Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Réunion du mardi 26 mars 2019 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AESH
  • accompagnant
  • enseignant

La réunion

Source

Mardi 26 mars 2019

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête

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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition de représentants de l'Union nationale des syndicats de l'éducation nationale CGT (UNSEN-CGT Educ'Action) : Mme Hélène Elouard, accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH) et animatrice du Collectif AESH national CGT, et M. Yvan-Yvon Barabinot, professeur de lycée professionnel.

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Mes chers collègues, notre commission poursuit ses travaux en recevant deux représentants de l'Union nationale des syndicats de l'éducation nationale CGT (UNSEN-CGT Éduc'action) : Mme Hélène Elouard, accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH) et animatrice du Collectif AESH national CGT, et M. Yvon-Yvan Barabinot, professeur de lycée professionnel en établissement régional d'enseignement adapté (EREA).

Madame, monsieur, je vous souhaite la bienvenue.

Dans un récent numéro de la revue Perspectives Éducation Formation éditée par votre syndicat, vous évoquez, à l'appui de vos revendications, des « pratiques illégales d'annualisation des services des AESH » ainsi que de « nombreuses et incohérentes disparités académiques sur la gestion de ce personnel ». À l'automne dernier, vous avez d'ailleurs créé un collectif national AESH, construit à partir de l'expérience de collectifs AESH régionaux. C'est pourquoi, le rapporteur a souhaité que la commission d'enquête puisse bénéficier de l'expérience que vos organisations peuvent lui faire remonter.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative aux commissions d'enquête, je vais vous demander de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Mme Hélène Elouard et M. Yvon-Yvan Barabinot prêtent successivement serment.

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Madame, monsieur, je vous souhaite la bienvenue. Je suis député de Seine-Maritime, un département où nous avons constaté, à la rentrée dernière, un grand nombre de situations préoccupantes, même dramatiques au plan humain pour les familles concernées, et un décalage flagrant entre les notifications effectuées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et la présence humaine dans les établissements. Dans le même temps, nous avons été sensibilisés à la précarité dans laquelle évoluaient les intervenants en milieu scolaire, quel que soit leur statut. C'est cette prise de conscience et les mobilisations qui ont suivi, auxquelles votre organisation syndicale avait contribué régionalement, qui m'ont convaincu que votre expertise pouvait éclairer utilement nos travaux.

Nous attendons de vous que vous nous fassiez part de votre point de vue afin d'étayer le diagnostic que nous souhaitons partager sur la situation de la scolarisation des enfants en situation de handicap, en milieu ordinaire et en milieu spécialisé.

Vous aurez sans doute noté que notre commission d'enquête ne s'intéresse pas uniquement à la scolarisation des enfants en maternelle ou en élémentaire, mais qu'elle embrasse bien l'ensemble des champs de l'éducation nationale – premier degré, collège, lycée et même enseignement supérieur. Nous avons également souhaité avoir un éclairage sur la question de la formation professionnelle, qui est malheureusement trop souvent absente et des diagnostics et propositions d'amélioration que nous pouvons formuler.

Comme vient de le dire Mme la présidente, il s'agit de partager le plus possible le diagnostic, puis de pouvoir faire avancer la situation des enfants, des familles et de l'ensemble des intervenants oeuvrant dans ce champ, qu'ils soient enseignants, accompagnants ou mobilisés dans les structures médicales ou paramédicales. Tel est l'état d'esprit dans lequel nous vous recevons, en vous remerciant pour votre disponibilité.

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Yvon-Yvan Barabinot, professeur de lycée professionnel en établissement régional d'enseignement adapté (EREA)

Mesdames, messieurs les députés, mon intervention portera sur la vision que nous avons du fonctionnement actuel de l'école inclusive.

Nous vous remercions de recevoir la Fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture (FERC-CGT), la CGT-Éduc'action et son collectif que nous représentons aujourd'hui dans le cadre de cette commission d'enquête. Nous saluons votre volonté d'évaluer l'application de la loi de 2005, parce que cela nous apparaît urgent.

Au-delà du principe affirmé par cette loi d'un droit à la scolarisation pour tout enfant et jeune en situation de handicap, nous constatons quotidiennement que les conditions réelles de l'école inclusive sont loin d'être facilitées et qu'elles entraînent des dysfonctionnements, mais aussi démoralisation et souffrance pour de nombreux élèves, pour leurs familles et les personnels.

La CGT considère qu'on ne peut pas penser l'école inclusive séparément de la situation globale de l'école qui subit aujourd'hui les politiques d'austérité, de suppression de postes, de non-créations à la hauteur des besoins, la casse de la formation et la précarité. D'ailleurs, nous nous inscrivons dans l'appel intersyndical à une journée d'action, le 30 mars prochain, contre la politique de ce ministère et pour un budget à la hauteur des besoins du service public d'éducation.

Les nombreuses mobilisations locales, tant des parents que des personnels, et en particulier sur la question des AESH – dernièrement encore, le 6 février – ont montré que la situation actuelle et les réponses du Gouvernement ne sont pas à la hauteur des besoins et des enjeux, bien au contraire.

Compte tenu de l'actualité, nous centrerons en partie notre propos sur la question des AESH. Néanmoins, avant d'aborder cette question, je vous propose de faire un panorama nécessairement rapide, tant les questions soulevées sur l'état de l'école inclusive sont nombreuses.

Plutôt que de faire un inventaire, nous vous proposons de partir de ce qui se vit dans un établissement, non pour parler plus particulièrement de ce qu'il s'y passe, mais parce que cela permet d'ancrer le propos.

Nous avons pris le cas d'un EREA parisien, mais cela pourrait être la même chose ailleurs. On peut d'abord parler de ces collègues AESH qui effectuent un travail remarquable d'accompagnement des élèves en situation de handicap, pour leur permettre de se concentrer sur les apprentissages. Toutefois, elles le font sans formation, si ce n'est leur auto-formation, avec les difficultés liées à leur statut précaire. Ces collègues n'ont pas non plus de temps reconnu pour se concerter, échanger avec les enseignants dont je suis, ou avec le reste de l'équipe. Mme Elouard y reviendra.

Il faut aussi évoquer le cas de tous ces élèves qui, pour des raisons diverses, restent sans aucun accompagnement, soit parce que l'évaluation des troubles est arrivée tardivement – je parle ici d'un EREA du second degré, c'est-à-dire après le collège –, soit parce qu'ils ont refusé cet accompagnement, soit enfin parce qu'ils n'ont jamais pu faire les démarches d'évaluation auprès d'une MDPH. Cela renvoie, de notre point de vue, à l'insuffisance des moyens de prévention, d'évaluation et d'accompagnement des familles dans ces démarches, mais aussi à la longueur du traitement des dossiers et au manque de moyens des MDPH et de l'éducation nationale dans ce domaine. Quand on sait, par exemple, qu'un enseignant référent doit suivre des centaines de dossiers – plus de 300 en Seine-Saint-Denis –, comment faire ? On peut faire le même constat pour les psychologues de l'éducation nationale qui sont environ un pour 1 500 élèves.

La CGT est favorable à la limitation à 100 au maximum du nombre de dossiers suivis par un enseignant référent, et à la présence d'une ou d'un psychologue scolaire – c'est un métier très féminin – à plein-temps dans les établissements qui accueillent des unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS). À ce propos, nous estimons que la casse des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) a été plus que préjudiciable. Le rétablissement de RASED complets doit permettre au plus tôt un meilleur traitement des élèves en difficulté scolaire qui sont malheureusement parfois renvoyés dans le champ du handicap.

On pourrait aussi parler de ces élèves qui ont dû attendre des semaines pour avoir l'accompagnante prescrite, faute de recrutement, et qui n'ont pu être correctement scolarisés dans l'intervalle.

Il faudrait aussi évoquer, même si l'on s'éloigne un peu de ce qui vous occupe aujourd'hui – mais pas tant que cela – les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A) et les mineurs étrangers isolés, qui sont dans cet établissement en CAP. La plupart d'entre eux ne relèvent pas du handicap, mais ce sont bien des élèves à besoins éducatifs particuliers. Pour eux aussi, l'insuffisance des moyens de l'école inclusive est cruelle, avec notamment une période de scolarisation trop courte pour apprendre la langue. Ceux d'entre eux qui pourraient relever du handicap sont rarement évalués, suivis, ont peu de prise en charge. On parle ici d'élèves qui connaissent de nombreux problèmes d'hébergement, administratifs, de pauvreté. En la matière, la présence insuffisante de l'assistante sociale est un obstacle. Le même problème se pose évidemment dans les écoles, les collèges et les lycées, notamment des quartiers populaires et de l'éducation prioritaire. Nous sommes favorables à ce qu'une assistante sociale soit présente dans chaque établissement et à la création d'un véritable service social dans les écoles.

Dans cet établissement, la semaine dernière, à l'occasion d'un oral blanc, un élève suivi à l'extérieur pour des traitements était manifestement très « assommé » par ses médicaments. Que fait-on quand l'infirmière, déjà présente uniquement à mi-temps dans l'établissement, n'est pas remplacée depuis des semaines ? Que fait-on quand le médecin scolaire n'est là qu'épisodiquement compte tenu du nombre d'élèves qu'il doit suivre ? Cela renvoie, là aussi, au manque criant de médecins scolaires, à l'absence d'un service social et de santé dans les écoles et à son insuffisance dans le second degré.

Nous devons revenir sur ce que vivent les personnels intervenant en ULIS – ici, il s'agit d'un dispositif pré-professionnalisant – qui se sentent souvent démunis, en échec et estiment que certains de leurs élèves relèvent d'autres structures. Rappelons que les structures spécialisées offrent un nombre de places insuffisant et inégalement réparti entre les territoires. C'est aussi la conséquence de politiques des agences régionales de santé (ARS) qui, en accord avec les régions, suppriment des établissements spécialisés ou demandent des réorientations du projet de la structure. Nous sommes pour le maintien de ces structures.

Il existe dans cet EREA un temps institutionnel de synthèse, même si certaines de ses modalités peuvent interroger. Mais comment fait-on dans la plupart des autres établissements pour se concerter ? Toutes nos remontées, quels que soient les établissements, insistent sur le manque de temps de concertation pour les équipes entre les différents intervenants, quand des services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) interviennent, quand il y a des unités d'enseignement (UE), etc. Nous sommes pour la création dans le service des enseignants, mais aussi des accompagnants, d'un temps de concertation. Cela participerait également de la transformation de l'école que nous appelons de nos voeux.

Rappelons que le rôle des EREA, comme celui des sections d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), est le traitement des difficultés scolaires d'apprentissage. Le rôle de ces structures n'est évidemment pas de traiter du handicap. Pourtant, vous l'avez entendu dans le descriptif que je faisais, nous constatons une dérive avec l'utilisation de ces structures pour accueillir tout type d'élèves à besoins éducatifs particuliers : élèves en situation de handicap, élèves d'ULIS, élèves issus des SEGPA mais aussi des UPE2A. Cette dérive, nous le constatons de plus en plus, s'étend progressivement à une partie de l'enseignement professionnel.

Il faut parler également de la situation des enseignants coordonnateurs d'ULIS. Ils sont en partie accaparés par la gestion et voient leur rôle d'enseignement de plus en plus réduit. Ils n'ont pas assez de temps à consacrer à leurs élèves, ils sont inquiets des projets de mise en réseau des ULIS.

À propos des ULIS, nous soulignons leur nombre insuffisant. Les effectifs des élèves d'ULIS doivent, de notre point de vue, être pris en compte dans les effectifs des écoles et des établissements, dans le calcul des seuils de classes et des dotations. Il est nécessaire de diminuer les effectifs des classes dans les écoles accueillant une ULIS.

Un problème spécifique se pose dans les ULIS-DAPP (ULIS – Découverte des activités professionnelles et projets personnels et professionnels) ou ULIS-LP (ULIS – Lycée professionnel), et plus globalement aux établissements de la voie professionnelle qui accueillent des élèves en situation de handicap dont l'orientation a souvent été imposée, l'important étant d'avoir une affectation après la classe de troisième plutôt que de suivre le projet de l'élève. Cela est fait parfois, malheureusement, en dépit de toute réflexion sur le lien entre le handicap et la formation professionnelle. Nous rencontrons dans ces cas-là de grandes difficultés pour trouver des stages aux élèves, des situations où les professeurs estiment que le handicap de l'élève l'empêchera d'exercer avec la qualification qu'il prépare. Se pose également la question des machines dangereuses et des risques qu'elles engendrent. En la matière, nous pourrions vous citer un certain nombre d'exemples.

Il faut revenir aussi aux questions d'accessibilité en termes de locaux. Si quelques avancées ont été obtenues pour améliorer leur accès, il reste encore beaucoup à faire. Ce devrait être une obligation pour l'État, les communes n'ayant pas les moyens financiers de rendre accessibles toutes les écoles. Il est également nécessaire de mener une réflexion sur les espaces des écoles et des établissements en termes d'adaptation. Une réflexion est indispensable sur la taille, les espaces et les équipements, avec un budget et une formation pour permettre cette réelle adaptation. Dans ce cas-là, le rôle des conseillers à la scolarisation, qui peuvent exister dans certains départements, est très utile pour accompagner les personnels. Ils doivent être généralisés.

Tous ces éléments posent plus généralement la question de la formation des personnels. De ce point de vue, nous estimons que les trois étages de la formation – initiale, continue et spécialisée – sont aujourd'hui en crise. Nous revendiquons deux ans de formation initiale pour les enseignants, qui devrait comprendre des modules de formation aux divers handicaps, à l'enseignement aux élèves à besoins éducatifs particuliers, au travail en équipe et à la concertation.

La formation continue réduite, trop réduite, ne répond pas aux besoins exprimés sur le terrain. Quant à la formation spécialisée, nous estimons qu'elle est réduite en volume et en approfondissement depuis la création du certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques de l'éducation inclusive (CAPPEI). Les offres de formation au certificat d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (CAPA-SH) et au certificat complémentaire pour les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (2CA-SH) devraient être remises en place, améliorées et développées. La limitation de la formation d'enseignants spécialisés a pour conséquence que trop de personnels non formés, et souvent précaires, se retrouvent sur ces postes d'enseignants spécialisés. Dans l'EREA dont je parlais tout à l'heure, où les postes ont vocation à être occupés par des enseignants spécialisés, titulaires du CAPPEI ; en réalité, sur vingt-quatre enseignants, seize sont des contractuels et n'ont pas de formation initiale, et la plupart des autres ne sont pas spécialisés.

Par ailleurs, la question des effectifs par classe est primordiale. Ils doivent être limités à vingt élèves à l'école et au collège, et à vingt-quatre au lycée, nombre qui devrait être abaissé dans les situations particulières d'éducation.

Ce panorama assez sombre, où dominent l'insuffisance des moyens, le manque de formation, les difficultés pour penser, réfléchir et travailler à l'adaptation et à la compensation nécessaires, a des conséquences négatives sur les personnels et, bien évidemment, sur l'épanouissement des élèves accueillis. Les personnels nous font largement remonter leur mal-être, leur sentiment de découragement pour gérer ce quotidien avec son cortège de culpabilité, de sentiment d'incompétence, de fatigue et parfois d'incompréhensions. Un indicateur très significatif est d'ailleurs celui de l'augmentation du nombre de remontées pour risques psycho-sociaux dans les registres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) lié à l'accueil des élèves en situation de handicap.

Cette première présentation s'appuie sur les remontées du terrain. Toutefois, comme vous l'aurez constaté, en partant d'un établissement pour illustrer notre propos, elle manque beaucoup de données chiffrées car elles sont très difficiles à obtenir. J'espère que le travail de votre commission permettra d'avancer sur cette question-là. Il est très difficile en effet de savoir auprès de l'institution combien il y a de personnels AESH – pas seulement les équivalents temps plein, qui sont connus, mais les personnes elles-mêmes, car les quotités sont très souvent celles du temps partiel –, quels sont les contrats, quelles sont les quotités de temps de travail, combien d'enfants sont restés sans accompagnement, combien de temps, combien il y a eu de déscolarisations faute d'inclusion réussie, combien il y a d'enfants par AESH, combien d'enfants ne sont pas en ULIS faute de places. Il serait très utile d'avoir des chiffres sur la réussite de l'inclusion.

En conclusion, la scolarité des élèves nécessite de nombreux moyens financiers et humains, tant par l'emploi, le salaire que la formation des personnels. Cela demande un investissement budgétaire et une rupture avec les politiques actuelles.

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Hélène Elouard, accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH) et animatrice du Collectif AESH national CGT

Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de nous recevoir.

Je suis représentante et animatrice du collectif AESH national de la CGT Éduc'action. Comme l'a dit Mme la présidente, ce collectif regroupe de nombreux collectifs AESH CGT Éduc'action dans toute la France. Au vu de la précarité de la fonction et des attentes des AESH, de nombreux collectifs se montent de plus en plus dans toute la France.

Je souhaite revenir sur les divers points qui ont été évoqués, comme les pratiques illégales, le décalage entre les notifications MDPH et la présence humaine effectivement mise à disposition, la précarité, et l'absence de formation professionnelle.

Comme vous le savez, la profession d'AESH est féminine à 90 %. Ce sont souvent des femmes seules, avec enfants, isolées, migrantes, ce qui accentue la précarité, la pression de l'institution, du personnel administratif et du corps enseignant ainsi que la difficulté des conditions de travail. Toutefois, le nombre de collègues hommes augmente, faute de trouver du travail ailleurs. Ensuite, ils apprennent que c'est un métier passionnant. J'y reviendrai.

Nous avons été desservis par le fait qu'après l'adoption de la loi de 2005, il a fallu recruter des personnels à la va-vite, en contrat unique d'insertion (CUI-CAE), qui n'avaient aucune formation, voire aucune affinité pour ce travail. Certaines et certains d'entre eux se sont donc retrouvés dans des situations d'échec face à un travail auquel ils n'avaient jamais été confrontés et qui n'était pas nécessairement en relation avec leur savoir-faire, leur qualification, voire leurs préférences, ce qui a entraîné une mauvaise vision de ce que peuvent être aujourd'hui la profession d'AESH, notre savoir-faire et nos compétences malgré notre absence de formation.

Le nombre d'AESH est très insuffisant face à la demande, d'abord en raison d'une carence des supports budgétaires pour les recruter, mais aussi parce qu'il est très difficile de recruter des personnels qui veulent bien faire ce travail précaire. Il se trouve que certains personnels de Pôle Emploi conseillent même de ne pas accepter cette fonction – je parle de fonction et non de métier car il n'y a pas de statut – en raison de sa trop grande précarité. Ensuite, il est difficile de garder les personnels en fonction au vu des conditions de travail très difficiles sur lesquelles je vais revenir, qui entraînent de nombreuses dépressions et démissions.

Une concertation du ministère a eu lieu jusqu'au mois de février, qui avait donné un peu d'espoir à certaines AESH. Mais au vu des résultats obtenus, beaucoup se demandent si elles ne vont pas cesser ce travail, ce qui est regrettable.

Comme vous le savez, les AESH sont majoritairement employées à temps partiel. Jusqu'à présent, il s'agissait de contrats à durée déterminée (CDD) d'un an renouvelables cinq fois – on se demande si on a vraiment besoin d'une période d'essai de six ans pour prouver qu'on est capable d'assurer cette fonction – qui vont devenir des CDD de trois ans renouvelables une fois, ce qui représente incontestablement une petite avancée. Toutefois, ce n'est pas suffisant. On se demande pourquoi on ne peut pas avoir plus facilement un contrat à durée indéterminée (CDI). Nous voulons être titularisées et avoir un statut de fonctionnaire afin de sécuriser l'emploi.

Quand nous bénéficions de CDI, ce sont des contrats à temps partiel, principalement pour une quotité horaire de 50% à 60%, ce qui représente en moyenne un salaire de 600 à 700 euros nets par mois. C'est très peu par rapport au travail que nous effectuons et à tout ce qu'on nous demande de faire.

Comme on peut avoir à s'occuper de deux élèves dans deux établissements différents, y compris dans la même journée, on est amené à se déplacer. Or ces déplacements entre deux écoles ne sont pas pris en charge, non plus que les déplacements lorsque nous devons suivre une formation. Pourtant, lorsque l'on est dans un département très rural, on peut faire cinquante kilomètres pour se rendre à une formation. Ce n'est pas facile pour quelqu'un qui gagne 600 euros par mois de devoir avancer les frais qui seront remboursés très tardivement – jusqu'à deux ans – voire pas du tout.

Les frais de repas en cas d'accompagnement de l'élève ne sont pas non plus remboursés. En effet, s'il est indiqué, dans le projet personnalisé de scolarisation (PPS), que l'on doit accompagner l'élève à la cantine, nous devons payer notre repas, ce qui est absolument scandaleux.

Les conditions de travail sont également totalement inadmissibles et dues aux abus de l'institution vis-à-vis de personnes exerçant un travail précaire. Jusqu'à présent, comme notre contrat était renouvelé chaque année, nous subissions des pressions pour assurer des missions que nous n'avions pas à faire. Chaque année, c'est une source d'angoisse pour l'AESH qui se demande si son contrat va être ou non renouvelé. Souvent même, il n'est renouvelé qu'à la fin du mois de juillet, voire à la fin du mois d'août. L'AESH se demande aussi si elle s'occupera du même élève que l'année précédente avec qui elle s'entendait bien ou si, tout à coup, on va lui attribuer un autre élève. Voilà quelques questions qui reviennent chaque année et qui sont extrêmement difficiles à vivre.

Les pressions viennent aussi des chefs d'établissement, des directeurs et directrices qui ont souvent l'autorité déléguée par rapport au rectorat – il y a deux formes d'employeurs : le rectorat et les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE). Parfois, les directeurs et directrices en profitent largement. En raison de la précarité, on ne va pas nécessairement se battre, oser se battre, ou oser dire quelque chose.

Se pose aussi le problème des enseignantes et enseignants qui ne sont pas formés au handicap ni à travailler avec des AESH. Certains n'ont pas conscience de la fonction d'AESH, de leur savoir-faire et de ce qu'elles peuvent apporter au sein d'une classe. Cela entraîne des dérives incroyables. En général, beaucoup de dépressions sont dues aux mauvaises relations avec les enseignantes et les enseignants et les directrices et les directeurs – je parle ici de ce qui se passe dans le premier degré.

On confond souvent les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) et les AESH, ce qui fait que l'on demande à ces dernières de changer des couches, de faire du ménage ou encore de surveiller les élèves dans la cour de récréation. Or ce ne sont absolument pas les fonctions qui nous sont attribuées. Nous n'en avons ni la responsabilité, ni l'assurance. On nous demande aussi d'assister les enseignantes et enseignants dans leur classe, ce qui n'est pas non plus notre fonction.

On est même allé jusqu'à interdire à des AESH d'aller dans la salle des professeurs, qui est la salle du personnel. Dans les petites écoles, il y a une salle de classe où mangent tous les enseignantes et enseignants. Or parfois elles en sont exclues, et certaines AESH sont contraintes d'aller déjeuner dans leur voiture. De plus, on ne leur adressera pas la parole de toute la journée, on les reléguera dans un coin quand ce n'est pas l'enseignante ou l'enseignant qui les relègue dans un placard avec l'élève en situation de handicap et leur demande de calmer l'enfant pour qu'il puisse enseigner tranquillement.

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Le principe d'une commission d'enquête, c'est de tout entendre, y compris ce qui ne fait pas plaisir. Ensuite, nous ferons le tri. D'ailleurs, il ne s'agit pas de faire le procès de qui que ce soit. Quand on entend un témoignage, il s'agit d'entendre la réalité de ce témoignage.

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Hélène Elouard, accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH) et animatrice du Collectif AESH national CGT

J'ai évoqué les difficultés et les problèmes principaux ; il y a évidemment des établissements où tout se passe très bien.

J'en viens au manque de formation : nous ne sommes pas formés. La formation de 60 heures pour les nouveaux arrivants, annoncée par M. Blanquer, est déjà prévue par les textes sans toutefois être toujours dispensée ; jusqu'à présent, elle consistait en fait en une information. Les AESH sont donc obligés de s'autoformer en dehors de leur temps de travail, ce qui pose un réel problème. Nous ne sommes pas formés aux différentes formes de handicap, on nous lance dans l'arène et nous devons nous débrouiller avec les élèves.

Par ailleurs, aux 20 heures de travail hebdomadaire que nous effectuons, s'ajoutent six heures représentant du travail invisible, particulièrement lorsque nous intervenons dans le second degré. Ces heures invisibles sont consacrées à l'autoformation, à la préparation et l'adaptation des cours, à la mise à niveau lorsque l'on suit des élèves jusqu'au BTS – car il faut quand même comprendre l'enseignement délivré pour pouvoir le suivre avec l'élève que l'on accompagne –, mais aussi à des photocopies et autres scannages.

Nous souhaiterions par ailleurs bénéficier d'heures de régulation ; notre métier implique une grande pénibilité, car outre ce qui peut provenir de l'institution et de ses personnels, l'AESH éprouve une certaine souffrance due à l'élève lui-même.

C'est pourquoi la CGT réclame un taux de 24 heures de taux plein, qui inclurait ces heures invisibles.

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J'ai été frappée d'entendre que, dès le début, on n'est pas partis sur les bons rails. Au lieu d'entamer une vraie réflexion sur ce qu'est l'école inclusive, dès 2005 on s'est dépêché de faire comme si on s'équipait de béquilles – je m'excuse de cette comparaison –, sans réfléchir aux personnels, aux formations, aux matériels dont on avait besoins ainsi qu'à la qualité que l'on voulait pour l'école, les enfants et le personnel.

C'est pour cela qu'aujourd'hui nous réfléchissons à transformer tout cela, car les sujets sont nombreux et reviennent souvent à l'Assemblée nationale ; aussi vous suis-je très reconnaissante de vos témoignages.

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Je souhaiterais connaître votre point de vue sur la scolarisation dans les unités d'enseignement externalisées.

De façon plus générale, quelle appréciation portez-vous sur les inégalités territoriales constatées, dans les prescriptions des MDPH, les moyens dont elles disposent, dans les délais entre leurs décisions et l'arrivée de moyens humains ? Car il semblerait que la ministre conduise une réflexion portant sur la gouvernance des MDPH.

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Comment définiriez-vous une bonne relation entre un enseignant et un AESH ? Vous avez indiqué que celle-ci pouvait être déficiente par endroits ; selon vous, que faudrait-il pour la rendre efficace ?

Vous avez par ailleurs évoqué un manque de formation, dès lors comment recevez-vous la proposition de désigner des AESH référents, dédiés au suivi des accompagnants, que ceux-ci soient attachés à suivre les nouveaux arrivants dans la fonction, ou à l'occasion d'un changement d'élève, donc de handicap ?

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Il nous revient fréquemment que des différences sont constatées d'un département à l'autre, notamment dans les délais de traitement des dossiers ; quelle réponse conviendrait-il d'apporter à ce problème ?

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Je vais vous donner lecture de la question que je me propose de poser à Mme la ministre.

« J'appelle l'attention de monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la nécessaire création d'un véritable statut pour les accompagnants des élèves en situation de handicap. Alors qu'ils sont des acteurs indispensables à la réussite de l'inclusion des enfants handicapés au sein de l'école, les AESH sont dans une situation de précarité inacceptable. Au-delà de la faible rémunération et du manque de reconnaissance que cela induit ils ne peuvent se projeter dans l'avenir.

« Dans un communiqué, le ministère de l'éducation nationale a annoncé l'instauration d'une formation de 60 heures annuelles pour les AESH, mais aucune précision n'a été apportée sur les modalités pratiques. Dans cette profession, les temps partiels sont imposés et pourtant beaucoup d'AESH travaillent bien plus que les heures prévues dans leur contrat. Les heures invisibles (les réunions, les temps de concertation et de préparation) ne sont pas pris en compte.

« Pour la plupart des AESH qui travaillent entre 22 et 28 heures par semaine (la répartition des horaires ne permet pas le cumul avec un autre travail), la rémunération oscille entre 600 euros et 850 euros, ce qui est inférieur au seuil de pauvreté. »

Dans la Loire, j'ai moi-même été président de l'association La myopathie à tout coeur. J'ai constaté que, lorsqu'un élève – qu'il soit autiste ou myopathe – trouve ses repères dans une cour d'école, dans une classe, dans ses couleurs et le mobilier, et qu'il perd son AVS (auxiliaire de vie scolaire) ou son AESH, parce que leurs contrats sont renouvelés pour un an au mois de juin, juillet ou août, tous les efforts produits par ces personnels sont irrémédiablement perdus. Je suis donc entièrement d'accord avec votre analyse.

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À l'écoute de votre témoignage, madame, j'ai décelé en creux beaucoup de souffrance chez les AESH ainsi qu'un défaut de reconnaissance. Ce manque de reconnaissance est aussi le fait des enseignants, car parfois chacun travaille trop en silo.

Pour avoir été médecin généraliste, j'ai pu m'entretenir avec beaucoup de femmes qui se dévouaient à ces enfants handicapés. Comment concevez-vous une meilleure articulation entre le travail des enseignants et celui des AESH, dont vous dites qu'ils sont parfois ostracisés, ce qui, je l'espère, constitue l'exception ? Quelle formation complémentaire pourrait-elle être apportée aux enseignants ?

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Yvon-Yvan Barabinot, professeur de lycée professionnel en établissement régional d'enseignement adapté (EREA)

Je reviendrai tout d'abord sur le communiqué ministériel annonçant que 60 heures de formation annuelle des AESH seraient dispensées. En réalité, ce sont 60 heures de formation avant la prise de poste sont prévues par les discussions avec le ministère. Nous estimons cela très insuffisant puisque les AESH déjà en poste n'en bénéficieraient pas et que seuls les nouveaux recrutés non titulaires du diplôme d'État d'accompagnant éducatif et social (DAES) ou qui ont déjà travaillé seraient concernés. Il me semble, qu'en tant que députés, vous serez à même de poser la question au ministère puisque l'ambiguïté persiste entre 60 heures de formation pour tous ou seulement dispensées avant la prise de poste.

Pour ce qui concerne l'amélioration des relations entre enseignants et AESH, la question de la formation des enseignants est primordiale. Or nous pouvons témoigner qu'ils ne sont jamais formés au fait qu'il y a des élèves en situation de handicap et qu'ils sont très peu formés au travail en équipe avec les personnels qui ont d'autres missions, notamment les accompagnants d'élèves handicapés. Pour notre part, nous militons pour une formation des enseignants en deux ans après la réussite au concours. Il s'agit de donner plus de temps à l'ensemble de ces domaines, car il ne s'agit pas de surcharger la formation des stagiaires, qui est aujourd'hui mise en difficulté.

Nous militons encore pour la formation des accompagnants après le concours, car je rappelle que nous réclamons un statut de fonctionnaire pour ces personnels. Cette formation pourrait ainsi être dispensée dans ce qui doit être créé, c'est-à-dire des écoles supérieures non pas de professeurs d'éducation, mais de personnels ou de professionnels de l'éducation. Réunir dans le même lieu les enseignants et les accompagnants changera évidemment la façon dont chacun apprendra à travailler avec les autres. Cela nécessitera beaucoup de moyens, car nous ne sommes pas dupes : la suppression de la formation des enseignants a tout d'abord été considérée sous un angle strictement budgétaire.

Pourquoi revendiquons-nous le statut de fonctionnaire pour les AESH ? Il existe aujourd'hui un texte, même s'il est menacé, qui est le statut de la fonction publique. Il prévoit que les emplois permanents dans la fonction publique sont occupés par des fonctionnaires. Si un emploi permanent existe depuis 2005, même si l'on est parti sur de mauvais rails comme l'a dit Mme la présidente, c'est bien celui d'accompagnant. Dans ces conditions, au nom de quoi cet emploi permanent devrait-il continuer d'être un CDD d'un an, sous forme de contrat aidé, voire de volontaire de service civique – car certains AESH sont employés sous ce statut ? Quelle reconnaissance de la profession peut-on attendre lorsqu'elle est exercée sous la bannière de volontaire de service civique ?

Nous sommes donc convaincus que le statut d'AESH doit relever de la fonction publique, et que ceux qui sont déjà en poste doivent être titularisés, afin de reconnaître leur expérience accumulée ; les nouveaux arrivants devant faire l'objet d'un recrutement par concours. Nous avons réfléchi à un statut et nous considérons que le niveau de compétence, la pénibilité du travail, la nécessité de la formation et de la concertation justifient que les fonctionnaires accompagnants soient employés à temps plein, ce qui correspondrait à 24 heures hebdomadaires. Même sans créer ce nouveau corps, on pourrait considérer dès aujourd'hui que le temps plein est de 24 heures.

Cela éviterait toutes les menaces qui pèsent sur la professionnalisation des AESH, consistant à dire que l'on ne peut pas proposer aux accompagnants un temps plein de 35 heures, et qu'ils seront réduits à cumuler les emplois dans le périscolaire et l'extrascolaire. Pour notre part, nous considérons que la professionnalisation se joue dans les établissements.

S'agissant des MDPH, en tant que syndicat d'enseignants nous ne sommes pas spécialistes de cette question, mais, dans la mesure où des discussions ont porté sur le fait de savoir qui écrit les projets personnalisés de scolarisation (PPS), comment est rempli le guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-Sco), etc., nous sommes attachés à un regard pluriprofessionnel sur ces sujets. Par contre, force est de constater que les MDPH ne disposent pas des moyens nécessaires ; et beaucoup d'élèves nous parviennent sans aucun PPS. C'est pourquoi leurs moyens doivent être renforcés et une harmonisation nationale est nécessaire.

En effet, on constate que certains départements pratiquent beaucoup la mutualisation, ce qui est certainement dû à une réalité : le faible nombre des accompagnants ; on gère ainsi la pénurie au lieu de l'accompagnement individuel auquel les élèves devraient avoir droit. Dans d'autres départements, les MDPH prescrivent l'individualisation. La question de la mutualisation nous inquiète fortement, particulièrement dans la perspective de l'institution des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL).

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Hélène Elouard, accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH) et animatrice du Collectif AESH national CGT

Je vais maintenant donner le point de vue des AESH.

Il serait souhaitable qu'une formation initiale soit dispensée dès la prise de poste, voire avant. Cette formation devrait être assurée sur douze mois ou plus et comporter des stages dans les classes, mais aussi dans les structures d'accueil afin de former aux différentes formes de handicap, ce à quoi nous n'avons jamais droit.

Une formation continue aux différentes formes de handicap est aussi nécessaire, cela tant pour faire face à la diversité des élèves que les AESH vont accompagner ou, tout simplement, en fonction de leurs souhaits, car on a plus ou moins d'affinité avec certains types de handicaps, et nous devrions être écoutés à ce sujet. Je connais ainsi des AESH qui se sont autoformés à certaines formes de handicap et auxquels on ne confie plus jamais d'élèves atteints du handicap qu'ils connaissent le mieux alors qu'ils ont parfois financé leur formation. On nous oppose des difficultés d'ordre administratif ou quantitatif qui ne prennent absolument pas en compte les savoir-faire des AESH.

La formation commune des enseignants et des AESH est primordiale à nos yeux. Il est en effet indispensable d'apprendre ensemble, et qu'il ne soit plus question que la classe soit gérée par l'enseignant avec un AESH présent pour calmer l'élève handicapé et que les cours se passent bien. Heureusement, dans beaucoup d'endroits les choses se passent bien ; nous avons affaire à des enseignants qui, malgré leur manque de formation, essaient de prendre en compte le savoir-faire des AESH et de travailler avec eux. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas, et l'AESH se voit relégué dans son coin. Le duo AESH enseignant doit donc être constitué autour de modules de formation communs, pour travailler ensemble, dans une synergie et une fusion des savoir-faire afin d'arriver à vraiment travailler à l'inclusion.

Enfin, il serait judicieux que des AESH interviennent dans ces formations, car, malgré tout, nous avons acquis des savoir-faire. Certains AESH ne sont pas diplômés mais détiennent des savoir-faire parfaitement ancrés ; d'autres, détenteurs de nombreux diplômes, proviennent d'enseignement en science de l'éducation ou sont des formateurs en éducation spécialisée, ils disposent d'un savoir-faire leur permettant de travailler dans le second degré, ce qui les rend aptes à enrichir les formations et le savoir.

Par ailleurs, nous considérons que l'institution de référents AESH, qui a été testée à Paris, est une bonne chose. Ces personnels ont le même statut, le même salaire que les AESH et peu de formation. Il conviendrait toutefois que ces référents soient d'abord des AESH, afin de maîtriser leur savoir-faire, bénéficient d'un véritable statut et se voient attribuer un salaire en conséquence. Déjà, les AESH sont sous-payés ; il n'est pas concevable que cela soit aussi le cas pour ces référents qui ont une responsabilité supplémentaire.

S'agissant des différences dans le traitement des dossiers et le fonctionnement des MDPH, nous n'observons aucune harmonisation de la pratique de ces dernières ni des académies. C'est pourquoi, afin de rendre cette harmonisation possible, nous préconisons une plus grande cohérence entre les divers organismes intervenants ainsi qu'une pluralité de regards sur les élèves en situation de handicap.

En effet, les académies et les départements disposent chacun d'un pouvoir dont ils usent à leur convenance, et les AESH comme les élèves en situation de handicap sont tributaires de ces disparités. D'une académie à l'autre, chaque département produit un guide de l'AESH différent, ce qui conduit à des irrégularités dans l'application de la réglementation dans les domaines du salaire ou des heures devant être effectuées par les AESH.

Enfin, depuis un an la mutualisation s'est développée, accompagnée de la venue des PIAL qui nous inquiète beaucoup. Cela signifie que nous aurons toujours plus à intervenir auprès de différents élèves sans pouvoir approfondir l'accompagnement ; il est impossible de travailler sérieusement dans une telle dispersion. Notre mission est avant tout d'amener l'élève à une plus grande autonomie, or lorsqu'on a plusieurs élèves dans la même journée, de façon dispersée, nous sommes réduits à faire des gestes techniques et nous ne sommes plus du tout dans le champ de notre mission.

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Nous avons entendu votre besoin de formation partagée, de reconnaissance du métier et d'harmonisation de la réglementation.

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Alors que j'étais encore enseignante, je militais déjà pour le statut d'AESH. C'est pourquoi vos propos m'ont quelque peu heurtée, mais je pense qu'ils étaient de portée générale. Je partage avec vous l'idée de l'urgence d'un statut des accompagnants, de leur formation et de celle des enseignants, du recrutement et des perspectives d'avenir des AESH.

Lors de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance, j'ai déposé plusieurs amendements portant sur ces sujets, et j'ai aussi plaidé en faveur d'un statut des référents AESH ainsi que de leur formation et leur reconnaissance.

Un de mes amendements proposait une formation générale d'un an, suivie d'une formation spécialisée. Cela pourrait risquer de compliquer l'attribution des postes, mais ne serait-ce pas bénéfique pour l'élève accompagné ?

Par ailleurs, je souhaiterais connaître votre point de vue sur l'accompagnement dans le cadre périscolaire.

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J'ai entendu vos réserves sur les PIAL, que je peux partager, mais la mutualisation a été présentée comme un outil visant à augmenter le nombre d'heures allouées aux AESH ; comment résoudre cette contradiction ?

Les parents des élèves concernés et les accompagnants s'accordent à dire que lorsque l'on a acquis une compétence pour un handicap particulier, lorsque l'on a bâti une relation de confiance avec un enfant, on souhaite l'accompagner dans la durée ; j'ai reçu des témoignages poignants à ce sujet. Mais comment permettre cela sans établir le principe selon lequel que les parents pourraient choisir l'AESH ?

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Yvon-Yvan Barabinot, professeur de lycée professionnel en établissement régional d'enseignement adapté (EREA)

S'agissant de la question de l'affectation en fonction de la formation et de la spécialisation, dans le cadre actuel, où des AESH sont encore sous statut précaire – nous l'espérons en CDI dans l'immédiat, mais je rappelle que nous sommes partisans de la construction d'un vrai corps de fonctionnaires –, nous pourrions très bien créer un mouvement d'affectation des accompagnants. Il y aurait évidemment une dimension fonctionnelle : les intéressés émettraient ainsi des voeux en fonction de leur spécialisation et de l'expérience acquise ; mais la question de la proximité du lieu de travail serait également prise en compte, car la précarité fait que l'on envoie parfois des AESH payés 600 euros à l'autre bout du département, ce qui pose la question des frais. Enfin, le statut de fonctionnaire suppose un mouvement d'affectation.

Par ailleurs, les PIAL – mais l'argument est le même en matière de périscolaire – ne sont pas nécessaires pour offrir le temps plein dont les AESH ont besoin pour percevoir un salaire leur permettant de vivre. Nous revendiquons en effet que les accompagnants soient rémunérés à 1,4 fois le SMIC, avec une grille d'avancement ne se résumant pas à 20 euros tous les trois ans, car chaque fois que le SMIC augmente, il faut la modifier.

Aujourd'hui les AESH, même lorsqu'ils travaillent 24 heures, sont déjà à temps plein, compte tenu du temps de travail invisible qu'ils accomplissent. C'est pourquoi nous considérons que 24 heures correspondent à un temps plein et que nous disons que cela ne représente aujourd'hui que 67 % du salaire : personne ne s'y retrouve ! 24 heures, c'est un temps plein.

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Hélène Elouard, accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH) et animatrice du Collectif AESH national CGT

Nous effectuons des heures invisibles qui ne sont pas prises en compte alors que nous avons déjà un travail énorme : nous aimerions donc d'abord que ces heures soient prises en compte. Le domaine périscolaire ne fait pas partie de nos fonctions : nous devons suivre des élèves de maternelle jusqu'à des élèves de BTS, ce qui représente énormément de travail sur le plan scolaire. Il nous est donc demandé de connaître des niveaux scolaires très variés, et par ailleurs nous avons affaire à de multiples formes de handicap, singulièrement du fait de la mutualisation, ce qui nous oblige actuellement à nous auto-former. Du matin au soir, nous accomplissons de multiples tâches différentes, et cela ne changera pas même si nous bénéficions un jour de formations adaptées. De son côté la connaissance de la relation avec l'élève ne va pas de soi, elle représente un apprentissage. Il faut chaque fois entrer en relation avec l'élève de façon différente en fonction du handicap qu'il présente, c'est un apprentissage que nous faisons par nous-mêmes et que personne ne nous apprend. Et cet apprentissage n'est pas le même que celui de l'enseignant, quelles que soient ses compétences.

Le périscolaire est une autre fonction – c'est peut-être un métier, ce que j'ignore –, et nous ne voulons pas passer le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) pour apprendre autre chose et basculer vers ce type d'activité. Je veux aussi ajouter que nous avons besoin de respirations : être toute la journée aux côtés d'élèves en situation de handicap est un travail pénible, même s'il est plein de joie. Lorsque le soir on passe la porte de la maison, ni la tête ni le corps ne sont vides, on est très fatigué et on a besoin de temps de repos dans la journée. Nous avons donc besoin de temps de repos dans la semaine, et 24 heures de travail hebdomadaire seraient bien suffisantes. Nous avons aussi besoin de temps de régulation et il serait bon que nous puissions parler à des conseillers pédagogiques. Intervenir dans le secteur périscolaire nous conduirait à travailler toute la journée sans aucune respiration. De son côté, l'élève a besoin d'acteurs différents pour se construire, il ne peut pas être avec la même personne toute la journée.

Quant à la mutualisation, elle revient à suivre plusieurs élèves, donc à participer à plusieurs équipes de suivi de la scolarisation (ESS), ce qui ne peut que multiplier les heures invisibles. Elle nécessite que nous nous familiarisions avec différentes formes de handicap. Nous redoutons qu'avec l'institution des PIAL – qui sont associés à une sectorisation –, nous devions intervenir dans plusieurs établissements. Dans la mesure où ce dispositif prévoit la possibilité de modifier le quantum des heures d'affectations d'élèves, nous risquerons de nous retrouver avec un autre élève en cours d'année, et de changer sans cesse.

Encore une fois, quand pourrons-nous approfondir le travail de fond que nous réalisons avec ces élèves ? Depuis 2005, nous construisons une profession qui n'est pas reconnue et que personne, ou presque, n'essaie de prendre en compte, alors que nous développons des compétences et des savoir-faire qui se mettent en place. Nous aimerions concrétiser ces savoir-faire par de la formation, en travaillant à notre statut avec d'autres professionnels et en obtenant la reconnaissance de ce que nous faisons, au lieu de nous entendre dire que l'on va nous placer à nouveau aux côtés de multiples élèves, ce qui a été le cas au début en 2005 ; car depuis cette date, les choses se sont construites.

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Permettez-moi, madame, de dire que si personne n'était à votre écoute, nous ne serions pas là.

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Merci infiniment pour ces témoignages et ces explications qui nous ont mieux fait comprendre votre fonction et les difficultés qui sont les vôtres et celles des établissements.

Jean-Michel Blanquer a indiqué vouloir construire le service public de l'école inclusive, je veux croire que cela sera fait et qu'il y aura quelque chose pour vous. J'ai entendu également que l'instauration des PIAL sera l'occasion organiser des formations communes entre les professeurs et les AESH. Et j'ai aussi entendu qu'une partie au moins des heures invisible sera prise en compte – et je l'espère.

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À mon tour, je veux vous remercier pour la qualité de votre diagnostic et de vos propositions.

J'espère fortement que les travaux de cette commission d'enquête nourriront utilement et efficacement la réflexion du ministre ; c'est dans cet état d'esprit que nous vous avons reçus aujourd'hui.

L'audition s'achève à dix-huit heures trente-cinq.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 26 mars 2019 à 17 heures 30

Présents. – Mme Géraldine Bannier, M. Bertrand Bouyx, Mme Blandine Brocard, Mme Danièle Cazarian, M. Dino Cinieri, M. Marc Delatte, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Marianne Dubois, Mme Nathalie Elimas, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Olivier Gaillard, M. Sébastien Jumel, M. Maxime Minot, Mme Catherine Osson, Mme Béatrice Piron, Mme Cécile Rilhac, Mme Mireille Robert, Mme Sabine Rubin, Mme Nathalie Sarles, Mme Sylvie Tolmont, M. Patrick Vignal

Excusés. - Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Monique Iborra