Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du jeudi 18 avril 2019 à 10h40

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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L'audition débute à dix heures quarante.

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Nous accueillons deux responsables de la société ENR'CERT, qui se présente sur son site internet comme « un producteur d'économies ». Il s'agit de MM. Gaëtan Thoraval, son directeur général, et Bastien Resse, son directeur des affaires publiques.

Vous voudrez bien, Messieurs, nous préciser, l'origine et les axes de développement d'ENR'CERT, qui se présente aussi sur son site internet en tant qu'acteur spécialisé dans les « services en efficacité énergétique ».

À ce titre, vous déployez des activités de conseil mais aussi de gestion des certificats d'économies d'énergie (CEE) pour le compte de tiers, en l'occurrence des sociétés ayant pour activité la fourniture d'énergie.

Vous faites état, sur ce point, de votre qualité d'intermédiaire en tant que « structure agréée ». Comment et par qui est attribué cet agrément vous permettant d'intervenir sur le marché des CEE ? Vous voudrez bien nous présenter les caractéristiques de fonctionnement de ce marché en décrivant notamment le rôle et la place que votre société y occupe ?

Votre site internet fait également état de votre implication dans la « lutte contre la précarité énergétique » : là encore, quelle est votre contribution à cette politique globale et d'intérêt général ?

En outre, en quoi consistent vos activités de conseil ? À qui s'adressent vos conseils ? À des fournisseurs alternatifs d'énergie ou, au contraire, à des clients consommateurs que vous aidez à choisir entre les offres de différents fournisseurs d'énergie ?

Une autre de vos activités retient plus spécialement l'attention de la commission : votre société est également un acteur des énergies renouvelables (EnR) en soutenant des projets d'installations photovoltaïques de production ?

Au regard du thème de notre commission d'enquête, nous aimerions en savoir plus sur cet autre plan de vos activités ?

Êtes-vous « conseiller technique » pour le montage des dossiers photovoltaïques et/ou soutenez-vous financièrement des projets dans ce type d'énergies renouvelables, par exemple, en tant qu'actionnaire ? Pourquoi le photovoltaïque et pas l'éolien ou la biomasse ?

Messieurs, nous allons d'abord vous écouter au titre d'un exposé liminaire de quinze minutes au maximum. Puis, les membres de la commission vous poseront des questions, avec, en premier lieu, celles que ne manquera pas de vous poser notre collègue Mme Meynier-Millefert, en sa qualité de rapporteure de la commission d'enquête.

S'agissant d'une commission d'enquête, il me revient, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, de vous demander de prêter serment.

(M. Gaëtan Thoraval et M. Bastien Resse prêtent successivement serment.)

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, merci de nous permettre de nous exprimer sur ce sujet qui nous tient à cœur.

Notre ambition au sein de cette commission est de pouvoir échanger sur la meilleure manière de faire progresser l'efficacité énergétique en France. ENR'CERT est un groupe familial fondé en 2011 et bâti sur l'idée qu'il existe une place en France pour des spécialistes indépendants de l'efficacité énergétique. Nous employons une cinquantaine de personnes.

L'efficacité énergétique est une politique publique particulière. Elle implique directement chacun des acteurs : nos concitoyens, dans leur consommation de tous les jours, les industriels, pour qui l'énergie est un facteur de compétitivité, nos collectivités locales, dans la gestion de leurs services publics, ainsi que les entreprises de la rénovation énergétique.

La France, dans la droite ligne des traités européens et des Accords de Paris, s'est fixé plusieurs objectifs ambitieux, notamment celui d'accroître de 20 %, d'ici à la fin de l'année prochaine, l'efficacité énergétique par rapport à 2005. C'est une nécessité pour réduire notre impact carbone et opérer une transition vers un modèle plus durable dans un monde aux ressources limitées.

Notre pays a fait d'énormes progrès en la matière. L'intensité énergétique finale, c'est-à-dire la quantité d'énergie nécessaire pour un point de PIB, s'est améliorée de 30 % entre 1990 et 2017. La France possède ainsi aujourd'hui une des intensités énergétiques finales les plus faibles de l'Union européenne et est l'un des pays les plus volontaristes en la matière.

Le certificat d'économies d'énergie (CEE) en a été le meilleur instrument. Dans son plan national d'action en matière d'efficacité énergétique 2017, la France estime que les CEE seront à l'origine de 65 % des économies d'énergie annuelles en 2020, en faisant son principal outil de l'efficacité énergétique. C'est un des rares outils qui suit le principe « pollueur-payeur ». Il oblige les distributeurs d'énergie à financer des travaux d'économie d'énergie proportionnellement aux types et aux volumes d'énergie qu'ils distribuent, via l'achat des CEE générés par leurs travaux. Il importe de comprendre que le CEE a un rôle incitatif.

L'objectif est de faire financer aux énergéticiens le surcoût d'opérations d'économie d'énergie qui ne sont pas obligatoires et qui sont particulièrement performantes par rapport à une norme de parc ou de marché. Le CEE a uniquement pour but de financer des travaux permettant des économies d'énergie finales, et non pas la substitution à des énergies propres ni la réduction d'émissions de CO2.

Par ailleurs, les certificats d'économies d'énergie ont un objectif plus implicite, celui d'impliquer les énergéticiens dans la transition énergétique et de faire évoluer leur métier depuis fournisseur d'énergie à fournisseur de solutions énergétiques.

En outre, ils permettent de créer des opérateurs d'efficacité énergétique qui sont directement intéressés à l'économie d'énergie qu'ils font réaliser à leurs clients.

Il convient toutefois de séparer la collecte des certificats d'économies d'énergie et leur utilisation. Il existe trois moyens pour les énergéticiens de collecter des CEE : financer des travaux d'économie d'énergie en propre auprès de leurs clients ; acheter des certificats d'économies d'énergie sur le registre Emmy, alimenté par deux types d'acteurs, des acteurs éligibles – collectivités publiques – et des acteurs délégataires ; déléguer tout ou partie de son obligation d'acheter des certificats d'économies d'énergie à des acteurs délégataires. C'est d'ailleurs le propre des délégataires.

Au moins 20 % de leur obligation de financement de travaux d'économie d'énergie doivent être réalisés auprès de ménages modestes. Par ce biais, le certificat d'économies d'énergie a également une visée sociale. Le coût des CEE est ensuite reporté sur la facture énergétique des ménages par les énergéticiens à hauteur d'environ 2 % de la facture énergétique des ménages.

Après avoir compris comment sont collectés ces budgets, voyons comment sont-ils utilisés ?

Le CEE finance des types de travaux définis par un catalogue d'actions, lequel a été défini par le ministère, qui en a validé les économies d'énergie standardisées ainsi que les conditions d'éligibilité. À ce titre, le ministère peut orienter sa politique énergétique vers des vecteurs de réduction de la consommation énergétique souhaitée. Le ministère est aussi le garant de la délivrance de ces certificats d'économies d'énergie. Il peut à ce titre contrôler la production des certificats d'économies d'énergie.

Nous avons dit que le coût du CEE représentait environ 2 % de la facture énergétique des ménages. Selon leur facture, il peut représenter 100 à 150 euros par ménage.

Il rapporte également aux ménages. Quel est l'effet de levier des certificats d'économie d'énergie ? Je prendrai un exemple. L'isolation de 100 mètres carrés de combles peut rapporter 2 160 euros à un ménage en situation de précarité énergétique et 1 080 euros pour un ménage plus aisé. On voit bien l'effet de levier qui existe entre un coût compris entre 100 et 150 euros par an et un gain de 2 000 euros sur le coût des travaux. Je ne mesure pas ici le gain opéré par les économies d'énergie obtenues par les actions réalisées.

Le dispositif est équilibré. Il est « seulement » nécessaire de rendre accessible ces travaux à tous nos concitoyens ? Pour ce faire, il convient de les en informer, d'avoir la capacité de réaliser des travaux et que nos concitoyens aient la capacité de réaliser des travaux d'économies d'énergie sans souffrir d'un investissement trop élevé, pour les moins aisés d'entre eux.

À l'échelle macroscopique, ce dispositif aujourd'hui plébiscité par de nombreux acteurs de l'efficacité énergétique reste encore trop méconnu. Il est important de rappeler quelques chiffres, notamment sur son efficacité. Il nécessite 1 million d'euros de fonds publics par an pour 2 milliards d'euros de travaux d'économies d'énergie financés chaque année, réalisant une économie d'énergie de 2 milliards d'euros par an. On voit bien l'effet de levier qui existe entre un investissement public, des travaux réalisés et des économies d'énergie réalisées. Pour répondre à une question sur la performance du dispositif, on arrive ici à mesurer qu'entre 2006 et 2014, il aurait permis d'économiser 612 térawattheures (TWh). Plus précisément, 1,4 million de logements en ont bénéficié, et l'on a remplacé pour 1,2 gigawatt (GW) de moteurs électriques dans l'industrie, soit l'équivalent de la production d'un réacteur nucléaire, 3 millions de mètres carrés de serres ont été équipés de systèmes de chauffage performants dans l'agriculture. Il a touché tous les domaines d'activité, tous les types de ménages et a permis de faire réaliser des économies d'énergie.

Enfin, il joue un rôle moteur dans le développement d'une filière de la rénovation énergétique, puisqu'il implique l'ensemble des parties prenantes : fabricants, distributeurs, artisans, délégataires, bureaux d'études, énergéticiens. Il a créé beaucoup d'emplois dans ces domaines.

En cela, il nous paraît être le meilleur outil pour accélérer la transition énergétique. Il n'a pas d'équivalent. Cela ne veut pas dire qu'il est parfait. Des critiques sont régulièrement adressées au dispositif, certaines à tort, d'autres à raison. Ces critiques, nous les entendons d'autant plus qu'elles concernent des ménages en précarité énergétique qui, plus que quiconque, doivent être convaincus et mobilisés autour de l'efficacité énergétique. Ces faiblesses sont inhérentes à un dispositif qui s'est déployé très rapidement, avec un objectif qui a été multiplié par trente depuis sa création, il y a treize ans.

Nous sommes d'ailleurs dans une période particulière du dispositif. Le prix du CEE est très élevé, peut-être trop élevé, 9 euros le mégawattheure (MWh), lié à une production lente. Depuis le début du dispositif, il y a treize ans, le prix moyen pondéré des échanges est de 3,36 euros le MWh.

Il est nécessaire de comprendre le mécanisme des CEE, puisqu'il permet de rendre compte de la juste réalité du coût de la transition énergétique. Il est en cela beaucoup plus juste qu'un impôt ou une taxe. En effet, si le prix du CEE est trop faible, le CEE est trop peu incitatif, en sorte que trop peu de travaux vont être réalisés, donc son prix va augmenter. À l'inverse, avec un prix très élevé, le CEE aura un rôle très incitatif et permettra de réaliser beaucoup de travaux d'économies d'énergie. Mécaniquement, le jeu de l'offre et de la demande conduira à une baisse du prix.

Ce prix de 9 euros ne veut pas dire que le dispositif soit trop ambitieux. On n'est jamais trop ambitieux pour répondre au changement climatique. En revanche, il a besoin d'être optimisé, mieux calibré pour proposer une meilleure justice sociale, une performance accrue, une simplification pour en faire un projet collectif simple et désirable.

Des améliorations peuvent et doivent être apportées sur les points suivants : définir des règles incontestables et plus claires, notamment prévoir la possibilité d'un rescrit de l'administration sur les questions posées quant à l'interprétation des actions éligibles ; créer un observatoire pour analyser l'adéquation entre une production d'économies d'énergie et un objectif. C'est peut-être une des erreurs qui a été commise lors du passage de la troisième à la quatrième période. Doubler les effectifs produit une inertie, nécessite un temps pour que toutes les parties prenantes puissent s'adapter aux objectifs fixés. Autre amélioration possible : continuer de renforcer les exigences en termes de performances, aussi bien sur une vision par action que sur une vision globale de l'ordre dans lequel ces actions doivent être menées ou intégrer la rénovation globale comme une action du dispositif.

Les délégataires et ENR'CERT sont prêts à travailler dans ce but. Pour répondre à une de vos questions, les délégataires ne sont pas de simples intermédiaires mais des acteurs centraux au sein d'un système où chacun a son rôle à jouer. De manière générale, ils jouent un rôle d'experts en efficacité énergétique. Pour la plupart, ils sont la porte d'entrée d'un parcours de rénovation énergétique auprès d'un particulier. Dans le cadre des CEE, ils sont aussi bien le garant de la conformité des dossiers auprès de l'administration que le garant des consommateurs auprès desquels ils travaillent de la distribution d'une prime.

Le délégataire doit être considéré comme un partenaire de l'efficacité énergétique pour l'ensemble des parties prenantes : consommateurs, collectivités, artisans, énergéticiens.

Tenir un discours critique est nécessaire et ne doit pas éroder notre volonté d'agir en matière d'efficacité énergétique. Le CEE est un atout considérable. Il a besoin d'être soutenu et porté par tous. Nous avons beaucoup de propositions pour améliorer le dispositif. Nous sommes pour ce faire à la disposition du Parlement et de cette commission d'enquête pour apporter des éléments de nature à massifier la rénovation énergétique sans compromettre la performance.

Je rebondirai sur une de vos interrogations au sujet de notre production d'énergie renouvelable. C'est une activité historique que nous ne réalisons plus aujourd'hui et dont nous avons cédé les actifs. Nous ne sommes plus producteurs d'énergie renouvelable. Cela dit, nous considérons qu'il est tout à fait possible d'être à la fois producteur et opérateur d'efficacité énergétique.

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Merci pour votre propos liminaire clair et efficace.

Je vais d'abord vous demander de commenter cette phrase qu'on entend parfois : l'efficacité énergétique est la première des EnR.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. L'énergie la moins polluante, c'est celle qu'on ne consomme pas. Il faut, d'abord, réduire notre consommation d'énergie, ensuite, produire de la manière la plus renouvelable possible le reste de notre consommation. Je séparerai le sujet de l'efficacité énergétique et le sujet des énergies renouvelables.

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Que pensez-vous de la tentation de financer des EnR avec le dispositif des CEE ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Cela revient à utiliser un budget important pour d'autres propos que l'efficacité énergétique. Par nature, le certificat d'économies d'énergie vise à réduire la consommation d'énergie finale. S'il y a une réelle diminution de l'énergie finale, on peut se poser la question, mais la seule substitution d'une énergie polluante à une énergie renouvelable ne constitue pas une économie d'énergie.

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Développer des EnR au moyen d'un dispositif destiné, comme son nom l'indique, à réaliser des économies d'énergie, ne contribue-t-il pas à créer de l'opacité de nature à porter atteinte à l'acceptabilité du système des CEE ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

Sans doute. Si l'on veut à la fois accompagner les ménages dans la réduction de leur facture énergétique et réduire les émissions de CO2, il convient avant tout de réduire la consommation d'énergie. C'est l'objet de l'outil des certificats.

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Merci d'avoir précisé que le coût moyen des CEE s'établissait à 3,36 euros le mégawattheure, chiffre que je n'avais pas. Sachant qu'on en est aujourd'hui à 9 euros, j'en déduis qu'on est tombé parfois bien plus bas. Quels ont été les effets sur le marché de ces fortes baisses et de ces fortes hausses ? Des coûts très bas menacent-ils l'efficacité du système ? Y a-t-il un risque d'engraissement des structures intermédiaires quand les prix des CEE sont très élevés ? On évoque parfois la possibilité d'un couloir de prix des CEE avec un prix plancher et un prix plafond. Le recommanderiez-vous ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Pour accélérer la réalisation d'économies d'énergie, trois éléments sont à prendre en compte : le prix du certificat d'économie d'énergie, l'obligation pour les énergéticiens de réaliser des économies d'énergie et les actions à leur disposition pour ce faire. Si l'objectif est trop faible, les énergéticiens sont moins impliqués dans la réalisation d'économies d'énergie et on en réalise moins. C'est le principe du CEE. Il y a un plancher et il y a un plafond. Il est donc important d'impliquer les énergéticiens de la manière la plus ambitieuse possible.

Concernant le prix du certificat d'énergie, nous avons connu des périodes où il était à 1 euro le MWh cumulé actualisé, dit « CUMAC », ce qui rendait le dispositif bien moins incitatif et conduisait à une diminution du nombre d'actions réalisées. Pour avoir un prix juste, un prix de couloir ne nous paraît pas une bonne idée. L'important est de s'assurer que le prix des certificats d'économies d'énergie et le budget qui leur est alloué permettent de réaliser des actions d'économies d'énergie. On pourrait considérer un couloir compris entre 5 et 7 euros comme intéressant, alors que plus tard, un couloir compris entre 3 et 5 euros suffirait ou, au contraire, qu'un couloir compris entre 7 et 9 euros serait nécessaire. Le principe du certificat d'économies d'énergie vise à rendre compte de la réalité du coût de la transition énergétique. Le système fonctionne quand on a assez d'actions pour atteindre les objectifs. Il importe de mesurer non le gisement d'économies global mais la capacité disponible en France pour réaliser ces actions d'économies d'énergie.

Quant à l'« engraissement » de certaines structures, quand le prix est en hausse, les délégataires sont doublement encadrés. Pour les énergéticiens, le coût du certificat d'économies d'énergie impacte directement la compétitivité de leur offre de vente d'énergie. En tant que délégataires, nous sommes adossés à leur contrainte de ne pas pouvoir exploser les prix de l'énergie. On a donc un plafond. Le plancher est constitué par le fait que les collectivités, les industriels ou les bénéficiaires peuvent comparer le montant des primes, donc chercher la prime la plus élevée. Nous nous situons dans cet étau, entre la compétitivité de l'offre de réalisation et la compétitivité de l'offre de vente auprès d'un énergéticien.

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. Vous dites que, lorsque le CEE était à 1 euro, les actions de rénovation ou d'efficacité énergétiques étaient freinées. Or, quand on perd une année parce que le prix des CEE est tombé à 1 euro, on est en sous-production de l'outil et on ne peut jamais être en surproduction, puisqu'on est limité par la capacité du marché à générer de l'efficacité énergétique. Quels sont les leviers qui permettraient d'améliorer la capacité de l'outil à générer de l'efficacité énergétique ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Il convient de souligner l'inertie du système. La quatrième période a commencé en janvier 2018. En juin 2018, quelque dix structures délégataires avaient reçu leur agrément. En fin d'année 2018, elles étaient un peu moins de vingt. Un certain nombre de structures délégataires n'ont pas pu commencer à réellement produire avant la fin de l'année 2018. Dans une organisation mieux cadencée, l'ensemble des acteurs méritant d'être délégataires auraient pu l'être dès janvier 2018. La production est encore un peu lente, mais elle est en augmentation.

Il faut mesurer en permanence la capacité du marché de la rénovation énergétique à produire les certificats d'économies d'énergie nécessaires. À cet effet, nous avons déjà proposé la création d'un observatoire du certificat d'économies d'énergie composé d'experts de la rénovation énergétique, qui démontrerait que les objectifs sont atteignables en l'état actuel des choses ou proposerait des améliorations pour les atteindre. La formation des artisans à la rénovation énergétique reste un sujet central. Il faut rendre ce métier désirable afin de réaliser réellement des actions d'économies d'énergie. La problématique est la même pour les fabricants d'isolants et de pompes à chaleur dont certains ont une capacité de production limitée.

Enfin, il existe un certain nombre de problématiques administratives, tant en ce qui concerne l'instruction des dossiers que la création de nouvelles opportunités d'actions. Nous avons rappelé en introduction que le coût public était de 1 million d'euros pour 2 milliards d'euros d'économies d'énergie générés, et nous pouvons nous en féliciter. Afin d'accélérer la transition énergétique, il conviendrait de mettre en œuvre davantage de moyens auprès de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et du pôle national des certificats d'économies d'énergie (PNCEE), qui a pour mission d'instruire les dossiers de demandes.

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Vous considérez la problématique administrative comme un frein à l'efficacité du dispositif. Je pense à la capacité de produire les fiches. Bizarrement, certaines fiches sont bloquées et d'autres validées beaucoup plus vite. Il y aurait un problème d'équité de traitement et de capacité à produire les fiches.

Estimez-vous que les programmes d'accompagnement, dont la formation des artisans, devraient être développés dans la mesure où le marché de l'efficacité énergétique est encore émergent, quitte à les réduire ultérieurement lorsque la filière aura été lancée ? Alors que l'on n'arrive pas à réaliser les volumes demandés, on serre la vis sur les programmes d'accompagnement qui permettraient d'augmenter la capacité à agir pour l'amélioration de l'efficacité énergétique.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Je ne parlerai pas de problème d'équité au sujet de la production des fiches. Aujourd'hui, de nouvelles actions éligibles sont réalisées de manière volontariste par des acteurs, fabricants, énergéticiens ou bureaux d'études. On pourrait envisager que le ministère définisse des orientations par périodes de six mois et incite les différentes parties prenantes à créer des actions dans un domaine particulier, ce qui permettrait de lancer des appels à programmes et de dynamiser les propositions d'actions.

Dans le processus de validation, on constate sinon de l'inéquité, du moins une limitation du volume d'actions qui peuvent être étudiées par la DGEC. Peut-être sont-elles trop nombreuses, faute d'orientation, pour que la DGEC puisse les étudier toutes. Il conviendrait, à long terme, d'augmenter les effectifs de la DGEC et, à court terme, de limiter son champ d'action, afin qu'elle puisse étudier toutes les propositions présentées et les instruire rapidement.

Les freins administratifs sont principalement liés à l'instabilité car les règles ne sont pas toujours claires. On pose des questions auxquelles on n'obtient pas de réponse. L'instabilité retient un peu le développement des offres. En outre, je le répète, il y a eu un frein administratif à l'éligibilité d'acteurs délégataires capables de produire des certificats d'économies d'énergie.

Concernant les programmes des CEE, votre remarque est pertinente. À ce jour, le programme est de 50 térawattheures (TWh) « CUMAC », alors que le plafond est de 120 ou 140 TWh. D'évidence, on n'atteint pas le plafond des programmes.

Les programmes ont plusieurs utilités. Par exemple, ENR'CERT finance un programme visant à former des groupements d'artisans en vue de réaliser de la rénovation globale. Porté par le dispositif opérationnel de rénovation énergétique des maisons individuelles (DOREMI), il est intéressant dans la mesure où il s'apparente à de la recherche pour améliorer l'efficacité énergétique. Les programmes présentent l'intérêt de pousser des sujets un peu plus loin que la normale.

Les programmes ont aussi un rôle d'éducation et d'information. Nous saluons des initiatives importantes visant à former les élèves à l'efficacité énergétique. Là encore, les effectifs sont insuffisants pour instruire l'ensemble des programmes. C'est un point sur lequel nous devons avancer et qui va dans le sens de l'histoire. À côté des actions d'économies d'énergie, d'autres, non mesurables, d'ordre comportemental, sont à réaliser. Elles sont aujourd'hui très peu concernées par les certificats, alors qu'il y a énormément d'économies d'énergie à réaliser dans ce domaine.

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L'insuffisance des effectifs pour traiter un sujet qui touche de nombreux domaines ne favorise-t-elle pas les gros volumes, les gros acteurs ? Compte tenu de la paperasse nécessaire et des complications administratives, les artisans n'essaient même plus de valoriser directement les CEE. Ils agissent éventuellement en partenariat avec de plus gros qu'eux, avec parfois une retenue sur les CEE pour eux ou pour leurs clients. Le système exclut de facto des petits acteurs qui pourraient être innovants et vertueux.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Compte tenu du délai d'instruction du dossier, des délégataires et des acteurs plus petits sont obligés de payer la prime avant d'être eux-mêmes payés par des énergéticiens, ce qui limite le champ d'action de certains délégataires. Il existe d'autres manières de travailler avec des énergéticiens, mais dans ce cadre, le délégataire est soumis à la bonne volonté de l'énergéticien.

Un travail de simplification peut être mené afin de rendre l'outil certificat d'économies d'énergie plus utilisable et de mieux impliquer l'ensemble des acteurs du dispositif. Cela a déjà été initié par les délégataires et les énergéticiens, mais on doit pouvoir aller plus loin.

En outre, un effort de communication est nécessaire. La plupart de nos concitoyens ayant utilisé le certificat d'économies d'énergie pour réaliser une isolation de combles à 1 euro ignorent quel dispositif soutient cette offre. Il faut encourager le particulier à s'engager dans un parcours de rénovation énergétique, lui expliquer les étapes successives et inciter des artisans à intégrer le dispositif.

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Les offres à 1 euro sont vertueuses dans la mesure où elles permettent de gommer la problématique du reste à charge chez les plus précaires. Toutefois, les gens éclairés pensent qu'il est impossible de faire réaliser des travaux pour 1 euro, tandis que ceux qui vont plus facilement vers ces offres sont les plus exposés aux arnaques. Comment, d'une part, éviter la peur de l'arnaque, et d'autre part, sécuriser les publics les plus fragiles ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Il convient d'abord d'observer que les offres dites à 1 euro ne coûtent pas réellement 1 euro. Elles coûtent X milliers d'euros et sont financées à la même hauteur par une prime de certificat d'économies d'énergie. En réalité, il s'agit, par exemple, de 3 000 euros moins 3 000 euros, qui égalent 1 euro. Sur ce point, il y a un manque d'information des particuliers.

Il faut séparer le fond et la forme. Sur la forme, nous condamnons fermement les pratiques commerciales agressives, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Le démarchage téléphonique permet d'informer certains ménages qui n'ont pas accès à internet ou qui ne sont pas dans une démarche volontariste de rénovation énergétique. Toutefois ces pratiques doivent être fermement encadrées, et les territoires et les services publics doivent s'impliquer dans l'identification des ménages qui pourraient bénéficier de ces aides. Nous saluons certaines démarches en cours. Cependant, ces territoires et services publics n'ont pas les moyens nécessaires pour contacter l'ensemble de ces ménages, et des acteurs comme les énergéticiens et les délégataires doivent aussi identifier des ménages qui auraient besoin de travaux d'économies d'énergie. En outre, le service public, les territoires, les délégataires, tous les experts de l'efficacité énergétique peuvent compléter l'information d'un ménage qui aurait été démarché téléphoniquement afin de l'orienter vers les meilleures pratiques.

Sur le fond, les actions d'économie d'énergie qui bénéficient de certificats d'économies d'énergie sont très encadrées, non par nous mais par le ministère qui en a défini les conditions d'éligibilité. Une faiblesse dans la troisième partie du dispositif a été corrigée par la mise en place d'un contrôle du respect de règles de l'art dans le cadre de l'offre « Coup de pouce ». Une plus forte implication de l'ensemble des acteurs dans la vérification de la mise en œuvre des actions d'économies d'énergie a pallié ce manque.

Enfin, on peut reprocher à l'offre à 1 euro de n'être pas très énergétiquement performante au sein d'un parcours de rénovation. Certes, il vaut mieux isoler sa maison avant de remplacer sa chaudière mais les collectivités, les territoires et les délégataires doivent conseiller les ménages et les conduire dans un parcours de rénovation énergétique cohérent. Le dispositif des CEE devrait inciter davantage les ménages à s'orienter sinon vers une rénovation complète, du moins vers une rénovation par étapes avec un ordonnancement précis. Nous nous tenons à la disposition de la DGEC pour étudier une bonification de travaux mieux ordonnancés permettant une économie d'énergie plus importante en fin de chaîne.

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. Je poserai une question que j'ai posée tout à l'heure à vos prédécesseurs. Vous avez cité le chiffre de 2 milliards d'euros économisés sur la consommation d'énergie avec 2 milliards d'euros de travaux. La valorisation d'un certificat d'économies d'énergie est basée un certain nombre de fiches opérationnelles ou d'actions validées par le ministère, mais cela reste théorique. On ne sait pas si cette consommation d'énergie est réellement constatée sur le terrain.

Par ailleurs, je citerai un cas qui m'a été remonté par un citoyen de ma circonscription. Grâce à des travaux d'isolation de rampants de toiture réalisés sans certificats d'économies d'énergie, il avait atteint un coefficient de résistance thermique de 2,7. Pour étaler la charge financière, il a engagé un peu plus tard une seconde phase de travaux qui lui a permis d'obtenir un coefficient réel de 3,5, soit un coefficient global de 6,2. Mais il s'est vu refuser le certificat d'économies d'énergie sous prétexte que le R de la deuxième phase est inférieur à 6. Il aurait fallu qu'il passe à 8,7 pour obtenir la prise en compte. Une telle interprétation n'est-elle pas de nature à casser des initiatives personnelles ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Nous avons demandé la réalisation d'une étude plus approfondie sur les économies d'énergie réellement réalisées grâce aux certificats d'économies d'énergie. De manière prosaïque, la DGEC valide un calcul assez simple. En multipliant la conductivité thermique multipliée par l'épaisseur, vous obtenez une résistance thermique et une économie d'énergie liée à la température au sein de l'habitat et à la température extérieure.

Avec des opérations assez simples, il est difficile de remettre en question l'économie d'énergie réelle obtenue par des travaux. Pour d'autres opérations, c'est plus compliqué. C'est le principe de la standardisation. Il s'agit d'atteindre le diffus et de permettre au ménage qui va réaliser des travaux de savoir de manière fiable l'économie d'énergie qu'il va réaliser et le montant de la prime dont il va bénéficier.

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. Qu'en est-il de la fiabilité des chiffres ? Si 10 % à 15 % d'incertitude sont concevables, 70 % le sont moins. En avez-vous une idée ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Nous avons une idée que nous vous avons indiquée, et un certain nombre de chiffres sont parus. Une étude plus approfondie est nécessaire mais on n'a guère de doute sur le montant de certaines économies d'énergie réalisées. Toutefois, il est compliqué d'aller prendre les mesures. On s'est d'ailleurs demandé si l'on ne pourrait pas baser les certificats d'économies d'énergie sur une mesure avant et après, mais c'est impossible. On peut mettre en place un compteur énergétique pour déterminer l'économie d'énergie sur cette seule action, mais cela ne permet pas au ménage de connaître à l'avance le montant de la prime dont il va pouvoir bénéficier. Si le calcul théorique est juste et la mise en œuvre bien faite, les économies d'énergie seront atteintes.

La France, est d'ailleurs l'un des meilleurs élèves de l'Union européenne en matière de baisse d'intensité énergétique. Nous sommes un des pays qui utilise le mieux le certificat d'économies d'énergie, contrairement à l'Italie, où 60 % des certificats d'économies d'énergie sont générés dans l'industrie, alors que 60 % de la consommation d'énergie en Italie ne proviennent pas de ce secteur. Ainsi, ce dispositif est payé par tous, alors qu'il est principalement destiné aux industriels. En France, à l'inverse, plus de 80 % des certificats d'économies d'énergie sont générés dans le résidentiel.

La standardisation nécessite des conditions d'entrée définies. Dès lors qu'on ne mesure pas l'avant et l'après, l'initiative personnelle ne peut pas être valorisée. Cela permet de cadrer certaines initiatives qui, même si elles génèrent des économies d'énergie, sont peu performantes dans un processus global de rénovation énergétique. Ainsi, changer une chaudière n'a pas de sens si l'isolation est réalisée ensuite. On pourrait imaginer que le dispositif prévoie la réalisation de travaux d'isolation avant le remplacement de la chaudière. En ce cas, une initiative personnelle visant à remplacer la chaudière puis d'isoler ne serait pas éligible, faute de parcours cohérent. Les actions sont définies de manière à être cohérentes.

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. Dans le cas cité, il s'agissait bien de travaux d'isolation, sauf qu'ils ont été effectués en deux temps. Une première isolation avait abouti à un « R » de 2,7 et une deuxième phase, s'inscrivant dans la même logique, à un « R » de 6,2. C'est la problématique des bouquets de travaux, que je connais pour avoir échangé avec les initiateurs du dispositif Oktave, dans la région Grand-Est. Je comprends qu'on veuille financer tout d'un coup, mais il y a des restes à charge important. Mon cas n'entre pas dans le cadre défini, mais il a donné un résultat plus intéressant que si les travaux avaient été réalisés en une seule fois.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Le financement du reste à charge est un sujet intéressant. Le certificat d'économies d'énergie permet de compenser le surcoût par rapport à une action dite classique, mais les organismes bancaires devraient être plus attentifs au reste à charge, notamment au travers de l'éco-prêt à taux zéro. Une démarche d'attachement à la pierre, notamment pour les locataires, permettrait aux ménages comme celui que vous citez de financer ce reste à charge par les économies d'énergie réalisées. Ce que vous évoquez relève moins d'une problématique CEE que du besoin de soutien financier qui aurait été nécessaire pour réaliser l'action d'économie d'énergie intégrale dès la première fois. Le sujet a d'ailleurs été mentionné dans une note de la Banque de France qui relevait que quelque 80 % des achats de voitures bénéficient d'un prêt bancaire contre seulement 20 % des rénovations énergétiques.

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Bastien Resse, responsable des affaires publiques d'ENR'CERT

Faire évoluer la culture des acteurs bancaires est un vrai enjeu. Pour en revenir à la note de la Banque de France, les prêts destinés à financer les travaux de rénovation énergétique devraient être plus intéressants pour les ménages puisqu'ils améliorent leur solvabilité en réduisant leur facture. Or cette dimension n'est nullement prise en compte par les acteurs bancaires, puisqu'il est plus difficile pour un ménage d'obtenir un prêt pour rénover sa maison, pourtant générateur de vraies économies, que pour changer de voiture. Le sujet est complémentaire du problème du reste à charge.

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Je poserai les questions conclusives.

Dans votre exposé, vous avez dit que les CEE sont l'application du principe pollueur-payeur. Mais où est la pollution quand on économise de l'énergie électrique décarbonée ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Il existe plusieurs types de pollution, même pour une énergie décarbonée. La première procède de la création des centrales de production, qui a un coût carbone. La deuxième consiste dans le retraitement des déchets radioactifs.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Oui.

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Toutes les productions d'énergie n'induisent pas des déchets radioactifs.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Il faut aussi inscrire l'outil certificat d'économies d'énergie dans un paquet climat visant trois objectifs : réduire les émissions de CO2, par le biais du marché des quotas carbone ; produire 20 % d'énergie renouvelable en plus par l'outil Garantie d'origine, et le certificat d'économies d'énergie, qui vise à réduire la consommation d'énergie finale et non pas à compenser une pollution.

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Mais comme vous disiez que les CEE étaient l'application du principe pollueur-payeur, considérez-vous que toute énergie est une pollution ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Oui.

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Mais pour appliquer le principe pollueur-payeur, il faudrait discriminer les CEE en fonction du niveau de pollution. En traitant toute énergie de la même manière, vous n'encouragez pas des comportements incitatifs ou vertueux.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. L'objectif des certificats d'économies d'énergie n'est pas de promouvoir les énergies renouvelables mais de diminuer la consommation énergétique finale du parc français. Le terme « pollueur » peut être remplacé par l'expression « distributeur-pollueur ».

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Si vous conservez ce terme de pollueur, ne faudrait-il pas orienter l'effet des CEE sur des actions de nature à réduire les activités polluantes ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Non, car le marché des quotas de carbone le permet. Le dispositif des certificats d'économie d'énergie part du principe que l'énergie la moins polluante est celle qu'on ne consomme pas et que toute production ou consommation d'énergie est polluante. Il s'agit donc de réduire la consommation d'énergie globale.

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En quoi la réduction d'énergie permet-elle de lutter contre le changement climatique à défaut de l'objectif de réduction des émissions de CO2 ? Vous dites qu'il faut être très ambitieux par rapport au changement climatique. Si vous enlevez de la dimension des CEE la discrimination par rapport au CO2, comment entendez-vous lutter contre le changement climatique ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Je poserai la question différemment. Aujourd'hui, le particulier qui consomme de l'énergie en connaît-il toujours l'origine ? Il existe des offres vertes liées à des achats d'énergie avec garantie d'origine, mais il est n'est pas aisé pour un particulier de connaître l'origine de son énergie. Le certificat d'économies d'énergie vise à toucher tous les particuliers afin de les inciter à de meilleures pratiques de consommation énergétique. En touchant ainsi le diffus, on réduit forcément la consommation d'énergie polluante par impact, puisqu'on diminue l'ensemble des consommations.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Oui.

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Vous ne précisez pas. Vous dites qu'il y a forcément un impact, que je pourrais atteindre mes objectifs « CUMAC » en ayant massivement diminué l'énergie consommée par les radiateurs électriques alimentés par de l'énergie nucléaire ou verte sans le moindre effet sur le bilan carbone tout en affichant un très bon résultat CEE. D'autres nous ont dit que les fiches devraient prendre en compte des matériaux de meilleure qualité. On voit bien qu'il y a une masse énorme. S'agissant d'une politique publique, pourquoi ne pas vouloir la centrer sur certains types d'actions ? Vous dites qu'il existe d'autres outils ; je pourrais vous répondre qu'il existe aussi le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et qu'on a bien deux outils pour un même objectif. Qu'est-ce qui empêcherait d'avoir deux outils contre les émissions de CO2 ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Cela s'est fait assez naturellement, puisque 30 % de la facture énergétique des ménages sont issus du transport, qui est une activité polluante, et 30 % du chauffage. La principale action prévue par les fiches à avoir été réalisée est le remplacement de chaudières au profit d'équipements plus performants, ce qui a permis de réduire naturellement les émissions de CO2, puisque la consommation de combustible est prégnante au sein de la consommation globale d'un ménage. De plus, la validation des actions par le ministère permet aussi d'assurer un équilibre : faut-il viser plutôt une consommation électrique ou une consommation combustible ? La création de cet observatoire permettrait également de définir quelles actions produire et avec quelles conséquences en termes de consommation électrique ou combustible ?

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. Dans votre exposé, vous avez dit que l'isolation de 100 mètres carrés de combles permettait à un ménage en précarité de réaliser une économie de 2 160 euros. Vous connaissez mieux que moi les profils des ménages en précarité énergétique, mais connaissez-vous beaucoup de ménages en précarité énergétique vivant dans une habitation avec 100 mètres carrés de combles ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Cela existe. J'ai pris un exemple pour simplifier. Je pourrais faire de même avec 50 mètres carrés, ce qui donnerait environ 1 000 euros de prime contre un coût de 100 euros par an autofinancé.

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. Les ménages en précarité énergétique ne vivent-ils pas plutôt dans un T1 ou dans un T2 sans combles ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. La situation est différente dans les zones périphériques et dans les territoires, où il y a des maisons. Vous évoquez aussi l'implication du locataire dans la démarche des certificats d'économies d'énergie. Dans le système du certificat d'économies d'énergie, tout maître d'ouvrage, qu'il soit locataire ou propriétaire, peut bénéficier de primes d'économies d'énergie. Il est important d'étudier d'autres initiatives, tel que l'attachement à la pierre, pour permettre aux locataires d'impliquer leur propriétaire, leur bailleur, leur syndic dans la réalisation de travaux d'économies d'énergie.

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. Pour le ménage en précarité énergétique, il y a, d'un côté, un coût, et de l'autre, un retour. Vous calculez le retour sur 100 mètres carrés de combles, mais je ne suis pas certain que votre exemple ne soit pas théorique et que le retour réel soit bien plus faible. En revanche, le coût est calculable, puisque c'est le coût d'augmentation de la facture d'électricité, tempéré par les chèques énergie ou la facture de gaz ou de fioul. Le ménage en situation de précarité énergétique le paie, du moins en partie.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Le coût est aussi calculé sur un logement de plusieurs mètres carrés, puisque 2 % rapportés à 100 euros représentent tout de même une facture annuelle de 5 000 euros. Effectivement, je ne suis pas sûr qu'un ménage vivant dans un T1 ait une facture de 5 000 euros. Ce sont des ratios que je voulais vous communiquer, mais on peut revoir les calculs sur un autre type de ménage.

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. Vous avez dit aussi qu'on avait réalisé une économie de 612 TWh entre 2006 et 2014. Dès lors, on aurait dû assister à une augmentation du pouvoir d'achat et même, puisque les gens en situation de précarité énergétique sont particulièrement visés, une amélioration notable. Or ce n'est pas le cas. Deux explications sont possibles : soit on n'a pas réalisé une économie de 612 TWh, et on en revient au calcul théorique évoqué par mon collègue, soit quelqu'un a accaparé le gain.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Pour comparer des éléments comparables, il faut parler de la facture énergétique des ménages en euro et non d'une économie en térawatts-heures. Entre 2006 et 2016, le prix de l'énergie a fortement augmenté. Si le territoire national réalise 1 % d'économie d'énergie et si, parallèlement, le prix de l'énergie augmente de 1 %, l'effet est annulé. En outre, au fil du temps sont apparus de nouveaux postes de consommation. En particulier, l'utilisation du numérique, qui représente environ 10 % de la consommation électrique en France mais qui comptait pour beaucoup moins en 2006, vient s'ajouter à la facture énergétique des ménages. Pour évaluer le gain en pouvoir d'achat, il faut prendre en compte beaucoup plus d'indicateurs, notamment l'intensité énergétique qui s'est améliorée, comme je le précisais en introduction.

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. Une autre explication ne serait-elle pas que l'augmentation significative du volume des certificats d'économies d'énergie se répercute sur la facture ? On constate des effets de diminution de la consommation. Quand je payais mon électricité 10 et que j'en consommais 100, ma facture était de 1 000, et maintenant, grâce aux économies d'énergie, j'en consomme 80, mais comme le prix est passé à 15 euros, je paie 1 200, soit un solde qui n'est pas exactement celui auquel on s'attendait. Est-ce que, dans la construction du financement de cette politique, a fortiori si elle est mal ciblée ou si ses effets sont diffus, l'effet volume n'est pas mangé par l'effet prix ? Avez-vous des études à ce sujet ? Trouvez-vous que c'est suffisamment poussé ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Nous n'avons pas d'étude sur le sujet. Je le répète, le coût du certificat d'économies d'énergie dans la facture représente environ 2 % aujourd'hui. Sachant que le prix est de 9 euros le MWh et qu'il a été historiquement plutôt de l'ordre de 3 euros, le coût serait plutôt de 1 % de la facture énergétique.

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. Votre prix moyen de 3,36 euros est intéressant, mais il est calculé sur une période où les volumes étaient différents.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Nous avons pondéré les résultats !

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. Vous avez pondéré à due proportion du temps. Il n'en reste pas moins que vous comparez des éléments non comparables. C'est comme si je comparais le prix du pétrole en 1910, le prix du pétrole en 1950 et le prix du pétrole aujourd'hui. Les volumes et les structures de marché sont très différents. Il y a tout de même une grosse différence entre la période actuelle et les autres. Même en volume, l'augmentation est exponentielle.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Même chose pour le pouvoir d'achat. Il faudrait également le prendre en compte dans le calcul que vous évoquez tout à l'heure. Nous avons lissé sur dix ans.

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. Ce qui m'intéresse, c'est la dernière période. Comme la contribution au service public de l'électricité (CSPE), le système des CEE a longtemps été discret. Tant qu'il ne représentait pas des gros volumes, les gens ne s'inquiétaient pas. Le jour où cela commence à représenter 2 % de la facture, où il y a un volume suffisant et où le prix des CEE augmente, on commence à s'y intéresser. Quand on commence à voir des volumes importants, donc un impact sur les prix supérieur à l'épaisseur du trait, il y a un risque, du fait du mauvais ciblage ou de la grande ventilation de cette politique. Vos 612 TWh sont répartis sur un nombre élevé de gens. Vous avez cité le chiffre de 1,4 million de logements. Rapporté à l'échelle micro, on peut avoir une baisse de 10 % ou 15 % du volume, mais par ailleurs la facture d'électricité a augmenté de plus de 45 %, pas seulement du fait des CEE, mais aussi des taxes.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Il existe un risque de mauvais ciblage, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui, puisque l'obligation précarité est plus que remplie. Concernant le ciblage des ménages en précarité énergétique, l'objectif est atteint. Concernant le ciblage des ménages de manière générale, plus de 80 % des certificats d'économies d'énergie étant générés dans le bâtiment résidentiel, on peut estimer que le ciblage à destination des ménages est bien opéré.

Nous estimons que le prix du certificat d'économies d'énergie est trop élevé et pèse lourdement sur la facture énergétique des ménages. Il convient de le rééquilibrer par la création de nouveaux canaux de production de certificats d'économies d'énergie et la réduction de certains freins administratifs.

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. Vous avez dit : « le délégataire, c'est la porte d'entrée pour l'efficacité énergétique ».

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Je rappellerai que le délégataire a deux rôles. Il est le garant de la qualité auprès de l'administration. Il dépose les dossiers en son nom et il en est responsable. Il a aussi la responsabilité du versement de la prime au consommateur, particulier ou non.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Nous passons par des organismes spécialisés. Nous avons plusieurs niveaux de contrôle. Il y a d'abord des contrôles du traitement des dossiers, consistant en la vérification systématique des cadastres, des dossiers techniques et administratifs. C'est un travail assez lourd. Chez nous, sur cinquante personnes, vingt se destinent à ce travail. Trois autres personnes dédiées à la qualité interviennent auprès d'organismes pour appeler les bénéficiaires et vérifier que les travaux ont bien été réalisés. Par ailleurs, nous faisons intervenir des organismes ayant un agrément COFRAC pour réaliser des contrôles sur site, afin de vérifier la bonne réalisation et la juste déclaration des travaux.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Le dispositif des CEE est déclaratif.

Nous appelons les gens et une deuxième vérification est effectuée par un bureau de contrôle agréé par la COFRAC.

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. Par rapport au volume global d'opérations, combien de rénovations sont effectivement contrôlées par quelqu'un qui vient à la maison ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Entre 20 % et 30 % du volume.

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. Vous vous réjouissiez tout à l'heure que l'on fasse beaucoup de résidentiel en France, mais c'est plus difficile à contrôler.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Tout à fait.

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. S'il y a des fraudes ou de mauvaises rénovations, elles peuvent atteindre le taux de 70 %.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Nous devrions essayer d'en contrôler 50 %. L'important est l'échantillonnage. Nous travaillons avec des prestataires. La déclaration implique le maître d'œuvre et du maître d'ouvrage. L'échantillonnage des dossiers que nous contrôlons chez les prestataires que nous sélectionnons représente un travail important. Nous sommes en responsables devant l'administration. Nous avons tout intérêt à ce que le contrôle soit le plus efficace possible pour notre relation avec l'administration et pour notre relation avec les énergéticiens à qui nous vendons les certificats d'économies d'énergie.

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. Connaissez-vous des délégataires qui aient fait l'objet de sanctions pécuniaires ou dont la responsabilité pénale ait été engagée par l'administration ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Les sanctions sont publiées au Journal officiel. J'avoue ne pas les regarder.

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Une sanction pécuniaire, l'annulation des certificats d'économies d'énergie. La publication ne précise pas l'origine de la sanction. Il est juste fait mention du volume annulé et du montant de la sanction pécuniaire.

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Combien de temps le risque d'annulation des CEE concerne-t-il les obligés ou les délégataires ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Deux périodes pleines, c'est-à-dire six ou dix ans

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Cela peut représenter des volumes considérables et un grand risque pour la pérennité de l'activité des entreprises. Comment y font-elles face ? Est-il pris en compte par des assurances ? Est-ce que cela peut mettre en danger les énergéticiens et les délégataires ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. Compte tenu de la surface financière des différents acteurs, cela met plus en danger les délégataires, à charge pour eux de mettre en place des process qualités qui leur permettent de réduire au maximum ce risque. Couvrir son activité sur six ans est extrêmement compliqué. Que l'on puisse revenir jusqu'à six ans sur des dossiers est d'ailleurs une des problématiques du dispositif. Un tel risque est impossible à provisionner. Cela oblige les délégataires à prendre quelques risques. Nous avons déjà abordé ce point en envisageant une durée de prescription du certificat d'économies d'énergie ou de donner les moyens à l'administration de réaliser des contrôles dans un temps plus court.

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Les règles du jeu liées au risque sont-elles bien claires ou sont-elles fluctuantes ?

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Gaëtan Thoraval, directeur général d'ENR'CERT

. C'est l'objet du projet de loi énergie en cours d'élaboration. Quelques règles du certificat d'économies d'énergie sont dans un certain flou juridique. Je l'évoquais en introduction, il s'agit de clarifier des règles afin qu'elles soient incontestables. Un travail est aussi à réaliser à ce sujet.

L'audition s'achève à onze heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du jeudi 18 avril 2019 à 10 h 40

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Sophie Auconie, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Vincent Thiébaut

Excusés. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bouillon, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Turquois