Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 13 février 2019 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission a procédé à l'examen de la proposition de loi demandant l'interdiction du glyphosate (n° 1560), sur le rapport de Mme Bénédicte Taurine.

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Chers collègues, je vous rappelle qu'une délégation de la commission des affaires économiques se rendra – c'est une tradition – au salon de l'agriculture le dimanche 24 février prochain. Treize députés de la commission se sont inscrits pour cette visite.

La visite aura pour thème « Demain nous appartient » et s'intéressera en particulier aux enjeux liés au renouvellement des générations et à la formation des agriculteurs. Elle sera l'occasion de rencontrer notamment les principaux responsables de l'enseignement agricole, public et privé, et le syndicat des Jeunes Agriculteurs.

S'agissant de notre ordre du jour, notre commission est saisie au fond de la proposition de loi de Mme Bénédicte Taurine et de plusieurs de ses collègues demandant l'interdiction du glyphosate (n° 1560). Cette proposition de loi sera examinée en séance jeudi 21 février, dans la « niche » du groupe La France insoumise.

Cette proposition vise à inscrire dans la loi l'objectif porté par le Gouvernement d'interdire l'utilisation du glyphosate d'ici à trois ans.

Dans le cadre de cet objectif de sortie progressive du glyphosate, la commission des affaires économiques et la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire conduisent une mission d'information commune dont M. Julien Dive est président et MM. Jean-Baptiste Moreau et Jean-Luc Fugit sont corapporteurs. La mission a notamment auditionné le nouveau coordinateur interministériel chargé du plan de sortie du glyphosate.

Comme à l'habitude, nous entendrons une présentation de notre rapporteure et ensuite une discussion générale faisant intervenir des orateurs de groupe, à raison de quatre minutes chacun, puis les députés qui le souhaitent, pour deux minutes.

Nous passerons ensuite à l'examen de l'article unique de la proposition de loi.

Je vous indique que la commission a été saisie initialement de dix-sept amendements. Un de ces amendements ayant été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, il en reste seize à examiner.

Madame la rapporteure, vous avez la parole.

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Le glyphosate est l'herbicide le plus utilisé au monde : avec environ 800 000 tonnes de matière active vendues annuellement, il représente 25 % du marché mondial des pesticides.

En 2017, en France métropolitaine, 8 800 tonnes de matière active ont été vendues, tous usages confondus, ce qui représente environ 30 % du volume d'herbicides vendus en France. La substance est essentiellement utilisée en production céréalière, en arboriculture et en viticulture. Le succès du glyphosate tient à sa fonction d'herbicide non sélectif tuant pratiquement toutes les plantes avec lesquelles il entre en contact. Plusieurs études scientifiques et enquêtes journalistiques ont démontré sa dangerosité, que ce soit pour la santé humaine, l'environnement ou la biodiversité, malgré d'intenses campagnes de lobbying du géant mondial de l'industrie chimique, hier Monsanto, aujourd'hui Bayer, qui cherche à discréditer toute étude contradictoire au profit des actionnaires et au détriment de notre santé.

Le 20 mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a déclaré le glyphosate génotoxique, cancérogène pour l'animal et cancérogène probable pour l'homme.

Pourtant, après plusieurs mois de débats, les États membres de l'Union européenne ont voté favorablement la proposition de la Commission européenne de renouveler l'autorisation du glyphosate pour cinq ans. Depuis lors, il y eu les « Monsanto Papers » et l'enquête du journal Le Monde ; nous avons appris qu'une centaine de pages du rapport prétendument indépendant sur lequel s'est basée l'Union européenne et qui concluait à la non-dangerosité du glyphosate était en réalité le simple copier-coller d'un rapport élaboré en 2012 par la multinationale elle-même. Un numéro d'Envoyé Spécial diffusé sur France 2 le 17 janvier 2019 indique que Monsanto aurait aussi rémunéré des scientifiques de renom pour que ces derniers discréditent les études favorables au glyphosate. En août 2018, la justice américaine a rendu son premier jugement contre Monsanto, condamnant la firme à verser 280 millions de dollars à un jardinier atteint d'un cancer en phase terminale attribué à son exposition aux herbicides Ranger Pro et Roundup Pro pendant deux ans ; les jurés ont estimé que Monsanto avait agi avec malveillance. L'annulation de l'autorisation du Roundup Pro 360 par le tribunal administratif de Lyon le 15 janvier 2019, au nom du principe de précaution, va dans le même sens. À la vue de ces divers éléments, il est inconcevable que l'interdiction du glyphosate ne soit pas à nouveau réclamée au niveau européen, et ce avant l'expiration de son homologation fin 2022.

Pour mieux vous rendre compte de l'impact de ce type d'agriculture qui associe semences transgéniques et utilisation intensive de pesticides comme le glyphosate, je vous conseille de regarder le documentaire Viaje a los pueblos fumigados de Fernando Solanas. Il présente les conséquences désastreuses du point de vue social et environnemental de ce type d'agriculture en Argentine, avec déforestation, destruction des sols, population sacrifiée, multiplication des cas de cancer, malformations à la naissance, etc. Il montre aussi qu'il est possible de produire autrement en favorisant une agriculture écologique sans pesticides.

La proposition de loi que je vous présente aujourd'hui au nom du groupe de La France insoumise (LFI) interdit l'utilisation de produits à base de glyphosate à compter du 27 novembre 2020. Il est indispensable de protéger la population et de fixer un cap clair à nos agriculteurs.

Cette loi est indispensable et de nombreuses personnes s'emparent de ces questions : ainsi l'appel « Nous voulons des coquelicots » pour l'interdiction de tous les pesticides de synthèse, ou encore les sessions de prélèvement d'urine et dépôts de plainte organisés par l'association Campagne Glyphosate, qui a débuté en Ariège et qui se développe aujourd'hui au plan national.

Je citerai les propos d'une citoyenne, Martine : « Nous portons plainte contre les décideurs, contre les fabricants de pesticides, contre les décideurs européens qui ont mis ce produit extrêmement dangereux sur le marché ; nous ne portons pas plainte contre les agriculteurs, contre ceux qui ont finalement été trompés ». Et Dominique, qui ajoute : « On en a assez d'être empoisonnés alors que l'on n'utilise pas ces produits, d'être en quelque sorte l'équivalent des fumeurs passifs, qui ont permis la mise en oeuvre de la loi Évin. Nous demandons l'interdiction de ce produit car on ne peut plus accepter d'être empoisonnés au quotidien ». En tant que parlementaires, il est de notre devoir d'écouter mais surtout d'entendre ce que disent les gens, et de prendre nos responsabilités.

Il est en effet de notre responsabilité de protéger la population. La dangerosité du glyphosate atteint non seulement les agriculteurs, qui en sont les premières victimes, mais également la population dans son ensemble du fait de la rémanence de cette substance dans le corps. L'expertise collective de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) « Pesticides, effets sur la santé », publiée en 2013, décrit le lien entre exposition professionnelle d'agriculteurs et augmentation significative du risque de lymphome non hodgkinien chez ces agriculteurs. Plusieurs études démontrent également que le glyphosate est un perturbateur du système endocrinien. Pour la journaliste Mme Marie-Monique Robin, la propriété chélatrice du glyphosate lui permet de capter les atomes de métaux disponibles dans l'environnement et de les rendre solubles dans l'eau. C'est ce qui a provoqué des maladies rénales au Sri Lanka et conduit à son interdiction dans ce pays.

Le Gouvernement a confié le 18 avril 2018 à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et à l'INSERM une nouvelle étude sur les liens entre pathologies et exposition professionnelle aux produits phytosanitaires. Il est urgent que ce rapport soit remis.

Mais l'urgence porte aussi sur la protection de l'environnement et de la biodiversité : la pollution des produits phytopharmaceutiques et du glyphosate en particulier appauvrit les sols et la biodiversité. Les cours d'eau sont massivement contaminés et il n'y a pas de raison pour que l'air ne le soit pas aussi.

Il est de notre responsabilité de fixer un cap clair à nos agriculteurs : certains s'engagent dans la transition agro-écologique, mais le discours ambigu du Président de la République leur permet de douter de la détermination de l'État à interdire le glyphosate à la fin de l'année 2020.

Le Président de la République M. Emmanuel Macron déclarait, le 27 novembre 2017 : « J'ai demandé au Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans. » Le 31 mai 2018, il avertit qu'il prendrait ses « responsabilités » sur le glyphosate si le monde agricole n'était pas au rendez-vous dans trois ans. « Il y aura un point de rendez-vous et si les choses n'avancent pas dans trois ans, on passera par la loi », affirmait-il.

Lors de la discussion de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont néanmoins refusé d'inscrire cet engagement présidentiel dans la loi. La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, saisie pour avis sur une partie du texte, avait pourtant adopté un tel amendement lors de son examen en commission. La position de la majorité est ambiguë, et ce d'autant plus depuis la dernière déclaration du Président de la République, qui est revenu sur sa déclaration le 24 janvier dernier en ces termes : « La France ne parviendrait pas à se passer à 100 % du glyphosate dans les trois ans ».

Les atermoiements de la majorité guidée par la parole présidentielle laissent agriculteurs et consommateurs dans l'incertitude.

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Plusieurs députés du groupe LaREM

Que d'agressions !

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En tant que parlementaires, il est de notre responsabilité d'écouter et d'entendre les gens. À quoi bon un grand débat si l'on n'est pas capable de prendre en considération la volonté populaire ?

La politique volontariste de réduction des usages de produits phytopharmaceutiques est un échec : entre 2009 et 2015, la tendance des ventes a été à la hausse malgré la succession de plans Écophyto 1, 2, 2 +, dont l'ambition s'est limitée à utiliser la même méthodologie pour le glyphosate. L'urgence est telle que seule une interdiction stricte montrera la volonté de l'État de tout mettre en oeuvre pour se passer de cette molécule. L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et les instituts techniques y travaillent : des solutions alternatives existent pour près de 90 % des usages ; pour les 10 % restants le délai imparti avant la mise en oeuvre de l'interdiction doit permettre de trouver des alternatives.

Il est fondamental d'adopter une approche modifiant en profondeur les systèmes de production pour les rendre moins dépendants des produits phytopharmaceutiques. Les obstacles ne sont pas d'ordre technique ; il faut affirmer une volonté politique de produire autrement.

Les solutions techniques existent ; l'enjeu est avant tout politique et c'est à nous, législateur, de faire en sorte que l'intérêt général prime sur l'intérêt des lobbies ou de quelques multinationales. C'est ce qu'explique le chercheur M. Jean-Marc Meynard de l'INRA : selon lui, il existe des phénomènes dits de « verrouillage sociotechnique », c'est-à-dire que tout le monde s'est organisé autour d'une technologie. Les normes marchandes, les savoirs et savoir-faire, les réseaux d'acteurs sont configurés en fonction d'une technologie, à tel point que lorsqu'une technologie alternative arrive, même si elle est plus intéressante, elle trouve difficilement sa place. Tous les acteurs des filières, semenciers, conseillers techniques ou coopératives, ont actuellement adopté la « solution pesticides » et n'ont aucune intention de s'orienter vers un autre modèle.

Compte tenu de la pression économique, le seul moyen d'agir est à notre avis de passer par la loi, tout en accompagnant les acteurs vers un modèle plus respectueux de la santé, de la biodiversité et de l'environnement. Il ne s'agit pas non plus d'attendre qu'une nouvelle molécule élaborée par l'industrie chimique, qui serait potentiellement encore plus nocive, soit développée. C'est pour cette raison qu'il faut du courage politique.

Mes chers collègues, ne reproduisons pas les erreurs du passé, comme celle qui a été commise avec l'interdiction tardive du chlordécone aux Antilles, entre réticences, autorisation provisoire, interdiction avec délai dérogatoire d'emploi des stocks existants et interdiction définitive : nous en sommes aujourd'hui aux conditions d'indemnisation des victimes… Or le Président de la République a reconnu lors du grand débat avec les représentants des outre-mer que la prolongation de l'utilisation du chlordécone avait été décidée à la demande des lobbies, de certains élus et de certains responsables socio-économiques. Les victimes ont été les travailleurs et ceux qui ont été exposés. Le « zéro chlordécone » dans l'alimentation suppose d'adapter les cultures, d'accompagner les agriculteurs, d'investir dans la dépollution et de reconnaître les maladies professionnelles.

Concernant le glyphosate, il nous est possible de ne pas en arriver là. Chers collègues, voulez-vous soutenir un gouvernement qui aura lui aussi succombé à la volonté des lobbies et être responsables d'un scandale sanitaire lié à l'utilisation du glyphosate ? Vous ne pourrez pas dire que vous n'étiez pas informés des risques que vous nous feriez alors courir.

Au niveau européen, la France a oeuvré pour que la Commission européenne réduise le délai d'autorisation. Elle a voté contre son renouvellement. Tirons-en les conclusions au niveau national. Notre position servirait de modèle à un engagement des pays qui nous ont soutenus au niveau européen : Belgique, Luxembourg, Italie, Autriche, Croatie, Grèce et Chypre.

Prenons nos responsabilités. Débattons et éventuellement amendons cette proposition de loi. J'ai vu des amendements de Mme Batho et de M. Castellani qui permettraient de l'approfondir et de l'améliorer. En revanche, l'amendement de suppression du groupe majoritaire, qui ferait tomber les autres amendements et empêcherait un débat au sein de notre commission, serait incompréhensible et méprisant pour celles et ceux qui s'engagent et militent pour la suppression du glyphosate.

Dernière précision : j'ai lu dans la presse que notre groupe voudrait vous mettre en difficulté. Sincèrement, nous avons bien d'autres objectifs politiques et nous ne faisons pas non plus de la récupération à deux balles… Les députés LFI sont effectivement intéressés par la question du glyphosate et je suis bien placée pour le savoir dans la mesure où, je l'ai dit, la campagne a débuté en Ariège. Nous sommes simplement à l'écoute des gens et nous considérons que notre santé passe avant les profits et les bénéfices de quelques multinationales comme Bayer. Notre rôle de députés est de porter la parole des gens et de proposer une loi qui améliore les conditions de vie de la majorité des personnes et pas uniquement celles des plus riches.

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Merci, Madame la rapporteure. Je ne doute pas que le débat aura lieu ; il va même commencer immédiatement, avec les orateurs des groupes.

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Je voudrais commencer par une citation, celle de l'article 37 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne adoptée en 2000 : « Un niveau élevé de protection de l'environnement et l'amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l'Union et assurés conformément au principe du développement durable ».

Si je fais référence à ce texte fondateur de l'Union européenne, c'est pour rappeler que l'enjeu de l'interdiction du glyphosate dépasse nos frontières françaises. La prise de conscience doit se faire au niveau européen et la France doit être aux avant-postes pour la préservation de notre environnement, la santé des agriculteurs et des citoyens européens. Ce serait un non-sens d'interdire à nos agriculteurs français des pratiques qui sont autorisées chez nos voisins européens et dont la production peut se retrouver librement sur nos étals de marchés.

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Je remercie Mme la rapporteure pour son rapport qui met en évidence les différentes positions des États-membres et le besoin de crédibiliser la parole scientifique des experts à ce niveau. Les accusations de conflits d'intérêts de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avec le groupe industriel Monsanto ont mis à mal la parole scientifique. Ce scandale montre que nous avons besoin d'une agence véritablement indépendante, sur le modèle de l'ANSES en France, qui assure un contrôle strict des produits. Notre santé mérite la transparence ; c'est pourquoi nous avons besoin d'études réellement indépendantes et coordonnées au niveau européen.

La parole de la France est essentielle. Grâce à la détermination et à l'engagement du Président de la République, nous avons réussi à réduire à cinq ans au lieu de quinze la période de renouvellement de l'autorisation du glyphosate au niveau européen, mais nous devons encore convaincre nos voisins d'aller plus loin. Une coordination est indispensable pour apporter une réponse globale à la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. C'est ce que nous demandons dans le cadre de la mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, présidée par notre collègue M. Julien Dive et dont je suis le corapporteur avec M. Jean-Luc Fugit, membre de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Pour rappel, les travaux de cette mission d'information ont débuté le 27 septembre 2018 avec l'audition conjointe des ministres MM. Didier Guillaume et François de Rugy. La mission a notamment auditionné le président de l'INRA, des représentants de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), le président de l'association des chambres d'agriculture et M. le préfet Pierre-Étienne Bisch, nommé en décembre 2018 coordinateur interministériel de cette mission et du plan de réduction d'utilisation des produits phytopharmaceutiques, dit plan Écophyto 2 +.

Depuis le début de la législature, nous n'avons pas toujours été d'accord sur la réponse adéquate à apporter. Nous avons fait un choix courageux : ne pas inscrire dans la loi l'interdiction du glyphosate. C'est précisément le contraire de ce que propose le texte que nous examinons aujourd'hui. L'interdiction du glyphosate est actée, le Président de la République M. Emmanuel Macron a pris l'engagement d'arrêter l'utilisation du glyphosate d'ici à trois ans ; il est hors de question de revenir dessus.

La solution ne sera pas nécessairement une autre molécule. C'est d'abord par un changement de pratiques culturales que nous sortirons du glyphosate, mais ce changement ne peut pas se faire du jour au lendemain, nous ne pouvons pas imposer un tel bouleversement à une profession en souffrance, dont le tiers des membres gagnent moins de 350 euros par mois. C'est ensemble, main dans la main avec les paysans, que nous allons avancer.

Concrètement, notre majorité a déjà pris les devants avec des mesures fortes depuis le début de la législature sur la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et la transition de notre agriculture, avec notamment, dans le cadre du projet de loi EGALIM, la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques, l'interdiction des remises, rabais et ristournes sur la vente des produits, l'objectif de 15 % de surface agricole utile dédiée à l'agriculture biologique et l'objectif de 20 % de produits bio parmi 50 % de produits locaux et sous signe officiel de qualité dans la restauration collective.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, nous avons engagé davantage de moyens en faveur de l'expérimentation des fermes DEPHY qui permettent la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, l'augmentation des taux de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) qui permettra de financer le développement de l'agriculture biologique. Nous avons notamment augmenté cette taxe de 50 % pour le glyphosate.

Quatre ministères sont mobilisés pour sortir du glyphosate : le ministère de la transition écologique et solidaire, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, le ministère des solidarités et de la santé, et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Le Gouvernement s'est donné des moyens à la hauteur de nos responsabilités et a pris plusieurs engagements pour accompagner la stratégie de sortie du glyphosate : nomination d'un préfet coordinateur ; mise en place d'un centre de ressources piloté par l'Assemblée permanente des Chambres d'agriculture (APCA), l'Association de coordination technique agricole (ACTA) et l'INRA, accessible à l'ensemble de la profession agricole dédié aux alternatives au glyphosate et qui vise à proposer des solutions concrètes aux agriculteurs selon une approche territoriale ; renforcement des mesures d'accompagnement pour diffuser les solutions et trouver des alternatives ; suivi des quantités vendues et utilisées afin de faire la transparence sur les usages, et nouvel examen par l'ANSES de l'ensemble des autorisations de mise sur le marché des produits contenant du glyphosate avec une date butoir à trois ans. Un programme prioritaire de recherche sur la sortie du glyphosate est en train d'être mis en place par le ministère de l'enseignement et la recherche. Tout le monde sera mis à contribution pour sortir du glyphosate, les régions, l'Agence française pour la biodiversité (AFB), les agences de l'eau, les collectivités territoriales et les groupes de professionnels agricoles.

Au nom du principe de précaution, il faut interdire le glyphosate et nous le ferons tous ensemble, de manière coordonnée, en bonne intelligence. Ce sont les paysans qui sont les principaux exposés. Madame la rapporteure, vous jugez vous-même dans votre rapport que le délai de trois ans est suffisant pour accompagner les agriculteurs dans la transition agro-écologique et trouver des alternatives au glyphosate pour les 10 % d'usage restants. Nous aussi, députés de la majorité, en sommes persuadés. Dans trois ans, nous aurons trouvé des solutions pour la très grande majorité des cultures. Dans trois ans, nous interdirons le glyphosate ; nous n'avons pas besoin d'une loi idéologique pour cela.

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Pour le groupe Les Républicains la parole est à M. Julien Dive, qui est également président de la mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie de l'utilisation du glyphosate.

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Merci, Madame la rapporteure, de votre exposé oral sur cette proposition de loi qui, je dois bien le dire, arrive à un moment un peu étonnant dans la mesure où, on l'a rappelé, une mission d'information commune travaille sur ce sujet depuis septembre 2018, qui comprend d'ailleurs un membre du groupe La France insoumise. Nous avons mené des auditions et d'autres auront lieu d'ici à la fin de cette année, à tout le moins d'ici à l'été, où un rapport d'étape sera remis. Cette mission d'information commune travaillera ces trois prochaines années et est, je le rappelle, quelque chose d'unique : unique en France puisqu'il n'y a pas d'équivalent au Sénat, unique en Europe puisqu'aucun Parlement européen ne s'est saisi du sujet. Il n'y a qu'en France que des parlementaires ont choisi de s'en saisir ; nous aurions pu voter un amendement, ignorer le sujet, mais nous avons courageusement choisi de le prendre à bras-le-corps et de conduire un travail de fond avec les différents acteurs.

L'usage du glyphosate est interdit en France depuis le 1er janvier 2017 pour les collectivités. Lorsque j'étais maire de ma commune, j'avais même proscrit son usage ainsi que celui d'autres pesticides depuis 2015. Il est également interdit en France pour les particuliers depuis le 1er janvier 2019. Il est utile de le rappeler : on oublie trop souvent que les utilisateurs du glyphosate étaient surtout les particuliers, qui ne disposaient parfois pas de bonnes préconisations d'usage et de dosage, dans les jardins privés mais aussi publics, ce qui contribuait à l'accumulation du glyphosate dans les sols.

N'oublions pas non plus que le premier utilisateur, en tant que personne morale, du glyphosate en France, n'a rien à voir avec le monde agricole : c'est la SNCF… Compte tenu des moyens dont elle dispose, je ne doute pas qu'elle saura trouver une alternative ; j'imagine d'ailleurs que les conseils d'usage et d'application du glyphosate à la SNCF ne sont pas les mêmes que dans l'agriculture.

Mais quand on parle de glyphosate, on a surtout l'agriculture à l'esprit ; c'est normal puisque c'est sans doute là qu'il est le plus utilisé. L'usage du glyphosate diffère selon les activités agricoles ; dans certains cas, il est possible de s'en passer. Un maraîcher possédant un ou deux hectares de cultures peut plus facilement renoncer à cet herbicide qu'un agriculteur céréalier sur trente ou quarante hectares, à plus forte raison lorsqu'il pratique ce que l'on appelle l'agriculture de conservation des sols (ACS), qui vise à moins recourir au travail de la terre, à moins labourer, et à utiliser les sols comme stockage de CO2. C'est une technique qui assure la rotation des cultures de céréales et en même temps met en place des couverts végétaux comme engrais : ce sont ces couverts végétaux qui sont traités au glyphosate, à l'automne et non avant récolte. Rappelons que dans certains pays, notamment en Europe de l'Est et en Amérique du Sud, le délai de traitement avant récolte est bien plus court qu'en France. Parfois le glyphosate est appliqué quelques jours avant le début de la moisson afin de définir un créneau bien précis pour l'entreprise chargée de la moisson – dans ces structures agricoles, l'agriculteur n'est pas toujours propriétaire de la moissonneuse-batteuse.

Le temps ne me permet pas de vous poser de nombreuses questions, Madame la rapporteure. Vous avez fait état des traces de glyphosate dans les cours d'eau. Mais avez-vous fait la distinction entre l'AMPA (acide aminométhylphosphonique), qui est le métabolite du glyphosate, et les lessives et détergents qui s'y retrouvent également ?

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J'ai examiné avec attention le rapport de Mme Taurine et j'en ai fait une lecture critique. Je trouve son avis personnel truffé d'inexactitudes ou en tout cas de partis pris qui frisent la malhonnêteté par rapport à tous les travaux déjà menés dans cette maison.

J'ai d'abord pensé, Madame la rapporteure, que le titre lui-même, « Interdiction du glyphosate », qui se retrouve ailleurs dans votre document, était une erreur mais, à la fin du rapport, vous précisez bien l'état actuel de la réglementation. Rappelons que l'autorisation ou l'interdiction d'une molécule comme le glyphosate n'est pas de la compétence des États membres et relève des autorités européennes. En revanche, les États membres ont la possibilité d'interdire, de restreindre ou de préciser les usages des spécialités phytopharmaceutiques contenant du glyphosate. C'est bien dans ce cadre que s'inscrit l'annonce du Président de la République ainsi que tous les travaux de recherche actuellement engagés ; nous travaillons bien sur la question des usages et non sur ce que je considère être un faux débat, autrement dit sur l'autorisation ou l'interdiction du glyphosate. On peut avoir ce débat sur la place publique, aux Quatre Colonnes, pour se donner une posture devant la presse ou devant ses électeurs, chacun fait ce qu'il veut ; mais nous sommes ici dans un travail législatif et il convient d'être exact sur la portée de nos travaux.

Le même parti pris se retrouve dans le reste du texte. Vous parlez d'une agriculture « biberonnée au glyphosate ». Je trouve que c'est un peu insultant pour tous les agriculteurs qui n'utilisent pas ce produit, et ils sont nombreux, soit parce qu'ils ont des productions qui ne nécessitent pas le recours à de telles spécialités soit parce qu'ils ont fait le choix de l'agriculture biologique.

En revanche, je vous trouve bien gentille avec la SNCF, qui en est pourtant le premier utilisateur en volume. Vous prétendez que ce n'est pas le cas et qu'elle ne représente que 0,4 % des usages de glyphosate, mais savez-vous que, lorsqu'on utilise le glyphosate sur une voie de chemin de fer, on le projette sur le ballast et le produit va directement dans la nappe phréatique car il n'y a pas de micro-organismes pour dégrader la molécule ? C'est beaucoup plus dangereux que les usages agricoles.

En ce qui concerne les alternatives, je me suis dit, puisque nous sommes la commission des affaires économiques, que vous alliez enfin innover sur la question du glyphosate et nous proposer une étude d'impact, une étude des effets de son interdiction sur l'économie agricole et de l'économie en général. Rien de tout cela : vous vous bornez à soutenir que des alternatives existent – sans aller jusqu'à parler de l'usage de la binette dans l'agriculture… Pour la SNCF en tout cas, celles que vous annoncez relèvent essentiellement de la science-fiction. Enfin, vous oubliez totalement les travaux de la mission d'information commune, comme ceux de la mission de suivi de la stratégie de sortie de l'utilisation du glyphosate ou encore ceux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), qui s'est également penché sur cette question.

En conclusion, PPL, cela me fait penser à « petit peu léger » ou alors à une posture pour les Quatre Colonnes…

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Nous devons de nouveau nous exprimer sur une disposition législative visant à interdire l'utilisation du glyphosate en France après en avoir déjà débattu il y a quelques mois. Si nous ne doutons pas de votre volonté de promouvoir une agriculture plus saine et notamment moins dépendante de la phytopharmacie et si nous partageons votre souhait de favoriser une agriculture plus rémunératrice pour ses acteurs, nous réitérons notre opposition à une interdiction telle que vous la projetez.

Interdire le glyphosate brutalement, c'est confronter immédiatement des milliers d'agriculteurs à des difficultés majeures, voire insurmontables dans un certain nombre de cas, en l'état actuel de la recherche. Du fait de son coût très modique, de sa souplesse d'utilisation et de son efficacité, le glyphosate est effectivement devenu un produit omniprésent sur les exploitations agricoles. Nous pouvons le regretter et, même si les études sur sa dangerosité ne sont pas unanimes, nous avons la responsabilité collective de travailler à son retrait rapide au nom du principe de précaution. Mais travailler au retrait rapide et interdire sont deux approches philosophiquement très différentes, même si in fine elles visent le même objectif.

Au groupe MODEM et apparentés, nous voulons privilégier une approche pragmatique qui tout d'abord s'appuie sur la responsabilisation des agriculteurs et ensuite tient compte des quelques impasses techniques pour lesquelles il n'y a pas d'alternative sérieuse au glyphosate.

À notre sens, l'engagement présidentiel de sortie en trois ans doit d'abord se traduire par la suppression de tous les usages où l'utilisation du glyphosate peut être substituée, soit par d'autres produits, ce qui est d'ailleurs très discutable du point de vue environnemental, soit, idéalement, par du travail du sol. À titre personnel, j'estime ces usages correspondent à 70 ou 80 % des volumes de glyphosate vendus en France. J'en profite pour regretter l'absence de statistiques fiables sur ce sujet : on ne connaît pas exactement les volumes vendus pour chaque type d'usage.

En revanche, il reste quatre utilisations du glyphosate pour lesquelles nous n'avons pas de solution crédible : la problématique des vivaces en grande culture, c'est-à-dire essentiellement le chardon et le liseron, que le glyphosate permet de détruire efficacement en fin d'été après les récoltes de céréales ou de colza ; la problématique de la vigne en zones très pentues où le travail du sol mécanisé est non seulement très dangereux à réaliser mais amène aussi une érosion très rapide des sols – on imagine mal le retour à un désherbage manuel dans ces situations ; la problématique de la SNCF où la lutte contre l'enherbement, et notamment les ligneux tels que les ronces et les épines, est indispensable, faute de quoi le ballast est très rapidement envahi et les voies rendues impraticables par l'action des racines qui décalent les structures en poussant ; reste enfin la problématique la plus emblématique, qui a été citée par notre collègue M. Julien Dive, à savoir l'agriculture de conservation. Cette technique agricole consiste à imiter la nature en ne laissant jamais les sols à nu. Chaque culture est semée dans le couvert végétal d'une précédente culture ; c'est à ce jour la forme la plus aboutie de protection physique des sols contre le lessivage et l'érosion éolienne. À mon sens, elle est sûrement au moins aussi vertueuse que l'agriculture biologique. Je vous invite d'ailleurs toutes et tous à regarder des vidéos qu'on trouve sur internet à ce sujet pour mieux comprendre de quoi il est question. Mais cette technique nécessite impérativement l'usage de petites quantités de glyphosate pour passer d'une culture à l'autre ; or, à ce jour, il n'existe à ma connaissance aucune alternative.

Sur ces quatre sujets, nous devons être collectivement responsables et trouver des solutions avant de brandir des interdictions. Si les usages du glyphosate diminuent en France de 70 ou 80 %, nos agriculteurs auront fait un pas qualitatif énorme. Je vous rappelle que nombre de produits agricoles importés ont été traités par du glyphosate pendant la croissance des cultures, pratique qui n'existe pas en France, où nous n'utilisons ce produit qu'avant ou après le cycle cultural. Nous devons être innovants, précurseurs en la matière, mais l'interdiction pure et simple est une impasse et un non-sens.

Le groupe MODEM et apparentés s'opposera donc à la proposition de loi ainsi rédigée.

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Notre rapporteure et le groupe La France insoumise nous proposent ce matin de mettre en oeuvre l'engagement pris par le Président de la République le 27 novembre 2017 d'interdire l'usage de la substance active glyphosate au plus tard le 27 novembre 2020. Naturellement, les députés du groupe Socialistes et apparentés adhèrent totalement à cet objectif de sortie la plus rapide possible de l'agrochimie en général et du glyphosate en particulier ; nous avions d'ailleurs proposé un certain nombre d'amendements en ce sens dans le cadre du projet de loi EGALIM.

Nous pensons également qu'il faut lutter avec la même énergie contre l'« agribashing » qui consiste à culpabiliser nos agriculteurs en leur reprochant des modes de production qu'ils ont été fortement incités à suivre dans le passé. Si nous voulons, et c'est un combat des socialistes depuis plusieurs années, réussir la transition vers l'agro-écologie et permettre la sortie des produits phytopharmaceutiques, il nous faut accompagner cette transition. Notre groupe proposera donc, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, un dispositif social et fiscal d'accompagnement à la transition vers l'agro-écologie afin de donner à tous nos paysans les moyens concrets de transformation de leurs modes de production et de sortie du glyphosate à l'horizon 2021.

Mais ce combat, pour être pleinement effectif, devra être porté par la France au niveau européen afin que l'agro-écologie devienne le modèle productif de l'Union européenne, dans l'intérêt à la fois des consommateurs, des producteurs et de nos terres. Nous appellerons donc le Président de la République à porter ce combat dans la nouvelle mandature européenne et le budget de l'Union.

Nous craignons cependant que le Gouvernement ne partage pas cette ambition, considérant qu'il a mis en consultation publique une ordonnance concernant la mise en oeuvre des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, dont les dispositions envisagées apparaissent contraires à l'intérêt général, au sens de la santé humaine, de la qualité environnementale et de notre économie rurale, ainsi qu'à l'esprit des trois lois ayant trait à ce dispositif. Notre collègue M. Dominique Potier saisira d'ailleurs le Premier ministre sur la conformité de cette ordonnance aux textes législatifs qui la fondent.

Enfin, sortir de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, et notamment du glyphosate, implique également de réparer les conséquences de leur utilisation dans le temps. Les socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat ont travaillé depuis plusieurs mois sur la mise en oeuvre d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytosanitaires, dont le principe de création a été arrêté pour le 1er janvier 2020. Nous veillerons évidemment, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, à ce que celui-ci soit à la hauteur des enjeux et des attentes puisque nous n'avons pas pu aller au terme de notre proposition de loi proposée la semaine dernière.

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Je vais essayer de ne pas répéter ce qu'a fort bien exposé notre rapporteure, même si la répétition est la base de la pédagogie…

Depuis sept ans au moins, l'opinion s'agite autour de la question du glyphosate, son usage et ses dangers. Cette interrogation est légitime depuis que des chercheurs comme Gilles-Éric Séralini ont commencé à prouver la dangerosité du glyphosate et des risques qui y sont associés. Que ce soit sur la santé humaine ou l'écosystème, ma collègue nous a largement éclairés sur les effets néfastes du glyphosate : cancer, insuffisance rénale, pollution des nappes phréatiques aux métaux lourds notamment. La liste des effets destructeurs est longue. Bref, nos concitoyens ont raison de s'inquiéter et de vouloir l'interdiction de ce pesticide.

Mais au-delà de la simple question de la santé, ce cas pose la question du poids des lobbies. Le principal producteur de glyphosate, Monsanto, est un groupe tentaculaire qui n'a reculé devant aucune méthode pour essayer de stopper ceux qui ont lancé l'alerte sur la dangerosité de l'usage de ce produit. Cette grande multinationale de l'agrochimie a utilisé notamment des scientifiques de renom et des campagnes de presse contre les chercheurs qui ont eu le courage de mener des recherches indépendantes sur le glyphosate que nous voulons interdire aujourd'hui et qui nous empoisonne depuis des années. Cette affaire met en lumière les collusions qui existent entre les multinationales et les chercheurs, les grands médias et même les agences de contrôle sanitaire. Nous pouvons saluer sur ce sujet le travail exemplaire de quelques journalistes, notamment ceux qui travaillent autour de Mme Élise Lucet dans Envoyé spécial.

Tout cela n'est pas sans rappeler une triste affaire qui pèse encore aujourd'hui dans nos territoires d'outre-mer, celle du chlordécone. La très grande majorité d'entre nous s'accorde à dire que les gouvernements de l'époque, en autorisant la prolongation de l'autorisation de l'utilisation du chlordécone alors qu'ils savaient que ce produit était cancérigène, ont cédé à la pression des lobbies et des grandes industries de l'agrochimie. Voilà pourquoi nous devons fermer les portes de nos bureaux lorsque les lobbies viennent y frapper.

Les intérêts des grands groupes financiers mettent le plus souvent en danger la vie de la planète et de nos concitoyens. Dans le cas du glyphosate, les premières victimes sont ceux qui sont les plus exposés : nos agriculteurs. Pour eux, d'autres solutions existent, comme l'indique fort bien l'INRA dans une publication de 2017 intitulée Usages et alternatives au glyphosate dans l'agriculture française. Ces solutions appartiennent au domaine de l'agro-écologie : il s'agit d'adopter des modes de production plus sains et respectueux de la nature. Ces solutions mécaniques et biologiques permettraient de préserver la santé de nos agriculteurs, de l'ensemble des consommateurs et de notre écosystème. Il est donc urgent d'accompagner techniquement et financièrement nos agriculteurs pour qu'ils puissent adapter leurs méthodes à ce changement de production. Il est important de ne pas les laisser seuls : ils ont besoin de nous autant que nous avons besoin d'eux.

Il est temps de légiférer, parce que toutes les solutions avancées ces dernières années par les différents gouvernements sont des échecs flagrants. Il est temps de légiférer, parce que notre santé n'attend pas. Il est temps de légiférer parce qu'il est urgent de protéger les écosystèmes, que nous empoisonnons avec nos pesticides. Non, il n'y a pas de piège, mais une volonté de protéger les gens et la planète.

Le Président de la République a pris l'engagement, le 27 novembre 2017, de sortir le pays du glyphosate en trois ans. Nous le prenons au mot ! et nous allons vous aider, mes chers collègues du groupe La République en Marche, à respecter son engagement.

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C'est pourquoi, nous proposons, avec cette proposition de loi, l'interdiction du glyphosate à partir du 27 novembre 2020.

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Je remercie Mme Taurine pour cette proposition de loi qui nous invite à prolonger la discussion qui a commencé, sans avoir été achevée, dans le cadre de la loi dite EGALIM.

Alors que les citoyens ont envie d'avoir une qualité de vie sociale et environnementale, c'est malheureusement la rentabilité financière qui prime avant tout sur la santé des gens. C'est ce que l'on voit notamment avec Monsanto, alors que chacun sait que le glyphosate est mortel et qu'il nuit gravement à la santé. Quel chemin emprunter pour que les engagements du Président de la République soient tenus ?

Alors que la France s'était engagée à diviser par deux l'utilisation des produits phytosanitaires d'ici à 2018 – il s'agissait du plan Écophyto lancé à l'issue du Grenelle de l'environnement –, nous sommes encore très loin des objectifs initialement fixés. L'utilisation massive du glyphosate dans nos modèles agricoles est un excellent exemple des difficultés rencontrées pour atteindre des objectifs aussi ambitieux sans accompagnement durable des filières.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'était prononcé en faveur de la suppression progressive du glyphosate et d'autres molécules phytosanitaires potentiellement cancérogènes et dangereuses pour l'environnement pour tenir les engagements du plan Écophyto, tout en garantissant aux producteurs des différentes filières des solutions alternatives durables et un accompagnement des transitions, notamment par le transfert rapide des avancées de la recherche et des garanties de prix aux producteurs permettant de compenser d'éventuelles pertes de rendement, la nécessité absolue d'une harmonisation des réglementations et l'interdiction au niveau européen, enfin l'activation d'une clause de sauvegarde, toujours à l'échelle européenne, pour protéger nos productions vertueuses, sur le plan de la santé publique et de la protection de l'environnement, des concurrences déloyales hors de l'Union européenne.

Cette proposition de loi est importante en ce qu'elle prévoit d'inscrire dans le calendrier l'interdiction de l'utilisation du glyphosate et de créer les conditions pour permettre sa substitution.

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Monsieur Moreau, vous avez raison : il faut être aux avant-postes. Mais notre stratégie diffère profondément de la vôtre puisque nous considérons que, pour être aux avant-postes, la France doit interdire et montrer l'exemple.

Le Président de la République s'étant engagé à interdire l'utilisation de ce pesticide d'ici à trois ans, pourquoi dès lors ne pas l'inscrire dans la loi ? Aucune raison ne justifie que cette décision politique, d'ores et déjà tranchée, ne soit pas réellement fixée dans la loi.

Monsieur Dive, il est normal que notre groupe se soit saisi de cette question puisqu'il s'agit de la santé des gens et que les citoyens se sont mobilisés.

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Je n'ai jamais dit que c'était anormal !

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Je ne vous attaque pas, je dis simplement que nous sommes sur la même longueur d'onde et que les parlementaires doivent vraiment se saisir de cette question. Et je ne reproche pas à la mission d'information d'exister. Seulement, elle est prévue pour une durée de trois ans. Or notre groupe considère qu'il faut aller plus vite et savoir, à un moment donné, arrêter de discuter.

Monsieur Herth, la SNCF travaille activement à la recherche d'une alternative à l'utilisation du glyphosate. Je vous rappelle qu'en vingt ans elle a déjà divisé par trois la quantité de produits utilisés et qu'elle favorise la biodiversité par la gestion raisonnée des espaces verts. Je ne sais pas sur quoi vous vous basez pour remettre en question le rapport de la SNCF.

Monsieur Dive, l'AMPA est le principal métabolite du glyphosate. Vous mettez le doigt sur une problématique forte : l'absence d'études régulières et détaillées. L'analyse de la présence d'une molécule, notamment dans l'air, est très coûteuse, ce qui explique l'insuffisance des informations en notre possession. Il faut donc en effet encourager la recherche.

L'étude d'impact économique est en cours : c'est l'objet de la mission d'information. Vous savez aussi bien que moi, Monsieur Herth, que nous n'avons que quelques semaines pour examiner une niche parlementaire, tandis que la mission d'information a trois ans devant elle. On sait déjà que les agriculteurs qui se passent de pesticides s'en sortent mieux économiquement, notamment ceux qui sont en agriculture biologique, compte tenu des prix du marché.

Madame Battistel, il est en effet évident qu'il faut accompagner la transition écologique et faire en sorte que la France fasse entendre sa voix au niveau européen pour interdire le glyphosate. Il convient d'éviter de se centrer sur notre pays et, au contraire, de regarder quelles sont les conséquences, y compris mondiales, de l'impact des produits phytopharmaceutiques sur les gens – j'ai d'ailleurs évoqué le cas de l'Argentine.

Monsieur Turquois, l'INRA est mobilisé et cherche des solutions. Mais cela prend du temps. C'est pour cela que nous avons fixé l'interdiction de l'utilisation du glyphosate en novembre 2020, pas aujourd'hui. Si on avait attendu que les gens se décident à instaurer la parité sans l'inscrire dans la loi, il n'y aurait peut-être pas autant de femmes à l'Assemblée nationale aujourd'hui.

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Madame la rapporteure, avec la présente proposition de loi, vous demandez l'inscription de l'interdiction du glyphosate à compter du 27 novembre 2020. Comme le rappelle si justement votre exposé des motifs, personne ne peut ignorer la difficulté des agriculteurs à vivre de leur métier. Il est donc nécessaire de répondre à la longue crise que connaît cette profession en permettant aux agriculteurs de vivre décemment de leur travail. C'est dans ce sens que nous avons adopté le projet de loi dit EGALIM.

Nos avis divergent sur la méthode employée pour atteindre nos objectifs, à savoir la réduction des produits phytosanitaires. Inscrire l'interdiction du glyphosate en 2020 dans la loi, c'est méconnaître la diversité de nos filières qui ont besoin d'être accompagnées dans cette sortie. Comme le rappelle l'INRA dans son rapport en 2017, il existe des situations de difficulté et d'impasses, et la transition vers la sortie du glyphosate doit se faire sur une échelle de temps qui prend en compte la mise en oeuvre de ces techniques alternatives.

Nous partageons la même volonté d'interdire le glyphosate, mais pas n'importe comment : il faut le faire de manière progressive, collective et concertée si nous voulons préserver notre patrimoine agricole. Néanmoins, depuis le 1er janvier 2017 l'utilisation des produits phytosanitaires, dont le glyphosate, est interdite pour les collectivités publiques et c'est maintenant chose faite pour les particuliers depuis le 1er janvier 2019.

Le Gouvernement et la majorité ont pris leurs responsabilités en mettant en place une mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, en nommant un préfet coordinateur chargé de la sortie du glyphosate, en créant un centre de ressources accessible à l'ensemble de la profession agricole, en renforçant les mesures d'accompagnement, en mobilisant les réseaux territoriaux des chambres d'agriculture et de l'enseignement agricole pour promouvoir les alternatives, le suivi des quantités vendues et utilisées des produits contenant du glyphosate afin de faire la transparence sur leurs usages. Nous ne pouvons présumer des résultats de nos actions avant d'en avoir sérieusement étudié les conséquences. Le travail déjà engagé commence à porter ses fruits ; certaines filières pourront se passer totalement du glyphosate. Pour d'autres, le travail sera plus long et nécessite la mobilisation de tous pour trouver des solutions alternatives.

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Le glyphosate est le produit le plus utilisé au monde, la part de la France, qui représente 5 %, concerne les céréales, l'arboriculture et la viticulture. Personne ne conteste la dangerosité du glyphosate, comme le prouvent différentes études, ni l'arrêt de son utilisation, qui doit être programmé. Mais quand arrête-t-on de l'utiliser et comment continuer à produire pour nourrir la planète ? Où en est-on de la recherche pour le remplacer ? Et si on ne l'utilise plus en France, comment arrêter de l'utiliser en Europe et ailleurs ? Sinon nous nous retrouverons avec des produits importés traités au glyphosate.

Nous sommes favorables à cet arrêt programmé, mais pourquoi faire une nouvelle loi maintenant ? Vous le savez, M. Emmanuel Macron n'est pas ma « tasse de thé », mais je lui donne acte de son engagement présidentiel sur l'arrêt programmé du glyphosate. Si cet engagement n'était pas tenu, alors oui une nouvelle loi serait nécessaire. Je suis à l'écoute de tous, je suis pour la santé publique, comme chacun ici, je suis pour une agriculture respectée et respectable. Pourquoi faire une loi qui anticipe une interdiction qui aura lieu de toute façon dans les trois ans ?

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Madame Taurine, je me réjouis de ce débat même si je ne me fais aucune illusion sur le destin de cette proposition de loi. J'invite tous les groupes qui veulent, à juste titre, porter la cause des pesticides, à inscrire leurs propositions de lois, comme celle sur les victimes des produits pharmaceutiques, en premier point de l'ordre du jour afin qu'elles ne se retrouvent pas la dernière roue du carrosse, examinées à minuit ou une heure du matin sans que l'on puisse entrer dans le fond de la discussion.

Le glyphosate concentre des enjeux de santé publique majeurs, de corruption et de falsification scientifique graves qui auraient à elles seules justifié que l'Europe ne décide pas le renouvellement de l'autorisation de cette substance, des enjeux aussi de transformation de notre modèle agricole au moment où tout porte à craindre, une nouvelle étude l'a indiqué hier, qu'il n'y aurait plus du tout d'insectes en 2100.

L'interdiction du glyphosate, votée par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée, avait fait l'objet d'amendements de collègues de la majorité, qui tous ont été repoussés. Puis on a courageusement choisi… de capituler, choix confirmé par le Président de la République le 24 janvier dernier, ce qui n'était pas pour moi une surprise.

Tout ce qu'on a dit sur la loi est faux. Nous avons voté la loi qui prévoyait l'interdiction des néonicotinoïdes, et celle-ci est en vigueur depuis le 1er septembre dernier. Tous les collègues, même ceux qui s'y étaient opposés en avançant les mêmes arguments que ceux que l'on entend aujourd'hui sur le glyphosate, se sont réjouis de son entrée en application. Nous pouvons donc faire de même pour le glyphosate : il y a nécessité que le législateur intervienne.

Je suis surprise que personne n'évoque ce matin la décision du tribunal administratif de Lyon qui a interdit le Roundup Pro 360 dans les termes suivants : « Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le Roundup Pro 360 est probablement cancérogène pour l'homme, eu égard notamment aux résultats des expériences animales, est une “ substance suspectée d'être toxique pour la reproduction humaine ” au regard des expériences animales et est particulièrement toxique pour les organismes aquatiques. Dès lors, malgré les précautions d'emploi […], l'utilisation du Roundup Pro 360, autorisée par la décision attaquée, porte atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé publique. Par suite, l'ANSES a commis une erreur d'appréciation au regard du principe de précaution défini par l'article 5 de la charte de l'environnement en autorisant le Roundup Pro 360 malgré l'existence de ce risque ».

Ces tergiversations et cette décision de justice exposent la santé, la biodiversité, les agriculteurs français par l'imprévoyance, dans la mesure où ce sont désormais les tribunaux maintenant qui vont prendre les décisions, et elles exposent aussi les ministres à des poursuites pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui.

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Madame la rapporteure, votre proposition de loi a le mérite de permettre de faire un point sur l'avancement programmé de cet important dossier. En tout cas, c'est ce que je veux y voir.

Vous avez indiqué que le glyphosate est l'herbicide le plus utilisé au monde. Je vous rappelle qu'entre 1974 et 2015, pas moins de 9,5 millions de tonnes ont été répandues sur la planète.

Le débat européen sur le prolongement de la licence d'exploitation pour cinq ans a donné lieu à un feuilleton allemand très édifiant sur fond de rachat de Monsanto par Bayer, faisant naître un titan mondial de l'agrochimie. Je relève d'ailleurs au passage la position à géométrie variable de la Commission européenne qui avait donné son aval à ce rachat, en mars 2018, et qui vient de s'illustrer tristement dans un autre dossier, celui d'Alstom-Siemens. Mais ça, c'est l'Europe…

Comme l'a dit M. Antoine Herth, une mission d'information commune a été créée sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Cette mission, dont le rapporteur est notre collègue M. Didier Martin, a été chargée d'auditionner les associations, les fabricants, les agriculteurs, etc. J'ai noté, dans ce travail très documenté et très fourni, qu'une suggestion à effet immédiat avait été mise en avant, celle d'interdire l'utilisation du glyphosate pour la dessiccation – voilà un sujet dont il faudra sans doute débattre – qui est peut-être l'annonce d'une évolution plus rapide. J'ajoute que le chef de l'État a confié à M. Cédric Villani une mission d'expertise.

Si le principe de précaution doit prévaloir pour l'utilisation du glyphosate, c'est sans doute l'arbre qui cache la forêt : il y a lieu de s'interroger sur le recours à la chimie en agriculture.

En conclusion, nous sommes à la croisée des chemins. Prenons un peu de temps pour offrir à notre agriculture les voies et moyens d'avancer sur ces questions éminemment importantes, en rappelant deux éléments : d'abord le poids significatif de la France dans le domaine agricole à l'échelle de l'Europe, ensuite l'appétence grandissante des consommateurs pour les produits issus de l'agriculture, dans lesquels j'inclus évidemment les produits issus de l'agriculture biologique et ceux issus de l'agriculture dite raisonnée, tout cela correspondant évidemment à une demande sociétale importante.

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Je me limiterai à quelques points de méthode dans notre démarche vers la sortie des produits phytopharmaceutiques et du glyphosate.

Premièrement, l'interdiction ne sera possible que si la France, par l'intermédiaire de l'ANSES, fait la démonstration de la dangerosité de la molécule présente dans de très nombreux produits et dont la commercialisation est autorisée par l'Union européenne. Précisons que l'établissement de la dangerosité d'une molécule, en chimie comme en pharmacie, dépend des conditions d'usage.

Deuxièmement, une fois cette démonstration établie, effectivement, la France pourra décider unilatéralement en Europe et toute seule de retirer les produits contenant du glyphosate.

Troisièmement, les alternatives sont connues : elles mobilisent les ministères, une mission de l'Assemblée nationale et la recherche. Leur mise en oeuvre nécessite un peu de temps, des investissements et des connaissances et surtout un changement des pratiques agricoles comme des pratiques ferroviaires, en particulier pour la SNCF.

Dans sa présentation initiale, Mme la rapporteure n'a pas beaucoup parlé des agriculteurs, ni de l'agriculture, ni de la SNCF. C'est, à mon avis, ce qui manque à sa plaidoirie et à cette proposition de loi.

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Nous reconnaissons tous que la société est allée trop loin dans le toujours plus et que nous devons enrayer la surproduction. Néanmoins méfions-nous du contre-balancier avec la culture de l'industrie de la peur, de la « pesticido-phobie » et de la gesticulation anticapitaliste. Ce contre-balancier ne doit pas être la réponse. Il faut rester lucide et prendre en considération l'histoire pour en sortir sérieusement et de manière pérenne.

Par exemple, si effectivement le Salvador et le Sri Lanka ont respectivement souhaité sortir de l'utilisation du glyphosate en 2013 et en 2015, ils sont depuis lors tous les deux revenus sur leur décision et ont fait marche arrière. Pour notre part, c'est la marche avant qui nous intéresse. La pression collective est bien présente pour que nous laissions travailler les filières et que nous travaillions de manière pérenne pour en sortir. Nous sommes nombreux à porter le coquelicot pour sortir de l'utilisation des pesticides, mais attelons-nous au travail en restant lucides.

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Une fois n'est pas coutume : nous venons au secours du Président de la République pour l'aider à tenir un de ses engagements, qu'il avait prononcé le 27 novembre 2017 : « Le glyphosate doit être interdit au plus tard dans trois ans », autrement dit le 27 novembre 2020. C'est bien ce que prévoit cette proposition de loi. C'est pourquoi je suis un peu surpris du ton de certains intervenants, y compris de la majorité : on ne peut pas faire ça n'importe comment, ce serait de la gesticulation anticapitaliste, on serait dans l'impasse, dans le non-sens, ce serait méconnaître les difficultés, nous agirions par idéologie, ce serait une posture pour la salle des Quatre Colonnes…

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Mais tout cela, allez le dire directement au Président de la République, puisque c'est lui qui a pris cet engagement ! Nous ne faisons que prendre la balle au bond.

L'interdiction du glyphosate doit évidemment s'inscrire dans un cadre plus large pour l'agriculture française. Nous considérons en effet que l'agriculture doit sortir de la mondialisation, du marché mondial, que la terre et ses produits ne sont pas des produits comme les autres. Et cela suppose une régulation de ce marché, avec des prix plancher et des quotas, bref, des instruments à même d'assurer le retour du progrès social pour les agriculteurs eux-mêmes qui doivent pouvoir bénéficier d'un revenu décent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, mais également permettre le progrès environnemental. Mais tant que nous resterons dans un marché mondialisé et que nous continuerons à accepter ce cadre, nous aurons le plus grand mal à progresser. La présente proposition de loi, même si elle ne porte que sur un point précis, s'inscrit dans une vision plus globale de l'agriculture.

Je veux aussi évoquer le poids des lobbies de la chimie que je ressens depuis le début de ce mandat. C'est bien de la marche arrière : tout est fait pour freiner, pour bloquer l'interdiction du glyphosate. Cela vaut aussi pour le secret des affaires qui a été abordé dans l'hémicycle, et c'était là encore l'industrie de la chimie qui était à l'oeuvre. Le Conseil de l'Europe va jusqu'à parler d'une atteinte à la liberté de la presse.

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Enfin, quand on voit le Président de la République défendre le chlordécone devant les élus d'outre-mer, en soutenant, contre l'avis de l'Organisation mondiale de la santé et d'un certain nombre de professeurs d'université, que ce n'est pas un produit cancérigène, on mesure à quel point le lobby de la chimie parvient à peser sur les décisions prises dans ce Parlement et par le chef de l'État.

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Dans certaines matières, le mieux est l'ennemi du bien. L' « agribashing » à la mode, je ne sais trop pour quelle raison, n'a d'autres effets que d'affaiblir, sans aucun bénéfice environnemental, une production française répondant à des conditions sanitaires parmi les meilleures du monde. Notre agriculture, même conventionnelle, n'a rien à envier à beaucoup d'agricultures bio sur la planète.

Je poserai trois questions.

Premièrement, interdire le glyphosate, c'est-à-dire renforcer la compétitivité des produits étrangers sur un marché libre, reviendrait à importer davantage de produits fabriqués avec du glyphosate, ce qui n'aurait in fine aucune incidence pour le consommateur.

Deuxièmement, avez-vous conscience des produits qui seraient utilisés en remplacement du glyphosate ? Aujourd'hui, on sait qu'il faudrait utiliser à court terme des molécules en quantité six fois supérieure – je parle d'anti-graminées et d'anti-dicotylédones – qui ne seraient pas nécessairement meilleures pour l'environnement ; ce pourrait même être pire.

Enfin, l'utilisation des techniques alternatives de labour libérerait bien plus souvent tout le carbone stocké dans les prairies, ce qui aurait, là encore, un effet nocif sur l'environnement.

Avez-vous anticipé toutes ces conséquences qui seraient néfastes et pour le consommateur et pour notre planète ?

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Pour ma part, je ne suis en relation avec aucun lobby, et je n'en connais aucun.

Je réaffirme ici que nous sommes tous engagés sur la sortie du glyphosate, et plus globalement que nous sommes tous mobilisés sur la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires. Ce qui nous sépare, Madame la rapporteure, c'est la méthode que vous utilisez. La mise en place d'un centre de ressources, le renforcement de mesures d'accompagnement pour diffuser et trouver des alternatives – dont certaines sont technologiquement prêtes et d'autres pas encore économiquement au point –, la mobilisation des réseaux territoriaux des chambres d'agriculture, l'engagement agricole pour la formation des futurs agriculteurs, le suivi des quantités vendues et utilisées des produits contenant du glyphosate afin de faire toute la transparence sur les usages, la nomination d'un coordinateur interministériel, le lancement d'une mission d'information de l'Assemblée nationale : voilà notre méthode. Vous, vous imposez, vous décrétez, vous voulez aller plus vite, vous voulez forcer ; nous, nous faisons le choix de l'accompagnement et de la co-construction avec tous les acteurs concernés. Je suis d'accord pour aller plus vite, mais mettre en difficulté un pan de notre agriculture n'est pas notre choix politique.

Madame la rapporteure, comment comptez-vous accompagner cette transition et quelle est réellement votre méthode ?

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Je profiterai de cette intervention pour rappeler ma prise de position, qui n'est pas populaire : je dois m'en expliquer chaque jour car elle est difficile à faire comprendre dans l'ambiance médiatique qui est la nôtre. Je ne crois pas avoir à prouver que je suis partisan de l'agro-écologie, voire d'une certaine radicalité dans l'agro-écologie depuis un quart de siècle. En tout cas, je pourrais en témoigner sur le territoire et sur la ferme où j'ai travaillé, ainsi qu'au travers des engagements qui ont été les miens au cours de la législature précédente.

Cela étant, je persiste à penser que c'est une erreur de délibérer dans un hémicycle, dans une assemblée sur des molécules. Pourquoi le faire pour les produits phytopharmaceutiques quand on ne le fait pas pour les médicaments humains ? L'intelligence des démocraties modernes, c'est de confier ce discernement et cette décision à des agences spécialisées, des comités d'éthique totalement autonomes sur le plan budgétaire. C'est le combat que je mène depuis des années pour que l'ANSES et l'EFSA échappent aux logiques des lobbies et des opinions publiques, aussi dangereux les uns que les autres, et pour établir un plan sanitaire de croissance.

Une fois que j'ai dit cela, je rappellerai que mon itinéraire et mon parcours, c'est plutôt d'aboutir à zéro pesticide en Europe en 2050. Des études convergentes de plusieurs organismes et think tanks montrent que cet objectif est accessible.

À ce stade, je veux alerter la commission sur deux faits contemporains.

Le ministre M. Didier Guillaume vient d'ouvrir au ministère de l'agriculture, et je m'en réjouis, une session sur une idée, introduite dans la loi dite EGALIM : faire de la haute valeur environnementale (HVE) la marque territoriale de l'agro-écologie. Les industriels, les paysans et les ONG environnementales sont tous réunis autour de cette perspective qui peut nous réconcilier et nous permettre de nous affranchir de la phytopharmacie de manière bien plus durable que toutes les délibérations que l'on essaie de prendre par ailleurs.

L'autre alerte, qui est plutôt un coup de gueule, concerne une ordonnance qui supprime la sanction en cas de non-réalisation des certificats d'économie de produits phytosanitaires alors que c'est une des promesses les plus fécondes dans le monde paysan aujourd'hui, une des politiques les plus innovantes – le Président de la République parlerait d'empuissancement de la société – qui permet aux filières, à la recherche et aux paysans de trouver des solutions pour sortir de la phytopharmacie, sortir de l'utilisation de molécules qui sont parfois pires que le glyphosate. Je condamne cette ordonnance ; je vais du reste saisir le Conseil d'État dans la mesure où je la crois contraire à l'esprit de la loi que j'avais portée le 20 mars 2017, et à ce que nous avons voté dans la loi dite EGALIM.

Enfin, je pense qu'il ne faut pas fermer la discussion. Le groupe Socialistes et apparentés, au travers de Mme Marie-Noëlle Battistel, proposera que nous poursuivions la discussion avec nos collègues du groupe La France insoumise.

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Tout le monde, y compris les agriculteurs, reconnaît la nécessité de mettre un terme à l'utilisation de ce produit dangereux pour la santé. Cela étant, j'estime qu'on ne peut pas inscrire l'interdiction du glyphosate dans la loi tant que des alternatives n'ont pas été validées par des scientifiques, en particulier l'INRA.

Des alternatives mécaniques existent, comme les couverts gélifs, le travail du sol, etc., mais elles ne sont pas réalisables dans tous les contextes pédo-climatiques. Par ailleurs, leur mise en oeuvre pourrait entraîner des conséquences néfastes sur le plan économique comme sur le plan environnemental. Un désherbant de biocontrôle existe également, mais son efficacité n'est pas encore suffisante pour se substituer au glyphosate.

Enfin, Madame la rapporteure, nous devons absolument convaincre la Commission européenne de réduire la durée d'utilisation du glyphosate, de façon à ne pas placer notre agriculture en situation de concurrence déloyale. J'en veux pour preuve que chez mes arboriculteurs de Pélussin, le produit de substitution a été passé cinq fois de suite sans donner aucun effet. Si je suis favorable au remplacement du glyphosate, par quels produits doit-on le faire ? Et pourquoi interdire aux agriculteurs français d'utiliser le glyphosate à partir de 2020, tandis que l'Europe l'autorise jusqu'en 2022 ? Faudra-t-il introduire des produits étrangers sur le territoire national ?

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Nous sommes face à un paradoxe du débat parlementaire : nous discutons d'une proposition de loi dont nous savons pertinemment qu'elle ne sera pas examinée en séance publique, le groupe La France insoumise ayant décidé de la placer en cinquième position, ce qui paraît bizarre compte tenu de l'urgence qui a été rappelée lors de sa présentation.

La vraie question, c'est comment mieux accompagner les agriculteurs qu'aujourd'hui dans la sortie du glyphosate ? J'avais déposé un amendement sur ce point, mais celui-ci a été déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution. Il est dommage qu'on n'ait pas pu aborder cette question, car on a besoin de mieux accompagner les agriculteurs dans cette transition.

Pour régler ce problème, on aurait pu habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, avant mi-2021, des mesures sur l'interdiction du glyphosate si les progrès d'ici là n'étaient pas suffisants. Mais, là encore, les parlementaires se heurtent aux règles constitutionnelles.

Enfin, comme l'amendement de mon collègue et frère jumeau M. Jean-Baptiste Moreau a toute chance d'être adopté, cela signifie que les amendements suivants tomberont et qu'ils ne pourront donc pas être examinés. Mes trois amendements, qui reprenaient une idée que j'avais défendue au mois de mai dernier, prévoyaient une période de transition de trois ans lorsque les solutions existent et jusqu'à cinq ans en cas d'impasse technique ou économique.

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Monsieur Orphelin, permettez-moi seulement de douter de la véracité de votre gémellité avec M. Moreau ! (Sourires.)

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J'ai le sentiment que certains orateurs remettent en cause la parole présidentielle. C'est pourtant bien le chef de l'État qui a déclaré qu'il fallait sortir dans trois ans de l'utilisation du glyphosate. J'ai donc des difficultés à comprendre les raisons de cette sorte de rétropédalage par rapport à cette déclaration. Mais il est vrai que le Président de la République lui-même semble reculer par rapport à cette première annonce…

Monsieur Potier, effectivement, l'Assemblée n'aurait peut-être pas à se saisir de ce type de proposition de loi. Mais au vu des scandales et des différentes problématiques qui se sont posées dans l'étude et la prise de décision par l'Union européenne de poursuivre l'utilisation de cette molécule, il nous a semblé important, en tant que représentants des citoyens et des citoyennes, de nous saisir de cette question et, au-delà, de celle, plus globale, de l'impact des lobbies : il faut veiller à ce que nos décisions politiques ne soient pas orientées, mais bien prises en pleine connaissance de cause, sans risque de nous faire manipuler.

Je n'oppose pas les agriculteurs, je sais très bien que les éleveurs rencontrent de grandes difficultés et que le glyphosate n'est pas l'unique raison pour laquelle ils ne vivent pas décemment de leur travail. Mais vous savez, comme moi, qu'il faut préserver la santé des populations, ce qui passe par une plus grande vigilance de l'utilisation des pesticides. Mme Batho a parlé de la disparition des insectes : or ce sont eux qui pollinisent les végétaux et qui contribuent à obtenir des rendements et une production. Si notre modèle agricole aboutit à la destruction de la biodiversité, que deviendra l'humanité ? On parle beaucoup de préserver la planète, mais commençons par préserver notre espèce : après tout, la planète sera encore là bien après la fin de l'humanité, jusqu'à ce que notre système solaire disparaisse, dans quelques milliards d'années.

La commission en vient à l'examen de l'article unique de la proposition de loi.

Article unique (art. L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) : Interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate

La commission est saisie de l'amendement CE7 de M. Jean-Baptiste Moreau.

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Cet amendement propose la suppression de l'article unique de cette proposition de loi. Le débat autour du glyphosate ne porte pas sur l'interdiction ou la non-interdiction du glyphosate dans trois ans – cet objectif est bien évidemment porté par la majorité et le Gouvernement –, mais uniquement sur l'opportunité de son inscription dans la loi.

Malgré le vote d'une majorité d'États membres de l'Union européenne en faveur d'une ré-autorisation de l'herbicide pour une durée de cinq ans, le Président de la République a souhaité engager la France dans une démarche beaucoup plus ambitieuse mettant en oeuvre l'ensemble des moyens pour sortir du glyphosate en trois ans.

L'intervention de M. Bruneel a mis en évidence que la loi prévoyait la diminution de l'utilisation des produits phytosanitaires à l'horizon 2018, et pourtant nous n'y sommes pas parvenus. Cela prouve qu'inscrire dans la loi un objectif n'est pas un gage d'efficacité. Il faut se donner les moyens d'accompagner les agriculteurs pour sortir du glyphosate, c'est la seule façon d'en sortir réellement. Inscrire cette disposition dans la loi ne changera rien à cet état de fait.

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Accompagner les agriculteurs, c'est une évidence. Mais si cet objectif est inscrit dans la loi, au moins serons-nous sûrs d'avoir la volonté politique de le mettre en oeuvre… À toujours repousser l'échéance, on donne des arguments qui permettent de remettre en cause la parole politique. Si des gens sont en train d'occuper les ronds-points, c'est parce qu'ils ne croient plus en notre parole. Revenons aux fondements de la politique, évitons d'être sans arrêt manipulés, prenons des décisions claires. Avis défavorable.

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Je soutiens cet amendement. Le Président de la République a défini un objectif : mettre un terme à l'usage du glyphosate dans notre pays en 2021. Une méthode a également été définie entre le Gouvernement et les parlementaires : une mission parlementaire travaille, présidée par notre collègue M. Julien Dive. Une réponse existe depuis plusieurs années, c'est l'agro-écologie et l'évolution des pratiques culturales. Rien n'oblige à utiliser du glyphosate, et un bon nombre d'agriculteurs s'efforcent de mettre en oeuvre des techniques alternatives.

Madame la rapporteure, vous venez de dire que le mouvement social du moment tient au fait qu'on ne croit plus à la parole publique. Pourquoi ? Parce qu'un certain nombre d'acteurs politiques et médiatiques s'ingénient avec minutie à décrédibiliser la parole publique. Je suis élu depuis un certain nombre d'années, et je ne suis à la solde d'aucun lobby, Madame la rapporteure ! Je fais confiance à nos agriculteurs, et je suis heurté et meurtri de voir notre agriculture attaquée jour après jour, et de façon insidieuse : on dit aimer les agriculteurs, vouloir les défendre, on dit que ce sont les premières victimes, mais on les attaque tous les jours. Quand ce n'est pas sur les produits phytosanitaires, c'est sur le bien-être animal ; et quand ce n'est pas le bien-être animal, ce sont les produits carnés, et ainsi de suite ! Cela suffit !

Monsieur Moreau, au nom de mon groupe, je soutiens votre amendement de suppression. Il faut pacifier, et montrer que les parlementaires, comme les professionnels et les agriculteurs, sont des gens de bonne volonté. Il n'y a pas que des voyous dans ce pays, nous sommes entre personnes honnêtes, et nous ne sommes pas animés d'arrière-pensées. (Applaudissements.)

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En tout cas, il y a des voyous chez Monsanto. Les intérêts de l'agrochimie ne se confondent pas avec ceux du monde agricole, ils divergent.

M. Moreau affirme que le débat ne porte pas sur l'interdiction ou la non-interdiction du glyphosate, mais c'est précisément le cas. Le Président de la République s'est engagé pour l'interdiction du glyphosate ; et maintenant, il dit que cela tuerait l'agriculture française, qu'aucun rapport indépendant n'aurait démontré que le glyphosate était mortel, j'en passe et des meilleures… Et ce revirement a été salué par une série d'interlocuteurs que l'on connaît bien.

Vous opposez le volontarisme à l'interdiction par la loi. Je voudrais juste rappeler qu'il est établi depuis le Grenelle de l'environnement que le volontarisme en matière de sortie des pesticides ne marche pas. Je viens de consulter sur internet la plateforme pour la sortie du glyphosate, afin de savoir combien d'agriculteurs s'étaient engagés à sortir du glyphosate : il n'y en a que deux pour la France entière !

Cela s'explique car la politique publique que vous envisagez, sans interdiction, consiste à un transfert de responsabilité. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de déclarer si une substance est autorisée ou si elle est interdite ; or vous transférez cette responsabilité sur le monde agricole. Nous savons qu'un produit est probablement cancérigène. Vous l'autorisez, mais vous demandez aux agriculteurs de moins en utiliser et de faire un effort. J'appelle cela un transfert de responsabilité. C'est la raison pour laquelle je m'oppose à cet amendement et je soutiens la proposition d'inscrire dans la loi l'interdiction du glyphosate.

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Je proteste tout d'abord contre le principe qui consiste, en supprimant l'article et donc le texte même de la proposition de loi, à empêcher que la discussion se poursuive. J'y vois un problème d'ordre démocratique qui dépasse le cadre de nos accords et désaccords, qui peuvent être vifs. Nous sommes dans une enceinte où les débats peuvent être vifs du fait des intérêts qui s'opposent.

Du point de vue des principes, je pense que le choix que font les députés de la majorité est nocif pour le débat parlementaire et la démocratie, car il revient à interdire le débat sur les différents amendements qui ont été déposés.

Sur le fond, le débat porte bien évidemment sur l'interdiction ou la non-interdiction du glyphosate. Avons-nous confiance en vous ? Avons-nous confiance en vous pour ne pas repousser l'échéance en permanence, sous prétexte de missions lancées, de commissions qui vont se réunir, de consultations des différents acteurs, et pour encore réfléchir, et réfléchir à réfléchir ? Avons-nous confiance en vous pour aboutir à l'interdiction du glyphosate avant la fin du mandat ? Ma réponse est non ! Et je prends les paris devant tous ceux qui viennent de soutenir que le débat ne porte pas sur l'interdiction du glyphosate : avant la fin du mandat de M. Emmanuel Macron, nous ne serons pas sortis du glyphosate.

Si, à un moment, nous ne fixons pas un terme dans la loi, l'interdiction ne se fera pas. Nous l'avons dit, l'usage des pesticides est en hausse, malgré le Grenelle de l'environnement. Ce ne sera pas possible sans une volonté politique ferme.

Enfin, il n'y a de ma part aucun « agrobashing », mais clairement du chimio-bashing !

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Monsieur Ruffin, je n'ai pas l'habitude de répondre aux interpellations, mais puisque vous remettez en cause notre capacité à débattre, je rappelle que nous parlons de ce sujet depuis quatre-vingt-dix minutes, que tout le monde a pu s'exprimer, dont vous-même, et par deux fois. Un amendement de suppression est un amendement comme un autre qu'un groupe, quel qu'il soit, a le droit de défendre. C'est ce que nous sommes en train de faire. Je vous remercie de respecter ce fait, et de reconnaître que le débat a toujours eu lieu au sein de cette commission, et il en ira toujours ainsi.

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Je soutiens cet amendement de la majorité. Rappelons que les normes sanitaires, en France, sont parmi les plus exigeantes au monde. On ne peut pas comparer certaines pratiques d'utilisation du glyphosate dans d'autres pays avec celles qui existent en France.

Je suis élue d'un territoire céréalier, et la culture la plus respectueuse des sols dans le domaine céréalier nécessite des semis sous couvert, ce qu'on ne sait pas faire sans glyphosate. J'aimerais qu'avant d'interdire le glyphosate en France, on interdise d'abord l'importation des produits protéiniques cultivés avec OGM et glyphosate. Cela rendrait notre capacité à faire des rotations de culture en France avec des produits protéiniques rentables, ce qui n'est pas le cas.

Je voudrais aussi signaler qu'un lobbying très actif est fait en France par Générations futures, financé par la distribution bio, et par Biocoop : cela aussi, c'est un lobby !

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Je voudrais aussi témoigner de mon soutien à l'amendement de M. Moreau, et réagir aux propos de M. Ruffin qui parlait de choix « nocif ». C'est l'exemple même d'un débat politisé : si le groupe La France insoumise avait réellement la volonté de travailler à l'interdiction du glyphosate sans entrer dans des débats politiques, il aurait placé ce sujet en première position à l'ordre du jour de sa niche parlementaire, et non en cinquième position. Ainsi placé, ce texte n'a statistiquement aucune chance d'être examiné : on veut juste communiquer sur l'idée que la majorité refuse le débat au motif que nous allons voter l'amendement de suppression. C'est une posture purement politicienne : vous placez cette proposition de loi de façon à ce qu'elle ne soit jamais débattue, sinon à des heures tardives, et vous aurez alors beau jeu de reprocher à la majorité d'attendre une fois de plus la nuit pour débattre du glyphosate. Votre démarche n'a pas d'autre but ! (Applaudissements.)

Je veux souligner le caractère transpartisan de la mission parlementaire présidée par M. Julien Dive. C'est une approche raisonnable qui rejoint la position de M. Orphelin qui propose de supprimer la plupart des usages en trois ans, et les derniers usages en cinq ans. C'est une démarche constructive, à l'opposé de ces choix manichéens entre tout noir ou tout blanc, ceux-là mêmes que nous reprochent nos concitoyens qui manifestent sur les ronds-points. Nous prenons les agriculteurs avec nous, dans une démarche responsabilisante, qu'il faudra naturellement accompagner à terme de mesures législatives ou réglementaires : cela me semble une démarche de bon sens.

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La défiance actuelle vis-à-vis des politiques s'explique par le fait que trop d'entre eux se sont contentés d'effets de manche, et c'est précisément ce que nous voyons ce matin. À quoi sert cette proposition de loi dans une niche parlementaire ? Dès lors qu'elle est placée en cinquième position, nous savons très bien, et le public doit le savoir, que cela ne sert à rien. Il fallait avoir le courage de la mettre en première position pour qu'elle puisse produire des effets. Il faut en finir avec les effets de manche, et cesser de se faire de la publicité sur le dos de l'agriculture et de milliers de gens.

Le Président de la République – dont je ne suis pas un fervent défenseur – s'est engagé. Une mission est en train de travailler pour trouver les produits de substitution et essayer de sortir du glyphosate. Respectons le travail de ces gens, faisons en sorte de leur donner le temps. Si l'engagement n'est pas tenu dans trois ans, alors nous voterons une loi. Nous verrons à ce moment-là. Mais pour l'heure, je défends l'amendement de suppression de M. Moreau.

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À mon tour, je veux apporter mon soutien à l'amendement de notre collègue. Madame la rapporteure, je crois que votre proposition de loi va finalement à l'encontre de l'objectif que vous fixez. Alors qu'il faut apaiser le débat sur ce sujet, vous êtes train d'opposer le monde paysan et les consommateurs et, une nouvelle fois, de stigmatiser nos agriculteurs.

Qui plus est, c'est un mauvais signal qui est donné au monde paysan. Nous voyons la détermination des agriculteurs à s'engager dans la sortie progressive du glyphosate. Cela se fera par la recherche, mais aussi par l'engagement de la profession à trouver des alternatives. Elle ne manque pas d'idées et de créativité qui permettront d'atteindre l'objectif. Ce que vous nous présentez comme une bonne intention, Madame la rapporteure, ne doit pas se résumer à une posture qui irait à l'encontre de l'objectif que nous poursuivons.

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Mieux vaut renoncer à faire une erreur que de la commettre : cela reste un grand principe de sagesse… Dans ce débat sur le glyphosate, on retrouve invariablement les mêmes mécanismes.

Premièrement, la fabrique de la peur, ce qui a pour effet de mettre la pression sur les parlementaires qui oseraient défendre certaines positions. Lorsque l'on encourage les gens à lapider leurs élus en disant qu'il y a les bons parlementaires préoccupés de la santé de leurs concitoyens et les autres, à la main des lobbies, on fragilise la République.

Deuxièmement, une instrumentalisation de la science. Les lobbies ne sont pas seulement du côté des industriels : Générations futures a fait beaucoup de dégâts dans le débat scientifique en prétendant s'appuyer sur des preuves scientifiques, ce qui a contribué à la décrédibiliser la science. Évidemment, tout le monde trouve cela très bien quand ça l'arrange ; mais quand cela vient au détriment du compteur Linky, qui favorise la transition écologique, on regrette ce caractère irrationnel.

Dans mon département du Vaucluse, on a commis l'erreur d'interdire le diméthoate sur les cerises, sans disposer de solution de repli. Résultat, des gens perdent leur emploi, des entreprises vont fermer. À un moment donné, il va bien falloir choisir, trouver l'équilibre entre la recherche d'une agriculture plus saine sans oublier les humains qui travaillent derrière, et qui attendent de nous des décisions raisonnables dans un débat compliqué.

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J'ai entendu dire qu'il n'y avait pas de solution alternative pour la gestion des couverts végétaux. Je peux témoigner que depuis vingt ans, dans mon exploitation qui est en agriculture biologique, nous maîtrisons parfaitement cette pratique.

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Il existe une grande variété de systèmes et de modèles d'agriculture ; il est vrai que dans certaines situations, l'utilisation du glyphosate offre une solution.

On se pose la question du glyphosate, mais il faut aller bien au-delà : d'autres produits phytosanitaires sont encore plus dangereux. Je suis convaincu qu'il faut réduire l'utilisation des produits phytosanitaires de manière générale.

À titre personnel, je suis favorable à la fin de l'utilisation du glyphosate, puisque depuis vingt ans, ce n'est pas du tout un problème dans mon exploitation. Mais je soutiens cet amendement dans la mesure où un véritable engagement a été pris par le Président de la République, par cette commission, et par l'ensemble des acteurs. Ce qui compte pour moi, c'est le résultat. Soyons pragmatiques, soyons réalistes et acceptons de faire confiance à la parole politique : si nous-mêmes n'accordons pas de confiance à cette parole, c'est un problème…

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Dans une vie antérieure, j'étais viticulteur. Je fais partie de la génération qui a connu la situation avant les herbicides. Au départ, nous utilisions d'autres produits ; puis est arrivé le Roundup, présenté alors comme un produit qui ne laissait aucune trace – il faut le rappeler.

Le constat d'aujourd'hui ne doit pas être remis en cause, mais il ne faut pas s'en prendre à ceux qui appliquent ces produits. Je suis élu dans la région Grand Est, et la Champagne revient de loin en matière d'environnement : il n'y a pas si longtemps, on épandait les boues des stations d'épuration dans les vignes… On a finalement pris conscience que lorsque l'on vend un produit qui porte le nom d'une région, l'image de ce produit est totalement liée à sa qualité environnementale.

Dans le Grand Est, nous avons pris la décision de ne plus utiliser de désherbant en viticulture. Cela a créé des remous, mais nous allons le faire. Il faut revenir aux pratiques en vigueur avant les années soixante-dix, mais sans précipiter les choses. On ne change pas de technique du jour au lendemain, et je rappelle que les doses de Roundup actuellement utilisées sont bien inférieures à celles des atrazines auxquelles nous avions recours autrefois. Prenons des mesures de bon sens.

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Notre groupe ne va pas voter cet amendement de suppression. Je suis d'accord avec vous, Monsieur le président, cette question de l'interdiction du glyphosate mérite à tout le moins débat. Le partage d'idées est important, et je suis pour le pluralisme, pas pour la pensée unique. Or cet amendement va mettre un terme au débat en supprimant l'article, ce qui fera tomber d'autres amendements qui venaient enrichir le texte proposé ; Je ne voterai pas la suppression de l'article. Peu importe à mes yeux que le texte soit étudié en première ou cinquième position : une proposition de loi est une proposition de loi.

Pour ce qui est de l'opportunité d'inscrire l'interdiction du glyphosate dans la loi, je rappelle que nous sommes députés : notre rôle principal est de faire des lois, et il est important que certaines choses y soient inscrites.

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J'entends les propos de certains, mais on sent bien une volonté de la majorité de protéger le Président de la République. On dirait même qu'ils souhaitent masquer un mensonge du Président M. Emmanuel Macron, qui ne souhaite pas l'interdiction du glyphosate en France.

Je suis scandalisé d'entendre applaudir des propos totalement démagogiques et malhonnêtes tendant à faire croire que La France insoumise joue contre les agriculteurs, ou ne souhaite pas l'examen de sa proposition de loi. Nous insistons sur notre volonté de sortir du glyphosate, le plus rapidement possible. Oui, il est urgent de légiférer sur ce danger qui expose nos agriculteurs et nos consommateurs. Vos propos ne sauraient cacher votre volonté de faire le choix du fric au détriment de l'humain. Vous faites le choix des multinationales, du capitalisme sauvage. Voter la suppression de l'article, c'est voter contre la population et contre les agriculteurs. Voter cet amendement, c'est empêcher le débat, c'est faire de l'obstruction sur un sujet qui mérite d'être débattu dans l'hémicycle.

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Le débat a bien lieu, et c'est très bien ainsi. Il existe une volonté partagée sur l'ensemble des bancs de cette Assemblée de trouver une solution alternative à l'usage du glyphosate.

Mais je le dis autant aux élus qu'aux citoyens qui suivent nos débats : il y a un principe de réalité. Souvenons-nous du Grenelle de l'environnement. C'était très conceptuel, très théorique, et il y a eu quasi-unanimité pour voter cette loi qui instaurait notamment l'écotaxe. C'était un concept. Puis plusieurs majorités, une de droite et du centre, l'autre de gauche, se sont fracassées sur le mur de la réalité parce qu'il était difficile de passer du conceptuel à l'opérationnel. C'est pourquoi je partage la méthode proposée par le Président de la République et par le Gouvernement, et le fait que les parlementaires vont s'efforcer de travailler à trouver une solution pour sortir du glyphosate me paraît raisonnable.

Il n'y aurait rien de pire que de fixer le terme de 2020 dans la loi sans être capables de s'y tenir. J'ai confiance dans la société française et dans l'ensemble des acteurs pour trouver les solutions alternatives à l'usage du glyphosate ; c'est la raison pour laquelle je suis convaincu qu'il ne faut pas le mettre dans la loi à ce stade.

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On entend dire que nous nous en prenons aux agriculteurs, qu'il faut faire confiance à la bonne volonté… Mais le problème est celui du fonctionnement de la vie sociale : les agriculteurs ne sont pas des individus libres dans une économie ouverte, tranquille, où ils agiraient comme ils voudraient. Ils sont pris dans l'étau des contraintes, dans l'étau des prix, dans l'étau des normes et ainsi de suite. En même temps que nous renforçons les exigences environnementales, il faut trouver comment faire pour desserrer cet étau. Comment rendre aux agriculteurs une marge de manoeuvre qui leur permette la transformation sociale, environnementale, tout en garantissant le bien-être animal ? Évidemment, il faut que l'agriculture française avance dans toutes ces directions, mais elle ne peut pas le faire si on la laisse prise dans l'étau des prix.

J'entends invoquer le principe de réalité. Nous avons eu des discussions avec mes camarades : certains avaient commencé par imaginer un délai de six mois. Je pensais pour ma part que celui de trois ans proposé par le Président de la République était raisonnable et respectueux du principe de réalité. Mais une année et demie s'est déjà écoulée sur ces trois ans : on voit bien que ce délai ne sera pas respecté. Prétendre, dans ce contexte, que c'est nous qui délégitimons la parole publique alors que c'est le Président de la République qui a parlé de ces trois ans, je trouve que c'est un peu fort !

Enfin, le principe de réalité commande justement de regarder la réalité en face : en huit ans, l'usage des pesticides s'est accru de 12 %… C'est la première réalité à prendre en compte : malgré les effets de manche à tous les niveaux, les engagements, les chartes éthiques, les protocoles et toutes les grandes déclarations, la réalité, c'est une hausse de 12 % en huit ans ! Voilà la trajectoire que nous suivons !

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, l'article 1er est supprimé et les amendements CE9, CE15, CE10, CE16, CE1, CE4, CE12, CE3, CE11, CE17, CE5 et CE6 tombent.

Après l'article 1er

La commission est saisie de l'amendement CE8 de Mme Delphine Batho.

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La cohérence, dont plusieurs collègues ont fait état, suppose que, dès lors que l'on interdit l'usage d'un produit en France, il faut en interdire l'importation. Or bon nombre d'amendements qui allaient dans ce sens ont été refusés lors du débat sur la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.

Actuellement, en France, certaines substances dont quelques-unes peuvent être très utilisées, sont reconnues dangereuses ou très dangereuses pour la santé humaine. Leur exclusion au niveau européen a été demandée depuis belle lurette, mais elles restent autorisées. La situation est à ce point anormale que l'administration elle-même, et notamment l'inspection générale des affaires sociales, a écrit que compte tenu de la paralysie européenne, il fallait que la France interdise ces substances à son niveau, faute de quoi la responsabilité des pouvoirs publics serait engagée.

C'est l'objet de cet amendement, qui concerne notamment l'époxyconazole dont l'interdiction, qui aurait dû être décidée depuis dix ans, se heurte à un intense lobbying.

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Nous sommes totalement favorables à cet amendement, mais au vu du vote qui vient d'intervenir sur le glyphosate, nous nous faisons peu d'illusions sur le sort qui lui est réservé… Effectivement, il faut aller vers l'interdiction de toutes les molécules que nous savons dangereuses pour la santé.

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Un des engagements de la campagne présidentielle était d'interdire les molécules les plus dangereuses actuellement utilisées en agriculture. Des autorisations de mise sur le marché de l'ANSES sont remises en cause – du reste, sur le glyphosate, c'est l'ensemble des AMM qui a été remis à plat. Il est de la compétence de l'ANSES d'établir les profils toxicologiques et la dangerosité potentielle de ces substances. Et sitôt que cette dangerosité sera établie, je n'ai aucun doute sur le fait que l'ANSES supprimera l'AMM de ces molécules. Je suis défavorable à cet amendement.

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Cet amendement de Mme Batho me semble très intéressant, car l'arbre du glyphosate ne doit pas cacher la forêt des molécules. On voit bien qu'il y a aujourd'hui un effet d'opinion, de médias et de politiques, et j'y prends part, qui centre le débat sur le glyphosate devenu un symbole de cette agriculture que nous souhaitons transformer. Ce n'est sans doute pas la plus toxique des molécules, mais c'est la plus massivement répandue. Mais derrière le glyphosate, il y a beaucoup d'autres molécules, dont celle que vient de citer notre collègue. Il faut aller vers l'élimination progressive de toutes ces substances.

Un autre élément du principe de réalité est la hausse des cancers chez les enfants. Je ne dis pas automatiquement faire le lien, mais cela doit pour le moins nous amener à nous interroger. Comment faire pour endiguer ce phénomène ? Quand on aborde le débat sur le glyphosate et sur un certain nombre de molécules, c'est sans doute par ces réalités et par les relevés épidémiologiques, qui sont absolument catastrophiques, qu'il faudrait commencer. Ce qui amènerait à nous poser des questions sur ce que nous faisons pour nos enfants et pour nos familles.

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Je voudrais juste rassurer Mme Batho sur l'efficacité de nos structures d'évaluation. Elle a cité l'époxyconazole, je l'informe que la date limite pour l'utilisation de l'époxyconazole est fixée à avril 2019, nous y sommes. Les choses ont été programmées. Je ne vais pas faire le tour de toutes les substances évoquées dans son amendement, mais c'est aussi déjà le cas pour l'époxyconazole, de même que pour le métam-sodium. Cela prouve que les autorités d'évaluation ont des méthodes scientifiques qui tiennent compte des risques. Et quand un produit est considéré comme dangereux, il est retiré.

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Monsieur Ruffin, en ce qui concerne les cancers des enfants, leur cause est inconnue dans beaucoup de cas. Cela étant, et Mme la ministre de la santé l'a dit dans l'hémicycle, il faut savoir le nombre de cas de cancers pédiatriques est stable depuis des années. Je pense que l'on peut lui faire confiance, car elle s'est beaucoup investie dans la lutte contre le cancer, et en particulier les cancers des enfants.

C'est évidemment une lutte à mener, et il faut mener des recherches sur l'origine de ces cancers pédiatriques, mais on ne saurait parler d'une explosion catastrophique du nombre de cancers d'enfants. Il faut parfois rétablir certaines vérités.

La commission rejette l'amendement.

En conséquence, l'amendement CE14 devient sans objet.

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L'article unique ayant été supprimé, et aucun article additionnel n'ayant été ajouté, la proposition de loi n'est donc pas adoptée. Le texte qui sera soumis à l'examen de l'Assemblée lors de la séance publique jeudi 21 février sera donc le texte de la proposition de loi initiale déposée par Mme Bénédicte Taurine et plusieurs de ses collègues.

Puis la commission a procédé à l'examen de la proposition de résolution de M. Julien Aubert et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique (n° 1489), sur le rapport de Mme Anne-France Brunet, rapporteure.

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Mes chers collègues, M. Julien Aubert et de plusieurs de ses collègues ont déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique (n° 1489).

Notre commission est appelée à vérifier si les conditions requises pour la création de cette commission d'enquête sont réunies.

Je vous rappelle que le président du groupe Les Républicains a exercé son droit de tirage pour la création de cette commission d'enquête. Aucun amendement n'est donc recevable et nous ne pouvons pas nous prononcer sur son opportunité.

Après une présentation d'une dizaine de minutes de notre rapporteure, Mme Anne-France Brunet, nous aurons une discussion générale faisant intervenir des orateurs de groupe pour quatre minutes et les députés qui le souhaitent pour deux minutes.

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M. Julien Aubert et plusieurs de ses collègues ont déposé, le 11 décembre 2018, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique.

Lorsqu'un président de groupe exerce le droit de tirage prévu par l'article 140 du Règlement de l'Assemblée nationale, la commission compétente doit vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d'enquête sont réunies, sans se prononcer sur son opportunité. Aucun amendement n'est recevable.

Si la commission estime que ces conditions sont réunies, la Conférence des présidents prendra acte de la création de la commission d'enquête.

Ces conditions sont au nombre de trois.

Tout d'abord, le I de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose que « les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales ». Cette condition est réitérée à l'article 137 du Règlement, qui prévoit que les commissions d'enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion ».

Dans le cas présent, l'article unique de la proposition de résolution vise à créer une commission d'enquête portant sur « l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique ». L'exposé des motifs permet d'en savoir davantage sur les faits en cause. Celui-ci interroge l'efficacité de la dépense publique au service de la transition énergétique. Il questionne également les modalités de financement des énergies renouvelables en mentionnant des affaires de corruption et de trafic d'influence et, plus généralement, une absence de transparence de la fiscalité verte. Il insiste sur l'importance de mesurer le « degré de justice sociale » de cette fiscalité ainsi que son impact sur le pouvoir d'achat et sur la croissance économique.

Les objectifs que la commission entend poursuivre paraissent donc décrits avec une précision suffisante.

En deuxième lieu, l'article 138 du Règlement de l'Assemblée nationale prévoit l'irrecevabilité de « toute proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête ayant le même objet qu'une mission effectuée dans les conditions prévues à l'article 145-1 ou qu'une commission d'enquête antérieure, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l'une ou de l'autre ».

La proposition de résolution remplit ce critère de recevabilité. Certes, l'Assemblée nationale s'intéresse de près à la politique énergétique française et au financement des énergies renouvelables. En témoignent les travaux en cours de la mission d'information de la Conférence des présidents relative aux freins à la transition énergétique créée en juillet 2018 à l'initiative du président du groupe du Mouvement démocrate et apparentés ou les travaux achevés de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur les outils publics encourageant l'investissement privé dans la transition écologique. Néanmoins, ces missions n'ont pas fait usage des pouvoirs dévolus aux rapporteurs des commissions d'enquête, qui peuvent être demandés dans le cadre de l'article 145-1 du Règlement.

Enfin, le I de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée dispose qu'« il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours ».

L'application de cette disposition est précisée de la manière suivante par l'article 139 de notre règlement :

« Le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est notifié par le Président de l'Assemblée au garde des Sceaux, ministre de la justice. Si le garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion ».

Interrogée par le Président de l'Assemblée nationale, Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice, lui a fait savoir qu'à sa connaissance, aucune procédure judiciaire n'était en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition de résolution.

Ces trois conditions étant remplies, la création d'une commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique, est, d'un point de vue juridique, recevable.

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Nous allons maintenant entendre les rapporteurs des groupes.

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Après les commissions d'enquête sur Lactalis, puis sur l'alimentation industrielle, nous pouvons encore nous féliciter que notre commission soit régulièrement saisie pour se prononcer sur la recevabilité de propositions de résolution tendant à la constitution de commissions d'enquête.

Cela démontre que notre commission travaille chaque jour sur des enjeux essentiels pour notre société ; nous pouvons donc en être fiers. La proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête que nous examinons aujourd'hui couvre un champ très large de sujets qui nous préoccupent tous ici présents, et également à l'extérieur, en écho à l'actualité que nous connaissons. L'impact des énergies renouvelables, sur le plan économique, industriel, environnemental, l'acceptabilité sociale de la politique de transition énergétique, ou la transparence des financements, sont des sujets qui ont une résonance particulière. Le grand débat national lancé par le Président de la République, dont nous pouvons constater aujourd'hui la réussite, trouve son origine dans une contestation forte portant sur l'acceptabilité sociale de cette transition énergétique. Dans nos débats locaux, dans les courriers de nos administrés, dans les réunions publiques que nous organisons, nous savons tous qu'il est impérieux de trouver aujourd'hui le juste équilibre qui nous permettra de concilier transition écologique et solidarité. C'est pourquoi, comme l'a rappelé la rapporteure, les conditions de la recevabilité de cette commission d'enquête étant réunie, les députés du groupe La République en Marche ne s'opposeront pas à sa création.

Je formulerai toutefois deux remarques.

Le début des travaux de cette commission d'enquête coïncidera avec la fin du grand débat national et ses conclusions sur le volet de la transition écologique. Il nous faudra donc veiller à ce que ces travaux ne fassent pas doublon, et au mieux qu'ils se complètent avec ce qui résultera de ce grand débat.

Enfin, sur les énergies renouvelables, nous avons des objectifs ambitieux dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie ; nous serons amenés évidemment à en parler et en débattre de manière approfondie lors de l'examen d'un projet de loi sur l'énergie qui arrivera au printemps. Il nous faudra donc bien concilier les deux démarches.

Je suis certaine que ces travaux parallèles convergeront sur la même trajectoire : celle de permettre une transition écologique et énergétique ambitieuse, qui soit socialement et économiquement acceptable. Dans ces conditions, les députés du groupe La République en Marche participeront pleinement aux travaux de cette commission d'enquête souhaitée par le groupe Les Républicains.

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Mes chers collègues, vous avez saisi le sens de cette proposition de constitution d'une commission d'enquête. Même si nous ne sommes pas là pour débattre de son opportunité, je rappelle que je travaille depuis six ans sur la transition énergétique ; j'ai connu les débats sur la loi relative à la transition énergétique.

Arrivés au moment de la crise des gilets jaunes, on s'aperçoit que, quelles que soient les architectures que l'on bâtit, on se retrouve à un moment donné face à un devoir d'explication à l'égard de nos concitoyens. Pour ma part, j'ai beau travailler depuis plusieurs années sur le sujet, je serais bien en peine d'expliquer à un de mes concitoyens combien exactement on prélève pour financer la fameuse politique de transition énergétique… Non seulement on prélève dans diverses poches, et de différentes manières, mais plusieurs chiffres circulent.

Ensuite, je serais bien en peine de dire si la totalité de ce qu'on prélève est reversée pour la transition énergétique, et pourquoi une partie échappe à cette politique de verdissement. enfin, je ne suis pas certain de pouvoir témoigner que tout ce qui est utilisé est efficace en termes d'objectifs d'émissions de carbone. Mme de Lavergne s'inquiète de la concomitance entre la commission d'enquête, le grand débat et l'examen du projet de loi sur l'énergie ; je crois qu'au contraire le timing est parfait. Lorsque l'on prend en considération le point de départ de la crise que nous avons connue, on voit bien qu'il s'agit d'une crise de financement. Pas plus tard que ce matin, je lisais dans Le Figaro une tribune qui remet ce sujet au centre de la question.

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Je pense effectivement que c'est un excellent journal du matin, et je me félicite que la majorité ait choisi Le Figaro ! (Sourires.)

Avant de chercher à savoir quel doit être le niveau de la contribution climat, carbone, etc., on doit respecter un devoir de transparence et un devoir d'efficacité. À cet égard, ce n'est pas un hasard si, lors du grand débat organisé par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), sur les 1 784 contributions portant sur la transition écologique, 335 concernaient l'éolien ; ce sujet fait à l'évidence des questions devant être explicitées. Se pose enfin le problème des détournements, parce que l'on peut suspecter qu'effectivement tout un écosystème s'est bâti, qui profite de cette opacité ou de ce manque d'organisation de la transition énergétique.

Il ne s'agit donc pas d'instruire uniquement à charge, mais également à décharge, et d'aider le Parlement à y voir plus clair pour faire en sorte de bâtir une meilleure transition énergétique, ce qui signifie qu'elle soit plus efficace et moins chère.

Voilà ce qui m'a motivé ainsi mon groupe Les Républicain à proposer la constitution d'une commission d'enquête.

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Au nom du groupe UDI, Agir et Indépendant, je voudrais saluer l'initiative du groupe Les Républicains qui a utilisé son droit de tirage sur ce sujet primordial. Comme l'a dit la rapporteure, nous sommes tous attachés à une transition écologique ambitieuse, mais également socialement et économiquement acceptable.

Ce sujet m'est particulièrement cher parce que je l'ai récemment étudié. La Cour des comptes a indiqué que 150 milliards d'euros de fonds publics étaient investis dans l'éolien. Cela est-il exact ou non ? Quel serait le résultat ? Le coût du mix énergétique que nos sommes en train de construire est-il pertinent, alors que nous avons, avec la Finlande, l'électricité la plus décarbonée d'Europe ?

J'ai également entendu dire, et j'aimerais savoir si cela correspond à la réalité, que le coût de cession d'une autorisation d'exploitation d'une éolienne serait de 800 000 euros. Un promoteur d'éolien pourrait donc revendre donc à EDF Renouvelables, par exemple, une autorisation d'exploitation pour 800 000 euros. Or c'est de l'argent public qui va financer cela : est-ce normal ? Notre industrie réalise quelques pourcentages de résultats annuels sur le chiffre d'affaires ; j'entends dire que des promoteurs éoliens affichent des rentabilités atteignant 150 %. Est-ce vrai ou non ? Je pense que la Représentation nationale, puisqu'il s'agit d'argent public, doit s'y intéresser.

D'autre part la France compte 1 350 associations locales anti-éoliennes ; la question de l'acceptabilité de cette énergie est donc aujourd'hui beaucoup plus prégnante qu'il y a quatre ou cinq ans. Cela notamment parce que – et on rejoint là la question du pouvoir d'achat – c'est en milieu rural qu'on installe des éoliennes ; or les maisons situées à proximité de ces installations perdraient, semble-t-il, entre 25 % et 40 % de leur valeur initiale. Est-ce vrai ou non ? j'attends que cette commission d'enquête y réponde, car il est normal que ce sujet provoque des émotions.

Par ailleurs, j'aimerais aussi savoir, et la commission d'enquête doit y répondre, quelle est réellement l'électricité produite à partir de ces énergies renouvelables ? Quel est le rendement par rapport à la puissance installée ?

On nous dit aussi encore que la durée d'exploitation des éoliennes installées est maintenant sans limite de durée ; ce qui pose la question de savoir si, au cas où des élus locaux souhaiteraient modifier plans locaux d'urbanisme (PLU), ou des aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) prévues par la loi, il est possible de revenir en arrière.

Il me semble que la politique actuelle de développement de l'énergie renouvelable a déjà été très ambitieuse. Il faut maintenant réfléchir pour savoir si ce qui a été fait pour pousser ces énergies renouvelables a du sens par rapport au mix énergétique du pays, et s'il n'y a pas quelques garde-fous à mettre en place afin d'éviter des dérives que l'on regretterait plus tard.

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La transition écologique est un thème essentiel pour notre avenir ; c'est ce qui explique que nous soyons nombreux à considérer que les objectifs de préservation de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique font partie intégrante de notre engagement politique. Plus personne ou presque ne conteste l'impérieuse nécessité d'agir vite et efficacement.

C'est d'ailleurs en ayant cet objectif à l'esprit que le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés a demandé, dès l'été 2018, la création d'une mission d'information de la Conférence des présidents relative aux freins à la transition énergétique, qui devrait présenter ses conclusions au cours des prochains mois.

Nous accueillons donc favorablement cette proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête pour approfondir ces sujets cruciaux.

Nous serons toutefois attentifs à ce que l'exercice ne soit pas simplement dupliqué mais puisse aboutir à des synergies, notamment dans les préconisations respectives de ces deux instances.

Force est de constater qu'au fil des années et de la prise de conscience écologique de nos dirigeants, les politiques publiques énergétiques se sont considérablement complexifiées et que les dispositifs se sont superposés. Résultat : des outils pouvant bénéficier aux particuliers ou aux entreprises qui se révèlent trop peu connus, parfois indéchiffrables, ou insuffisants au regard du pouvoir d'achat de certains Français.

Pourtant, ces investissements se révèlent rentables pour la société dans son ensemble – voire, et peut-être surtout pour les sociétés… Du coup, la transition écologique appelle tout à la fois une simplification et un investissement massif ; c'est du reste un des quatre thèmes proposés dans le cadre du grand débat national que cette commission d'enquête, nous l'espérons, pourrait contribuer à enrichir.

Permettez-moi désormais de revenir brièvement sur les quatre grands axes développés dans l'exposé des motifs.

Sur le premier axe, il est en effet important d'améliorer la lisibilité des recettes et des dépenses publiques relatives à la transition écologique et solidaire. Ce besoin de visibilité et de clarté ne doit pas remettre pour autant en question le principe d'universalité de notre budget, selon lequel l'ensemble des recettes couvre l'ensemble des dépenses, et qui se décompose en deux règles : la non-compensation et la non-affectation.

En ce qui concerne le deuxième axe, qui s'intéresse aux coûts des énergies renouvelables d'origine éolienne et photovoltaïque, il conviendra d'objectiver le débat, en cohérence avec les priorités de notre politique énergétique. Nous devons en effet prendre toute notre part dans la lutte contre le changement climatique, l'amélioration de la qualité de l'air, la protection du pouvoir d'achat, la préservation de notre souveraineté, et le développement de nos territoires ruraux. Ainsi, sur l'ensemble de ces sujets, il serait totalement contre-productif de s'opposer au développement des énergies renouvelables et d'aller à l'encontre des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie qui est en cours de discussion.

S'agissant du troisième axe relatif à l'acceptation sociale, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés sera vigilant à ce que les débats ne soient pas instrumentalisés.

La diversification de notre mix énergétique doit avoir pour conséquence le renforcement de la solidarité entre les Français et entre les territoires, mais aussi l'amélioration de l'acceptabilité sociale des projets. Plutôt que de nous cantonner à une opposition systématique et stérile aux projets d'énergie renouvelable, nous préférons travailler à l'intégration territoriale afin que ces projets puissent bénéficier au plus grand nombre de nos concitoyens.

Finalement, le quatrième axe nous paraît le plus propice à la création de cette commission d'enquête parlementaire : il s'agira de mettre au jour, dans le respect des pouvoirs de l'autorité judiciaire, les éventuels agissements délictueux, voire les pratiques illégales, qui pourraient avoir cours dans ces secteurs.

Pour conclure, nous attendons de cette commission d'enquête qu'elle permette de débattre des outils et des solutions pour mieux mobiliser l'ensemble des citoyens, des collectivités, des entreprises et des corps intermédiaires, afin de parvenir à notre objectif de zéro émissions nettes de gaz à effet de serre en 2050, tout en diversifiant notre mix énergétique au profit des énergies renouvelables.

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L'objet de la commission d'enquête que nous propose notre collègue Julien Aubert est triple : évaluer l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, faire la lumière sur les financements, et évaluer l'acceptation sociale des politiques de transition énergétique.

Le groupe Socialistes et apparentés dénonce régulièrement l'opacité des flux financiers en matière de fiscalité énergétique et de fiscalité affectée à la transition énergétique. Très récemment encore, dans le cadre de l'examen de la loi de finances, nous avons dénoncé le fait que seul un tiers des recettes issues de l'augmentation des tarifs du carburant était affecté à des mesures environnementales. Nous approuvons donc la création de cette commission d'enquête, même si nous ne plaçons pas nécessairement les mêmes motivations que le groupe Les Républicains derrière les trois objectifs qui l'animent. À nos yeux, évaluer l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables est nécessaire pour rehausser notre ambition en matière de transition énergétique et solidaire. C'est permettre de lever les freins et créer une véritable filière industrielle du renouvelable adaptée à nos territoires, c'est encore faire la transparence sur les financements. Cette évaluation est également indispensable pour garantir à tous que la fiscalité énergétique est bien intégralement dévolue à la transition écologique, qu'elle est solidaire afin que nos concitoyens soient accompagnés dans cette transition et qu'elle est transparente notamment en matière de certificats d'économie d'énergie (CEE), et de taxes diverses et variées sur l'énergie.

Cela fait évidemment le lien avec l'acceptabilité sociale de ces politiques. Le mouvement des gilets jaunes démontre, s'il en était besoin, une sensibilité particulière des Français aux moyens affectés à la transition énergétique. Certains souhaitent en tirer la conclusion d'une opposition à cette dynamique irrévocable, mais la réalité des sondages d'opinion est tout autre et montre que le climat, l'environnement et la santé sont les premières priorités des Français devant l'emploi ou l'immigration. Nos concitoyens demandent une transition énergétique juste qui ne soit pas punitive pour ceux qui, par exemple, roulent au diesel aujourd'hui parce que l'État les incités à le faire pendant quinze ans, et ils souhaitent que les fonds collectés soient effectivement affectés aux mesures d'accompagnement.

C'est d'ailleurs ce dont j'avais fait état dans le rapport pour avis sur les crédits consacrés à la politique énergétique que j'avais présenté dans le cadre de l'examen de la loi de finances.

De nouvelles taxes ont aussi été créées, notamment la redevance sur les concessions hydroélectriques en délais glissants créée par la loi de finances pour 2019. Je suis totalement d'accord avec cette mesure ; mais où iront les recettes de ce nouveau fonds collecté par l'État ? Cela fait partie de tous les questionnements qui, me semble-t-il, devront être traités par cette commission d'enquête.

Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra cette proposition de commission d'enquête, mais il veillera, le cas échéant, à ce que ces travaux, nous amènent à une transition énergétique plus ambitieuse, plus solidaire, qui ruisselle dans l'économie et l'industrie et permette d'offrir à tous nos concitoyens, un cadre de vie de qualité.

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Pardonnez-moi de vous taquiner, Madame Battistel, mais il est pour le moins inattendu de vous entendre soutenir la théorie du ruissellement ! (Sourires.)

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Je ne suis pas membre de cette commission, mais je tenais à soutenir la proposition de notre collègue Julien Aubert de constituer une commission d'enquête sur la question de la transition énergétique.

Il me semble que beaucoup de questions se posent, au niveau national comme au niveau local. On le voit bien à l'occasion du grand débat national, où de nombreuses questions portant sur le financement de la transition énergétique, mais aussi au niveau local, notamment à l'occasion de projets de construction dans le domaine de l'éolien. Je pense que les trois axes choisis pour cette commission d'enquête sur la transparence des financements, sur leur efficacité, mais également sur l'adhésion de nos concitoyens sont vraiment très intéressants.

Ce sera donc avec beaucoup d'intérêt que nous suivrons les travaux de cette commission d'enquête.

La commission se prononce favorablement pour la constitution de la commission d'enquête.

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Se prononçant en application de l'article 140, alinéa 2, du règlement, la commission constate que les conditions requises pour la création de la commission d'enquête demandée par M. Aubert et plusieurs de ses collègues sont réunies ; il appartiendra donc à la prochaine Conférence des présidents de prendre acte de la création de cette commission d'enquête.

Informations relatives à la commission

La commission des affaires économiques a procédé à la création d'une mission de contrôle de l'application de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Conformément aux dispositions de l'article 145-7, alinéa 1, du Règlement de l'Assemblée nationale, sont nommés co-rapporteurs M. Jean-Baptiste Moreau, membre de droit en sa qualité de rapporteur de la loi, et M. Jérôme Nury, en tant que membre d'un groupe d'opposition.

Mme Christine Hennion remplace M. Roland Lescure comme membre de la mission d'information sur le tourisme, créée par la commission le 23 janvier 2019.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 13 février 2019 à 9 h 30

Présents. – M. Damien Adam, M. Patrice Anato, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Yves Blein, M. Bruno Bonnell, M. Éric Bothorel, M. Jean-Claude Bouchet, M. Alain Bruneel, Mme Anne-France Brunet, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Michel Delpon, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, M. Daniel Fasquelle, M. David Habib, Mme Véronique Hammerer, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Philippe Huppé, M. Guillaume Kasbarian, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Laure de La Raudière, Mme Célia de Lavergne, M. Sébastien Leclerc, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, Mme Monique Limon, M. Richard Lioger, M. Didier Martin, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, M. Jérôme Nury, Mme Claire O'Petit, Mme Valérie Oppelt, M. Ludovic Pajot, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Benoit Potterie, M. Richard Ramos, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Vincent Rolland, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, M. Éric Straumann, Mme Bénédicte Taurine, Mme Huguette Tiegna, M. Nicolas Turquois, M. André Villiers

Excusés. – M. Philippe Bolo, M. Anthony Cellier, Mme Michèle Crouzet, Mme Stéphanie Do, M. José Evrard, M. Serge Letchimy, M. Max Mathiasin, M. Jean-Charles Taugourdeau

Assistaient également à la réunion. – M. Julien Aubert, M. Xavier Breton, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Jean-Marie Fiévet, M. Jean-Luc Fugit, M. Matthieu Orphelin, M. François Ruffin, M. Jean-Marc Zulesi