Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Réunion du jeudi 11 avril 2019 à 9h30

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La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures 30.

Présidence de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente.

La Délégation procède à l'audition, ouverte à la presse, de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de transformation de la fonction publique (Mme Laurence Gayte, rapporteure

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Nous avons le plaisir d'accueillir, pour notre dernière audition sur le projet de loi de transformation de la fonction publique, M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'autant plus d'avoir répondu à notre invitation que vous êtes actuellement très sollicité puisque vous avez été entendu hier par la commission des lois et par la délégation aux collectivités territoriales.

Le Gouvernement a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat. L'année 2018 a ainsi été consacrée en priorité à la lutte contre les violences, notamment sexuelles et sexistes.

Dans le secteur privé, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a imposé non plus une obligation de moyen mais bien une obligation de résultat en matière d'égalité professionnelle. De grandes avancées ont ainsi été réalisées pour mettre fin aux écarts de salaire injustifiés et aux inégalités persistantes, les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations étant passibles de réelles sanctions. Le projet de loi pour la transformation de la fonction publique apparaît comme une nouvelle étape vers une réelle égalité professionnelle, car nous devons veiller à l'exemplarité de la fonction publique en ce domaine.

Les inégalités systémiques entre femmes et hommes, qui sont une réalité depuis des décennies, ont des conséquences dans l'ensemble de notre société, y compris dans le monde professionnel. Bien entendu, le secteur public n'est pas épargné. Stéréotypes, sexisme ordinaire, harcèlement, systèmes d'éviction des femmes des postes à responsabilités : autant de discriminations que les femmes peuvent subir au quotidien dans la fonction publique, dont les statuts, la culture et les obligations sont différents de celles d'une entreprise.

« C'est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l'égalité que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir » écrivait Jean-Jacques Rousseau dans Du contrat social. Votre projet de loi s'inscrit dans cette dynamique de maintien et de renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes. L'accord du 30 novembre 2018 sur l'égalité professionnelle avait marqué une étape déterminante en la matière ; nombre des dispositions que vous nous présenterez en sont, du reste, la traduction directe.

De manière générale, je tiens à saluer votre engagement en faveur des droits des femmes et de la lutte contre les violences et, plus largement, de la défense des enjeux d'égalité dans l'ensemble des fonctions publiques, comme en témoigne le volet de votre projet de loi consacré à cette question.

L'égalité entre les femmes et les hommes, en particulier l'association des femmes à la décision publique, est un marqueur de la qualité du travail de l'État. La fonction publique est le socle de l'élaboration de politiques publiques efficaces qui concernent directement l'ensemble des administrés. C'est pourquoi les exigences de loyauté, de neutralité et de discrétion y sont plus fortes que dans le secteur privé, et c'est pourquoi la décision publique ne peut pas évincer les femmes. L'État doit mener son propre travail d'introspection et respecter les exigences imposées au secteur privé, car la fonction publique se doit d'être exemplaire en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Je veux tout d'abord rappeler que le projet de loi pour la transformation de la fonction publique est l'aboutissement de quinze mois de concertation, tant avec les organisations syndicales qu'avec les employeurs territoriaux et hospitaliers et les représentants des différents ministères. Ces centaines d'heures de discussions ont permis de dresser la liste des points de convergence qui ont été introduits dans le texte, même si subsistent, bien entendu, quelques désaccords sur certains chapitres ou articles.

Dans le cadre de cette concertation, nous avons travaillé avec les neuf organisations syndicales représentatives et avec les employeurs territoriaux et hospitaliers dans une logique de co-construction. C'est pourquoi un certain nombre des dispositions des quatre premiers titres du projet de loi établissent une différenciation entre la fonction publique territoriale et les deux autres versants de la fonction publique.

La question de l'égalité entre les femmes et les hommes a fait, quant à elle, l'objet d'un cycle de négociations parallèle aux travaux préparatoires du projet de loi. Un bilan de l'accord du 8 mars 2013 en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique a d'abord été dressé au premier semestre de l'année 2018. Puis s'est ouverte, à la rentrée 2018, une négociation formelle avec les organisations syndicales et les employeurs publics, négociation qui s'est conclue par la signature d'un protocole d'accord le 30 novembre 2018. Ce protocole a été signé par l'intégralité des employeurs : l'État, bien entendu, l'ensemble des employeurs hospitaliers et l'ensemble des employeurs territoriaux. Toutes les associations représentatives des collectivités, c'est-à-dire non seulement les trois plus connues – l'Association des maires de France (AMF), Régions de France et l'Assemblée des départements de France (ADF) – mais aussi celles qui regroupent les collectivités par strate – l'Association des maires ruraux de France (AMRF), l'Association des petites villes de France (APVF), France urbaine, Villes de France, l'Assemblée des communautés de France (AdCF) – ont accepté de signer ce protocole.

Il a également été signé par sept des neuf organisations syndicales, ce qui lui confère un caractère majoritaire, puisque ces sept syndicats regroupent plus de 58 % des suffrages exprimés et qu'ils sont représentés au sein du conseil commun de la fonction publique. Quant aux deux syndicats qui n'ont pas signé, l'un d'entre eux, Force Ouvrière (FO), a fait le choix de ne participer à aucune des réunions de préparation ; l'autre, la Confédération générale du travail (CGT), a participé à l'ensemble de ces réunions, mais a considéré ne pas être en mesure, pour des raisons qui lui appartiennent et qui sont essentiellement liées à sa ligne politique, de signer un accord avec le Gouvernement, même si leurs représentants ont convenu que ce texte comportait des avancées.

J'avais pris le double engagement, d'une part, de traduire l'ensemble des dispositions du protocole par voie réglementaire lorsque cela est possible – c'est ce que nous faisons – et, d'autre part, d'inscrire celles de ces dispositions qui relèvent de la loi dans le projet de loi de transformation de la fonction publique. J'avais en effet insisté sur le fait – et cela explique le calendrier de concertation et de négociation – que ce texte offrait l'opportunité d'adopter rapidement ces dispositions législatives. Plusieurs de ses articles, regroupés dans le titre V, reprennent donc des mesures du protocole du 30 novembre.

Quelles sont les principales dispositions législatives relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes ?

En premier lieu, les employeurs publics auront l'obligation d'élaborer avec les organisations syndicales représentatives un plan d'action relatif à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes qui devra être mis en place d'ici le 31 décembre 2020. Ce plan devra préciser les actions à conduire en matière de prévention et de traitement des inégalités salariales, et ce, sous peine d'une sanction financière pouvant atteindre 1 % de la rémunération brute annuelle de l'ensemble des personnels concernés. Il sera bâti au regard des éléments de constat figurant dans les rapports de situation comparée. Afin d'accompagner les employeurs publics et les organisations syndicales dans l'élaboration de ce plan d'action, une méthodologie commune d'évaluation des écarts de rémunération est prévue ainsi qu'un référentiel de plan d'action. Je précise que cette méthodologie commune a été présentée aux organisations syndicales le 8 mars 2019 afin que celles-ci puissent en discuter avec nous. Elle s'appuie sur un nombre de critères et d'indices bien supérieur à celui retenu pour le référentiel du secteur privé prévu dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Nous voulons, grâce à ce plan d'action, structurer la démarche d'égalité professionnelle et l'installer dans la durée. En effet, nous avons fait le triste constat que, très souvent, dans les organisations publiques, l'égalité professionnelle femmes-hommes était soutenue par des militants et des militantes, sans que cette question soit suffisamment institutionnalisée. Nous estimons que le fait de l'inscrire dans la gouvernance et de l'intégrer dans les compétences des instances permettra de la faire perdurer, sans avoir à craindre l'essoufflement ou la mobilité des militantes et des militants.

En second lieu, le projet de loi tend à prohiber les comportements de violence sexuelle, de harcèlement ainsi que les agissements sexistes et à contraindre les employeurs publics, dans les trois versants de la fonction publique et au plus près des territoires, à mettre en oeuvre des dispositifs de signalement de ces comportements. Plusieurs ministères se sont déjà dotés de cellules ou de référents, suite à la circulaire de mars 2018 que Marlène Schiappa et moi avons cosignée. Ces cellules et ces référents ont parfois été externalisés, de manière à en garantir l'objectivité et à permettre aux personnes concernées d'y avoir un accès discret. L'objectif est d'orienter les agents vers les autorités compétentes en matière d'accompagnement et de soutien. Une disposition particulière a été prévue pour la fonction publique territoriale. En effet, dans la mesure où il est difficile aux collectivités de petite taille de mettre en oeuvre de telles procédures, nous allons nous appuyer sur les centres de gestion pour proposer des dispositifs mutualisés aux collectivités qui y sont affiliées ou à celles qui en feraient la demande.

En troisième lieu, nous allons renforcer les dispositions de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite « loi Sauvadet », qui imposent de procéder à des nominations équilibrées aux emplois de direction. Ce dispositif a en effet montré son efficacité puisque, pour les emplois relevant de la décision du Gouvernement, comme pour les emplois de direction de l'administration territoriale de l'État ou les emplois de direction de la fonction publique hospitalière, nous avons dépassé, pour la première fois en 2018, l'objectif fixé par le législateur de nommer au moins 40 % de personnes de chaque sexe. Cependant, nous devons poursuivre et amplifier les actions concernant les emplois d'encadrement supérieur de l'État et les emplois de direction dans la fonction publique territoriale car, dans ces secteurs, nous n'obtenons pas les mêmes résultats, les obligations n'étant pas les mêmes. Le projet de loi vise donc à étendre le dispositif des nominations équilibrées aux emplois de direction des établissements publics de l'État nommés en Conseil des ministres ainsi qu'aux emplois de direction des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) comptant entre 40 000 et 80 000 habitants et aux emplois de direction du centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Par ailleurs, nous fixons un objectif de progression de la parité sur la population en poste – qu'on appelle parfois, de manière assez inélégante, le « stock » –, avec la mise en oeuvre d'actions dédiées dans les plans d'action des ministères, des collectivités et des établissements de santé.

Il est prévu de ne pas appliquer la pénalité financière à l'administration, la collectivité ou l'établissement qui aurait déjà atteint l'équilibre sur la population en poste et qui ne respecterait pas cet équilibre sur les nominations en flux. Nous considérons en effet que le fait pour un établissement public d'avoir atteint l'objectif ultime de ces dispositions en ayant, dans ses effectifs, une répartition équilibrée entre les femmes et les hommes, le dispense, d'une certaine manière, de l'obligation d'atteindre formellement l'objectif concernant les flux, c'est-à-dire les nominations. Néanmoins, il est bien évident que si celles-ci avaient pour conséquence de provoquer un nouveau déséquilibre du stock, le dispositif reprendrait sa force et sa vigueur.

Le projet de loi impose également une nouvelle obligation en matière d'avancement équilibré. Nous avons fait le constat que les difficultés que nous pouvions rencontrer, notamment au sein de l'État, pour atteindre l'objectif de 40 % de nominations de femmes sur des emplois de direction et d'encadrement – c'est le cas, par exemple, de la direction générale des finances publiques – s'expliquaient par le fait que le vivier des candidats susceptibles d'être nommés à ces emplois de direction était excessivement masculin. Pour remédier à cette situation, nous souhaitons agir sur la question des avancements et des promotions au choix. En effet, il n'est pas acceptable que lorsqu'un établissement public accueille 80 % de femmes dans ses effectifs, ces avancements bénéficient, à 70 % ou 80 %, à des hommes. Leur répartition entre les femmes et les hommes devra donc être représentative de la répartition au sein des effectifs de l'établissement ou du corps concerné.

Cette nouvelle obligation nous permettra, nous l'espérons, de constituer des viviers de candidats et de candidates plus représentatifs de manière à atteindre plus facilement les objectifs fixés pour les emplois de direction. J'ajoute que son respect pourra être vérifié, puisque les lignes directrices de gestion établies en matière de mobilité, de promotion ou de valorisation des parcours devront tenir compte de cette garantie nouvelle dans toutes les structures. Le rapport de situation comparée sera l'occasion de faire le point sur le respect de cette obligation et sur les efforts consentis en faveur du respect de la parité et de l'équilibre des nominations. Il faut souligner, à ce sujet, que la plus grande transparence sera assurée sur les choix faits, car les parts respectives des femmes et des hommes dans le vivier des agents « promouvables » et parmi les agents inscrits sur le tableau d'avancement seront rendues publiques avec celui-ci. Ainsi tout un chacun pourra vérifier que cette obligation de répartition équilibrée a été respectée.

En quatrième lieu, le titre V du projet de loi prévoit de nouvelles garanties pour que la parentalité ne soit plus un motif de discrimination ni une source d'inégalité salariale entre les femmes et les hommes. D'une part, nous allons supprimer le jour de carence pour maladie entre la déclaration de grossesse et le départ en congé maternité. D'autre part, dans la fonction publique territoriale, nous allons garantir le maintien intégral du régime indemnitaire versé par les collectivités et leurs établissements publics pendant les périodes de congé maternité, de congé parental pour adoption et accueil d'enfants. C'est déjà le cas dans les autres versants de la fonction publique. En revanche, dans la fonction publique territoriale, les collectivités doivent formellement délibérer pour maintenir le régime indemnitaire des femmes concernées. Beaucoup de collectivités le maintiennent sans avoir délibéré, mais certaines d'entre elles suppriment le versement, au motif qu'elles n'ont pas délibéré ou ne veulent pas délibérer sur ce point. Nous allons donc garantir, par la loi, le maintien de l'intégralité des rémunérations des agents concernés.

Enfin, les droits à avancement et promotions seront intégralement maintenus pour les agents qui sollicitent le bénéfice d'un congé parental ou d'une disponibilité pour élever un enfant, et ce dans la limite de cinq ans à l'échelle d'une carrière. Il s'agit d'en finir avec la situation actuelle, dans laquelle ces droits sont réduits dans le cas d'un congé parental et gelés dans le cas d'une disponibilité. Dans le cas d'un congé parental de trois ans, le droit à avancement est en effet aujourd'hui maintenu à 100 % pendant la première année et à 50 % pendant les deuxième et troisième années. Il arrive de ce fait qu'un homme et une femme en couple, entrés la même année dans la fonction publique hospitalière avec la même formation aient, au bout de quinze ou vingt ans d'expérience, une différence de salaire qui s'explique par le fait que la femme a fait valoir son droit à deux congés parentaux et a ainsi franchi les échelons moins rapidement que son compagnon.

Enfin, nous souhaitons veiller à l'égal accès des hommes et des femmes aux métiers, aux corps et aux cadres d'emploi dans la fonction publique. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons améliorer et clarifier les règles de composition équilibrée des jurys et des comités de sélection ainsi que les règles de présidence alternée de ces mêmes jurys et comités de sélection. La mixité des recruteurs est en effet importante pour garantir la neutralité et l'efficacité du processus de recrutement.

Telles sont les principales dispositions législatives du projet de loi qui viennent compléter les dispositions réglementaires prévues pour décliner l'accord sur l'égalité entre les femmes et les hommes.

Je veux préciser un point qui peut faire débat. L'obligation de formaliser des plans de réduction des inégalités, assortie d'une sanction si ces plans ne sont pas mis en oeuvre d'ici à 2020, s'appliquera à l'ensemble des employeurs publics hospitaliers, à l'ensemble des établissements et des services de l'État, ainsi qu'aux collectivités locales qui comptent plus de 20 000 habitants. La discussion que nous avons eue avec les organisations syndicales et les employeurs territoriaux nous avait conduits à prévoir, dans le protocole, que cette obligation s'appliquerait aux collectivités comptant plus de 40 000 habitants. Mais, lors de la consultation des instances de représentation, notamment le conseil commun de la fonction publique et le CNFPT, l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) a souhaité ramener ce seuil à 20 000 habitants. Les représentants des employeurs présents au sein de cette instance ont accepté cette proposition. Ce faisant, ils ont cependant adopté une position, je dois le dire, un peu orthogonale avec celle des associations ayant signé le protocole. C'est un point qu'il faut avoir en tête, car il peut susciter des discussions avec les employeurs concernés.

Néanmoins, il convient de préciser que si l'obligation de formaliser un plan s'applique à partir de 20 000 habitants, l'intégralité des dispositions relatives à la lutte contre les discriminations et les violences, à l'accès aux responsabilités, à une répartition équilibrée entre les femmes et les hommes dans les promotions et l'avancement et à la réduction des inégalités salariales s'appliquera à l'ensemble des collectivités, y compris celles dont le ressort géographique comprend moins de 20 000 habitants. La seule différence entre les unes et les autres porte sur l'obligation de formaliser ce plan. Toutes les autres dispositions contraignantes prévues par le protocole s'appliquent bien aux collectivités, indépendamment du seuil démographique.

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Comme l'indiquait notre présidente, le projet de loi comporte un chapitre entier consacré aux enjeux d'égalité professionnelle. Il consacre des dispositifs existants, étend leur champ d'application et prévoit des mesures destinées à faciliter le déroulement de carrière des femmes dans les différentes fonctions publiques.

Il me semble que nous sommes face à trois enjeux qui doivent être abordés de façon articulée : un enjeu statutaire et réglementaire, un enjeu managérial et de gestion des ressources humaines et un enjeu sociétal puisqu'il y va de la place des femmes dans le monde du travail et de l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Je souhaiterais revenir sur la constitution des indicateurs de mesure de l'égalité professionnelle. Les rapports de situation comparée sont un outil indispensable et pourraient être complétés par certaines données concernant notamment le suivi à moyen terme et la formation. Il me semble surtout qu'il faut en assurer une plus forte mise en cohérence. En effet, la présentation et l'exploitation des données restent encore très variables selon les structures publiques.

Par ailleurs, ne faudrait-il pas établir, à partir des données existantes, cinq indicateurs de synthèse qui s'approcheraient de ceux existant pour le secteur privé ? Bien entendu, je ne propose pas de réduire les rapports de situation comparée à ces seuls indicateurs. Toutefois, il faut que nous puissions disposer de données les plus proches possibles de celles qui existent dans le privé pour faciliter la comparaison et mesurer la réalité des changements dans tous les pans de la société.

Ma deuxième question porte sur les actions financées par le fonds pour l'égalité professionnelle créé en mars dernier. Seriez-vous favorable à ce que nous précisions de façon claire que le fonds finance des actions en faveur de l'égalité professionnelle dans les fonctions publiques ? Ce serait, je pense, une bonne utilisation des pénalités acquittées par les structures qui ne respectent pas les règles applicables en matière d'égalité.

Ma troisième question porte sur les dispositifs de signalement des actes de violence et de harcèlement. Je salue bien entendu la généralisation et la systématisation de cette mesure, qui représentent une avancée majeure, mais comment allez-vous vous assurer de l'effectivité de sa mise en oeuvre ? Si, d'aventure, certaines structures ne respectaient pas cette obligation, de quels leviers disposeriez-vous pour les y contraindre ? Et ne pensez-vous pas qu'il faudrait permettre à toutes les structures publiques de mutualiser, si elles le souhaitent, ces dispositifs ?

Enfin, ma dernière question porte sur l'accès des femmes à tous les postes de la fonction publique et à la construction de leur carrière. Le dispositif prévu pour les primo-nominations a permis des avancées certaines, mais ne faudrait-il pas le compléter par une approche de moyen terme ? En effet, en se limitant aux premières nominations, on occulte les enjeux de construction de carrière. Par ailleurs, vous avez fait référence à la constitution d'un vivier. À cet égard, il me semble qu'il ne faut pas seulement se concentrer sur les échelons précédant immédiatement les emplois supérieurs, mais agir sur l'ensemble des parcours.

J'ai bien noté les efforts consentis en matière de recrutement, de composition des jurys et d'avancement. Mais au-delà, quelles actions, notamment de formation, entendez-vous conduire pour mieux accompagner les femmes durant l'ensemble de leur parcours professionnel ?

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

En ce qui concerne la constitution des indicateurs de mesure de l'égalité, je tiens à souligner le travail de méthodologie qui est en cours, notamment sur les questions d'inégalité salariale et de déroulement de carrière. La méthodologie présentée aux organisations syndicales le 8 mars dernier a été très bien accueillie, dans la mesure où elle est précise et adaptée à un certain nombre de spécificités de la fonction publique.

S'agissant du rapport de situation comparée, tout ce qui contribue à une lecture globale, simple et à un alignement entre public et privé nous paraît aller dans le bon sens. Nous sommes donc ouverts à la redéfinition de ce rapport, dès lors qu'il s'agit d'améliorer l'exploitation des données partagées avec l'ensemble des parties prenantes. L'établissement d'une synthèse comportant cinq indicateurs nous paraît une bonne piste ; néanmoins, il relève du niveau réglementaire, voire d'un texte d'application. Je vous propose donc que nous l'évoquions avec les partenaires sociaux, notamment les employeurs publics, et qu'au-delà des suites que nous pourrons donner à votre recommandation, nous ayons, avec votre Délégation, un échange sur ces questions.

Votre proposition concernant le fonds en faveur de l'égalité professionnelle soulève davantage de difficultés. Ce fonds, créé en application des dispositions du protocole du 30 novembre 2018 dans les trois versants de la fonction publique, est alimenté, pour partie, par les pénalités appliquées en cas de non-respect des obligations fixées par le législateur, tant en matière de nomination équilibrée que, demain, de mise en oeuvre d'un plan d'action. S'agissant de la fonction publique de l'État, le fonds a été créé par une circulaire publiée il y a maintenant quelques semaines ; il relève du programme 148 « Fonction publique » du budget de l'État. Le fonds doit permettre de cofinancer des actions menées par les ministères et les établissements publics de l'État ; il est alimenté par les crédits du programme 148 et par l'affectation d'une partie des pénalités versées par les ministères. Nous avons prévu qu'il puisse également financer des actions en matière d'égalité professionnelle menées avec des partenaires issus d'autres versants de la fonction publique, notamment des actions de formation, de communication ou de structuration de réseau. En effet, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale ne disposent pas actuellement d'un outil de financement de ces actions équivalent à celui de la fonction publique de l'État. Dans une logique d'amorçage et d'accompagnement, nous avons donc autorisé le fonds de la fonction publique de l'État à financer ce type d'actions, à condition, évidemment, que ce soit dans le cadre d'un partenariat – nous n'allons pas financer des actions propres à la fonction publique territoriale ou à la fonction publique hospitalière.

Le fonds sera alimenté – pour partie seulement, car ce serait insuffisant – par les pénalités récoltées au titre de l'année 2018. Un premier appel à projets est en cours ; ceux-ci seront sélectionnés entre le mois de mai et le mois de juin prochains. Dans la mesure où les deux autres versants de la fonction publique ont à peine entamé la réflexion sur les conditions de création de leurs fonds respectifs, il nous paraît un peu précoce d'inscrire dans la loi les modalités concrètes de financement ou d'affectation. Sur le principe, je n'y suis pas défavorable : cela aurait une vertu pédagogique. Mais il me paraît plus utile d'attendre de savoir comment les fonctions publiques territoriale et hospitalière vont structurer cet outil spécifique de financement avant d'adopter des dispositions législatives dans ce domaine. Peut-être l'examen du programme 148 notamment, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, nous permettra-t-il d'avancer, en fonction des progrès de la concertation.

Quant au dispositif de signalement des actes de violence et de harcèlement, nous voulons en effet le généraliser et le systématiser. Les administrations, les collectivités et les établissements soumis à l'obligation d'élaborer un plan d'action devront intégrer ce dispositif. Ainsi, le simple fait de vérifier la réalité de l'existence d'un plan d'action permettra de s'assurer qu'un dispositif de signalement a bien été prévu et, le cas échéant, de sanctionner les employeurs publics qui n'auraient pas respecté cette obligation. Dans la fonction publique territoriale, ce dispositif sera mis en place par les centres de gestion, de sorte que le contrôle exercé sur ces derniers nous permettra de vérifier que cette obligation est bien respectée. Dans la fonction publique hospitalière, une mutualisation est envisagée, par exemple au niveau des groupements hospitaliers de territoire. Il nous semble que de telles solutions mutualisées devraient être choisies pour la sphère sociale et médico-sociale, dans la mesure où la fonction publique hospitalière comprend de très nombreux établissements, notamment des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou des structures médico-sociales, qui ont des effectifs de petite taille. Pour notre part, nous ne sommes pas hostiles à ce que les dispositifs de signalement soient, autant que possible, mutualisés ; la rédaction actuelle du projet de loi n'y fait pas obstacle, au contraire : nous souhaitons l'encourager aussi vivement que possible.

La loi prévoit, depuis 2012, des dispositions imposant le principe de nominations équilibrées aux emplois de direction. Le projet de loi franchit un cap en imposant, en sus du maintien du dispositif de primo-nominations équilibrées – qu'on appelle parfois le « thermomètre initial », en référence à l'accord de 2013 –, aux employeurs publics de tendre progressivement vers un équilibre s'agissant de la population en poste. En outre, nous voulons agir en amont sur la constitution des viviers de candidats en assurant une répartition équilibrée entre les femmes et les hommes des avancements et des promotions au choix, afin de corriger les déséquilibres constatés par grade. C'est une avancée d'autant plus considérable que le respect de cet équilibre sera vérifiable grâce à la publication, d'une part, de la répartition des effectifs concernés et « promouvables » et, d'autre part, de la répartition des effectifs effectivement promus. Cependant, ces mesures n'épuisent pas le sujet de l'accès aux responsabilités et du déroulement de carrière des femmes. C'est pourquoi nous allons revoir les règles de recrutement et de formation des agents de catégorie A, ainsi que la structuration des parcours de carrière ; c'est l'objet de l'ordonnance prévue à l'article 22, qui concernera également la haute fonction publique.

Nous allons également nous pencher sur la place du concours interne. Je précise que l'organisation des concours, les types de concours et la nature des épreuves relèvent d'un chantier réglementaire. Nous nous sommes engagés, avec Gérald Darmanin, en lien avec les organisations syndicales et les employeurs, à mettre à profit l'année 2019 pour ouvrir une véritable concertation sur la question des concours et des recrutements avec la volonté, d'une part, de rendre les métiers et les concours plus attractifs et, d'autre part, d'adapter ces derniers à des filières qui peuvent s'apparenter actuellement à des pré-recrutements.

Prenons l'exemple de l'apprentissage. Aujourd'hui, un établissement public qui accueille un apprenti est moins aidé qu'un établissement du secteur privé car il ne bénéficie pas d'exonérations de cotisations ou de primes de recrutement. Surtout, pour un agent public diplômé qui souhaite rester dans la collectivité ou l'établissement public à la fin de son cycle d'apprentissage, les seules options ouvertes sont une stagiairisation au dernier échelon de la catégorie C, ce qui n'est pas attractif, ou le concours externe pour le nommer à des emplois correspondant mieux à sa formation. Or la formation par apprentissage ne prédispose pas à la réussite du premier groupe d'épreuves, très académiques. Les diplômés en apprentissage y sont en concurrence avec les diplômés du secteur universitaire ou de filières générales, dont le taux de réussite au premier groupe d'épreuve est supérieur, alors que les apprentis ont une meilleure qualification professionnelle.

Le texte aborde un autre chantier, dont l'aspect réglementaire doit encore faire l'objet de concertations : la neutralisation des conséquences de la vie familiale sur les carrières. Les périodes de congé parental ou de grossesse sont déjà neutralisées, mais nous pouvons aller plus loin.

Dans le cadre de l'accompagnement des mobilités et des dispositifs de reclassement prévus dans d'autres dispositions du projet de loi, nous souhaitons améliorer l'accompagnement des conjoints et des conjointes. Lorsqu'une mutation professionnelle est imposée à un membre du couple, il est plus fréquent que la femme suive son compagnon que l'inverse. Nous pouvons regretter cet état de fait, mais il s'impose à nous. Le 27 mars 2019, nous avons publié un décret sur les questions de mobilité qui répond en partie à cette situation : le régime de la disponibilité pour convenance personnelle a été aligné sur celui du détachement. Lorsqu'un agent titulaire de la fonction publique va occuper un poste en détachement, sa carrière est garantie et son déroulement de carrière est préservé. Mais lorsqu'il demande une disponibilité pour convenance personnelle – pour élever un enfant à la suite d'un congé parental ou parce que son conjoint ou sa conjointe a fait l'objet d'une mutation forcée et qu'il doit le suivre sans nécessairement trouver un poste disponible – l'avancement est gelé.

Le décret du 27 mars prévoit que pour une durée maximale de cinq ans, et à condition de revenir au sein de l'administration d'origine dans ce délai, l'avancement et le droit à la promotion sont préservés au bénéfice de l'agent qui demande une mise en disponibilité. Nous encouragerons ainsi les expériences dans le secteur privé en favorisant le retour de l'agent public dans son administration d'origine, et nous permettrons que celles et ceux – souvent celles – qui font valoir leur droit à une disponibilité personnelle pour un projet familial ou une mobilité géographique imposée du conjoint, ne soient pas pénalisés dans leur déroulement de carrière pendant ce laps de temps.

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S'agissant du caractère contraignant, qui devient aujourd'hui une réalité pour les entreprises, j'ai compris de votre présentation que le dispositif s'inspire de ce qui existe pour les entreprises. Pouvez-vous préciser en quoi il sera véritablement contraignant et comment le plan d'action permettra de réduire effectivement les inégalités entre les femmes et les hommes dans la fonction publique ?

Concernant la problématique du stock et du flux, vous expliquiez que dès lors que la parité était une réalité dans une fonction publique donnée, les données globales seront prises en charge et non les situations individuelles, ce qui concerne le stock plutôt que le flux.

Or certaines fonctions publiques sont largement féminisées, telles que la justice ou la fonction publique hospitalière. Le vivier y est beaucoup plus important, pourtant les postes de responsabilité restent majoritairement occupés par des hommes.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Nous renforçons les obligations d'équilibre entre les femmes et les hommes portant sur les flux en élargissant la cible et en traitant les avancements comme je vous l'ai expliqué. Nous élargissons cette obligation au stock en obligeant les employeurs, dans le cadre des plans d'actions, à prévoir des mesures pour que les effectifs existants, en dehors des flux, soient les plus équilibrés possibles.

Nous prévoyons que les employeurs qui respectent une répartition équilibrée des stocks puissent être dispensés, année par année, de l'obligation sur les flux. Cette dispense sera accordée année par année, car si elle était trop longue et permettait un déséquilibre durable des flux, le stock s'en ressentirait. Mais elle permettra de répondre à un certain nombre de difficultés, notamment sur l'équilibre des viviers, dans des corps ou des établissements au sein desquels existent des déséquilibres importants.

Mais cela ne répond pas à votre observation concernant les corps ou les ministères extrêmement féminisés dans lesquels les postes de responsabilité sont occupés par des hommes. C'est pourquoi nous renforçons les obligations sur les flux et sur l'avancement et l'accès aux emplois d'encadrement et ce fameux vivier.

Nous réfléchissons, par ailleurs, à la question du déroulement des carrières. Une solution proposée, sur laquelle nous n'avons pas d'avis tranché à ce stade, serait de remettre en question les règles d'obligation de mobilité pour l'accès à des postes de direction ou d'encadrement. Au risque d'être caricatural, car la réalité n'est pas exactement celle-ci, il est impossible pour un fonctionnaire dans un service déconcentré d'accéder à des fonctions d'encadrement s'il n'est pas passé par l'administration centrale et une mobilité à Paris. C'est un plafond de verre, qui peut même être prévu dans les règles de gestion de son établissement ou de son corps. Cette obligation de mobilité est plus difficile à satisfaire pour les femmes que pour les hommes, pour les mêmes mauvaises habitudes que celles qui prévalent au moment de savoir qui, de la femme ou de l'homme, va suivre l'autre à l'occasion d'une mobilité contrainte.

Notre avis n'est pas tranché sur cette question, car nos discussions montrent que le passage en administration centrale est aussi un moment important, revendiqué par beaucoup de femmes comme d'hommes en vue de l'exercice de fonctions de direction. Nous devons peut-être aussi travailler à des dispositions facilitatrices d'un point de vue matériel, organisationnel, pour permettre de faciliter les mobilités plutôt que les supprimer purement et simplement.

Votre question et vos attentes montrent que le chemin est encore très long avant d'atteindre l'égalité. Nous faisons tout ce qui est possible, dans la loi mais également au quotidien. J'ai commandé à la direction générale de l'administration et de la fonction publique des études universitaires en vue de mesurer s'il existait des discriminations sexistes à l'embauche ou dans le quotidien de tel ou tel corps. Nous l'avons aussi fait pour les discriminations liées à l'orientation sexuelle. Nous avons réalisé un certain nombre de testings anonymes, et je souhaite continuer ces études et ces analyses en diversifiant les corps et les cadres d'emplois concernés, et en allant chercher les a priori en matière de discrimination.

Le travail est long, et tout ne sera pas réglé dans cette loi, c'est une évidence.

Votre première question portait sur le caractère opposable des dispositions. Le plan de réduction des inégalités, applicable à tous les employeurs publics, doit obligatoirement prévoir une évaluation des écarts de revenu entre les femmes et les hommes et des actions pour traiter ces écarts de rémunération. Le contenu minimal du plan d'action sera fixé par un décret d'application qui intégrera un certain nombre d'indicateurs et d'obligations.

L'avant-projet précisait ces obligations de manière plus claire. Le Conseil d'État a considéré que ces mesures relevaient du domaine réglementaire, nous les avons donc retirées de l'avant-projet, mais tout ce que nous avons présenté aux instances le 13 février dernier correspond à ce que nous voulons faire. Pour avoir une idée précise du décret d'application, il suffit de reprendre les dispositions qui étaient initialement prévues dans l'avant-projet de loi.

Comme dans le secteur privé, nous allons mettre en place une méthodologie commune qui permettra d'évaluer objectivement et de manière transparente les écarts de rémunération. Notre méthode sera différente de celle du secteur privé car les dispositifs de rémunération sont différents. Par exemple, l'épargne salariale n'existe pas dans la fonction publique et l'employeur public ne dispose pas de tous les leviers pour définir les rémunérations du fait des grilles indiciaires par corps et cadre d'emploi, décidées par voie réglementaire. Mais nous voulons avoir ces indicateurs qui ont été présentés le 9 mars dernier.

Enfin, nous allons préciser des exemples de mesures susceptibles d'être prévues par les plans d'action, comme la mise en place d'enveloppes de crédits pour opérer un rattrapage indemnitaire dans certains métiers pour lesquels une différence de plafonds indemnitaires est constatée ; ce sont les métiers que l'on appelle féminisés.

Je précise que pour les collectivités, au-delà des obligations réglementaires que l'État va s'imposer, tout ce qui relève de l'obligation légale relèvera aussi du contrôle de légalité. En plus de la capacité d'action des employeurs territoriaux de petite taille, la possibilité du contrôle de légalité a été un critère pour la fixation du seuil minimal pour imposer ce plan de recul des inégalités. Dans un département rural comme le mien, les collectivités de 20 000 habitants sont au nombre de quinze ou vingt. S'il avait fallu demander aux services d'une préfecture d'un département comme l'Ardèche de contrôler les 340 communes et les 17 intercommunalités, sans compter les syndicats, nous risquions de perdre en pertinence.

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Un protocole d'accord a été signé en mars 2013 sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les trois fonctions publiques. Nous en étions restés à des voeux pieux. Est-ce que depuis 2013, l'égalité d'accès aux postes de direction ou l'égalité salariale dans les trois fonctions publiques a évolué significativement ? Quelle plus-value a apporté ce plan ? Est-ce que les contraintes, les sanctions et le name and shame en vigueur dans le secteur privé seront appliqués dans le secteur public ?

Ma seconde question concerne la composition des jurys de concours. Aujourd'hui, on parle de parité, mais il faudrait renouveler ces jurys pour apporter du sang neuf, car les usages en vigueur depuis quelques années empêchent la situation d'évoluer. Peut-être ces jurys devraient-ils être régulièrement renouvelés ? Les jurys de recrutement dans la fonction publique territoriale devront-ils aussi être concernés ? Si l'obtention d'un concours de la fonction publique d'État garantit un poste, les lauréats de concours de la fonction publique territoriale doivent se porter candidats à des postes vacants et ils sont sélectionnés par des jurys dans lesquels, là encore, les discriminations à l'égard des femmes peuvent exister.

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Le projet de loi aborde-t-il le temps partiel ? En moyenne, 82 % des femmes dans la fonction publique ont des temps partiels. Une amélioration pourra-t-elle être apportée pour corriger cette inégalité ?

Vous avez dit que la concertation avait duré une quinzaine de mois, et que des désaccords existaient sur certains chapitres. Ces désaccords sont-ils sensibles ?

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Ma première interrogation porte sur l'éducation nationale – j'avais interpellé le ministre lors de son audition – car nous constatons qu'à l'école maternelle et dans tous les premiers niveaux, les femmes sont majoritaires, et c'est en montant dans le niveau scolaire que les hommes deviennent les plus nombreux. Comment est-il possible d'inverser cette situation ? Les choses ne bougent pas depuis très longtemps, ce que relevait encore Yvette Roudy, qui fêtait hier ses quatre-vingt-dix ans, et que les jeunes ne connaissent plus aujourd'hui.

Les forces armées accusent aussi un certain retard. Les femmes s'engagent de plus en plus, mais les choses se compliquent au cours du temps car certains milieux ont du mal à ouvrir leurs portes, notamment dans la Marine même si les choses s'améliorent. Et lorsqu'il faut suivre le conjoint, les femmes sont obligées de mettre leur carrière entre parenthèses. Avez-vous travaillé avec eux sur ces dossiers ? Un rapport a été fait, il me paraît bon mais incomplet, et ce projet de loi est peut-être l'occasion d'aller plus loin. La police a été dans cette situation, elle a bien rattrapé les choses, y compris parmi les gradés. Ce sera peut-être plus compliqué pour les forces armées.

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Madame Poueyto, je vous remercie de me donner l'occasion de saluer Yvette Roudy. Il est important de rappeler les nombreuses avancées qu'elle a portées en matière d'égalité professionnelle et pour les droits des femmes.

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Je me réjouis que l'égalité entre les femmes et les hommes soit aussi largement traitée dans ce projet de loi. Je vous avais interpellé, monsieur le ministre, à propos d'une situation existant dans ma circonscription. Le maire avait décidé de mettre en place une prime d'assiduité pour les agents qui étaient absents moins de deux ou trois jours dans l'année. Cette prime n'était pas accordée aux femmes s'étant arrêtées pour maternité, ni pour les hommes qui auraient pris un congé paternité.

C'était un motif de discrimination à mes yeux. Suite à la pression politique, des syndicats et de l'État, le maire a retiré ces conditions, mais j'aimerais savoir si dans la loi, les choses sont claires sur cette question.

Plus largement, la validité des primes d'assiduité soulève des interrogations.

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Quelle méthode a été retenue pour définir la stratégie de modernisation ? Notamment, qu'en a-t-il été de vos échanges avec les syndicats, les collectivités et autres acteurs ? En quoi ont-ils été déterminants ?

À Toulouse, l'université Jean-Jaurès demande aux personnels IATSS – ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé – d'augmenter leur temps de travail de vingt heures. La loi de 2002 a figé ce temps de travail, mais pour ces vingt heures de travail en plus, les catégories C percevront 15 euros, les catégories B 47 euros et les catégories A 150 euros ! Ces fortes différences accentueront les écarts de salaires, surtout que les femmes sont nombreuses au sein de la catégorie C. C'est une discrimination importante, et un salaire sans rapport avec le travail, puisque vingt heures payées 15 euros, cela revient à 0,75 euro de l'heure, tandis qu'à 150 euros, on en arrive à 7,50 euros de l'heure.

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La question de la méthode a été abordée par le ministre dans son propos liminaire.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Monsieur Laabid, je ne pense pas que l'accord de 2013 n'ait pas été traduit dans les faits, au contraire. Il stipulait que l'obligation de nominations équilibrées progresse dans le temps, en fixant des seuils progressifs à 10 %, puis 15 %, et ainsi de suite.

Nous partions de très loin, et en 2017 et 2018, pour la première fois, nous avons commencé à rencontrer des difficultés en atteignant des paliers à 30 % ou 40 %. C'est alors qu'un certain nombre de ministères et de collectivités ont été amenés à payer des pénalités. Jusqu'à présent, le recouvrement des pénalités n'a pas toujours été assuré de manière complète. Cette année, nous avons veillé à ce que l'intégralité des pénalités soit payée, y compris par le ministère de l'action et des comptes publics et le ministère des finances, qui étaient les principaux contributeurs. Ces pénalités ont été versées au budget de l'État et cet argent est utilisé pour financer les actions du fonds d'égalité, créé par circulaire il y a quelques semaines.

Le protocole de 2013 a donc eu des effets, et le bilan qui en a été fait au cours du premier semestre 2018 montre que son application a été aussi bien respectée que possible, ce dont tout le monde se félicite. Au point que l'un des principaux soucis de tous ceux qui ont participé à la négociation du 30 novembre 2018 était de veiller à ce que l'intégralité des dispositions de 2013 soit bien reprise, pour que le protocole continue à être appliqué. À mon sens, c'est la meilleure évaluation possible.

S'agissant du name and shame, il suffisait de lire Le Canard enchaîné il y a quelques semaines pour constater que les ministères et les collectivités qui n'ont pas respecté la règle ont déjà vu leurs noms publiés.

Nous veillons à ce que les jurys soient mixtes, c'est une obligation légale, et nous prévoyons une obligation de renouvellement des jurys tous les quatre ans. La périodicité de quatre ans est maintenue car il est parfois compliqué de composer des jurys, sans même parler de la répartition entre femmes et hommes en leur sein. Nous souhaitons donc leur donner un peu de stabilité. Par ailleurs, les membres des jurys reçoivent une formation pour les sensibiliser à la lutte contre toutes les formes de discrimination au recrutement, quel que soit le versant de leur fonction publique.

Madame Panonacle, deux points principaux sont sources de clivages avec les syndicats.

Le premier touche au dialogue social, puisque nous proposons de fusionner les comités techniques et les comités d'hygiène et de sécurité (CHS) comme nous l'avons fait dans le secteur privé, et à la compétence des commissions administratives paritaires (CAP), puisque l'instance unique créée par la fusion des comités techniques et des CHS aura toutes les compétences de ces deux instances, mais également une compétence nouvelle portant sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et sur l'édiction des lignes directrices de gestion des ressources humaines, donc les règles générales d'accès à la mobilité et à la promotion.

Dès lors que ces règles générales auront été discutées et votées par l'instance unique, elles pourront être invoquées par les agents en cas de difficultés ou de discrimination. Les employeurs publics pourront prendre des décisions au fil de l'eau, sans attendre que les CAP se réunissent, leurs calendriers étant particulièrement compliqués.

Typiquement, dans les services déconcentrés de l'État, lorsqu'un emploi est brutalement vacant, il faut huit à quatorze mois pour le pourvoir, ce qui va à l'encontre de la continuité du service public et pose des difficultés administratives. Et pour recruter quelqu'un qui n'est pas de la même catégorie hiérarchique, qui ne vient pas de la même zone géographique et qui n'appartient pas au même ministère, il faut parfois réunir huit CAP, chacune avec leur calendrier, avant d'obtenir un éventuel feu vert. Et en général, on vous propose une autre personne que celle que vous souhaitiez recruter.

Voilà la première difficulté que nous rencontrons avec les syndicats.

La deuxième tient à l'ampleur donnée à la possibilité de recourir aux contrats. Aucune obligation n'est prévue, mais la possibilité de recourir aux contrats est largement accrue. Les organisations syndicales ne partagent pas cette volonté.

Ce sont les deux principaux points de discussion, mais il n'y a pas de point de clivage sur les questions d'égalité entre les femmes et les hommes. Certains souhaitent pousser plus loin certaines mesures, ou en écarter d'autres, mais il existe un consensus sur l'ensemble.

S'agissant du temps partiel, nous prévoyons de sécuriser les recrutements à temps partiel dans d'autres titres du projet de loi. Nous permettrons plus facilement aux collectivités de créer des emplois titulaires à temps partiel, certains emplois sont par définition à temps non complet au vu des besoins du service. Proposer la titularisation est un gage de lutte contre la précarité. Nous prévoyons aussi de faciliter le recours aux contrats longs, d'un à trois ans, pour en finir avec les fausses vacations et la grande précarité qui en résulte.

Nous avons mis en place une solution pour faciliter la création de groupements d'employeurs et permettre à un maximum d'agents publics de cumuler les temps partiels. Ils auraient ainsi un temps plein avec un seul employeur, le groupement d'employeurs, une seule fiche de paye, un seul lien professionnel, quitte à travailler sur plusieurs sites au sein de structures différentes.

Une disposition réglementaire, en lien avec le projet de loi, va autoriser l'annualisation d'un temps partiel. Il est parfois nécessaire de s'arrêter deux ou trois mois après le congé maternité. Il n'est pas forcément indispensable de demander un congé parental, et nous allons d'ailleurs fractionner le congé parental afin de pouvoir le prendre pour six mois, plutôt que pour un an ou trois ans, ce qui peut répondre à des besoins individuels et apporter des solutions. Mais il est parfois nécessaire d'attendre deux mois qu'une place en crèche se libère, ou pour faire la jonction entre deux modes de garde. Le fait d'annualiser le temps partiel permettra au parent concerné de s'arrêter pendant deux mois, mais l'effet sur son salaire ne se fera pas sentir brutalement sur deux mois, entraînant une privation de revenus, mais il sera réparti sur douze mois et annualisé, ce qui peut être plus facile pour la vie du foyer.

Nous allons également permettre, par voie réglementaire, d'agréger aux congés maternités ou au congé parental de courte durée, ou à l'annualisation du temps partiel, des jours de congé ou de réduction du temps de travail, pour faciliter les temps personnels et le passage d'un mode de garde à l'autre. Cette disposition concernera aussi les hommes, c'est à titre d'exemple que je me suis appuyé sur le congé maternité qui, par définition, ne concerne que les femmes.

S'agissant des filières de formation, Madame Poueyto, notre bref échange avec Yvette Roudy hier montre qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire, certaines dispositions de son propre projet de loi ne s'étant pas concrétisées depuis 1983. Un travail de sensibilisation et d'acculturation doit être fait, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, et ce n'est pas dans un texte sur les ressources humaines dans la fonction publique que nous arriverons à régler ce problème.

Toutefois, le ministère de l'éducation nationale respecte aujourd'hui les obligations de nominations équilibrées sur les flux. Mais le stock est tellement important qu'il est difficile d'en voir la traduction dans les faits lors de la visite de tel ou tel service. Nous avons atteint la parité sur les postes de recteurs et de rectrices, on compte même une femme de plus – c'est la première fois –, ce qui démontre l'engagement du ministère à trouver des solutions sur ces sujets.

Le ministère des Armées a un peu de retard, lié à des problèmes de vivier et de promotion. Il a mis en place très récemment un plan pour la féminisation des armées, notamment des fonctions de direction pour les personnels civils et de commandement pour les personnels militaires. Le retard est important, et le ministère des Armées fait partie de ceux qui peinent à atteindre la barre des 40 %. Mais la ministre et sa secrétaire d'État se sont engagées à avancer, puisque pour la première fois, un plan spécifique a été prévu pour faciliter l'accès des femmes aux fonctions de commandement.

Il faut le souligner et les accompagner, et cette démarche nous sert d'exemple, notamment s'agissant de la gestion des conjoints et des conjointes.

Madame Lazaar, le texte prévoit le maintien de l'intégralité des primes pendant le congé maternité, notamment dans les collectivités territoriales. Préalablement à la rédaction du décret d'application, nous devrons mener une réflexion spécifique sur la prime d'assiduité. Ces primes, de même que les sanctions pour absentéisme, s'inscrivent dans un contexte juridique parfois bancal, et nous devrons étudier cela de plus près. Au-delà de cet exemple, je rappelais que certaines collectivités supprimaient purement et simplement la totalité du régime indemnitaire aux femmes pendant leurs congés maternités, ou aux hommes pendant leur congé de paternité, et le projet de loi prévoit de maintenir l'intégralité du régime indemnitaire.

Monsieur Cabaré, vous m'apprenez ce qui se passe à l'université de Toulouse Je ne peux répondre aujourd'hui, nous allons nous y intéresser, en lien avec la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Votre interpellation me permet de vous dire que nous avons veillé à ce que le projet de loi ne comporte aucun article purement catégoriel. Les articles s'appliquent au minimum à un versant, parfois à deux ou aux trois. D'ici le débat en séance publique, nous aurons à proposer des amendements pour décliner les mesures générales pour certaines catégories. Quelques corps et établissements publics ont des régimes juridiques très particuliers. Par exemple, certains établissements de la fonction publique hospitalière accueillent en leur sein des agents publics et des personnes issues du secteur privé, par exemple dans le cadre de conventions avec la caisse nationale d'assurance maladie. Pour ce type d'établissement, il faut prévoir de décliner les mesures générales ayant des implications catégorielles. Mais nous souhaitons éviter d'intégrer des articles catégoriels portant uniquement sur tel ou tel corps.

La concertation a duré plusieurs centaines d'heures. Dès l'avant-projet de loi, de nombreuses demandes des organisations syndicales ou des employeurs ont été prises en compte. Et abstraction faite des amendements de suppression d'articles, si l'on se concentre sur les amendements apportant des compléments ou des améliorations, nous avons retenu entre 40 % et 50 % de ceux proposés par les deux syndicats qui en ont déposés, la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et l'UNSA. Les autres syndicats n'ont pas choisi de présenter de contre-propositions.

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Merci, monsieur le ministre, d'avoir pris le temps de répondre à nos questions de façon si précise.

La séance est levée à 10 heures 40.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Pierre Cabaré, Mme Laurence Gayte, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Mustapha Laabid, Mme Fiona Lazaar, Mme Sophie Panonacle, Mme Josy Poueyto, Mme Marie-Pierre Rixain.

Excusés. - Mme Sophie Auconie, Mme Bérangère Couillard, Mme Nicole Le Peih, M. Mickaël Nogal, Mme Isabelle Rauch.