Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 10 avril 2019 à 13h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PIB
  • dette
  • déficit
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La réunion

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Présidence

La commission entend M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, et M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le programme de stabilité pour les années 2019 à 2022.

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Je remercie MM. les ministres Le Maire et Darmanin d'avoir accepté notre traditionnelle invitation à nous présenter le programme de stabilité qui a fait l'objet d'une délibération ce matin même en conseil des ministres. Ce matin également, M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, nous a présenté l'avis de celui-ci relatif aux prévisions macroéconomiques associées à ce programme de stabilité. Je rappelle que le Gouvernement prononcera une déclaration qui sera suivie d'un débat et d'un vote en séance publique le mardi 30 avril.

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

M. Darmanin et moi-même sommes très heureux de vous présenter ce programme de stabilité, tout en précisant d'emblée qu'il ne présage pas des décisions qui seront prises par le Président de la République à l'issue du Grand débat, et qui pourront modifier le cadre que nous fixons aujourd'hui.

Je ferai trois remarques d'ordre général. Tout d'abord, la politique économique que mènent la majorité et le Gouvernement depuis deux ans donne des résultats. Le taux de croissance, initialement prévu à 1,7 %, a été révisé à 1,4 % mais place la France au-dessus de la moyenne de la zone euro. Nous avons créé un demi-million d'emplois depuis 2017 et atteint le niveau de chômage le plus bas depuis 2009. Nous respectons nos engagements en matière de déficits publics, qui ont atteint 2,8 % en 2017, 2,5 % en 2018 et qui s'élèveront à 2,3 % en 2019, à quoi s'ajoute 0,8 point en raison de la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allégement de cotisations sociales, soit un déficit global de 3,1 %, mais la décision liée au CICE étant exceptionnelle – c'est un one-off, comme on dit –, le déficit public, de 2,3 %, sera bel et bien inférieur à 3 %, en 2019, et nous visons un déficit de 1,2 % à la fin du quinquennat, en 2022. Enfin, nous avons engagé un mouvement de baisse des impôts, dont nous avons déjà largement débattu hier en séance publique : à la fois les impôts des entreprises avec la baisse de l'impôt sur les sociétés et la transformation du CICE en allégement de cotisations, et les impôts des ménages puisqu'en 2019, ils baisseront en moyenne de 440 euros pour les deux tiers des ménages.

Toutes ces décisions de politique économique qui figurent dans le programme de stabilité nous conduisent, selon les évaluations de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à envisager une croissance de 3,2 % de la richesse nationale d'ici dix ans, qui bénéficiera en priorité aux classes moyennes et aux classes moyennes modestes.

En revanche, nous conservons deux faiblesses, comme le reconnaît le programme de stabilité avec la sincérité qui le caractérise. La première, c'est la dette. Elle a explosé de 30 points entre 2009 et 2018 en passant de 64 % à plus de 98 % de la richesse nationale. La réalité est celle-ci : la dette publique française tangente les 100 % en raison de son explosion depuis plusieurs années, et parce que la croissance actuelle n'est pas assez forte pour la faire baisser rapidement. Cette dette, je le répète, est un poison avec lequel nous ne pouvons pas vivre si nous voulons garantir une croissance solide. Nous prévoyons de la réduire de moins de 5 points, comme nous le présentons en toute sincérité dans le programme de stabilité, cependant je conserve cet objectif. Cela signifie que si des marges de manoeuvre supplémentaires apparaissent en raison d'une croissance plus forte que prévu, elles devront être consacrées en priorité au désendettement de l'État. Les cessions d'actifs qui doivent être décidées demain matin à l'occasion de l'adoption définitive de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (« PACTE ») y seront également consacrées, car le désendettement est à mes yeux une priorité. Les conditions actuelles sont plus difficiles à cause du ralentissement de la croissance ; nous stabilisons la dette et la réduirons d'ici à 2022, certes dans des proportions moindres dans le programme de stabilité que ce que nous avions envisagé, mais je conserve cet objectif et, je le répète, toutes les marges de manoeuvre supplémentaires iront à la réduction de la dette publique.

Notre seconde faiblesse est structurelle et ne date ni d'hier ni d'avant-hier : le volume global de travail de la France est trop faible. Les Français entrent trop tard sur le marché du travail et nous connaissons un problème structurel majeur d'inadéquation entre l'offre et la demande de travail : une entreprise sur deux ou presque ne trouve pas les qualifications et les formations dont elle a besoin. Vous connaissez tous, dans vos circonscriptions, des petites et moyennes entreprises (PME) industrielles qui cherchent en vain des chaudronniers ou des soudeurs, des concessionnaires automobiles qui cherchent en vain des carrossiers, des sociétés d'ingénieurs qui cherchent en vain des codeurs et des développeurs. C'est le problème structurel qu'il faut selon moi résoudre en priorité, ce à quoi nous nous employons avec Mme Pénicaud et l'ensemble du Gouvernement. D'autre part, le taux de chômage de la France est supérieur à la moyenne de la zone euro et le départ à la retraite intervient plus tôt que chez certains de nos partenaires européens. Ce volume de travail plus faible, lié aux problèmes de qualification, de formation et de chômage élevé, explique en grande partie l'appauvrissement relatif des Français depuis dix ans : au début des années 2000, la richesse par habitant en France était au même niveau que l'Allemagne, alors qu'elle est aujourd'hui inférieure de 15 %.

Tout cela doit nous conduire à poursuivre les réformes structurelles engagées, comme le précise le programme de stabilité. La réforme de l'assurance chômage est décisive pour inciter au retour à l'emploi et pénaliser le recours abusif aux contrats courts qui existe dans certains secteurs depuis plusieurs années – à cet égard, je suis favorable au système de bonus-malus dans les secteurs en question, comme je le dis depuis plusieurs mois. Les entreprises doivent être responsables et ne pas user de ces contrats très courts qui déstabilisent le marché du travail. Outre l'assurance chômage et les retraites, l'autre grande réforme structurelle, qu'ont annoncée MM. Darmanin et Dussopt il y a quinze jours, concerne la fonction publique. Ce sont ces réformes prioritaires qui justifient que nous contenions l'ajustement structurel à 0,1 point en 2019 et en 2020.

Troisième point : le ralentissement de la croissance mondiale devient préoccupant. Il s'explique par plusieurs raisons : la fin des mesures de relance budgétaire – le stimulus – aux États-Unis, tout d'abord, qui avaient été efficaces dans un premier temps et qui le sont moins aujourd'hui ; le ralentissement de la croissance chinoise ; la faiblesse du commerce mondial liée aux tensions commerciales et aux rivalités entre les États-Unis et la Chine ; enfin, les difficultés propres à l'Europe, les incertitudes liées au Brexit, la récession italienne et le ralentissement économique marqué en Allemagne, dont la croissance sera de 0,8 % en 2019 contre 1,4 % en France.

Tous ces facteurs produisent un ralentissement marqué et préoccupant face auquel nous ne pouvons pas rester les bras croisés. J'estime qu'il est de la responsabilité principale des ministres de l'économie et des finances de la zone euro de prendre des initiatives en la matière. Demain, en marge du G7 à Washington, je proposerai donc à mes partenaires européens un nouveau contrat de croissance pour la zone euro qui reposera sur quatre piliers. Le premier concerne la poursuite des réformes structurelles dans les pays qui doivent gagner en compétitivité, en faveur desquelles la France s'engagera comme elle s'engage au rétablissement de ses finances publiques. Le deuxième pilier consiste à accroître l'investissement consenti par les États qui bénéficient des marges de manoeuvre budgétaires nécessaires – je pense à l'Allemagne, aux Pays-Bas, à la Finlande – afin qu'ils luttent avec nous contre le ralentissement de la croissance mondiale et de celle de la zone euro. Troisième pilier : l'accélération de la transformation de la zone euro, dont je répète qu'elle ne sera pas capable de résister à une éventuelle nouvelle crise financière et économique. Le budget de la zone euro doit être disponible en juin prochain, l'union bancaire doit être réalisée d'ici à la fin de l'année et l'union des marchés de capitaux doit s'accélérer. Telles sont les trois réformes qui composeront le contrat de croissance pour la zone euro que je proposerai. Enfin, dernier pilier : la poursuite d'une politique monétaire accommodante de la part de la Banque centrale européenne (BCE) pour éviter de resserrer le crédit et les disponibilités financières dont nos entreprises ont besoin.

J'insiste sur ce nouveau contrat de croissance pour la zone euro que je proposerai à nos partenaires européens car le programme de stabilité que nous vous présentons n'a de sens que si nous sommes aussi capables de prendre les décisions politiques nécessaires afin d'éviter que le ralentissement de la croissance de la zone euro ne soit trop marqué et, in fine, ne touche notre croissance, nos emplois et notre prospérité collective.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Après la présentation par M. Le Maire des chiffres macroéconomiques et du programme de réformes, il me revient, à l'occasion de ce deuxième programme de stabilité du quinquennat, de dire quelques mots plus en détail de la situation des comptes publics en évoquant non seulement quelques chiffres-clés mais aussi ce que contient – et ne contient pas – ledit programme de stabilité, qui est une photographie sincère – j'insiste, car c'est la marque de fabrique du Gouvernement que de présenter des données sincères au Parlement, comme l'a remarqué le Haut Conseil des finances publiques dans son aviss en notant le caractère raisonnable et « réaliste » des prévisions macroéconomiques ainsi que le caractère sincère des chiffres fournis à l'Assemblée nationale et à la Cour des comptes, ce qui est bien la moindre des choses.

Regardons donc en arrière pour « resincériser » les chiffres : en 2018, le déficit a atteint 2,5 % du produit intérieur brut (PIB) contre une prévision de 2,7 % en loi de finances, soit 1 point de moins – c'est-à-dire plus de 20 milliards d'euros – que le niveau constaté par la Cour des comptes, qui s'élevait à 3,4 %, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités. Nous avons donc réduit de 1 point le déficit en deux années budgétaires : c'est le meilleur résultat obtenu depuis 2006. C'est la première fois depuis dix ans que le Gouvernement peut se prévaloir de maintenir le déficit public sous la barre de 3 % pendant deux années successives – conformément à l'engagement du président Macron. En 2019, le déficit prévisionnel a été révisé à 3,1 % au lieu de 3,2 % suite à la transformation du CICE en allégements de cotisations, pour 0,9 point de déficit, et aux annonces que le Président de la République a faites en décembre.

Entre 2017 et 2018, le ratio des dépenses publiques au PIB est passé pour la première fois de 55 % à 54,4 %, c'est-à-dire une baisse de 0,6 %, soit un peu plus de 10 milliards d'euros. La croissance de la dépense publique prévue dans ce programme de stabilité, comme l'année dernière, s'établit à 0,2 % en volume, contre près de 1 % entre 2012 et 2017. La baisse des prélèvements obligatoires, de l'ordre de 1,2 %, dépasse les engagements pris dans la loi de programmation des finances publiques. Pour la première fois depuis 2007, la dette publique a été stabilisée – malgré un effort de sincérité puisqu'elle englobe pour la première fois la dette de la SNCF, soit 34 milliards – même si, avec ce volume très important, elle demeure un point noir, comme l'a dit M. Le Maire.

Qu'y a-t-il dans ce programme de stabilité ? Nous sommes naturellement heureux de venir le présenter devant votre commission, monsieur le président, mais le Gouvernement se soumettra également à la discussion dans l'hémicycle et à l'approbation du Parlement avant la fin du mois d'avril. Il se trouve dans ce programme tout ce que le Président de la République et la majorité ont souhaité mettre dans les politiques économiques, sociales et fiscales. La suppression totale de la taxe d'habitation, tout d'abord, représente une baisse d'impôt de quelque 7 milliards d'euros d'ici à la fin du quinquennat. Autre élément : la renonciation à la taxe carbone. La révision de la trajectoire de diminution de l'impôt sur les sociétés et la taxe sur les services numériques, dite « taxe GAFA », permettent de « sincériser » les recettes que vous nous aviez demandé d'expliciter lors des annonces du Président de la République en fin d'examen du dernier projet de loi de finances – explications que M. Le Maire a consacré une bonne partie de la nuit dernière à compléter devant vous. S'y ajoute le financement des mesures d'urgence présentées par Mmes Buzyn et Pénicaud, en ce qui concerne notamment la prime d'activité et la défiscalisation des heures supplémentaires.

Enfin, les lois de programmation adoptées par le Parlement ne font l'objet d'aucun renoncement : cela vaut pour l'augmentation de 2 milliards par an du budget de la défense prévue dans la loi de programmation militaire, pour la stabilisation budgétaire prévue dans la loi de programmation de la justice et, naturellement, pour les augmentations prévues dans les ministères régaliens, en particulier le ministère de l'intérieur, pour l'augmentation de la masse salariale de l'éducation nationale ou encore pour les mesures d'ordre environnemental – je rappelle que le budget de l'écologie augmente de 1 milliard par an, malgré la révision de la taxe carbone – et, enfin, pour les mesures d'augmentation des prestations sociales – allocation aux adultes handicapés et autres – annoncées par le Président de la République et par le Gouvernement lors du débat budgétaire, et dont les dates et les montants sont maintenus.

J'y ajoute l'annulation de 1,5 milliard d'euros de crédits au budget général pour 2019. Conformément à mon engagement depuis que j'ai pris mes fonctions, je n'ai pas présenté de décret d'avance. Je ne crois pas que le Gouvernement ait l'occasion de présenter un projet de loi de finances rectificative d'ici à l'été en raison des élections européennes. En revanche, des mesures d'annulation budgétaire interviendront et le Parlement y sera associé lors de l'examen du projet de loi de finances. Ce sera l'occasion de constater que nous n'avons dégelé aucun crédit, comme l'an passé, puisque l'économie de 1,5 milliard évoquée lors de la discussion budgétaire suite aux annonces du Président de la République est maintenue.

Je constate, en outre, qu'en dépit des demandes qui nous ont été adressées par la majorité et l'opposition d'augmenter les crédits de certains ministères, le budget de l'année dernière a été sous-exécuté à hauteur de 1,4 milliard d'euros. Or, nous demandons 1,5 milliard d'économies. C'est parfaitement à notre portée : si nous arrivons à sous-exécuter à hauteur de 1,4 milliard, nous devrions bien pouvoir trouver 1,5 milliard de crédits gelés dans les ministères...

Je ne reviens pas sur la réforme de la fonction publique, ni sur celle de l'assurance chômage ni sur les autres réformes que M. Le Maire a évoquées. Je conclurai simplement en disant que nous présentons aujourd'hui un document sincère, car nos prévisions macroéconomiques sont conformes à celles de tous les organismes qui font autorité en matière économique. Le Haut Conseil des finances publiques a souligné cette sincérité et le caractère raisonnable de nos prévisions. Cela étant, les incertitudes relatives aux tensions commerciales, à la dette chinoise et à plusieurs questions européennes, dont le Brexit, persistent, et je répète que ces chiffres sont présentés à la Commission européenne avant les annonces du Président de la République puisque nous étions tenus de présenter cette photographie sincère avant les élections européennes, ce que nous faisons sans retard devant vous.

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Je me permettrai, messieurs les ministres, une analyse sensiblement différente. Une fois de plus, je salue l'effort de sincérité, que vous n'êtes pas le premier gouvernement à consentir, quoique vous le consentiez longtemps et jusqu'au bout ; je m'en réjouis. Vous révisez notamment les prévisions de croissance, à juste titre car vous tenez dûment compte du ralentissement mondial – comme l'a dit le président Migaud ce matin.

Sur la forme, vos prévisions sont bonnes ; le sont-elles sur le fond ? J'en suis moins sûr. Apportons un bémol à votre sincérité : ce programme de stabilité est empreint d'une grande instabilité car le Président de la République et le Gouvernement n'ont pas encore tiré les conséquences du débat qui s'est tenu pendant plusieurs mois et qui, par principe, devrait se traduire par des décisions – vous avez vous-mêmes tracé quelques pistes à cet égard. En clair, l'instabilité du programme de stabilité est plus forte que jamais, même si les programmes de stabilité ont souvent été très éloignés de la réalité.

Ce programme de stabilité est tout de même placé sous le signe de la dégradation par rapport au programme précédent. L'objectif de déficit public en 2022 est réduit de 1,5 point : c'est beaucoup, et sans doute trop. L'effort que vous fixiez à 2,9 points sur la période de réduction passe à 1,6 point ; en d'autres termes, vous abandonnez 45 % de votre objectif de réduction en à peine un an. La croissance peut certes expliquer certaines choses mais elle ne peut pas tout expliquer.

D'autre part, le Gouvernement a dégradé son effort de diminution de la dépense publique. Vous l'avez dit : cela va à l'encontre de la tendance générale à réduire de la dépense publique – ce que vous faites assez peu. Je conteste notamment la notion de « zéro volume » : un calcul plus juste consistant à réintégrer les crédits d'impôt et en utilisant un déflateur de PIB plus adapté que celui que vous utilisez donne plutôt une progression de 0,9 % du volume des dépenses – sans parler de leur augmentation en valeur. En tout état de cause, ce programme de stabilité montre qu'en volume, la dépense publique repart à la hausse en 2020 et en 2021, quel que soit le mode de calcul retenu.

J'en viens à la dégradation de la dette publique. M. Le Maire l'a dit : c'est un problème complexe et ancien qui n'est que très peu résolu. La réduction du ratio d'endettement, que vous prévoyiez de fixer à 5 points de PIB – c'est considérable – sera en fait de 1,6 point. Là encore, c'est un abandon d'objectif.

Enfin, vous dégradez notre capacité de convergence avec nos partenaires européens, et c'est sans doute le plus inquiétant. À terme, nous serions dans l'incapacité de répondre puissamment à une nouvelle crise si elle nous frappait aussi fort que celle qui nous a frappés il y a dix ans. Je pense en particulier à l'écart entre le déficit de la zone euro et celui de la France : il s'est creusé en cinq ans pour passer de 1,1 point à 1,9 point. L'essentiel n'est pas de courir seul mais de se comparer aux autres. Or, sur les cinq dernières années, cette comparaison n'est pas avantageuse.

La baisse des impôts, quoique moins rapide que ce que vous prévoyiez, est réelle, comme je vous l'ai dit hier, monsieur le ministre de l'économie, et même importante en termes de points de PIB, mais elle se fera au prix fort, c'est-à-dire au prix de l'augmentation des déficits publics.

Pour toutes ces raisons, j'ai une vision assez négative de la trajectoire que vous proposez par rapport au programme de stabilité précédent. Globalement, vous révisez vos objectifs à la baisse. Il n'y a qu'une seule révision à la baisse qui nous place en position de force vis-à-vis de la zone euro : c'est le ralentissement de la croissance. La croissance française révisée, à 1,4 point, sera supérieure – cela n'a pas toujours été le cas – à la croissance de la zone euro. En soi, c'est une bonne nouvelle, car cette croissance plus rapide répond à certains des problèmes structurels que le ministre de l'économie a cités. Il me semble cependant que si la croissance française est légèrement supérieure à celle de la zone euro, c'est aussi pour plusieurs mauvaises raisons qui tiennent à nos faiblesses – lesquelles se transforment parfois, de manière très ponctuelle, en forces. Je pense au fait que l'économie française est plus déconnectée que d'autres du contexte international ; structurellement, nous gagnons donc moins en période d'accélération, mais nous perdons aussi moins en période de ralentissement, comme en témoigne le fait que le ralentissement actuel de l'économie mondiale nous touche moins. D'autre part, il s'est produit une injection massive de capitaux publics ; la dernière injection date de décembre et, en tout état de cause, le volume de la dépense publique demeure très important. Sur ce point, vous faites peu d'efforts, au prix de déficits persistants – situation que ne connaissent pas d'autres économies.

Enfin, vous avez raison, monsieur le ministre de l'économie : le critère du volume de travail est très important. La réponse au mal français consiste sans doute à augmenter le taux d'activité et le taux d'emploi – en somme, le volume de travail effectif, ce qui passe par de nécessaires réformes structurantes qui ne sont pas encore engagées.

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Merci, tout d'abord, messieurs les ministres pour cet exposé. Tout d'abord, une petite précision : je ne produirai pas en commission le fameux rapport habituel du rapporteur général sur le programme de stabilité, les délais ne permettaient pas qu'il fût prêt pour notre réunion – à l'impossible, nul n'est tenu. Il le sera bien évidemment avant la séance. Je vous remercie, chers collègues, de votre indulgence.

Merci, monsieur le ministre de l'économie et des finances, d'avoir rappelé la nocivité de la dette. Il n'est pas inutile, compte tenu de certains propos qu'inspirent de temps en temps tous les différents textes financiers, de faire quelques rappels pédagogiques. Je vous remercie également d'avoir présenté les perspectives de croissance de la zone euro et souligné la volonté politique qui inspire le Gouvernement.

Nous avons procédé, ce matin, à l'audition du Premier président de la Cour des comptes en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques. La sémantique du Haut Conseil est toujours un peu particulière mais, à la lumière de l'avis rendu, j'ai pour ma part évoqué un « bilan globalement positif », pour reprendre une expression connue.

Les résultats d'exécution sont plutôt bons et le déficit est moindre que la loi de programmation des finances publiques ne le prévoyait. Néanmoins, les objectifs sont désormais moins ambitieux, principalement en raison de la révision à la baisse des perspectives de croissance, en lien avec le ralentissement économique mondial.

Vous avez également souligné, et c'est important, que la trajectoire ne tient pas compte des décisions qui pourront être prises à la suite du Grand débat national. Selon vous, les mesures qui seront annoncées devront-elles s'inscrire dans cette trajectoire de finances publiques qui sera communiquée aux institutions européennes à la fin du mois ? Si ce n'est pas le cas, quel véhicule, législatif ou autre, pourrions-nous utiliser pour modifier cette trajectoire ?

Par ailleurs, je me félicite que la croissance – prévue – du PIB de la France soit supérieure à celle du PIB de nos principaux partenaires. Cela démontre l'efficacité des politiques menées. Cependant, comme elle résulte pour partie, dans une logique très keynésienne, de la relance de la consommation consécutive aux mesures prises à la fin de l'année dernière, cela ne risque-t-il pas de creuser notre déficit commercial ?

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Il me paraît important de rappeler que ce programme de stabilité s'inscrit dans un effort de « sincérisation » budgétaire : le mot a beaucoup été employé ce matin, lors de l'audition de M. le Premier président de la Cour des comptes, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques. Par ailleurs, nos débats d'aujourd'hui interviennent dans le contexte particulier d'une respiration démocratique que connaît notre pays depuis trois mois. Nous avons pu constater lundi matin le caractère très raisonnable des demandes exprimées par les Français, qui, s'ils sont désireux d'une baisse des prélèvements obligatoires et de plus de justice fiscale, n'oublient jamais la question de la dépense publique et de son efficacité. Il me paraît important de le rappeler au moment où nous évoquons un programme de stabilité qui nous engagera jusqu'en 2022. Les engagements pris en matière de réduction du déficit et des prélèvements obligatoires sont maintenus, mais, effectivement, nous regrettons tous que la réduction de la dette ne soit finalement pas à la hauteur de ce que nous aurions souhaité.

L'an dernier, l'effort d'économie fut de 1,4 milliard d'euros par rapport aux prévisions. En 2019, cependant, la croissance de la dépense publique sera plus élevée que prévu. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous avez évoqué certaines économies, en matière d'assurance chômage ou, plus généralement, à la suite de la réduction du chômage. Pouvez-vous nous donner quelques précisions ?

Quant à l'effort de sincérisation portant sur la réserve de précaution, comment celle-ci est-elle utilisée aujourd'hui à la suite des mesures d'urgence prises à la fin de l'année dernière ? Et pouvez-vous faire le point sur la mise en oeuvre du plan Action publique 2022 et des plans de transformation que les différents ministères sont censés vous communiquer pour s'engager dans cette baisse de la dépense publique ?

Un point m'intéresse particulièrement en tant que rapporteure spéciale pour les Engagements financiers de l'État. La charge de la dette a été revalorisée à la fin d'année dernière du fait d'une hausse du fait de l'inflation, sur laquelle sont indexés certains titres de l'État. Qu'en sera-t-il de la charge de la dette en 2019, les taux d'intérêt restant extrêmement bas ? Et quelles sont vos anticipations à l'horizon 2020, au regard des projections de la BCE ?

Ce matin, nous avons aussi interrogé le président Migaud sur les anticipations de la consommation des ménages. Il a souligné la prudence des projections du Gouvernement, qui tient compte du fait que les Français ne consacrent pas 100 % du montant des mesures de pouvoir d'achat à la consommation : ils s'en servent aussi pour épargner. La notion de confiance me paraît extrêmement importante à cet égard – qu'il s'agisse de la confiance en l'avenir ou de la confiance dans les décisions du Gouvernement. Qu'en pensez-vous ?

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Je vous sais gré, messieurs les ministres, de venir devant nous à l'issue du Conseil des ministres, mais il ne me paraît pas admissible que la commission des finances de l'Assemblée nationale soit finalement moins bien traitée par le Gouvernement que les médias. Depuis huit jours, ils disposent d'un certain nombre d'éléments d'information sur le programme de stabilité et, depuis hier, ils en ont la version définitive. Pour notre part, nous aurons dû attendre 10 heures 30 ce matin pour en disposer, tandis que le président Migaud s'exprimait devant nous. Outre le caractère sportif de l'exercice, qu'il a évoqué ce matin, le procédé est peu courtois à l'égard des députés.

Sur le fond, vous avez révisé vos prévisions de taux de croissance, désormais ramenées à 1,4 % pour chaque année jusqu'en 2022. Vous tenez probablement compte, ainsi, de l'avis du Haut Conseil des finances publiques, qui jugeait, l'an dernier, le scénario de finances publiques fondé sur une trajectoire de croissance optimiste.

Au cours de ces deux premières années de mandat, la croissance du PIB était plus forte, soit 2,3 % en 2017 et 1,6 % en 2018, mais vous avez augmenté les impôts sans vous attaquer à la dépense publique. Cela emporte plusieurs conséquences. Tout d'abord, le niveau des prélèvements obligatoires a continué à augmenter, atteignant 45 % du PIB. Selon les chiffres de l'OCDE et d'Eurostat, nous serions sur le podium si un championnat des pays au plus fort taux de prélèvements obligatoires était organisé ! Nous avons d'ailleurs dépassé le seuil des 1 000 milliards d'euros de prélèvements dès 2017, pour atteindre un montant prévu de 1 070 milliards d'euros cette année. En outre, le déficit continue de se creuser, atteignant le niveau record de 3,1 % du PIB en 2019, les dépenses publiques continuant à augmenter en volume de 0,2 %, après avoir crû de 1,4 % en 2017 et de 0,6 % en 2018. C'est une augmentation de 51 milliards d'euros en deux ans.

La dette, d'un montant de 2 147 milliards d'euros le 31 décembre 2016, s'est envolée pour atteindre un montant supérieur à 2 300 milliards d'euros, soit plus de 150 milliards d'euros supplémentaires.

Le plus grave est que vous visez à une baisse de l'endettement non plus de 5 points mais de 1,6 point de PIB au cours du quinquennat. Abandonnant votre objectif initial, vous ne nourrissez plus qu'une ambition trois fois moindre.

Vos choix nous interloquent quelque peu. Vous avez fait celui d'augmenter les impôts sans réduire la dépense au cours des années de forte croissance et, maintenant que la croissance est moindre, vous envisagez de baisser les impôts, sans non plus engager d'efforts en matière de dépense publique. Finalement, vous éloignez la France des objectifs à moyen terme de la loi de programmation.

Le Président de la République annoncera des mesures d'ici à quelques jours, qui ne seront pas neutres au regard du programme de stabilité. J'imagine que vous avez envisagé un scénario. Comment comptez-vous donc les financer ? Ferez-vous comme pour le financement des mesures d'urgence économiques et sociales prises à la fin de l'année dernière ? Et que se passerait-il si la France devait connaître une crise telle que celle de 2008 ? Serions-nous en mesure de réagir ?

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Nous pouvons et nous devons nous réjouir des réformes entreprises par notre majorité depuis deux ans. Dans son récent rapport, l'OCDE indique qu'elles pourraient accroître le PIB par habitant de 3,2 % à un horizon de dix ans, précisant que cela bénéficierait pour l'essentiel aux ménages à revenus moyens, notamment ceux relevant de la tranche inférieure des revenus moyens. De plus, la croissance potentielle de la France grimperait aux alentours de 1,4 %, ce qui la placerait dans le peloton de tête des économies européennes. Réjouissons-nous donc collectivement de ces bonnes nouvelles, avec la baisse du chômage et la hausse du pouvoir d'achat.

Toutefois, l'OCDE tire la sonnette d'alarme quant à nos dépenses publiques. Les économistes de cet organisme estiment en effet que la situation des finances publiques ne s'est pas redressée. L'urgence est pourtant d'autant plus forte que l'ampleur des dépenses publiques nécessite d'importants prélèvements obligatoires, ce qui limite la capacité de nos entreprises à créer des emplois – nous sommes les champions du monde des prélèvements obligatoires.

Le Président de la République aura à se prononcer très prochainement sur les mesures retenues dans le cadre du Grand débat. Le programme de stabilité prend-il en compte les conséquences des différents scénarios possibles à la suite des annonces du Président de la République ? Quels nouveaux objectifs vous fixez-vous en matière de réduction du déficit ? Comment maintenir le cap des réformes nécessaires et de la baisse de la dépense publique tout en tenant les engagements qui seront probablement pris au cours des prochains jours ?

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Pour ma part, messieurs les ministres, je ne partage pas complètement votre satisfaction. Les prévisions sont tout de même sensiblement révisées à la baisse. En 2018, vous prévoyiez 2 % de croissance, nous sommes passés à 1,6 %. En 2019, nous sommes passés de 1,9 % à 1,4 %. De même, pour les années 2020 à 2022, la prévision de croissance est ramenée de 1,7 % à 1,4 %.

Le déficit, pour sa part, devait s'élever à 2,3 % du PIB en 2018 ; il aura finalement été de 2,5 %. En 2019, il ne sera finalement pas de 2,4 % mais de 3,1 % du PIB. En 2020, il devait être de 0,9 % du PIB, il sera de 2 %. En 2022, au lieu de connaître un excédent de 0,3 % du PIB, nos finances publiques seront toujours déficitaires, à hauteur de 1,2 % du PIB. En fin de compte, elles ne reviendront donc pas à l'équilibre.

Je ne vois guère quels motifs de satisfaction tirer de ces prévisions révisées. Pourquoi une telle dégradation, alors que notre pays ne connaît pas de véritable crise économique ? Certes, il connaît une crise sociale, mais vous l'avez largement provoquée par les décisions que vous avez prises depuis le début de ce mandat, qui ont suscité un véritable déséquilibre fiscal et social et même une fracture territoriale, à quoi s'ajoute une perte de confiance envers le Président de la République. Il faut rappeler qu'au début du mandat se conjuguaient l'effet des mesures prises au cours du précédent quinquennat et une espèce d'euphorie, de confiance presque irrationnelle mais non dénuée d'effets positifs sur l'économie.

Le Haut Conseil des finances publiques juge plutôt conformes les prévisions macroéconomiques sur lesquelles se fonde le programme de stabilité, mais il ne s'agit que de constater les dégâts. Il faut reconnaître une sincérité : la dégradation sincère des indicateurs... Il relève cependant quelques facteurs d'incertitudes importants au niveau international, à commencer par les conditions de mise en oeuvre du Brexit qui auront des effets à court terme. Dans sa note de conjoncture du mois de mars 2019, l'INSEE évoque une perte de 0,3 point de PIB en cas de Brexit doux et de 0,6 point en cas de Brexit dur.

Le Haut Conseil note surtout des risques de durcissement des tensions protectionnistes et le ralentissement de l'activité en Chine, ce qui est plutôt inquiétant, malgré un plan d'investissement et de relance dans ce pays, car nous savons que les variations de la croissance chinoise affectent la croissance en Europe. Par ailleurs, les perspectives de croissance se dégradent en Italie et en Allemagne. S'y ajoute l'incertitude qui entoure les décisions que le Gouvernement prendra à la suite du Grand débat national.

Pour ma part, je me pose des questions sur le financement de l'application de l'exonération de taxe d'habitation aux 20 % de nos concitoyens les plus aisés. Comme ma collègue Véronique Louwagie, je me demande si vous ferez comme précédemment, en augmentant la contribution sociale généralisée ou la fiscalité écologique. Certes, vous semblez plutôt envisager des économies, mais quelles conséquences tout cela aura-t-il sur la dette ? Et la trajectoire présentée tient-elle compte de cette exonération ?

En fin de compte, entre des prévisions qui se dégradent, des incertitudes lourdes et des scénarios qui n'envisagent pas de révisions à la baisse des indicateurs, il faudrait aux Français des éléments de nature à les rassurer. Et qu'en sera-t-il en cas de forte dégradation de la conjoncture internationale ?

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Tout d'abord, je m'associe à Mme Louwagie pour déplorer que la presse soit informée avant nous-mêmes.

Ce programme de stabilité me paraît bancal, ou, pour reprendre vos mots, monsieur le président, tout à fait instable. Vos prévisions de croissance sont très incertaines. Certes, vous les réajustez, en ne prévoyant, entre 2020 et 2022 qu'une croissance annuelle du PIB de 1,4 % et non plus de 1,7 %, mais rien ne nous garantit que cette croissance ne sera pas encore moindre – ce fut le cas en 2018 –, d'autant que vous vous entêtez dans votre politique d'austérité. Nous constatons pourtant que c'est l'augmentation du pouvoir d'achat induite par les mesures prises pour répondre aux revendications des « gilets jaunes » qui sauve la croissance de ce premier trimestre de l'année 2019. Dès 2020, les gains de pouvoir d'achat seront divisés par deux, ne représentant plus que 1 %.

En outre, si croissance il y a, vous envisagez non pas d'en faire profiter les Français, ni même l'investissement mais d'en consacrer le fruit au remboursement de la dette, tout en baissant de 30 milliards d'euros la fiscalité des entreprises. Il faudra m'expliquer comment vous faites ! Vous avez par ailleurs la naïveté de croire que cette baisse d'impôts aura un impact sur le chômage. Il faudra m'expliquer comment votre politique peut comporter quelque stabilité que ce soit.

Enfin, en pleine restitution du Grand débat, votre programme national de réforme me paraît tout simplement indécent. Je sais que vous interprétez la demande de justice fiscale comme le souhait d'une baisse d'impôts pour tous mais, si les entreprises bénéficient bien de 10 milliards d'euros de baisses d'impôts entre 2018 et 2020, le montant de 14 milliards d'euros dont vous vous targuez à propos des ménages ne résulte que de vos reculs à propos des mesures injustes que vous avez prises.

Cette politique est en fait très inquiétante, du point de vue de la vie des Français – qui vous importe de toute façon moins que les mécanismes économiques – mais aussi pour la conjoncture économique.

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L'année dernière, je vous avais dit, messieurs les ministres, que vos hypothèses de croissance étaient totalement irréalistes : 2 % en 2018 ; 1,9 % en 2019 ; 1,7 % chacune des trois années suivantes. Un an plus tard, vous avez fortement révisé à la baisse, je m'en réjouis, ces hypothèses – de 0,4 point en 2018, de 0,5 point en 2019 et de 0,3 point pour les trois années suivantes –, la croissance potentielle étant, selon vos propres déclarations, de 1,2 % ou de 1,3 %. Las ! Vos projections ne tiennent pas compte du fait que nous sommes dans la phase descendante du cycle économique, c'est-à-dire dans une période de ralentissement économique. Il eût été raisonnable d'abaisser vos prévisions à 1,1 % ou 1,2 %. Vous n'avez en outre laissé aucune marge de manoeuvre au Président de la République, s'il doit faire quelques milliards d'euros de dépenses supplémentaires – certes, M. Darmanin évoquera quelque possibilité, quelque réserve, mais il n'y a pas de marges de manoeuvre.

Quant aux dépenses, vous parlez, messieurs les ministres, d'une baisse – c'est formidable, la première depuis des décennies ! – de la dépense publique en volume, de 0,3 %. Eh bien, pas du tout ! La dépense publique a crû de 0,9 % en volume. Vous avez retenu pour votre part l'évolution de l'indice des prix à la consommation, qui est de 1,8 %, et non l'indice des prix implicite du PIB, qui est de 1 %. Par ailleurs, vous avez exclu les crédits d'impôt. Une fois réintégrés ces deux facteurs, la croissance de la dépense publique est de 0,9 %.

Pour les années suivantes, vous prévoyez un effort structurel de 0,4 point de PIB, soit 9 milliards d'euros environ, mais ce n'est que la moitié de ce qu'il faut, selon vos propres termes : vous expliquiez à juste titre, au mois de juillet 2018, que le redressement des finances publiques requérait un effort d'à peu près 20 milliards d'euros par an.

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Ma question a trait à un sujet qui, certes, n'est pas au coeur du programme de stabilité, mais qui a une importance majeure au regard des mesures qui seront prises à l'issue du Grand débat national ; je veux parler du rôle des collectivités locales dans l'évolution des prélèvements obligatoires et du niveau des services publics, surtout de proximité. La stabilisation des dotations de l'État, après plusieurs années de baisse, et les effets de la contractualisation financière, qui démontre que l'on peut contenir les déficits sans obérer le niveau des services publics, sont des éléments positifs.

Mais deux défis redoutables se profilent. Tout d'abord, la suppression de la taxe d'habitation, que je soutiens totalement, soulève la question de l'architecture de la fiscalité locale, laquelle est profondément injuste à cause de ses bases difficilement révisables, des inégalités qu'elle produit et de sa totale illisibilité pour les contribuables. De grandes associations d'élus, comme France urbaine ou l'Association des communautés de France, ont fait, à ce sujet, des propositions qui me semblent raisonnables et sur lesquelles j'aimerais recueillir votre sentiment.

Ensuite, le grand Débat national a confirmé, outre l'exaspération fiscale de nos concitoyens, l'urgente nécessité de développer un maillage territorial de proximité, de protection et d'innovation. Pensez-vous que nous pourrons surmonter ce paradoxe – auquel j'ai été longtemps confronté en tant qu'élu local – sans, d'une part, toucher au millefeuille territorial, dans lequel il y a de moins en moins de crème, et, d'autre part, envisager, entre l'État et les collectivités locales, un nouveau « deal » qui porte non seulement sur leurs relations financières mais aussi sur l'exercice même de certaines compétences ?

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Monsieur Le Maire, vous avez indiqué que la hausse de l'emploi était le fruit des transformations économiques, sociales et fiscales mises en oeuvre dans le cadre de votre politique, notamment de l'augmentation des investissements étrangers. Or, il est précisé, dans votre rapport, que cette augmentation est de 2 % et ne correspond qu'à vingt-six décisions supplémentaires. Surtout, on s'aperçoit que les emplois créés ou maintenus du fait de ces décisions d'investissement chutent de 9 % – moins 1 000 emplois – et même de 30 % dans le secteur productif. Dès lors, n'est-il pas un peu abusif d'établir un lien entre, d'une part, la baisse de la fiscalité du capital et l'augmentation relativement faible des investissements étrangers et, d'autre part, l'emploi ?

Par ailleurs, dans le programme national de réforme, que nous découvrons et qui a pour objet de rassurer le Conseil de l'Union européenne, vous indiquez que le projet de loi de transformation de la fonction publique vise à améliorer la gestion des ressources humaines dans les administrations publiques, grâce notamment à un dialogue social rendu plus efficace, à un développement du recours aux agents contractuels et à la facilitation de la mobilité pour l'agent. Faut-il comprendre qu'il s'agit de casser la démocratie sociale et syndicale de la fonction publique, de mettre en concurrence les agents publics par la réforme de l'évaluation annuelle, de durcir les sanctions contre ces derniers, d'affaiblir la négociation collective, d'étendre la possibilité de recourir aux contractuels et donc de précariser les agents publics, et de faciliter le « pantouflage » en réduisant notamment le rôle de la commission de déontologie ?

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Ma question porte sur le logement, dont j'observe, au passage, qu'il ne fait pas partie des thèmes qui ont émergé du Grand débat national, même si la question de la distance domicile-travail a été abordée ainsi que la nécessité de réhabiliter le parc. Au moment où l'on nous dit que les indicateurs sont à l'orange, je souhaiterais savoir si vous disposez d'informations particulières sur les recettes, notamment de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), issues du secteur du bâtiment. L'exécution est-elle, en la matière, conforme à vos prévisions ?

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Monsieur le président de la commission des finances, il n'aurait pas été honnête de ne pas tenir compte, dans le programme de stabilité, de la dégradation de la croissance mondiale. Toutefois, je constate que la France résiste mieux, car nos fondamentaux – l'investissement des entreprises, le commerce extérieur – demeurent solides et sont renforcés par nos choix de politique économique.

S'agissant de la dette publique, les chiffres que vous citez sont évidemment exacts. Nous allons ramener celle-ci de 98,4 % à 96,8 % de notre richesse nationale d'ici à 2022 ; nous indiquons donc à la Commission européenne une baisse de 1,6 point. Je maintiens néanmoins l'objectif d'une baisse de 5 points. J'ignore si la croissance future nous permettra de l'atteindre, mais j'observe que les cessions d'actifs de l'État dans les entreprises publiques représentent une baisse de 0,5 point du ratio d'endettement, ce qui n'est pas négligeable. Il est donc important de progresser également ainsi, point par point : la réduction de la dette publique ne se fait pas d'un coup d'un seul. Cette démarche justifie, me semble-t-il, les choix que nous avons faits.

Par ailleurs, si, en France, la croissance a été élevée, notamment en 2018, c'est en raison, non pas de l'injection d'argent public, qui n'est intervenue qu'en décembre 2018, mais de nos choix de politique économique. Je vous renvoie, à cet égard, au rapport de l'OCDE, qui est très clair. Lorsqu'elle prévoit 3,2 points de richesse nationale supplémentaires en dix ans, l'OCDE attribue 1,4 point à la nouvelle fiscalité sur le capital – prélèvement forfaitaire unique, suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune et autres décisions que nous avons prises fin 2017 –, 1,4 point à la réforme du marché du travail et aux ordonnances prises par Muriel Pénicaud et 0,4 point aux mesures du projet de loi PACTE visant à soutenir les PME et à améliorer le financement des entreprises. Si la croissance est soutenue, c'est donc d'abord parce que nous avons mené une politique de l'offre – que je revendique, car c'est bien l'offre française qu'il faut améliorer. La fiscalité du capital et l'évolution du marché du travail, à quoi s'ajoutent les mesures prises en faveur de la formation et de la qualification, doivent nous permettre d'atteindre notre objectif.

Monsieur le rapporteur général, le contrat de croissance que je propose pour la zone euro est, je le répète, vital. Tout d'abord, les ministres des finances ne peuvent pas contempler le ralentissement de la croissance en disant qu'ils ne peuvent rien faire – sinon, ce n'est pas la peine qu'ils fassent de la politique. Ensuite, le chacun pour soi n'est pas de mise. En effet, les membres de la zone euro sont solidaires parce qu'ils partagent la même monnaie et que la part des échanges commerciaux qu'ils réalisent entre eux atteint parfois 50 % à 60 % de la totalité de leurs échanges commerciaux respectifs. Ainsi, lorsque cela va mal chez l'un, il y a fort à parier que cela ira mal également chez l'autre. Enfin, si l'on ne travaille pas à la convergence et à la relance de la croissance, on court le risque de voir, à terme, la zone euro se disloquer. Nous ne pouvons donc pas – et je le dirai demain, en marge du G7, à mes homologues européens – rester les bras croisés face au ralentissement de la croissance ! J'ai évoqué un contrat ; il ne s'agit donc pas de demander à nos amis allemands, comme l'ont fait très souvent les ministres des finances français, de dépenser davantage. Il s'agit de proposer que, de notre côté, nous poursuivions notre effort de redressement des finances publiques et la transformation de notre modèle économique et social – assurance chômage, retraites, fonction publique – et que, de leur côté, ceux de nos amis dont la situation budgétaire est meilleure que la nôtre effectuent, parce que la solidarité l'exige, les dépenses d'investissement nécessaires pour améliorer la situation de la zone euro. Si le chacun pour soi doit l'emporter, ce n'est pas la peine d'être membre d'une union monétaire.

Sur le véhicule législatif, je ne peux pas me prononcer, car c'est le pilote qui décide du véhicule ; cela dépendra donc des décisions qui seront prises par le Président de la République.

Madame Peyrol, vous m'avez interrogé sur la charge de la dette. Un grand économiste français, Olivier Blanchard, a suscité un débat entre les économistes en affirmant récemment, dans un article très intéressant, que la dette est devenue un problème de second rang dès lors que les conditions de son financement sont plus accommodantes. Je ne partage pas ce point de vue. Certes, les conditions sont actuellement favorables : la BCE a annoncé qu'elle poursuivrait une politique accommodante alors qu'elle aurait dû l'interrompre ce printemps ; les taux à court terme sont négatifs, de l'ordre de moins 0,60 %, et ceux des titres supérieurs à un an sont de 0,53 %. Mais nous pouvons anticiper les effets, à l'horizon 2020, d'une politique qui deviendrait progressivement moins accommodante. C'est pourquoi nous avons prévu un relèvement des taux à dix ans de 75 points de base par an, ce qui les porterait de 1,25 % en 2019 à 3,5 % en 2022. J'estime, pour ma part, que la dette a toujours un coût et que la responsabilité politique exige d'anticiper une politique monétaire moins accommodante et un relèvement des taux. Le fait que nous puissions renouveler régulièrement le financement de la dette publique française à des taux plus bas ne doit pas nous exonérer de l'obligation de la réduire. C'est, en tout cas, la position du ministre des finances et du Gouvernement.

Madame Louwagie, je ne veux pas spéculer sur une possible crise financière de la même ampleur que celle de 2008. Je redis simplement que les États membres n'ont pas tiré toutes les conséquences de cette dernière et qu'ils mettent en péril la zone euro en ne prenant pas toutes les décisions nécessaires pour la consolider, qu'il s'agisse de l'union bancaire, de l'union des marchés de capitaux ou du budget de la zone euro, qui doit précisément nous permettre d'amortir les chocs. Sachez, par exemple, que, faute d'union bancaire, les règles nationales doublent celles du superviseur européen, de sorte que nous ouvrons tout grand le marché européen à nos compétiteurs américains. La part de marché des banques américaines et anglo-saxonnes en Europe est ainsi passée, en quelques années, et c'est fort regrettable, de 43 % à 47 %. Il est de notre responsabilité de réaliser l'union bancaire ; tous les éléments techniques sont sur la table, il suffit d'en avoir la volonté politique.

Monsieur Laqhila, comme Gérald Darmanin et moi-même l'avons indiqué dans nos interventions liminaires, le programme de stabilité que nous vous présentons n'inclut pas les décisions qui seront annoncées par le Président de la République la semaine prochaine ou dans les prochains jours.

Monsieur Bricout, le Brexit sans accord est devenue une possibilité et il aurait en effet un impact économique. Mais un report indéfini de la décision serait un poison lent pour la construction européenne. L'impact d'un Brexit sans accord se transmettrait par deux canaux : premièrement, les droits de douane, même si le Royaume-Uni a annoncé qu'ils seraient, dans leur grande majorité, supprimés ; deuxièmement, et c'est le point le plus important, les chaînes de production, qui rencontreraient des difficultés d'approvisionnement. C'est la raison pour laquelle, actuellement, beaucoup d'entreprises stockent massivement. Je citerai un exemple très concret : il serait compliqué pour Airbus de réaliser un avion sans les ailes, qui sont fabriquées au Royaume-Uni...

Madame Rubin, vous avez une drôle de définition de ce qu'est une politique d'austérité ! Je ne crois pas que nous menions une telle politique lorsque nous baissons les impôts de 12 milliards d'euros et que nous soutenons les personnes qui travaillent à travers la prime défiscalisée, la prime pour l'emploi, la suppression des cotisations d'assurance maladie et d'assurance chômage ou la défiscalisation des heures supplémentaires. Du reste, l'Observatoire français des conjonctures économiques, que l'on ne peut pas soupçonner de soutenir sans réserve le Gouvernement, indique lui-même que nos mesures sont favorables au pouvoir d'achat des ménages les plus modestes. Vous prétendez par ailleurs que notre politique serait inefficace en matière d'emploi. On peut toujours proclamer qu'il fait grand soleil lorsqu'il pleut. Le fait est que nous avons créé un demi-million d'emplois depuis 2017 et que, pour la première fois depuis 2009, le taux de chômage est passé sous la barre des 9 %. Je ne dis pas que c'est suffisant – le chômage reste le problème numéro un de la société française en matière économique –, mais nous sommes sur la bonne voie.

Monsieur de Courson, notre responsabilité n'est pas de dire que nous approchons du bas de cycle ; elle est de poursuivre la transformation économique du pays pour pouvoir précisément résister au ralentissement de la croissance et d'unir nos efforts à l'échelle européenne. Tel est, encore une fois, l'objectif du contrat de croissance que je propose.

Monsieur Coquerel, en ce qui concerne les emplois créés par les investissements étrangers, les chiffres que j'ai cités – 34 000 en 2017, 31 000 en 2018, et une augmentation de 20 % au cours des trois premiers mois de l'année 2019 – sont ceux de Business France.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Mme Peyrol a évoqué la charge de la dette, qu'il ne faut pas confondre avec la dette elle-même – nous en avons débattu hier avec M. Jacob dans l'hémicycle... J'en rappelle les montants : elle s'élevait à 41,7 milliards en 2017 et à 41,5 milliards en 2018 ; nous prévoyons de la ramener à 41,1 milliards en 2019 et à 40,8 milliards en 2020. La charge de la dette tend donc à diminuer, même si la dette elle-même augmente ou est stabilisée. Nous, contrairement à ce que l'on peut parfois entendre dans l'hémicycle, nous ne considérons pas que plus on s'endette, plus on s'enrichit.

La question des impôts a été évoquée par différents groupes. Je viens donc de transmettre à chacun d'entre vous une note qui montre que, depuis 2002, les impôts ont augmenté, à des rythmes différents et pour des raisons que l'on peut parfois comprendre, notamment après la crise économique de 2008. Cette note, je le précise, retrace l'évolution de l'ensemble des prélèvements obligatoires, sans distinguer les impôts des ménages de ceux des entreprises. Il en est toujours ainsi – mais peut-être pourrions-nous envisager, monsieur le président, d'établir une distinction entre finances locales et finances nationales, impôts des ménages et impôts des entreprises. Quoi qu'il en soit, vous constaterez que, si les impôts n'ont jamais baissé entre 2002 et 2017, ils diminuent, et de manière extrêmement importante, depuis deux ans. Le petit ressaut que vous observez correspond au CICE : il ne s'agit donc pas d'une augmentation d'impôts pour les ménages. Ce graphique est assez éloquent, me semble-t-il. Ceux qui évoquent une « overdose fiscale » feraient mieux de se pencher sur le bilan des quinquennats précédents.

Il est donc faux de dire, madame Louwagie, que nous avons augmenté les impôts. Ils ne baissent peut-être pas assez vite, mais ils baissent – à hauteur de 4 milliards d'euros l'an dernier. D'un côté, M. Woerth et M. Carrez estiment, et cela peut s'entendre, que nous n'avons pas les moyens de poursuivre cette baisse ; de l'autre, Mme Louwagie et M. Wauquiez jugent qu'elle n'est pas assez rapide. Il faudrait donc qu'au sein de l'opposition, les uns et les autres se mettent d'accord sur leurs arguments. Ce qui est certain, c'est que nous diminuons les impôts – cette baisse est à la fois un pari économique pour l'entreprise et un pari de consommation pour les ménages – et que nous devons, dans le même temps, baisser également la dépense. Du reste, le Président de la République annoncera peut-être des mesures fiscales, notamment des baisses d'impôts, et il indiquera sans doute des projets de transformation du pays, singulièrement en matière de baisse de la dépense publique.

À ce propos, M. Jolivet n'a pas peut-être étudié avec suffisamment d'attention les conclusions du Grand débat, car il ressort de celui-ci que les Français souhaitent une baisse de la dépense publique, premièrement, dans le budget l'armée et, deuxièmement, dans le logement. Ce n'est pas forcément ce que nous ferons, car les enjeux méritent d'être davantage explicités, notamment dans le domaine géostratégique, compte tenu de la dangerosité du monde actuel.

Mme Peyrol a également évoqué les plans de transformation dans le cadre d'Action publique 2022. Je ne peux évoquer que celui de mon ministère : la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes et des droits indirects accomplissent, en la matière, un travail très important, qui n'est pas nouveau, du reste, car tous mes prédécesseurs, notamment M. Woerth, se sont attelés à cette transformation. Il serait bon que la commission des finances demande à chacun des ministres de lui présenter son plan de transformation et le suivi d'Action publique 2022 ou de les lui communiquer. Pour ma part, je vous transmettrai l'ensemble des éléments.

En ce qui concerne la dépense publique, je m'inscris en faux contre les constats de Mme Louwagie et de M. de Courson. La dépense publique a augmenté, en moyenne, de 1 % sous le quinquennat précédent, contre 0,2 % depuis deux ans, soit cinq fois moins. Pour la première fois, elle baisse en volume. À ce propos, pardonnez-moi, monsieur de Courson, mais l'INSEE calcule toujours la dépense hors crédits d'impôt. Au demeurant, si on les incluait, nous pourrions annoncer 20 milliards d'économies l'année prochaine grâce à la suppression du CICE. Vous m'auriez alors reproché de faire des économies en peau de lapin, et vous auriez eu raison. Par ailleurs, l'indice des prix retenu est celui qui a toujours été pris en compte : la méthode de calcul est la même que celle qui a été appliquée sous le quinquennat précédent, notamment. Faut-il diminuer la dépense publique, en stock ? Si telle est votre opinion, n'hésitez pas à nous indiquer où – mais je ne vais pas relancer le débat que le président de votre groupe a eu hier avec M. le Premier ministre.

En ce qui concerne la dette, nous partageons votre constat : elle ne baisse pas autant que nous le souhaiterions, pour deux raisons. Premièrement, la croissance est moindre et, deuxièmement, nous avons sincérisé la dette en y incluant celle de la SNCF, qui s'élève à 34 milliards d'euros. Si, comme les gouvernements précédents, nous retranchions ces 34 milliards, nous pourrions afficher une baisse de la dette. Nous la stabilisons ; on peut faire mieux, mais c'est déjà beaucoup.

M. Bricout nous a interrogés sur la taxe d'habitation et M. Chouat sur la question de la fiscalité locale. Le « contrat de Cahors », qui concerne les 322 plus grosses collectivités, prévoit que celles-ci limitent la hausse de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 %. Cette hausse se situera, en fait, autour de 0,7 % et sans doute même de 0,3 % ou 0,4 %. La contractualisation, on peut s'en réjouir, a donc fonctionné, non seulement parce qu'elle a permis de limiter les dépenses de fonctionnement des grosses collectivités sans gêner les petites, mais aussi parce qu'elle a contribué à augmenter l'investissement public, qui est en effet reparti à la hausse, de même que l'investissement privé, et ce pour des raisons qui ne sont pas uniquement liées au cycle électoral. Nous avons ainsi contenu le nombre de créations de postes dans la fonction publique territoriale puisqu'en limitant les dépenses de fonctionnement on limite la masse salariale, qui en constitue la plus grande partie. Nous en avons donné les moyens aux collectivités locales en n'augmentant pas le point d'indice, en décalant le protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations et en instaurant le jour de carence.

Demain, monsieur Coquerel, les collectivités bénéficieront, pour gérer leur masse salariale, des outils que leur offre le projet de loi de transformation de la fonction publique. En effet, les 35 heures seront obligatoires partout – alors que, dans beaucoup de collectivités, les agents ne travaillent pas 1 607 heures par an –, la mobilité sera facilitée, la formation mieux prise en compte, et les collectivités pourront conclure des contrats de projet. De fait, lorsque le maire d'une commune de 10 000 habitants a de multiples projets d'urbanisme, il n'a besoin d'un architecte-conseil que pendant quelques mois et non pendant trente ans. Le projet de loi que M. Dussopt a présenté, ce matin, devant la commission des lois a donc pour objet, non pas de mettre fin au service public, mais, au contraire, de l'aider à mieux fonctionner et de le renforcer. Je ne souscris donc pas à la caricature que vous en avez faite.

Monsieur Chouat, l'ambition du Gouvernement est de faire en sorte que le projet de loi de finances pour 2020 marque le renouveau de la fiscalité locale. Vous observerez que le dégrèvement correspondant à la suppression de 80 % de la taxe d'habitation, que vous avez votée, a été compensé à l'euro près aux collectivités, y compris dans la dynamique des bases. Il nous reste à régler le cas des 20 % restants : quelle trajectoire faut-il adopter d'ici à 2022 ? La taxe d'habitation doit-elle être remplacée par un impôt national à répartition locale – une part de la TVA, par exemple, allant aux régions – ou faut-il réformer la taxe foncière comme le propose le rapport de MM. Richard et Bur ? Les réponses à ces questions devraient être apportées dans le projet de loi de finances pour 2020. J'ajoute qu'il ne m'appartient pas d'annoncer d'éventuelles modifications du millefeuille territorial, même si, à titre personnel, je peux partager votre opinion.

Monsieur Jolivet, l'accord sur la réforme structurelle du logement prévoit à la fois la « contemporanéité » des aides personnalisées au logement (APL) et la baisse de ce que l'on appelle la réduction de loyer de solidarité (RLS), en contrepartie d'un taux de TVA assez élevé. Des discussions sont en cours sur la dernière « marche » de cette réforme importante. Dans le programme de stabilité, nous avons maintenu la TVA à 10 %, pour un surcroît de recettes d'environ 615 millions d'euros, et prévu l'éventuelle seconde « marche » de la RLS. Nous verrons la manière dont les négociations se dérouleront, mais il est certain que si le Gouvernement devait revoir l'accord conclu avec une grande partie des acteurs du logement, nous rencontrions des difficultés, soit en matière de recettes, soit en matière de dépenses, soit dans les deux domaines, dans le cadre du programme de stabilité. Nous regrettons que la contemporanéité des APL ne soit pas au rendez-vous, mais nous avons préféré différer cette réforme plutôt que d'appliquer une mauvaise mesure aux personnes qui ont besoin de ces allocations.

Enfin, j'observe, monsieur le président de la commission des finances, que l'application du prélèvement de l'impôt à la source n'a nui ni à la trésorerie de l'État ni à la consommation, puisque, chacun l'a constaté, les chiffres du début de l'année ne reflètent pas le désastre que certains avaient évoqué.

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C'est un autre sujet, que nous aborderons ultérieurement...

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 10 avril à 13 heures 30

Présents. - M. Éric Alauzet, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Philippe Chassaing, M. Francis Chouat, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Dominique David, M. Benjamin Dirx, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, M. Xavier Roseren, Mme Sabine Rubin, M. Jacques Savatier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. François André, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Marie-Christine Dalloz, M. M'jid El Guerrab, M. Nicolas Forissier, M. Daniel Labaronne, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

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