Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 4 décembre 2018 à 16h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission a présenté, conjointement avec la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, le rapport de la mission d'information commune sur le foncier agricole (M. Jean-Bernard Sempastous, président, Mme Anne-Laurence Petel et M. Dominique Potier, rapporteurs).

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Nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner les conclusions de la mission d'information commune sur le foncier agricole.

À la suite d'une demande formulée par notre collègue M. Dominique Potier, la commission des affaires économiques a été à l'initiative de cette mission, créée le 24 janvier dernier. Celle-ci a pris la forme d'une mission d'information commune, qui a regroupé quatorze membres de la commission des affaires économiques, un membre de la commission des finances, mais aussi quatre membres de la commission du développement durable.

Le travail de la mission, grâce à l'audition d'une centaine de professionnels et à des rencontres, sur le terrain, avec des agriculteurs et des élus des territoires, a permis de tenir compte de la diversité des regards sur le sujet.

Il a aussi permis à la commission des affaires économiques d'organiser sa première consultation citoyenne sur le site de l'Assemblée nationale. Cette dernière a recueilli, en un mois, plus de 6 000 contributions, dont les résultats figurent en annexe du rapport.

Le travail des rapporteurs a ainsi été au croisement de nos deux commissions, puisque la mission avait un double objet : d'une part, analyser la capacité des outils de régulation du foncier agricole et des exploitations à faire face à l'enjeu du renouvellement des générations et aux nouvelles modalités d'exploitation ; d'autre part, prendre la mesure des menaces qui pèsent sur la terre, ressource convoitée et négligée lorsqu'elle est offerte à l'artificialisation.

Le rapport débute par deux parties dressant un constat sur ces deux problématiques qui conduisent à la disparition du foncier agricole et, par là même, à celle de nos exploitations.

Le profil des deux rapporteurs, l'un issu du monde agricole, l'autre non, a également permis d'aborder le sujet en veillant à ne pas opposer l'urbain et le rural.

Le président de la mission présentera le constat et les quinze propositions communes des rapporteurs. Il disposera pour cela de dix minutes. Chacun des rapporteurs présentera ensuite ses propres propositions. Ils disposeront de dix minutes chacun.

Je rappelle que l'objet de cette réunion est de voter sur l'autorisation de la publication du rapport qui va vous être présenté et qui a été adopté par les membres de la mission d'information, la semaine dernière.

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Je vous prie de bien vouloir excuser Mme Barbara Pompili, présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui ne peut être parmi nous car elle est retenue par d'autres obligations liées à sa fonction de rapporteure du projet de loi portant création de l'Agence française pour la biodiversité – Office national de la chasse et de la faune sauvage (AFB-ONCFS, dont je rappelle d'ailleurs que nous débuterons l'examen ici même, à l'issue de la présente réunion, à 18 heures 30.

Nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner les conclusions de la mission d'information commune sur le foncier agricole. Vous le savez, celle-ci résulte d'une initiative bienvenue de la commission des affaires économiques. La nature des problématiques que cette mission allait être amenée à traiter, à savoir l'aménagement du territoire rural mais aussi la question de l'artificialisation des sols, a naturellement conduit la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire à souhaiter se joindre à cette initiative. Nos débats en commission nous conduisent en effet à évoquer régulièrement ces sujets qui sont au coeur de nos préoccupations. Je pense en particulier à l'artificialisation des sols, sujet essentiel que nous avons abordé encore tout récemment, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019.

Comme le soulignent très justement les deux rapporteurs de la mission d'information, Mme Anne-Laurence Petel et M. Dominique Potier, la progression continue des surfaces artificialisées, liée en grande partie à l'étalement urbain, s'effectue au détriment des surfaces naturelles forestières et agricoles, avec des conséquences directes et irréversibles sur la biodiversité et le climat. C'est une surface équivalente à un département qui est artificialisée tous les sept ans, ce qui montre l'ampleur de l'enjeu. D'ailleurs le plan « Biodiversité » compte parmi ses objectifs de parvenir à « zéro artificialisation » des sols.

Mais cette problématique n'est pas seulement environnementale : elle revêt également une dimension économique, sociale et sociétale. L'artificialisation des terres conduit en effet à une éviction des agriculteurs, le foncier rural étant un des biens dont le rendement est parmi les plus faibles. L'évolution à laquelle on assiste fragilise individuellement les exploitants et, à plus grande échelle, le potentiel agricole de la France.

Il nous revient donc de trouver des solutions pour faire face à la pression qui s'exerce sur le bien rare qu'est la terre agricole. Des dispositifs existent mais demeurent à l'évidence insuffisants pour contrer le mouvement en cours.

Je remercie donc la commission des affaires économiques d'avoir accepté que des membres de la commission du développement durable se joignent à la mission d'information créée, pour apporter leur contribution à la réflexion menée sur ce sujet complexe. Cela a permis à notre commission de désigner quatre de ses membres pour participer aux travaux de cette mission désormais commune.

Je me réjouis que nous puissions aujourd'hui examiner les conclusions auxquelles elle est parvenue.

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La mission d'information commune sur le foncier agricole que j'ai l'honneur de présider a été constituée il y a plus de dix mois maintenant, le 24 janvier 2018, à la demande de notre collègue M. Dominique Potier, co-rapporteur au côté de Mme Anne-Laurence Petel, co-rapporteure également. Elle regroupe dix-neuf députés membres de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable, ainsi qu'un membre de la commission des finances, notre collègue Jean-Paul Dufrègne.

Elle a conduit ses travaux avec la conscience du défi de taille qui se présente à nous. D'ici une dizaine d'années, la moitié des agriculteurs arriveront à l'âge de la retraite. L'urgence est aussi de protéger nos sols face à l'urbanisation rampante et de répondre au défi alimentaire en préservant nos surfaces agricoles de dommages irréversibles.

La question du foncier agricole est au coeur de cet enjeu en interrogeant l'avenir du monde agricole et les préoccupations mêmes de notre société.

Il s'agit donc d'un sujet passionnant, mais aussi hautement sensible, tiraillé entre de multiples intérêts. Face à la nécessité de consulter largement tous les acteurs, sur de nombreux territoires en France qui sont chacun confrontés à des problématiques particulières, le travail de notre mission d'information a, je le crois, été très utile.

Je tiens, à ce titre, à saluer l'important travail fourni par la mission, en particulier ses rapporteurs : une cinquantaine d'entités auditionnées, quatre déplacements officiels sur le terrain – Vienne, Pays Basque et Béarn, Meurthe-et-Moselle, Provence-Alpes-Côte d'Azur – et des réunions organisées localement par des membres de la mission que je tiens à remercier.

Notre participation au colloque universitaire de Poitiers, au début de nos travaux, a été particulièrement instructive pour comprendre les enjeux et entendre les nombreuses idées des professeurs de droit et des professionnels du monde agricole.

Je n'oublie pas non plus le succès record de la consultation citoyenne lancée cet été sur le site internet de l'Assemblée nationale, qui a reçu plus de 6 000 contributions !

Notre travail a été, je le pense, à la hauteur des enjeux et surtout des attentes très fortes du monde rural pour une politique foncière qui permette à la fois d'accueillir de nouveaux agriculteurs, de simplifier l'accès aux terres et la transmission, mais aussi de lutter contre l'artificialisation des sols.

L'organisation du rapport distingue bien ces deux enjeux.

Sa première partie est consacrée à la protection du foncier et au phénomène d'artificialisation croissante des sols. On constate aujourd'hui que l'arsenal juridique, fondé sur le principe d'une gestion économe des sols, et la fiscalité, dont l'objet est de freiner le changement d'usage des terres, ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Sa deuxième partie s'intéresse au partage du foncier, c'est-à-dire à l'accès aux terres et à leur transmission. Elle permet de constater que les outils de régulation pensés dans les années 1960 sont aujourd'hui fragilisés par la progression de nouvelles formes d'exploitation qui échappent au contrôle de la puissance publique et qui compliquent l'installation des jeunes agriculteurs.

Face à cet état des lieux, au contexte économique délicat, aux attentes fortes des acteurs de terrain et à la nécessité de renforcer la cohésion sociale dans les territoires, nous avons une obligation de résultat. Nous devons répondre aux attentes en formulant des propositions concrètes et innovantes.

Les parties qui suivent sont consacrées aux propositions : quinze propositions communes dans la troisième partie, suivies, dans les quatrième et cinquième parties, de propositions personnelles de chacun des rapporteurs, qui révèlent deux philosophies différentes et dévoilent des pistes de réformes ayant avant tout vocation à susciter le débat. En effet, vu l'ampleur du sujet traité et la diversité de problématiques sur le territoire, ce rapport n'épuise pas le débat. Les propositions formulées nécessiteront une expertise complémentaire. Je tiens également à préciser que, compte tenu de l'ampleur de la tâche, la question de la forêt n'a pas été abordée.

En tant que président de cette mission, j'aurais évidemment préféré un consensus plus large sur les propositions, puisqu'il sera nécessaire de le trouver ensuite dans la définition des contours de la réforme, puis dans la mise en oeuvre des réformes.

En réalité, il semblerait que ce soient surtout la philosophie sous-jacente aux pistes envisagées et le jugement sur l'opportunité d'une grande loi foncière qui séparent nos deux rapporteurs.

Les propositions communes sont présentées à la page 85. Elles se divisent en trois sous-parties.

La première consiste à observer, mesurer et recenser.

Les rapporteurs proposent notamment : la création d'outils pour mesurer la qualité et les usages des sols, la réalisation d'un inventaire des friches agricoles en réaffirmant le rôle des commissions départementales de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF) via les préfets ; le recensement de la totalité des opérations sur les marchés fonciers : marché des ventes de terres, marché des locations, marché des cessions de parts sociales, marché du travail agricole délégué.

La deuxième sous-partie porte sur la protection des terres.

Pour passer d'une gestion concurrente à une gestion complémentaire des usages du foncier, il est proposé de couvrir l'intégralité du territoire national par les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI) à l'horizon 2025 et de valoriser les outils que sont les zones agricoles protégées (ZAP) et les périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN) existants.

Pour densifier l'urbain, il est proposé de réviser les règles de l'urbanisme commercial et industriel.

Pour éloigner la tentation spéculative, enfin, il convient de dresser un inventaire et éventuellement une réforme des taxes contribuant à la lutte contre l'artificialisation.

La troisième sous-partie porte sur le partage. Il convient en premier lieu, selon les rapporteurs, de moderniser et de rééquilibrer le statut du fermage.

Pour rénover le contrôle des structures, il est en outre proposé de renforcer et de préciser les orientations du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SRDEA) et de les décliner au niveau territorial pour donner du sens aux autorisations d'exploiter.

Je souhaite maintenant vous faire part de mes orientations personnelles sur ce sujet, après dix mois de travail en tant que président de la mission.

Je crois qu'il faudrait commencer par répondre à la nécessité d'obtenir plus d'informations et de transparence sur la situation foncière en France.

Nous devons, à mon sens, nous saisir de quatre priorités.

La première est de lutter efficacement contre l'artificialisation des terres. Cela passera par une plus grande rigueur dans la définition des documents d'urbanisme, qui devront être plus prescriptifs. Mais aussi, sans doute, faut-il doter l'État d'un droit de contrôle des changements d'usage du sol.

La deuxième priorité est de faciliter l'accès au foncier, notamment pour les jeunes agriculteurs. Il faudra pour cela rénover le statut du fermage en donnant plus de souplesse à la fixation du prix dans les régions à fermage dominant, par exemple, en rehaussant le seuil au-delà duquel le contrôle des fermages est obligatoire. C'est le cas aujourd'hui dans le département du Gers et cela paraît satisfaire propriétaires et exploitants.

Il faudra, d'autre part, créer des outils fiscaux incitatifs, comme un crédit ou une réduction d'impôt pour les propriétaires qui louent leurs terres à un ou plusieurs exploitants, en contrepartie d'une minoration de loyers.

La troisième priorité est de répondre à la déconnexion de plus en plus grande entre la propriété et l'exploitation de la terre. L'État doit exercer davantage de contrôle sur les conditions d'exploitation des terres agricoles, et une réflexion est à mener sur la régulation des investissements étrangers sur certains investissements stratégiques, comme cela existe en matière industrielle.

Quatrièmement, il faudra aussi redéfinir les rôles des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) pour parvenir à renforcer leur action et leur transparence, avec un contrôle de tutelle plus marqué et une présence plus forte de l'État dans leur gouvernance. Cela aidera à renouer la confiance entre le monde agricole et les SAFER et ce sera particulièrement important pour garantir une mise en oeuvre réussie des réformes.

L'action des SAFER doit aussi viser à reterritorialiser ; le territoire, plus que les régions, doit être le socle de cette action.

Il faut aussi redéfinir les liens entre établissements publics fonciers locaux (EPFL) et SAFER pour faire vivre la solidarité entre urbain et rural, et favoriser le travail sur des projets structurants.

En ce qui concerne la régulation, de nombreux outils existent déjà. Il s'agira de les « toiletter » ou de les réorganiser pour une utilisation plus efficace – sans doute à l'aide d'une loi.

Sans aller jusqu'à parler d'une remise à plat, je suis convaincu que nos pratiques et nos réglementations peuvent progressivement s'adapter. Nous avons vu beaucoup de bonne volonté lors de nos déplacements. Cela pourrait nous conduire à privilégier, dans un premier temps, des expérimentations sur certains territoires cibles – ceux qui sont volontaires et déjà les mieux organisés. Je pense notamment au Pays Basque, qui paraît exemplaire de ce point de vue.

Globalement, je crois beaucoup à la mise en place d'une gouvernance territoriale du foncier, qui serait le lieu de concertation, d'élaboration et de suivi de la stratégie foncière territoriale, via des instances de concertation associant les chambres d'agricultures, les élus locaux, les représentants de l'État, de la région, du département et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les SAFER, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), etc.

Vous l'avez compris, ce rapport est le début du travail qui devra se construire avec les territoires et nos agriculteurs.

Des mesures législatives sont attendues. Elles pourront être utiles pour donner un cadre général à la réforme. Je ne doute pas de la volonté du ministre M. Didier Guillaume de lire avec attention notre rapport, qu'il attend particulièrement, en espérant qu'il s'en saisisse pour proposer des pistes de réforme sur ce dossier.

En conclusion, les attentes de nos agriculteurs sont fortes. Partout sur notre territoire, il sera indispensable de fixer un calendrier de réforme pour que les discussions s'organisent sur le terrain. Je le répète, c'est l'avenir du monde agricole qui est en jeu.

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Je voudrais d'abord remercier les nombreuses personnes qui ont répondu à nos demandes d'audition et celles qui nous ont accueillis lors de nos déplacements.

Historiquement, la terre est un enjeu de propriété et son acquisition un moyen d'émancipation. Pourtant, lorsque l'on parle de foncier agricole, nous évoquons un bien commun, support de l'agriculture et condition nécessaire de notre subsistance.

Dès lors, comment faire cohabiter l'urgence vitale de préservation de la terre et les intérêts privés ou publics du développement économique ? Comment faire de la terre agricole une préoccupation partagée, lorsqu'elle est concurrencée par les intérêts personnels ou individuels ? Comment placer cette préoccupation au-dessus de toutes les autres si l'adhésion et la volonté de tous n'y sont pas ?

Au-delà du foncier agricole, l'enjeu de cette mission est donc aussi la prise de conscience d'un intérêt général supérieur au travers de la préservation et du partage de la terre, par une opinion qui, si elle a acquis une conscience écologique, n'en perçoit pas forcément l'intérêt stratégique.

M. Jean-Bernard Sempastous l'a dit, les enjeux sont universels : subsistance alimentaire en raison de la démographie mondiale en constante évolution ; partage de la terre agricole dans un secteur en difficulté qui voit de nouveaux profils entrer dans la profession ; problématique de la dégradation généralisée des sols nous obligeant à repenser nos pratiques agriculturales.

Au-delà des enjeux universels, la profession agricole elle-même fait face à plusieurs défis majeurs liés à la remise en question des outils de régulation créés dans les années 1960 qui ne jouent plus leur rôle protecteur dans le partage des terres. La SAFER, le contrôle des structures, le statut du fermage font l'objet de critiques.

On constate également l'agrandissement de la taille des exploitations, le développement du travail délégué et du phénomène sociétaire qui hypothèquent la mutation du modèle agricole, ainsi que l'arrivée de nouveaux entrants dans la profession d'agriculteur.

Il nous faut donc travailler à une meilleure protection et un meilleur partage de la terre en termes de gestion des usages et de planification mais aussi d'accès plus équitable au sein de la profession.

Face à ces constats, il nous faut répondre aussi à des problèmes concrets par des solutions elles-mêmes concrètes, pragmatiques, dans une recherche d'adhésion suscitée plus que contrainte.

À l'instar du président de la mission, je suis convaincue que la réponse aux défis se trouve dans les territoires, dans le respect de leur diversité et de leurs agricultures. C'est pourquoi les propositions que je fais vont dans le sens de la différenciation et de l'expérimentation.

J'ai articulé mes propositions autour de trois défis du foncier agricole et de l'agriculture de demain : d'abord, celui de l'artificialisation des terres, caractérisée par l'étalement urbain et le mitage ; ensuite, puisque 40 % des agriculteurs partiront d'ici 2022 à la retraite, celui du renouvellement générationnel, donc de la transmission à une nouvelle génération d'agriculteurs, qui ne se fera que par un accès plus équitable au foncier agricole ; enfin, le défi environnemental et alimentaire. Mon projet est donc de remettre l'agriculture au coeur des enjeux du territoire et d'organiser les synergies nécessaires à cette mutation.

Le président l'a répété, il nous faut, au préalable, observer, recenser, mesurer, et nous doter pour cela des outils adéquats, qui aujourd'hui n'existent pas. Il en existe seulement de très disparates, qui donnent des résultats partiels et inégaux en matière de mesure de l'artificialisation et de recensement des friches agricoles. Nous sommes donc tombés d'accord sur le choix de plusieurs outils capables de donner une vision plus fine de l'artificialisation et du recensement des friches.

Afin de préserver le foncier agricole et de lutter efficacement contre l'artificialisation, je propose d'agir sur trois axes complémentaires : des documents d'urbanisme plus prescriptifs, une incitation à densifier la ville, une dynamique territoriale autour de l'alimentation. L'objet de mes propositions est de réconcilier l'urbain et le rural, l'agriculteur et le citoyen.

La planification dans les territoires s'est développée de manière différenciée et décalée. Tous les PLUI et tous les SCoT ne se valent pas. Mais certains territoires, je pense à Montpellier, Le Havre ou Grenoble, sont proactifs sur la préservation du foncier agricole et sur les politiques alimentaires – lier les deux me semble nécessaire. C'est pourquoi je propose de laisser la place à l'expérimentation et à la différenciation en identifiant en premier lieu les territoires consommateurs d'espaces, de définir des SCoT et des PLUI plus prescriptifs, avec des limites stratégiques ou des espaces agricoles stratégiques, des objectifs de pourcentages de rénovation urbaine, et d'intégrer les périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN) ou les zones agricoles protégées (ZAP) directement dans les SCoT, en s'appuyant sur les expériences et les initiatives déjà portées par certains territoires.

L'outil « toile alimentaire » du Havre, conçu avec l'Agence d'urbanisme de la région du Havre et de l'estuaire de la Seine (AURH), qui gère la demande et l'offre et met en lien distributeurs, producteurs, transformateurs, clients publics et privés pour faire vivre un réseau d'échanges, me semble être un outil innovant et pertinent pour développer ce secteur économique et, par ricochet, permettre une réappropriation et une redistribution du foncier agricole.

Une série d'outils fiscaux dissuasifs et incitatifs peuvent être mis en place, mais à la condition de faire préalablement un état des lieux de la fiscalité, d'en évaluer strictement les effets, notamment concernant la suppression de la taxe sur les plus-values pour le changement de destination ou la modulation de la taxe d'aménagement.

Après avoir préservé le foncier, il convient d'en garantir un partage plus équitable. Comment répondre aux enjeux de demain avec les outils de régulation d'hier ? Comment permettre aux agriculteurs de demain d'accéder au foncier ?

En termes sociologiques, nous sommes face à un défi générationnel. Les 10 000 entrants dans le métier d'agriculteur à l'horizon 2025 auront des profils plus diversifiés et seront plus âgés, notamment du fait des arrivées tardives dans le métier. Cette métamorphose sociologique n'est pas sans conséquence sur l'émergence de pratiques innovantes, sur la multi-activité et sur le lien à la terre, notamment à la propriété qui, dès lors, devient moins essentielle.

Les défis du monde agricole, au-delà de cette problématique, sont multiples et interdépendants. Les friches agricoles, la rétention foncière, la déprise agricole réduisent la disponibilité du foncier et posent la question du fermage, devenu très contraignant pour les propriétaires. Le phénomène nouveau et d'ampleur observé par les SAFER est celui de la concentration du foncier sous la forme sociétaire, par des firmes pour la plupart françaises, qui réduisent la capacité d'accès au foncier. Cette concentration sociétaire développe un modèle intensif plutôt qu'extensif et un travail délégué à des sociétés agricoles plutôt que par l'exploitant lui-même.

Parallèlement, je propose de résoudre le défi générationnel en organisant de manière innovante une véritable task force en faveur de la transmission, chargée d'anticiper les départs en retraite et l'arrivée des nouveaux entrants pour créer les conditions de l'émergence de nouveaux projets.

Pour garantir l'accès au foncier pour les nouvelles générations, les propositions que je formule ne sont pas symboliques : elles sont opérationnelles. Elles tiennent compte à la fois de la modernisation des outils, de la mise en oeuvre d'un mécanisme simple afin de contrer la concentration sociétaire et de plus de transversalité et d'anticipation

En premier lieu, la création de ce que j'appelle un « cluster foncier régional », facile à mettre en oeuvre, regroupant les moyens et les missions des SAFER, des établissements publics fonciers (EPF) et du contrôle des structures, permettrait de traiter d'une même main le projet agricole. Les SAFER sont déjà en train de développer des partenariats, qu'il faudrait globaliser et généraliser, en intégrant dans leur gouvernance les collectivités ainsi que des structures comme Terre de Liens ou Coop de France.

Dans ce cluster, le contrôle des structures, sous l'autorité du préfet, conduirait désormais à demander systématiquement une autorisation d'exploiter, y compris lorsque l'exploitant titulaire de l'autorisation conserve des parts dans la société. Cet agrément répondrait à un cahier des charges avec des objectifs de types de cultures, d'emplois, d'équilibre de l'exploitation drastiques, en adéquation avec le SRDEA. Sans ce permis d'exploiter, il serait impossible de déposer au greffe l'acte de création de la société.

Il nous est apparu que la CDPENAF devait avoir un contrôle renforcé sur les SCoT et les PLUI, ainsi qu'un rôle accru dans le cadre de la compensation environnementale et agricole.

Enfin, comme je l'ai dit, le défi de la transmission doit être anticipé et animé par une task force qui étudie le marché des cédants, le marché des entrants, celui de la location, celui des entreprises de travaux agricoles et la viabilité des exploitations à céder.

Avec la pression foncière, l'expansion des villes, la mutation du modèle agricole, le changement climatique et l'exigence de souveraineté alimentaire, le foncier agricole fait face à des défis économiques et environnementaux, auxquels s'ajoutent des défis sociétaux : le lien entre zones urbaines et rurales, l'exigence de consommation éthique des Français, le nouveau profil des agriculteurs de demain, la réconciliation entre l'agriculture et le citoyen.

À situation nouvelle, réponses nouvelles. C'est pourquoi je souhaite placer l'alimentation et les territoires au coeur du dispositif, en créant les synergies dans les territoires et en respectant leurs différences, par l'adhésion et la convergence des énergies entre citoyens, agriculteurs et élus autour d'un projet de territoire, sans figer les outils mais, au contraire, en privilégiant leur souplesse et l'adaptation au changement.

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À mon tour d'exprimer ma gratitude envers le président de la mission, ma co-rapporteure Mme Anne-Laurence Petel, les services de l'Assemblée, et toutes les personnes que nous avons rencontrées, sur le terrain et ici. Leur passion pour la question foncière nous a éclairés et habités pendant ces quelques mois.

En préambule, je voudrais exprimer ma fidélité à l'égard de deux héros de mon enfance et de ma jeunesse politique. Edgard Pisani, né il y a un siècle, fut, après la guerre, le grand architecte des politiques foncières qui ont marqué notre civilisation rurale et notre nation. Nous lui devons énormément. Il est un des hommes d'État qui pourraient nous inspirer aujourd'hui. Henri Burin des Roziers, mort il y a un an, a consacré sa vie à lutter aux côtés des paysans sans terre brésiliens. Au péril de sa vie, il a combattu pour que ceux-ci accèdent à un minimum de dignité et de droits. Enfin, pour en revenir aux territoires, aux militants, aux paysans et à l'élu local que j'ai été, je voudrais rendre hommage à ceux qu'on a appelés dans notre région, mais aussi dans l'Ouest, les « partageux », et qui considéraient que la terre n'était pas une marchandise mais un bien commun à partager afin de permettre à tous de vivre dignement.

Cela fait maintenant cinq ans qu'avec quelques députés, de la majorité d'alors, nous avons été aiguillonnés sur le terrain et nous avons découvert les dérives d'un système fondé après-guerre, qui montrait partout sa fragilité. Nous avons été les premiers à identifier l'apparition de failles législatives, l'arrivée d'investisseurs étrangers et d'une agriculture de firme, ainsi qu'une forme d'incurie dans l'incapacité à limiter l'artificialisation de nos sols. Nos démarches ont conduit, dès 2013, au dépôt d'une proposition de loi visant à inscrire un volet foncier dans la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Un peu plus tard, à la suite de l'émotion suscitée par l'arrivée d'investisseurs chinois dans l'Indre puis dans l'Allier, nous avons voulu remobiliser la société civile en déposant des amendements à la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 ». J'ai ensuite eu l'honneur de défendre, en mars 2017, une proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle, qui a été en partie censurée à la suite d'une saisine du Conseil constitutionnel. Nous étions donc dans l'impasse. Même si chaque progrès avait été une avancée, le problème nous semblait devoir être repris dans sa globalité. Tel est le but même de cette mission. Je remercie le président Roland Lescure et la majorité d'avoir accepté sa création.

Tous les travaux de la mission et tous ceux conduits en parallèle – je pense à l'étude « Agrimonde Terra » menée par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), aux alertes de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), aux travaux des États généraux de l'alimentation, aux déclarations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) il y a quelques semaines – vont dans le même sens. Ils disent que la terre est un bien hors du commun, en ce qu'elle joue un rôle capital non seulement pour l'avenir économique de nos territoires, mais aussi pour notre souveraineté alimentaire, avec les 10 milliards d'humains qu'il faudra nourrir à l'horizon 2050. Elle joue un rôle très important dans la captation du carbone et la résilience climatique. Rappelons que 90 % de la biodiversité se trouve dans le sol et non au-dessus du sol !

Pour toutes ces raisons, notre devoir était de faire des propositions qui ne se paient pas de mots, qui ne soient pas des demi-mesures, mais qui prennent les problèmes à la racine et proposent de véritables régulations publiques, afin que ce bien naturel ne soit pas considéré comme une marchandise comme les autres, afin que l'espace rural ne devienne pas un supermarché low cost et que nous retrouvions l'esprit de régulation. Celui-ci n'a jamais été contraire à l'esprit d'entreprise et à l'innovation des territoires. Je dirai même que les régulations de la puissance publique sont aujourd'hui la condition indispensable à l'innovation territoriale et à l'esprit d'entreprise du monde paysan.

Les propositions que j'ai formulées sont articulées autour de trois propositions : partager, protéger et anticiper, auxquelles s'ajoute une série de propositions transversales.

Il me semble que la clé de voûte de toute politique foncière est la reconnaissance des actifs agricoles comme acteurs prioritaires de l'usage et de la propriété foncière. Il faut définir ce qu'est un paysan au XXIe siècle. De même qu'Edgard Pisani avait dit dans les années 1960 ce qu'était un exploitant familial, nous devons dire ce qu'est l'entreprise agricole du XXIe siècle. Nous nous risquons, aux côtés de la profession, à faire une proposition que vous retrouverez dans le rapport.

Il nous faut sortir de la clandestinité quant au travail à façon, ce travail délégué, forme de concentration productive qui ne dit pas son nom et qui passe inaperçu de tous les radars du contrôle des structures. Nous proposons de l'inscrire dans le code rural et de la pêche maritime afin de documenter tous les compartiments du droit : social, rural et européen.

Il faut moderniser le contrôle de l'État et préparer une relève, retrouvant l'esprit sur nos territoires des opérations groupées d'aménagement foncier réalisées jusque dans les années 2000.

Il faut rétablir l'égalité de droits. Nous sommes aujourd'hui face à un scandale public qui fait qu'il y a deux poids, deux mesures : des sociétés qui s'affranchissent totalement des réglementations, d'autres qui y sont soumises. Le phénomène sociétaire capitaliste qui passe en dessous des radars doit absolument être contré. Je propose trois voies : lever le verrou constitutionnel, laquelle nous semble la plus porteuse, et deux voies de recours, qui sont le contrôle de la prise de participations sociétaires et l'activation des outils du droit de la concurrence.

Il nous faut étendre au foncier agricole le contrôle public des investisseurs étrangers si nous ne voulons pas subir à nouveau des investisseurs que nous ne contrôlons pas. Je ne tranche pas, dans le rapport, la question de l'interdiction ou non des investissements étrangers. Je dis seulement qu'ils doivent être contrôlés car, comme les aéroports ou les ports, la terre de France doit d'abord être orientée vers un dessein collectif élaboré au sein de la Nation.

Il nous faut moderniser les instruments publics, avec deux versions. L'une, radicale, soumise au colloque universitaire de Poitiers qui a éclairé nos travaux, est la création d'une autorité publique qui reprenne l'ensemble des compétences de contrôle, de préemption et de portage du foncier. L'autre est l'élargissement des missions des SAFER. À chaque fois, des contrepoints sont organisés.

Je passe sur les rapprochements nécessaires entre les EPF et les SAFER pour en arriver rapidement à une proposition budgétaire, la création d'une épargne verte, via un livret vert, qui accompagne la relève générationnelle et la mutation agroécologique. Elle serait orientée vers trois séries de propriétaires privilégiés : les paysans eux-mêmes et leurs familles, les groupements fonciers agricoles (GFA) territoriaux, les collectifs citoyens comme Terre de Liens et, bien sûr, les collectivités locales qui, elles aussi, peuvent jouer un rôle transitoire ou de long terme dans le portage du foncier. Nous aurions ainsi un capitalisme citoyen et populaire qui pourrait résister aux desseins des pratiques spéculatives.

Nous proposons de maintenir les principes du fermage en les réaffirmant comme une idée neuve. En 1946, Tanguy Prigent, dont les idées doivent toujours nous inspirer, affirmait que le travail et l'esprit d'entreprise doivent être protégés face à celui de la propriété. L'équilibre doit être rénové tout en conservant les fondamentaux.

Concernant la protection, nous demandons que soient mis en place des outils de mesure de l'artificialisation des terres à l'échelle nationale et planétaire, et nous plaidons, plus loin, pour un principe de neutralité qui s'appuierait sur l'article L. 110-1 du code de l'urbanisme. Les sols seraient classés au même niveau de protection que l'eau et les sites dans le patrimoine commun de la nation.

Cette neutralité quant à la dégradation des terres s'accomplirait grâce à une restriction des terrains à bâtir, à une révision des zones d'urbanisme – les zones agricoles protégées, les ZAP, seraient la règle et non plus l'exception –, à la couverture de l'ensemble du territoire national par des PLUI et des SCoT, avec des révisions d'inspiration « grenellienne » qui réduiraient ou, à défaut, compenseraient la part artificialisée.

Nous demandons enfin que les règles d'urbanisme soient remises en cohérence. Nous proposons d'effacer l'effet spéculatif par un jeu de normes et de réinvestir dans la recherche d'une densité urbaine dans les bourgs et les villages, qu'il faut accompagner par des programmes de recherche et des aides budgétaires. Ces propositions sont détaillées dans nos documents.

Concernant l'anticipation, nous formulons trois grandes propositions.

La première consiste à simplifier l'ensemble de la gouvernance territoriale. Les questions de foncier ont été jusqu'à présent, pour l'essentiel, un dialogue entre l'État et le monde paysan. Ce temps est révolu. Les deux acteurs se sont épuisés dans cette gouvernance commune. Nous proposons d'introduire une triangulation en remettant le territoire au centre et en faisant du SCoT le cadre et le creuset de l'ensemble de la gestion du foncier, qu'il s'agisse de la propriété ou des usages de celui-ci.

Nous proposons une réforme de la Constitution s'inspirant des principes du bien commun, de la sécurité alimentaire ou de l'intérêt général, pour mettre fin à la toute-puissance de règles qui, aujourd'hui, privilégient exclusivement la liberté d'entreprise et la propriété.

Nous formulons également des propositions pour que la politique agricole commune (PAC) ne soit plus une prime à l'agrandissement des exploitations, et privilégie plutôt un grand programme de recherche sur la qualité, la remédiation et la sauvegarde de nos sols, s'inscrivant, à l'échelle européenne, dans la dynamique du « 4 pour 1 000 » lancées par M. Stéphane Le Foll lorsqu'il était ministre de l'agriculture.

À l'échelle mondiale, nous demandons la réciprocité. Si nous refusons chez nous des investisseurs étrangers sans foi ni loi, nous devons interdire à nos propres sociétés d'investir dans les pays tiers où règnent des pratiques équivalentes.

Enfin, nous appelons de nos voeux un programme de coopération, piloté par l'Agence française de développement (AFD), et visant à conforter les économies fragiles des pays en voie de développement en dotant les paysanneries locales d'un droit rural à la hauteur de leurs attentes.

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Je donne maintenant la parole aux représentants des groupes.

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Tout d'abord, permettez-moi de remercier le travail collectif réalisé par Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier et M. Jean-Bernard Sempastous, fruit de dix mois de travaux, de nombreuses auditions, de déplacements sur le terrain et d'une innovation à l'Assemblée nationale : une consultation en ligne des citoyens.

Aujourd'hui, nous sommes regardés. Nous le sommes d'abord par le monde agricole, qui nous appelle à mieux préserver des terres cultivables de plus en plus rares. Nous le sommes aussi par les citoyens, concernés également, qui attendent de nous de protéger leur souveraineté alimentaire et notre économie agricole. Le foncier agricole est bien plus qu'une question d'agriculture, elle touche aujourd'hui à notre terre, à notre histoire, à notre patrimoine et à notre avenir.

C'est pourquoi votre travail est indispensable au regard des objectifs que nous souhaitons atteindre : préserver, protéger nos terres agricoles qui sont malheureusement trop souvent accaparées ou victimes du changement d'affectation des sols, notamment au profit de constructions commerciales à la lisière des territoires urbains, mais aussi attirer les nouveaux talents, une nouvelle génération qui cherche à s'installer, prête à faire vivre un modèle agricole français, respectueux de l'environnement et des attentes des consommateurs. Cela implique de les aider à acquérir du foncier, à s'installer, à produire.

Votre rapport soulève notamment trois questions clés.

L'agriculture française est riche de sa diversité. Elle a évolué depuis une quarantaine d'années. Est-ce à dire que les outils existants en matière d'urbanisme ou de fiscalité sont obsolètes, ou faut-il simplement les adapter ou les compléter ?

Vous évoquez la mise en place d'un outil unique de mesure de l'artificialisation des sols. Il serait intéressant que nous sachions qui en serait le pilote et s'il serait opposable en cas de changement d'affectation des sols.

Enfin, vous constatez que le prix du foncier est relativement peu élevé en France par rapport aux autres pays européens. Pourtant les difficultés de nos agriculteurs à acquérir des terres perdurent. Hier encore, alors que je participais à une réunion publique, des habitants m'indiquaient la difficulté d'acheter les terres pour ceux qui veulent investir dans l'agriculture biologique. Comment accompagner ce transfert des exploitations, cet achat de terres par nos agriculteurs ?

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Je ne reviendrai pas sur l'utilité de la thématique abordée par cette mission d'information. Pour être l'élu d'une circonscription où l'agriculture occupe encore une place très importante, je peux affirmer que les parlementaires, et plus largement les élus dans leur globalité, ont bien conscience des enjeux liés au foncier agricole, bien non extensible, quand la demande en terrains, elle, est parfois exponentielle.

Pour avoir initié dès 2008 un PLUI à l'échelle d'une communauté de 23 communes, je suis convaincu que cette gestion de l'utilisation de l'espace à l'échelle supra-communale est le bon niveau, accompagnée par un SCoT. Déjà, à l'époque, avec mes collègues maires, nous pointions la nécessité d'appréhender les différents terrains en fonction de leur potentiel agronomique. L'idée d'instaurer une forme de diagnostic de performance énergétique (DPE) des sols, à l'instar de ce qui est fait pour les logements, me paraît être une bonne proposition.

De même, je pense que la nécessité d'élargir le recensement des transactions agricoles à la totalité des opérations, y compris les ventes de parts de sociétés, est une nécessité qui fait désormais consensus.

Toutefois, permettez-moi d'exprimer un certain nombre de divergences d'appréciation avec les rapporteurs.

Madame Petel, je serais prêt à vous suivre dans l'idée que la grande diversité des territoires et des agricultures empêche d'imposer une loi qui s'appliquerait de façon homogène, afin de tenir compte des spécificités de ces territoires, à ceci près que le besoin d'une régulation plus forte encore de ce bien rare qu'est la terre agricole s'accommodera très difficilement de la souplesse que vous réclamez.

Puisque vous parlez d'expérimentation, je vous propose d'expérimenter aussi la suppression de ce qui ne fonctionne pas. Donnez plus de souplesse aux SCoT, donnez plus de liberté aux élus, permettez-leur de décider – et peut-être de laisser moins de latitude aux CDPENAF !

Vous suggérez à plusieurs reprises une fiscalité nouvelle pour contrer telle difficulté ou tel comportement problématique. Faites attention, entendez ce qui est en train de se passer sur le territoire national ! Nous devons sortir de cette logique de taxation.

Par ailleurs, la proposition de favoriser l'achat de foncier par les collectivités pour financer les installations hors cadre familial me semble être une mesure délicate à mettre en oeuvre : d'abord, en raison du coût et des moyens mobilisés dans un contexte où les collectivités ont vu leurs ressources trop fortement amputées depuis 2012 ; ensuite, parce que ce type d'initiative ne me paraît pas pouvoir être reproduit à grande échelle, du fait de son coût. Il s'agirait donc davantage d'un affichage que d'une véritable politique publique, qui doit être réplicable autant que de besoin.

Monsieur Potier, vous dites vouloir élargir le champ d'action des SAFER à l'instruction du contrôle des structures, ce qui supposerait un renforcement du contrôle exercé par l'État et une révision de leur mode de financement, par l'affectation de moyens suffisants pour l'accomplissement de l'ensemble de leurs missions de régulation et garantissant ainsi leur indépendance. Dans certains territoires, l'idée se développe parfois d'une SAFER qui aurait perdu son rôle de régulation et d'aménagement pour participer à la spéculation, aux enrichissements des terres et donc, in fine, à l'éloignement des agriculteurs de l'accès à la terre. C'est donc bel et bien en renforçant les moyens, les missions, mais aussi le contrôle public que nous parviendrons à redonner aux SAFER l'image et le rôle d'un établissement utile au service des agriculteurs et d'un aménagement durable du territoire.

Vous proposez d'interdire strictement la consommation de terres agricoles pour la production exclusive d'énergies renouvelables. Si je comprends bien, cela signifie : stop au photovoltaïque, stop à la construction d'éoliennes et stop aux cultures de biocarburants...

Voilà, mes chers collègues, quelques réflexions sur ce rapport. Un certain nombre d'orientations nous conviennent, mais pour celles que j'ai énumérées, nous attendons des réponses avant de déterminer notre vote.

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Permettez-moi de m'associer aux félicitations pour la qualité du travail mené par la mission. J'en remercie le président et les deux rapporteurs.

J'ai retenu trois points au cours des réunions auxquelles j'ai participé. Le sol étant devenu, dans l'esprit public, un bien commun comme l'air ou l'eau, ainsi que l'a souligné M. Potier, il doit avoir une structure de gestion adaptée. Je partage le besoin de mesurer et de recenser, en raison de la grande méconnaissance des mouvements liés au foncier et de la nécessité d'associer davantage les territoires à la gestion du foncier.

Alors que le caractère obsolète de la gestion du droit de propriété par les SAFER et du droit d'exploiter par les directions départementales des territoires (DDT) a souvent été évoqué, cela n'apparaît pas dans les conclusions communes des co-rapporteurs. Vous avez chacun, en effet, une vision différente de cette gestion. J'aimerais avoir une meilleure perception de vos divergences sur le sujet.

Nous nous accordons sur le fait que deux dangers menacent la gestion du foncier, à savoir la définition du métier d'agriculteur, eu égard à la progression de l'agriculture déléguée, et la difficulté de cerner le phénomène sociétaire. Mais, au-delà des principes, comment envisagez-vous d'y remédier ?

Le statut du fermage ne s'applique pas aux bailleurs qui mettent à disposition moins d'un hectare. Aujourd'hui, un certain nombre de bailleurs de petites surfaces préfèrent ne pas louer plutôt que se trouver « coincés » par le droit du fermage. L'idée de relever ce seuil à cinq hectares pour éviter des friches au milieu de parcelles agricoles a été évoquée. Que pensez-vous d'une telle mesure ?

Monsieur Potier, vous avez évoqué le portage du foncier par des collectivités. Comme l'a dit le précédent intervenant, le problème du financement public se posera. Mais quid de la constitution de sociétés d'investissement à capital variable (SICAV) de type foncier, avec un objet social définissant clairement l'utilisation qui serait faite de ces parcelles et leur mise à la disposition des agriculteurs ?

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J'ai, de l'histoire du monde rural, une lecture différente de celle de Dominique Potier. Je ne crois pas que Edgard Pisani ait été un homme providentiel. Il a fait de grandes choses parce qu'il avait en face de lui un certain Michel Debatisse, qui représentait les jeunes agriculteurs, avec une vision et un projet d'avenir pour l'agriculture. Sous l'autorité du général de Gaulle, il a porté d'importantes lois rurales auxquelles je souscris parfaitement. Mais nous aurions tort de nous enfermer dans l'idée que nous pourrions ici, entre nous, d'un trait de plume, écrire l'avenir. Il faut rechercher le consensus et le co-construire avec les acteurs de terrain. C'est important pour la réussite de toute réforme.

À la page 54 du rapport, une excellente carte montre le rapport du fermage avec la propriété au regard de la détention et de l'utilisation des terres. Il y a en France des cultures différentes de la relation au sol. On touche ici aux racines profondes de la nation et il ne faut pas s'étonner qu'une loi soit appliquée différemment d'un territoire à l'autre. En écrivant la loi, il faut anticiper ces sensibilités différentes, aller plus loin que les strates nationales et travailler sur les grandes régions.

Je souscris à la volonté de rénover les baux et les statuts du fermage. Je vous interroge sur la nécessité de rendre les fonds et la cessibilité des baux obligatoires, en complément de vos propositions intéressantes sur le crowdfunding et sur le livret vert. Je rappelle à M. Dominique Potier que j'avais émis cette proposition sous la précédente législature et qu'elle avait été balayée d'un revers de main. Je suis heureux que vous la repreniez.

Par ailleurs, les agriculteurs expriment actuellement leurs préoccupations au sujet de la fiscalité agricole lors de manifestations sur le terrain. Ne faut-il pas modifier l'assiette de cette fiscalité, non seulement pour le foncier mais aussi pour les autres activités de l'exploitation agricole, en particulier les activités dites hors sol comme l'élevage intensif ?

Je m'interroge sur la compensation environnementale. À l'occasion de travaux, on prend des terres agricoles productives pour en faire des réserves environnementales. À mon sens, la dimension qualitative n'a jamais été introduite dans nos réflexions.

Enfin, concernant les SCoT et les PLUI, les propositions de M. Potier sont courageuses, mais veillons à travailler avec les maires sur ces thèmes. En l'état actuel du droit, j'ai beaucoup de remontées locales sur les difficultés à mettre en oeuvre la réduction de la consommation de foncier. Il ne faudrait pas donner l'impression que l'on passe par-dessus les élus locaux.

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Je voudrais à mon tour saluer le travail réalisé. Nous disposons d'un rapport passionnant, foisonnant et innovant, ce qui n'étonnera personne lorsqu'on connaît la composition de la mission. Ce travail n'intéresse pas seulement le monde agricole, il concerne la souveraineté alimentaire, la reconquête de la biodiversité, l'avenir de l'agriculture et la lutte contre l'étalement urbain dont on voit parfois les stigmates et les conséquences pour la population.

Nul aujourd'hui ne peut se satisfaire de voir disparaître de la terre agricole. Les chiffres sont éloquents. Le phénomène de l'artificialisation suscite un vif intérêt. De même, celui de l'accaparement des terres agricoles, qui a pour conséquence la flambée des prix, doit nous inquiéter. Les chiffres sont tout aussi parlants.

Vous avez voulu, par vos propositions, relever trois défis : le défi de la lutte contre l'artificialisation ; le défi générationnel, c'est-à-dire la transmission du foncier à une nouvelle génération d'agriculteurs et sans doute à une nouvelle génération de pratiques ; le défi environnemental. Vous faites beaucoup de propositions, certaines communes, d'autres qui ne le sont pas. Pourriez-vous m'indiquer, en les hiérarchisant, les trois qui vous semblent les plus importantes ?

Je trouve intéressante l'idée d'une fusion entre les SAFER et les EPF. Il existe en effet un rapport entre les friches industrielles et l'artificialisation. Nous lutterons contre l'une en prévoyant les bons outils pour les autres. Souvent une pression s'organise, parce qu'il est plus facile de prendre de la terre agricole que de faire de la reconversion foncière.

Dominique Potier a d'autre part avancé l'idée intéressante d'une épargne verte. Comment alimenter ce dispositif ?

Aucun d'entre vous, par ailleurs, n'a évoqué l'échelon européen, qui me semble essentiel. Comment, au travers de la PAC ou d'autres dispositifs, réintroduire cette dimension ?

Enfin, lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, nous évoquerons prochainement des programmations d'infrastructures. Or, lorsqu'on évoque des infrastructures, on n'identifie jamais ce qu'elles occupent en termes de terres. Il faut assurer une cohérence. Lorsque l'on souhaite, comme ce fut le cas récemment, élaborer un vaste plan contre l'artificialisation des terres, on doit faire écho à cette ambition dans les autres textes de loi.

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Je me suis engagé dans cette mission parce que je voyais dans mon département et dans ma région, la Picardie, naguère surnommée le grenier à blé de la France, disparaître un certain nombre de terres agricoles au profit de pôles logistiques et plus généralement de béton, ce qui me saignait le coeur. L'équivalent d'un département français est artificialisé, c'est-à-dire bétonné, tous les sept ans ! À cela s'ajoutent, chez moi, un grand nombre de friches industrielles. Pourquoi, au lieu de construire de nouveaux bâtiments, ne pas rééquiper les bâtiments existants ?

Lors du déplacement à Toul, nous avons vu des bâtiments d'entreprises, d'hôpitaux, de gares laisser derrière eux des pertes d'emplois, des services en moins, de la taxe professionnelle en moins, et sur la revente desquels on cherche encore à faire du profit. Comme cette revente ne se réalise pas instantanément, on crée durablement des verrues au coeur des villes ou en banlieue dans les territoires. Il faut exercer une pression sur ceux qui partent, services publics ou entreprises privées, en créant une obligation de cession à la collectivité pour un euro symbolique.

L'après-midi, en Lorraine, lors d'une table ronde à la préfecture de Nancy, je notais ce propos du président de la chambre d'agriculture : « L'hémorragie de paysans continue, seulement un sur deux est renouvelé ». Sylvestre Chagnard, directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), ajoutait : « Le phénomène s'accélère : en 2016, plus de la moitié des terres vont à l'agrandissement, moins de la moitié à l'installation. » J'ai alors relevé une contradiction entre des intérêts immédiats et individuels et un intérêt lointain et collectif. Les intérêts immédiats, ce sont les habitants qui veulent des pavillons avec des petits jardins, les agriculteurs qui veulent revendre leurs terrains au meilleur prix et qui ont tout intérêt à les rendre constructibles, les maires qui veulent être réélus immédiatement et qui cherchent à satisfaire leurs administrés.

Pour que prévale l'intérêt lointain et collectif sur cette somme d'intérêts individuels et immédiats, il faut d'évidence, pour moi, une loi foncière qui sorte, partiellement ou totalement, la terre du marché. Il faut des engagements et un calendrier pour une loi foncière, une loi pour lutter contre l'artificialisation et contre la spéculation, mais aussi une loi « pour » : pour protéger et partager, pour mener la transition écologique et pour maintenir ou développer une agriculture familiale et paysanne.

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J'ai été sensible aux propos tenus par M. Dominique Potier au sujet de l'accaparement des terres, sujet auquel nous nous intéressons depuis plusieurs années. Mon collègue M. Jean-Paul Dufrègne est d'ailleurs intervenu à plusieurs reprises dans l'hémicycle au sujet des achats concentrés de terres dans son département de l'Allier par des investisseurs étrangers. Il faut stopper ce processus en faisant évoluer la législation en fonction des pistes développées par M. Dominique Potier dans son introduction.

Les conclusions de la mission d'information présentent plusieurs options sans que je sache de qui vient telle ou telle. Toutefois, les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) sont très attachés au rôle des SAFER. Elles font parfois l'objet d'une diabolisation due pour l'essentiel au peu de moyens qui leur sont attribués. Des propositions sont faites pour étendre le droit de préemption des SAFER aux cessions partielles de parts sociales. Il faut faire avancer la législation sur ce point.

En outre, le champ d'action des SAFER dans l'instruction des contrôles des structures doit être élargi. La révision du prix d'intervention des SAFER est aussi un sujet important. Je voudrais appeler l'attention sur le risque de glissement vers des établissements fonciers non spécialement dévolus aux questions agricoles. Même si je conçois que des conventions d'objectifs et de moyens entre les SAFER et les établissements fonciers puissent être conclues, je suis favorable au développement du rôle des SAFER.

Je relève dans votre rapport deux « trous dans la raquette ».

Le premier concerne les communes forestières qui ont été fortement boisées à la suite du départ des agriculteurs vers la ville et qui aujourd'hui ne peuvent pas engager des actions de reconquête paysagère ou de développement de la production agricole. Il y a là un verrou à faire sauter dans les communes où le taux de boisement est supérieur à 60 %, pour des parcelles inférieures à 4 hectares et contiguës à des exploitations ou à des parcelles agricoles. J'ai présenté, lors de la première lecture de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi EGALIM », un amendement en ce sens qui n'a pas été retenu, mais il faudra y revenir.

Le second a trait à l'action des lobbies touristiques – je le dis fortement – contre la préemption, en zone de montagne, de bâtiments indispensables au pastoralisme. Elle a été évoquée la semaine dernière au cours de la discussion de l'excellente proposition de loi pour la protection des activités agricoles et des cultures marines en zones littorale et de montagne présentée par notre collègue Jimmy Pahun. Le pastoralisme, avec ses estives et ses pâturages, exige des bâtiments. Il faut éviter d'écouter les lobbies et répondre aux intérêts des agriculteurs.

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Je voudrais d'abord joindre mes félicitations à celles de mes collègues pour la qualité du travail des rapporteurs. Au nom du groupe Libertés et Territoires et comme député de la Corse, je salue la création de cette mission d'information. Si notre groupe n'a pu participer aux travaux, ce que je regrette, il m'appartient de participer à la discussion du rapport…

La notion de territoire semble bien souvent oubliée par la majorité actuelle. Ce rapport d'information, qui suit de manière calendaire notre récente discussion sur la proposition de loi de M. Pahun, exprime un véritable enjeu de société. En ce sens, la recherche d'un équilibre entre foncier agricole et terres artificialisées nous semble nécessaire. Tous les six ans – d'autres l'ont rappelé avant moi – c'est l'équivalent de la superficie d'un département entier qui est bétonné. Or la manière dont est modelé notre environnement impacte la biodiversité, les paysages et nos modes de vie.

Quelle société voulons-nous léguer à nos enfants ? Je tiens ici à rappeler la nécessité de maintenir l'autonomie alimentaire, au sein de nos territoires, mais aussi de tous les échelons de l'organisation politique et administrative. C'est la raison pour laquelle il nous importe que ce rapport ait des suites concrètes, afin de doter l'arsenal juridique et fiscal de dispositions permettant la protection du foncier agricole.

D'un point de vue législatif, je m'interroge sur l'opportunité d'étendre des outils d'aménagement tels que le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) ou le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) à l'ensemble des territoires. Ces outils peuvent être perfectionnés, mais ils ont le mérite de saisir les élus ainsi que les acteurs locaux de ces sujets. Ainsi, je souhaiterais connaître votre point de vue sur l'extension éventuelle de ces outils et, d'une manière générale, quelles suites vous comptez donner à vos travaux. Je me tiens personnellement à votre disposition pour y contribuer.

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Madame de Lavergne, concernant les outils tels que les SAFER, pour lesquelles M. Chassaigne a évoqué la redéfinition et l'évolution éventuelle de leurs moyens et missions, nous avons considéré que, s'ils étaient peut-être obsolètes face aux défis d'aujourd'hui et de demain, ils avaient contribué à protéger le foncier, et que leurs missions restaient importantes. La proposition de M. Dominique Potier comme la mienne visent à conserver ces missions en leur donnant un peu plus de puissance.

Ce que j'appelle un « cluster foncier régional » consiste à mettre en oeuvre rapidement des partenariats EPF-SAFER, voire des partenariats plus innovants avec des mouvements tels que Terre de Liens ou Coop de France, comme cela se fait déjà dans certains territoires. Dans ma région, la SAFER a conclu avec Coop de France une convention d'objectifs et de moyens afin de déployer des financements différents. Alors que l'accès au foncier est difficile malgré un prix peu élevé, le financement participatif et le crowdfunding peuvent jouer un rôle important.

Il n'est pas question de modifier profondément les missions des SAFER, mais de créer des synergies et de mieux faire travailler ensemble les acteurs en vue de relever les défis auxquels nous sommes confrontés. À mon sens, la mise en oeuvre rapide d'un partenariat de moyens et d'objectifs entre toutes les structures existantes convient mieux à une vision territoriale.

Beaucoup de structures, comme le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) ou l'INRA, élaborent des outils de recensement et de mesure de l'artificialisation du foncier. L'outil Geosud, coordonné par le centre de Montpellier de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), nous est apparu pertinent et précis. En revanche, telle que mesurée par les deux principaux outils concurrents, Corine Land Cover et Teruti-Lucas, la proportion de terres artificialisées en France varie entre 5,5 % et 9,3 % : si les résultats sont si imprécis et disparates, c'est parce que leur maille de recherche est supérieure à cinq hectares. Nous ne pouvons donc pas continuer d'y recourir.

Nous avons constaté, au cours de la mission et lors d'autres rendez-vous, que beaucoup d'outils avaient été créés. Dès lors, plutôt que de laisser chacun dans son coin ou sa région en inventer un nouveau, il me semblerait préférable, pour assurer une pertinence des résultats et un meilleur usage des fonds publics, de mettre en commun des outils d'aide à la création des SCoT et des PLUI pour les élus, tels que Geosud ou Urbansimul, développé par le CEREMA Méditerranée.

Monsieur Herth, il n'est évidemment pas question de passer au-dessus des élus. Je suis intimement convaincue que nous sommes parvenus à un moment où rien ne se fera sans leur adhésion. L'injonction de faire n'est plus possible : on constate une réticence absolue à ce que l'initiative vienne de l'État. Il faut embarquer les élus, car la volonté de travailler ensemble est nécessaire. Remettre le projet alimentaire au coeur du territoire, c'est aussi dire aux élus : vous avez dans une main le pouvoir de préserver le foncier et, dans l'autre main celui d'organiser un secteur économique utile pour l'emploi et pour l'alimentation dans votre territoire. Nous souhaitons vous donner les moyens d'agir.

Je formule de nombreuses propositions en matière fiscale. On nous a souvent opposé la biodiversité et l'agriculture. Or pour la gestion des espaces comme de la fiscalité, on doit remplacer l'opposition par le travail en complémentarité. Jusqu'à présent, l'agriculture a été la variable d'ajustement des espaces entre l'urbanisation et la forêt, qui est aussi de la biodiversité et de l'agriculture, mais d'une autre manière.

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Madame de Lavergne, il ne s'agit pas uniquement de réparer. Nous avons commencé à le faire sous la dernière législature, mais c'était très insuffisant. Il faut refonder, dans l'esprit de ce qui a été fait il y a près de soixante-dix ans.

Les sols peuvent être victimes de trois maux : l'artificialisation, l'accaparement, c'est-à-dire la concentration abusive et démesurée par rapport à la réalité du territoire et au sens commun, et l'appauvrissement, qui a été peu évoqué. Sur 100 hectares, on a tendance à se focaliser sur l'hectare artificialisé, mais c'est oublier qu'en perdant leurs qualités agronomiques, les 99 hectares restants ne joueront plus leur rôle de potentiel alimentaire, alors que la population mondiale devrait atteindre 10 milliards en 2050, ni leur rôle de captation du carbone, qui compte énormément dans la résilience climatique, et qu'ils appauvriront la biodiversité.

M. Leclerc a demandé s'il valait mieux agir localement ou de façon universelle. C'est l'une des différences que j'ai avec ma co-rapporteure. Une loi universelle n'a jamais empêché la singularité locale, mais sans loi universelle la compétition des territoires éclipse le bien commun et l'intérêt général. Ce qui se passe aujourd'hui au Burkina Faso a autant de conséquences pour nous que pour le Burkina Faso, et réciproquement. Je ne peux me complaire dans un récit de l'Occitanie, du Grand-Est ou de la Bretagne qui serait indifférent à l'intérêt national et à l'intérêt universel. Nous avons besoin de lois pour fixer des objectifs. Plus précisément, il revient à l'État, au nom de l'intérêt général, de prescrire la neutralité en matière de dégradation des terres, et il revient aux territoires de mettre en oeuvre cette injonction au nom de la survie de l'humanité, de façon intelligente, par des mécanismes de compensation ou de régulation adaptés à chaque situation. Les lois foncières n'ont jamais été appliquées de manière univoque sur l'ensemble du territoire. Elles concourent toutes à renouveler les générations, à assurer la souveraineté alimentaire et l'aménagement du territoire.

Nous n'en sommes plus à faire des expérimentations, puisque l'expérience est tirée. À l'heure où des forces économiques prédatrices nuisent à l'intérêt général et empêchent le renouvellement des générations, il nous faut faire des choix.

Monsieur Chassaigne, un consensus existe pour maintenir la SAFER, qui exerce une fonction importante et innovante. Autorité publique intervenant sur un marché, elle représente le type même de mécanisme de régulation qui nous est cher. La question est de savoir si l'on doit tout concentrer sur une autorité publique avec, pour contre-pouvoir, un collège des collectivités locales et du monde paysan, ou s'il convient d'attribuer aux SAFER plus de prérogatives, notamment dans l'instruction du contrôle des structures, ce qui suppose un contrôle accru de l'État. Il faut arbitrer, sachant que la modernisation et le renforcement de la puissance publique nous réunissent, ce dont je me réjouis.

S'agissant des énergies renouvelables, ce qui était visé dans une phrase laissée volontairement ambiguë – car le débat reste ouvert – c'est le solaire au sol. Je suis clairement pour son interdiction. Pour ce qui est de la méthanisation, je suis très vigilant quant à l'éventuelle compétition entre alimentaire et énergies renouvelables, qui serait un combat mortifère pour notre pays. L'éolien, qui pose moins de problèmes de ce genre, n'était pas visé par mes propos.

M. Turquois a pointé la rétention foncière, peu évoquée jusqu'à présent. Par défiance envers le fermage et à cause de différentes stratégies de recherche de plus-value et d'appât du gain, la progression des surfaces résultant d'une rétention foncière est supérieure à celle liée à l'artificialisation. Ce sont autant de terres indisponibles pour l'agriculture. C'est un sujet trop peu documenté, sur lequel nous avons reçu des alertes de la profession agricole lors de tous nos déplacements. La rétention foncière pour des motifs de jouissance personnelle de biens ou de pratiques, comme le dénonce à juste titre M. André Chassaigne à propos des chalets de montagne, est un vrai sujet. Il n'a pas été réglé, faute de sécurité juridique des dispositions prévues dans l'excellente proposition de loi de notre collègue M. Pahun. Comme pour la conchyliculture, c'est typiquement un sujet qu'il nous faut aborder et trancher, en faisant le choix de la production agricole plutôt que celui des loisirs et de l'acquisition par des professionnels. C'est le sens de la définition de l'actif agricole qui, si elle n'est pas obtenue, laissera le champ libre à tous les mécanismes de contournement.

Monsieur Herth, je porte la même admiration que vous aux jeunes agriculteurs de l'époque, issus de la Jeunesse agricole catholique (JAC). Je voudrais rendre hommage au gaullisme historique, qui avait le sens de l'intérêt à long terme dont nous aurions sacrément besoin aujourd'hui, et au christianisme social qui a inspiré le mouvement paysan qui nous est cher à tous les deux. Je pensais qu'Edgard Pisani représentait une sorte de synthèse. Merci de me rappeler à une réécriture plus juste de l'histoire… Nous avons les mêmes passions, elles ne nous opposent pas, tout comme ne nous oppose pas votre proposition d'un livret vert. À l'époque, je n'étais pas ministre de l'agriculture (Sourires), mais votre proposition m'avait aiguisé, et nos dialogues sur la lutte contre la dépendance à la phytopharmacie nous ont amenés à nous passer des relais dans les années précédentes. Je me réjouis que vous ayez en partie inspiré cette proposition.

Concernant les communes, il ne faut pas se payer de mots. Si nous avons fait les PLUI dans la loi du 20 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) et les SCoT dans la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), c'est parce que nous avions conscience que le ban communal n'était pas la bonne échelle. Il ne pouvait en effet s'affranchir du conflit d'intérêt, et la compétition des communes était délétère, surtout avec une croissance démographique atone. Il nous fallait penser autrement et redéfinir la planification à une échelle pertinente. Il faut choisir : si l'on défend l'intérêt communal en la matière, on ne peut pas défendre la lutte contre l'artificialisation des terres. Nous avons clairement choisi l'échelle intercommunale et même la planification intercommunautaire comme outil de régulation non seulement du foncier, mais aussi de ses usages.

M. Ruffin a retenu la première partie de la matinée, qui était consacrée au diagnostic, et il se rappellera que, dans le Toulois, nous avons créé un GFA territorial pour installer deux viticulteurs sur cinq hectares défrichés. L'ensemble des friches industrielles, hospitalières et militaires sont reconverties et ont permis de rendre à l'agriculture des surfaces équivalentes. C'est une des fiertés du territoire dont j'étais un des élus et dont je suis aujourd'hui député.

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Un grand nombre de membres de la commission des affaires économiques ont souhaité poser des questions. Exceptionnellement, nous allons nous adopter le mode de fonctionnement de la commission du développement durable et vous proposer un temps de parole d'une minute par question…

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En tant que vice-président de la Fédération nationale des SCoT, je tiens à vous remercier d'en avoir auditionné les responsables.

Je ne suis pas surpris que l'on parle du SCoT, puisqu'on le retrouve dans tous les dossiers relatifs au foncier. Je regrette que l'approche de l'urbanisme en France soit très binaire : une surface est déclarée agricole ou non agricole. Pas plus que le plan d'occupation des sols (POS) ou le PLU, la loi SRU, en 2000, n'a réglé le problème. La Fédération nationale estime que nous avons besoin d'un outil de gestion dynamique. Il convient de résoudre le problème des friches agricoles en secteur périurbain et tout ce qui relève des circuits courts. Nous ne le ferons pas par un document d'urbanisme effectuant un classement en terre agricole ou non agricole, mais par un outil de gestion dynamique des terrains agricoles. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.

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Dans le rapport, il est fait état d'une fiscalité dissuasive pour les logements vacants. Je pense évidemment aux « lits froids » dans les sites touristiques. Plutôt qu'une fiscalité supplémentaire, sujet aujourd'hui très sensible, ne pourrait-on envisager, une exonération de la taxe d'habitation, c'est-à-dire une mesure plus incitative que contraignante ? En contrepartie, les propriétaires s'engageraient à mettre leur bien en location, ce qui éviterait que de nouvelles promotions immobilières viennent grignoter l'espace agricole.

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La gestion du foncier agricole est complexe et donne lieu à des analyses divergentes. Nous le constatons clairement aujourd'hui par ce rapport dont les quatrième et cinquième parties sont propres à chacun des deux co-rapporteurs, qui y dévoilent des philosophies et même des pistes de réforme différentes. Pour autant, je souhaiterais connaître leur position sur la simplification des normes. Les outils et les procédures liés à la gestion des sols sont en effet complexes. Or, la modernisation des instruments publics et l'engagement d'une simplification institutionnelle sont simplement évoqués, à la page 114 du rapport. Plusieurs propositions du mode de fonctionnement des SAFER sont avancées : élargissement de leurs compétences, création d'une autorité publique foncière rurale, fusion des SAFER et des EPF. Au cours des auditions que vous avez menées, les acteurs ont-ils évoqué des pistes de simplification ?

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Je tiens à féliciter les auteurs du rapport pour la qualité de leur travail. Cette mission riche en constats montre les dangers grandissants de l'artificialisation des sols sur notre biodiversité et dévoile les structures socio-économiques qui conduisent à la perte des terres agricoles. On peut se réjouir des expérimentations mentionnées pour s'adapter à la spécificité des territoires, même si certaines propositions apparaissent divergentes. Comment, à partir de dispositifs d'expérimentations, combattre les rapaces multinationaux ? Comment préserver les sols des logiques socio-économiques qui débouchent sur des pressions importantes ?

Enfin, le président a pointé l'absence d'étude sur la forêt dans le rapport. Il serait bon d'obtenir un complément sur ce sujet et sur les moyens attribués aux communes forestières, notamment via l'Office national des forêts (ONF).

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Monsieur Perea, j'ai beaucoup dialogué avec le président des SCoT, M. Heinrich, qui est à la fois un Lorrain et un ami, ancien député et maire d'Épinal. L'inventaire est proposé de façon concomitante par les deux rapports. Il faut absolument un inventaire du bâti abandonné – les « lits froids » – et un inventaire de toutes les friches disponibles. Tous les territoires qui ont réalisé cet exercice ont eu la révélation d'un potentiel extraordinaire. Reste ensuite à trouver l'instrument public de maîtrise foncière, de dépollution et de remise à niveau. Les EPF en sont dotés, mais les SAFER en sont trop peu pourvues, d'où l'idée de conventions de coopération et d'outils de financement.

La remédiation des sols, la dépollution et la seconde vie de l'habitat ou des friches industrielles sont bien les objectifs qui devraient nous animer avant toute recherche de terres agricoles. Cela fait partie de l'exercice proposé. Je propose également une grande opération de recherche nationale en vue de la rénovation du bâti ancien, financée au titre des travaux de grande ampleur. L'accès des milieux populaires et des classes moyennes à un bâti rénové offrant une qualité équivalente à celle du neuf est difficile. L'équation est donc double : il s'agit de valoriser les terres déjà anthropisées et de trouver un modèle économique de rénovation de qualité équivalente à du neuf. En la résolvant, nous aurions ainsi en partie résolu le problème de l'attractivité des terres agricoles, qui méritent par ailleurs des législations plus dures.

La fiscalité des biens vacants a été abordée par vos deux co-rapporteurs. Nous n'avons pas avancé de proposition précise pour éviter une polémique sur le niveau de taxation, mais rénovation fiscale et découragement de la vacance nous paraissent être des leviers importants.

Monsieur Demilly, je me méfie des simplifications. Nous avons connu trois véhicules législatifs de dérégulation agricole. Une forme d'individualisme paysan a donné lieu à une course à l'agrandissement largement tolérée, mais pas partout. Dans les départements qui ont été vigilants, qui ont tenu bon, je pense notamment au Maine-et-Loire, au Doubs et à la Loire-Atlantique, une politique d'installation tenant compte de la valeur ajoutée et de la richesse partagée a été menée. Là où on a laissé les choses aller, on a perdu de la valeur et des installations. À législation égale, on rencontre des attitudes différentes. Certaines mesures de simplification introduites dans la loi dans les années 2000 ont été délétères, car s'y sont engouffrés tous ceux qui ne voulaient pas respecter l'esprit du contrat foncier en France.

À la simplification, je préfère le souci de cohérence. On ne peut pas avoir trente-six périmètres. D'où l'idée de faire du SCoT le cadre et le creuset de l'ensemble des politiques foncières, ce pour quoi il a été conçu. Son élargissement aux usages agricoles et aux arbitrages sur les propriétés me paraît être une mesure hautement simplificatrice. Elle oblige les institutions de grade supérieur – je pense aux SAFER et à l'État – à se réorganiser mais, après tout, les élus locaux ont montré leur agilité et leur souplesse pour mettre en oeuvre de nouveaux périmètres. À l'État désormais de faire l'effort de s'adapter à ces périmètres de planification stratégique.

Madame Battistel, la forêt est bien un angle mort du rapport, ce qui appelle des travaux complémentaires qui pourraient s'inspirer d'une démarche identique. Nous avons besoin d'éviter toute forme de privatisation-concentration des biens de la forêt et de combattre le morcellement qui est contraire à son exploitation optimale, notamment dans une perspective de captation du carbone et de valorisation de la biomasse.

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Je serai brève, car notre temps de parole est limité et j'approuve la plupart des réponses de M. Dominique Potier.

La Fédération nationale des ScoT, dont nous avons reçu des représentants souhaite éviter la complexification. Il est déjà assez compliqué de mettre en place des documents d'urbanisme.

N'oublions pas que la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dans son article 46, propose de revoir par ordonnance le champ, le périmètre et quelques dispositions des SCoT. Cette mission doit aussi s'inscrire dans le travail en cours au ministère de la cohésion des territoires et dans les deux autres ministères qui nous concernent, c'est-à-dire le ministère de la transition écologique et solidaire et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Nous assistons actuellement à un foisonnement de réformes, dans lesquelles, je le répète, il faut s'inscrire.

J'en profite pour dire que je copréside le comité pour l'économie verte, au sein duquel nous nous penchons également sur la fiscalité. Nos travaux pourront se croiser avec les résultats de cette mission.

M. Rolland a évoqué une possible exonération de la taxe d'habitation. Je parlais, pour ma part, de surtaxe sur les logements vacants. Pour cesser de mobiliser des terres pour construire des logements, il est possible, dans certaines zones, de faire en sorte que des logements vides soient demain habités. Originaire de la Côte d'Azur, je vis aujourd'hui à Aix-en-Provence et je suis persuadée qu'un dispositif capable de donner suffisamment confiance aux propriétaires pour louer leurs logements à l'année, et pas seulement de façon saisonnière, serait très utile, ne serait-ce qu'en faisant baisser le prix des loyers. La location saisonnière offre une bonne rentabilité, mais elle dissuade les classes moyennes de se loger dans des centres urbains ou dans des zones urbaines comme Aix-Marseille. En les rejetant à l'extérieur de la ville, on favorise l'artificialisation et l'étalement urbain.

Nous n'avons pas dit que nous avions trouvé les solutions. Les problématiques sont extrêmement complexes. Non issue du milieu de l'agriculture, j'ai découvert un dossier complexe mais passionnant. Ce rapport doit marquer le départ d'une discussion entre les différents groupes en vue de trouver des solutions.

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Merci d'accueillir un commissaire aux finances intéressé depuis 2012, comme M. Dominique Potier, par les questions foncières. Nous avons amélioré les possibilités d'installation pour l'agriculture et les cultures marines à travers la proposition de loi de notre collègue M. Pahun et la loi ELAN. Nous rencontrons toujours quelques problèmes, notamment dans les espaces proches du rivage, à ne pas confondre avec la bande des cent mètres. Un espace proche du rivage peut être, en Bretagne, éloigné de deux kilomètres d'un bord de mer ou de ria. Un certain nombre d'exploitations se trouvent dans ces zones. Dans le Morbihan, sur 700 exploitations en zone littorale, 200 sont situées dans des espaces proches du rivage. Dans ces espaces, il y a impossibilité d'amélioration des bâtiments d'élevage, donc de reprise d'ateliers, notamment laitiers. Cela crée non pas des problèmes d'artificialisation, mais le développement de friches. Il faut trouver une solution pour les agriculteurs qui veulent s'installer dans ces zones.

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Après avoir salué le travail des rapporteurs, je rappellerai le besoin du foncier de fond de vallée comme siège d'exploitations et d'alpages. Dans les alpages, la SAFER ne peut pas préempter un bâtiment s'il n'a pas un passé agricole. Nous ne voulons pas non plus que la SAFER se transforme en vecteur de transaction immobilière dans les stations de ski, là où la valeur des biens atteint des sommes colossales. Il faut donc trouver une solution dans la loi. Elle ne peut venir que du Gouvernement, parce que lorsque je dépose des amendements, ils sont retoqués au titre de l'article 40 de la Constitution, parce qu'ils conduisent à élargir le droit de préemption de la SAFER.

Il faudra aussi parler de la forêt et de l'eau potable.

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Je voudrais remercier le président et les rapporteurs de la mission d'information sur le foncier agricole et situer leurs travaux dans une double perspective, celle de la préservation des espaces agricoles et naturels et celle d'une politique de relance de la construction en milieu rural, voire très rural. Je rappelle que, dans les vingt-cinq départements où l'on construit le moins en France, on ne produit que 15 000 logements par an, dont seulement 9 700 logements individuels. L'empilement des normes inadaptées, ces dernières années, explique cette situation dans des territoires très particuliers. Je voudrais donc savoir si la mission propose de nouvelles contraintes pour la construction en zone très peu dense, c'est-à-dire inférieures à 25 habitants au kilomètre carré.

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Je ne poserai pas de question. Je ferai une observation et j'exprimerai un regret. Je remercie mes collègues pour leur excellent et précieux rapport.

Je regrette que la spécificité ultramarine n'ait pas du tout été abordée. Je rappelle que les outre-mer sont des territoires dans lesquels l'histoire coloniale continue de favoriser la concentration de la propriété foncière agricole et son extrême spécialisation dans les cultures traditionnelles que sont la banane et la canne, avec des caractéristiques particulières : une perte considérable de la superficie, une augmentation considérable des jachères et près du tiers des exploitations sans successeur. La question foncière se pose donc avec une acuité toute particulière outre-mer et place l'État, les collectivités territoriales et leurs agences respectives au coeur d'un imbroglio politique, juridique et opérationnel d'une rare complexité. J'espère que les préconisations de ce rapport, qui seront peut-être traduites en initiatives législatives, cette fois-ci, n'oublieront pas les outre-mer.

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Je voudrais aussi saluer le sérieux du regard posé par la mission sur la problématique foncière.

Quel outil permettra de mieux accompagner les volontés locales mais aussi agricoles concernant les usages des sols ? Ne faudrait-il pas couvrir rapidement le territoire national de SCoT. Certains fonctionnent très bien, d'autres ne fonctionnent pas du tout, et des régions entières en sont dépourvues.

Concernant le statut du fermage, peut-on améliorer la relation entre le bailleur et le preneur, en mettant en place un véritable pacte ? Des conflits commencent à apparaître, liés aux indices départementaux. Dans mon département, l'Aube, trois baisses consécutives conduisent les bailleurs à s'interroger sur la valeur de leur foncier.

Il convient aussi de s'interroger sur les outils à mettre en place pour lutter contre les friches industrielles dans les agglomérations. Les coûts de reconversion sont trop souvent dissuasifs.

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Je félicite le président et les rapporteurs de la mission.

Je rappellerai que si la France a conservé son agriculture familiale, c'est sans doute parce qu'il y avait un outil, mais c'est aussi parce que des agriculteurs se sont engagés dans cet outil. Peu de professions ont été aussi capables de s'organiser. Vous proposez dans les différents scénarios, soit la création d'une autorité publique foncière rurale, soit le renforcement du rôle des SAFER. J'appelle votre attention sur le fait que la création d'une énième agence entraînerait irrémédiablement la fin des SAFER. Leur rendre hommage serait tout simplement de continuer à les moderniser et à faire en sorte qu'elles restent l'outil du foncier français.

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Messieurs Pellois et Saddier, notre collègue M. Jimmy Pahun a présenté une proposition de loi prévoyant la possibilité pour les SAFER de préempter en zone de montagne ou en zone littorale. Elle doit maintenant être adoptée par le Sénat.

La mission n'a pas abordé la relance de la construction en milieu rural. Je puis toutefois vous indiquer que des initiatives en faveur du logement des agriculteurs sont prises dans certains territoires. En outre, certains SCoT ou PLUI prévoient la possibilité de construire, dans des zones rurales peu denses, des hameaux agricoles pour les jeunes agriculteurs.

Nous n'avons pas évoqué, c'est vrai, les territoires ultramarins. Il y a deux ans, le Sénat a produit un rapport sur ces territoires. Nous aurions bien aimé nous rendre sur place, mais le champ était déjà extrêmement vaste. En outre, les spécificités et la diversité des territoires ultramarins complexifient la problématique. Mais vous avez raison, quel que soit le sujet d'étude abordé, il faut traiter ces territoires au même titre que le territoire métropolitain.

Il y a évidemment un lien entre la rétention foncière, les friches et le statut du fermage, et la profession agricole est en train d'y travailler. Pour ma part, je pense qu'il faut le rééquilibrer et le dépoussiérer. Je ne vous dirai pas comment aujourd'hui, car il revient à la profession, propriétaires et exploitants, de s'accorder sur la façon de le faire évoluer.

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J'ajouterai, en réponse à M. Pellois et à M. Saddier, que nous ne sommes effectivement pas allés au fond des choses. J'ai signalé le « trou dans la raquette » des chalets d'alpage, qui n'est pas un petit sujet. Il nous appartient de trouver le premier véhicule législatif pour le traiter, mais nous ne pouvons pas le faire dans l'improvisation, sans en avoir mesuré les conséquences sur le code rural. Il faut adopter la même démarche que M. Jimmy Pahun, mais nous ne réglerons pas tous les problèmes de chaque territoire pris isolément, sauf à programmer une loi foncière qui répondra à la diversité des situations.

J'étais dans les Landes vendredi. J'y ai identifié un type de contrats de semences qui constituait quasiment une culture d'intégration, différente de l'agriculture déléguée, et je l'ai intégré au rapport. Si nous avions eu six mois de plus, nous aurions encore identifié ici des dérives, là des singularités locales. Il faut aller à l'essentiel, c'est-à-dire l'égalité des droits, la priorité aux actifs agricoles et à une forme de capitalisation du foncier, la régularisation des usages en visant l'agroécologie. Je rappelle que notre collègue M. Serge Letchimy va présenter la semaine prochaine en séance, une proposition de loi, déjà adoptée à l'unanimité par le Sénat, visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement outre-mer. Cette réponse, adaptée à la situation des outre-mer pourra éventuellement servir pour les problématiques d'alpage ou de rivage, mais nous ne ferons pas cent lois foncières. Il faut une grande loi foncière qui couvrira la diversité de nos territoires.

Monsieur Menuel, je vous rejoins totalement dans la sagesse qui a été la vôtre tout au long de la mission. Il faut des SCoT partout !

Quant à la réforme du fermage, quatre points sont à l'ordre du jour d'un arbitrage qui ne sera pas uniquement professionnel, mais qui doit être opéré sous l'autorité de l'État. Le fermage est une conquête originale du droit français, qui privilégie le travail par rapport au capital. Le fermage fournit 1 % à 2 % de rendement. C'est un capital sûr et sécurisé. Il ne paraît pas heureux de l'augmenter dans le contexte actuel de difficultés des exploitations agricoles. En revanche, quelques points méritent d'être abordés qui font consensus pour les deux parties. Il faut alléger partiellement la fiscalité foncière, planifier la décote et éviter la révision des loyers en cours de bail. La question sensible de la liberté de choix au moment de la succession du preneur pourrait fait l'objet d'un accord entre celui-ci et le bailleur, ce qui serait une petite révolution. Tels sont les termes de l'accord national qui se dessine et que nous souhaitons tous. Il s'agit de garder les fondamentaux tout en modernisant le détail des attendus.

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Je tiens tout d'abord à féliciter les rapporteurs et le président de la mission pour leur travail. J'ai été ravi de dialoguer avec M. Jean-Bernard Sempastous sur ce sujet et de lui faire rencontrer des acteurs agricoles de mon département, le Rhône.

Vos analyses sont intéressantes, vos propositions le sont tout autant, notamment sur le volet « Préserver et partager ». Je souhaiterais connaître votre vision, à travers la question du foncier, sur la nécessaire adaptation au dérèglement climatique auquel doit faire faire notre agriculture. Je serai particulièrement attentif à vos réponses au sujet de la gestion de l'eau et de l'irrigation. Nous observons des périodes de sécheresses de plus en plus longues, de plus en plus fréquentes et intenses et touchant de plus en plus de territoires, Comment voyez-vous la mise en place des projets de territoire pour la gestion de l'eau, annoncée à partir du 1er janvier 2019 ? Dans ce cadre, comment mieux protéger à la fois les terres irriguées et les terres irrigables ?

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Le sol est un bien commun et on ne peut pas faire n'importe quoi avec un bien commun, surtout pas de la spéculation sauvage ou du laisser-faire. Dans mon département, l'Allier, M. André Chassaigne le disait tout à l'heure, 900 hectares ont été captés par une société étrangère sans que la SAFER ait pu intervenir. C'est pourquoi il est essentiel de lever le verrou constitutionnel pour étendre le droit de préemption des SAFER aux cessions partielles de parts sociales de sociétés dont l'objet est agricole. Comment le faire, sachant que la liberté d'entreprendre, derrière laquelle on se réfugie, ne peut pas tenir ad vitam aeternam ? Je suis favorable à une loi universelle applicable à l'ensemble des territoires, les spécificités locales étant prises en compte dans le cadre des SCoT.

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Dans le prolongement de l'intervention de mon collègue M. Dufrègne, je rappelle qu'une société chinoise a fait l'acquisition de 900 hectares sans aucun contrôle. Monsieur le rapporteur, j'ai cru comprendre que vous envisagiez le contrôle de l'actionnariat des sociétés qui souhaitent faire l'acquisition d'un tel foncier. Il s'agit d'un véritable rapport de force. Comment le remporter dans le cadre législatif ?

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Avec le foncier agricole se pose la question de la transmission des entreprises agricoles. Le GFA a pour objet la création ou la conservation d'une ou plusieurs exploitations. Il peut être familial, successoral ou d'investissement. Il permet de mutualiser des fonds, notamment au moment de la transmission de l'exploitation ou de l'installation. Or les collectivités territoriales, maillon fort de la ruralité, donc dans la conservation des exploitations, disposent de compétences pour protéger le foncier agricole et les exploitations. Que pensez-vous de l'idée de permettre aux collectivités d'intégrer un GFA en acquérant des parts sociales ?

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L'agriculture familiale à la française est un atout pour nos territoires en termes de santé alimentaire, d'aménagement du territoire et d'environnement. Il est donc important que nous nous penchions sur le devenir du foncier pour protéger cette agriculture. C'est un enjeu majeur. Aussi est-il essentiel de lier la production au foncier. Au-delà des outils existants, avez-vous réfléchi à la prise en compte de la problématique du foncier dans la nouvelle PAC ?

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Vous avez évoqué l'adaptabilité de la réponse dans la lutte contre l'artificialisation des sols. L'intention est louable, mais que préconisez-vous concrètement pour prendre en compte la diversité des territoires ? Dans cette lutte qui ne peut être abordée de la même manière en tout point du territoire, force est de constater qu'aujourd'hui, dans les faits, les services de l'État sont peu enclins à déroger à des règles nationales lorsqu'il s'agit d'élaborer des SCoT ou des documents d'urbanisme.

S'agissant de la transmission des exploitations, donc du foncier, dans le cadre familial ou hors du cadre familial, notre collègue M. Potier a évoqué un livret vert. Peut-il nous en dire plus sur cet instrument financier ?

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Madame et Monsieur les rapporteurs, bravo et merci pour la qualité de votre rapport.

Je souhaite connaître votre position sur deux sujets. D'une part, vous proposez d'élargir les missions de la CDPENAF et sa composition à un conseiller régional. Cependant les élus locaux se plaignent beaucoup de n'y avoir que très peu de place. Qu'en pensez-vous ? Par ailleurs, le développement des agrocarburants représente une autre forme d'artificialisation des sols et implique une nouvelle demande massive de terres entraînant une spéculation foncière au détriment des cultures vivrières. Je parle d'artificialisation, car il s'agit souvent de monocultures consommatrices d'intrants néfastes pour les sols et pour la biodiversité.

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L'angle écologique de ce rapport est particulièrement intéressant. Le foncier agricole n'est pas seulement un problème de productivité ou de souveraineté alimentaire, c'est aussi un problème environnemental. À ce titre, vous avez raison de rappeler que la disparition des terres agricoles a des conséquences désastreuses pour la qualité des sols, leur teneur en éco-organismes ou leur perméabilité. C'est donc sur cet aspect que je souhaite vous interroger. Vous évoquez brièvement la technique de la phytoremédiation qui consiste à faire absorber des polluants par des plantes, mais beaucoup de terres résultant de friches industrielles sont polluées par des gravats, des débris métalliques ou autres résidus de construction, sans parler des revêtements de sol abandonnés. Pour toutes ces pollutions, quel est l'état des lieux et surtout quelles mesures envisagez-vous pour les traiter ?

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Il convient de souligner l'intérêt de ce rapport. Je remercie également M. le président Sempastous pour ses propos réalistes et pragmatiques. De vrais sujets sont soulevés, mais certaines propositions me paraissent « ruralicides ». Quelle est l'idée derrière la proposition visant à prévoir des SCoT et des PLU plus prescriptifs, sinon de geler le développement des territoires ruraux ? Comment fera-t-on demain pour mettre en place des zones d'activité ? Comment fera-t-on demain pour permettre à nos concitoyens de construire une maison en campagne avec un peu de terrain ? Comment fera-t-on demain pour réaliser un aménagement routier ? On a le sentiment que, derrière ces propositions, se trouve l'idée de mettre sous cloche les campagnes pour y empêcher la vie. Ne pensez-vous pas qu'il faut non seulement préserver l'agriculture, mais aussi préserver la vie sociale, la vie économique et la vie commerciale dans nos campagnes ?

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J'invite M. Nury à relire les propositions de mon collègue ou les miennes, ainsi que le rapport. Nous n'avons aucune intention d'opposer le rural et l'urbain ou d'inciter le rural à absorber l'agriculture ou l'urbain à absorber l'alimentation. Il s'agit au contraire de resserrer les liens entre le rural et l'urbain, y compris le périurbain. Quant aux SCoT et aux PLU, mon intention n'est pas d'appliquer des SCoT prescriptifs de la même manière partout, mais de tenir compte des initiatives prises par les territoires et des actions qu'ils conduisent déjà, de leur diversité et de la façon dont la planification y est opérée. Il y a plus de mitage à certains endroits, plus d'étalement urbain à d'autres. Les territoires sont très divers, et c'est pourquoi j'entends laisser les choix et les outils dans les mains des élus. Nous reprendrons cette discussion par la suite, mais mes propositions visent à développer le volontarisme.

Concernant les GFA, Montpellier Méditerranée Métropole met en place des associations foncières agricoles (AFA). Elles sont parties prenantes dans des exploitations avec des associations et des organisations non gouvernementales (ONG). Ce ne sont pas des GFA, mais des AFA.

S'agissant du contrôle de l'actionnariat et des concentrations sociétaires, ma proposition ne vise pas à modifier la Constitution, mais à décourager la concentration des terres par le biais du projet agricole. Avec la généralisation du permis d'exploiter, toute mutation de parts sociales obligera à redemander un permis d'exploiter impliquant à la fois le contrôle des structures et des objectifs clairs de cultures et d'emploi. À défaut, il sera impossible d'effectuer des mutations de parts sociales. La SAFER le proposera dans deux jours en assemblée générale. Il faut savoir que si l'on contrôle l'actionnariat pour des investisseurs chinois, on le contrôlera pour tout le monde, et tout le monde sera soumis à la même transparence.

En ce qui concerne les terres irriguées, je vous invite à visiter, dans le Sud-Est, la Société du canal de Provence et les ouvrages qu'elle a construits depuis cent ans. Elle gère d'une manière unique en France l'usage de l'eau et l'irrigation des terres. Je propose notamment de quasiment sanctuariser les terres agricoles. Des entreprises comme EDF commencent à acquérir du foncier à côté de rivières ou de fleuves, et des terres propices à l'agriculture risquent d'être préemptées par l'industrie. Nous devons être attentifs au développement de ces entreprises et à leurs investissements tout en sanctuarisant en priorité les terres irriguées et irrigables.

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M. Fugit nous a interrogés sur la vision globale. Au-delà des discours sur le partage de la terre, des questions socio-économiques auxquelles je suis attaché, de la volonté de privilégier ceux qui en ont besoin sur ceux qui en ont les moyens et de la régulation du marché foncier, une autre obligation morale, une urgence écologique s'impose aujourd'hui. Aujourd'hui, on ne peut plus dire qu'on ne sait pas. Nous savons que du foncier dépend la souveraineté alimentaire et la survie de l'humanité face au changement climatique. À la veille de l'effondrement, nous devons changer nos manières de penser.

Il ne faut pas, de façon théorique, opposer le rural peu dense à l'agriculture. J'ai eu la chance de travailler sur un SCoT, sur un établissement public de coopération intercommunale, sur des reconversions de friches industrielles, sur des partages de la terre. Partout les gens se sont mobilisés, et ils ne reviendront jamais en arrière. Il en va de même pour l'agroécologie : ceux qui la pratiquent ne reviendront jamais en arrière. M. Michel Heinrich, le président de la Fédération nationale des SCoT, explique qu'à chaque révision de SCoT, on passe du facteur 2 des propositions initiales de diminution du foncier constructible au facteur 4, et ce avec l'adhésion des élus, parce qu'ils ont intégré une culture de redécouverte de la valeur du foncier, d'autres manières d'habiter et d'autres qualités d'habitat. Ne créons pas de résistances hors de propos au regard de l'enjeu de la préservation du foncier, imaginons plutôt l'urbanisme du futur et des mécanismes financiers accessibles à tous.

Le livret vert vise, à l'instar du livret A, à créer une épargne populaire encadrée par l'État, ouvrant droit à des prêts bonifiés de long cours pour les trois familles d'acteurs que nous voulons privilégier sur le marché du foncier français. Il s'agit, entre le prix du fermage, le prix du livret vert et le prix des taux bonifiés, de créer un mécanisme de prix vertueux obéissant à une logique de capitalisme vertueux de long terme, à l'opposé du CAC 40 ou de la spéculation. Il s'agit pour l'État d'instaurer un système de juste économie, correspondant aux besoins du monde agricole et au renouvellement des générations.

Le lien avec la PAC est capital. On peut trahir le droit français, le déformer, le contourner, et être récompensé par plus de primes. Il s'agit de remettre le droit en cohérence, non seulement pour la France mais aussi pour l'ensemble des nations. Nous proposons une PAC qui privilégie les actifs et la régulation plutôt que la prime à l'agrandissement, qui est forcément un appauvrissement. J'insiste sur la dimension internationale du sujet. Les questions de la terre ne sont pas des questions nationales, mais des questions de souveraineté des peuples, et d'abord des paysanneries, pour répondre au défi alimentaire, au défi climatique et au défi de la biodiversité. Les régulations dures que je propose sur les sociétés, la définition de l'actif agricole et l'autorité publique ne sont pas contradictoires avec les innovations entrepreneuriales et territoriales engagées en France. Je doute que des clusters ou des volontarismes puissent répondre à un défi aussi important que celui que nous voulons relever. Si Debatisse, Pisani et le général de Gaulle avaient laissé faire l'agriculture, nous n'aurions pas le paysage et la force agricoles que nous avons aujourd'hui. Nous aurions un paysage de firmes, appauvrissant nos paysages, notre agriculture et notre biodiversité. Mon éloge de la régulation est tout à fait conforme à l'esprit d'entreprise et à l'esprit d'innovation des territoires.

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Le renforcement du rôle des CDPENAF a fait l'objet d'un accord unanime de la part des personnes auditionnées. Les régions demandent à y être intégrées.

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J'approuve la proposition de Mme Anne-Laurence Petel d'y faire siéger un conseiller régional. Le but des CDPENAF est de prendre de la distance par rapport aux conflits d'intérêt auxquels peuvent être soumis les maires et les élus municipaux au regard de leur territoire. En toute cohérence, on ne peut y intégrer les élus municipaux. Mais nous n'en sommes plus là. Les élus locaux ont intégré la planification stratégique à une échelle qui dépasse le ban communal, au nom de l'intérêt général et de la réalité des citoyens, qui ne sont pas assignés à demeure dans leur village mais participent d'un large territoire et d'une planète.

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Avant de soumettre au vote l'autorisation de publication de ce rapport, je tiens, Madame la rapporteure, Monsieur le rapporteur, monsieur le président, à vous féliciter et à vous remercier pour ce travail d'importance, puisqu'il a suscité de nombreuses questions, d'ailleurs trop nombreuses pour qu'elles aient pu être posées toutes, ce dont je vous prie de m'excuser.

Monsieur le président, je vous cède la parole pour un bref propos conclusif.

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Je tiens à remercier de nouveau les rapporteurs et l'ensemble des membres de la mission d'information, qui ont beaucoup travaillé et fait oeuvre d'assiduité. Ce furent dix mois passionnants. Je remercie aussi l'administratrice qui nous a accompagnés durant ces dix mois, ainsi que son équipe, pour cet important travail de rédaction.

Comme nous l'avons vu ce soir, l'agriculteur et l'alimentation étaient au centre de nos préoccupations. Comme nous n'avons pas pu répondre à toutes les questions, nous pourrions demander l'inscription de ce débat à l'ordre du jour lors d'une semaine de contrôle de l'Assemblée. Nous en avons une en février. J'en ferai la demande auprès de mon groupe. Nous pourrions ainsi continuer à travailler sur ce dossier.

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Nous en venons au vote.

Les membres des deux commissions représentées ce soir autorisent-ils la publication du rapport de la mission d'information commune sur le foncier agricole ?

Les deux commissions décident d'autoriser la publication du rapport de la mission d'information commune.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 4 décembre 2018 à 16 h 35

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Sébastien Cazenove, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Michel Delpon, M. Nicolas Démoulin, M. Julien Dive, Mme Véronique Hammerer, M. Philippe Huppé, Mme Célia de Lavergne, M. Sébastien Leclerc, Mme Annaïg Le Meur, Mme Monique Limon, M. Richard Lioger, Mme Graziella Melchior, M. Jérôme Nury, M. Jimmy Pahun, M. Ludovic Pajot, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Benoit Potterie, M. Vincent Rolland, M. François Ruffin, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, M. Éric Straumann, Mme Huguette Tiegna, M. Nicolas Turquois, M. André Villiers

Excusés. - M. Jean-Claude Bouchet, M. Dino Cinieri, M. Roland Lescure

Assistaient également à la réunion. - Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, M. André Chassaigne, M. Jean-Paul Dufrègne, M. Antoine Herth, M. Serge Letchimy, M. Hervé Pellois, M. Jean-Pierre Vigier