Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 20 février 2019 à 9h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • circonstance
  • inéligibilité
  • mandat

La réunion

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La réunion débute à 9 heures 35.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

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Avant d'aborder les questions inscrites à notre ordre du jour, M. Raphaël Schellenberger souhaite s'exprimer au nom du groupe Les Républicains.

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Le groupe Les Républicains s'interroge sur le rôle de l'Assemblée nationale et de sa commission des Lois dans le fonctionnement de notre démocratie. En effet, ce matin, la commission des Lois du Sénat rendra ses conclusions sur l'affaire dite « Benalla ». Hier, le principal intéressé a été placé en détention provisoire. C'est dire si l'initiative de notre groupe à la fin du mois de juillet dernier, qui avait réclamé que la Commission se dote des prérogatives d'une commission d'enquête, était judicieuse. Pourtant, nous n'avons pas pu travailler ; notre action a été phagocytée par le Gouvernement. Ainsi, l'Assemblée nationale, censée représenter la nation souveraine et contrôler l'exécutif, n'a-t-elle pu jouer son rôle. Nous souhaitions le rappeler au moment où les sénateurs s'apprêtent à publier les résultats de leurs travaux.

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Il ne faut pas tout mélanger, cher collègue. M. Benalla a été placé en détention hier soir pour une raison objective : le non-respect du contrôle judiciaire dont il faisait l'objet.

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Vous mélangez les concepts, et c'est dommage. Maintenant, il faut cesser toute instrumentalisation et laisser la justice travailler sereinement.

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Vous reconnaîtrez aisément, monsieur Schellenberger, que l'ensemble des groupes politiques ont leur part de responsabilité dans l'impossibilité pour la commission des Lois dotée des compétences d'une commission d'enquête, l'été dernier, de faire son travail sereinement et d'aller au terme de la démarche engagée. La responsabilité n'est pas individuelle : elle est collective.

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Je rappelle que c'est le groupe Les Républicains, M. Guillaume Larrivé ayant mis un terme à ses fonctions de co-rapporteur, qui a interrompu les travaux de la Commission.

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Parce que vous aviez refusé certaines auditions !

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Dès que l'on évoque cette affaire, vous perdez vos nerfs. C'est bien dommage. Pour ma part, je suis heureuse que les juges travaillent en toute indépendance, dans l'intimité des cabinets d'instruction, car c'est là que la justice est rendue et non au Parlement. La justice est saisie d'un certain nombre de faits concernant M. Benalla ; elle investigue sereinement et je suis certaine qu'elle aboutira. Les décisions prises hier montrent, du reste, qu'elle agit de façon indépendante.

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Je souhaiterais répondre, madame la présidente.

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Nous allons en venir aux points figurant à notre ordre du jour, qui appelle d'abord l'examen d'une proposition de loi.

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Comme lors des travaux de la commission d'enquête, alors, on empêche l'expression de l'opposition !

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Je crois que les droits de l'opposition ont été particulièrement respectés alors ! Je vous communiquerai le décompte des différentes interventions ; vous constaterez que chacun a pu poser toutes les questions et que l'opposition a bénéficié d'un temps de parole bien supérieur à celui qui aurait été le sien en proportion des sièges qu'elle occupe dans cette Commission.

La Commission examine la proposition de loi visant à renforcer l'intégrité des mandats électifs et de la représentation nationale (n° 788) (M. Moetai Brotherson, rapporteur).

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Mes chers collègues, nous allons examiner la proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine visant à renforcer l'intégrité des mandats électifs et de la représentation nationale, texte dont M. Moetai Brotherson a été nommé rapporteur.

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Madame la présidente, mes chers collègues, avant d'être un élu, je suis, comme chacun d'entre vous, un citoyen, et c'est en tant que citoyen que j'ai entamé la réflexion qui a abouti à cette proposition de loi. Dans notre société démocratique, comme dans un couple, la base de la relation entre le peuple et les élus qui le servent, c'est la confiance. Lorsque celle-ci est altérée, le divorce est inévitable. Les citoyens connaissent la devise de la République, qui érige l'égalité en principe fondateur. Ces dernières années, à cause du comportement de quelques-uns, qui méconnaissent ce principe, c'est nous tous, à la faveur d'un amalgame favorisé par la résonnance et les raccourcis de la pensée qu'autorisent les réseaux sociaux, qui nous sommes retrouvés marqués du signe de la bête.

C'est avec beaucoup d'humilité, mais sans naïveté ni masochisme, que je vous présente cette proposition de loi. L'intention qui est la mienne est avant tout de contribuer à changer les moeurs et les sentiments qui n'en finissent pas de faire vaciller l'attachement du peuple à la démocratie représentative.

En 2017, le Gouvernement, fidèle à ses engagements de campagne, nous soumettait le projet de loi pour la confiance dans la vie politique. Pourtant, après son adoption, j'ai continué à entendre, outre-mer comme en métropole, la même remarque : « Si un élu détourne des millions d'euros qui auraient dû aller à la sécurité de mes enfants dans la rue, à la santé de ma mère à l'hôpital, à la création d'emplois pour les personnes qui ne peuvent plus se nourrir, il doit recevoir un carton rouge ! S'il recommence, la justice doit pouvoir lui dire que la partie est terminée, sans qu'il ait la possibilité de la recommencer. » C'est évidemment encore plus vrai s'il viole ou s'il tue.

Je vous soumets ce texte sans naïveté ni masochisme, disais-je. De fait, il ne s'agit pas de rendre définitivement inéligible un élu qui aurait donné un coup de pied dans une poubelle. Une simple erreur ne doit pas systématiquement entraîner l'inéligibilité. Mais je crois qu'aligner notre régime sur celui de nos concitoyens serait un signe fort de notre volonté de restaurer et de garantir la confiance entre le peuple et ses élus.

Lorsque cette proposition de loi a été déposée, en mars de l'an dernier, elle a été abondamment commentée. Une grande partie de ces commentaires me mettaient en garde : « Tu verras, aucun de tes collègues ne la votera parce qu'ils sont tous pourris ! » À chaque fois, j'ai répondu : « Non, l'immense majorité de mes collègues sont des citoyens et des élus attachés à la notion de probité et ils n'ont rien à craindre d'une telle proposition de loi. » Ce n'est pas par goût douteux pour l'autoflagellation que je vous présente ce texte, mais bien pour nous permettre de dire tous ensemble au peuple qu'il peut avoir confiance dans ses élus et que l'ensemble d'entre eux ne sauraient être assimilés à quelques pommes pourries.

Contrairement à certains d'entre vous, fins bretteurs, je ne suis pas juriste de formation, mais ingénieur en informatique et télécommunications. J'ai donc procédé avec beaucoup d'humilité et de pragmatisme pour aboutir à une rédaction qui tienne compte à la fois des remarques des parlementaires que j'ai pu consulter, de l'avis du Conseil d'État saisi par le président de l'Assemblée nationale, des attentes des citoyens et des garanties démocratiques essentielles à une loi équilibrée. Dans ma circonscription, j'ai pu rencontrer l'ensemble des acteurs du système judiciaire pénal – du parquet au siège en passant par les avocats – et j'ai intégré à ma réflexion les remarques qui leur ont été inspirées par leur pratique quotidienne du droit.

Notre proposition de loi tend à compléter la loi pour la confiance dans la vie politique. Celle-ci dispose que le prononcé de la peine complémentaire d'inéligibilité prévue aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal est obligatoire lorsque des sanctions sont décidées en répression des crimes ou des délits dont la liste figure à l'article 131-26-2 dudit code. On y trouve notamment l'abus de confiance, les infractions liées à l'utilisation des fonds publics, au financement des campagnes électorales.

Pour les délits mentionnés dans la loi pour la confiance dans la vie politique, nous proposons que l'inéligibilité encourue soit portée à trente années au plus. L'exemplarité des sanctions doit permettre de restaurer les liens entre la représentation nationale et les citoyens représentés. Les personnes investies d'un mandat électif ont vocation à représenter véritablement la nation. Si la Constitution, la démocratie et le peuple placent en eux la confiance nécessaire pour qu'ils s'expriment au nom de la République, l'élu et le titulaire de fonctions gouvernementales ont le devoir de respecter les valeurs du pacte républicain. Le non-respect de ces valeurs est l'une des raisons qui expliquent le désengagement des Français de la vie de la cité. Cette réalité prive la loi de sa signification primaire : être le reflet de la volonté du peuple.

La sanction se doit d'être suffisamment dissuasive pour garantir l'intégrité des titulaires de fonctions électives et gouvernementales, pour restaurer la confiance. Il s'agit, non d'augmenter de manière immodérée la charge des représentants du peuple ou de créer de nouvelles infractions, puisque l'arsenal législatif existe déjà, mais de faire en sorte que la sanction encourue soit à la mesure du préjudice qu'une personne détenant de telles fonctions cause à la nation en cas de faute. La sanction proposée se veut un outil supplémentaire pour le magistrat du siège, qui peut prononcer une peine d'inéligibilité adaptée aux circonstances de l'infraction. Elle élargit la faculté d'appréciation du juge sans automaticité.

L'article 1er prévoit également la faculté pour la juridiction de prononcer une peine pouvant aller jusqu'à l'inéligibilité à titre définitif. Cette peine exige une condition supplémentaire : la commission d'un crime ou de plusieurs des délits visés. Le fait de prendre la vie d'un citoyen dans des circonstances particulièrement graves donne lieu à une sanction – la réclusion criminelle à perpétuité – qui garantit la réparation de l'atteinte portée à la société, car le caractère sacré de la vie est le fondement de la collectivité. Dans une autre mesure, la gravité d'un comportement doit pouvoir aboutir à une inéligibilité visant à réparer proportionnellement l'atteinte à la confiance des citoyens. Selon nous, c'est un pas nécessaire vers la restauration de la confiance.

Parallèlement à cette possible aggravation des peines, il nous a paru important de respecter le principe, non écrit mais largement admis, du droit à une seconde chance. Nous prévoyons la possibilité d'un relèvement qui, d'une part, est un prérequis pour respecter le droit de tout justiciable à la révision de sa condamnation, et qui, d'autre part, renforce la constitutionnalité du dispositif.

L'article 2 prévoit la création d'une circonstance aggravante. Enfin, l'article 3 rend le dispositif applicable sur l'ensemble du territoire national.

Telles sont, mes chers collègues, les remarques que je souhaitais vous soumettre en guise d'introduction. Nous aurons bien entendu l'occasion de discuter chacun des articles de la proposition de loi lors de l'examen des amendements.

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Cette proposition de loi vise à renforcer l'exigence d'intégrité à laquelle les membres du Gouvernement et les élus sont soumis dans l'exercice de leur mandat et de leurs fonctions. Nous souscrivons tous, ici, je crois, à l'objectif fixé.

Vous suggérez, monsieur le rapporteur, de porter de dix à trente ans la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité instituée par la loi de décembre 2016 pour certains crimes et délits, dont la liste a été étendue par la loi du 15 septembre 2017. Votre texte prévoit même une peine d'inéligibilité à vie si l'infraction suit ou accompagne la commission d'une autre de ces infractions. Vous proposez, en outre, un régime particulier de relèvement qui peut être sollicité tous les dix ans.

Le Conseil d'État a été saisi de votre proposition de loi. Si, dans son avis, il ne juge pas inconstitutionnels la plupart des dispositifs proposés, il souligne toutefois le risque d'une inflation législative dans le domaine concerné. « Il est permis de s'interroger », estime-t-il ainsi, « sur l'opportunité de modifier le régime de la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité si peu de temps après son entrée en vigueur » et après qu'il a été complété, ajouterai-je, en septembre 2017. En effet, il convient tout d'abord d'évaluer le dispositif existant, le nombre des peines prononcées, leur efficacité et la durée des enquêtes.

La loi de 2017, qui portait sur bien d'autres aspects de la moralisation de la vie publique – exercice des mandats parlementaires, embauche de collaborateurs, financement de la vie politique… – ne faisait que préciser efficacement, en complétant la liste des crimes et délits concernés, la loi de décembre 2016. Or, cette fois, il s'agit de remettre en cause, avant toute évaluation, l'équilibre des peines, puisqu'on va jusqu'à proposer une inéligibilité à vie. Le Conseil d'État ne s'est pas opposé à ce principe. Toutefois, il souligne la nécessité d'appliquer concrètement les lois de 2016 et 2017 et de les évaluer. Je dirais, pour employer une expression triviale, qu'il nous incite à ne pas pratiquer la « course à l'échalote » des peines et à stabiliser le droit, notamment par égard pour les juges. Il importe en effet que la loi ne soit pas révisée tous les dix-huit mois.

À ce stade, le groupe La République en Marche, vous l'aurez compris, n'est pas favorable à cette proposition de loi. Votre texte soulève, par ailleurs, d'autres questions tout à fait légitimes, notamment sur le lien entre l'inéligibilité et les autres condamnations pénales ou sur le relèvement de la peine.

Nous nous prononcerons contre le texte en l'état mais, ce faisant, nous ne vous opposons pas une fin de non-recevoir ; nous laissons la porte ouverte au cas où nous nous apercevrions que nous ne sommes pas allés assez loin en 2016 et en 2017 et qu'il faut renforcer le dispositif actuel. Pour l'instant, il convient d'assurer la stabilité du droit et d'appliquer les dispositions en vigueur.

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S'il est vrai que la période actuelle est marquée par la défiance de nos concitoyens envers les institutions, le groupe Les Républicains estime qu'il est de notre responsabilité de restaurer la confiance. Plusieurs dispositions ont déjà été prises à cette fin : je pense aux lois de 2013 sur la transparence de la vie publique et de 2017 pour la confiance dans la vie politique. Ces textes ont largement accru le risque encouru par les élus fautifs. L'arsenal législatif existe et il ne faudrait pas donner le sentiment en votant, chaque année ou presque, une loi sur le sujet que ces turpitudes sont chose commune. La quasi-totalité des élus sont justes envers leurs concitoyens et ne cherchent pas à tirer un profit personnel de l'exercice de leur mandat. Remettre l'ouvrage sur le métier alors qu'aucune condamnation n'a été prononcée, qu'aucun fait nouveau n'est survenu et que les dispositifs existants sont vraisemblablement dissuasifs, ce serait alimenter l'inflation législative.

On comprend bien, monsieur le rapporteur, l'intérêt et l'opportunité de cette discussion quelques mois avant que M. Gaston Flosse redevienne éligible. Vous faites mine de vous étonner de mon propos mais, si l'enjeu de cette proposition de loi est de discuter d'un cadre général conçu pour s'appliquer à une situation particulière, je précise que la loi pénale n'est pas rétroactive. Nous devons nous garder, singulièrement au sein de la commission des Lois, d'adopter des textes de circonstance. Ce n'est pas parce que l'inéligibilité de M. Flosse arrivera à son terme en juillet 2019 que nous devons remettre en question un système qui semble largement fonctionner puisque, depuis l'entrée en application des derniers textes, aucun manquement à la probité n'a été constaté dans la classe politique.

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Monsieur le rapporteur, je souhaite saluer le travail que vous avez accompli, notamment dans le cadre de vos auditions, qui ont permis de nourrir une réflexion plus large sur le sujet qui nous occupe. Il me semble également important de souligner vos efforts répétés pour associer l'ensemble des membres de la commission des Lois à vos travaux et créer les conditions propices à un débat éclairé.

Il convient de replacer la proposition de loi dans un contexte plus large en rappelant les mesures adoptées au cours des premières semaines de la législature, mesures qui constituaient la traduction de la volonté politique de regagner la confiance des Français. Nous avons élargi le périmètre des infractions entraînant une inéligibilité et rendu obligatoire sa mention au casier judiciaire. Dans la continuité de certaines des mesures de la loi relative à la transparence de la vie publique, nous avons renforcé l'arsenal législatif existant pour réaffirmer l'incompatibilité de certains comportements avec l'exercice d'un mandat.

Un an après l'adoption de cette loi, vous présentez un texte qui se veut encore plus ambitieux, au risque, sans doute, de l'être un peu trop. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés (MODEM), dont vous savez l'attachement à ce type de mesures, ne méconnaît pas la nécessité de renforcer la confiance en garantissant la transparence et la probité dans l'exercice des mandats électifs publics et les fonctions gouvernementales. Toutefois, l'une des dispositions de votre proposition de loi nous empêche d'envisager d'apporter à celle-ci un soutien plein et entier : je veux parler de l'article 2 qui fait de l'exercice d'un mandat ou d'une fonction gouvernementale une circonstance aggravante. Nous ne pouvons, en effet, souscrire à l'idée que l'aggravation d'une peine soit déconnectée de l'infraction qui la provoque. De même, comme il est précisé dans l'avis du Conseil d'État, il semble assez difficile d'imaginer qu'une circonstance aggravante soit également un élément constitutif d'une infraction. Je n'insisterai pas sur la dernière difficulté soulignée par le Conseil d'État qui a trait à la peine découlant de cette potentielle nouvelle circonstance aggravante.

Plusieurs autres éléments du texte nécessitent sans doute d'être réécrits. C'est la raison pour laquelle le groupe MODEM attend beaucoup de nos discussions. Nous espérons qu'un compromis pourra être trouvé et que nos débats aboutiront à une nouvelle rédaction attentive aux préconisations du Conseil d'État.

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La proposition de loi dont nous débattons porte un titre évocateur, qui semble devoir susciter une adhésion sans réserve tant cet objectif est louable. En effet, notre démocratie a besoin d'élus probes et intègres ; quant à ceux dont l'honnêteté ne serait pas la première des vertus, ils doivent être sanctionnés à la juste mesure de leurs actes.

Dans la lutte contre toute forme de corruption et d'abus dans le cadre de fonctions électives ou gouvernementales, nous avons déjà fait un long chemin. Les lois successives pour la moralisation et la confiance dans la vie publique ont posé les pierres d'un édifice tendant à l'exemplarité. Il est désormais établi qu'un homme politique qui a enfreint des lois peut être pénalement sanctionné ; c'est une bonne chose. Une fois cela affirmé, il nous faut regarder de plus près cette proposition de loi qui appelle de nombreuses remarques.

En ce qui concerne son article 1er, nous ne sommes pas fondamentalement opposés à l'augmentation du quantum des peines d'inéligibilité, mais les dispositifs créés par les lois précédemment citées sont trop récents pour être évalués. Nous pouvons nous interroger sur l'opportunité de modifier à nouveau leur régime. En outre, il paraît difficile de comprendre la cohérence de la disposition relative à l'inéligibilité à vie, dans la mesure où cette peine pourrait être encourue pour le cumul de deux délits faiblement sanctionnés alors qu'un seul crime, pourtant plus sévèrement réprimé, ne donnerait lieu qu'au prononcé d'une inéligibilité de trente ans.

À l'article 2, vous proposez une grande innovation. Toutefois, la création d'une circonstance aggravante tenant à l'exercice d'une fonction de membre du Gouvernement ou d'un mandat électif au moment de la commission d'une infraction soulève des questions fondamentales. Considère-t-on que l'élu est un citoyen comme les autres et qu'il n'a pas à subir une peine plus élevée du fait de son statut, ou que le statut d'élu implique un devoir d'exemplarité ? Si, dans son avis sur cette proposition de loi, le Conseil d'État ne semble pas voir d'obstacle dirimant à cet article 2, il évoque tout de même quelques points d'achoppement : quid des infractions pour lesquelles la qualité d'élu est déjà un élément constitutif ? Quid de la détermination de la peine résultant de la circonstance aggravante ?

Enfin, monsieur le rapporteur, vous avez présenté ce texte comme une proposition de loi pour l'inéligibilité à vie des élus corrompus. Or, force est de constater que cela ne correspond pas exactement à son contenu. À ce stade, votre texte comporte des imprécisions. Si son objectif suscite l'adhésion, le groupe UDI, Agir et Indépendants souhaite que le débat permette de clarifier vos intentions et d'apporter les précisions nécessaires.

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Le groupe Socialiste et apparentés souscrit, sur le fond, à l'esprit de cette proposition de loi. Il est nécessaire que les élus soient exemplaires et que soient appliquées à ceux qui ne le seraient pas des sanctions telles que personne ne puisse laisser entendre qu'il y aurait, dans ce pays, une justice à deux vitesses. Or, ce sentiment est encore beaucoup trop partagé par un certain nombre de nos concitoyens et accrédite l'idée d'une caste politique organisée pour s'auto-protéger et qui serait au-dessus des lois, tandis que le peuple serait jugé avec beaucoup moins de clémence. Il faut se méfier d'un tel sentiment qui ne correspond pas toujours à la réalité. De fait, plusieurs collègues ont rappelé combien le cadre législatif avait évolué favorablement. Pourtant, c'est indéniable, ce sentiment subsiste, nourrit le rejet des représentants et alimente un antiparlementarisme qui rejaillit sur une bonne partie des élus.

Il nous incombe d'être exemplaires et d'exiger de la justice qu'elle le soit également dans ses jugements à l'égard des élus qui ne l'ont pas été dans l'exercice de leur mandat. Nous devons rappeler une réalité méconnue : les lois relatives à la transparence de la vie publique ont considérablement amélioré le pouvoir de contrôle et imposé aux élus des règles strictes, au respect desquelles veille la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

L'enjeu est bien l'égalité. Mais si aucun élu n'est au-dessus des lois, aucun élu ne doit être au-dessous des lois. Or, si nous créons en quelque sorte une justice d'exception pour les élus – nous n'en sommes pas loin –, nous accréditons l'idée d'une justice à deux vitesses, et rien ne dit que certains ne réclameront pas, demain, une justice adaptée pour les patrons qui auraient fauté, pour les fonctionnaires qui auraient fauté, pour les banquiers qui auraient fauté ! Bien entendu, nous devons combattre sans ambiguïté tout privilège qu'un élu pourrait tirer de son statut, mais celui-ci ne saurait constituer une circonstance aggravante. Nous devons prévoir toutes les garanties nécessaires pour que la justice prononce les justes sanctions contre les élus qui auraient commis des fautes, mais nous ne devons pas céder à l'air du temps. Il serait dangereux d'imaginer que certains citoyens soient tenus à une exemplarité d'exception qui relèverait d'une justice d'exception.

Aussi, plutôt que d'intervenir sur le terrain pénal, cette proposition de loi aurait-elle pu s'inscrire dans le champ électoral et s'attacher à définir les conditions d'éligibilité de tout citoyen. En effet, la véritable mesure de justice, celle qui serait intelligible pour la plupart de nos concitoyens et que de nombreux Français plébiscitent, consisterait, nous semble-t-il, à exiger des élus un casier judiciaire vierge. Le groupe Socialistes et apparentés a défendu cette mesure à plusieurs reprises, notamment lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans la vie politique. En effet, pour accéder à près de quatre cents métiers, il faut n'avoir fait l'objet d'aucune condamnation inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Pourquoi cette exigence ne s'imposerait-elle pas à tout citoyen qui veut briguer une fonction élective ? C'était une promesse du Président de la République mais la majorité a finalement revu sa position sur ce point. Il est d'autant plus regrettable, monsieur le rapporteur, que vous n'ayez pas choisi de rouvrir ce débat qu'une telle mesure ne peut être proposée par voie d'amendement car les conditions d'éligibilité relèvent d'une loi organique.

Pour ces différentes raisons et bien que nous partagions sur le fond votre intention, nous nous abstiendrons lors du vote sur votre proposition de loi.

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Cette proposition de loi, présentée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) que je préside, et défendue par notre collègue Moetai Brotherson, a été cosignée par tous les membres de mon groupe. Nous la soutenons avec une forme de fierté qui m'incite, d'une part, à revenir sur le fondement de ce texte et, d'autre part, à m'élever contre certains propos tenus par les orateurs précédents.

Je considère l'affirmation selon laquelle cette proposition de loi serait un texte de circonstance comme une insulte. S'il peut arriver à certains de présenter des textes de circonstance, tel n'est pas le cas du groupe GDR. Je le dis clairement : il en va de la conception que nous avons de notre mandat. Je m'élève donc contre cette analyse, qui n'a d'autre fin que de dévaloriser cette proposition de loi.

Par ailleurs, d'aucuns estiment que le texte ferait du statut d'élu une circonstance aggravante. Or, ce n'est pas vraiment le sens de cette proposition de loi. L'article 1er, par exemple, prévoit une peine complémentaire d'inéligibilité en cas de crime ou de délit lorsque ceux-ci sont commis par un élu ou un membre du Gouvernement. Inéligibilité : cette peine complémentaire a bien un lien avec l'exercice d'un mandat électoral. La distorsion ne me paraît donc pas scandaleuse par rapport au commun des mortels.

En ce qui concerne la circonstance aggravante, l'article 2 précise bien qu'elle tiendrait à l'exercice d'une fonction de membre du Gouvernement ou d'un mandat électif public.

C'est d'ailleurs pour toutes ces raisons que nous avons souhaité que le texte soit soumis au Conseil d'État – fait exceptionnel, je tiens à le souligner. Combien de députés, en effet, ont eu le courage de soumettre, dans un souci de transparence, leurs propositions de loi au Conseil d'État ? Cette procédure remonte à la révision constitutionnelle de 2008. Je crois qu'elle a été utilisée au total une dizaine de fois, la plupart du temps par des membres de la majorité dans le cadre de propositions de loi élaborées en accord avec le Gouvernement. Pour le reste, elle a dû être employée pour deux textes : l'un que j'avais défendu il y a quelques années, l'autre qui est celui de Moetai Brotherson.

Ne vous appuyez surtout pas sur les observations du Conseil d'État en vous arrêtant uniquement sur les dispositions qui seraient déclarées non conformes : si nous avons soumis le texte au Conseil d'État, c'est justement pour que notre rapporteur puisse présenter des amendements répondant à ses observations de façon à éviter, dans un cadre comme celui de la commission des Lois, des remises en cause portant sur le caractère anticonstitutionnel de nos propositions.

Par ailleurs – et, là encore, je rebondis sur les interventions précédentes même si le rapporteur y répondra sur le fond –, notre proposition de loi n'est pas en opposition avec tout ce qui a été mis en place depuis plusieurs années, notamment le dispositif visant à prévenir les conflits d'intérêts ou encore le renforcement de la transparence financière. Nous nous réjouissons de ces avancées obtenues au cours de cette législature et de la précédente. Nous nous inscrivons dans la même logique, en prévoyant le durcissement des peines d'inéligibilité applicables aux élus et aux membres du Gouvernement. Nous poursuivons nous aussi l'objectif de lutte contre les conflits d'intérêts en apportant une pierre supplémentaire – inutile de dire que, dans ce domaine, il est nécessaire d'améliorer continuellement les dispositifs.

Certes, l'examen de ce texte intervient dans un contexte grave, marqué par l'antiparlementarisme et la remise en cause de la probité des élus. Mais si l'on veut redonner confiance au peuple, lever la suspicion, il est plus que jamais nécessaire de voter des textes forts – et celui-ci en est un.

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La proposition de loi vise à améliorer les relations entre les élus et le peuple. Pour certains, le divorce est consommé ; d'autres reconnaissent tout de même le travail des représentants – surtout ceux qu'ils connaissent, d'ailleurs. En effet, ces personnes, quand vous les croisez, écorchent les élus mais vous disent à la fin : « On ne dit pas ça pour vous ; vous, on vous connaît. » Le lien entre les citoyens et l'élu est particulièrement important ; la confiance ne peut se tisser que par un lien direct.

Notre collègue Raphaël Schellenberger a parlé de M. Gaston Flosse, dont les turpitudes sont arrivées jusqu'en métropole, ce qui n'est pas très courant, force est de le reconnaître. L'affaire a été suffisamment choquante pour que nous votions une loi : il ne fallait pas que de telles choses se reproduisent. De fait, des cas comme celui-ci sont très préoccupants.

La proposition de loi a un objet relativement limité, ce qui est normal : on ne peut pas tout mettre dans un texte de cette nature. Elle vise à aggraver les sanctions. Le problème est effectivement celui de l'exemplarité des élus. En n'étant pas exemplaires, nous jouons avec le feu : nos concitoyens attendent de nous, dès lors que nous les représentons, que nous soyons plus vertueux qu'ils ne le sont eux-mêmes. Certains qui nous disent : « Tous pourris ! » feraient mieux de se regarder : ils s'apercevraient que nous le sommes beaucoup moins qu'eux. La plupart, pour ne pas dire l'immense majorité des élus, font bien leur travail et ont un bon esprit, ils exercent leur mandat avec conscience ; il est important de le dire.

Je souhaiterais ouvrir le débat sur ce qui constitue, à mon avis, l'un des principaux manques de la loi de moralisation de 2017 : je veux parler du fait que nous n'avons absolument pas touché à la haute administration – ce qu'un certain nombre de nos concitoyens nous reprochent. En effet, il existe des collusions avec les grandes entreprises et des conflits d'intérêts, notamment du fait du pantouflage. Certains de nos concitoyens ne sont pas dupes. D'ailleurs, ils nous le disent : « Est-ce vraiment vous qui gouvernez, ou bien, finalement, n'est-ce pas l'administration qui prend à votre place des décisions que vous vous contentez d'avaliser, parce que vous êtes un peu coincés ? Vous ne nous défendez pas réellement. » Il faudra donc absolument se pencher sur la moralisation de la haute fonction publique. Nous avons fait le travail pour les élus ; il reste beaucoup à faire s'agissant des élites issues des grandes écoles.

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On ne peut que souscrire, bien entendu, à la volonté de rétablir le lien de confiance entre nos concitoyens et les élus. De fait, ce lien est abîmé : il y a beaucoup de suspicion. Je voudrais vous livrer deux réflexions sur le sujet.

D'abord, il me semble qu'il faut cesser d'alimenter en permanence la défiance. Nous avons passé beaucoup de temps, en commission des Lois et dans l'hémicycle, à débattre de la loi pour la confiance dans la vie politique – texte qu'un grand nombre d'entre nous ont voté, précisément pour améliorer les conditions d'exercice des mandats et accroître la transparence. Nous sommes dans une période où beaucoup de questions se posent quant à la façon dont les élus exercent leurs fonctions, mais il me semble qu'à force de pointer du doigt les quelques-uns – car ce sont des exceptions – qui se comportent mal, de déposer des propositions de loi, de lancer des débats très médiatisés, on accroît encore et toujours la défiance des Français vis-à-vis de ceux qui les représentent.

Ensuite, lorsqu'il est question des élus – je rejoins ce que disait M. Paul Molac à l'instant –, il n'y a pas que les parlementaires. Même si l'on constate, effectivement, une vague d'antiparlementarisme, méfions-nous, une fois encore, de ne pas la nourrir : le Parlement reste le lieu où, au niveau national, la démocratie s'exprime. On abîme sa fonction par certaines prises de parole intempestives. En outre, on oublie qu'aux côtés des élus, d'autres catégories de hauts responsables doivent eux aussi faire la démonstration de leur probité dans l'exercice de leurs fonctions.

Pour ces raisons, je voudrais vraiment que l'on limite la quantité de débats sur ce thème et que l'on tranche une fois pour toutes.

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Pour abonder dans le sens de notre collègue Arnaud Viala, je pense moi aussi qu'un cadre général a déjà été fixé et renforcé avec la loi pour la confiance dans la vie politique. Il faut cesser de toujours vouloir faire plus et de verser dans l'autoflagellation. Comme l'ont dit plusieurs intervenants, la grande majorité des élus font preuve de probité et, en remettant sans arrêt le sujet sur la table, on jette davantage encore la suspicion plutôt qu'on ne résout des problèmes.

En outre, à l'heure des réseaux sociaux et des chaînes d'information en continu, nos concitoyens sont informés des malversations dont quelques élus – car ce sont des exceptions – se sont rendus coupables et des condamnations prononcées. En définitive, cette proposition de loi me fait l'effet d'être un texte relatif non pas à la confiance dans les élus, mais plutôt à la défiance vis-à-vis des électeurs : ces derniers disposent de tous les moyens nécessaires pour être informés des exactions commises par les élus. Il faut leur faire confiance pour ne pas reconduire des gens qui auraient trahi leur confiance.

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J'entends bien les propos du rapporteur et je comprends la problématique, dont la Polynésie française est un bon exemple, de l'instabilité engendrée par certains agissements. Le fait que certaines personnes, bien qu'elles aient été mises en cause – voire condamnées –, conservent le pouvoir indéfiniment, ne saurait être toléré à l'avenir. Toutefois, je voudrais abonder dans le sens des intervenants précédents : faisons attention à ne pas nous lancer dans une course sans fin. Prenons garde également à ne pas citer trop souvent l'exemple des députés car ils subissent l'opprobre pour tout le monde.

J'attends moi aussi beaucoup de la réforme de la fonction publique, en particulier de la haute fonction publique. Comme les collègues qui m'ont précédé, je juge inadmissibles certains cas de pantouflage. De même, certains niveaux de rémunération sont inacceptables : qu'un haut fonctionnaire gagne trois fois plus que le chef de l'État ne me paraît pas justifié. Les hauts fonctionnaires doivent eux aussi être exemplaires.

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Nous comprenons tous la philosophie de cette proposition de loi. Effectivement, il est encore plus grave de commettre un certain nombre d'infractions lorsqu'on est ministre ou élu. Cela dit, la possibilité de s'amender, de se réinsérer, de progresser en termes de moralité doit être offerte à tous dans notre République, y compris aux élus.

Au moment de la discussion du projet de loi pour la confiance dans la vie politique, j'avais dénoncé une lacune dans notre législation s'agissant de la fraude fiscale. Peut-être vous en souvenez-vous. J'ai donc profité de l'examen de cette proposition de loi pour déposer un amendement, cosigné par plusieurs membres de mon groupe, qui vise à rendre inéligibles les personnes condamnées pour fraude fiscale, même si cette fraude n'a pas été commise en bande organisée et même si les fraudeurs n'ont pas ouvert de compte à l'étranger, créé des sociétés écrans ou encore fait usage de faux documents. Dès lors qu'on a été condamné pour fraude fiscale, on doit encourir une peine d'inéligibilité. Un amendement similaire avait rencontré un certain écho au moment de nos discussions dans l'hémicycle sur le projet de loi pour la confiance dans la vie politique.

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Je ne suis pas favorable, moi non plus, à ce que nous nous lancions dans une « course à l'échalote ». Cela dit, mes chers collègues, il faut que notre législation soit adaptée à toutes les situations : chaque fois que nous laissons la possibilité à quelques-uns de faire des choses scandaleuses et relevant de la délinquance, cela retombe sur tout le monde. Je voudrais également apporter un témoignage personnel. Quand j'occupais votre fonction, madame la présidente, j'ai reçu un jour M. Gaston Flosse accompagné de deux députés de son territoire. Ces derniers n'ont pas dit mot et, pendant une demi-heure, M. Flosse m'a passé des commandes : il fallait supprimer tel article, présenter tel amendement. Je lui ai expliqué que l'époque où l'on venait ainsi « faire ses courses » à Paris était révolue. Voilà comment les choses se passaient avant : c'est ainsi que l'on a créé de l'impunité avec tous les dysfonctionnements qui en ont découlé.

Ensuite, je souhaite profiter de cette intervention pour évoquer un sujet connexe mais qui a été abordé par plusieurs collègues : il existe un vide du fait de l'irresponsabilité financière des présidents d'exécutifs territoriaux et des ministres. C'est un véritable sujet, y compris s'agissant de la haute fonction publique. Si vous en parlez à un directeur d'administration centrale, il vous dira la chose suivante : « Si un jour on me poursuit pour une mauvaise décision, ma défense sera simple : je dirai que j'ai reçu un ordre du ministre ; comme celui-ci est irresponsable, l'affaire s'arrêtera là. » Le climat actuel étant ce qu'il est, la Commission s'honorerait à remettre le sujet à l'ordre du jour. Alors que nos concitoyens veulent de la rigueur dans la gestion de l'argent public, il ne me choquerait pas qu'un décideur soit responsable financièrement de ses choix. Une sanction doit pouvoir être prononcée par les juridictions financières : il ne s'agit pas nécessairement de lui demander de rembourser, mais il faut qu'il puisse être sanctionné.

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Concernant ce dernier point, c'est l'un des éléments dont nous aurons sans aucun doute à débattre dans le cadre de la révision constitutionnelle.

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Je ne répondrai pas à tous ; je me contenterai d'une réponse globale. Il me semble avoir moi-même dit, dans mon propos introductif, qu'il ne s'agissait pas de verser dans l'autoflagellation. Il ne s'agit pas non plus de pointer du doigt seulement les députés. La proposition de loi ne vise pas à les punir seuls : tous les élus sont concernés.

Il ne s'agit pas davantage de créer une justice d'exception. Quant au fait de sanctionner les patrons et les hauts fonctionnaires, il me semble qu'il existe déjà des sanctions spécifiques. Les patrons peuvent faire l'objet d'une interdiction de gérer et les hauts fonctionnaires peuvent être révoqués.

En ce qui concerne la circonstance aggravante, nous pouvons en débattre – nous sommes là pour cela. Je voudrais toutefois prendre l'exemple de la violence envers les femmes. Nous sommes tous d'accord, ici, me semble-t-il, pour considérer qu'elle est inacceptable. Or, il me semble qu'elle l'est encore plus quand elle est le fait d'un élu parce que cela donne un exemple déplorable aux générations futures. Le peuple nous regarde – un peu trop, peut-être, du fait des réseaux sociaux et des médias, mais c'est un fait : nous nous devons d'être exemplaires.

J'accepte volontiers certaines remarques portant sur la rédaction du texte. C'est la raison pour laquelle, comme l'a souligné le président Chassaigne, nous avons tenu à le soumettre au Conseil d'État. Vous verrez, lors de l'examen des amendements, que nous avons tenu compte de son avis et que nous nous efforçons de lever les doutes qu'il a exprimés.

La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er (art. 131-26-1 du code pénal) : Peine complémentaire d'inéligibilité

La Commission examine l'amendement CL10 rectifié du rapporteur.

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Cet amendement inaugural est certainement le plus important de ceux que j'ai déposés. Il vise précisément, comme je le disais à l'instant, à mettre en application les recommandations du Conseil d'État et les demandes des magistrats judiciaires que nous avons auditionnés.

Tout d'abord, nous actualisons le code pénal en inscrivant dans le texte la réserve d'interprétation posée par le Conseil constitutionnel, saisi de la loi pour la confiance dans la vie politique, concernant la peine automatique d'exclusion de la fonction publique – c'est l'objet du dernier alinéa de l'amendement.

Ensuite et surtout, nous repensons l'échelle de l'inéligibilité. Celle-ci serait de trente ans pour les délits que le Parlement a énumérés en 2017, et définitive en cas de crime, de récidive ou de concours réel d'infractions. Je vous ai communiqué l'avis du Conseil d'État : celui-ci est explicite quant au fait que l'inéligibilité définitive est conforme à la Constitution. J'ai plaisir à vous signaler également que, lors des débats de 2013, c'était aussi la position du gouvernement socialiste, de même que celle de notre ancien collègue M. Laurent Wauquiez : tous défendaient cette évolution. Il n'y a aucun obstacle juridique.

Quant à l'argument de l'opportunité, je note avec intérêt que la majorité n'a vu aucune objection à faire évoluer en 2017 la peine d'inéligibilité qui venait d'être réformée coup sur coup en 2013 et en décembre 2016. Je partage les arguments de grande qualité qui avaient été avancés à l'époque pour justifier cette démarche par Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, et par les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat. Je n'ai pas l'impression que la demande d'exemplarité soit moins forte qu'il y a dix-huit mois. J'appelle chacun à la cohérence par rapport aux propos tenus dans l'hémicycle il y a un an et demi – et, par voie de conséquence, à voter cet amendement.

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Premièrement, je voudrais apporter une précision : la loi de 2017 a accru le nombre des infractions auxquelles la loi de 2016 devait s'appliquer, même si nous aurons tout à l'heure un débat sur l'opportunité de revoir la liste. En revanche, elle n'a pas remis en cause l'équilibre des peines adopté par le Parlement en décembre 2016. La logique, en termes juridiques, n'est donc pas du tout la même qu'aujourd'hui.

Deuxièmement, nous voterons contre cet amendement, de la même manière que nous voterons contre le texte dans son ensemble. En effet, notre position consiste à dire qu'il faut voir comment les textes de 2016 et 2017 sont mis en application et procéder à leur évaluation le moment venu. Il ne s'agit pas du tout de vous opposer une fin de non-recevoir : nous voulons voir comment le dispositif s'adapte en fonction des décisions d'ores et déjà prises. Au demeurant, il ne faut pas se lancer dans une course à l'échalote – l'expression a été utilisée à plusieurs reprises –, d'ailleurs virtuelle, d'une certaine manière, puisque nous ne disposons pas encore des éléments permettant d'évaluer les conséquences du texte précédent.

Enfin, le Conseil d'État s'est beaucoup interrogé sur le lien entre inéligibilité et condamnation pénale. Il s'est demandé s'il faut, en matière d'inéligibilité, établir une hiérarchie au regard des crimes et délits et de leur importance, ou bien s'il convient de laisser au juge le soin de juger en lui donnant la possibilité de renforcer l'inéligibilité – ce qui revient à faire en sorte que la personne concernée ne puisse plus nuire – tout en étant moins sévère en matière de peine principale. Ces questions vont sans doute compter parmi nos sujets de réflexion à l'avenir : je vous remercie donc pour le travail que vous avez engagé.

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Je voudrais faire une observation à la suite de l'intervention de notre collègue Rémy Rebeyrotte. J'ai une certaine ancienneté à l'Assemblée nationale. Il m'est arrivé maintes fois, même si je ne votais pas un texte parce que j'étais opposé à son orientation générale, de soutenir certains amendements quand je considérais qu'ils permettaient de l'améliorer. Il me paraît parfaitement contradictoire, après avoir relevé les insuffisances du texte dans une première intervention et souligné que le Conseil d'État avait fait des observations, de repousser un amendement du rapporteur tenant compte, précisément, de ces observations et visant à faire évoluer la rédaction. Je ne comprends vraiment pas que le groupe majoritaire puisse s'opposer à des amendements qui vont dans le bon sens quand bien même, en définitive, il voterait contre le texte – à moins que vous ne vouliez pas faire évoluer le texte afin de justifier, ensuite, le fait de ne pas le voter.

La Commission rejette l'amendement.

Elle est ensuite saisie de l'amendement CL2 de Mme Marie-France Lorho.

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L'instauration d'une durée plancher de cinq ans d'inéligibilité me semble importante si l'on veut doter la mesure d'un réel aspect coercitif. En cinq ans, un certain nombre d'élections peuvent avoir lieu que ce soit à l'échelon local, national ou européen. Une durée minimale de cinq ans pour la peine d'inéligibilité permet l'écoulement d'un délai suffisamment long pour que la personne concernée puisse démontrer qu'elle remplit à nouveau les conditions d'exemplarité nécessaires à l'exercice d'un mandat, quel qu'il soit. Elle permet, par ailleurs, de donner à la peine une véritable effectivité en ôtant à la personne concernée toute possibilité de se présenter à n'importe quelle élection qui interviendrait dans l'intervalle. En effet, le prononcé d'une peine d'inéligibilité d'un an n'a, par exemple, pas réellement de sens, à moins qu'une élection décisive pour la personne concernée n'intervienne dans ce court laps de temps.

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Chère collègue, vous proposez que la peine d'inéligibilité soit au minimum de cinq ans, ce qui est contraire à la Constitution : le juge pénal doit toujours avoir la faculté de moduler la sanction, voire de l'écarter s'il estime que les circonstances le justifient. J'ajoute que cet amendement donnerait à la loi une tournure rigoriste qui est à l'exact opposé de l'objectif qui est le mien : je souhaite la sévérité avec les escrocs avérés, pas la sanction sans pitié de la moindre étourderie. Par exemple, quand vous êtes conseiller municipal d'un village et à ce titre président d'honneur d'un club sportif, le fait de prendre part au vote des subventions municipales vous rend coupable de prise illégale d'intérêts. Or, personne ne demande cinq années d'inéligibilité pour ce type d'affaires, qui se soldent généralement par une amende avec sursis. Avis défavorable.

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Je comprends la réflexion du président Chassaigne. J'ai senti chez le rapporteur, en travaillant avec lui, la volonté de faire oeuvre utile et non celle de faire de l'affichage. Si nous sommes, à ce stade, opposés aux amendements, c'est parce que nous sommes opposés au texte en lui-même, mais cela ne veut pas dire que le travail de fond n'aura pas été engagé. Je peux affirmer que nous avons apprécié votre contribution.

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Ce n'est vraiment pas ma conception du travail législatif : on peut se prononcer dans tel ou tel sens sur le texte final tout en travaillant pas à pas sur le contenu, en essayant de l'adapter – en l'occurrence, il s'agit de tenir compte des observations du Conseil d'État. Vous, vous votez contre des amendements dont vous considérez qu'ils vont dans le bon sens. Ce n'est pas du tout, je le répète, ma conception. Je trouve même votre démarche d'une extrême gravité : elle remet en cause, au nom de la volonté majoritaire, tout le travail que l'on peut faire sur un texte. Vous mettez en cause la dignité de notre fonction.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine alors l'amendement CL3 de Mme Marie-France Lorho.

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Si cet amendement peut sembler logique, il est en retrait par rapport à mon amendement CL10. Le Conseil d'État m'a convaincu qu'en raison de l'échelle des peines, il était cohérent d'attacher l'inéligibilité définitive à un crime dès la première occurrence, sans attendre le principe d'une récidive.

La Commission rejette l'amendement.

Elle rejette ensuite l'article 1er.

Après l'article 1er

La Commission examine l'amendement CL9 de Mme Laurence Vichnievsky.

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J'ai déjà dit quelques mots de l'objectif de cet amendement. Je voudrais ajouter que les débats parlementaires récents concernant le verrou de Bercy – lequel a été supprimé, prétend-on, alors que je considère qu'il a simplement été aménagé ; mais là n'est pas la question – ont fait apparaître que très peu de délinquants fiscaux étaient poursuivis. Je laisse à l'appréciation de mes collègues le cas du délinquant fiscal ayant agi en bande organisée ou ayant eu recours aux différents artifices que j'ai évoqués tout à l'heure – sociétés écrans, faux : bref, toute la panoplie de celui qui recherche le paradis fiscal. Le présent amendement vise à dire qu'un élu de la République ne peut pas avoir été convaincu de fraude fiscale : il s'agit donc d'élargir le champ, trop restreint lors du débat sur la loi pour la confiance dans la vie politique. En l'état actuel des textes, la disposition frappant un fraudeur d'inéligibilité est assez vaine.

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Je suis favorable à cet amendement. Il me semble qu'en matière de fraude fiscale, l'élément qui doit disqualifier une personne pour l'exercice d'une fonction publique réside dans le principe même de la fraude et non dans ses modalités d'exécution.

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Encore une fois, nous ne sommes pas opposés a priori à cette disposition, à ceci près que cela suppose de rouvrir des discussions qui ont eu lieu il y a dix-huit mois.

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À ce compte-là, à quoi sert le grand débat ?

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Nous souhaitons simplement, à ce stade, voir comment s'appliquent les dispositions votées en 2017, qui renforçaient la loi de décembre 2016, avant de rouvrir le débat. Peut-être d'ailleurs d'autres éléments devront-ils être mis en place – c'est ce que le Conseil d'État a suggéré –, s'agissant notamment de la qualification des crimes et délits entraînant des peines d'inéligibilité.

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Je voudrais répondre à nos collègues et amis de la majorité au sujet de l'idée selon laquelle il faudrait attendre de disposer d'une évaluation des dispositifs de 2016 et de 2017 avant de changer quoi que ce soit. Lors des auditions, notamment celles des acteurs du système judiciaire, les magistrats ont insisté sur la durée des procédures : la plupart des affaires concernant des hommes politiques traînent pendant cinq, dix, quinze ans. Si l'on attend, comme vous le suggérez, la pleine application de la loi de 2017, ce sont nos lointains successeurs qui modifieront la loi dans les législatures futures. Pendant ce temps-là, les pommes pourries continueront à nuire.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CL11 rectifié du rapporteur.

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L'objet de cet amendement est de créer une procédure de relèvement spécifique dans le code de procédure pénale. Il s'agit, ici encore, d'une recommandation du Conseil d'État, qui tendait à autoriser le relèvement de l'inéligibilité dans le code de procédure pénale et non dans le code pénal. C'est aujourd'hui le droit commun qui s'applique, avec la possibilité de solliciter du tribunal un relèvement tous les six mois. Cela paraît d'autant plus excessif que les peines d'inéligibilité peuvent, depuis 2013, atteindre dix ans. Autrement dit, un individu condamné à la peine maximale pourrait encombrer le tribunal à dix-neuf reprises, sans d'ailleurs que les critères de relèvement figurent explicitement dans la loi.

Chers collègues, la majorité vient de voter le projet de loi relatif à la justice qui ferme par trop l'accès au juge dans des domaines où il est pourtant fondamental. Ce n'est pas le cas ici : on doit pouvoir demander à être relevé de la peine d'inéligibilité, bien sûr, mais dans des conditions raisonnables. Je vous propose donc que l'on puisse demander le relèvement par tranches de 20 % de la peine, soit quatre fois au cours de son exécution. Cela me semble largement suffisant pour assurer l'individualisation et la proportionnalité des peines. Je vous propose aussi que le relèvement nécessite la démonstration d'une conduite conforme à l'honneur et à la dignité, comme l'a recommandé le Conseil d'État.

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Effectivement, le Conseil d'État préconise de fixer en proportion de la peine à purger la durée au terme de laquelle il serait possible de demander le relèvement de l'inéligibilité. Un problème s'est posé dans le cas des condamnations à titre définitif : où fixer cette proportion ? Dans cette situation, on en revient à un nombre d'années. Si nous sommes amenés à retravailler sur ces questions, soit il nous faudra revenir à la proposition initiale qui fixait un certain nombre d'années au terme desquelles on pouvait réexaminer la situation, soit il faudra privilégier la règle proportionnelle et renoncer à l'inéligibilité à vie. Nous pourrons débattre de l'opportunité d'aggraver le dispositif.

La Commission rejette l'amendement.

Article 2 (art. 132-81 du code pénal) : Circonstance aggravante de la qualité d'élu ou de membre du Gouvernement

La Commission examine l'amendement CL12 du rapporteur.

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L'objet de cet amendement est de prévoir une circonstance aggravante pour les élus et les membres du Gouvernement.

Je vous propose de poser le principe selon lequel, pour un élu ou un membre du Gouvernement, la dignité des fonctions entraîne une exigence d'exemplarité. En conséquence, les peines encourues devraient être plus importantes.

Dans la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, vous avez décidé que les violences faites aux femmes sont plus lourdement sanctionnées si elles sont le fait du conjoint : vous avez eu raison. En cohérence avec les votes passés, je vous propose de prévoir que les agressions sexuelles soient plus gravement punies quand elles sont le fait d'un parlementaire ou d'un élu qui parade quotidiennement à la télévision pour dénoncer les comportements dont il se rend pourtant coupable. En d'autres termes, un ministre du budget qui frauderait le fisc encourrait une peine plus lourde qu'un plombier, un chômeur ou un entrepreneur dans la même situation. C'est d'ailleurs discrètement prévu dans la loi puisque, depuis 2013, la peine complémentaire d'inéligibilité encourue est doublée quand l'auteur des faits est un élu ou un membre du Gouvernement. Il reviendra au juge, à l'avenir, d'appliquer ce principe au cas par cas. C'est un acte politique fort qui est proposé ici, je pense que les Français l'exigent et qu'ils ont raison.

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Des dispositions existent déjà pour reconnaître des circonstances aggravantes, et le juge a les moyens de les appliquer dans un certain nombre de situations. Voyons d'abord comment les choses se passent compte tenu des textes de 2013, 2016 et 2017.

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Monsieur Rebeyrotte, je comprends que l'on puisse avoir des appréciations nuancées sur cette situation, mais considérer que la recommandation du Conseil d'État ne doit pas être prise en compte ne semble pas un bon argument. Vous feriez certainement un excellent conseiller d'État, cher collègue, puisque ce dernier a travaillé sur cette proposition de loi, fait ces recommandations, mais vous estimez maintenant que ses recommandations ne sont pas opportunes.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 2.

Article 3 : Application sur l'ensemble du territoire national

La Commission est saisie de l'amendement CL13 du rapporteur.

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Cet amendement tend à l'application des articles précédents à l'ensemble du territoire national, donc également à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'à Wallis-et-Futuna.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 3.

Titre

La Commission examine l'amendement CL14 du rapporteur.

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Les articles de la proposition de loi n'ayant pas été adoptés, cet amendement a beaucoup perdu de son intérêt…

La Commission rejette l'amendement.

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Je souhaite intervenir. Je vous prie de pardonner mon retard, j'ai manqué la discussion générale et je m'en excuse, j'étais parti soutenir un syndicaliste.

Je voudrais vigoureusement protester contre le fait que les cinq amendements déposés par mon groupe ont été jugés irrecevables par la présidente de la Commission pour un motif qui me semble fallacieux : la prétendue absence de lien avec le texte. Ces amendements complétaient l'aspect répressif du texte par un volet préventif créant des obligations, pour les élus, de suivre un certain nombre de formations et de mettre en place des cellules de veille. Nous souhaitions contrebalancer l'approche répressive par un statut de l'élu plus protecteur et élargir le spectre du sujet.

Je constate que la dérive autoritaire n'existe pas juste au sein de l'exécutif, mais aussi au sein de notre Commission ! (Rires et exclamations.) Cela vous fait rire, mais ceux qui nous regardent savent qu'il y a eu un précédent avec la commission d'enquête sur l'affaire « Benalla ». J'ai écrit deux courriers au président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand pour demander la création d'une nouvelle commission d'enquête ; je n'ai reçu à ce jour aucune réponse.

Je comprends que les oppositions vous dérangent. Les propos de M. Chassaigne ont attesté de votre manière de traiter les journées d'initiative parlementaire et les textes examinés ici. Nous le verrons sans doute encore demain, lors de l'examen des propositions de loi de La France insoumise dans l'hémicycle, et lors de celui des textes de nos collègues, notamment de la Gauche démocrate et républicaine.

Il n'est pas possible de fonctionner de la sorte. Ce n'est pas l'idée que je me fais, à l'instar de nombreux autres, d'une assemblée et du travail parlementaire. Et l'on va nous expliquer ensuite, à propos de la justice des mineurs, que l'on met en place des groupes de contact pour discuter de la loi en dehors de l'Assemblée nationale alors que c'est précisément la fonction du Parlement !

Je ne comprends pas ce mode de fonctionnement. Nous vous avions écrit, madame la présidente, à propos des irrecevabilités. Les choses deviennent insupportables. Ce n'est pas la première fois. J'ai l'impression que vous voulez appliquer par anticipation votre réforme constitutionnelle qui, je le rappelle, chemine difficilement pour le moment.

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Il ne faut pas négliger ce qui vient d'être dit à l'instant, encore moins le traiter par des rires qui traduisent une forme de mépris. (Exclamations.) Vous ne m'empêcherez pas de dire ce que j'ai à dire. Vous nous empêchez déjà de débattre sur un certain nombre de sujets au motif qu'ils ont été débattus il y a dix-huit mois. Vous n'allez pas m'empêcher de dire que votre réaction à l'égard de ce que vient de dire un collègue relève du mépris.

Je ne sais pas si vous mesurez le niveau de considération accordée à l'initiative parlementaire. L'amendement dont nous venons de débattre consiste à corriger un titre. Quand cette proposition de loi m'a été présentée, j'ai été très étonné par son titre : « renforcer l'intégrité des mandats électifs et de la représentation nationale » ; j'ai considéré que cela ne voulait rien dire. Notre collègue veut corriger cet intitulé pour mentionner : « l'exigence d'intégrité des titulaires de fonctions gouvernementales ou de mandats électifs publics ». Je ne vois pas au nom de quoi je devrais lui refuser cette correction même si je ne voterai pas sa proposition de loi. Pourtant, c'est ce que vous venez de faire. Vous en arrivez à voter contre le bon sens. Si nous en sommes là, c'est extrêmement inquiétant pour la démocratie parlementaire.

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Il est surprenant, cher collègue, que, face à l'opinion publique que vous appelez à votre secours, vous arriviez avec un retard absolument colossal en Commission, trois minutes avant la fin de l'examen du texte. Nous avons débattu, chacun a pu dire ce qu'il avait à dire.

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Que vos amendements soient retenus ou non, nous trouvons surprenant votre comportement. Nous ne pensons pas que le travail parlementaire consiste à faire de l'affichage ou des coups politiques au sein de la Commission. Nous pensons plutôt qu'il s'agit de travail, de perspectives, d'évaluation, de reprendre le texte lorsque c'est nécessaire. Nous nous sommes exprimés. D'ailleurs, le Conseil d'État a aussi estimé dans son avis qu'il était trop tôt pour légiférer de nouveau et qu'il fallait stabiliser le droit après l'adoption des textes précédents. Chacun voit dans l'avis du Conseil d'État des positions différentes mais je tenais à souligner cet élément.

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Je vais répondre à M. Bernalicis, uniquement sur le plan du droit car il s'agit d'une question purement juridique.

La recevabilité des amendements, leur lien direct ou indirect avec le texte, est appréciée en faisant application de la Constitution ; il ne s'agit pas d'une dérive autoritaire mais des règles de droit, dont je me dois de faire assurer le respect en ma qualité de présidente de la commission des Lois.

J'ai déclaré irrecevables cinq amendements déposés sur cette proposition de loi. Vous contestez cette irrecevabilité en vous fondant notamment sur l'intitulé du texte. Ce n'est pas au titre de la proposition de loi qu'il faut se référer mais à son contenu. La substance des mesures qu'il est envisagé de prendre doit être rapprochée de celles qui figurent dans le texte initial.

Pour dire les choses différemment, permettez-moi de vous citer un extrait du commentaire d'une décision du Conseil constitutionnel du 4 août 2011 à propos de la décision n° 2007-546 du 25 janvier 2007 : « C'est le contenu même du projet ou de la proposition initiale qui est pris en compte ; l'exposé des motifs ou le titre du projet ou de la proposition, s'ils constituent des indices, ne constituent que des indices du contenu matériel des dispositions. »

Dans le même esprit, je vous renvoie à une décision, extrêmement récente puisqu'elle date du 25 octobre 2018, portant sur la loi relative à l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Le Conseil constitutionnel a censuré, sur ce motif de lien insuffisant, les articles 12, 21, 22, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 49, 56, 58, 59, 60, 78, 86 et 87.

Je ne crois pas respectueux de notre assemblée de débattre infiniment de dispositions vouées à être annulées. C'est perdre du temps parlementaire. Il vaut mieux se concentrer sur les dispositions des textes qui nous sont soumis.

Je précise que le texte de notre collègue Brotherson a un contenu exclusivement pénal ; il vise à réprimer davantage les infractions commises par les titulaires d'un mandat électif. Les amendements que vous avez déposés et que j'ai déclarés irrecevables s'inscrivent dans une logique extrêmement différente : l'un organisait le droit à la suspension du contrat de travail des élus pendant leur mandat : un autre était relatif à un droit à la formation des élus ; un troisième exigeait la publication des rendez-vous des parlementaires avec les groupes de pression ; un quatrième était relatif à la formation en matière de discriminations ; le dernier portait également sur les lobbyistes. Ils n'ont aucun lien avec le texte : c'est la raison pour laquelle je les ai déclarés irrecevables.

Je vous invite, si vous estimez ces dispositions essentielles, à déposer une proposition de loi. Vous en avez tout à fait le droit. Vous pourrez même si vous le souhaitez redéposer vos amendements en vue du débat en séance publique, mais j'imagine que la même appréciation sera alors portée à leur égard.

Je vous rappelle que les décisions d'irrecevabilité que je prends sont les mêmes à l'égard de tous les groupes parlementaires et du Gouvernement.

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En l'occurrence, seuls nos amendements ont été déclarés irrecevables !

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Sur ce texte, à part ceux du rapporteur, il n'y avait pas d'autres amendements que ceux de votre groupe. Je ne vais pas déclarer irrecevables des amendements dont je ne suis pas saisie !

En revanche, sur les derniers textes examinés par la commission des Lois, j'ai déclaré irrecevables des amendements du groupe majoritaire, du Gouvernement et de tous les groupes minoritaires ou d'opposition. C'est une règle à laquelle je continuerai de me tenir par respect pour la commission des Lois et pour l'Assemblée nationale. Je pense que les vice-présidents de cette Commission me suivent dans cette démarche respectueuse de notre Constitution.

Pour conclure, je constate que tous les articles de la proposition de loi que nous examinions ce matin ont été rejetés et qu'il n'y a pas lieu, dès lors, de procéder à un vote sur l'ensemble du texte, qui est rejeté. Le débat aura lieu en séance publique sur le texte initial.

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Je note que la majorité n'a pas définitivement clos la porte. Même si je suis déçu de cette position, nous sommes après tout en démocratie. Je voudrais conclure en partageant avec vous une citation d'Albert Einstein : « Le monde est dangereux à vivre. Non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. » J'espère que, le 7 mars, nous ne serons pas du côté de ceux qui regardent et laissent faire.

La Commission examine les conclusions de la mission d'information sur la justice des mineurs (M. Jean Terlier, président-rapporteur, et Mme Cécile Untermaier, co-rapporteure

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Cette réunion ne fait pas l'objet d'un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7294509_5c6d0ddf19e5e.commission-des-lois---renforcer-l-integrite-des-mandats-electifs--conclusions-de-la-mission-d-info-20-fevrier-2019

Suspension

Conclusions de la mission d’information sur la justice des mineurs

Questions des députés

Questions des députés

La réunion s'achève à 13 heures.

Informations relatives à la Commission

- La Commission a désigné M. Guillaume Vuilletet rapporteur sur le projet de loi organique portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française et sur le projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française.

- Conformément à l'article 103 du Règlement, la présidente a fait part à la Commission de son intention de demander que la proposition de loi relative à la représentation des personnels administratifs, techniques et spécialisés au sein des conseils d'administration des services départementaux d'incendie et de secours adoptée le 30 octobre 2018 par le Sénat (n° 1356) fasse l'objet de la procédure d'examen simplifiée lorsqu'elle sera inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Moetai Brotherson, M. Vincent Bru, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Bastien Lachaud, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Naïma Moutchou, M. Didier Paris, Mme George Pau-Langevin, M. Éric Poulliat, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Maina Sage, M. Hervé Saulignac, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Hélène Zannier, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Jean-François Eliaou, Mme Paula Forteza, M. Gilles Le Gendre

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-François Cesarini, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Nicole Sanquer