Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 20 mars 2019 à 17h15

Résumé de la réunion

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  • algérie
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La réunion

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Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Yves Le Drian, Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères

La séance est ouverte à 17 heures 15.

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Chers collègues, je remercie le ministre de l'Europe et des affaires étrangères d'être présent aujourd'hui comme chaque mois pour cette audition ouverte à la presse.

Permettez-moi tout d'abord d'exprimer notre solidarité avec la Nouvelle-Zélande qui a été touchée le 15 mars dernier par un attentat terroriste particulièrement meurtrier. Cet attentat nous rappelle que nous devons accorder une attention de tous les instants à la lutte contre les extrémismes.

Deux pays ont été ces derniers temps sous les feux de l'actualité internationale : l'Algérie et le Venezuela.

L'Algérie vit un moment essentiel de son histoire. Le président Bouteflika a annoncé le 11 mars dernier à la fois l'annulation de la prochaine élection présidentielle prévue le 18 avril et sa décision de ne pas briguer un cinquième mandat, ainsi qu'une feuille de route pour une transition politique. Il a également nommé un nouveau gouvernement. Ces décisions n'ont cependant pas mis fin à la mobilisation populaire qui demeure massive et pacifique, comme l'a encore illustré la journée de vendredi dernier. Nous souhaiterions bien sûr connaître votre sentiment sur le processus en cours et les perspectives.

Au Venezuela, l'évolution de la situation sociale et économique apparaît très préoccupante, aggravée par une panne de courant massive, qui se prolonge dans certaines régions. La population est en grande difficulté, et la situation politique instable. Tout cela illustre l'extrême fragilité du pays dont on a le sentiment qu'il pourrait à tout moment basculer. La France a reconnu Juan Guaidó comme président par intérim pour organiser des élections présidentielles. Voyez-vous une sortie de crise à court terme ?

Sur le Brexit, vous avez affirmé que seules deux solutions étaient possibles : la ratification de l'accord de retrait ou une sortie sans accord, toute renégociation étant exclue. Vous avez rappelé qu'une extension de la période de négociation jusqu'au 30 juin, comme le demande Theresa May aux Vingt-Sept, qui devront se prononcer lors du Conseil européen de demain, ne saurait être acceptée que si elle a pour objectif de finaliser la ratification de l'accord. Vous avez précisé que Theresa May devrait apporter des garanties suffisantes. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Concernant le Proche et Moyen Orient, nous avons eu l'occasion lors de notre récent déplacement, le week-end dernier, en Tunisie de rencontrer notre ambassadrice en Libye. Elle a évoqué avec nous la rencontre, le 27 février dernier, du Premier ministre Sarraj et du maréchal Haftar, à Abou Dhabi, qui leur aurait permis de s'entendre – je le dis au conditionnel car tout, dans ce pays, peut se faire et se défaire – sur de grands principes en vue d'un futur accord. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Au Yémen, la mise en oeuvre du processus de Stockholm est aujourd'hui systématiquement reportée par les parties. En témoignent la poursuite des violations du cessez-le-feu à Hodeïda et les difficultés à mettre en oeuvre les opérations de retrait. Il n'y a pourtant, nous le savons tous, pas d'autre possibilité que la poursuite de ce processus. Il est donc urgent de faire pression sur l'ensemble des parties pour progresser concrètement dans la mise en oeuvre des accords de Stockholm. Les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite semblent désireux de trouver une issue à cette guerre qu'ils savent, à notre avis, ne pas pouvoir gagner. Il faut en profiter pour accentuer les pressions. La situation humaine est catastrophique avec 24 millions de Yéménites, soit 80 % de la population, qui ont besoin d'une aide humanitaire, parmi lesquels 10 millions sont considérés au bord de la famine.

Vous revenez, monsieur le ministre, d'un voyage dans la Corne de l'Afrique avec le Président de la République. Vous le savez, notre commission s'est rendue à Djibouti et en Éthiopie en mai 2018. Elle a depuis lors complété cette mission en se rendant le mois dernier en Érythrée. Nous avons plaidé, en ce qui concerne Djibouti, pour un renforcement de notre présence militaire, économique et culturelle. En Éthiopie, nous sommes très favorables au soutien des réformes courageuses entreprises par le Premier ministre, qui doit faire face à des tensions renouvelées entre les régions et une situation économique difficiles. Nous souhaitons que la France accentue ses efforts en faveur de la stabilisation de la Corne de l'Afrique et de l'apurement des différents contentieux qui subsistent. Vous nous en direz davantage sur les suites de la visite présidentielle.

Enfin, je voudrais rappeler que nous fêtons aujourd'hui 20 mars la Journée de la francophonie. Notre commission y est très attachée. La francophonie constitue un outil incomparable de diffusion de notre langue et des valeurs humanistes qui sont les nôtres. Je souhaite donc une bonne fête à cette francophonie.

Monsieur le ministre, je vous cède la parole, avant un temps d'échange, comme d'habitude.

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Jean-Yves le Drian, Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je ferai le point sur ce qui s'est passé depuis le 13 février, date de ma précédente audition, au cours de laquelle je me suis exprimé sur toute une série de sujets. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai déjà dit et considérerai que tout le monde est déjà au courant.

Je serai donc un peu rapide sur le Levant, Daech et la Syrie, et vous donnerai les grandes lignes de ce qui s'est passé depuis le 13 février dernier. Le plus important, c'est que la défaite territoriale de Daech se confirme, avec les attaques des Forces démocratiques syriennes (FDS), appuyées par la coalition, dans la zone de Baghouz. Tout nous laisse à penser que la défaite définitive de Daech pourra être annoncée dans quelques jours – le président Trump l'a déjà annoncée il y a un certain temps, mais elle n'avait pas encore eu lieu. Elle sera annoncée soit par les Forces démocratiques syriennes du général Mazloum, soit par la coalition, mais c'est imminent. C'est une étape importante que cette fin de l'occupation territoriale. Il nous faut à cet égard dire quels furent le courage et la persévérance des Forces démocratiques syriennes et reconnaître qu'elles nous inspirent une certaine forme d'admiration. Je le redis ici parce que ce sont ces forces à dominante kurde qui vont libérer le territoire de ce terrorisme qui a ensanglanté la France à de nombreuses reprises. Cela signifie qu'il n'est pas envisageable pour nous d'abandonner ceux qui furent, sur le terrain, nos meilleurs alliés contre Daech.

Nous n'en avons cependant pas fini avec Daech, qui continuera de menacer la France, qui restera une menace en Irak et au Levant, avec de nouveaux modes d'action, dans une clandestinité qui n'empêche pas de commettre des attentats ou des actions très fortes. En outre, un certain nombre de combattants peuvent s'exiler ailleurs, en particulier en Afghanistan, mais pas uniquement – également dans des régions lointaines comme l'Indonésie. Le combat contre Daech n'est pas terminé, mais nous en avons fini avec sa maîtrise d'un territoire tenu depuis 2014 ; ce n'est pas rien.

J'en viens à la discussion que nous avons avec les États-Unis sur la zone nord-est. Dans un premier temps, le président Trump avait annoncé le retrait américain et suggéré que d'autres fortes puissent assumer la sécurité de cette zone, ce qui avait provoqué toute une série de postures et de positionnements, notamment des Forces démocratiques syriennes, qui avaient tenté d'ouvrir des discussions avec le gouvernement de Damas mais aussi avec les Russes. S'ensuivirent un certain nombre d'interrogations sur la manière dont les Turcs allaient réagir dans cette zone qui était quand même très sensible.

Depuis lors, la position américaine a évolué. Mme Parly, aux États-Unis avant-hier et hier, a commencé à discuter avec les Américains pour essayer d'avoir des réponses à différentes questions : si, d'aventure, le dispositif militaire américain se maintient, quels seront les contours de sa présence ? Quelle sera la mission ? Quelles seront les capacités ? Quelle sera la présence au sol ? C'est des réponses, que nous n'avons pas encore, à ces questions que dépendra notre capacité collective à poursuivre le combat contre Daech dans la nouvelle phase qui s'engage. C'est sur les bases des informations que nous n'avons pas encore – je le précise très clairement en cette audition publique – que le président de la République déterminera le moment venu, l'éventualité d'une contribution française. Nous en sommes là et, moi aussi, j'en suis là.

Autre remarque sur cette nouvelle donne depuis le 13 février, c'est que les batailles qui ont eu lieu à Baghouz et dans la zone ont entraîné des mouvements de population importants. Ces populations ont été évacuées par les Forces démocratiques syriennes avant et pendant les combats dans des camps conçus pour accueillir bien moins de réfugiés. Je songe en particulier au camp d'Al-Hol – mais c'est pareil au camp de Roj. Il y a 70 000 personnes au camp d'Al-Hol, pour 20 000 places… Les conditions humanitaires, depuis une semaine, sont particulièrement déplorables, ce qui m'a amené, lundi matin, lors de la réunion des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, à exprimer le souhait d'une accélération de l'aide humanitaire européenne. Nous-même avons décidé d'accompagner davantage. Il ne faudrait pas que des combattants djihadistes, de pays différents, qui ont été sortis de la zone de combat et mis dans des camps, soient amenés à exercer une influence sur des populations civiles réfugiées. Cela entraînerait très rapidement de nouvelles formes de violence. Il faut être très prudent. En étant réactifs, nous montrerons notre implication dans le conflit comme dans le processus de paix. Il y a, dans tout cela, une urgence.

S'est en outre tenue, le 1er mars dernier, une conférence humanitaire dite « Bruxelles III », qui a suscité une mobilisation financière significative. Pour notre part, nous avons pris des engagements à hauteur d'un peu plus de 1 milliard d'euros pour la période 2019-2021, en prêts et en dons, en vue de d'aider la zone Nord-Est et, plus globalement, la Syrie, mais aussi les pays qui accueillent des réfugiés, en particulier le Liban et la Jordanie. La plus grande partie de l'aide française et de l'aide mobilisée par l'Union européenne dans le cadre de « Bruxelles III » sera affectée aux réfugiés dans ces deux pays.

Quant au processus politique, le nouvel envoyé spécial du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (ONU), M. Geir Pedersen, a ouvert des discussions avec les uns et les autres. Il essaie de trouver une solution pour une reprise politique, qui n'existe pas encore. En ce qui nous concerne, nous réunirons le small group, dont je vous ai parlé à plusieurs reprises, à Washington, le 3 ou le 4 avril, pour essayer d'avancer sur la voie d'une issue politique. La situation est dramatique, avec 11 millions de réfugiés et déplacés.

Depuis notre dernière rencontre, le seul élément nouveau à propos de l'Irak fut la visite à Paris du président Barham Salih, qui a été reçu par le Président de la République et par moi-même. Cela nous a permis de faire le point de la situation. Cette visite permet de continuer l'affirmation d'une diplomatie irakienne indépendante. Vous aviez pu constater, madame la présidente, lors de nos déplacements la volonté d'affirmer la souveraineté du pays et de constituer un pôle d'équilibre au Moyen-Orient. Cette ligne a été confortée et même réaffirmée lors de la réunion de la Ligue arabe et de l'Union européenne à Charm el-Cheikh le 25 février dernier, où je représentais la France. Un soutien à la nouvelle donne irakienne s'est exprimé, ce qui est quand même très important. Il apparaît que le côté inclusif indispensable à un processus de paix en Irak se poursuit. Comme je vous l'avais dit, nous avons créé un dispositif d'appui financier aux entreprises françaises : 20 milliards d'euros que nous mettons à la disposition des entreprises qui veulent investir en Irak. C'est un pays riche, avec la reprise du contrôle des ressources énergétiques. Il y a une phase de transition à bien assurer, et il faut notamment prévenir les risques de retour du terrorisme. Il importe que nous puissions continuer à aider l'Irak dans cette dynamique. Nous maintiendrons notre présence militaire de formation, et les États-Unis aussi – ils l'ont fait savoir –, pour faire en sorte que l'affirmation de l'Irak comme élément de renouvellement du rapport des rapports de force au sein de la zone puisse progressivement se faire le mieux possible.

Il a été décidé de faire revenir cinq petits enfants orphelins de la zone d'Al-Hol, en raison de l'extrême vulnérabilité dans laquelle ils se trouvaient. Ils ont été pris en charge par la France, conformément aux dispositifs judiciaire et de protection des enfants. Cela ne change rien à notre ligne générale : les combattants doivent être jugés là où ils ont commis des faits passibles de poursuites, mais, en ce qui concerne ces orphelins bien identifiés comme tels, et en relation avec les autorités des Forces démocratiques syriennes, nous avons pensé qu'il était important de les rapatrier en France. Ils sont âgés de moins de cinq ans – je crois que l'un a un an et que deux ont deux ans – et ce sont des orphelins français. Si d'autres cas se présentent, nous pourrions agir de même, mais voilà où nous en sommes. Cette initiative a été prise par le centre de crise de mon ministère, en relation avec les services de Mme Parly.

Je me trouvais avant-hier et hier en Libye. Que dire d'un pays où la donne change très régulièrement ? Tout d'abord, un accord de principe a été conclu à Abou Dhabi, dans une relation directe entre le président Fayez el-Sarraj et le maréchal Haftar. Sur la base de quelques principes fondamentaux, ils se sont mis d'accord verbalement. C'était le 27 février dernier, en présence du représentant du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, M. Ghassan Salamé. Comment a-t-on pu parvenir à cet accord de principe maintenant public, y compris en Libye ? En grande partie par une évolution du rapport de force, puisque les forces de l'Armée nationale libyenne, dirigées par le maréchal Haftar ont pénétré dans le sud du pays et tiennent à peu près aujourd'hui les deux tiers de l'ensemble de la Libye, y compris les champs de pétrole d'El-Charara, que le maréchal Haftar a remis – acte politique important –, aux autorités libyennes, puisqu'il y a toujours des autorités libyennes unies, sous la forme de la National Oil Company, qui gère le pétrole libyen et le fait exploiter par un certain nombre d'intervenants. Par ailleurs, l'armée nationale libyenne a eu avec les tribus du sud des relations positives.

Le rapport de force a donc ainsi évolué, et le président et le maréchal ont eu des rencontres qui permettaient d'engager un processus politique, qui se traduirait par une modification du Conseil présidentiel avec un président, qui resterait le président Fayez el-Sarraj, un représentant du Sud et un représentant de l'Est, le président Sarraj représentant lui-même l'Ouest, un dispositif lié à un Conseil national de sécurité, tout cela devant se conclure devant une commission de réconciliation nationale et ensuite permettre un processus électoral complet – élection présidentielle et élections législatives. Nous n'en sommes pas encore à la validation complète, mais nous n'en sommes pas loin, et M. Salamé a annoncé tout à l'heure, devant le Conseil de sécurité, la réunion de la conférence nationale qui devrait permettre de mettre en oeuvre l'ensemble du dispositif. Nous souhaitons que cela se passe ainsi, et je crois que tout le monde est d'accord : les deux parties libyennes, qui veulent aboutir, la population libyenne, qui n'en peut plus, et l'ensemble des voisins – les Européens, notamment les Italiens, les Américains et les Tunisiens, dont j'ai d'ailleurs rencontré le président avant-hier soir pour lui faire part des discussions que j'avais pu avoir. Tout cela est plutôt positif, mais, en Libye, il y a toujours des surprises ; il faut donc être très vigilant mais il n'est pas fréquent que l'on puisse ainsi faire part de développements positifs à propos de la situation en Libye.

Quant à l'Algérie, je voudrais dire les choses de manière très claire, parce que, au cours des derniers jours, notre position a donné lieu à des détournements, des incompréhensions, des raccourcis. C'est sans doute attendu compte tenu des relations profondes et complexes que nous avons avec ce pays, mais l'importance de ce qui se passe en Algérie, d'une part, et de nos liens de toute nature avec ce pays, d'autre part, exige que l'on clarifie les choses, ce que je fais donc si besoin est. D'abord, l'Algérie est un pays souverain – la journée d'hier marquait d'ailleurs le cinquante-septième anniversaire des accords d'Évian. La France n'a donc pas à s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Algérie ; elle n'a pas à le faire et ne cherche pas à le faire. C'est au peuple algérien et à lui seul qu'il revient de décider souverainement de son avenir ; il a d'ailleurs montré au cours des dernières semaines qu'il était déterminé à faire entendre sa voix. Nous assistons depuis plusieurs semaines à un mouvement de fond que nous suivons avec beaucoup d'attention, avec un peu d'admiration aussi, parce que ces manifestations se déroulent dans un civisme et une dignité qui ne peuvent être que saluer. Cette liberté, cette dignité doivent être respectées, mais la solution appartient aux Algériens, il ne revient pas à la France de se prononcer sur les choix qui devront être faits. C'est aux seuls Algériens d'en décider par le dialogue démocratique. Le souhait de la France, c'est qu'une forme de transition puisse s'engager rapidement pour répondre aux aspirations profondes qui continuent de s'exprimer. Pour accompagner cette dynamique, nous parlons aux autorités algériennes mais nous écoutons aussi la société civile dans son expression forte. L'Algérie doit maintenant tracer son avenir, il prendra la forme qu'auront choisie les Algériens. Pour notre part, nous resterons aux côtés de l'Algérie et des Algériens dans le respect, l'amitié et la fidélité.

Au Venezuela, la situation humanitaire ne cesse de se détériorer. Une panne d'électricité massive ces dernières semaines a eu des conséquences dramatiques pour la population. Malgré un retour relatif à la normale, la situation électrique dans le pays reste instable et aléatoire. Il importe que les autorités chavistes fassent en sorte que l'aide internationale mise en oeuvre par les Nations unies dans le strict respect des principes humanitaires puisse être opérée, et nous estimons que l'aide humanitaire ne doit être instrumentalisée ni par l'une par l'autre des parties. Avec l'Union européenne, nous poursuivons nos efforts en ce sens, notamment à travers le groupe de contact international qui a été créé à l'initiative de l'Union européenne, dont nous faisons partie et qui vise non seulement à aider l'acheminement de l'aide humanitaire mais aussi à faire en sorte qu'il y ait une véritable transition politique. Ce groupe de contact permet précisément de parler avec les uns et avec les autres. Il se réunira à Quito, le 28 mars, au niveau ministériel, pour essayer d'avancer dans ces relations. Nous sommes aussi en relation avec le groupe de Lima, dont nous avons pu observer avec intérêt qu'il écartait toute option militaire – c'était notre position au départ, c'est la position du groupe de contact qui s'était réuni à Montevideo, c'est maintenant aussi celle du groupe de Lima, qui estime que l'option militaire ne serait pas supportable. Il faut maintenant une sortie de crise qui passe, comme j'ai déjà dit devant cette commission, par l'organisation d'une élection présidentielle libre et transparente. C'est la seule solution pour sortir le pays de la crise.

Quant au Brexit, je me suis exprimé tout à l'heure lors des questions au Gouvernement et, en l'absence d'informations supplémentaires qui me seraient parvenues entre-temps, je n'ai pas beaucoup à ajouter à ce que j'ai alors dit. Je voulais simplement souligner un point – cela n'a peut-être suffisamment compris mais je l'ai évoqué dans ma deuxième réponse, tout à l'heure, dans l'hémicycle. Les documents de réassurance, qui avaient été négociés avec Jean-Claude Juncker, portent essentiellement sur le fait que le backstop n'est pas éternel et qu'il faut que l'ensemble des acteurs fassent en sorte qu'on puisse aboutir à une solution qui évite la mise en oeuvre du backstop, mais ce n'est pas dans le contrat, c'est simplement une volonté affirmée de part et d'autre d'avancer. Ce point sera vraisemblablement évoqué lors de la réunion du Conseil européen. C'est la raison pour laquelle la Première ministre britannique demande un report de trois mois, mais elle s'engage à provoquer un troisième vote avant le 29 mars. C'est ce qui est sur la table à l'heure actuelle, mais je crois comprendre que Mme May fera une déclaration ce soir.

Avant de parler de l'Afrique de l'Est où j'ai accompagné le Président de la République au début de la semaine dernière, je voulais dire quelques mots sur l'Afrique du Sud, puisque j'ai eu l'occasion de m'y rendre la semaine précédente, pour vous dire l'importance de ce pays, l'attente de France de ce pays. J'ai eu de longs entretiens avec ma collègue Sisulu, qui est la fille de Walter Sisulu, le compagnon de Mandela. Ces discussions ont permis de faire en sorte qu'un dialogue politique se tienne désormais régulièrement au niveau ministériel ; c'est une avancée significative.

Ensuite, comme l'Afrique du Sud siégera au Conseil de sécurité cette année et l'année prochaine, ce sera un partenaire important, d'autant plus qu'elle présidera l'Union africaine en 2020, et nous pouvons nous appuyer sur notre proximité avec l'Afrique du Sud pour renforcer les coopérations dans l'océan Indien. Nous avons beaucoup avancé aussi au niveau économique, parce que nos entreprises sont très présentes en Afrique du Sud, même si la relation politique était très distendue depuis plusieurs années. La reprise de discussions politiques avec ce pays doit être signalée et renforcée. Deux grandes entreprises françaises, Alstom et Saint-Gobain, sont présentes en Afrique du Sud, où elles mènent des actions d'innovation et de formation considérables. Nous avons aussi une relation très forte dans le domaine scientifique et culturel. Il ne manquait plus qu'une action politique forte, mais elle est maintenant au rendez-vous ; je voulais signaler cet élément nouveau très significatif à votre commission. Il intervient notamment à la suite du changement de président, M. Zuma étant parti au mois de mai 2018 ; la relation avec le nouveau président est très positive.

J'en viens à l'Afrique de l'Est. Vous avez fait état, madame la présidente, du déplacement que le Président de la République a effectué à Djibouti, en Éthiopie et au Kenya la semaine dernière. Cette visite au Kenya est un fait historique, puisqu'aucun président français ne s'était jamais rendu dans ce pays, pourtant dynamique et assez exemplaire. En Éthiopie, comme à Djibouti, la dernière visite d'un président français remontait à de nombreuses années. Cette visite a donc été bien accueillie.

Nous avons renoué le dialogue avec Djibouti, un pays qui, pendant très longtemps, a entretenu une relation, sinon exclusive, du moins très privilégiée avec la Chine. Nous avons ressenti la volonté des autorités djiboutiennes d'entamer un nouveau dialogue avec la France et de relancer avec elle un partenariat que le Président de la République a appelé de ses voeux et que nous souhaitons respectueux et transparent.

L'Éthiopie a un nouveau Premier ministre, M. Abiy Ahmed, qui a déjà engagé de nombreuses réformes, et la Présidente de la République, Mme Sahle-Work Zewde, en poste depuis quelques mois, parle très bien français. Nous avons noué une relation très forte et la France a marqué sa volonté d'appuyer les réformes importantes qu'initie le Premier ministre éthiopien. Nous souhaitons avoir, dans les domaines économique et culturel, une relation suivie avec ce pays qui prend des risques, et dont le Premier ministre est très audacieux. Il a notamment le mérite d'avoir normalisé les relations de son pays avec l'Érythrée : cela crée des bouleversements dans la région, mais les initiatives qu'il a prises, à l'intérieur comme à l'extérieur, sont des initiatives de paix, et nous devons lui rendre hommage pour cela. Nous avons également lancé des coopérations dans le domaine patrimonial, dans celui de la défense maritime et en matière économique. Vous le voyez, les perspectives sont nombreuses.

Addis-Abeba est le siège de la Commission de l'Union africaine. Nous avons eu des entretiens avec son président, M. Moussa Faki, qui viendra bientôt à Paris, puisqu'il a été décidé d'établir un dialogue stratégique entre la France et l'Union africaine à l'échelle du continent. La visite que le Président de la République a effectuée auprès de la Commission de l'Union africaine a été très significative, puisqu'elle a montré l'importance que nous accordons à cette organisation, qui est le symbole du multilatéralisme à l'échelle du continent africain.

La visite au Kenya a d'abord eu une dimension bilatérale. Le Kenya est lui aussi en attente de France et il cherche à diversifier ses partenaires économiques. Des investissements d'un montant de 2 milliards d'euros ont été annoncés par la présidence kenyane pour des entreprises françaises, dans le domaine des transports, de l'énergie et de l'environnement. Ce pays est également exemplaire du point de vue du multilatéralisme et de la protection de l'environnement, puisque le mix énergétique kenyan se compose à 75 % d'énergies renouvelables. Vous le voyez, les perspectives de coopération entre nos deux pays sont nombreuses.

Par ailleurs, nous avons pu, à l'occasion de cette visite, prendre part à la troisième édition – la première en Afrique – du One Planet Summit. Le Président de la République a prononcé un discours devant l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement et j'ai moi-même lancé à Nairobi l'initiative Choose Africa qui, conformément aux engagements pris par le Président de la République à Ouagadougou, nous permettra d'apporter un soutien financier aux PME qui naissent partout en Afrique. D'un montant de 2,5 milliards d'euros, ce soutien se répartira de la manière suivante : 1 milliard d'euros de prises de participations dans des start-up ou de petites entreprises qui démarrent, et 1 milliard d'euros de prêts et garanties. Ce déplacement a donc significativement renforcé l'implication de la France dans cette partie de l'Afrique.

J'aimerais à présent dire un mot de la Chine, puisque nous allons recevoir le président Xi Jinping à partir de dimanche. La séquence qui s'ouvre est particulièrement importante pour la relation franco-chinoise et pour les relations entre l'Union européenne et la Chine. Un sommet entre l'Union européenne et la Chine aura lieu le 9 avril, qui précédera une réunion dite « 16 + 1 », qui associera certains pays européens et la Chine. Ce périmètre n'est peut-être pas idéal, mais l'important, c'est que la réunion entre l'Union européenne et la Chine aura eu lieu avant. Tout cela se conclura par le sommet sur la Route de la soie, qui se tiendra à Pékin du 25 au 27 avril, et auquel je me rendrai. La visite du président Xi à Paris s'inscrit, vous le voyez, dans un calendrier très dense.

La Chine, pour nous, représente à la fois un défi et un partenaire. Nous oscillons constamment, avec ce pays, entre le souci de protection et le souci de coopération. Les domaines dans lesquels nous pouvons coopérer sont nombreux : le climat, la nécessité de réguler l'Organisation mondiale du commerce et, d'une manière générale, le multilatéralisme. Nous sommes également partenaires sur le règlement d'un certain nombre de crises, notamment la crise iranienne. Mais, d'un autre côté, nous devons nous montrer très vigilants, par exemple lorsque la Chine tente d'aspirer et d'attirer à elle nos technologies. Le discours de Xi'an, prononcé par le Président de la République lors de son déplacement en Chine au début de l'année 2018, a marqué une étape importante de notre partenariat. Nous voulons le partenariat avec la Chine, mais nous voulons qu'il soit « gagnant-gagnant ». Nous voulons une coopération, mais une coopération sincère : tel est l'objet de la visite du président chinois à Paris.

Dans le domaine du multilatéralisme, deux événements importants vont avoir lieu dans les jours qui viennent. Au début du mois d'avril, les ministres des affaires étrangères du G7 se réuniront à Dinard et à Saint-Malo. Avant cela, dès la fin de la semaine prochaine, je présiderai le Conseil de sécurité des Nations unies, puis j'assisterai aux réunions organisées par la présidence allemande, la semaine suivante.

Ces deux événements auront vocation à renforcer le multilatéralisme. Au Conseil de sécurité, nous marquerons notre soutien au maintien de la paix, particulièrement au Sahel, puisqu'une réunion sera spécifiquement consacrée à cette région, en présence du Premier ministre malien. Nous poserons la question de l'opportunité de poursuivre la Mission des Nations unies au Mali (MINUSMA), qui avait un temps été mise en cause par les États-Unis d'Amérique. Par ailleurs, nous aurons l'occasion, au cours de cette présidence, d'évoquer le renforcement du droit international humanitaire, en particulier la protection des personnels humanitaires et médicaux, un sujet que nous défendons conjointement avec l'Allemagne.

Nous préparerons également le coup d'envoi, en septembre prochain, du Sommet sur le climat organisé par le Secrétaire général de l'ONU, auquel le Président de la République souhaite que la France apporte un soutien important. Par ailleurs, avec mon collègue allemand, nous essaierons de réunir les puissances les plus actives dans le domaine du multilatéralisme pour donner du poids à notre projet commun d'alliance pour le multilatéralisme.

S'agissant de la présidence du G7 par la France, j'ai déjà indiqué les priorités que le Président de la République souhaite mettre en avant : la question des inégalités à l'échelle mondiale et les réponses communes à apporter aux défis de sécurité. Les enjeux africains seront également abordés, puisque le président de la Commission de l'Union africaine, M. Moussa Faki, sera présent à Dinard. Seront également présents des responsables d'organismes bancaires et de développement, ainsi que des représentants de l'ONU qui travaillent sur le développement de l'Afrique.

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Nous en venons maintenant aux interventions des représentants des groupes.

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Monsieur le ministre, je souhaite d'abord, au nom du groupe La République en Marche, saluer la responsabilité dont la France fait preuve face aux événements algériens. Nous partageons l'espoir de voir émerger une nouvelle dynamique politique, capable de répondre aux aspirations du peuple algérien. On sait que l'attitude de l'armée va être déterminante dans les semaines qui viennent, mais on distingue mal les rapports de force dans la société. Assiste-t-on à l'émergence de mouvements structurés, politiques ou syndicaux ? Quel espace existe-t-il pour les forces démocratiques ? Quelle place les islamistes peuvent-ils prendre dans cette recomposition ? Le Président de la République a appelé à une transition d'une durée raisonnable. Pouvez-vous nous indiquer ce que vous entendez par « raisonnable » ? Six mois ? Un an ? Un changement de Constitution est un processus long et exigeant : il est difficile d'imaginer qu'il aboutisse en quelques semaines.

Je souhaite aussi vous interroger sur la situation au Venezuela. Ce pays semble s'enfoncer dans une crise majeure. Pouvez-vous nous éclairer sur la position de l'Union européenne, que l'on a vue divisée face à l'ultimatum lancé le 3 février ? Quelle coopération diplomatique pouvons-nous envisager avec nos voisins et sur quels alliés pouvons-nous compter pour défendre notre position, notamment face aux menaces d'une intervention militaire du président américain ?

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Monsieur le ministre, je voudrais, au nom du groupe Les Républicains, évoquer un sujet qui mobilise non seulement la communauté internationale, mais aussi nos concitoyens, en particulier les plus jeunes, comme on l'a vu ces derniers jours : je veux parler de la lutte contre le réchauffement climatique, et donc de la démocratie climatique.

J'ai le bonheur de suivre ces questions au sein de notre commission, avec ma collègue Nicole Le Peih. La situation est complexe aujourd'hui, puisque la négociation implique 180 pays, sous l'égide des Nations unies. L'accord de Paris, même s'il est très bon, tarde à s'appliquer, et la situation est très préoccupante, puisque la feuille de route des pays signataires fait craindre au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) une augmentation, non pas de 1,5 ou 2° C, mais plutôt de 3,2 ou 3,5° C. Les deux années à venir vont être déterminantes, dans la mesure où l'accord de Paris prévoit une révision des engagements des pays signataires tous les cinq ans : cette révision aura lieu en 2020, et l'année 2019 sera donc cruciale. Monsieur le ministre, mes questions sont très simples : comment envisagez-vous cette diplomatie climatique ? Quelles négociations faut-il engager ? Et, surtout, comment parvenir à rehausser les ambitions des 180 pays signataires ?

On prépare actuellement la COP 25, qui n'aura pas lieu au Brésil, le président Jair Bolsonaro ayant décliné cette offre. C'est une mauvaise nouvelle, car ce grand pays a évidemment un rôle important à jouer pour la défense du climat. On a bien compris que le président brésilien est dans le sillage de M. Donald Trump et qu'il serait tout à fait prêt à sortir de l'accord de Paris. Que comptez-vous faire pour préparer l'événement essentiel que constituera cette COP 25 ?

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Monsieur le ministre, j'aimerais revenir, au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, sur la situation algérienne. Les enjeux de cette crise sont considérables et la France a un rôle à jouer, dont vous avez bien défini l'esprit. La transition proposée par le président Abdelaziz Bouteflika et les quelques changements qui se sont produits ces derniers jours ne suscitent pas l'adhésion du peuple algérien. Vous connaissez les risques d'une telle transition, puisque ce cas de figure s'est déjà produit dans l'histoire récente de l'Algérie : la transition avortée du début des années 1990 a engendré une décennie noire, dont l'Algérie a mis du temps à se sortir.

Aujourd'hui, les enjeux sont presque les mêmes : démocratisation, organisation d'élections libres et pluralistes, acceptation des résultats, mise en place d'un nouveau pouvoir légitime, définition d'une nouvelle stratégie économique et sociale. Il est capital que l'Algérie sorte par le haut de cette séquence : les manifestations massives de ces dernières semaines nous laissent à penser qu'une telle transition est possible, même s'il existe des éléments internes qui rendent évidemment les choses complexes, et peut-être moins consensuelles qu'il n'y paraît.

Dans ce contexte, les outils de coopération doivent être renforcés. Une occasion nous est offerte par l'annonce du Président de la République d'organiser le 24 juin prochain un sommet réunissant les pays des deux rives de la Méditerranée, sur la base de l'actuel dialogue « 5 + 5 ». Il importe que la société civile ait toute sa place dans ce sommet et qu'elle y contribue pleinement : nous devons tout faire pour que ce soit le cas. La collaboration méditerranéenne a fait l'objet de nombreuses tentatives, souvent infructueuses. Il s'agit pourtant d'un élément important de la stabilisation de la région et nous sommes heureux que la France entende reprendre l'initiative dans ce domaine.

Monsieur le ministre, ce sommet pourrait être une occasion de fédérer les peuples des deux rives autour de projets communs et d'une ambition commune. Quels sont les enjeux que revêt ce futur sommet et quels sont les objectifs poursuivis par votre ministère pour en faire une réussite et un marqueur fort de la coopération méditerranéenne ?

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Monsieur le ministre, je voudrais, au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, revenir sur la crise diplomatique franco-italienne, qui a culminé avec le rapatriement de notre ambassadeur Christian Masset le 7 février. Je ne vous cache pas que cet épisode a été très mal vécu par les près de 100 000 Français qui vivent en Italie. Même si je pense, à titre personnel, que les torts étaient partagés à l'origine, rien ne peut justifier les outrances et les dérapages à répétition des vice-présidents du conseil italiens, Luigi di Maio et Matteo Salvini. Depuis le 15 février, la situation semble s'apaiser, puisque notre ambassadeur est retourné à Rome et qu'une visite d'État du Président de la République italienne, Sergio Mattarella, est prévue pour le mois de mai. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire où nous en sommes ?

Ma deuxième question porte sur les droits des femmes en Iran. Il y a une semaine, alors que nous venions de célébrer la Journée internationale des droits des femmes, la justice iranienne condamnait Nasrin Sotoudeh, avocate militante des droits humains, à trente-huit ans de prison et 148 coups de fouet. Au même moment, au cours d'une mascarade dont l'ONU a le secret, l'Iran faisait son entrée dans sa commission de la « condition de la femme ». Monsieur le ministre, alors que le Président de la République a rendu hommage à Nasrin Sotoudeh à l'occasion de la remise du prix Simone-Veil, pendant combien de temps allons-nous continuer à avoir des relations normalisées avec la République islamique d'Iran, qui est un régime agressif, liberticide et misogyne ?

Mon dernier point concerne les relations franco-israéliennes. Le 22 février, la France a déclaré regretter le gel d'une partie des revenus fiscaux qu'Israël devait transférer à l'autorité palestinienne. De quoi s'agit-il, monsieur le ministre ? D'une somme de 122 millions d'euros que l'Autorité palestinienne a utilisée l'année dernière pour verser des pensions aux familles des terroristes. On aurait pu espérer que notre pays s'indigne de ces primes versées aux terroristes. Mais ce qu'il regrette, c'est la décision israélienne ! Monsieur le ministre, j'ai du mal à croire que nous ayons accordé une telle caution morale à la politique de terreur sponsorisée par l'autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, qui éloigne toute perspective de paix dans la région. Imaginez un seul instant qu'un pays allié de la France cautionne le versement d'allocations aux familles de Salah Abdeslam, Mehdi Nemmouche ou Mohammed Merah ! Pour moi, c'est exactement la même chose.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous expliquer pourquoi le Quai d'Orsay a adopté cette position incompréhensible, alors qu'il est resté silencieux face à l'assassinat d'un père de douze enfants et d'un jeune soldat de dix-neuf ans et face à la répression brutale que subit depuis jeudi dernier, de la part du pouvoir corrompu du Hamas, le peuple palestinien à Gaza ?

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Monsieur le ministre, même si la presse en parle un peu moins aujourd'hui, la situation continue de se dégrader au Venezuela, tant sur le plan politique que sur le plan humanitaire. Depuis votre dernière audition devant notre commission, le Président de la République a choisi d'emboîter le pas aux États-Unis en reconnaissant le chef de l'opposition, M. Juan Guaidó, comme président du Venezuela. Je souhaiterais, au nom du groupe Socialistes et apparentés, que vous nous exposiez les raisons qui ont amené notre diplomatie et le chef de l'État – ou plutôt le chef de l'État et notre diplomatie – à prendre parti dans ce conflit de légitimité qui oppose le président Nicolás Maduro au président de l'Assemblée nationale vénézuélienne. Vous avez parlé tout à l'heure de souveraineté à propos d'un pays qui est beaucoup plus proche de nous. Y aurait-il, dans votre esprit, des degrés de souveraineté ? Quelle différence faites-vous entre l'Algérie et le Venezuela ? D'un côté, on prend parti et, de l'autre, on fait preuve d'une vertu qui nous étonne un peu.

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Monsieur le ministre, j'ai invité aujourd'hui les députés de tous les groupes politiques, à l'exception des députés d'extrême droite, à une rencontre avec le collectif Familles unies, qui regroupe des familles dont les enfants ont été embrigadés et sont parties en Syrie. Vous le savez, des femmes et des enfants français se trouvent actuellement dans les camps d'Al-Hol et de Roj, dans une situation dramatique sur le plan humanitaire. C'est sur eux que je souhaite, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, vous interroger aujourd'hui.

Nous avons entendu des témoignages particulièrement poignants, et ceux de nos collègues qui étaient présents à cette rencontre pourront peut-être en parler. Le traumatisme vécu par ces familles est extrêmement profond et il doit être pris en compte. Or il me semble que le regard que la société pose sur elles est biaisé. Ces familles n'ont trouvé aucun soutien dans la société lorsqu'elles ont été confrontées à l'embrigadement de leurs enfants ou de leurs petits-enfants, qui se retrouvent aujourd'hui dans une situation dramatique à l'autre bout du monde. Or je crois que ces enfants sont l'une des clés pour comprendre les phénomènes d'embrigadement, et donc pour nous aider à combattre Daech. Nous avons, surtout, un devoir d'humanité envers eux : il est urgent de sauver les enfants qui sont en train de mourir dans ces camps. Il se trouve que le collectif Familles unies s'est adressé au Président de la République et au Gouvernement à de multiples reprises : il a adressé des lettres à Emmanuel Macron, à Edouard Philippe, à la ministre de la justice, Mme Nicole Belloubet, ainsi qu'à vous, monsieur le ministre, et il n'a reçu, en retour, que des accusés de réception.

Je crois sincèrement, monsieur le ministre, que vous honoreriez les valeurs de la France et que vous feriez oeuvre utile dans le combat contre Daech en prenant en considération ce que ces familles vivent et ce qu'elles ont à nous dire. Nous devons sauver ces enfants. L'une des femmes présentes à cette rencontre est la grand-mère de trois des six orphelins qui ont été rapatriés. Une autre grand-mère, également présente, venait d'apprendre que ses petits-enfants étaient morts. Je voudrais comprendre votre doctrine : pourquoi ne faudrait-il sauver que les orphelins ? À Al-Hol, qui compte 65 000 habitants, 127 décès ont été enregistrés depuis le 15 mars, dont 80 % concernent des enfants. Les personnes qui se trouvent là-bas subissent des traitements dégradants et inhumains et sont dans une situation de péril absolument scandaleuse. Deux plaintes ont été déposées par des avocats contre la France auprès de l'ONU sur la base de conventions que la France a signées, qui concernent la torture ou le droit des enfants. Je pense sincèrement que nous pouvons rapatrier ces enfants, comme nous l'avons fait par le passé dans d'autres pays. Quand les familles vous demandent des informations, des listes, vous les renvoyez vers la Croix-Rouge, mais celle-ci n'est pas capable de les informer. Comment allez-vous enfin prendre en compte cette urgence humanitaire et soutenir ces familles ? Le collectif Familles unies ne bénéficie d'aucune écoute, ni d'aucune subvention. Cette situation ne peut plus durer, dans le pays des droits humains.

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Monsieur le ministre, quelle est la situation de Laurent Fortin, à la veille de la venue du président chinois ? Notre boulanger va-t-il enfin pouvoir revenir en France ? Il n'y a pas qu'en Chine que le pouvoir utilise abusivement l'enfermement pour l'exemple. En France, Georges Ibrahim Abdallah est maintenu en détention en toute illégalité, alors qu'il a purgé sa peine de sûreté depuis 1999 et qu'il a fait de nombreuses demandes de mise en liberté. C'est un scandale, et même Yves Bonnet, qui était directeur de la direction de la surveillance du territoire (DST) à l'époque, se demande comment notre pays peut accepter les pressions internationales qui lui imposent de maintenir quelqu'un en prison illégalement.

En matière judiciaire, la France malmène aussi des réfugiés politiques. Le cas de Mohamed Kadamy, réfugié djiboutien vivant en France, est grave. Au-delà du fond de l'affaire judiciaire, que vous ne pouvez pas commenter, la France a-t-elle l'intention de collaborer avec la justice de pays que des gens ont fuis et de remettre en cause le statut de réfugié politique ? Si M. Kadamy est renvoyé à Djibouti pour des faits qui, vous en conviendrez, sont mineurs, ce sera un précédent extrêmement dangereux pour tous les autres réfugiés politiques en France.

Notre pays n'a pas le monopole de la brutalisation de la justice. La Cour pénale internationale (CPI) maintient Laurent Gbagbo, qui a pourtant été acquitté par cette même Cour, dans une sorte de liberté conditionnelle, avec une assignation à résidence dans un pays tiers en attendant l'épuisement de toutes les procédures d'appel. C'est contraire au droit. Pourquoi la France ne s'en indigne-t-elle pas, alors que toutes les conditions semblent réunies pour permettre un retour de l'ancien président ivoirien dans son pays et pour que la réconciliation y soit enfin menée ?

Enfin, j'aimerais connaître votre réaction à l'article publié aujourd'hui par L'Humanité. Il y est indiqué qu'en violation de la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui demande aux États de faire une distinction, dans les liens qu'ils peuvent avoir, entre Israël et les territoires occupés illégalement par cet État, l'agence publique Business France a organisé une réunion avec des partenaires économiques français pour valoriser certains projets menés par Israël dans les territoires occupés.

En tant que président du groupe d'amitié avec le Mozambique, j'ai aussi une pensée pour nos amis de ce pays, du Zimbabwe et du Malawi après le cyclone qui vient de causer de nombreux morts.

Je prendrai sans doute connaissance de votre réponse grâce à la vidéo, monsieur le ministre, ou, mieux encore, par le compte rendu, car je vais devoir m'absenter tout à l'heure, et je vous remercie de m'en excuser.

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Après l'intervention de Clémentine Autain, je voudrais dire aussi mon émotion au sujet des enfants, quelles que soient leurs origines. Je crois qu'on ne peut pas laisser faire des choses pareilles.

Vous revenez de Libye, monsieur le ministre. Vous avez salué les progrès significatifs qui ont été accomplis par les forces loyalistes contre les djihadistes. La gestion des flux migratoires venant de l'Afrique du Nord reste le maillon faible de l'Union européenne. Cela a été dénoncé par le Président de la République, par le Gouvernement et par vous-même en particulier.

Je ne partage pas complètement la philosophie appliquée en la matière, car je considère qu'elle ne résout pas le problème. La solution est européenne, bien sûr, mais la France pourrait envoyer un meilleur signal aux pays européens et au monde. Donner une impression de fermeté et tenter de dissuader des personnes qui souffrent, qui viennent pour des raisons humanitaires ou climatiques, et qui ont souvent été victimes d'horreurs dans leur pays ou dans ceux qu'elles ont traversés, ne fait pas partie de nos traditions.

Selon toutes les associations humanitaires, la Libye est un enfer pour les migrants qui veulent rejoindre l'Europe – vous en conviendrez avec moi, monsieur le ministre. Vous voyez où je veux en venir : je suis très surpris que la France puisse livrer des bateaux à la marine libyenne pour lutter contre l'immigration clandestine. J'apprécierais que notre pays s'implique un peu plus au niveau européen pour gérer cette crise sur ce plan. Je comprends moins que la France décide de gérer a minima un tel enjeu, en renvoyant très certainement des êtres humains vers l'enfer libyen.

Que savez-vous, monsieur le ministre, sur la décision de livrer des bateaux à la marine libyenne ? Par ailleurs, qu'avez-vous constaté en ce qui concerne l'apaisement – nécessaire – de la situation en Libye ? Enfin, existe-t-il un calendrier pour le retour de notre ambassade dans ce pays ?

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Je vais donner la parole au ministre pour répondre aux porte-parole des groupes, sachant que de nombreux autres députés souhaitent intervenir par la suite.

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Jean-Yves le Drian, Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères

En ce qui concerne l'Algérie, madame Le Peih et monsieur Joncour, j'ai dit dans mon propos introductif ce que je voulais dire. Je ne ferai pas de commentaires supplémentaires.

Par ailleurs, je reviendrai tout à l'heure sur la question du Sommet des deux rives.

S'agissant du Venezuela, pays sur lequel j'ai également été interrogé par d'autres intervenants, nous avons adopté une position extrêmement claire en ce qui concerne les déclarations relatives à une intervention militaire potentielle des autorités américaines. Je constate avec intérêt, comme je l'ai dit tout à l'heure, que le groupe de Lima a condamné cette hypothèse. Il faut condamner, en effet, le recours à la violence et à l'action militaire : ce serait catastrophique et donc nous nous y opposons.

Nous faisons partie du groupe de contact de l'Union européenne qui vise à favoriser les liens entre les parties en vue d'aboutir à un processus électoral – je réponds ainsi à M. David. Nous avons reconnu M. Guaidó comme ayant la responsabilité d'organiser les élections parce que l'Assemblée nationale, dont il est l'émanation et le président, a été reconnue comme dûment élue, dans des conditions normales sur le plan des élections et de la transparence, tandis que personne n'a reconnu la réélection du président Maduro. Nous pensons qu'il faut de nouvelles élections au Venezuela, qui soient préparées avec des garanties crédibles. Nous sommes tout à fait prêts à y contribuer. Nous avons envoyé des missions d'experts sur les questions électorales, dans le cadre de l'Union européenne et du groupe de contact.

Je précise également, même si M. David le sait bien, que l'aide humanitaire ne peut pas entrer au Venezuela. Si l'on veut faire des comparaisons avec un pays qui se trouve de l'autre côté de la Méditerranée, il faut rappeler que les manifestations sont réprimées au Venezuela alors qu'il va y avoir une élection présidentielle en Algérie. Il y a une différence de situation. Par ailleurs, vous connaissez les relations historiques que nous avons avec l'Algérie. C'est ce qui m'a amené à faire la déclaration que vous avez entendue tout à l'heure.

J'en viens à la question de M. Deflesselles sur la diplomatie écologique. Il y a effectivement une urgence en 2019, avec le sommet du Chili qu'il faut préparer. Je n'ai pas la même vision que vous, même si je ne vous ai pas senti trop pessimiste sur les résultats de la COP de Katowice : on a pu aboutir au résultat qui était prévu – on devait faire adopter les textes d'application de l'accord de Paris. C'est chose faite, et il y a donc un progrès. Mais il est vrai qu'il y a une urgence : tous les rapports, en particulier celui du GIEC, montrent qu'il faut agir rapidement pour faire en sorte que la transition soit rapide et profonde. Nous devons mobiliser les partenaires prêts à agir avec nous de manière offensive sur le climat, dont la Chine fait partie, avec d'autres pays tels que le Kenya.

Notre action diplomatique vise à mobiliser l'ensemble des partenaires qui veulent bien être un peu à l'avant-garde sur ce sujet, afin d'aboutir à un bon résultat lors de la COP 25. Cela passera par une mobilisation financière – ce n'est pas à vous que j'apprendrai l'existence de l'objectif de 100 milliards de dollars, dont les 10 milliards du Fonds vert. Ces derniers ont été mobilisés, et il va falloir les reconstituer maintenant. Les 100 milliards sont encore, en grande partie, à l'ordre du jour. C'est dans cet esprit que des initiatives ont été prises dans le cadre du One Planet Summit – il y en a eu trois, dont la dernière, adoptée au Kenya, a été très positive. Le Secrétaire général des Nations unies nous a demandé de préparer le sommet qui va se tenir dans le cadre de l'Assemblée générale, à New York, au mois de septembre. Nous avons la responsabilité de mobiliser les financements dans cette perspective. C'est notre priorité, et le soutien que nous avons est un élément très important.

Le Sommet des deux rives, monsieur Joncour, se tiendra à Marseille au mois de juin prochain. Le constat est que la Méditerranée occidentale est un espace de coopération pertinent. L'idée est de construire autour des cinq pays de la rive Nord et des cinq pays de la rive Sud une dynamique de coopération inclusive en s'appuyant sur les initiatives et les organisations existantes. C'est le moyen de dépasser, en dialoguant d'une rive à l'autre, les blocages qui peuvent exister entre pays européens et pays maghrébins. En ce qui concerne le contenu, nous avons des défis devant nous en matière d'énergie, de jeunesse, d'éducation, de culture et de développement durable. C'est sur ces défis que nous voulons nous mobiliser. La méthode, et c'est ce qui changera, consiste à travailler non seulement avec les Gouvernements mais aussi avec les sociétés civiles. Nous avons établi un calendrier pour faire en sorte qu'elles soient mobilisées. Une étape préalable importante aura lieu à Tunis au début du mois de juin, avant le Sommet des deux rives : nous allons réunir 100 représentants de la société civile des « 5 + 5 », afin que ce sommet soit vraiment inclusif et porteur d'un avenir, d'un projet dépassant la représentation des chefs d'État et de Gouvernement. J'ai été frappé en rencontrant le président Essebsi, avant-hier, par l'intérêt porté par la Tunisie à cet enjeu.

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Jean-Yves le Drian, Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères

Qui va présider le panel des 100 !

Il y aura une insertion de l'Algérie dans l'ensemble de ce dispositif, avec l'ensemble des pays directement concernés.

Je comprends votre émotion, madame Autain. Notre position n'a pas changé. Il y a d'abord le principe selon lequel les adultes combattants français doivent être jugés là où ils ont commis leurs actes – et quand je dis les combattants, cela veut dire aussi les combattantes.

Si vous me parlez des réfugiés, des populations civiles, il y a urgence, je l'ai dit tout à l'heure, à mobiliser l'aide humanitaire dans les camps, d'autant qu'il y a eu un afflux récent. Et cela concerne toutes les origines nationales. Mais j'imagine que ce ne sont pas ces enfants que vous évoquez : je n'ai pas le sentiment que l'association dont vous faites état soit une association de parents de réfugiés, qui sont les plus nombreux, qui n'ont pas combattu et qui sont les victimes majeures. Il faut que nous leur apportions un soutien rapide. Personne ne me fera croire – sauf décision de justice – que lorsqu'on est une mère et que l'on se rend à Raqqa, ou ailleurs dans cette zone, en 2015 ou 2016, c'est pour y faire du tourisme. Il s'agit de combattants et de combattantes contre la France, qui doivent être jugés là où ils ont commis leurs actes.

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Jean-Yves le Drian, Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères

Il faut être très clair sur ce point. Quand on allait à Raqqa en 2015, c'était pour engager des attentats conduits en France. Il faut le dire aussi aux parents des victimes dans notre pays.

En ce qui concerne les orphelins français, nous menons les actions que nous avons conduites et que nous continuerons éventuellement à conduire. Nous sommes en relation avec les grands-mères, ou les grands-pères, d'une manière très sereine, et je ne partage pas les propos que vous avez tenus sur l'absence de signalements. Nous n'avons pas de cas de mort d'enfants français de combattants. Nous sommes aussi en relation avec beaucoup d'acteurs qui font état de certaines préoccupations. Ce sont les mères qui ont choisi d'être là, et ce sont elles qui exercent l'autorité parentale. C'est une réalité. Nous respectons les droits de l'enfant et nous apprécions les situations au cas par cas, avec la Croix-Rouge internationale, si d'aventure il y a des cas à prendre particulièrement en considération. Voilà notre politique. Il y en a une. Vous pouvez ne pas être d'accord avec elle, mais elle existe.

M. Habib a évoqué plusieurs sujets.

S'agissant de notre relation avec l'Italie, nous ne pouvions pas accepter l'action et les propos de M. Di Maio. À un moment, le respect de notre propre souveraineté faisait qu'il importait de marquer une posture ferme, et je crois d'ailleurs qu'elle a été comprise, notamment par les Italiens. Je me suis exprimé dans la presse italienne sur ce sujet, notre ambassadeur est retourné à Rome, et j'ai des relations très régulières avec mon homologue italien – je me suis entretenu avec lui pas plus tard qu'hier. Je le fais sur toute une série de sujets, y compris la Libye. Le Président de la République italienne viendra en France dans quelque temps pour marquer que, même si nous avons des désaccords politiques avec le Gouvernement italien actuel, cela n'empêche pas des relations suivies entre deux pays amis, qui font partie des fondateurs de l'Union européenne.

En ce qui concerne le cas de Mme Sotoudeh, nous avons eu l'occasion d'exprimer fortement notre indignation. Vous avez rappelé qu'elle a été condamnée dans des conditions dégradantes. Il s'agit, en outre, d'une avocate qui a défendu les droits des femmes, en particulier celles qui contestent en Iran l'obligation du voile islamique. C'est aussi un symbole : l'engagement de Mme Sotoudeh lui a valu de recevoir en 2012 le prix Sakharov du Parlement européen, mais aussi des pressions, des arrestations et des peines d'emprisonnement. Le Président de la République a appelé à sa libération lors de la remise du premier prix Simone Veil, et nous restons très fermes sur cette ligne. Nous avons des relations avec l'Iran, il y a le sujet du respect de l'accord sur le nucléaire, qui nous paraît essentiel – nous honorons notre signature –, mais cela ne nous empêche pas d'être très fermes sur le respect du pacte international relatif aux droits civils et politiques. Nous demandons, je l'ai dit, la libération de Mme Sotoudeh.

Le paiement à l'Autorité palestinienne que vous avez évoqué correspond à un engagement d'Israël dans le cadre du protocole de Paris. Nous considérons qu'il doit être mis en oeuvre. En ce qui concerne le terrorisme, la position française est sans ambiguïté. Nous avons condamné la récente attaque à laquelle vous avez fait allusion.

Je connais l'attention que vous portez, monsieur Lecoq, à un certain nombre de cas, et je vous remercie d'y faire référence régulièrement. Je me suis encore entretenu avec mon homologue Wang Yi il y a quelques jours de l'affaire des farines, sur laquelle vous êtes revenu avec raison à plusieurs reprises. Nous souhaitons qu'un geste humanitaire soit fait par les autorités chinoises, et je ne peux que rejoindre votre point de vue.

Les affaires Abdallah et Kadamy concernent la justice. Je comprends que vous en fassiez part, mais vous comprendrez aussi que je ne fasse pas de commentaires.

Je n'ai pas vu l'article de L'Humanité que vous avez cité, mais je n'ai pas le sentiment que Business France ait agi d'une manière contraire aux orientations du Quai d'Orsay. Si c'est le cas, toutefois, j'en ferai la remarque.

S'agissant du Mozambique, je partage votre émotion. Nous en avons fait part et nous souhaitons que l'aide humanitaire, à laquelle nous participons – le Centre de crise est mobilisé sur ce sujet –, puisse arriver le plus rapidement possible. Ce qui se passe est une vraie catastrophe.

En ce qui concerne M. Gbagbo, je rappelle qu'il existe une Cour pénale internationale. Je n'ai pas d'avis particulier à donner.

Quant aux bateaux destinés à la Libye, on peut rouvrir le débat sur les migrations et les positions françaises… Il y a un gouvernement en Libye, qui est présidé par M. Sarraj. Il est reconnu internationalement et il doit avoir les moyens d'assurer la sécurité de ses propres côtes. Pour cela, il a besoin de bateaux. La France s'honore d'en avoir livré pour garantir la sécurité, avec des garde-côtes dont nous assurons la formation, avec d'autres. Que se passerait-il autrement ? Ce sont les mafias ou les trafiquants qui font passer des migrants, contre des financements importants. Ils les obligent à aller sur des bateaux partant au large sans aucun contrôle, avec les risques de mort que vous connaissez. Il faut protéger ces migrants, et il faut donc que la marine et les garde-côtes libyens aient les moyens nécessaires.

Pour ce qui est de notre ambassade, je suis allé sur place. Il y a eu des tirs il y a quelques jours, ce qui retarde un peu une installation définitive. Notre ambassadrice se rend régulièrement à Tripoli, et nous allons ouvrir notre ambassade dans les semaines qui viennent, dès que les mesures de sécurité finales auront été prises, après les incidents regrettables qui ont eu lieu récemment. La situation n'est pas encore totalement stabilisée.

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Nous en venons à une seconde série de questions. Je vais demander à mes collègues de ne pas être trop longs, car j'ai une douzaine de demandes de prise de parole, et il faut ensuite que le ministre puisse répondre.

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Je ne serai pas trop long.

Je ne reviendrai pas sur le cas de la militante féministe Nasrin Sotoudeh, car on en a déjà parlé. Il est vrai que l'affaire est cruelle, et vous avez dit votre désaccord, que je partage.

L'Iran est au 142e rang sur 149 pays dans le classement Gender Gap de 2018, établi par le Forum économique mondial. Ce pays n'a signé ni la convention de l'ONU sur l'élimination de toutes les formes de discriminations envers les femmes ni la convention de 1987 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La semaine dernière, l'Iran a pourtant commencé à siéger à la Commission de la condition de la femme des Nations Unies, ce qui est paradoxal et même révoltant, selon moi.

Je me suis d'ailleurs rendu à l'ONU la semaine dernière. La place des femmes dans les instances internationales reste toujours à défendre.

L'Iran semble aujourd'hui remettre complètement en cause les principes auxquels nous sommes tous profondément attachés ici. Comment la France a-t-elle accueilli la nomination de l'Iran, qui est loin d'être irréprochable sur la question des droits des femmes ?

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Ma question concerne le Sahel. Une attaque a été commise dimanche dernier à Dioura, au centre du Mali, contre un camp militaire. Cette offensive, qui a fait 21 morts, était extrêmement agressive. Malgré la présence accrue de forces militaires internationales dans le cadre de la MINUSMA, les violences continuent dans le centre du pays.

Vous allez vous rendre à New York dans quelques jours, et votre déplacement comportera d'importantes séquences consacrées au Sahel : le Conseil de sécurité doit faire le point sur la MINUSMA, et il est aussi question d'une réunion avec les ministres des affaires étrangères de la force conjointe du G5 Sahel. Comment abordez-vous les débats qui porteront sur les critères instaurés dans le cadre du processus de paix d'Alger ? Cela fait maintenant un certain nombre de mois que les nouvelles autorités maliennes ont été élues. Quelques progrès ont lieu ici et là sur le plan institutionnel. Cependant, la réalité des progrès sur le terrain est un sujet qui nous inquiète. Pouvez-vous commenter la situation ?

Enfin, pouvez-vous nous dire de quelle façon la région du Sahel sera prise en compte dans la future loi d'orientation et de programmation sur le développement ?

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Le 12 mars dernier, la Commission européenne et la Haute Représentante de l'Union européenne (UE) pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont présenté, en amont du Conseil européen qui aura lieu demain et après-demain et du sommet UE-Chine qui se déroulera le 9 avril, une communication visant à consolider et à rendre plus réciproque la coopération avec nos partenaires chinois. L'une des propositions de la Commission consiste à demander au Parlement européen et au Conseil d'adopter l'instrument international sur les marchés publics, pour faciliter les passations de marchés avec la Chine, avant la fin 2019. Plusieurs tentatives en ce sens n'ont pas abouti, en 2012 et 2016. J'aimerais savoir si la France soutient cet instrument et quels sont les États qui pourraient éventuellement s'y opposer.

Je souhaite également vous interroger, monsieur le ministre, sur une proposition de la Conférence des régions périphériques maritimes : lors d'une réunion de cette Conférence qui s'est tenue à Brest, vous avez apporté votre soutien à la création d'un fonds européen spécifique de lutte contre les disparités territoriales causées par le départ du Royaume-Uni. Cela signifierait un accompagnement financier pour les régions les plus touchées par les conséquences négatives du Brexit. Comment pourrait-on créer un tel fonds, sachant que le prochain budget européen sera contraint, puisqu'il devra tenir compte de la perte de la contribution britannique ?

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Je voudrais vous interroger sur les crispations qui persistent entre la Russie et le Conseil de l'Europe. Près de quatre ans après avoir privé la Russie de ses droits de vote, du fait de l'annexion de la Crimée, le Conseil de l'Europe cherche désormais une issue pour éviter un éloignement durable, voire définitif, de ce pays.

Pour rappel, les droits de vote des parlementaires russes ont été suspendus en 2014. Le problème est que, deux ans plus tard, en signe de protestation, les Russes ont décidé de ne plus contribuer au Conseil de l'Europe. Or lorsqu'on ne contribue pas pendant deux ans, on sort de facto de cette institution, ce qui va arriver en juin 2019 : la Fédération de Russie risque de sortir du Conseil de l'Europe, ce qui va poser un problème qui n'est pas seulement financier.

Ce qui me gêne est que cette décision est un coup dur pour le Conseil de l'Europe, ne serait-ce que parce qu'il y aura plus de 170 millions d'habitants qui n'auront plus accès à la Cour européenne des droits de l'homme. C'est un continent entier qui va être ainsi amputé d'un de ses membres, et pas le moindre. D'une certaine façon, on peut aussi penser que c'est une forme d'échec pour un forum parlementaire paneuropéen qui était unique en son genre.

À l'aube de la présidence française du Comité des ministres du Conseil de l'Europe, quelle est votre analyse ? Voyez-vous une solution pour sortir de cette crise ?

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Vous avez répondu avec précision, monsieur le ministre, à la question portant sur les enfants français en Syrie. La situation humanitaire est dramatique. Rien que dans le camp d'Al-Hol, il y a eu plus de 100 décès, dont 85 % d'enfants. On doit d'abord apporter une réponse humanitaire, et vous l'avez dit : il faut que la France agisse très vite. J'aimerais aussi avoir des précisions sur le sort des enfants français qui se trouvent toujours dans les camps – ceux qui ont plus de cinq ans, ceux qui sont seuls avec leur mère. Toutes les mères sont-elles nécessairement considérées comme des combattantes et doivent-elles être jugées sur place, ou bien certaines d'entre elles sont-elles considérées comme des victimes d'une idéologie ? J'aime être sûr de votre réponse sur ce point.

Une autre question concerne la déclaration politique internationale contre les bombardements des civils, que cinquante États soutiennent avec les Nations unies et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Les guerres sont de plus en plus sales, elles font aujourd'hui souvent 80 % de victimes civiles. La France a-t-elle prévu de rejoindre cette déclaration politique internationale ?

Enfin, je voudrais évoquer un pays dont on ne parle jamais : le Nicaragua. J'ai soutenu il y a longtemps le général Ortega et sa révolution sandiniste. Aujourd'hui, il conduit une répression dans le pays et près de 80 000 personnes sont actuellement réfugiées au Costa Rica. Il faut que la France s'exprime sur la situation au Nicaragua.

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Nous avons vu que les élections en Algérie sont sous haute tension. Il est un autre pays, les Comores, pays ami, dans lequel les prochaines élections présidentielles, le 24 mars prochain, suscitent l'inquiétude. À Mayotte, nous suivons de très près ces élections tant, vous le savez, nos sorts sont liés : qui dit instabilité aux Comores dit instabilité à Mayotte. La répercussion est quasi obligatoire du fait de la proximité, 70 kilomètres séparant Mayotte des côtes anjouanaises.

Le président Azali Assoumani se représente dans un contexte de tensions. L'opposition, déjà très faible, est muselée. Quelle est la position de la France face à la dérive autoritaire du président-candidat Azali Assoumani ? Quelle sécurité du scrutin ? Les opposants ont appelé à un vote transparent et équitable.

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Monsieur le ministre, comme vous l'avez souligné, la situation en Syrie s'améliore et la fin de la guerre territoriale devrait être déclarée sous peu. Pour autant, des incertitudes persistent et le pays tarde à retrouver une certaine sécurité. Cette guerre a causé bien des drames, des millions de morts, des atrocités de toutes sortes, même en dehors des frontières, et des millions de déplacés dans les pays voisins, notamment au Liban.

La solidarité en matière de réfugiés ne semble plus effective. Le Liban, pays lui aussi fragile, en paye les frais, avec près d'un million de réfugiés syriens sur son territoire, et s'inquiète de cette situation car il ne semble plus tout à fait en mesure de gérer seul le problème des réfugiés. Ma question est donc simple : comment continuer à aider le Liban à régulariser la situation de tous les réfugiés et surtout comment réorganiser une coopération internationale afin de répartir les flux de réfugiés syriens au Liban ?

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Je voulais évoquer l'Algérie mais, étant d'accord avec la politique du Gouvernement, je n'en parlerai pas.

Monsieur le ministre, avez-vous une quelconque influence sur le droit d'asile, qui commence à nous préoccuper sévèrement ? Sous quelle tutelle se trouve ce droit ? Cela reste à déterminer. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est considéré par la loi de 2015 comme étant totalement indépendant, y compris par rapport au ministère de l'intérieur, et seule la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) est capable d'appliquer les lois.

Ma question porte, dans ce cadre, sur l'Érythrée. Ce pays, qui donne le plus fort contingent de réfugiés du droit d'asile, a signé la paix avec l'Éthiopie l'an dernier. Or je viens de regarder les résultats de l'OFPRA dans ce domaine : l'Office continue de nous envoyer des Érythréens sans arrêt. Le droit d'asile est-il indépendant des relations internationales ? Si c'est le cas, cela pose un véritable problème. Je souhaite que le ministère des affaires étrangères soit au moins associé à ce genre de problèmes, sinon la dérive sera totale et nous aurons un droit d'asile complètement en dehors de la politique internationale. Il faudra un jour ou l'autre régler cette question juridique interne.

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Le 24 octobre dernier, le président gabonais Ali Bongo a été victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC). Son bulletin de santé est secrètement gardé et fait l'objet de toutes les spéculations, alors qu'il est désormais en convalescence au Maroc. Récemment, deux apparitions à Libreville ont fait enfler la rumeur sur son état de santé réel, le président apparaissant extrêmement affaibli.

Cette situation entraîne une incertitude, une problématique de gouvernance et aussi des craintes quant à une déstabilisation, qui restent vives. Elle doit nous interpeller alors que de nombreux opposants restent en prison ou sont assignés à résidence avec interdiction de quitter le territoire, comme Jean Ping.

Pour preuve d'instabilité, une tentative de coup d'État a été déjouée le 7 janvier dernier et vient poser la question de la sécurité de nos 10 000 ressortissants sur place. D'un côté, les partisans du président se sont organisés pour diriger le pays, quitte à modifier la Constitution. De l'autre, l'opposition constate pour sa part la vacance du pouvoir et appelle la présidente du Sénat à assurer l'intérim et à convoquer de nouvelles élections. Cette situation intervient, on s'en souvient, après une élection présidentielle en 2016 très controversée, entachée de fraude, qui avait entraîné de fortes condamnations de la communauté internationale avant qu'elle en entérine finalement le résultat.

Face à cette situation, comment la France entend-elle réagir pour faire garantir le respect des droits de l'homme et la sécurité des ressortissants français ? La France constate-t-elle une vacance du pouvoir au Gabon et, si votre réponse est non, combien de temps cette présidence à distance peut-elle raisonnablement durer selon vous ?

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Merci, monsieur le ministre, pour le tour du monde que vous nous avez offert tout à l'heure et qui était très intéressant.

Depuis 1962, nous entretenons avec l'Algérie des relations tumultueuses et douloureuses. Je comprends la position de la France que vous nous avez présentée et j'ai également entendu votre volonté de ne pas vous ingérer dans la politique algérienne. Un de vos grands prédécesseurs, Hubert Védrine, a d'ailleurs déclaré au Journal du dimanche, pas plus tard que la semaine dernière, qu'il fallait garder son sang-froid.

Cela étant, des personnalités algériennes importantes ont fait savoir que ces manifestations que nous observons avec une certaine sympathie depuis la France pourraient être moins spontanées qu'elles ne le paraissent, et que les grandes mosquées salafistes autour d'Alger envoient de jeunes pratiquants ayant troqué la djellaba pour le jeans et le tee-shirt se joindre aux manifestations et détourner les slogans pour les ramener à quelque chose de plus « observant ». Avez-vous reçu des informations indiquant que ces manifestations seraient plus ou moins téléguidées, ou bien s'agit-il de la spontanéité que nous espérons pour que la chape de plomb qui s'est abattue sur ce pays avec la dictature du FLN laisse enfin la place à une véritable démocratie ?

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Le réchauffement climatique et l'urgence des mesures à prendre ont déjà été évoqués. Vous avez, monsieur le ministre, parlé de la COP25 et du sommet de septembre à l'assemblée générale des Nations unies. Je rappelle également que le G7 climatique se tiendra à Metz, en Moselle, département dont je suis élue, les 5 et 6 mai. C'est un événement diplomatique de première importance qui sera scruté par des milliers de personnes, dans un contexte de manifestations d'étudiants et lycéens de tous pays qui ont défilé régulièrement ces derniers week-ends.

Dans le cadre de cette diplomatie climatique, le président Emmanuel Macron a rappelé la semaine dernière à Nairobi, au One Planet Summit, l'action de première importance que la France entend mener dans le monde pour lutter contre le réchauffement climatique.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, même si vous avez déjà apporté des éléments de réponse, préciser quelle sera la position de la France sur la scène diplomatique ? Les questions des énergies renouvelables, de la lutte contre la déforestation, des grands projets climatiques sont les grands défis que nous avons à relever pour ce vingt et unième siècle.

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Je souhaite un éclaircissement sur les enfants français en Syrie. Une des familles que nous avons rencontrées tout à l'heure avec Mme Autain nous a vraiment beaucoup émus. Les parents qui se trouvent avec des enfants là-bas, la plupart du temps des femmes, souhaitent revenir en France pour être jugées, même si elles n'ont pas pris part aux combats, parce qu'elles veulent sauver leurs enfants. C'est une question de vie ou de mort.

Autre sujet, la hausse inique des frais de scolarité pour les étudiants étrangers, notamment extracommunautaires, a été annoncée sans concertation et a choqué toute la commission, je pense, qui a d'ailleurs commandé une mission flash, laquelle demande le report d'un an de la mesure pour permettre une concertation. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre, car je ne vous ai jamais entendu vous exprimer officiellement sur cette mesure ? Mon petit doigt me dit que vous n'en pensez pas forcément le plus grand bien. Allez-vous revenir sur cette décision aux effets délétères ?

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Jean-Yves le Drian, Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères

Je vous prie de m'excuser car, ayant des obligations protocolaires, je devrai partir tôt et ne pourrai donc répondre à toutes vos questions. Plutôt que de répondre à toutes de manière lapidaire, je préfère approfondir quelques réponses.

S'agissant de la Chine, madame Tanguy, la nouveauté, qui date de lundi dernier, c'est la communication conjointe de la Commission européenne et de la Haute Représentante, Mme Mogherini, sur la relation stratégique que doit avoir l'Union avec la Chine. C'est un document important qui comprend dix mesures, dont la mesure six que vous avez évoquée. Ce texte fera demain l'objet de discussions au Conseil européen en vue d'adopter une position commune pour le sommet UE-Chine du 9 avril. Sur ces mesures est intervenu lundi dernier un accord de principe des ministres des affaires étrangères.

Pour ce qui est du fonds Brexit, comme je l'ai dit à la conférence des régions périphériques maritimes à laquelle vous faites référence, ce fonds est une demande de la France dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027.

Monsieur Maire, il est vrai qu'il s'est produit de nouveaux incidents au Mali, à Dioura, il y a quelques jours, mais parallèlement se sont déroulées ces derniers temps des opérations couronnées de succès. La situation reste toujours fragile. Nous avons trois priorités au Mali. La première est la sécurité, que nous renforçons par le biais de la force conjointe du G5 Sahel et la fourniture d'équipements à cette force. C'est aussi l'objectif de la réunion que je présiderai le 28 mars à New York, qui réunira nos partenaires de la force du G5 et ceux du Conseil de sécurité. Le but est que la sécurité de ces pays soit assurée à terme par les Africains eux-mêmes. Il faut amener progressivement ces forces à s'organiser. Ce n'est pas simple car cela suppose des modifications de comportement, de culture, mais il faut pousser les Africains à s'organiser pour assurer leur propre sécurité à l'égard des trafiquants et des terroristes.

La deuxième priorité au Mali est la priorité politique. Vous avez, monsieur Maire, noté des progrès, en particulier le fait que le nouveau Premier ministre malien, M. Maïga, mène des actions fortes. Les choses ont plus avancé en six mois que depuis la signature de l'accord d'Alger en 2015, du fait de la décentralisation et de la mise en oeuvre du processus « Désarmement, démobilisation et réintégration » (DDR).

La troisième priorité est le développement, sans lequel on ne peut traiter les causes profondes de l'instabilité. C'est l'objet de l'Alliance Sahel. Les premiers résultats concrets apparaissent, avec plus d'un milliard de financement de projets en 2018. Nous choisissons d'intervenir dans les zones les plus vulnérables, en faisant en sorte que l'ensemble des acteurs – Agence française de développement (AFD), opérateurs européens, Banque mondiale – agissent de concert pour que la mise en oeuvre soit rapide quand les groupes terroristes quittent un territoire, afin que le développement soit un facteur de stabilité et de sécurité. Nous aurons l'occasion de reparler des orientations du développement puisque je dois présenter au Parlement la loi sur la coopération et le développement dans les mois qui viennent.

Nous sommes très vigilants, madame Trisse, sur la question de la Russie et du Conseil de l'Europe. Nous avons en ce moment des discussions avec la présidence finlandaise et l'Allemagne. La mesure prise à l'encontre de la Russie, la suspension de sa présence à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, était liée à l'annexion de la Crimée par la Russie, qui a en conséquence de cette suspension interrompu le paiement de sa part budgétaire. Nous essayons de trouver une issue, en lien avec l'actuelle présidence et dans la perspective de la nôtre. J'ai évoqué la question à plusieurs reprises avec mon homologue M. Lavrov ; nous sommes dans un état d'esprit constructif.

Monsieur Julien-Laferrière, s'agissant des enfants en Syrie, je comprends les émotions, mais les mères combattantes sont des mères combattantes. On ne parle d'ailleurs que des femmes victimes de l'idéologie, alors que des hommes aussi peuvent en être victimes ; malheureusement, c'est paritaire ! L'autorité maternelle ou paternelle est là. Sur les orphelins, notre position est claire. Pour les autres enfants de Français, nous gérons les problèmes au cas par cas, en lien avec la Croix-Rouge. J'ai été ministre de la défense, j'ai connu les attentats, j'ai rencontré les victimes des attentats à Paris en 2015, ma position est très claire.

Sur le principe, nous sommes d'accord avec la déclaration sur les bombardements des civils. Nous coopérons régulièrement avec la Croix-Rouge internationale sur le droit humanitaire international. Cette cause est juste.

Les élections aux Comores, madame Ali, auront lieu le 24 mars pour le premier tour et le 21 avril pour le second tour. L'assistance au processus électoral est assez forte puisqu'il s'y trouve des missions des Nations unies, de la Commission de l'océan Indien, de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et de l'Union africaine, qui doivent toutes vérifier si les élections se déroulent normalement. Il y a donc du monde. Il est important pour les Comoriens que le processus électoral se déroule dans les meilleures conditions. Nous n'envoyons pas directement de représentants sur place, même si la Cour suprême, en décidant de ne pas valider les candidatures de deux représentants de l'opposition, a ravivé les préoccupations, mais nous comptons sur les missions d'évaluation pour nous permettre de porter un jugement définitif sur cette élection. Nous avons eu l'occasion de le dire au président Azali et à mon homologue des affaires étrangères, M. Souef.

Je pense que j'ai répondu sur le Liban, monsieur Kokouendo. La conférence « Bruxelles III » a décidé des financements particuliers sur les réfugiés, en particulier au Liban et en Jordanie. La question de fond, c'est qu'on ne peut pas demander aux réfugiés de retourner en Syrie sans que les conditions d'accueil soient respectées. Dès lors, outre les aides aux États d'accueil, l'aide au processus politique est indispensable. Nous sommes favorables au développement de l'aide humanitaire.

Monsieur Teissier, le mouvement en Algérie est massif, ce sont des millions de manifestants dans tout le pays, semaine après semaine. Nous constatons que le mouvement est divers, on y trouve des jeunes, des femmes, des syndicats, des figures de la guerre d'indépendance, des intellectuels… Il n'est pas unitaire, même s'il exprime des aspirations convergentes. J'ai noté que les slogans que scandent les manifestants n'étaient pas des slogans religieux…

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« Algérie islamique ! », c'est religieux.

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Jean-Yves le Drian, Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères

…mais il faut être vigilant. Je pense que les Algériens se souviennent des années noires. Ils ont subi le terrorisme islamique sur leur sol.

Depuis son accident de santé, le président Ali Bongo, qui est en convalescence à Rabat, s'est rendu deux fois à Libreville. Il a pu recevoir la prestation de serment du nouveau gouvernement et présider un Conseil des ministres, son premier depuis quatre mois. Nous constatons que les institutions fonctionnent, dans le respect de la Constitution, et c'est l'essentiel. Le Gouvernement gouverne, la nouvelle Assemblée nationale issue des élections législatives a été installée. Nous voulons travailler avec le gouvernement de M. Bekalé pour approfondir des relations déjà excellentes. Un colloque d'affaires franco-gabonais organisé par Business France se tiendra d'ailleurs au Sénat le 29 mars ; ce sera l'occasion de relancer le dialogue économique.

La principale raison des migrations à partir de l'Érythrée, monsieur Goasguen, ce sont les obligations militaires, qui sont très fortes et qui sont toujours en place, l'accord de paix venant à peine d'être signé. Nous sommes au tout début du processus. Il est certain que la réorganisation politique de la zone devrait permettre un apaisement de ce côté-là. Nous n'avons pas encore rencontré les autorités érythréennes mais nous avons rencontré les autorités éthiopiennes.

La séance est levée à 19 heures 15.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 20 mars 2019 à 17 h 15

Présents. - Mme Ramlati Ali, Mme Clémentine Autain, M. Hervé Berville, M. Pascal Brindeau, M. Pierre Cabaré, Mme Annie Chapelier, M. Jean-Michel Clément, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, M. Michel Fanget, M. Bruno Fuchs, M. Éric Girardin, M. Claude Goasguen, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Nicole Le Peih, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, M. Frédéric Petit, Mme Isabelle Rauch, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, Mme Liliana Tanguy, M. Guy Teissier, Mme Nicole Trisse

Excusés. - M. Lénaïck Adam, M. Moetai Brotherson, Mme Mireille Clapot, M. Olivier Dassault, Mme Laurence Dumont, Mme Anne Genetet, M. Philippe Gomès, M. Mansour Kamardine, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marion Lenne, Mme Marine Le Pen, M. Jean François Mbaye, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Hugues Renson, Mme Michèle Tabarot, Mme Valérie Thomas, M. Sylvain Waserman

Assistait également à la réunion. - M. M'jid El Guerrab