurs et être suivi comme on suit un outil en entreprise. Sans doute existe-t-il des outils pouvant être suivis au moins trimestriellement. Si nous n'obtenons pas la révision des statuts des COM, réinvestissons démocratiquement les conseils d'administration, comme l'a indiqué Frédéric Barbier, dans un réflexe que nous partageons. N'envoyons pas des députés au conseil d'administration comme Bérengère Poletti, Hubert Julien-Laferrière ou moi-même, mais préparons nos conseils d'administration au sein de cette commission et reprenons le pouvoir là où il est.

S'agissant de la centrale à charbon, je connais la réponse. Faire un réseau de chaleur est toujours une bonne chose. La centrale à charbon fonctionne aujourd'hui et continuera de produire de l'électricité en perdant 70 % de sa chaleur. Soit, donc, on la laisse en l'état et elle continuera à produire comme elle produit depuis vingt ans. Soit nous installons un réseau de chaleur qui évitera les explosions et la multiplication des petits poêles à charbon dans la ville voisine qui compte un million d'habitants. Le réseau permettra de récupérer la chaleur et sera en mesure demain de gérer la géothermie si on remplace le charbon par la géothermie ou par une énergie plus propre. Un réseau de chaleur reste une amélioration environnementale qui coûte très cher à l'investissement. Telle était la réponse faite par Rémy Rioux.

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L'aide publique au développement est l'une des priorités du Président de la République. Elle atteindra 15 milliards d'euros d'ici à la fin du quinquennat, soit une augmentation de 35 %. Pourtant, sur ce budget, c'est l'opacité absolue. Pour l'année 2017, l'AFD a engagé plus de 10,4 milliards d'euros au financement de différents projets, dont un peu moins de la moitié concerne l'Afrique : 44 des 52 pays africains ont bénéficié de cette aide. Ce seront près de 12 milliards d'euros pour 2018 et 14 milliards d'euros pour 2019.

Les 13 et 14 janvier 2017, à l'occasion du 27e Congrès Afrique-France pour le partenariat, la paix et l'émergence qui s'est tenu à Bamako, le Président de la République a annoncé que les engagements de l'AFD pour l'Afrique continentale seraient portés à 23 milliards d'euros sur cinq ans, de 2017 à 2021, soit une hausse de 15 % par rapport aux engagements précédents de 20 milliards d'euros annoncés pour la période 2014 à 2018. Pourtant, ces augmentations interviennent dans un contexte d'austérité budgétaire imposé au réseau diplomatique pour la période 2019-2022 qui risque d'affaiblir la capacité du ministère des affaires étrangères à maintenir un réel pilotage politique de l'agence, en particulier dans les pays étrangers. En termes diplomatiques, cela signifie que le réseau diplomatique est totalement coupé de cette « banque » AFD. Dès lors, l'AFD doit se coordonner davantage en amont des projets avec le ministère des ambassades et les ambassades afin d'insérer son activité dans un véritable dialogue politique entre l'État et l'équipe « France » du développement.

Enfin, et je pense qu'on peut le dire sans concession aucune, la coopération des pays d'origine à notre politique d'immigration doit devenir une condition de l'aide au développement. Nous devons exiger de ces pays la réciprocité pour faire respecter notre souveraineté nationale. Pourquoi ne pas utiliser l'aide au développement pour financer des projets gouvernementaux aisément contrôlables, par exemple, la mise à niveau de l'état civil national, la sécurisation des documents d'identité, la confection de bases de données biométriques nationales ? Ce sont des exemples parmi d'autres.

Le contrôle des crédits déployés dans le cadre de ces actions pourrait être facilité par des actions de coopération et de formation que la France pourrait y adjoindre. Des partenariats économiques en découleront, l'aide au développement étant l'un des supports de la diplomatie économique et d'influence.

Comme nous l'a proposé Bérengère Poletti, il faut cesser de voter des chapitres, il convient de voter un budget complet et d'avoir un ministère ou une entité ministérielle garantissant la transparence.

Il n'est pas possible de continuer ainsi : nous ne pouvons pas faire comme si nous avions du temps à passer en commission à ne rien construire de concret et comme si nos avis ne comptaient pour rien. Nous ne sommes pas dans un atelier d'occupation, nous sommes parlementaires et nous sommes là pour prendre des décisions en toute transparence !

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Monsieur le rapporteur, pour éradiquer la pauvreté, pour mettre en oeuvre les Objectifs du développement durable (ODD), les Accords de Paris ou encore la protection des biens communs mondiaux, il est essentiel de renforcer le bon usage des financements sur le terrain, et ce d'autant plus s'ils sont voués à être augmentés car là où il y a de l'argent se profilent des schémas de corruption.

En tant que rapporteur, confirmez-vous une réelle évolution de l'évaluation de l'utilisation des fonds par rapport au COM précédent ?

La France a fait le choix de la redevabilité et de l'exemplarité en accompagnant les moyens supplémentaires d'une politique d'évaluation exigeante et qui dit évaluation exigeante, à mon sens, dit transparence. Parmi les 24 objectifs de ce COM, le dernier consiste à renforcer la responsabilité sociale et environnementale et la transparence des activités de l'AFD. Pourquoi cet objectif 24 n'est-il pas assorti d'indicateurs précis ? Est-ce suffisant, selon vous, pour assurer la transparence des activités de l'AFD, lutter contre toute forme d'opacité de l'aide publique au développement et ainsi augmenter l'efficacité de l'aide ?

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Je trouve ce rapport extrêmement intéressant.

Je voudrais connaître les rapports de l'AFD avec l'Europe et plus particulièrement avec l'Allemagne, car si je m'arrête à la situation de l'Afrique et aux valeurs comparées de la coopération allemande et de l'AFD française, je suis fasciné par la différence financière, voire par l'intention politique, parfois évidente, de suppléer une déficience française en mettant en avant l'importance de l'action allemande. C'est très inquiétant. Je suis de plus en plus d'accord avec M. Lecoq ; j'en suis inquiet car cela révèle un problème européen. Nous ne pouvons pas continuer à faire de l'aide au développement en plastronnant.

Il y a quelques jours, j'étudiais la question tunisienne. L'université allemande de Tunis a été payée cash 4 millions d'euros alors que la France et l'AFD proposaient un prêt de 500 000 euros.

Pourriez-vous nous fournir des informations sur les contacts existants entre l'AFD et l'Europe ?

Et puisque c'est « jour de colère », je voudrais vraiment que notre commission s'intéresse à ce qui se passe entre le Quai d'Orsay et l'Allemagne quant à la préparation du Traité franco-allemand car nous n'avons aucune information sur ce traité dont on nous dit qu'il formera dans quelques mois la pierre angulaire de la diplomatie française.

Je ne peux pas imaginer qu'une commission des affaires étrangères ne soit pas saisie des intentions du Gouvernement avant même la signature protocolaire, à grands coups de flonflons, à l'Élysée ou ailleurs, d'un traité à la signature duquel je suis rétif.

Donc, deux questions ; l'AFD a-t-elle des contacts avec l'Europe et l'Allemagne ? Allons-nous pouvoir étudier précisément la concurrence entre les Allemands et l'AFD, notamment en Afrique ?

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À l'instar de nombre de nos collègues, je suis sidérée par ce que j'ai pu observer sur le terrain aux Comores et par la façon dont s'organisent les liens entre le Quai d'Orsay et l'AFD. Parfois, on a du mal à comprendre la place qu'occupe l'AFD. Il nous a été expliqué de façon très technique que l'AFD n'était qu'une banque, si ce n'est que si vous confiez la grande majorité des fonds à une simple banque et à de simples technocrates, ce sont eux qui vont conduire la politique. Or, c'est à nous et au Quai d'Orsay qu'il appartient de conduire une politique. Peut-être pas aujourd'hui, parce que le rapport est très clair et que j'encourage mes collègues à le voter, mais, par la suite, il sera primordial que nous nous impliquions et que ce soit le Quai d'Orsay et les parlementaires qui conduisent la politique d'aide au développement, et non de simples banquiers – ainsi qu'ils se présentent.

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Je partage les propos tenus sur la dimension du pilotage, sur la nécessité de la cohérence et de l'évaluation.

Je voulais interroger sur l'articulation qui existe entre l'aide française au développement et l'aide de l'Union européenne. M. Goasguen a cité l'Allemagne, je cite l'Union européenne.

Je mentionnerai également l'articulation qui existe, même si l'initiative en est différente, entre l'aide au développement de l'État et la coopération décentralisée qui revêt, certes, une dimension plus modeste, mais qui, en termes d'initiatives, d'implication et de sensibilisation de la population, a toute son importance. Il est utile, dans un rapport relatif à l'aide au développement, que l'on mentionne la dimension territoriale.

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Qui aurait dit ce matin que les débats sur ce rapport auraient été si riches ? Cela dit, nous pouvions le deviner au vu de sujets qui touchent à l'aide publique au développement, à l'AFD et à cette ambition extrêmement forte du Président de la République.

Monsieur Maire, vous avez essentiellement présenté des recommandations, des préconisations et des conseils. Nous sommes d'accord sur le pilotage politique. Nous sommes face à une AFD plus grande, plus agile, plus innovante, plus partenariale, qui réclame que soit portée une grande vigilance aux chantiers qui sont mis en oeuvre.

Madame Maquet, le COM répond entièrement aux exigences des Accords de Paris.

Madame Poletti, nous sommes d'accord, le manque de respect du Parlement est flagrant dans la mesure où nous avons été saisis du rapport il y a une quinzaine de jours, nous empêchant de limiter le nombre des auditions. Bien sûr, je n'ai pas de doute sur le fait que l'AFD soit bien dirigée. D'ailleurs, chaque ambassade émet un avis sur tout projet que l'AFD développe sur un territoire et des évaluations sont également réalisées. Il n'en reste pas moins qu'il est totalement anormal que les parlementaires, quel que soit leur parti politique, soient saisis de façon aussi cavalière dans le cadre du contrôle de l'action gouvernementale pour émettre un avis en quinze jours sur le COM, au motif que ce dernier doit être présenté au conseil d'administration de l'AFD fin novembre ou début décembre.

Je m'interroge sur notre prise de position aujourd'hui. Voilà très longtemps que je fais de la politique dans les petites communes, mais, quel que soit le niveau de pouvoir, le rôle du politique est essentiel. Que les administrateurs ne le prennent pas mal, mais la France ne peut être dirigée par une administration. Le rôle du politique est central et le rôle de contrôle de l'action gouvernementale par les parlementaires fondamental. À cet égard, il nous appartient d'être attentifs à cette politique en plein développement qui donnera un pouvoir considérable à l'AFD dans les temps prochains.

Cher Bruno Fuchs, nous avons déjà exposé les raisons de l'examen tardif de ce document.

J'ai auditionné M. Rioux. Il a indiqué qu'il reviendrait devant la commission autant de fois que nous le souhaiterions. Mais la question n'est pas uniquement celle-là. Il nous faut disposer de documents synthétiques – moins que le COM ! – qui nous permettent véritablement d'exercer notre pouvoir de contrôle.

Madame Le Peih, la synergie avec les organisations internationales est une demande forte que nous avons adressée à l'AFD. Il faut, en effet, davantage de financements croisés et de participations venant d'autres acteurs.

Monsieur Teissier, vous êtes intervenu sur les modalités de contrôle et sur la nécessité d'un cadre précis de gestion et de soutien. J'ai répondu à cette question.

Monsieur Julien-Laferrière, vous avez été le premier à avoir proposé une tutelle ministérielle ; d'autres l'ont fait à la suite.

Je suis d'accord avec vous sur la nécessité d'une ambition et d'un affichage politique forts et sur une unicité de responsabilité pour garantir les résultats. Un ministre chargé du développement est l'une des solutions possibles. Il peut y en avoir d'autres, ainsi que l'a proposé Hervé Berville. En tout cas, il faut arriver à cette unicité de responsabilité pour que les résultats soient garantis à l'arrivée.

Monsieur Petit, nous venons tous deux du monde industriel. Il faut un COM et des indicateurs, mesurer leur pertinence, étudier la façon de les suivre, en estimer la fréquence et envisager la façon d'engager des actions correctives.

Monsieur Hutin, j'ai répondu en grande partie, mais pas totalement, sur la position à prendre. Quel message devons-nous envoyer ? Il convient d'en reparler ensemble avec la présidente après mon temps de réponse à vos questions.

Madame Boyer, vous avez exposé un certain nombre de recommandations et dressé un constat d'opacité, en tout cas c'est ainsi que la situation est perçue par les parlementaires.

Nous n'avons pas accès à l'ensemble des données. Si le site internet de l'Agence est très bien fait, il s'adresse essentiellement au grand public et ne répond donc pas aux questions que se posent les députés que nous sommes. Il s'agit de marketing et de communication, alors que les parlementaires réclament des données chiffrées et précises. Je ferai remonter vos questions.

Comme je l'ai précisé, chaque ambassade donne son avis sur chaque projet la concernant. Des sécurités s'appliquent tout au long des procédures, d'où la nécessité de ne pas trop baisser la garde s'agissant de notre réseau diplomatique qui est une forme de garantie de l'ensemble des projets.

Monsieur Goasguen, l'AFD est délégataire de crédits européens. C'est pourquoi nous lui demandons de rechercher des crédits auprès de différents acteurs.

Je laisserai la présidente répondre sur le traité franco-allemand et sur l'aide publique au développement entre Allemands et Français. Sommes-nous partenaires ou concurrents ? La question est intéressante.

J'en viens à notre prise de position. Nous pourrions voter pour et assortir notre rapport, comme l'a fait le Sénat, de remarques ou de recommandations.

Pouvons-nous, dans la mesure où il s'agit d'un vote consultatif, facultatif, que nos débats d'aujourd'hui ont été très riches, que bien des questions ont été posées, ne pas nous prononcer faute d'avoir été saisis dans les temps ? En réorganisant rapidement mon agenda, j'ai eu le temps de procéder à deux auditions, ce qui était très loin de ce qui aurait été nécessaire s'agissant d'un contrat d'objectifs et de moyens. Même si le COM n'est plus valable qu'une seule année, il a pour objet de préparer le futur et aurait dû faire l'objet d'une quinzaine d'auditions afin que je puisse remettre ce matin un rapport circonstancié sur le COM, sur les indicateurs, sur ce qui a été fait pendant deux ans car si cela a fonctionné deux ans sans COM, comment cela a-t-il fonctionné ? Je n'ai pas la réponse.

Le rôle du politique ne consiste pas à manier la langue de bois : il faut dire ce qui fonctionne et ce qui dysfonctionne. Les représentants de la nation doivent faire entendre la nécessité de pratiquer un contrôle plus pertinent de l'AFD, de son fonctionnement, de son COM, même si je n'ai pas d'inquiétude sur le fait que l'Agence est bien tenue, que la sécurité y est assurée, que des contrôles extérieurs et intérieurs sont effectués. L'Agence fonctionne bien, mais les parlementaires jouent un rôle essentiel. C'est la raison pour laquelle je pense que nous pouvons nous interroger collectivement sur la position à prendre pour envoyer un message très clair.

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Merci beaucoup.

Nous reviendrons sur la question du vote ; il était utile de rappeler que le vote du Sénat a été assorti de réserves. C'est une possibilité que nous pouvons retenir si nous le souhaitons.

Notre débat a été très intéressant et substantiel sur le fond. Ce n'est pas la première fois que nous relevons ici le problème qui s'attache à la gouvernance de l'aide publique française au développement en général, non de l'AFD en particulier. Telle est la question qui se pose à nous, et c'est à cette question que notre commission doit apporter des éléments de réponse. Nous avons une responsabilité forte. Il faudra nous saisir du prochain projet de loi d'orientation et de programmation avant qu'il arrive devant notre commission. Je demanderai que l'exécutif tienne compte de la position consensuelle, voire quasi unanime, de la commission des affaires étrangères, sur la question de l'aide au développement.

L'avis d'Hubert Julien-Laferrière, le rapport de Bérengère Poletti et de Rodrigue Kokouendo et celui de Hervé Berville, tous ces documents, sans exception, s'inscrivent dans le même sens pour demander un pilotage accru, identifié, visible et lisible ainsi que des réformes de l'aide publique au développement. Nous avons beaucoup parlé de l'AFD, mais il faut repenser notre aide publique au développement dans sa globalité.

Nous allons connaître une augmentation budgétaire. Je salue la concrétisation de cet engagement fort du Président de la République, mais la qualité devra prolonger la quantité budgétaire. Peut-être serait-il utile de repenser notre aide au développement, notamment dans sa répartition. En Grande-Bretagne, le cinquième de l'aide publique au développement, soit plus d'un milliard d'euros, est géré par des ONG, contre à peine 3 % en France. L'AFD est-elle là pour faire ou pour faire faire ? Quand on est un opérateur fort et solide, n'est-il pas préférable parfois de faire faire par des ONG ? Nos questions ne se limitent pas au pilotage, au contrôle et à l'évaluation, elles portent sur la politique qui est conduite et sur sa substance.

Notre commission devrait défendre une façon de faire et penser l'aide publique au développement de manière plus décentralisée. Notre politique devrait se fonder sur la confiance et passer par les ONG comme cela se pratique, par exemple, en Grande-Bretagne. Cela suppose des actions bilatérales plus nombreuses sans pour autant renier les aides multilatérales, plus de dons et pas uniquement des prêts, une priorisation et une hiérarchisation des priorités.

Parce que cela n'est jamais fait, je souhaite que nous abordions la répartition de l'aide publique. La Grande-Bretagne est exemplaire du point de vue de sa coopération et de son aide au développement, parce qu'elle fait faire par un comité de pilotage, elle ne fait pas tout. C'est une bonne chose que l'AFD prenne de l'ampleur en absorbant Expertise France, qui deviendra un opérateur d'importance. Cet opérateur a-t-il vocation à tout assumer par lui-même, ou bien à « faire faire » ? De ce point de vue, je crois davantage à des délégations, à des coopérations, au « faire-faire » ; la manière de procéder en Grande-Bretagne est préférable à ce qui se pratique en France. Telles sont les questions en suspens.

Notre commission doit être entendue dans le cadre du futur projet de loi d'orientation et de programmation avant qu'il ne soit décidé. Nous l'amenderons, nous ferons notre travail de parlementaire. Je demande que nous participions à la phase cruciale d'élaboration de la loi afin de peser sur la substance de cette loi de programmation et d'orientation.

Par ailleurs, nous demandons un comité de pilotage politique identifié, soit sous la responsabilité du Premier ministre, comme Hervé Berville l'a proposé, soit sous la forme d'un ministère du développement. Ces questions doivent être posées.

Enfin, une fois définies les politiques publiques et repensée l'aide au développement qui, selon moi, doit être transformée en partie en conservant le meilleur et peut-être en améliorant le reste, il faudra renforcer, voire faire exister l'évaluation et le contrôle du Parlement. Disons la vérité des choses : aujourd'hui, le Parlement n'évalue et ne contrôle rien. J'ai été très heureuse de constater que M. le rapporteur et moi-même étions exactement sur la même ligne de pensée. Il s'agit de bon sens. D'ailleurs, tous au sein de cette commission partagent la même expertise sur ce contrat d'objectifs et de moyens.

Il nous faut des COM qui soient d'une nouvelle génération, sérieux, élaborés avec nous et pas seulement dans un bureau, je ne sais où, dans un ministère. Il nous faudra y participer en amont et pas uniquement en aval. Si le contrat devait passer à quatre ans, une évaluation annuelle et un contrôle permanent s'avéreront indispensables.

Les parlementaires membres du conseil d'administration devront exercer cette évaluation et ce contrôle permanent en liaison avec nos rapporteurs : soit nos rapporteurs pour avis budgétaire, soit ceux qui sont saisis des COM. Un travail d'évaluation et de contrôle nous attend et nous allons devoir prendre nos responsabilités.

Voilà résumée la position que nous pourrions porter. Je suis d'accord avec M. le rapporteur pour étudier la position du Sénat. Sa proposition va dans le bon sens. Il est important d'assortir nos votes des réserves que nous venons d'exprimer.

Monsieur Goasguen, la commission des affaires étrangères n'est pas saisie du traité parlementaire franco-allemand car la préparation de ce traité a relevé d'un groupe de travail spécifique co-présidée par la Présidente de la Commission des affaires européennes et dans lequel siège un représentant de chaque groupe parlementaire. Ce groupe de travail a élaboré un texte. À diverses reprises, j'ai demandé au président de l'Assemblée que nous y soyons associés. Nous pourrons nous saisir prochainement de ce texte en cours de finalisation. Pour le dire diplomatiquement, la façon de travailler n'est pas optimale. Il est prévu que tout cela débouche sur une résolution au titre de l'article 34-1 de la Constitution, autrement dit non amendable en séance, mais dont le projet peut être modifiée jusqu'à la présentation au Gouvernement.

M. Sylvain Waserman est membre de ce comité de travail ; je lui laisse la parole.

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Je rappelle les différentes étapes.

22 janvier 2018 : renégociation du Traité de l'Élysée et décision de lancer un groupe de travail de dix-huit députés transpartisans : neuf Français, dont je fais partie, neuf Allemands.

Après avoir travaillé pendant huit mois, les députés ont abouti à une proposition que je résumerai d'une phrase. Une assemblée parlementaire franco-allemande de cinquante députés français et de cinquante députés allemands dont les objectifs sont triples : le contrôle conjoint de la mise en oeuvre d'un nouveau Traité de l'Élysée tel qu'il sera défini ; le travail sur la convergence des droits allemand et français, notamment de l'environnement réglementaire des entreprises et des transpositions plus systématiquement identiques des directives européennes entre la France et l'Allemagne ; le travail entre commissions thématiques pour envisager les thématiques communes que les deux Parlements porteront ensemble au niveau européen.

Cette proposition a été présentée mi-septembre aux bureaux des deux assemblées pour obtenir leur aval. À la mi-septembre, à Lübeck, les deux présidents et les bureaux ont affirmé leur soutien à cette proposition qui doit faire l'objet d'une présentation aujourd'hui. Elle devra être validée, au cours d'une troisième étape, par les bureaux et les groupes politiques du Bundestag et de l'Assemblée nationale.

Si nous parvenions aujourd'hui, ce qui est fort à parier, à un accord majoritaire, nous entrerions dans la logique d'une résolution qui sera présentée au vote aux deux parlements, idéalement le 22 janvier prochain, date anniversaire du Traité de 1963.

Je vous rejoins, madame la présidente, pour juger indispensable que la commission des affaires étrangères ait un temps de débat et d'études si la proposition passait l'étape d'aujourd'hui.

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Je suis consterné par ce que je viens d'entendre ! Ainsi, d'ici le 22 janvier, nous signerions faire un acte politique majeur qui entraînera des conséquences pour plusieurs années, voire plusieurs décennies, alors que nous n'aurons disposé d'aucune évaluation du passé ?

Je veux absolument travailler sur la coopération franco-allemande. Nous n'allons pas juger du nouveau Traité de l'Élysée sans chercher à en évaluer les bénéfices, les avantages ou les inconvénients. Je ne m'engage pas pour les générations futures à partir d'un voeu de deux exécutifs qui sont, par ailleurs, l'un et l'autre en difficulté.

Madame la présidente, outre les problèmes européens, se posent des problèmes de convergence des attitudes nationales de la France comme de l'Allemagne. Je pense à la coopération. Pouvons-nous imaginer que nous allons discuter des impôts ou des taxes ? Non. Si nous ratifiions un tel traité – ainsi que cela se profile fortement –, il faudrait alors que l'Allemagne fasse des efforts.

Il faut absolument que nous soyons consultés. La question des traités franco-allemands n'est pas simplement européenne, c'est une affaire politique majeure. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères doit être associée.

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Je valide vos propos. Nous tiendrons ce débat.

Merci, monsieur Waserman, de nous avoir fourni tous ces éclairages, mais il faut reconnaître que le fonctionnement parlementaire peut nous interroger. En tout cas, il est positif que la communication se soit faite ce matin. Merci à Claude Goasguen d'avoir appelé notre attention sur ce sujet.

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Je reviens sur la question du vote à émettre.

Le groupe Les Républicains considère que la position exposée par M. Hutin est la meilleure. La non-participation au vote me semble porteuse d'un message très clair.

Je voudrais vous faire part d'une phrase que l'on m'a souvent répétée quand je me formais à la politique : « Votez pour avec des réserves, on ne retiendra que le vote pour. » Si la commission s'exprime pour, c'est un vote pour qui sera enregistré.

Nous ne prenons aucun risque politique, notre vote ne décidera pas de l'application ou non du COM. Nous aurions un peu de tempérament, me semble-t-il, à nous prononcer unanimement pour la non-participation au vote.

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Associer le Parlement dès le début me semble, comme à vous, indispensable.

Mes chers collègues, si je suis d'accord avec les propos que vous avez tenus, je considère que vous exagérez un peu maintenant.

Si l'on fait un peu d'histoire politique, les COM, de l'AFD comme d'autres organismes, ont rarement été délivrés à temps. Il ne faut pas en faire, comme certains s'y essayent ici, le symbole d'une pratique du pouvoir du Président de la République. Je souscris à votre propos lorsque vous appelez à un meilleur pilotage politique et demandez que le Parlement soit associé pleinement dès le début. Repousser le vote nous contraindra à remettre l'ouvrage sur le métier l'année prochaine car le COM est nécessaire pour 2019.

L'opportunité se présente de voter une loi d'orientation et de programmation. En 2014, nous avions voté une simple loi d'orientation. Il faudra que nous soyons impliqués dès le début de la préparation de la loi. Le Parlement aura l'opportunité de programmer, de donner de la visibilité aux crédits et à l'action entreprise au cours des cinq prochaines années dans une trajectoire ascendante mais surtout de remettre à plat de nombreux sujets, notamment les COM ainsi que les conseils d'orientation stratégiques (COS). C'est le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, qui a remis au goût du jour les conseils d'orientation stratégiques qui visent à piloter l'AFD après quatre ans sans COS, marquant ainsi la volonté du Président de la République et du Gouvernement de revenir à des outils de pilotage politique.

J'entends les réserves émises sur un certain nombre de sujets, mais ne faisons pas de ce COM un symbole de quelque chose qui n'est pas puisque, précisément, depuis un an, nous faisons en sorte de réintroduire le pilotage politique et d'y replacer le Parlement au centre, ce dont nous sommes encore assez éloignés. La loi d'orientation et de programmation prochaine permettra de remettre l'ouvrage sur le métier et de faire en sorte que le Parlement soit pleinement intégré à cette politique.

Le groupe La République en Marche émettra un vote « pour » assorti de nos réserves, ainsi que l'a fait le Sénat. Il faut que nous nous inscrivions sur cette voie politique constructive : des problèmes demeurent, que nous réglerons à la faveur de la loi d'orientation et de programmation.

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Le COM est conforme à tout ce qui a été dit, écrit et travaillé, que ce soit au CICID ou dans le plan d'action voté au mois d'août. Même si le document est succinct et difficile à suivre puisqu'il est présenté aujourd'hui, je n'ai pas aucun doute sur le fait que notre bras armé qu'est l'AFD fait très bien son travail. Mais nous sommes les représentants de la Nation. Nous recevons un document sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer et qui couvre les années de 2017 à 2019, année 2019 incluse. Deux années se sont écoulées sans que le COM puisse s'appliquer, dans la mesure où il n'avait été présenté ni au Parlement ni au conseil d'administration. En tant que parlementaires, nous envoyons une image étrange sur un sujet très important pour l'ensemble des Français, et qui parfois divise. Nous réclamons plus de transparence. Il n'est donc pas possible d'expliquer que les parlementaires sont saisis d'un COM qui court de 2017 à 2019 et qu'ils se prononcent fin 2018 sur un contrat qui s'exercera uniquement en 2019.

Je suis un député engagé, investi, responsable, et la question me pose difficulté. Il était important que nous débattions ce matin du COM. C'est ce que nous avons fait, nous avons tenu ce débat, qui s'est révélé extrêmement riche.

Plus que de notre mauvaise humeur ou de notre mécontentement d'avoir été saisis tardivement, la question est celle de la cohérence au regard du mandat que nous assumons. Je suis, comme vous, élu depuis 2017. Je dois me prononcer sur un document qui portera uniquement sur 2019. En termes de responsabilité vis-à-vis des Français, je ne suis pas véritablement en phase. Dans la mesure où ce COM arrive très tardivement, il ne s'agit plus d'un vote consultatif, mais d'un vote facultatif. Il est plus que temps de revenir à un vrai pilotage. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, je ne me prononcerai pas sur ce COM et j'expliquerai pourquoi : il court sur trois ans et, dans la mesure où deux ans se sont écoulés, il s'applique uniquement à 2019.

Il est nécessaire de revenir à une saine pratique qui consiste à étudier les COM avant qu'ils n'entrent en application, afin d'en assurer le suivi. Telle est ma position, qui ne remet nullement en cause le fait que celui-ci soit présenté au conseil d'administration de l'AFD qui l'adoptera, et qu'il s'applique en 2019. Mais ma responsabilité d'élu m'engage à ne pas me prononcer sur un COM décidé pour trois ans, alors que deux années sont déjà écoulées et que son application n'a pas été effective à la date prévue.

Voilà donc ma position assortie de l'ensemble des explications, des recommandations et des précisions que nous avons apportées au cours du débat de ce matin. Vous avez été nombreux à vous exprimer. Nous procéderons à une synthèse de vos propos qui seront rapportés à l'AFD et aux différents ministères de tutelle.

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Je préciserai notre position.

S'il devait y avoir une dynamique de commission, nous la suivrions et ne participerions pas au vote, en précisant que nous n'acceptons pas la situation à laquelle nous sommes confrontés et que nous ne voulons plus qu'elle se reproduise même si cette façon de faire se pratiquait déjà. Mon collègue Hervé Berville a raison, cela se produisait avant. Ce n'est donc pas une critique, mais nous ne voulons plus que cela se passe ainsi.

Si aucune dynamique collective ne devait se dessiner, nous voterions contre : non pas contre le rapport présenté par notre collègue Barbier, mais contre la démarche.

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Deux positions sont possibles. Premièrement, la loi prévoit que la commission peut émettre un avis, ce qui signifie, a contrario, qu'elle peut décider de ne pas en émettre. Le rapporteur a un avis, celui de ne pas émettre d'avis.

Deuxièmement, nous pouvons voter le rapport, dont le contenu est pertinent sur la nécessaire politique d'aide au développement, et décider de ne pas émettre d'avis sur le COM.

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Il me semble compliqué que la commission n'émette pas d'avis, les gens ne comprendraient pas.

J'avais proposé que nous ne nous prononcions pas, mais que nous le fassions d'une manière officielle, en expliquant que la situation ne nous satisfait pas. C'est ce que vous avez dit très honnêtement, monsieur le rapporteur, de même que Mme Poletti et M. Lecoq. Si aucun groupe ne se prononçait, ce serait un acte politique. Mais ce ne sera manifestement pas le cas, puisque nous n'aurons pas l'unanimité. Si certains décidaient de voter « pour » à l'instar du Sénat en émettant des réserves, je resterais, pour ma part, sur la position annoncée par M. Lecoq et par le groupe Socialistes et apparentés : voter contre pour marquer notre désappointement.

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Je partage ce point de vue, nous sommes d'accord, mais ce serait un signal plus fort du Parlement, y compris au regard des critiques qui se sont exprimées au sein de tous les groupes politiques, de votre part en particulier, madame la présidente, si nous ne nous prononcions pas. Je n'aurais pas plaisir à voter contre. Nos critiques sont partagées, nous manifestons une insatisfaction, nous partageons le sentiment selon lequel le Parlement est insuffisamment associé à cette feuille de route. Monsieur le rapporteur, ne le prenez pas comme une défiance personnelle, mais nous sommes face à un enjeu politique. Il serait plus raisonnable de procéder de la sorte.

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Nous nous acheminons vers une décision par consensus de notre commission, qui serait donc un refus de se prononcer ?

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On nous demande, sur ce COM, un avis que nous pouvons assortir de réserves. Les rendez-vous très importants et structurants pour l'avenir qui nous attendent nécessiteront sans doute que nous formulions des propositions visant à bouleverser la logique qui préside à l'implication des parlementaires dans la rédaction des COM. Selon moi, ces seconds rendez-vous nous engagent plus fortement. Il n'y a jamais eu autant de parlementaires qui, depuis, quinze mois, s'intéressent à l'AFD et à son action.

Dès lors que l'on nous saisit d'un document, nous exprimons un avis critique, mais clair. Nous nous situons dans le dialogue normal entre exécutif et législatif, il n'y a pas de crise.

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Je voudrais dire à nos collègues de La République en Marche que notre position n'est ni partisane ni dogmatique. Nous sommes les premiers à marquer la nécessité d'augmenter l'aide publique au développement comme de modifier les objectifs et procédures de cette aide. Nous sommes plutôt d'accord avec les orientations du Président de la République, même si le Parlement devra en contrôler l'exécution.

Aujourd'hui, la question est de forme. On nous demande d'émettre un avis sur le fond sur un contrat d'objectifs et de moyens passé, y compris s'agissant de 2019, puisque nous sommes en train de voter le budget. Nous n'avons même pas les moyens d'impacter les inscriptions au titre de 2019.

Refuser d'émettre un avis serait un signal puissant des parlementaires. Cela dit, je me range à l'avis de Christian Hutin. Si nous ne pouvons obtenir un vote unanime, nous nous orienterons vers un vote contre pour un problème de forme. Cela dit, je préférerais que l'ensemble de la commission refuse de voter.

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Dans tous les cas, un certain consensus s'exprime : nous sommes, en effet, tous d'accord sur le fond, peut-être pas sur la forme. Quoi qu'il en soit, il n'est pas question que nous soyons privés de vote ; aussi, la commission s'exprimera-t-elle.

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Je vous propose de voter sur l'avis présenté par le rapporteur sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD et sur l'autorisation de sa publication sous forme de rapport d'information.

La commission adopte l'avis favorable mais assortis de réserves présenté par le Rapporteur et autorise sa publication sous forme de rapport d'information.

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En tout état de cause, les questions de fond devront être traitées. Les réserves, nombreuses, et les exigences, non moins nombreuses, seront notées.

La séance est levée à onze heures trente.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 14 novembre 2018 à 9 h 30

Présents. - Mme Clémentine Autain, M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, Mme Valérie Boyer, Mme Annie Chapelier, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, M. Michel Fanget, M. Bruno Fuchs, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Claude Goasguen, M. Philippe Gomès, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferriere, Mme Aina Kuric, M. Jean Lassalle, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, M. Jacques Maire, Mme Jacqueline Maquet, M. Denis Masséglia, Mme Monica Michel, Mme Delphine O, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Portarrieu, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, Mme Michèle Tabarot, M. Buon Tan, M. Guy Teissier, Mme Valérie Thomas, M. Sylvain Waserman

Excusés. - M. Lénaïck Adam, M. Bruno Bonnell, M. Moetai Brotherson, Mme Samantha Cazebonne, Mme Mireille Clapot, M. Olivier Dassault, M. Christophe Di Pompeo, Mme Laurence Dumont, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, Mme Sonia Krimi, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, M. Maurice Leroy, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Hugues Renson, M. Joachim Son-Forget, Mme Sira Sylla, Mme Liliana Tanguy

Assistait également à la réunion. - M. Philippe Michel-Kleisbauer