Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Réunion du mardi 21 mai 2019 à 18h40

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • autisme
  • autistes
  • classe
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  • enseignant
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La réunion

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Mardi 21 mai 2019

L'audition débute à dix-huit heures quarante.

Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête

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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition de Mme Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association Agir et Vivre l'Autisme, membre du Collectif Autisme, M. Bertrand Jacques, président de la Fondation Autisme, et M. Richard Pandevant, co-président de Réseau Autistes sans frontières.

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Mes chers collègues, nous achevons cette série d'auditions consacrées à l'autisme en recevant Mme Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association « Agir et vivre l'autisme », membre du collectif Autisme, M. Bertrand Jacques, président de la Fondation Autisme, et de M. Richard Pandevant, co-président de Réseau Autistes sans frontières.

Madame, messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Le collectif Autisme et le réseau Autistes sans frontières réunissent des associations de parents d'enfants connaissant un trouble du spectre autistique. La Fondation Autisme vise quant à elle à soutenir la recherche sur l'autisme, les troubles envahissants du développement, le perfectionnement, la mise en oeuvre et la diffusion de prises en charge efficaces, dignes et respectueuses des personnes atteintes d'autisme, notamment par la constitution d'un réseau d'établissements adaptés.

Vous êtes donc concernés au premier chef par la question de la scolarisation des enfants en situation de handicap, ce pour quoi nous tenions à vous entendre.

Conformément de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter le serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Mme Ana Bibay, M. Bertrand Jacques et M. Richard Pandevant prêtent serment.

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Après que notre rapporteur se sera exprimé, je vais vous donner la parole pour un court exposé qui se poursuivra par des échanges de questions et de réponses.

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Soyez les bienvenus. Nous sommes tous convaincus ici de l'importance du rôle joué par les parents et par leurs représentants pour faire progresser la cause de l'autisme et sa prise en compte. Les plans stratégiques se succèdent, un nouveau vient d'être annoncé. Nous souhaitons donc recueillir, sans faux-semblant ni posture, de la manière la plus transparente possible, votre point de vue, votre expertise sur les avancées que cela permet, pour qu'au bout du compte la loi de 2005 se concrétise sur tous les territoires. Peut-être même pourrons-nous ambitionner d'écrire un « acte II » de cette loi, car il ne faut pas renoncer à une transition inclusive qui prenne en compte la spécificité des collectifs que vous représentez. Merci, en tout cas, de votre mobilisation opiniâtre et de votre présence à nos côtés aujourd'hui.

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Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association Agir et vivre l'autisme

Je suis Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association « Agir et vivre l'autisme » et analyste du comportement. Mon travail quotidien consiste à accompagner les équipes dans la mise en oeuvre des méthodes éducatives et comportementales recommandées par la Haute Autorité de santé (HAS).

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Bertrand Jacques, président de la Fondation Autisme

La Fondation Autisme, que j'ai l'honneur de présider, est un écosystème composé de trois éléments : une fondation dont l'objet principal est la recherche appliquée en matière d'autisme et le soutien à toutes les initiatives de solidarité autour de l'autisme ; une association, « Agir et vivre l'autisme », qui a créé douze établissements expérimentaux en dix ans, soit un tiers de ceux qui existent en France, de sorte que nous sommes assez bien placés pour avoir une idée de ce qui marche ou non, en matière d'insertion scolaire ; enfin, l'Institut de l'autisme, qui est l'un des deux seuls établissements français reconnus par des instances internationales pour la délivrance de diplômes d'analyse appliquée du comportement – l'autre est l'université Lille 3, qui pratique et enseigne des interventions héritées des années 1960 et 1970, assez rudes et assez contraignantes pour les enfants. Nous avons, quant à nous, des approches plus actuelles de ce qu'est l'Applied Behavioral Analysis (ABA), appellation anglaise de l'analyse appliquée du comportement.

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Richard Pandevant, co-président du réseau Autistes sans frontières

Le réseau Autistes sans frontières, créé en 2004, regroupe 33 associations, en métropole et outre-mer, qui aident actuellement près de 2 000 familles. Nous sommes présents sur le terrain et nous avons aujourd'hui le recul pour évaluer ce qu'a permis ou pas la loi de 2005, ainsi que ses limites – quels sont les grains de sable, qui parfois, font que le droit ne s'applique pas, et les conséquences pour les familles. Nous sommes clairement des acteurs de l'inclusion, depuis la réception du diagnostic par les parents jusqu'à l'âge adulte.

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Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association Agir et vivre l'autisme

Comme l'a dit Bertrand Jacques, nous gérons douze établissements expérimentaux dans lesquels sont effectués des apprentissages. Parmi les enfants accueillis, 60 % sont intégrés à l'école, selon des modalités différentes : soit un accompagnement direct, c'est-à-dire que nos éducateurs vont à l'école et permettent que l'enfant participe aux activités académiques et à l'ensemble de la vie scolaire, soit un soutien aux équipes éducatives dans l'école. Nous avons développé, plus récemment, d'autres modalités, comme les classes dites d'autorégulation de l'autisme en milieu d'inclusion scolaire (ARAMIS) en Nouvelle-Aquitaine.

Nous voyons que les enfants font des progrès significatifs du fait du changement des mentalités, grâce à la présence d'enfants autistes à l'école et au succès de cette inclusion. L'expérience montre cependant que l'on peut encore améliorer les choses, moyennant plus de souplesse – c'est là, sans doute, notre recommandation principale. Des modalités de prise en charge plus souples permettraient d'accompagner la personne avec autisme au fur et à mesure de ses progrès. Cela passerait par une orientation MDPH vers des modalités multiples et simultanées ; par exemple, à temps partagé entre institut médico-éducatif (IME), école ordinaire, SESSAD ou ULIS. Chacune de ces modalités se traduirait par des temps modulables dans la durée, selon les difficultés rencontrées par l'enfant dans son parcours. Il y aurait en outre des passerelles, selon des modalités prévues par les orientations MDPH : lorsqu'on sort un enfant d'un dispositif, par exemple d'un IME, pour aller vers une unité d'enseignement élémentaire (UEE), il lui faut un temps de transition plus important, même avec un dispositif d'accompagnement médico-social plus léger. Nous connaissons tous les rigidités et les difficultés d'adaptation que subissent beaucoup d'enfants avec autisme : on cherche trop souvent à déplacer l'enfant d'un dispositif à un autre, sans établir les passerelles qui permettraient une meilleure réussite.

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Bertrand Jacques, président de la Fondation Autisme

Pour compléter le propos, quand nous avons créé notre IME expérimental en 2009, c'était un peu le désert en matière d'inclusion des enfants autistes. Le gouvernement nous a demandé d'apporter la preuve des résultats – succès ou échec – d'une prise en charge précoce, intensive et pluridisciplinaire. La réponse a été « succès ». Sauf que nous l'avons fait à l'intérieur de nos écoles, avec une inclusion aussi forte que possible, mais pas en école ordinaire, qui accueille tout de même 60 % des enfants que nous accompagnons, et avec nos propres éducateurs, pas avec les AVS de l'Éducation Nationale. Il a aussi fallu surmonter quelques résistances, d'ailleurs non conformes à la loi de 2005, y compris au sein de l'Éducation Nationale, sur un territoire que j'ai en tête, avant d'avoir le droit d'accompagner nos propres enfants à l'école. J'ai dû faire intervenir le cabinet du ministre. Quand c'est redescendu en pluie fine, bien sûr, ça n'a pas plu à tout le monde, mais c'était le démarrage.

Les enfants font, certes, de réels progrès, mais ensuite, comment sortent-ils de l'école ? En d'autres termes : va-t-il y avoir une embolie des écoles, avec des enfants simplement plus âgés qu'au début ? Ou a-t-on des passerelles pour la sortie ?

Nous recommandons donc que tout établissement, si bon soit-il, soit impérativement ouvert sur l'extérieur. Comment ? On ne va pas s'amuser à inventer des systèmes très différents de ceux qui existent déjà. Il suffit de faire ce qu'Ana Bibay vient de décrire, c'est-à-dire une orientation multiple, pour être à la fois dans une IME et à l'école ordinaire avec des heures d'accompagnement par des AVS. Si on arrive à ça, avec suffisamment de flexibilité, alors en utilisant uniquement les dispositifs existants, on aura le moyen d'accompagner un enfant qui, au départ ne sera pas très bon, mais qui fera assez de progrès pour être ensuite intégré à l'école ordinaire de manière continue.

Dans la plupart des dispositifs inventés par les brillants esprits qui ont pondu un certain nombre de plans autisme, une notion est totalement absente en permanence. Elle tient en un seul mot : progrès. Je ne suis pas en train de dire qu'il faut réinventer la roue, mais simplement : premièrement, aller vers plusieurs orientations simultanées de la MDPH – ce n'est pas compliqué à faire ; deuxièmement, établir des quotités de temps plus souples, de manière à pouvoir basculer de 90-10 dans un sens à 10-90 dans l'autre.

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Richard Pandevant, co-président du réseau Autistes sans frontières

Le rôle des associations sur le territoire – et non de la coordination nationale – est évidemment d'être un point d'accueil des parents quand ils sont désemparés après avoir reçu un diagnostic, un endroit où on leur dise qu'ils ne sont pas seuls, que d'autres parents sont passés par là, qu'une autre vie est possible après. Qu'il y a de plus en plus – même si ce n'est malheureusement pas assez – de professionnels formés aux méthodes et aux bonnes pratiques préconisées par la HAS depuis 2012. Un endroit où on les accompagne, où l'on crée un écosystème qui, idéalement, reposerait sur des équipes incluant l'Éducation nationale, des auxiliaires formés et dignement traités – j'y reviendrai – et des professionnels de santé, car on ne peut pas « découper » un enfant en morceaux, avec d'un côté son handicap dans la vie de tous les jours et de l'autre un aspect purement pédagogique dans la vie scolaire. Nous avons agis en ce sens dès avant les recommandations de la HAS. IL y a eu, historiquement, trois périodes. D'abord, la loi de 2005 a été une bouée de sauvetage, un repère qui a permis à toute personne, même non-juriste, d'opposer à l'administration le droit de son enfant à aller à l'école. Ensuite, on a quand même attendu sept ans pour avoir des recommandations de la HAS sur l'autisme – je dis « on a attendu » parce que les frontières ne sont pas étanches, encore moins avec internet, et les gens qui voyagent se sont rendu compte que, dans d'autres pays, des progrès étaient possibles et qu'il n'y avait pas de raison que cela s'arrête aux frontières de la France.

Nous pourrons vous donner des exemples de frustrations au jour le jour. Malgré le fait que le dispositif législatif existe, que la médecine progresse – même s'il y a encore des réticences du côté de la psychanalyse, la France se rapproche de tous les autres pays du monde puisque la classification des maladies ne s'arrête pas plus aux frontières que ne le fait la radioactivité –, que nous avons face à nous des gens de plus en plus informés, de bonne volonté, parfois concernés eux-mêmes, dont certains sont d'anciens militants associatifs – on n'a donc aucune raison de douter de leur bonne foi –, force est de constater que cela ne se traduit pas toujours dans les faits par des solutions acceptables pour toutes les familles.

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Je suis assez séduit par l'entrée en matière que vous avez choisie, qui consiste à nous dire qu'il faudrait institutionnaliser la notion de passerelle, de souplesse dans les notifications MDPH. Mais ce qui a déclenché la commission d'enquête, c'est notamment ce que l'on sait en matière d'autisme : 446 jours pour obtenir un diagnostic, des MDPH dont les délais d'instruction peuvent atteindre dix mois dans certains départements comme le mien, et une incapacité à contrôler la mise en oeuvre des notifications, pour des raisons que vous connaissez aussi bien que moi, et donc, au bout du compte, des droits formels et individuels reconnus, mais non mis en oeuvre. S'y ajoutent certains éléments que vous avez évoqués, comme l'absence de formation des intervenants et la précarisation des AESH.

En somme, votre idéal me va bien, parce que c'est l'ambition que nous donnons à cette commission d'enquête. Pour faire simple, on a déjà du mal à obtenir une notification claire dans des délais raisonnables, un PPS pour tout le monde – car il n'y en a pas dans tous les départements – et une mise en oeuvre avec des moyens adaptés aux besoins. Et vous nous dites – j'y adhère – que c'est à la fois plus simple et plus compliqué, que ce qu'il faudrait, ce sont des allers et retours entre les IME et le milieu ordinaire, avec des modalités d'intervention plus souples du médico-social. Comment pouvez-vous nous aider à surmonter cela ? Et quels moyens cela nécessite-t-il ?

Des actions sont annoncées ou mises en oeuvre : des unités externalisées en maternelle, en élémentaire, un plan de développement des ULIS – est-il suffisant ou pas ? Comment votre approche, qui m'a bousculé mais qui me séduit, s'inscrit-elle par rapport à ce qui vient d'être annoncé par la ministre ?

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J'ai croisé avant-hier une famille qui a un enfant avec des troubles autistiques, qui s'interroge sur le matériel. L'enfant, proche de cinq ans, était dans une poussette pour la promenade. Quand il a vu que je discutais avec ses parents, il a baissé la capote et la maman m'a dit : « vous voyez, rien que la capote, ça coûte 270 euros, et j'ai hâte d'avoir la réponse de la MDPH pour recevoir enfin la suite des aides financières ». Quel est votre point de vue sur ces aspects matériels de l'accompagnement des enfants autistes ?

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Bertrand Jacques, président de la Fondation Autisme

Je vais faire une très rapide intervention sur le diagnostic, qui est en fait le point de départ. Vous avez entièrement raison : les délais dans les centres de diagnostics sont beaucoup trop longs. L'actuel plan Autisme prévoie des soutiens financiers avant même que le diagnostic soit officiellement posé, ce qui n'est déjà pas si mal. Honnêtement, ce ne sont pas les quelques centaines d'euros que ça représente qui vont changer beaucoup de choses.

La solution, en matière de diagnostic, c'est tout bêtement qu'un certain nombre de psychiatres de ville soient habilités par les services sociaux à livrer un diagnostic. Ce n'est pas compliqué. Nous étions dans une délégation départementale de l'agence régionale de santé (ARS) d'Île de France il y a quinze jours, et on nous a dit : c'est super-long, on a un problème pour le diagnostic de tel ou tel enfant. Ils sont repartis avec trois adresses de praticiens hospitaliers, des psychiatres reconnus, dont le diagnostic est fiable, qui ont des cabinets en ville. Petite précision : les psychiatres de ville permettront de désengorger le système, de faire tomber le délai à deux ou trois mois au lieu des douze, dix-huit, vingt-quatre mois que nous connaissons, mais il faut qu'ils soient habilités par un service hospitalier, sans que ce soit une labellisation qui nous ferait tomber dans d'autres problématiques compliquées. Le simple fait de pouvoir dire : « Moi, chef du service de psychiatrie de tel hôpital, je valide la capacité du docteur X à délivrer un diagnostic d'autisme » fera sauter le premier verrou que vous évoquiez.

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Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association Agir et vivre l'autisme

Je reviens sur les passerelles. Effectivement, le premier problème aujourd'hui est le manque de place, à tous les niveaux : dans les structures offrant un accompagnement soutenu, comme un IME, mais aussi dans celles dont la partie médico-sociale est plus légère comme les unités d'enseignement externalisées. Alors, les notifications MDPH se heurtent au réel : on a un certain nombre d'orientations, mais il n'y a de place nulle part.

On consent tout de même aujourd'hui un effort considérable pour toutes ces unités. L'idée consiste justement à ajouter davantage de souplesse grâce aux créations de nouvelles places. Ça ne réglera pas le manque de place, mais cela donnera plus d'efficacité.

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Richard Pandevant, co-président du réseau Autistes sans frontières

Quand on voyage un peu, on s'aperçoit que la France est l'un des pays d'Europe où l'on voit le moins les personnes handicapées, quel que soit leur handicap. Or, nous considérons que leur place est dans la société, que ça commence à l'école et, autant que possible à l'école ordinaire. C'est bon pour eux parce qu'ils font des progrès qu'ils n'auraient pas faits sans cela. C'est bon aussi pour leurs camarades car ils grandissent en apprenant à respecter la diversité de chacun. Et ça libère des places dans d'autres établissements pour les enfants qui en ont le plus besoin.

Par ailleurs, quel que soit le type d'établissement d'accueil, à temps partiel, à temps plein ou mixe, le point fondamental est la formation de tous les intervenants. Notre retard est considérable, notamment dans les programmes de l'université – or, c'est là que se prépare en grande partie l'avenir –, et le rythme actuel du rattrapage ne nous permettra pas de régler le problème rapidement.

Vous avez parlé du matériel. Il existe du matériel adapté : vous avez entendu parler des time timers, des agendas visuels, toutes choses qui aident énormément ces enfants-là, et dont le coût n'est pas démesuré. Avec l'aide de la technologie, on se rend compte que parfois ces matériels aident aussi les enseignants et les enfants « typiques ».

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J'ai reçu des parents d'enfants handicapés, pas nécessairement atteints de troubles autistiques, qui me rapportaient nombre de mauvaises orientations, avec par exemple des enfants orientés vers un IME alors que leur place n'était pas forcément là, mais plutôt en école ordinaire. Quel est votre regard sur ces orientations – qui peuvent être un facteur d'embouteillage pour ces institutions elles-mêmes ?

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Bertrand Jacques, président de la Fondation Autisme

C'est exactement la raison pour laquelle nous avons attaqué bille en tête en plaidant pour des orientations multiples et souples. Cela permet non seulement d'éviter des erreurs d'aiguillage, mais aussi d'ajuster le tir en fonction des progrès de l'enfant.

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Je vais rebondir sur le sujet. Tout à l'heure nous recevions Mme Claire Compagnon, qui estime que l'enfant doit dans la mesure du possible être à l'école, et qu'on doit lui apporter à l'école le soutien et l'accompagnement qui répondent à ses besoins particuliers, à ses difficultés, à son handicap.

Cela veut dire qu'il faudra beaucoup d'adultes dans l'établissement scolaire, qui viendront en général d'un établissement médico-social associé, auquel, donc, on enlèvera des places. Est-ce que l'on peut en même temps prendre les éducateurs, les professionnels de l'accompagnement de l'autisme et les intégrer dans les écoles, et garder des enfants dans les institutions médico-sociales ?

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Richard Pandevant, co-président du réseau Autistes sans frontières

On estime à 100 000 environ le nombre d'enfants autistes en France, et à 600 000 celui des adultes – qui n'ont pas été tous désignés comme tels au départ, de sorte qu'il ne s'agit que d'une estimation. Tous n'ont pas les mêmes besoins : le spectre autistique est très large, certains troubles passent inaperçus, d'autres ont des troubles associés.

La question posée est celle du transfert d'une partie des moyens depuis un certain type d'accueil, spécialisé, vers un modèle plus inclusif. Dès lors que cela correspond au besoin de l'enfant, cela nous paraît être évidemment une bonne démarche. Mais on se heurte à un problème de pratiques, de personnes, de mobilier, de places pour les accueillir. C'est une très grande difficulté.

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J'ai une autre question qui sort un peu du cadre de la commission, mais qui a trait à la continuité de la prise en charge de ces troubles. Quel est le devenir des personnes âgées qui entrent en institution, en maison de retraite, alors qu'elles sont atteintes de troubles autistiques ? Pour assurer une continuité, il faut la penser bien avant.

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Y a-t-il un pays idéal qui aurait développé quelque chose d'intéressant allant dans le sens que vous avez décrit ? Et si oui, quels résultats cela donne-t-il ?

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En début d'après-midi, j'ai dû pousser un « coup de gueule » parce que, pour l'instant, nous n'arrivons pas à obtenir du ministère concerné un diagnostic précis et des réponses précises à nos questions sur la situation réservée aux enfants en situation de handicap dans la transition inclusive. Si l'on veut progresser, il faut savoir précisément d'où on part : cela me paraît élémentaire.

Du coup, je serais intéressé par disposer des éléments concrets que vous avez : le nombre d'enfants autistes non pris en charge, non scolarisés en milieu ordinaire ou scolarisés dans des conditions insatisfaisantes, sans AVS, le nombre de signalements de situations préoccupantes par des enseignants, le nombre d'alertes de déscolarisation subie, le nombre de saisines du Défenseur des droits – qui nous a dit qu'un tiers des saisines étaient liées au non-respect de la loi de 2005, ce qui n'est pas rien. Quels phénomènes votre collectif a-t-il pu identifier ? On développe des réponses, on veut systématiser les PPS, on met en place des moyens – les UEEA, les ULIS : ce n'est pas rien non plus.

Chez moi, l'Association de parents et amis de personnes en situation de handicap mental (APEI) est très développée, ils font un gros boulot et sont très ouverts au partenariat avec le monde de l'école. L'Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) aussi – nous avons monté un IEA avec eux. Mais, vous l'avez dit, il y a chez les éducateurs comme chez les bénévoles, des inquiétudes sur la place des enfants en milieu scolaire ordinaire. Quels effets de restructuration cela implique-t-il pour ces établissements ? Et quelles mesures d'accompagnement préconisez-vous ?

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Bertrand Jacques, président de la Fondation Autisme

Sur la volumétrie, je ne peux vous répondre qu'en partie. Il semblerait que la moitié des personnes autistes ne bénéficient d'aucune prise en charge, de quel ordre que ce soit. Le chiffre, bien sûr, n'est pas prouvable, mais c'est celui vers lequel convergent la plupart des acteurs depuis plusieurs d'années. La situation est un peu meilleure pour les enfants, mais n'oublions pas que l'on voit une réelle explosion de l'autisme, qui ne s'explique pas seulement par une meilleure détection : les gens qui disent ça feraient mieux de lire autre chose que France Dimanche et de se pencher sur les études d'épidémiologie.

Voici une étude très simple, qui date de 2010, réalisée dans le New Jersey. Si l'on recense, avec les critères d'aujourd'hui, les autistes du New Jersey et que l'on regarde leur âge, c'est bizarre : il y a beaucoup de très jeunes, et au fur et à mesure que l'on avance en âge, il y en a de moins en moins. La population suit une courbe de Poisson. Si ça, ce n'est pas une explosion…

Deuxième preuve : trois pays ont de vrais systèmes statistiques de détection, le Japon, la Grande Bretagne et les États Unis. Mais le seul à avoir un historique est les États-Unis. C'est d'autant plus intéressant que les cinquante États américains ont tous le même système de détection. Or, bizarrement, la prévalence de l'autisme est multipliée par six ou sept, selon les États, sur une période de trente ans, mais les courbes sont très différentes. Cela accrédite la thèse des facteurs environnementaux en même temps que celle d'une véritable explosion. Cela veut dire que les profils de personnes autistes que nous avons, dans les pays développés et probablement en France, sont fortement biaisés en direction des jeunes.

Pour revenir à ce que vous disiez sur les conditions de scolarisation, il semble que le taux de scolarisation dans de bonnes conditions soit de l'ordre de 20 % – autrement dit, très faible. Avant d'entrer dans cette pièce, nous parlions d'un enfant dont les parents ont accepté, pour ne pas perdre la place proposée par l'Éducation nationale, qu'il soit scolarisé vingt minutes par jour ! En vingt minutes, on ne fait rien, on a juste le temps de poser ses fesses sur une chaise et de se relever. Ce n'est pas une scolarisation, c'est une façon de faire du chiffre. J'espère avoir répondu à peu près à la question.

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Richard Pandevant, co-président du réseau Autistes sans frontières

Sur la volumétrie, nous ne sommes pas très surpris. Cela concerne, bien sûr, une population très importante, et le nombre de grains de sable qui peuvent faire dérailler la machine est assez élevé et spécifique à la France. Je vais vous parler de ce qui peut faire dérailler en deux minutes un accompagnement. Quand ça se passe bien, on a des accompagnantes ayant reçu une formation initiale et une formation continue aux bonnes méthodes. On arrive à ce qu'elles entrent à l'école et à ce qu'elles partent avec les personnels de santé et les parents. Jusque-là, tout va bien et on arrive à faire des choses qu'on ne pensait pas possibles au départ pour les enfants. Mais survient un élément perturbateur : parfois, une famille déménage à dix kilomètres seulement, mais change de département, et l'interprétation n'est pas la même d'une MDPH à l'autre ; parfois, l'inspecteur ASH change, un enseignant change en cours d'année – il ne s'agit pas que de critiquer le nouvel enseignant, qui peut en toute bonne foi considérer qu'il n'est ni aidé ni formé pour accueillir cet enfant dans sa classe ; il peut aussi y avoir un défaut de supervision : les gens pensent bien faire mais ne sont pas supervisés par des gens compétents, ce qui peut être contreproductif.

Il peut y avoir, tout simplement, un refus d'AVS, et on tombe dans la situation que Bertrand Jacques vient d'évoquer, avec moins d'une heure de scolarisation par jour. Concrètement, l'enfant est déscolarisé et, dans 99 % des cas, la maman arrête de travailler. C'est comme ça que ça se passe. Vraiment.

Ou enfin, alors que tout marche bien, qu'on a réussi à trouver la perle rare – une AVS dynamique, qui aime les nouvelles méthodes – et que ça se passe très bien avec l'enfant, un jour, parce qu'elle est payée 600 à 900 euros par mois et n'a aucun espoir d'obtenir un CDI avant six ans, elle vient voir les parents et l'enfant en pleurant et leur dit : « Je suis désolée, mais j'ai dû accepter un autre travail ».

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Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association Agir et vivre l'autisme

Pour compléter sur ce qui permettrait un meilleur fonctionnement, je pense qu'il faudrait une formation de l'ensemble de l'école. C'est le cas pour la classe d'autorégulation d'Aquitaine, qui réunit une dizaine d'enfants en élémentaire, dont certains étaient auparavant en IME et sont désormais inclus dans leur classe d'âge à l'école. La spécificité par rapport à une UEE tient à ce que la base du temps de l'enfant est la classe ordinaire, bien qu'existe cette classe d'autorégulation. Il y a un accompagnement médico-social et par l'ensemble de l'école. Celui-ci a été formé au dispositif, alors que, trop souvent, on ouvre des UEE sans qu'il y ait eu un vrai travail d'adhésion de l'ensemble de l'école au projet ni de vraie formation.

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Ce que vous venez de décrire ne se rapproche-t-il pas de ce que devrait être une ULIS, c'est-à-dire un dispositif qui permette l'inclusion mais aussi le retour dans la classe ? Si j'ai bien compris, les enseignants de l'école sont formés, les enfants sont présents dans les classes ordinaires, mais il existe en plus une classe, que vous appelez d'autorégulation, où ils peuvent retourner, aller se ressourcer, se réfugier, etc.

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Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association Agir et vivre l'autisme

Des intervenants du secteur médico-social sont présents dans cette classe d'autorégulation, et assurent une supervision des méthodes éducatives en analyse appliqué du comportement. Cela combine la force d'un dispositif de type UEE avec l'efficacité avérée des méthodes éducatives comportementales en termes de supervision.

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Est-il également besoin d'avoir un accompagnant, éducateur ou AVS dans les classes ordinaires ?

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Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association Agir et vivre l'autisme

Ce n'est pas systématique, mais il peut y avoir un accompagnant. L'idée consiste à former toute l'équipe éducative pour un meilleur accueil de l'enfant.

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Chez moi, l'UEEA a fait ça : les personnels ont formé les mômes et associé l'ensemble de l'équipe éducative, la ville a formé son personnel scolaire. Peut-être est-ce le cahier des charges qu'il faudrait préconiser pour les UEEA ? Les enfants font des allers-retours permanents avec la classe ordinaire, avec des temps de vie scolaire partagés – temps du midi, récré, etc. Il faut éviter que cette unité soit certes localisée dans l'école, mais en réalité reste séparée des autres classes.

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Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association Agir et vivre l'autisme

Oui, et je pense que cela passe vraiment par la formation et la sensibilisation de l'ensemble de l'école.

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Bertrand Jacques, président de la Fondation Autisme

Et aussi par les doubles orientations que nous avons évoquées précédemment. On ne se posera plus la question de savoir qui signe le plan d'intégration ou le projet personnalisé : on va le faire, tout simplement.

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Où, en Nouvelle-Aquitaine, sont ouvertes ces classes d'autorégulation ?

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Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association Agir et vivre l'autisme

Il y en a trois, dont une en Corrèze, et une que gère « Agir et vivre l'autisme » à Angoulême.

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Bertrand Jacques, président de la Fondation Autisme

Il faudrait demander à M. Saïd Acef, qui a été conseiller ministériel, et qui est aujourd'hui chargé du médico-social à l'ARS de Nouvelle-Aquitaine.

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Richard Pandevant, co-président du réseau Autistes sans frontières

Le dispositif PIAL, a priori, n'est pas bien reçu sur le terrain – on peut même parler de levée de boucliers. Je reviens sur les ULIS : le fonctionnement théorique est bien celui que vous avez décrit. Il y a une classe dans l'établissement, avec des inclusions qui doivent correspondre aux capacités et aux besoins de l'enfant ; mais elles dépendent aussi de la volonté d'accueil de chaque professeur. Au collège ou au lycée, les enseignants les plus volontaires pour accueillir les élèves ne sont pas forcément ceux dont les matières correspondent aux points forts des enfants autistes – car ils en ont. Beaucoup d'expériences font état de dynamiques, positives ou négatives. Il y a un début d'inclusion, puis, pour une raison ou une autre, ça se grippe. L'inclusion devient alors théorique : les enfants sont dans l'établissement, mais ils ne sont plus vraiment dans les classes.

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Tout à l'heure, vous évoquiez le cas d'un enfant qui n'est scolarisé que vingt minutes par jour. Est-ce parce qu'il n'y a pas d'accompagnant ? Ou est-ce à cause de ses difficultés propres ?

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Bertrand Jacques, président de la Fondation Autisme

Un peu les deux – je vais répondre hors sujet aussi : ce n'est pas un manque d'accompagnant – cela étant, jamais vous ne trouverez un AVS qui se déplacera dans un établissement pour accompagner un enfant pendant vingt minutes. La raison principale est que l'école disait : « je n'en veux pas plus de vingt minutes »….

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Richard Pandevant, co-président du réseau Autistes sans frontières

Dans ce cas particulier, il n'y avait effectivement pas d'accompagnant au départ – il se trouve que ça s'est doublé d'une fracture du bras et qu'on a dit : c'est vingt minutes par jour. Si l'enfant est amené et repris vingt minutes après, il ne se passe strictement rien sur le plan scolaire. Il n'y avait pas à ce moment-là d'accompagnement qui permette que le comportement de l'enfant soit cohérent avec la vie de la classe.

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Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association Agir et vivre l'autisme

La même situation se produit aussi avec accompagnement. C'est l'école qui est réticente à ce que l'enfant reste plus longtemps.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sur les PIAL, la réponse a été très claire : c'est non !

Je voudrais faire part d'un doute. J'entends, surtout depuis que je suis rapporteur, des témoignages qui disent : « l'enfant est scolarisé en milieu ordinaire, mais l'accompagnement n'est pas mis en oeuvre ». C'est une violence pour l'enseignant, pour le gamin ; le conflit s'établit entre les parents et l'enseignant ; on explique aux parents qu'il faut déscolariser l'enfant, et ça conduit à des situations humaines dramatiques.

Dans mon territoire, cela aboutit aussi au fait que des parents ont envie de changer leur enfant d'école, de quitter l'école où ça ne se passe pas bien, pour aller dans une autre école où l'équipe d'enseignants est très mobilisée, très motivée, où des dispositifs spécifiques ont été mis en place, comme l'UEEA ou une unité maternelle. Donc, je me dis qu'il faut faire attention, car si on laisse faire ça, on va développer un dispositif « spécifique en milieu ordinaire » et on va, au fil du temps, spécialiser certaines écoles dans l'accueil d'autistes, ce qui est le contraire du but recherché. Cela renvoie à toutes les questions que la commission d'enquête a vocation à traiter : quelle formation pour l'ensemble des enseignants ? Quels moyens et quels statuts pour les accompagnants ? Quelles formations spécifiques ? Comment permettre à l'expertise des parents d'être entendue et prise en compte ?

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Bertrand Jacques, président de la Fondation Autisme

Si je peux me permettre, il y a deux éléments de réponse.

On observe une grande disparité d'un territoire à l'autre, et ce n'est pas normal. Nous nous sommes posé des questions, car nous avons douze établissements partout en France et nous obtenons des réponses différentes à certaines questions d'ordre administratif. Nous avons trouvé la solution : un référent à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) nous donne les réponses. À l'Éducation nationale, c'est pareil : bizarrement, les territoires ne sont pas égaux.

La règle doit être la même pour tout le monde. Aujourd'hui ce n'est pas le cas. Il faudrait que deux personnes disent le droit, deux référents, comme nous vous l'avons écrit dans le petit document que nous vous avons préparé : l'un au sein de l'Éducation nationale, pour rappeler le droit en matière d'inclusion des personnes handicapées – au niveau local, cela protège aussi bien l'enseignant que la famille ; l'autre pour les autres sujets, notamment les orientations MDPH, pour lesquelles il y a aussi une énorme disparité, très probablement positionné à la DGCS et qui dise le droit, de la même manière que l'on a donné une réponse juridique aux questions que nous posions. Tant que l'on ne dispose pas de cet élément initial, on n'a pas de point sur lequel appuyer le levier auquel vous faisiez allusion pour l'accompagnement.

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Richard Pandevant, co-président du réseau Autistes sans frontières

Le défi de la formation est immense, pour des raisons historiques propres à la France, qui sont liées à la prépondérance de la psychanalyse pendant des décennies. On part de très, très loin, et ça concerne tout le monde.

Quand on accueille les familles, elles nous disent souvent – avec deux ou trois ans de recul – qu'il faudrait une équipe de survie au moment du diagnostic, en commençant par former les parents, les enseignants, les accompagnants mais aussi tous les professionnels dans des domaines où les choses ont changé depuis qu'ils ont été diplômés. Les connaissances scientifiques sur la nature de l'autisme progressent chaque jour, et vu le nombre de professionnels et de formateurs potentiellement concernés par ce besoin de formation, le défi est immense. Il faudrait, concrètement, des personnes capables de traduire dans les faits les recommandations de bonnes pratiques de la HAS – ce qui ne ferait que nous aligner sur les autres pays du monde. Mais ça constitue un vrai défi logistique.

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Ana Bibay, directrice pédagogique de l'association Agir et vivre l'autisme

Quand on cherche aujourd'hui à embaucher un éducateur spécialisé pour travailler dans une UEE, ou en IME, on finit dans 80 % des cas par recruter quelqu'un qui ne connaît absolument rien aux méthodes comportementales et éducatives et on doit le former. Sur le terrain, on rencontre beaucoup de personnes très peu expérimentées, et même très jeunes, qui viennent d'être diplômées.

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Bertrand Jacques, président de la Fondation Autisme

Il est très facile de parler de formation, tout le monde comprend ce que c'est. On met quelqu'un 40 heures dans une salle, il ressort, il a tout oublié, mais au moins, on a coché la petite case.

Il y a quelque chose de beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre, notamment quand on s'adresse à l'Éducation nationale. On ne va pas « apprendre » quelque chose à l'Éducation nationale puisque c'est, en France, l'organisme censé savoir enseigner… Pourtant, si, on devrait pouvoir. En l'occurrence, notamment pour les auxiliaires de vie – je n'ai pas quitté la question de la restructuration : réorganiser, très bien ; former les gens, très bien ; accompagner, coacher, superviser un AVS qui a une question concrète à résoudre – « Je fais quoi quand l'enfant me demande de faire pipi trois fois dans la matinée, ou même en une demi-heure ? Je dis oui, ou non ? » – c'est tout autre chose. C'est une question concrète à laquelle on n'aura jamais la réponse dans le cadre d'une formation. Jamais. On l'aura dans le cadre d'une supervision, avec des gens qui suivent l'accompagnant. Nous sommes évidemment pour la formation des AVS – qui ne le serait pas ? – mais il y a un aspect potentiellement plus polémique, que l'on peut formuler ainsi : « Comment moi, personne extérieure, vais-je pouvoir entrer dans la forteresse Éducation Nationale et dire aux gens : sur le suivi des enfants autistes, plus généralement des personnes handicapées, j'ai un savoir-faire que tu n'as pas et je suis capable de t'apprendre des trucs ? ». Ce n'est pas forcément la peine de tout réorganiser, mais en revanche, un suivi fin et une attention aux problématiques quotidiennes apportent une vraie valeur ajoutée.

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Je crois que nous allons terminer sur ce bon conseil. Merci pour ce partage d'expérience, si enrichissant pour nous.

L'audition s'achève à dix-neuf heures quarante.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 21 mai 2019 à 18 heures 30

Présents. – Mme Géraldine Bannier, M. Bertrand Bouyx, Mme Blandine Brocard, Mme Danièle Cazarian, M. Marc Delatte, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Marianne Dubois, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Olivier Gaillard, M. Sébastien Jumel, Mme Mireille Robert, Mme Sylvie Tolmont

Excusés. - M. Christophe Bouillon, Mme Nathalie Sarles, Mme Michèle Tabarot