Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 20 novembre 2018 à 17h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Examen, ouvert à la presse, et vote sur les trois projets de loi.

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse et de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière (n° 390) – M. Bruno Fuchs, rapporteur.

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Chers collègues, je suis très heureuse de saluer la présence parmi nous de Pascal Lavergne, nouveau député de La République en marche.

Notre ordre du jour appelle l'examen de trois conventions. Nous allons commencer par l'examen du rapport de Bruno Fuchs sur le projet de loi autorisant l'approbation des accords-cadres sur la coopération sanitaire transfrontalière avec la Suisse et le Luxembourg. Vous vous souvenez qu'un premier examen de la commission a été effectué en février dernier et que nous avions conclu à une nécessité d'approfondir ce rapport en raison de doutes émis par le rapporteur sur la portée juridique et pratique des accords ainsi que sur leur méthodologie d'application sur le terrain. Cette position était liée également à un litige qui existait avec l'État concernant l'affiliation sociale de 9 000 frontaliers alsaciens travaillant en Suisse. Il avait été décidé par notre commission de constituer un groupe de travail en son sein. Nous allons entendre les conclusions des travaux de ce groupe ainsi que ses recommandations pour ce projet de loi. Sont aujourd'hui à la tribune Bruno Fuchs, comme rapporteur du projet de loi, et Frédéric Barbier, comme rapporteur au nom du groupe de travail, que je remercie pour le travail effectué au cours des derniers mois.

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Au terme de ces travaux, je salue l'excellent climat dans lequel ils se sont déroulés et la mobilisation de tous ceux qui y ont pris part.

Je rappelle le contexte. En février dernier, nous avons eu un premier débat sur ce projet de loi. À cette occasion, des interrogations s'étaient exprimées sur l'utilité, la gouvernance et l'efficacité des accords-cadres qu'il vise à approuver. Nous avons donc formé un groupe de travail au sein de notre commission, constitué, outre Frédéric Barbier et moi-même, d'Olga Givernet, Marion Lenne, que je salue, Isabelle Rauch, Jean Luc Reitzer, Joachim Son Forget et Sylvain Waserman. Nous avons auditionné une vingtaine de personnalités à Paris et nous sommes déplacés à Genève et à Bâle.

Nous allons revenir sur les points de débat, dont l'un des principaux concernait le choix des acteurs administratifs chargés de signer les conventions locales, en particulier celui de la seule caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Haute-Savoie pour les rapports avec la Suisse, alors que, dans ce pays, les choses relèvent de chaque canton. Ces considérations nous avaient amenés à reporter le vote sur le projet de loi.

Nous n'allons pas revenir longuement sur les clauses des deux accords. En eux-mêmes, les accords-cadres ne créent pas les coopérations transfrontalières. Il appartiendra aux acteurs administratifs et locaux de les développer et de les faire vivre. Et derrière il faudra une volonté politique forte. C'est dans ce sens que vont les conclusions du groupe de travail, que nous voulons vous présenter.

C'est sur ces points que nous nous sommes concentrés, c'est-à-dire à faire des propositions que permettent d'assurer une meilleure mise en oeuvre de ces accords, autant dans l'exécution que dans la sécurisation et la gouvernance des coopérations.

Nous avons d'abord examiné ce qu'avaient pu donner les accords-cadres passés entre 2005 et 2008 en matière de coopération sanitaire transfrontalière avec l'Allemagne, l'Espagne et la Belgique, puisque ceux avec le Luxembourg et la Suisse sont similaires. Ces accords avec l'Allemagne, l'Espagne et la Belgique n'ont pas été à l'origine de toutes les coopérations sur le terrain, qui, partant d'initiatives locales entre hôpitaux, étaient antérieures. Mais les accords-cadres ont conduit à un développement plus général de ces coopérations, par exemple une systématisation avec la Belgique, où toute la frontière commune est maintenant couverte par des « zones organisées d'accès aux soins transfrontaliers ». Ce type d'accords a donc un impact réel.

Pour le moment, on doit bien reconnaître que les coopérations avec nos voisins suisses ou luxembourgeois sont assez limitées dans le domaine de la santé, alors que de très beaux projets concrets ont pu se réaliser dans d'autres domaines, par exemple les transports. On pense par exemple à l'aéroport Bâle-Mulhouse, unique aéroport binational, et même trinational, à la future liaison ferroviaire CEVA (Cornavin – Eaux-Vives – Annemasse), qui désengorgera la circulation dans l'agglomération genevoise, ou encore à la réouverture de la ligne Belfort-Delle, qui permettra de mieux connecter dans le Jura les réseaux ferrés des deux pays. Il est donc utile de signer des accords et de renforcer les coopérations.

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L'élargissement des coopérations dans le domaine de la santé est particulièrement nécessaire. Leur objectif doit d'abord être de répondre aux besoins exprimés par les populations des bassins de vie frontaliers ; le patient doit être placé au centre. Or, aujourd'hui, que ce soit côté suisse ou français, on peut dire que ce sont les contingences organisationnelles et comptables qui prédominent. Les coopérations transfrontalières peuvent aussi, ce n'est pas contradictoire, offrir des opportunités de gérer de manière plus rationnelle l'offre de soins en prenant en compte les besoins et les moyens au niveau de l'ensemble de chaque bassin de vie transfrontalier. On l'a vu à Bâle, qui s'apprête à lancer un plan de reconstruction d'une partie de son hôpital universitaire pour un milliard d'euros. Il serait rationnel et efficace de penser également les investissements sanitaires en termes de bassins de vie transfrontaliers, plutôt que d'arrêter les réflexions, de façon réductrice, à la frontière.

Le faible développement des coopérations sanitaires avec nos voisins suisses et luxembourgeois, jusqu'à présent, n'est pas seulement imputable à l'absence d'accords-cadres avec eux dans ce domaine. D'autres facteurs sont en jeu.

Tout d'abord, il faut relever les différences importantes de niveaux de vie, de salaires, de coûts de santé entre ces deux pays et la France, de l'ordre de 1 à 2,5, voire parfois plus. C'est une situation très spécifique car on ne retrouve pas du tout les mêmes écarts avec nos autres voisins, espagnols, italiens, allemands ou belges.

Ces écarts peuvent représenter une opportunité pour les professionnels français qui reçoivent dans leurs cabinets des Luxembourgeois attirés par leurs tarifs ou des travailleurs frontaliers affiliés au Luxembourg, car ceux-ci bénéficient de droit d'une prise en charge par la sécurité sociale luxembourgeoise de ces soins dispensés en France. Il en va de même sur certaines parties de la frontière franco-suisse.

Mais ces écarts de rémunérations entraînent aussi une attraction considérable pour les professionnels français, qui sont tentés d'aller prendre des emplois à Genève ou à Luxembourg. Par exemple, deux tiers des infirmiers des Hôpitaux universitaires de Genève sont français. Corrélativement les hôpitaux haut-savoyards ont des problèmes de recrutement et de fidélisation ; on constate dans ces établissements des turn-over annuels supérieurs à 20 %, avec de nombreux départs vers les établissements de Genève.

Dernière conséquence des écarts de coûts de santé : les autorités françaises de santé et de sécurité sociale sont réticentes à passer des accords qui aboutiraient parfois au financement par la France de soins dispensés de l'autre côté de la frontière.

Autre conséquence plus générale de l'attraction des salaires suisses et luxembourgeois, le nombre très élevé de travailleurs transfrontaliers. Sur environ 360 000 frontaliers qui, chaque jour, quittent leur domicile français pour aller travailler à l'étranger, un sur deux va en Suisse, un sur quatre au Luxembourg. Ces effectifs sont en forte augmentation tendancielle et cela engendre un grand dynamisme démographique dans certaines zones frontalières. Mais cette situation rend aussi plus forte la demande de fluidité dans l'accès aux soins transfrontaliers et aggrave les enjeux de la démographie médicale dans ces zones.

Une autre difficulté doit être signalée avec la Suisse, qui n'appartient pas à l'Union européenne, mais négocie des arrangements au cas par cas. Cela signifie que les règles générales européennes ne s'appliquent pas toujours avec la Suisse. Ce pays est par exemple intégré à la coordination européenne de sécurité sociale, qui permet la prise en charge par la sécurité sociale du pays d'origine de soins en urgence ou de soins programmés lourds autorisés. Mais la Suisse n'a pas reconnu la directive santé de 2011, qui est essentielle pour les soins ambulatoires courants transfrontaliers, car elle prévoit la prise en charge de ceux-ci par la sécurité sociale d'affiliation. Par ailleurs, en matière d'affiliation des travailleurs transfrontaliers, alors que le droit européen impose l'affiliation dans le pays de travail, l'accord européen avec la Suisse offre un droit d'option entre pays de résidence et pays de travail. Cette souplesse a entraîné de multiples difficultés et litiges, qui sont en voie de règlement suite à un accord bilatéral franco-suisse de 2016 et à une jurisprudence très claire de la Cour de cassation de mars dernier.

Enfin, la Suisse est un État fédéral, ce qui complexifie les relations avec notre pays, qui reste très centralisé.

Nous avons également identifié plusieurs difficultés imputables à notre organisation administrative, mais nous allons les rappeler en même temps que nous présenterons les recommandations du groupe de travail, car il convient bien sûr de les corriger.

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Nous avons élaboré quinze recommandations, regroupées par blocs.

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La première série de nos recommandations est centrée sur la mise en oeuvre d'engagements gouvernementaux et la mobilisation des administrations. Elles demanderont donc une mobilisation du politique, en particulier du Gouvernement et de l'administration, pour qu'elles soient effectivement appliquées.

La première proposition concerne le choix, fait dans l'accord avec la Suisse, d'avoir une seule caisse primaire d'assurance maladie, celle de Haute-Savoie, comme caisse référente habilitée à signer des accords locaux de coopération, donc par exemple, même des accords locaux qui concerneraient l'Alsace, le Doubs… Nous avons près de 600 kilomètres de frontière avec la Suisse, six départements de trois régions concernées. Nous pensons qu'il faudrait au minimum une caisse primaire référente par région concernée, donc trois au total, afin d'assurer la coordination avec l'échelon administratif impliqué au niveau du ministère de la santé, échelon qui est régional puisqu'il s'agit des agences régionales de santé (ARS). Le mieux pour corriger ce point serait d'amender l'accord-cadre avec la Suisse et son protocole d'application, puisque ce principe de la CPAM de Haute-Savoie seule référente y est inscrit. À défaut de cette renégociation, il faudra trouver le moyen d'impliquer les CPAM des autres départements frontaliers ; elles devront être fortement associées aux coopérations transfrontalières locales dans leur ressort et être en mesure d'informer les usagers sur leurs conséquences.

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C'est peut-être la plus forte de nos recommandations, puisqu'elle envisage d'amender l'accord-cadre avec la Suisse ou, du moins, pour ne pas entraver son entrée en vigueur, d'adapter son application.

La deuxième proposition est plus qu'un rappel : comme la ministre Agnès Buzyn s'y est engagée après l'arrêt de la Cour de cassation du 15 mars dernier, le Gouvernement doit régler définitivement le litige sur la double affiliation des frontaliers en demandant aux organismes de sécurité sociale français de reconnaître la radiation des frontaliers concernés à leur date d'affiliation en Suisse, de restituer en conséquence les cotisations sociales indûment perçues et d'abandonner les poursuites relatives à ces cotisations. C'est en bonne voie, mais il fallait le rappeler.

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En troisième proposition, nous recommandons également un effort général d'information de tous les habitants – les travailleurs frontaliers, qui sont souvent déjà assez informés, mais aussi les autres personnes – et des professionnels de santé des régions frontalières. Actuellement, ce sont souvent les associations de frontaliers qui diffusent, avec des moyens limités, l'information la plus riche. Les caisses primaires d'assurance maladie des départements frontaliers doivent s'organiser pour diffuser une information pertinente et être en mesure de répondre aux interrogations des usagers.

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Nous en venons à un bloc de propositions centrées sur la mobilisation des administrations. Notre quatrième proposition demande une plus forte mobilisation des ARS, autorités de référence selon les accords-cadres. Alors que la loi dispose qu'elles doivent insérer un volet transfrontalier dans les projets régionaux de santé qu'elles élaborent, c'est actuellement le cas de deux seulement des trois ARS concernées que nous avons auditionnées, et encore avec un degré d'implication variable. Il nous apparaît également nécessaire – c'est notre cinquième proposition – que chaque ARS dispose dans son équipe de direction d'un cadre de référence chargé des enjeux transfrontaliers. On ne peut pas se contenter de les confier au cas par cas aux délégués départementaux de l'ARS dans les départements frontaliers. La sixième proposition vise à développer les interactions entre ARS et préfectures de région, afin de mobiliser les conseillers diplomatiques de celles-ci sur les problématiques sanitaires transfrontalières, et la septième concerne la création d'un cadre d'échange des bonnes pratiques en matière de coopérations transfrontalières, afin que les ARS puissent partager leur expérience.

Enfin, huitième proposition concluant ces recommandations à portée nationale, nous suggérons de mettre en place un soutien national dédié aux coopérations transfrontalières, afin de compléter les financements européens INTERREG sur lesquels elles reposent actuellement le plus souvent, qui présentent la limitation d'être intrinsèquement temporaires.

Toutes ces propositions, pour être mises en oeuvre, devront être portées par les autorités politiques.

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Après ces recommandations qui s'adressent surtout au Gouvernement, nous avons des recommandations que l'on pourrait dire plus girondines, inspirées des éléments remontant des territoires. Nous ne devons jamais oublier que l'intérêt des personnes, plus précisément en l'espèce des patients, doit être la priorité. La neuvième proposition est de toujours veiller à la réciprocité dans la co-construction transfrontalière d'offres de soins, ce qui ne va pas de soi, car chacun a tendance à « vendre » en quelque sorte ses compétences sans se préoccuper des contreparties. La dixième proposition s'inscrit dans la perspective d'une future co-construction des offres de soins : il s'agirait de développer les instances permettant dans les bassins de vie transfrontaliers une connaissance partagée des besoins de santé et un diagnostic partagé des priorités qui en résultent. Cet exercice devra non seulement prendre en compte le coût des soins, mais aussi celui des transports sanitaires, et plus généralement les coûts sociaux-économiques subis par les patients. La onzième proposition concerne la question particulièrement sensible de la démographie des professions médicales et paramédicales, qui doit être traitée. La douzième concerne les enjeux relevant du droit civil et de la police générale – formalités d'état-civil des nouveau-nés transfrontaliers si l'on envoie les parturientes au-delà de la frontière, rapatriement des personnes décédées, transmission de données personnelles médicales, passage des frontières par les véhicules sanitaires et de secours… Ces points doivent être traités. Il faut donc associer aux discussions les acteurs administratifs pertinents, notamment les préfectures.

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Pour que ces enjeux soient bien pris en compte, nous pensons enfin qu'il faut mettre en place une véritable gouvernance démocratique des coopérations transfrontalières – ce que nous proposons pour la Suisse et le Luxembourg pourrait être étendu aux autres pays limitrophes. L'administration ne doit pas être laissée seule. Nous recommandons en treizième point de constituer des commissions d'usagers, de professionnels de santé et d'élus des territoires dans les bassins de vie frontaliers, qui seront chargées de contribuer à la mise en place et au suivi des conventions locales de coopération sanitaire transfrontalière. Quatorzième point, le suivi par les élus. Nous souhaitons pouvoir continuer à suivre ces questions dans notre Assemblée nationale, à travers une instance ad hoc, qui pourrait être notre groupe de travail qui poursuivrait ses travaux ou bien un groupe d'études à constituer. De plus, les accords-cadres prévoyant des commissions mixtes de suivi, il faut que des élus territoriaux etou nationaux, et pas seulement des hauts fonctionnaires, y prennent part.

Enfin, selon la quinzième proposition, qui est plus spécifiquement alsacienne actuellement mais avec des possibilités d'élargissement futur, la coopération sanitaire transfrontalière devrait être l'un des domaines d'exercice du « droit à l'expérimentation » dans le cadre de la nouvelle « collectivité européenne d'Alsace », puisque celle-ci sera chef de file sur les enjeux transfrontaliers.

Sous réserve de cet ensemble de recommandations, nous proposons à la commission d'adopter le projet de loi qui permettra l'entrée en vigueur des deux accords-cadres. Ces accords ne sont pas parfaits, mais peuvent déboucher sur des réalisations concrètes si le Gouvernement mobilise pour cela les administrations et si les citoyens et les élus sont réellement associés à la démarche dans les territoires frontaliers. Nous souhaitons enfin que le projet de loi puisse être débattu en séance publique, afin de pouvoir échanger avec le Gouvernement sur nos recommandations.

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Voter de façon éclairée et exercer le contrôle démocratique qui nous incombe, telles étaient, il y a dix mois, les raisons qui nous ont poussés à surseoir au vote de ce projet de loi. Nous avons pris le temps de poursuivre les investigations avec le groupe de travail.

Nous avons mis en lumière, entre autres, que le projet régional de santé des agences régionales de santé Grand-Est et Bourgogne-Franche-Comté prend en compte la dimension frontalière, dans un objectif d'optimisation de l'offre de soins et des dépenses de santé. À l'inverse, l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes attend l'approbation de ce projet de loi pour envisager un volet transfrontalier dans son projet régional de santé. Lors de nos déplacements, une membre de la commission santé du Comité régional franco-genevois, une des plus anciennes instances de coopération transfrontalière franco-suisse, qui est coprésidé par le préfet de région Auvergne-Rhône-Alpes et le président du conseil d'État genevois, nous a fait part de la politique de la chaise vide suivie jusqu'alors par l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes.

Par ailleurs, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) n'ont pas de contact avec les groupements hospitaliers territoriaux Nord ou Sud de la Haute-Savoie. Qu'en est-il donc de leurs relations avec le centre hospitalier universitaire vaudois ou l'hôpital Riviera-Chablais. Au regard de ce qui se passe localement dans les hôpitaux du Léman à Thonon, nous pouvons nous interroger sur la volonté, l'intérêt voire même la capacité de cette ARS à coordonner une offre de soins performante au service de la population du très attractif bassin de vie lémanique.

Il était donc important de s'assurer d'une portée juridique claire pour une mise en oeuvre efficace de l'accord-cadre. Nos recommandations visent à ce que cet accord international garantisse la continuité des soins pour les populations de la zone frontalière et simplifie les procédures administratives et financières pour les patients. La signature de l'accord remonte à 2016, les Suisses l'ont ratifié en 2017. La ratification de l'Assemblée nationale est attendue sur le terrain. Cet accord aura un impact direct sur les citoyens. La coopération sanitaire transfrontalière est une réalité. Dans le Chablais haut-savoyard, un actif sur quatre est travailleur frontalier dans les cantons de Genève, de Vaud ou du Valais. Le développement des coopérations représente autant de possibilités de recourir à des soins en Suisse pour pallier le manque de soins et d'infrastructure côté français.

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Ce type de coopération, dans l'idéal, semble souhaitable, surtout à l'échelle d'un bassin de vie. Dans la réalité, je pense que nous ne sommes pas tout à fait sur ce type de problématique. J'ai des collègues qui sont venus ici, originaires de Savoie ou Haute-Savoie, qui en parleront mieux.

Ce que je sais, pour avoir une expérience des sujets sanitaires et médico-sociaux, c'est qu'il existe un véritable problème de démographie médicale. Nous nous demandons si ce type d'accords ne va pas aggraver ce problème puisque les salaires et l'attractivité de ces pays sont meilleurs.

Je parlerai plutôt pour mon département, celui des Ardennes, où des accords transfrontaliers existent depuis plus longtemps. Les cultures sont différentes. La Belgique, comme la Suisse et le Luxembourg, a une vision commerciale de l'offre sanitaire et médico-sociale. Ces pays considèrent que les établissements médico-sociaux ou sanitaires permettent de créer de l'emploi et de la richesse. C'est véritablement ce qui se passe en Belgique, nous l'avons vu, avec la problématique des personnes handicapées et des personnes âgées. Maintenant, nous le vivons en matière sanitaire, car nous avons récemment mis en place des accords avec nos voisins belges pour l'offre de soins que nous n'avons plus en France après avoir fermé des structures, des petits hôpitaux et des maternités. Nos compatriotes ardennais vont se faire soigner en Belgique. Nous sommes allés assez loin puisqu'il y a même un arrangement sur les questions de nationalité qui se posent lorsque l'on se rend pour accoucher en Belgique. Les problèmes ont tellement bien été réglés entre les hôpitaux de Charleville et de Belgique que nous assistons à une forme de siphonage de la patientèle ardennaise. Plus le temps passe, plus nous voyons diminuer le nombre d'actes pratiqués par l'hôpital de Charleville.

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À l'image de ce que disait Mme Poletti, merci pour votre présentation messieurs les rapporteurs, madame la présidente. Sans rentrer dans le détail technique de cet accord, son existence me laisse espérer que de tels textes concernant la coopération fiscale et la lutte contre l'évasion fiscale et le blanchiment seraient également possibles avec ces deux pays, souvent insuffisamment coopératifs. Il est vrai que nous parlons de ponction sur la patientèle ; ici ce sont des ponctions sur nos impôts et sur notre fiscalité.

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Je me demandais au début à quoi servait cet accord. La sécurité sociale a été mise en place par Ambroise Croizat de la CGT et quelques hauts fonctionnaires célèbres, cela fonctionne plutôt bien. La frontière existe depuis la nuit des temps. Les questions européennes ont été réglées depuis quelques décennies. La Suisse est indépendante depuis le début. Pourquoi nous posons-nous maintenant la question des accords transfrontaliers ? D'après l'exposé des rapporteurs, j'ai compris qu'il y avait une crise, et que c'est à cause de cette crise médicale que les patients vont se faire soigner à l'étranger et qu'il faut discuter de cela avec nos voisins.

Je suis député du Havre et, lorsque j'étais maire de Gonfreville l'Orcher, je proposais à mes concitoyens d'aller se soigner à Paris, à 200 kilomètres. Nous réalisons toujours des transports sanitaires, en car ou en train, pour aller chez l'ophtalmologiste, car à Paris vous obtenez un rendez-vous en quatre jours alors que chez nous il faut environ un an et quatre mois. Lors d'une urgence il vaut mieux venir à Paris, mais il n'existe pas d'accord avec Paris pour prendre en charge le transport sanitaire entre Le Havre et Paris. Il pourrait y avoir un accord mais il n'existe pas. Je mesure donc l'utilité de l'accord transfrontalier, mais il existe pour régler une crise de démographie médicale en raison des médecins qui partent en Suisse.

Il faut environ dix années d'études pour devenir médecin, financées par nos impôts. Nous finançons des médecins pour qu'ils exercent ensuite en Suisse. Il y a un problème de gestion de la démographie médicale en France. Derrière cet accord, s'il y a un débat dans l'hémicycle, je soulèverai ce sujet. J'espère que le sujet sera abordé non seulement en termes d'accord d'État à État, mais aussi en termes de situation sanitaire dans notre pays. Nous n'arrivons pas à avoir un débat sérieux sur la démographie médicale, sur ses conséquences sur la santé des gens et sur le budget de la sécurité sociale.

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En tant que député de Haute-Savoie et président de la commission des élus du Groupement hospitalier de territoire Léman-Mont-Blanc, je souligne qu'il existe en permanence des échanges avec les HUG de Genève en ce qui concerne la Haute-Savoie, qui est le plus important département frontalier avec la Suisse.

D'abord, les HUG sont le recours de niveau CHU pour les grands traumatismes. Je pense notamment aux accidents de montagne et de ski. Lorsque les CHU de Grenoble et de Lyon ne peuvent pas accueillir les personnes ou lorsqu'il est vital d'aller très vite, ce sont bien les HUG qui prennent en charge.

Ensuite, l'un des médecins du Centre hospitalier Alpes Léman (CHAL) est aussi président de la commission médicale d'établissement (CME). Il partage son temps entre le CHAL et les HUG. Nous ne pouvons donc pas dire qu'il n'existe pas de liens entre établissements.

Mais il y a aussi le fait que la Suisse n'appartienne pas dans l'Union européenne. Je pense à un projet que nous avons porté avec la députée Virginie Muller et avec les élus d'Annemasse : la construction d'une école transfrontalière pour les infirmières et les aides-soignants. Nous avons été bloqués à cause d'un problème de statut des enseignants suisses. Nous ne sommes pas parvenus à adapter le statut des enseignants suisses côté français.

Je ne peux donc pas laisser dire qu'il n'y a pas de contacts, même si nous pouvons toujours mieux faire et formaliser. Je regrette que le groupe de travail n'ait pas auditionné les établissements publics haut-savoyards alors qu'il a auditionné les HUG. Je ne peux pas laisser l'ARS être mise en cause alors que celle de Haute-Savoie n'a pas été auditionnée. Il est inconcevable de tirer à boulets rouges sur des personnes qui n'ont pas été auditionnées et je trouve excessifs les propos qui ont été tenus au nom d'un groupe.

Limiter le départ des praticiens est évidemment le point le plus important. Sur ces territoires frontaliers, nous avons des populations de frontaliers et de non-frontaliers, et l'offre de soin publique que nous avons bâtie depuis des années a été conçue avec la totalité des populations. Tout accord non concerté au plus près des territoires pourrait rendre service à une partie de la population, mais aussi mettre à mort les établissements que nous avons mis tant d'années à conforter et à bâtir dans ces zones frontalières. J'appelle donc à la plus grande concertation et à la plus grande prudence.

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Merci d'avoir remis l'examen de ce texte à l'ordre du jour. J'étais déjà venue dans cette commission le 7 février dernier pour la première discussion. Vous aviez alors décidé de surseoir à son vote et de proposer une mission-flash, dont les travaux devaient durer quelques semaines. Finalement, ça a duré six mois. J'ai bien pris connaissance des différentes recommandations, qui énoncent des états de fait que nous connaissons bien.

Il y a, comme vous le savez, comme Martial Saddier l'a dit, des relations transfrontalières très anciennes entre la France et la Suisse. Vous les avez citées en matière de mobilité. La première rame du Léman Express sera mise en service le 15 décembre 2019 à 5h02 ; ce sera une traduction concrète de ces coopérations.

En matière de santé, il existe déjà certaines choses, notamment pour les cas d'urgence, et ce n'est pas uniquement pour des problèmes de démographie médicale que nous souhaitions que cette convention-cadre soit rapidement entérinée. Il faut savoir que se trouve aujourd'hui à Genève un hôpital universitaire qui bénéficie par exemple d'un caisson hyperbare et est très pointu en matière de cancers pédiatriques. Le fait d'ouvrir à la population française ces soins permettrait aux parents d'accompagner leurs enfants à quelques kilomètres sans avoir à aller à Lyon. Voilà, au départ, ce qui justifiait cet accord-cadre, même s'il faut reconnaître que nous avons aujourd'hui de gros problèmes de démographie médicale, aggravés par les différentiels en matière de salaires.

Concernant les litiges relatifs à l'affiliation des travailleurs frontaliers, malgré l'engagement du Gouvernement, tout n'est pas réglé. Nous travaillons régulièrement avec les associations de travailleurs frontaliers qui accompagnent les personnes dans des démarches qui sont à la fois chronophages et épuisantes. Votre recommandation parle de « veiller à ce que le gouvernement tienne ses engagements ». Comment pourrons-nous remplir cette recommandation ? Commet y veiller et via quel outil de contrôle ?

Sur la question de la démographie médicale, que vous avez mise en exergue, on peut s'interroger sur la question de coût de la vie dans notre département, qui est très élevé. On pourrait songer à la mise en place d'une prime de vie chère, qui permettrait de fidéliser les travailleurs. Comment, selon vous, aussi résoudre ce problème au niveau national ? Nous essayons de mettre en place et de soutenir des initiatives locales, tant le département que la région, mais le niveau national devrait nous aider.

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Je félicite les rapporteurs pour leur synthèse. Deux questions : les accords traitent-ils des échanges de personnel ? Couvrent-ils le champ de la télémédecine ?

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Mon intervention sera dans le même esprit que celles de Jean-Paul Lecoq et d'Alain David. Si les Helvètes ont été à l'origine de la guerre des Gaules, celle-ci a concerné l'ensemble de la nation, et je crois qu'il faut étendre un peu le sujet. Je pense que notre groupe s'abstiendra sur ce sujet. Nous comprenons le travail qui a été fait, qui est formidable, et l'on comprend aussi totalement l'intérêt des populations frontalières. Je pense que si j'étais député de ce secteur, j'aurais la même défense et le même enthousiasme que vous avez eus, ou les mêmes réserves ; tout au moins la même volonté de progresser.

Cependant, le problème est plus large que cela et nous demanderons également que l'on en débatte dans l'hémicycle. Je suis aussi député frontalier. Je constate le nombre d'anciens Nordistes qui sont dans des maisons de retraite en Belgique. La question du handicap est essentielle aussi, avec nombre de parents handicapés qui partent se réfugier en Belgique, pour les mêmes raisons, avec des arrangements qu'on ne connaît pas. Ces questions, nous pouvons en parler avec l'ensemble des députés frontaliers. Comme Jean-Paul Lecoq, je tiens à souligner les délais d'obtention de rendez-vous chez les spécialistes. Chez moi, les gens vont chez l'ophtalmologiste quand ils vont en vacances dans le Midi, mais la prise en charge du camping-car ou du camping n'est pas assurée par la sécurité sociale ! Disons les choses clairement et simplement : les Dunkerquois n'obtiennent pas de rendez-vous en ophtalmologie ; ils doivent aller en Belgique ou mettre à profit leurs vacances. C'est un problème qu'il faut aborder au niveau national, pas seulement à propos des zones frontalières avec la Suisse.

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D'abord un commentaire général. Certes, nous avons pris six mois et retardé d'autant l'entrée en vigueur des accords-cadres. Il y avait, on l'a vu, et vos remarques le soulignent, un certain nombre d'incertitudes sur la capacité à les appliquer en bon ordre, efficacement et dans l'intérêt public. Ces six mois ont permis, grâce à nos recommandations, qui ne sont peut-être pas exhaustives, de proposer un cadre de gouvernance, dans l'espoir qu'il permettra un déploiement pratique des coopérations transfrontalières dans de bonnes conditions.

S'agissant de la remarque de Bérengère Poletti, je rappelle d'abord que nous discutons d'accords-cadres qui devront être déclinés par les acteurs de terrain, région par région, en fonction de leurs besoins, de leurs attentes. Je pense à l'inverse de Mme Poletti qu'aujourd'hui les choses se font de façon naturelle, en fonction des choix des patients et de l'offre, et que l'intérêt des accords-cadres est de permettre de réguler. Les accords-cadres pourront déboucher, par exemple, sur des accords d'investissement pluriannuels, afin de mutualiser des moyens. On peut citer à cet égard l'hôpital de Cerdagne, mis en place avec l'Espagne. Aujourd'hui, un ambulancier suisse qui transporte un malade en France va rentrer à vide, car il ne pourra pas embarquer un patient en France, et réciproquement. Il serait possible, avec des accords spécifiques, précis, d'améliorer le dispositif, de mutualiser les moyens et de rationaliser les coûts. Une question comme celle de la maternité de Charleville me paraît typiquement devoir concerner les autorités des deux côtés de la frontière.

Je n'ai pas bien compris ce que voulait dire Alain David. Ponctionner sur nos impôts, est-ce à dire que nous allons payer des prestations à un pays étranger ? Oui, mais s'il y a prestation c'est qu'il y a soin, donc soulagement des patients. De plus, l'intérêt de négocier des accords, c'est d'obtenir éventuellement des conditions favorables. Les responsables de l'hôpital universitaire de Bâle que nous avons rencontrés nous ont dit être prêts à proposer une nomenclature spécifique pour la France, compte tenu des différences de tarifs. Il peut aussi y avoir réciprocité. À Mulhouse, par exemple, nous disposons d'un service d'urgence SOS main, qui réalise 5 000 interventions par an. On pourrait y développer la patientèle suisse, aujourd'hui faible, par un accord. Il y a des possibilités dans les deux sens, car nous avons en France un équipement dense et de haut niveau.

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Je ferai une remarque plus générale en réponse à l'ensemble des interventions. Les départements frontaliers sont dans une situation particulière, c'est un fait. C'est accentué avec la Suisse, car elle est européenne sans faire partie de l'Union. De plus, le pays a une structure fédérale avec beaucoup d'autonomie laissée au niveau des cantons, dont chacun travaille différemment. Je partage l'avis de Martial Saddier : des choses sont réalisées dans certains secteurs. Dans le nord de mon département, le Doubs, nous avons déjà commencé à travailler avec nos voisins suisses. Donc, on ne peut pas dire que rien n'existe. Les accords-cadres ne sont pas là pour tout créer, mais pour impulser une autre dynamique et permettre de conforter les gens dans les relations qu'ils ont déjà avec la Suisse ou le Luxembourg sur un certain nombre de projets.

Je ne peux pas laisser dire non plus que l'on va multiplier le recours à des soins en Suisse ou au Luxembourg, et que cela va nous coûter plus cher. Nos relations financières avec ces pays pour les soins sont aujourd'hui bénéficiaires. Nous facturons au Luxembourg quelque chose comme 270 millions d'euros de prestations effectuées en France au bénéfice de ses assurés sociaux, alors que le flux dans l'autre sens n'est que de 12 millions. Dans notre relation avec la Suisse, nous sommes aussi légèrement bénéficiaires.

Les départements frontaliers de l'Est ne sont pas comme les départements de l'Ouest ou du centre de la France : leurs habitants ne peuvent pas forcément bénéficier d'offres de soins dans des départements voisins de tous les côtés. On a donc une nécessité : les habitants de nos territoires se rendent régulièrement dans les pays frontaliers, pour la famille ou le travail, et c'est tout un développement économique et sociétal qui s'est fait.

Nous avons une histoire avec la Suisse qu'il faut accompagner. On l'a fait pour le transport, l'agriculture, la sécurité, les interventions en cas de secours ; par exemple, les services départementaux d'incendie et de sécurité (SDIS) peuvent dans certains cas intervenir en Suisse. Il faut mettre en place des mesures similaires dans le secteur de la santé. Je crois que notre rapport fait des propositions très concrètes de gouvernance, pour que sur ces territoires on se parle beaucoup plus. Des ARS sont en avance, d'autres moins. Il faut avoir plus de CPAM référentes sur l'ensemble de la frontière.

Nous, députés, devons être en capacité de contrôler les réalisations et de porter des propositions, dire ce qui va et ce qui ne va pas. Chers collègues, ne vous abstenez pas, aidez nos territoires et leurs habitants ! Nous avons besoin de ces accords-cadres.

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Une remarque générale sur le plan politique : actuellement, les échanges de patients et de soins avec la Suisse et le Luxembourg résultent du jeu du marché ; ce qui est proposé, c'est de pouvoir contractualiser. Je ne comprendrais pas que vous ne votiez pas en faveur du projet de loi, car les accords-cadres n'enlèvent rien et apportent des possibilités de régulations. Concernant la crise de la démographie médicale, ce n'était pas l'objet de notre mission, même si c'est bien sûr un problème majeur.

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J'attire l'attention sur la proposition de « prime de vie chère ». Ce genre de mesure revient à « déshabiller Pierre pour habiller Paul ». Une zone du Havre est devenue « zone franche » : en conséquence, plus un seul médecin n'est installé en centre-ville car ils sont tous partis dans cette zone franche. À chaque fois, on croit régler la question en donnant un petit plus à un territoire, et c'est le territoire d'à côté qui s'en trouve désavantagé. Ce n'est pas la bonne réponse, même s'il est clair qu'il faut apporter une réponse.

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Une petite explication de vote : il ne s'agit de discriminer vos territoires et vos électeurs ; ce que vous faites est formidable pour eux. Par nos abstentions, nous nous plaçons en lanceurs d'alerte. Dans l'hémicycle, nous pourrons exprimer l'inquiétude de nos territoires, qui eux ne sont pas proches de la Suisse.

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Il faudra qu'il y ait un débat dans l'hémicycle ; c'est un sujet qui touche directement nos concitoyens. Le Parlement doit être la caisse de résonance des attentes des uns et des autres.

Je remercie les rapporteurs d'avoir diffusé leur projet de rapport la semaine dernière, pour que nous puissions le lire en amont ; cette démarche doit se généraliser au sein de la commission.

Enfin, il faudra faire vivre ces accords-cadres, c'est-à-dire mobiliser les pouvoirs publics, suivre, évaluer, contrôler, être créatifs… Je pense qu'il serait positif que le groupe de travail se transforme en groupe de suivi.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 390.

Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale du Nigéria relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces (n° 899) – Mme Amélia Lakrafi, rapporteure.

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Mes chers collègues, je vais vous présenter un accord que nous avons signé en juin 2016 avec le Nigéria, et qui porte sur la coopération dans le domaine de la défense. Pour mémoire, la France a signé des accords de ce type avec de nombreux pays d'Afrique depuis 2010 : Comores, Togo, Sénégal, Djibouti, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Mali…

De manière générale, ces conventions répondent à notre volonté de refonder notre relation militaire avec l'Afrique sur un mode partenarial, avec, pour objectif ultime, d'aider les pays d'Afrique à assurer eux-mêmes leur propre sécurité. Dans cette nouvelle approche, il y a aussi l'idée que la France doit sortir de ses zones d'influence traditionnelles, pour avoir une approche plus globale de l'Afrique.

Avec le Nigéria, cette approche est plus que pertinente. Je rappelle que ce pays est le plus peuplé et le plus riche d'Afrique subsaharienne, avec près de 200 millions d'habitants et un PIB de 400 milliards de dollars. La richesse du Nigéria repose encore beaucoup sur les hydrocarbures (pétrole et gaz), mais il a amorcé une diversification économique dans le secteur des services. Le pays compte déjà 22 milliardaires et 34 000 millionnaires. Même si la richesse est très inégalement répartie, cela donne une idée de son potentiel, qui est considérable.

Mais le Nigéria est un géant aux pieds d'argile. Il est empêtré dans des problèmes sécuritaires multiples : terrorisme, avec Boko Haram qui sévit toujours dans les Etats du Nord du pays, violents conflits entre agriculteurs et éleveurs dans la région de la Middle belt, séparatisme biafrais, piraterie maritime dans le Golfe de Guinée…

Il se trouve que ces préoccupations rejoignent en partie les nôtres : la France est engagée militairement dans la lutte contre le terrorisme islamiste en bande sahélo-saharienne, juste au nord du Nigéria. Notre marine nationale est présente en permanence dans le Golfe de Guinée, avec la mission Corymbe. Les militaires français se trouvent aussi un peu plus à l'est, en Centrafrique, et au Sud, au Gabon.

Le Nigéria apparaît donc comme un partenaire incontournable pour nous dans cette région du monde. Et pourtant, lorsqu'on regarde l'historique de notre coopération de défense, on est surpris de constater que cela se résume à très peu de choses. En réalité, avant 2014, nous n'avions pratiquement aucun échange avec le Nigéria dans ce domaine. Ce terrain était entièrement abandonné aux Américains et aux Britanniques.

Nous avons commencé à nous rapprocher dans le cadre de la lutte contre Boko Haram, notamment par des échanges de renseignement. Ce soutien a reçu un accueil très favorable du Nigéria. J'ai rencontré l'ambassadrice du Nigéria en France et j'ai constaté à quel point les Nigérians sont en demande pour développer la coopération avec nous, à côté de ce que font déjà les Britanniques et les Américains. Ils veulent notamment que nous les aidions à coopérer avec leurs voisins francophones : nous le faisons en développant l'enseignement du français en milieu militaire. Ils veulent aussi qu'on les aide à développer leurs capacités maritimes. L'ambassadrice me l'a dit sans ambiguïté : le Nigéria aspire au même niveau de coopération avec la France que celui que nous avons avec les pays du G5 Sahel.

Je pense qu'il est urgent que nous répondions à cet appel. Le développement de notre coopération de défense aura des effets bénéfiques dans tous les domaines, y compris économiques. Nous ne devons pas ménager nos efforts et laisser la place à d'autres. Nos partenaires ne se gênent pas pour venir nous concurrencer dans nos zones d'influence traditionnelles, nous devons de notre côté résolument nous tourner vers l'Afrique anglophone.

Et c'est ce que nous faisons avec cet accord. Que dire de son contenu ? Sans entrer dans les détails, que vous trouverez sans difficulté dans le rapport et dans l'étude d'impact, l'accord prévoit un cadre juridique global pour toutes nos actions de coopération de défense, du conseil de haut niveau aux exercices militaires conjoints. Il institue un statut juridique protecteur pour les forces présentes sur le territoire de l'autre partie, dans le but de faciliter et de stimuler cette coopération.

Quel est l'intérêt de cet accord ? En premier lieu, je viens d'en parler, il apporte une sécurité juridique pour nos forces, qui sera une bonne incitation à la coopération. Mais l'intérêt est aussi politique. Cet accord permet de donner un statut officiel à notre partenariat stratégique avec le Nigéria, il donne une impulsion politique.

Cette impulsion politique est-elle réciproque ? Notre ambassade à Abuja nous indique que la dynamique de coopération est bonne. Néanmoins, pour le moment, les Nigérians n'ont toujours pas ratifié cet accord, et nous ne savons pas quand ils le feront. Il faut dire que le contexte intérieur est actuellement un peu compliqué, avec les défis sécuritaires que je mentionnais et la perspective de l'élection présidentielle, prévue en février 2019. Le Président Buhari est candidat à sa propre succession et a lancé sa campagne la semaine dernière, mais il est très contesté.

Quelle qu'en soit l'issue, la ratification de cet accord par la France sera un signal politique adressé au prochain Président : cela me semble important. C'est la raison pour laquelle je vous encourage vivement à voter en faveur de ce projet de loi.

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Merci pour cet excellent rapport, qui nous dit bien quels sont les enjeux pour cet immense pays dont je pense que nous ne parlons pas assez.

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Pendant longtemps, notre coopération de défense est restée atone avec un pays pourtant stratégique, en première ligne dans la lutte contre le terrorisme. Pouvez-vous me préciser quelles sont la composition et les missions du Haut Comité de Défense qui doit devenir l'instance de pilotage de notre coopération bilatérale ?

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Nous étions avec Amélia Lakrafi, il y a quelques mois, à l'état-major de la force multinationale mixte (FMM), qui coordonne la lutte contre Boko Haram. Je rappelle au passage que c'est la France qui fut à l'initiative de cette force, lorsqu'elle convoqua, en 2014, à Paris, un sommet rassemblant les pays de la région du lac Tchad, après l'enlèvement des lycéennes de Chibok. Lors de notre visite à la FMM, nous avons constaté que c'étaient les mêmes outils qui étaient utilisés pour lutter contre le terrorisme en bande sahélo-saharienne et contre Boko Haram, ce qui pose problème en termes de moyens. Lorsque Mme Parly y est allée plus récemment, on lui a demandé si la France pouvait accroître son soutien en termes d'équipements et de personnels. Le territoire est immense et stratégique, mais la France a-t-elle les moyens d'honorer les engagements qu'elle prend vis-à-vis du Nigéria à travers l'accord que nous examinons ?

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Je pense que, pour mieux coordonner la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel, nous devrions plaider en faveur de l'élargissement du G5 Sahel, pour en faire un G7, qui inclurait le Nigéria et la République arabe saharaouie démocratique.

C'est très bien de vouloir créer un partenariat stratégique avec le Nigéria, mais encore faut-il s'accueillir l'un l'autre, et favoriser la circulation entre les deux pays, ce qui me semble être la base indispensable de toute coopération. Je doute que ce soit si facile avec le Nigéria, puisque c'est un pays africain : pouvez-vous me dire combien d'étudiants nigérians nous accueillons ? Combien de visas nous délivrons ?

Je note par ailleurs que notre coopération pourra porter sur les ventes d'armes ; nous savons que le contrôle un peu faible chez nous, en comparaison de ce que font d'autres pays, et nous devons rester vigilants sur la question de l'utilisation des armes que nous vendons. Je note également que l'accord prévoit des garanties pour que la peine de mort, en vigueur au Nigéria, ne puisse pas être appliquée contre nos ressortissants présents dans le cadre de la coopération de défense. C'est bien, mais peut-être pourrions-nous aller plus loin, et utiliser la négociation de ce type d'accords pour faire pression sur les pays qui appliquent la peine de mort, afin qu'ils l'abolissent.

Je conclurai en soulignant que je voterai cet accord, non pas parce qu'il nous permet d'élargir notre zone d'influence et d'en tirer des avantages sur le plan économique, mais parce qu'il me semble de nature à favoriser un type de relations un peu différent et à faire avancer la paix dans le monde.

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Cette coopération avec le Nigéria me semble très pertinente, pour mieux lutter contre les groupes terroristes et surmonter les problèmes sécuritaires qui étouffent le potentiel économique de ce pays. Pourtant, certaines ONG dénoncent des violations des droits de l'homme par l'armée nigériane ; il faut que nous ayons conscience de ce problème.

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Cet accord offre une vraie sécurité juridique à nos personnels, cela me semble très positif. J'aimerais simplement avoir quelques détails sur la clause de substitution de la peine de mort.

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Le Haut Comité de Défense s'est déjà réuni deux fois, en 2016 à Abuja et en 2018 à Paris. Selon les termes de l'article 7, il est « chargé de définir la conception générale de la coopération bilatérale dans le domaine de la défense ainsi que d'organiser et de coordonner cette coopération ». Il réunit des représentants de haut niveau des deux ministères de la défense.

L'accord que nous examinons est dans la droite ligne des autres accords de coopération de défense que nous avons signés avec des pays africains ; c'est un accord de partenariat, d'égal à égal. Pour le moment, les moyens que nous affectons à la coopération avec le Nigéria sont encore modestes, j'en conviens. Nous avons deux coopérants détachés auprès de l'état-major de la marine et du ministère de la défense. En outre, des détachements d'instruction opérationnelle interviennent régulièrement au Nigéria depuis les Éléments français au Sénégal (DIO). La ratification du présent accord donnera une impulsion politique qui permettra d'aller plus loin dans la coopération. Nous avons d'ores et déjà reçu un accueil très favorable de notre partenaire qui, bien qu'il n'ait pas l'habitude de travailler avec nous, est en demande à notre égard.

Cet accord se situe tout à fait dans une optique de soutien à la paix. Tous les Présidents français le disent depuis 10 ans : c'est aux Africains de sécuriser l'Afrique. Le cadre juridique prévu par cet accord vise précisément à accompagner les Nigérians dans ce sens. Cela me semble en effet bien mieux de coopérer et de les aider en amont, que de voir ensuite le soldat blanc débarquer dans un village africain en situation de crise, ce qui suscite souvent des réactions assez négatives.

En effet, le Nigéria applique encore la peine de mort, mais cette convention protège bien nos militaires, qui ne pourraient en aucun cas se la voir infliger.

Nous avons en France 419 étudiants nigérians. C'est vrai que c'est peu, mais il faut dire que le Nigéria est un pays assez méconnu en France, alors que c'est la première économie africaine. Pour ne donner qu'un chiffre, le Nigéria représente 70% du PIB de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) : c'est énorme. Autant dire que ce qui se passe au Nigéria a forcément une influence dans les autres pays de la CEDEAO, avec lesquels nous entretenons parfois des liens très étroits. Et aujourd'hui, dans ces pays où la France a traditionnellement une influence assez importante, les Américains et les Britanniques cherchent de plus en plus à prendre pied, parfois de manière assez offensive. Alors n'hésitons pas à avoir une stratégie volontariste au Nigéria. Je rappelle que ce pays a déjà une classe moyenne qui représente environ 40 millions d'habitants : il y a donc un vrai marché pour nos entreprises.

Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi n° 899.

Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine relatif à l'emploi des conjoints des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre, et de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Nicaragua relatif au libre exercice des activités professionnelles salariées des membres des familles du personnel diplomatique, consulaire, administratif et technique des missions officielles (n° 1226) – M. Michel Fanget, rapporteur

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Nous examinons le rapport de Michel Fanget, pour un projet de loi autorisant l'accord entre la France et la République Dominicaine relatif à l'emploi des conjoints des agents des missions officielles dans chaque État, et l'accord entre la France et le Nicaragua relatif au libre exercice des activités professionnelles salariées des membres du personnel diplomatique consulaire et administratif et technique des missions officielles. Vous vous souvenez mes chers collègues que nous avons déjà examiné des conventions similaires avec le Chili, la Bolivie, le Congo l'Équateur et le Pérou. J'avais écrit en votre nom au ministre de l'Europe et des Affaires étrangères pour soutenir ce type d'accord et élargir leur champ géographique au maximum. Je vous ai d'ailleurs transmis sa réponse qui allait dans le même sens. Je crois que l'objectif des 80 pays est déjà atteint aujourd'hui. Le ministère semble être sur la même longueur d'onde que nous, pour favoriser cette généralisation que nous avions appelée de nos voeux. Monsieur le rapporteur je vous donne la parole.

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Madame la Présidente, mes chers collègues,

Notre Commission est saisie d'un projet de loi visant à autoriser l'approbation de deux accords, conclus respectivement avec la République dominicaine et avec le Nicaragua en 2017, à quelques mois d'intervalle. L'Assemblée nationale est saisie en premier de ce projet de loi.

Ces deux accords partagent un même objectif, à savoir, faciliter l'accès au marché du travail local des membres de famille des agents des missions officielles. En pratique, il s'agit essentiellement des conjoints d'agents, qui sont d'ailleurs exclusivement visés par l'accord avec la République dominicaine. Il faut remettre ces accords dans le contexte plus global d'un projet de réforme du ministère des Affaires étrangères, lancé en 2015 dans un but de modernisation du cadre d'expatriation des agents. Notre commission a ainsi été saisie au printemps dernier de deux projets de loi, dont le vote a permis l'approbation d'accords bilatéraux du même type avec le Chili, la Bolivie, l'Équateur, le Congo et le Pérou. Depuis 2014 et en comptant les deux textes qui nous occupent aujourd'hui, 27 accords bilatéraux ont été conclus par la France dans ce cadre.

Pour rappel, en l'absence d'accord de ce type et en dehors de l'Espace économique européen et de la Suisse, les membres de famille des agents de mission officielle disposent d'un statut qui peut constituer un obstacle pour exercer une activité rémunérée. Ainsi les conventions de Vienne de 1961 et de 1963 sur les relations diplomatiques et sur les relations consulaires imposent, en cas d'exercice d'une activité professionnelle rémunérée, un renoncement partiel ou total aux immunités conférées par le statut diplomatique. Il faut savoir aussi que les dispositions du droit national peuvent limiter l'accès au marché du travail. En France, le titre de séjour accordé aux membres des familles d'agents ne fait par exemple pas partie des titres de séjour qui octroient directement une autorisation de travailler.

L'entrée en vigueur des accords qui nous intéressent aujourd'hui permettra donc une adaptation juridique, qui a été complétée en France par la mise en place d'une procédure administrative simplifiée.

Au-delà de cette adaptation juridique, c'est une modernisation du cadre d'expatriation des agents qui sera permise, indispensable pour répondre à des évolutions sociales déterminantes telles que la progression du taux d'emploi féminin, au sein du corps diplomatique et de façon plus globale. À noter toutefois que le mariage homosexuel n'étant pas légal ni en République dominicaine ni au Nicaragua, ces accords ne pourront pas en l'état s'appliquer à des conjoints de même sexe légalement unis en France. Ce point a été confirmé pour la République dominicaine, concernant le Nicaragua notre ambassade sur place est toujours en attente de l'interprétation des autorités locales.

Concernant le projet de réforme du ministère des Affaires étrangères, on peut rappeler que son but initial était d'atteindre 80 pays permettant un accès au marché du travail pour les membres de famille des agents, en comptant l'Espace économique européen et la Suisse. Cet objectif a désormais été atteint, grâce à des accords et à des échanges de notes verbales, et devrait même être dépassé prochainement du fait des discussions en cours.

Si les accords bilatéraux avec le Nicaragua et la République dominicaine concerneront directement un nombre très limité de personnes, à savoir 2 conjoints d'agents français au Nicaragua et jusqu'à 20 en République dominicaine, il faut donc les resituer dans un cadre plus global. Compte tenu de la situation de crise que connaît actuellement le Nicaragua, c'est par ailleurs plutôt vers le réseau diplomatique français que les conjoints d'agents seront susceptibles de se tourner pour trouver un emploi rémunéré. De façon générale, ces accords bilatéraux favoriseront le recrutement d'un personnel de qualité par le réseau français à l'étranger. Concernant la République dominicaine, les opportunités d'emploi devraient être plus importantes y compris en dehors du réseau, et 8 conjoints d'agents ont déjà pu manifester leur intérêt pour la conclusion de l'accord.

Je vous précise pour conclure que le Nicaragua a achevé son processus de ratification interne, qui est encore en cours côté dominicain.

Ainsi, mes chers collègues, je vous invite à voter sans réserve en faveur de l'approbation de ces deux accords. Je vous remercie.

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Merci pour ce rapport, qui peut paraître discret du fait de la modestie de nos relations bilatérales avec ces deux pays, mais qui est important pour la nouvelle politique diplomatique qu'il soutient. Le projet ministère du 21ème siècle, lancé en 2015 par Laurent Fabius, avait pour but de développer une diplomatie plus inclusive entre les agents d'ambassade et de consulats et la population de chaque pays. C'est désormais plus de 80 pays en incluant la République Dominicaine et le Nicaragua qui proposent des accords entre les gouvernements. Ces accords permettent une meilleure implication des familles dans la vie des pays d'accueil. Ils reflètent l'évolution sociologique de la famille où désormais, les femmes autant que les hommes sont actives et cherchent un emploi pour rejoindre leur conjoint ou conjointe. D'ailleurs, vous avez souligné dans quelle mesure cet accord peut être un tremplin pour l'égalité homme femme et permettre à ces valeurs universelles d'être partagées à travers une relation bilatérale entre deux pays. Cependant, pour les deux pays pour lesquels vous avez rédigé ce rapport, une exception au régime matrimonial français doit être faite pour les conjoints ou les pacsés du même sexe. Cet accord est une première étape pour l'autonomie des conjoints expatriés. Dans les cas de la Dominique et du Nicaragua, comment voyez-vous l'évolution des accords pour une application moins discriminatoire et plus proche de l'application du droit français ?

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Merci pour ce rapport. Cela fait bondir lorsque l'on entend que l'on ne respecte pas le mariage pour les couples de même sexe alors qu'il a été légalisé. Mais je me demande ce qu'il se passerait si nous acceptions la polygamie ou la polyandrie dans le cadre d'un accord. Je me dis qu'en matière de droits de l'Homme on ne devrait pas signer ce type d'accord, mais aussi que les pays ont des cultures et des histoires différentes. Nous pouvons lors des rencontres internationales défendre ces causes. Nous l'avons fait à l'ONU avec la Présidente Marielle de Sarnez auprès de plusieurs ambassadeurs. Il y a aussi la question du statut de nos personnels. J'ai compris que nos personnels vont en général travailler pour des représentations diplomatiques françaises, ce qui ne m'étonne pas car il est difficile de trouver du travail au Nicaragua et en Dominique. Il y a aussi la question du statut et de la paie. Comment les payer ? En indexant leur salaire sur celui des locaux ou proche du Smic français ? Pourrais-je avoir des réponses sur ces sujets ?

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L'évolution dépend des autorités locales. Cela rejoint ce que dit Jean-Paul Lecoq. Il est vrai que l'on ne peut pas imposer notre façon de voir les choses avec les pays avec lesquels nous travaillons. Il y a déjà une évolution notable mais il est évident que nous n'allons pas imposer notre façon de vivre actuellement. Nous pouvons tendre vers cette évolution mais il faudrait encore du temps. L'évolution majeure mise en avant dans le rapport est que nous permettons aux conjoints des délégations diplomatiques de pouvoir travailler sans pour autant être privés de leur statut juridique. Cela me paraît être quelque chose d'intéressant dans l'évolution et le nombre de pays qui sont concernés aujourd'hui. Ce qui a été initié en 2015 par Laurent Fabius a largement porté ses fruits puisqu'actuellement il y a plus de 80 pays concernés. Concernant les salaires, dans la société civile, ils dépendent du pays d'accueil. Dans le système diplomatique français cela dépend du type de contrat utilisé, sachant que le recours aux contrats locaux est fréquent.

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Nous avons plus de 80 accords. Existe-t-il des retours d'expérience de ces accords ? Il existe un accord avec le Canada depuis 1987. Existe-t-il une étude l'impact de ces accords ?

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L'évaluation de ces accords est globalement positive. Ces accords profitent essentiellement aux Français. Cet accord favorise les conjoints. C'est un aspect positif de ces accords.

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Qui est d'avis d'adopter ce projet de loi numéro 12-26 ? Qui est d'un avis contraire ? Qui s'abstient ?

Bravo le texte est adopté à l'unanimité.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 1226.

La séance est levée à dix-neuf heures.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 20 novembre 2018 à 17 h 35

Présents. - M. Lénaïck Adam, Mme Annie Chapelier, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Michel Fanget, M. Christian Hutin, Mme Amélia Lakrafi, M. Pascal Lavergne, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, M. Jacques Maire, Mme Delphine O, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Portarrieu, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy, M. Guy Teissier

Excusés. - M. Bruno Bonnell, M. Moetai Brotherson, Mme Laurence Dumont, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Bruno Joncour, Mme Marine Le Pen, M. Maurice Leroy, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Luc Reitzer, M. Hugues Renson, M. Joachim Son-Forget, Mme Sira Sylla, M. Sylvain Waserman

Assistaient également à la réunion. - Mme Virginie Duby-Muller, M. Martial Saddier