Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 9h20

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ASE
  • autisme
  • enfance
  • parentale
  • placement
  • éducative
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  En Marche    Les Républicains  

La réunion

Source

Mission d'information de la Conférence des présidents sur l'aide sociale à l'enfance

Jeudi 23 mai 2019

La séance est ouverte à neuf heures vingt.

Présidence de M. Alain Ramadier, président de la mission d'information de la Conférence des présidents

————

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous recevons les représentants de plusieurs associations regroupant des parents qui, à divers titres, contestent les décisions de placement de leurs enfants.

Nous avons été sollicités, au fil du temps, par différentes associations de parents « contestataires ». Compte tenu du calendrier contraint de nos travaux, nous avons décidé d'organiser une table ronde réunissant sur un pied d'égalité un représentant de chacune des associations qui avaient manifesté le souhait d'être entendues par la mission parlementaire. Vous avez répondu à cette invitation et je vous en remercie, et vous nous avez transmis une documentation qui a été adressée à chaque membre de la mission.

Notre réunion commencera par une intervention liminaire de chacun d'entre vous, que je vous demanderai de limiter à dix minutes au maximum afin que nous puissions passer à une séquence de questions et réponses. À la différence de nos précédentes séances, ouvertes à la presse et transmises sur le site de l'Assemblée nationale, cette réunion se tiendra à huis clos. En effet, la mission a considéré que, compte tenu du sujet qui amènerait à n'en pas douter à évoquer la situation personnelle de mineurs, il convenait, alors que nous nous préoccupons de la protection de l'enfance, de ne pas exposer leur situation familiale en la rendant publique sur un site internet ou des réseaux sociaux. Nous ne pouvons en effet préjuger des décisions que prendront ces enfants : à l'âge adulte, ils choisiront librement de faire état ou non des conditions de vie de leur enfance.

Je rappelle à ce propos que, lors de notre première séance, nous avons invité à témoigner des jeunes adultes qui furent des enfants accueillis par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Ce fut pour certains une épreuve difficile, et quelques-uns, ne souhaitant pas rendre publique leur histoire familiale, ont finalement préféré ne pas intervenir. Pour cette raison, le huis clos a été décidé pour cette table ronde au cours de laquelle des cas de mineurs identifiables seront évoqués, et il ne sera pas diffusé d'enregistrement audiovisuel de cette séance. Je fais confiance à chacun d'entre vous pour respecter cette règle.

Permalien
Olga Odinetz, présidente de l'Association contre l'aliénation parentale pour le maintien du lien familial (ACALPA)

Je vous remercie de nous entendre et je précise que l'Association contre l'aliénation parentale pour le maintien du lien familial (ACALPA) ne conteste pas les placements en tant que tels, mais exprime des critiques et des suggestions sur les modalités de placement. Je dirai quelques mots de notre association avant de traiter de l'aliénation parentale puis d'exposer, en prenant pour exemple un cas réel, comment ces ruptures spécifiques de liens familiaux peuvent concerner l'ASE. Enfin, je pourrai donner au cours du débat quelques exemples de modèles de prévention, détection et interventions pratiquées dans d'autres pays que la France dans des situations similaires à celles que j'évoquerai.

L'ACALPA a été fondée en 2005 par des mères, des pères et des grands-parents soucieux de promouvoir le droit fondamental des enfants de garder le lien avec leurs deux parents quand ceux-ci se sont séparés. Notre démarche s'est appuyée sur les textes en vigueur. À l'époque, c'était la loi sur l'autorité parentale de 2002, qui dispose que le divorce n'introduit par lui-même aucun effet sur les droits et les devoirs des parents à l'égard de leurs enfants et que la séparation est sans incidence sur les règles de l'attribution de l'autorité parentale ; c'était aussi le code pénal pour ce qui concerne les non-représentations d'enfants. En 2007, nous avons organisé, avec la Fondation pour l'enfance, un colloque relatif à « La protection des enfants au cours des séparations parentales conflictuelles », en complément de la mission d'information parlementaire « Famille et droit des enfants » de 2006. Pour la première fois, les risques de perte de lien et les phénomènes d'aliénation parentale étaient débattus devant un large public de professionnels. Ce thème a été repris l'année suivante par la Défenseure des enfants de l'époque, Dominique Versini, dans son rapport annuel qu'elle a consacré aux « Enfants au coeur des séparations parentales conflictuelles ». Nous avons également participé aux ateliers installés lors du débat sur la loi du 5 mars 2007 de réforme de la protection de l'enfance.

Nous agissons par l'écoute et le soutien des parents, la formation de professionnels, à leur demande, et la participation au débat public. Nos bénévoles sont formés à l'Institut national d'aide aux victimes, devenu France Victimes ; nous sommes membre du groupe international de recherche sur l'aliénation parentale, ce qui nous permet d'agir comme une plateforme d'information et de mise en relation pour les professionnels du champ du divorce et des séparations, en France et en Europe. Nous avons eu l'honneur d'avoir été parrainés par Simone Veil depuis notre colloque de 2007.

Avec l'augmentation du nombre des séparations, de plus en plus d'enfants perdent le contact avec l'un de leurs parents très peu de temps après que ceux-ci se sont séparés et, en dépit de la politique d'apaisement en justice familiale, les procédures conflictuelles encombrent toujours davantage les tribunaux. L'enfant est devenu le principal enjeu de la séparation de ses parents. Quand celle-ci devient « une guerre atomique », pour reprendre l'expression de la juge Danièle Ganancia, l'enfant va vivre un cauchemar. C'est à ces moments de crise et de rupture que peuvent se révéler des difficultés psychiques, aussi bien chez les enfants que chez les parents. Derrière la terrible phrase : « Si tu me quittes, tu ne verras plus jamais les enfants », peuvent transparaître, pour qui sait les décrypter, des troubles de la personnalité et même des maladies mentales.

Par haine, vengeance ou dégoût, un parent peut détruire le lien de l'enfant avec son autre parent. Cette destruction est parfois définitive, avec le meurtre de son propre enfant pour « punir » son ex-conjoint ; le procès d'un père qui a tué sa fille de trois ans pour des raisons de cet ordre est en cours devant la cour d'assises d'Annecy. De façon plus générale, l'aliénation parentale, c'est le meurtre de la parentalité par la destruction du lien parent-enfant. Dans la guerre du divorce, instrumentalisé malgré lui, exposé à un chantage psychologique plus ou moins subtil de la part d'un parent qui s'opposera systématiquement aux décisions judiciaires – droits de visite et d'hébergement, résidence…– et qui abusera, consciemment ou inconsciemment, de son autorité parentale pour lui demander de choisir avec qui il veut aller vivre, l'enfant n'a parfois d'autre solution que de se rallier corps et âme au parent qu'il a « choisi », dit le parent « préféré », jusqu'à devenir captif de son mode de pensée.

Un colloque a eu lieu il y a quelques jours à Montpellier, qui réunissait des experts psychologues et psychiatres ; on y traitait pour la première fois des « nouveaux aliénés » : les enfants partis au djihad, les enfants embrigadés dans des sectes, mais aussi les enfants sous l'emprise de l'un de leurs parents – la secte, dans ce cas, c'est la famille. Piégé dans une relation d'emprise très bien décrite par la psychiatre Marie-France Hirigoyen dans son ouvrage Abus de faiblesse et autres manipulations, l'enfant victime de ce phénomène peut tenir des propos d'une extrême dureté, voire porter des accusations très graves ou insensées – d'abus psychologiques ou sexuels, de séquestration, de privation de nourriture – à l'encontre du parent qu'il rejette. Mon propos est fondé sur des témoignages que nous avons recueillis depuis quinze ans : certains enfants, même très jeunes, se comportent avec une violence et une cruauté extrêmes, allant jusqu'à proférer des menaces de mort à l'encontre d'un parent jadis aimé. Ils peuvent aussi se mettre en danger eux-mêmes dans un chantage au suicide – « si on m'oblige à aller chez mon père, ou chez ma mère, je me tue ».

Cette situation, incompréhensible pour le parent rejeté qui se demande ce qu'il a bien pu faire pour devenir brusquement détesté à ce point, c'est l'aliénation parentale, définie par le psychiatre américain William Bernet comme « toute situation dans laquelle un enfant rejette un parent de façon injustifiée ou du moins non explicable par la qualité́ de la relation antérieure ». Rares sont les magistrats, experts et thérapeutes familiaux qui n'ont jamais eu à connaître de ce phénomène, même s'ils ne le qualifient pas ainsi. Il a pour caractéristique que l'attitude de l'enfant est en complète rupture avec la qualité de la relation parentale d'avant le conflit entre les parents : jadis aimé, le parent rejeté devient un étranger à qui l'on ne dit plus « papa » ou « maman », mais « Monsieur » ou « Madame », sinon des noms d'oiseau. Ces situations pathogènes pour l'enfant traduisent un dysfonctionnement grave des liens familiaux, ce qui peut amener le juge à signer une ordonnance de placement.

Le temps me manquant pour poursuivre, je répondrai à vos questions.

Permalien
Danièle Langloys, présidente d'Autisme France

L'association que je préside a été créée il y a trente ans pour défendre les droits des autistes, enfants et adultes. Le 1er janvier 2014, nous avons ouvert un service de protection juridique pour aider financièrement les familles qui doivent avoir recours à un avocat. Initialement, cela ne concernait pas les problèmes liés à l'ASE mais, depuis deux ans, ces questions représentent 10 % des dossiers que nous recevons. Il s'agit de familles qui, ayant subi des signalements, doivent être aidées par un avocat pour la suite de leur parcours. Cela nous a beaucoup étonnés et, au départ, notre service de protection juridique a tiqué. Puis, étant donné le lien explicite entre ces affaires et l'autisme, nous avons accepté de couvrir également ces dossiers-là.

J'ai rédigé, en 2015, un rapport intitulé Aide sociale à l'enfance et autisme. Il a servi à alimenter le rapport du Défenseur des droits qui me l'avait commandé pour avoir quelques chiffres et quelques notions sur la place de l'autisme dans les placements abusifs. Notre association ne remet pas non plus en cause la nécessité de la protection de l'enfance mais les abus de pouvoir qui se produisent, singulièrement quand existe un handicap particulier. Ce rapport est né de l'« affaire Rachel », dont je vous dirai quelques mots. C'est d'abord pour Rachel que j'ai mené cette enquête, dans laquelle j'ai souligné une utilisation dévoyée de la loi de 2016, en particulier quand on évoque le « risque de maltraitance », car on ne sait pas ce qu'est ce risque. En l'occurrence, il n'y aucune preuve que Rachel ait jamais maltraité aucun de ses enfants. C'est donc un concept difficile à utiliser tel quel.

Le placement ne devrait être ordonné qu'en dernier recours. La loi ne dit pas qu'il faut placer les enfants systématiquement ; or, beaucoup de placements sont systématiques, au sens où l'on ne se demande pas ce que l'on pourrait faire d'autre. Quant au projet pour l'enfant, également inscrit dans la loi, il est très rare. Le texte prévoit aussi un coordonnateur médical, qui pourrait au moins se pencher sur le cas des enfants en situation de handicap, handicap signifiant un problème de santé implicite. Mais une grande partie des services d'ASE n'a pas de médecin coordonnateur, souvent parce qu'ils ont du mal à en trouver, je ne nie pas le problème.

J'ai aussi mentionné dans ce rapport l'absence de droits des familles et l'absence de recours possibles dans de telles situations. Il y a très souvent des zones de non-droit ; si ce n'est pas partout le cas, c'est très largement le cas. Souvent, les familles n'ont pas accès à leur dossier : aussi ne savent-elles même pas de quoi elles sont accusées, puisqu'elles ne peuvent avoir connaissance ni du rapport d'expertise psychiatrique ni du rapport des travailleurs sociaux de l'ASE qui les visent. Il est très choquant de penser que, en 2019, on ne puisse toujours pas accéder au dossier qui vous concerne et que l'on soit obligé de passer par un avocat et par la judiciarisation. Ce l'est d'autant plus que, très souvent, sont en cause des femmes seules, sans argent, que l'on doit solvabiliser pour leur permettre de se faire aider par un avocat averti, connaissant ce type de dossiers. C'est une autre difficulté : beaucoup de personnes concernées par ces signalements ne parviennent pas à trouver des avocats spécialisés aptes à les défendre.

J'ai encore appelé l'attention sur l'engrenage diabolique par lequel on s'acharne parfois sur certains types de familles dans certaines situations. Ces faits se produisent quand les professionnels de santé ne sont pas formés ; c'était le cas dans l'affaire Rachel. En l'espèce, le centre médico-psychologique (CMP) qui a fait le signalement refuse de poser des diagnostics d'autisme, considère qu'il s'agit de troubles psycho-affectifs dus à des carences éducatives de la mère et ne va pas plus loin, alors même que le centre de ressources autisme avait posé le diagnostic pour les trois enfants de Rachel. Voilà comment les choses commencent en général, et nous connaissons une bonne centaine de situations du même type. Ensuite, quand il y a judiciarisation, on demande une expertise judiciaire et les experts judiciaires, qui ne sont pas non plus formés à la détection de l'autisme et des troubles neurodéveloppementaux, reprennent ce qu'ils ont lu dans les rapports de l'ASE, concluent qu'elle avait raison et s'acharnent à un échelon supplémentaire contre les parents concernés, le plus souvent des mères seules.

L'absence de formation des travailleurs sociaux me paraît être le problème majeur, parce que c'est d'abord à cause d'eux que s'enclenchent ces engrenages. Ils n'ont pas d'autre formation que la psychanalyse, ce catéchisme misogyne qui accuse les femmes d'être des mères fusionnelles, de ne pas laisser leur place aux pères – ce qui peut être vrai mais qui, souvent, ne l'est pas. Dans l'affaire Rachel en tout cas, ce n'était absolument pas le cas, mais on lui a reproché de ne pas avoir refait sa vie ! Refaire sa vie quand on a trois enfants n'a déjà rien d'évident, mais quand les trois sont handicapés, cela paraît délicat. Je l'ai dit, les travailleurs sociaux ne sont toujours pas formés à l'appréhension du handicap, et je ne parle même pas des troubles neurodéveloppementaux, dont ils ignorent tout. D'une certaine manière, ils sont de ce fait mis en difficulté pour faire leur travail, mais cela se retourne contre les familles et ils s'acharnent de préférence sur les femmes seules qui viennent de divorcer, en leur reprochant d'avoir organisé cette séparation et donc d'avoir mis les enfants en difficulté, alors que, le plus souvent, ce n'est pas le cas.

J'avais également noté l'absence de contrôle, déjà souligné dans les rapports préexistants au mien. En particulier, un rapport de la Cour des comptes avait pointé l'absence de contrôle financier et qualitatif, dû à ce que 95 % des conseils départementaux sous-traitent à des associations privées sur lesquelles ils n'ont pas la main, et qui ne sont pas contrôlées. Certes, elles sont soumises à une évaluation externe et interne mais, visiblement, elles ne connaissent pas les recommandations de l'ex-Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements sociaux et médicosociaux (ANESM) relatives à la protection de l'enfance, et personne ne vient contrôler qu'elles ont effectivement suivi le parcours d'évaluation interne et externe destiné à vérifier la qualité de ce qui est fait.

Se pose aussi le problème des soins, car nier un trouble neurodéveloppemental a pour conséquence que les interventions recommandées par la Haute Autorité de santé (HAS) ne sont pas respectées, si bien que les enfants concernés sont privés des interventions qui leur seraient dues et dont ils ont besoin. Deux des trois enfants de Rachel sont autistes, le troisième présente un trouble de l'attention avec hyperactivité. Tous ont besoin d'un traitement : traitement médical pour l'un, traitements développementaux et comportementaux pour les deux autres, orthophonie, accompagnement psychologique pour aider dans leur parcours scolaire ; ce n'est pas fait. Les familles d'accueil ne sont pas davantage formées ; aussi, quand on arrache un enfant à sa famille qui sait comment se comporter avec lui pour le confier à un foyer ou à une famille d'accueil qui ne sait pas comment faire et qui souvent, d'ailleurs, se plaint de ne pas savoir faire – je n'accuse aucunement les familles d'accueil –, le résultat est épouvantable.

Dans le documentaire Rachel, l'autisme à l'épreuve de la justice, toujours visible sur le site de Public Sénat, la femme médecin coordonnateur qui a posé le diagnostic pour les trois enfants et pour la mère, elle-même autiste, dit bien que le dossier est totalement vide et que, quand elle a vu les enfants au départ, ils se portaient bien, étaient bien accompagnés, vaille que vaille parce que ce n'est pas toujours simple, avaient une vie épanouie, et qu'ils ont considérablement régressé, souffrent énormément de la séparation d'avec leur mère et, surtout, n'ont pas droit à ce à quoi ils devraient avoir droit : des interventions les aidant à devenir autonomes, à progresser et à contourner leur handicap, comme on le fait pour n'importe quel handicap.

Je conclurai en vous disant quelques mots de Rachel, parce que nous considérons son histoire comme emblématique. À l'origine, cette mère a voulu un diagnostic pour le deuxième de ses enfants, celui qui est le plus atteint. Parce que, en dépit de ses inquiétudes, le CMP faisait barrage en disant qu'il n'y avait aucune raison d'aller vers le centre de ressources autisme, elle est venue me solliciter pour y accéder. Je l'ai aidée ; il a fallu six mois pour obtenir un rendez-vous au centre de ressources autisme de Grenoble, qui a posé le diagnostic. C'est alors que s'est enclenché l'engrenage diabolique : le CMP s'est vengé parce que Rachel avait osé passer outre leur interdiction. Il y a d'abord eu une information préoccupante, suivie d'une mesure d'aide éducative qui n'a servi à rien parce que l'éducateur, ne connaissant rien, a exigé que la mère remette en cause ce qu'elle avait fait, c'est-à-dire d'être allée au centre de ressources autisme, ce à quoi, bien sûr, elle s'est refusée, parce qu'elle était dans son droit. La mesure éducative n'ayant servi à rien, s'en sont suivis un signalement, une mesure judiciaire d'investigation éducative et une expertise psychiatrique qui a conclu que la mère était malsaine et qu'elle voulait absolument que ses enfants soient autistes ; selon l'expert, on avait affaire à un syndrome de Münchhausen par procuration. Cela s'est terminé par le placement des enfants, qui dure depuis quatre ans et qui est renouvelé d'année en année pour les mêmes raisons.

Il y a un an, l'ASE a quand même accepté l'autisme des enfants, tout en disant que comme la mère l'est également, elle ne va pas les aider parce qu'elle ne pense qu'à l'autisme, justifiant ainsi a posteriori le fait de maintenir le placement. Cette histoire d'horreur absolue montre comment fonctionne l'engrenage dont est victime quelqu'un qui n'a commis aucune espèce de maltraitance et à qui on ne peut rien reprocher.

Permalien
Hélène Lombard, présidente de Rendez-nous nos enfants.org

L'association dont je suis présidente a été créée en janvier 2013 à partir d'un constat simple : j'ai moi-même été victime. Je me bats depuis trente ans pour les droits de l'homme, j'ai démontré par 177 inscriptions de faux que les traités de l'Union européenne étaient aberrants en droit et j'ai déposé mes documents auprès du président tchèque qui, en janvier 2009, exerçait la présidence tournante de l'Union européenne et a refusé de signer le traité de Lisbonne pour la République Tchèque.

Pour me punir, neuf mois plus tard, on m'a volé mon fils. La France m'a volé mon fils. Si la France m'a fait ça, c'est que c'est habituel, puisque je n'ai rien d'extraordinaire. Il y a donc des systèmes criminels dans l'administration française et je suis stupéfaite de voir ici si peu de personnes s'occuper d'un sujet aussi grave.

Le problème, c'est la finalité de la mesure. Le placement des enfants, c'est un moyen de faire taire les gens qui réclament les droits de l'homme, on l'a vu avec le petit gilet jaune qui pendant deux semaines s'est vu privé de ses deux filles sans motif, on le voit avec moi et on le voit avec plein d'autres personnes.

L'objectif du placement, c'est aussi de faire taire les parents dont les enfants sont malades à la suite des vaccinations : comme on n'a plus les enfants, on ne peut pas faire faire les examens biologiques démontrant le lien de causalité avec la vaccination. Donc, on nous prend nos enfants pour nous empêcher de poursuivre l'État pour ses fautes et sa responsabilité – et cette responsabilité est si grave que les départements, anticipant les conséquences des onze vaccins, sont en train de construire des pouponnières à tout-va.

L'autre motif, c'est de nous faire taire quand nos enfants sont violés dans les foyers. Une fois qu'ils l'ont été, si on nous les rendait, on ferait faire des examens et on démontrerait qu'ils ont été violés en foyer ou en placement – et donc, encore une fois, on veut nous empêcher de soulever la responsabilité du département et des services sociaux.

Pour organiser ce système – le nazisme à l'état pur – il fallait construire une belle machine. Cela a débuté en décembre 1958 quand on a commencé à placer les enfants sans motif, sur le fondement de l'article 375 du code civil – « Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger… » – alors que « santé, sécurité, moralité », ça ne définit rien du tout. Donc, depuis 1958, on a placé des enfants et quand une mère, par exemple, avait commis un adultère, on lui volait ses enfants. À l'époque, c'était la préfecture qui était chargée des compétences de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS), et ceux qui considèrent qu'il n'y a pas de placements abusifs ont soixante ans de retard.

En 1983, la machine s'est accélérée quand l'État, se déchargeant de sa responsabilité globale, a donné des subventions aux départements en contrepartie de leurs nouveaux devoirs. Là, on est devant une machine à sous : plus les départements placent d'enfants, plus forte est la subvention qu'ils reçoivent ; inutile de vous dire qu'ils y vont glorieusement. La machine est donc lancée, c'est ce qu'il fallait pour que le système fonctionne bien. Mais, pour qu'il fonctionne encore mieux, il faut cibler une population et, aux termes de l'article 211-1 du code pénal, puisqu'on cible une population, on est dans le génocide : on choisit des personnes qui n'ont pas un niveau social très élevé, qui ont un niveau scolaire extrêmement bas, font confiance au système et ne savent pas comment se défendre. Ajoutez à cela trois couches d'avocat et l'affaire est faite pour des années.

Et puis, pour être sûr que les gens se taisent, on ne leur donne pas les pièces des dossiers. Les travailleurs sociaux nous refusent la copie des rapports. Je ne sais si vous avez lu l'article 1187 du code de procédure civile : il dispose de manière hallucinante qu'il est interdit à nos avocats de nous donner copie des pièces. Nous n'avons pas la copie des rapports. Le juge des enfants nous montre notre dossier une heure par an et trouve normal de nous juger sans que nous ayons le temps de nous préparer, sans garantir les droits de la défense. Aucun avocat, même s'il est super-pro, ne peut gérer un dossier en une heure ; les victimes, ciblées comme je l'ai dit, encore moins. Et puis l'avocat lui-même ne nous donne pas copie des dossiers en raison de cet article, rédigé par les parlementaires pour donner une excuse aux avocats. Mais je ne vois pas comment un bon avocat peut gérer un dossier sans partager les pièces avec son client.

Tout cela est donc bien ficelé et il n'y a strictement aucune échappatoire à l'objectif fixé par les juges ou les travailleurs sociaux : la soumission des parents. Soumettez-vous ! Remettez-vous en question ! Mais si l'on en revient à la prétendue définition de l'article 375 du code civil – santé, sécurité, moralité… – on doit se soumettre à qui, à quoi et pourquoi ?

Parlons donc des motifs de placement. À Saint-Étienne, c'est parce que la mère fait une hémorragie pendant l'accouchement et que l'enfant est de père inconnu. À Mulhouse, la mère étant épileptique, on considère qu'elle est incapable de gérer ses enfants et on lui vole ses cinq enfants à la maternité – pour le troisième, elle a même été attachée sur un lit, et on voit sur des vidéos des policiers venus voler l'enfant. On prend aussi les enfants parce qu'on est en résistance : je peux vous montrer un truc hallucinant, un recueil d'actes administratifs du département d'Ille-et-Vilaine selon lequel, si des parents s'opposent au placement, c'est un motif de signalement – rien moins qu'une entrave à la résistance à l'oppression, qui est un droit constitutionnel. Le président de ce conseil départemental est un ancien réparateur de machines ; il est peut-être performant dans ce domaine, mais au niveau du conseil départemental, c'est zéro.

Autre violation extrêmement grave des droits de l'enfant : l'excision et la circoncision ne sont absolument pas punis en France. Alors que les articles 222-1 et suivants du code pénal prévoient que les actes de torture sur mineur par ascendant sont punis d'une peine de trente ans de prison, aucune enfant n'est jamais placée après avoir été excisée ni aucun enfant après avoir été circoncis. J'en ai la preuve puisqu'un département a eu la gentillesse de me l'écrire ; si vous en avez besoin, je vous montrerai ce courrier. Ces enfants ont pourtant été torturés, leurs droits ont été violés et, conformément à l'article 378 du code civil, l'autorité parentale devrait être retirée à leurs parents ; ils devraient être emprisonnés et leurs enfants placés. Mais pas du tout : aujourd'hui, 80 % des enfants placés sont chrétiens. On n'est coupables de rien, on n'a rien fait, on nous reproche même de trop aimer nos enfants : on a pris ses deux enfants à une mère parce qu'elle leur avait donné trop de jouets et parce qu'il y avait trop de nourriture dans ses placards ! Et on est jugé au civil alors que cela relève du pénal : si on est maltraitants, on doit aller en correctionnelle. C'est d'ailleurs ce que Rendeznousnosenfants.org exige, de manière que tous les citoyens puissent entendre les rapports qui nous sont opposés, que le peuple sache.

Enfin, pour que le système fonctionne vraiment bien, on est perpétuellement jugés par les mêmes personnes : on est devant un juge des enfants, puis on va en appel et on est jugé en appel par un magistrat qui a accepté toutes les violations du droit que je viens de citer – c'est quand même extrêmement grave pour des magistrats de juger des gens au civil sans dossier, c'est démentiel ! D'ailleurs, le juge des enfants est beaucoup plus dangereux que la cour d'assises : si moi ou d'autres parents avions assassiné quelqu'un, nous verrions nos enfants tous les dimanches, et là, on les voit une heure par mois au mieux. Moi, je n'ai pas vu mon fils depuis juin 2013 et, en neuf ans et demi de placement, je l'ai vu huit heures. C'est du chantage permanent. Je disais donc que nous sommes jugés en permanence par les mêmes personnes – en fait de tribunal impartial, zéro ! La destruction du lien est totale. En général, la fratrie est divisée, puisqu'il faut bien donner du travail aux familles d'accueil ; on leur donne donc un enfant comme on leur donnerait une boîte de conserve : « Tiens, toi, je te donne le premier, à toi le deuxième, à toi le troisième ». Et voilà : on divise les familles, il n'y a pas de rendez-vous entre les enfants et la rupture des fratries est totale – c'est évidemment pour empêcher les enfants d'être témoins de ce qu'on leur fait, et il y a une destruction financière et sociale des parents.

Le marché de l'enfant, en France, est subventionné, et grâce à lui le département gagne de l'argent. Nous réclamons la restitution immédiate des enfants, parce qu'en plus il y a des vices de forme : dans énormément de dossiers, les parents n'ont même pas été entendus, le placement a été décidé avant l'audience. Conformément à l'article 1184 du code de procédure civile, l'enfant devrait être rendu immédiatement à ses parents.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ouvre une brève parenthèse pour répondre à votre remarque sur le faible nombre de personnes présentes. Notre mission d'information est composée de vingt-trois parlementaires et, compte tenu de notre calendrier, très contraint, un grand nombre de nos collègues essayent d'appréhender comment les choses se passent dans leur département respectif pendant que nous siégeons ici. À l'inverse, plusieurs députés présents sont, eux, revenus de province ce matin pour assister à cette audition.

Permalien
Sylvain Moraillon, vice-président de Violette Justice

Je vous remercie de nous recevoir et de donner la parole aux associations représentant les familles qui s'efforcent de démontrer les placements abusifs de leurs enfants. Je tiens, à titre liminaire, à apporter quelques précisions. L'association Violette Justice ne remet pas en cause le principe du placement d'enfant lorsqu'il est légitime. Évidemment, nous ne représentons ni ne défendons en aucun cas les parents maltraitants. Les dirigeants de l'association ne sont pas eux-mêmes parents d'enfants placés. Les faits que nous rapportons sont strictement circonscrits au périmètre du placement abusif. Enfin, l'honnêteté intellectuelle commande de dire que nous recevons environ 20 % de sollicitations émanant de « fausses victimes » : parents réellement défaillants, plus rarement maltraitants ou cherchant à instrumentaliser l'association pour nuire à leurs ex-conjoints ; personnes présentant des troubles psychiatriques variés – mythomanie, tendances schizophrènes, propension à la mégalomanie – ou individus en quête de reconnaissance ; individus aux motivations plus obscures, tels qu'un prosélytisme sectaire, pour l'Église de scientologie par exemple, ou la récupération politique par les réseaux d'extrême-droite et le Rassemblement national.

Toutefois, dans 80 % des cas, ceux dont nous nous occupons, les parents ne présentent aucun profil maltraitant ni suffisamment défaillant pour que leurs enfants leur soient retirés. Tout au plus certains d'entre eux ont-ils besoin d'une assistance éducative qui, leur serait-elle apportée comme la loi l'impose, suffirait à améliorer la situation. Mais, dans la majorité des cas, les parents n'ont rien à se reprocher. Ayant, au fil des ans, établi une cartographie, nous sommes en mesure d'affirmer que les placements abusifs concernent environ un tiers des départements.

Trois critères caractérisent un placement abusif : la violation constante des lois et des procédures ; les faux en écriture, assez systématiques, notamment pour ce qui est des rapports émanant de l'ASE ; l'illégalité d'exercice d'un intervenant au moins, qui peut être le fait d'un membre du personnel d'une structure ou d'une structure en tant que telle. Dans les violations de la loi, il importe de souligner l'absence de réel critère de danger justifiant la décision de placement, ou une motivation incompréhensible ou diffuse : mère « trop fusionnelle », père « qui travaille trop » ou auquel on reproche de « vivre dans un luxe insolent », mère qui ne « sait pas reconnaître les sentiments d'autrui », conflit parental unilatéral, problèmes psychiatriques inexistants, accusations sans preuves…

En effet, un placement abusif ne peut avoir lieu que si l'on viole les textes législatifs et les codes de procédure. Si la loi est respectée, le placement abusif est impossible à organiser, puisqu'elle sécurise en théorie le parcours administratif et judiciaire des familles concernées et admet le placement des enfants comme ultime recours, lorsque toutes les tentatives contractuelles avec le département ont échoué. Par ailleurs, il convient de rappeler que la loi offre aussi aux parties de se défendre équitablement et d'apporter leurs propres éléments pour éclairer le juge dans sa décision. Mais, dans les faits, les dossiers de placements abusifs ont aussi pour caractéristique d'être constitués uniquement à charge contre les parents, passant sous silence ou faisant disparaître tous les éléments de preuves qu'ils tentent d'intégrer au dossier d'assistance éducative.

Dans la même logique, pour justifier l'injustifiable ou l'inexistant, l'ASE et les structures prétendument habilitées prenant en charge les mesures d'assistance éducative rédigent de faux rapports, uniquement à charge comme je l'ai déjà souligné, inventant des défaillances et des vies que les parents concernés n'ont pas – n'hésitant pas, par exemple, à transformer un trouble autistique, une déficience mentale ou une maladie congénitale en maltraitance par les parents. L'argument de la violence et de l'abus sexuel du père, celui du problème psychiatrique de la mère sont récurrents, mais ils sont toujours avancés sans preuve matérielle ni témoignage médical à l'appui. En revanche, il est fréquent de faire appel à certains professionnels de santé pour établir a posteriori des expertises de complaisance, à seule fin de confirmer les accusations fantaisistes des intervenants, quand bien même les parents disposent déjà d'attestations de spécialistes démontrant leur parfait état de santé mentale ou, pour d'autres, leur bientraitance évidente envers leurs enfants.

Pour ce qui est du dernier élément constitutif du placement abusif, l'exercice illégal d'un intervenant au moins, nous avons connaissance de faux experts, de faux médecins, de faux psychologues et même de faux assistants sociaux. J'ajoute incidemment qu'il est extrêmement difficile de vérifier les qualifications réelles des éducateurs, faute d'un fichier national les recensant. Mais l'on rencontre aussi, souvent, de vrais professionnels exerçant illégalement, soit parce qu'ils interviennent hors de leur périmètre ou qu'ils s'arrogent des compétences qu'ils n'ont pas soit parce qu'ils ne sont pas enregistrés au Conseil de l'Ordre ou à l'agence régionale de santé (ARS), sur le fichier Adeli par exemple.

Pire encore : certaines structures de services sociaux exercent sans avoir les habilitations préfectorales requises et s'investissent dans la prise en charge de mesures qu'elles ne sont pas autorisées à exercer si l'on se rapporte au fichier national des établissements sanitaires et sociaux. Ce sujet précis est le point d'orgue du problème du placement abusif : la nébuleuse des associations de droit privé gérant les mesures d'assistance éducative, qui désinforment les personnels administratifs et politiques sur la réalité de leurs pratiques, est absolument hors de contrôle et hors du champ des évaluations des politiques publiques, les usagers n'étant jamais sollicités. Or le constat est sans appel : ce sont justement ces associations – dont 46 % exercent illégalement, comme l'a établi la Cour des comptes en 2014 déjà – qui orchestrent les placements abusifs dans les départements concernés. Le secteur de la protection de l'enfance est ainsi devenu le périmètre d'un conflit d'intérêts majeur sur lequel les pouvoirs publics doivent s'interroger d'urgence, notamment dans le cadre de cette mission d'information. Les associations mandatées par les tribunaux pour enfants sont généralement à la fois juges et parties puisque, d'une part, elles réalisent les mesures d'investigation judiciaires, et que, d'autre part, elles vivent du placement d'enfants. Elles orientent donc systématiquement le juge vers la décision de placement, et sont prêtes à mettre en oeuvre tous les moyens imaginables pour la justifier. Cette situation ne peut évidemment durer plus longtemps.

L'Observatoire national de l'action sociale a établi que seuls 20 % des placements ordonnés avaient pour cause des maltraitances avérées. Dans 80 % des cas, les critères de danger avancés concernent le climat familial, le contexte social, ou encore de prétendues difficultés psychologiques ou éducatives qui, jusqu'à l'intervention des services sociaux, n'inquiétaient ni les professionnels de santé, ni l'école, ni le voisinage, ni les proches. Contrairement aux idées reçues, outre les cibles déjà identifiées – familles monoparentales, mères ayant été placées lorsqu'elles étaient mineures, personnes socialement isolées –, toutes les catégories socioprofessionnelles sont aujourd'hui concernées : cadres, ingénieurs, agents de l'État, militaires, artistes, policiers…

Outre que l'on peut s'interroger sur l'éventuel détournement d'argent public par des placements abusifs, les pratiques des services sociaux à l'égard des parents posent aussi des questions. Derrière la façade générique de « protection de l'enfance » permettant de s'attirer les subventions, les financements et la sympathie des pouvoirs publics se cachent bien souvent des méthodes répréhensibles moralement et pénalement : le harcèlement en réseau, pratique bien connue, travaille à la déstructuration sociale des parents, et entre 60 % et 70 % d'entre eux sont victimes de poursuites pénales abusives, dans des procès truqués. C'est l'une des méthodes employées pour justifier le renouvellement systématique du placement : 80 % des enfants placés le restent en effet jusqu'à leur majorité.

L'esprit de la loi est entièrement perverti : au lieu d'aider et d'accompagner les parents qui auraient besoin d'une aide éducative, tout est fait pour provoquer des difficultés toujours plus grandes, qui peuvent aller jusqu'à l'expulsion forcée de leur domicile ou des condamnations pénales aberrantes.

Je terminerai par quelques informations supplémentaires sur les pratiques institutionnelles dans le périmètre du placement abusif : 100 % des cours d'appel confirment les décisions de premier ressort ; 100 % des pourvois en cassation sont rejetés ; les plaintes sont systématiquement classées, et souvent elles ne sont jamais enregistrées ; l'accès au Défenseur des droits est pratiquement impossible et, quand il a lieu, il est presque toujours stérile ; les parents ont rarement accès au dossier d'assistance éducative et jamais au dossier médical de leurs enfants ; aucun projet pour l'enfant n'est jamais rédigé sinon exceptionnellement ; aucune aide éducative n'est apportée à la famille ; la rupture du lien, systématique, s'exerce par la raréfaction des droits de visite et d'hébergement qui vont jusqu'à disparaître complètement sans aucune justification.

Nous vous avons adressé notre cahier de propositions, fruit de longues années d'expertise. Nous espérons qu'il vous permettra d'avancer dans votre réflexion sur les moyens de mieux piloter les dispositifs à l'échelon national, en veillant à ce que le droit soit enfin respecté et à ce que les abus cessent aussi rapidement que possible, étant donné l'urgence.

En conclusion, nous pensons qu'il est impératif de mettre fin au conflit d'intérêts des structures chargées des mesures d'assistance éducative et de placement ; de contrôler les dépenses et les flux financiers dans le secteur de la protection de l'enfance, après un audit objectif et sans concession ; de sanctionner les personnels, y compris judiciaires, et les structures ayant manqué à leur mission de service public et dévoyé l'exercice de leur fonction.

Enfin, nous appelons l'attention sur l'échec prévisible de toute nouvelle réforme qui tendrait à maintenir le système actuel sans réformer la justice des mineurs et sans mieux encadrer les procédures et les pratiques des tribunaux pour enfants.

Nous réitérons notre demande de création d'une commission d'enquête parlementaire sur les structures exerçant illégalement dans le champ de la protection de l'enfance, et l'audition par cette commission des parents concernés, pour faire la lumière sur des comportements et des pratiques bien éloignés des discours officiels. Nous demandons enfin que, comme dans n'importe quel procès, accès soit donné aux dossiers d'assistance éducative, et surtout que l'on en finisse avec le huis clos des audiences.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je tiens à rectifier plusieurs assertions fausses entendues dans les deux dernières interventions. Pour commencer, il ressort des études qui nous ont été transmises que la majorité des placements ne durent pas de l'enfance à la majorité. D'autre part, le Défenseur des droits, que nous avons reçu, instruit bien ce genre de dossiers par le biais de ses bureaux dans chaque département. Pour avoir été sur le terrain, je peux attester que les projets pour l'enfant (PPE), même s'ils ne sont pas généralisés, sont plutôt bien déployés dans certains départements ; on ne peut donc pas dire qu'ils sont inexistants. S'agissant de la rupture du lien, que vous présentez comme systématique, je me suis rendue dans plusieurs instances où j'ai pu constater que, même en cas de difficultés parentales, les parents ont accès à leurs enfants. Je vous ai aussi entendus dire que l'on séparerait les fratries pour entretenir les familles d'accueil ; sachant que l'on manque de familles d'accueil, je ne pense pas que, si les fratries sont séparées, ce soit pour cette raison. L'idée selon laquelle plus il y aurait d'enfants placés et plus les départements y gagneraient en financements est une idée fausse : la semaine dernière, le président du département de la Seine-Saint-Denis nous a indiqué que l'État ne compense pas la totalité des dépenses de protection de l'enfance ; on n'est donc pas du tout dans ce schéma. Enfin, les instances judiciaires françaises, européennes et internationales sont suffisamment nombreuses pour que vous puissiez éventuellement déposer plainte si vous pensez que le système n'est pas adapté.

Madame Odinetz, que proposez-vous pour améliorer la protection de l'enfance ? Madame Langloys, vous souhaitez voir renforcer la formation des professionnels ; j'aimerais savoir ce que vous reprochez à la psychanalyse et surtout quelles formations complémentaires vous proposez qui permettraient de mieux détecter l'autisme des enfants et de mieux les accompagner.

Permalien
Olga Odinetz, présidente de l'Association contre l'aliénation parentale pour le maintien du lien familial (ACALPA)

Tout d'abord, quand les enfants sont adolescents, le placement ne pourra remédier à l'aliénation parentale, qui aura pris une forme sévère ; le lien sera difficilement récupérable s'il n'est pas travaillé avec un personnel adapté. En revanche, quand l'enfant est jeune, le placement peut être efficace, comme le montre le cas dont je vais faire état. Je vous dirai aussi comment la prévention, telle qu'elle a lieu dans d'autres pays, évite d'aller jusqu'au placement.

Je vais vous parler d'un enfant de huit ans. Il a été placé après l'échec des prises en charge judiciaires – médiation familiale et mesures éducatives – menées au long de la procédure de séparation des parents, car on ne place pas un enfant en premier recours. Mais, le droit de visite et d'hébergement étant systématiquement bafoué, le juge s'est finalement résolu à signer une ordonnance de placement, à la suite d'une expertise démontrant une aliénation parentale.

Cet enfant a donc été placé dans une famille d'accueil et, à ce stade, nos constatations rejoignent celles de mes collègues. Le référent de l'ASE refuse de prendre connaissance de l'historique des procédures, en particulier de l'expertise qui a justifié le placement de l'enfant. Alors que l'expert avait préconisé de renouer le lien de façon progressive, les deux parents, qui auraient du avoir un droit de visite différencié, disposent strictement des mêmes droits de visites médiatisées. Le parent rejeté, ici le père, est considéré par l'ASE comme le parent dangereux, au prétexte qu'« il n'y a pas de fumée sans feu », qu'« il y a toujours du vrai dans le discours d'un enfant » et que « l'aliénation parentale, ça n'existe pas » ; autrement dit, l'ASE ne tient pas compte de l'expertise sur laquelle le juge a appuyé son ordonnance de placement. Le placement, prévu pour durer six mois avec l'accord du père, va durer quatre ans avant que celui-ci parvienne à retrouver la garde résidentielle que le juge aux affaires familiales lui avait attribuée d'emblée. Pour finir, la mère de cet enfant n'a plus jamais cherché à revoir son fils une fois que ce dernier est allé vivre chez son père.

On voit donc que le traitement d'une difficulté par le juge aux affaires familiales a échoué parce qu'il a pris trop de temps. Il en est résulté un déchirement pour l'enfant qui est resté placé longtemps et qui, après avoir été conduit à rejeter son père, a été abandonné par sa mère.

En Belgique, on différencie le traitement des séparations parentales selon la gravité des difficultés éprouvées. Les familles dans lesquelles la gestion de l'autorité parentale est compliquée reçoivent un appui du type action éducative en milieu ouvert (AEMO) ou médiation. Quand on sent qu'un parent va faire obstruction au lien parental, la famille est prise en charge avec célérité – dans un délai de trois mois. La Belgique applique le modèle allemand de prévention dit « pratique de Cochem », avec un recours à des expertises collaboratives qui permettent de constater instantanément les cas de rupture du lien avec un parent. En Belgique, l'expert peut être mandaté pour travailler pendant six mois avec les parents, sa mission étant d'amener un parent à accepter l'exercice de l'autorité parentale par l'autre parent. Cette pratique de l'expertise est tout à fait acceptable et acceptée dans les textes européens en vigueur. La Belgique et l'Allemagne sont sans conteste en avance sur nous.

Permalien
Danièle Langloys, présidente d'Autisme France

Je n'ai rien à dire sur la psychiatrie, science médicale. Nous avons besoin de psychiatres pour poser les diagnostics de troubles neurodéveloppementaux, et aussi de soutien psychologique. Mais la psychanalyse est un système de croyance fondé sur des notions archaîques : le père organise le rapport à la loi, la mère est fusionnelle… Que des adultes consentants apprécient la psychanalyse et souhaitent développer ce système de partage avec un professionnel m'importe peu, mais on n'a pas à imposer un système de croyance à des personnes vulnérables qui ne peuvent pas comprendre de quoi il s'agit, ni à des familles contre leur gré. Or, c'est ce qui se passe car la formation des travailleurs sociaux est essentiellement guidée par la psychanalyse. En 2016, dans le cadre du troisième plan « Autisme », un audit avait été conduit pour tenter de cerner la formation à l'autisme des travailleurs sociaux. Seuls 14 % d'entre eux avaient une formation digne de ce nom sur l'autisme, classé en 2010 par la HAS dans les troubles neurodéveloppementaux – avec trente ans de retard sur l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Comme c'est un trouble de la maturation du système nerveux central, ce que l'on sait faire, c'est utiliser la plasticité cérébrale pour aider ces enfants, quel que soit le type de trouble qui les affecte, afin qu'ils deviennent le plus autonomes et le plus épanoui possible en contournant leurs difficultés. Le traitement de l'autisme par la psychanalyse ne fait pas partie des recommandations établies en 2012 par la HAS pour les enfants autistes et elle n'a strictement rien à faire dans le traitement de ces troubles.

Les psychologues, les travailleurs sociaux mais aussi les médecins et particulièrement les pédopsychiatres, dont les conceptions sont idéologiques, doivent être formés à la prise en charge des troubles neurodéveloppementaux. Il est aussi nécessaire que l'ASE accepte l'expertise des centres de ressources autisme, pour éviter ce qui s'est passé à Grenoble pour Rachel, où cette expertise a été rognée. Il n'est pas supportable que l'ASE se permette de poser des diagnostics ; c'est une forme d'exercice illégal de la médecine. C'est pourtant ce qu'ont fait les travailleurs sociaux dans le cas de Rachel et dans bien d'autres dossiers en se permettant de poser le diagnostic de syndrome de Münchhausen par procuration, qui n'existe pas pour l'autisme. Il n'y a aucune occurrence documentée au monde, pour la raison que l'on ne peut pas rendre un enfant autiste : en l'état actuel des connaissances, on naît autiste et on meurt autiste. Cela ne les a pas gênés, et c'est gravissime. Le cas de Rachel n'est pas le seul connu d'exercice illégal de la médecine non sanctionné ; c'est pourtant le problème quand il y a eu des dévoiements aussi graves dans certains dossiers. Je ne dis pas que ce soit la règle et, dans certains départements, les juges parviennent à corriger les dégâts causés par l'ASE. Maître Sophie Janois, avocate spécialisée dans ces dossiers, reconnaît volontiers que, dans un grand nombre de cas, le juge des enfants dit que ce qui s'est passé n'est pas supportable, que l'ASE s'est trompée, et le problème est réglé. Malheureusement, dans un non moins grand nombre de cas, le juge des enfants ne fait que suivre ce que propose l'ASE, sans aucun contrôle, et la situation devient dramatique.

Ce réflexe n'est pas le placement des enfants. À une mère, seule avec deux enfants autistes après que le père est parti, qui avait visiblement besoin d'aide, on a apporté pendant quatre mois, six heures par jour, une assistance éducative pour l'aider à remettre de l'ordre dans sa maison et voir comment faire avec ses deux garçons, particulièrement difficiles à élever. Après quoi, la mère est repartie sur de bons rails, parce qu'on l'a aidée. En France, on a toujours pour premier réflexe de punir alors que l'on devrait d'abord aider. Ce que nous sommes en droit d'attendre de l'ASE, c'est une aide, et cette aide doit être organisée avec des professionnels bien formés. La moitié des enfants autistes en France ne sont pas diagnostiqués ! Cela doit cesser, parce que c'est de la maltraitance de ne pas fournir à ces enfants les soins dont ils ont besoin.

Permalien
Hélène Lombard, présidente de Rendez-nous nos enfants.org

Madame la rapporteure, tous les chiffres dont vous disposez vous sont fournis par ceux qui sont à la base du problème : les travailleurs sociaux ou les départements. L'ASE ne navigue pas librement, c'est un service du département et un collecteur de subventions et d'argent pour le département. D'ailleurs, tous les chiffres, qu'ils proviennent de l'Observatoire national de l'action sociale, de l'Organisation nationale des éducateurs spécialisés ou du Conseil national de la protection de l'enfance, sont contredits par la Cour des comptes, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et le ministère de la justice lui-même ; cela en dit long sur la partialité de ces structures. Cela va tellement loin que le 119 refuse de prendre en considération les maltraitances subies par les enfants en familles d'accueil et en foyer. Cette entrave à la dénonciation de crimes sur mineurs est très grave.

Vous m'avez renvoyée vers les instances internationales ou nationales. Le fait que le Défenseur des droits ne soulève même pas les vices de forme est véritablement démentiel. Pour ce qui est de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), quand vous arrivez à déposer un dossier – car je vous rappelle que le placement cible des personnes faibles, bien sûr, puisqu'elles sont plus faciles à détruire – vous recevez de petites étiquettes et vous n'entendrez plus jamais parler de la CEDH, où les dossiers traînent pendant des années. J'ai moi-même déposé, en janvier 2011 à la Cour pénale internationale, deux mémoires attaquant l'État français pour génocide. On m'a répondu, ce qui est aussi démentiel, vous allez rire, que la France étant l'un des pays créateurs de cette Cour, elle ne serait pas poursuivie. La France peut donc massacrer les gens, il n'y a pas de problème. (Exclamations.)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci madame. La parole est à Mme la rapporteure.

Permalien
Hélène Lombard, présidente de Rendez-nous nos enfants.org

Je n'ai pas fini.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Jusqu'à nouvel ordre, c'est moi, madame, qui préside cette mission. En cette qualité, je donne la parole et la retire, et c'est maintenant à madame la rapporteure que je la donne.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Contrairement à ce que vous avez indiqué, madame, le 119 prend les plaintes des enfants placés. D'autre part, si la CEDH n'a pas donné suite à vos mémoires, c'est peut-être faute d'éléments le permettant. Il est étonnant de vous entendre expliquer qu'autour de vous tout le monde a tort a priori, CEDH comprise.

Permalien
Hélène Lombard, présidente de Rendez-nous nos enfants.org

Lisez le rapport de la Cour des comptes. Et je n'ai pas fini.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Une de nos collègues souhaite poser des questions précises pour avoir des réponses précises. Notre emploi du temps est serré et nous nous y tiendrons.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame Odinetz, pouvez-vous nous dire comment, dans une séparation, tout bascule, l'enfant devenant l'otage du conflit entre ses parents ? D'autre part, quelles sont les méthodes préventives utilisées à l'étranger ? Pourrions-nous nous inspirer du modèle de Cochem ? Madame Langloys, pour ce qui est de la prévention par l'aide éducative au Québec, que se passe-t-il au terme des quatre mois ?

Permalien
Olga Odinetz, présidente de l'Association contre l'aliénation parentale pour le maintien du lien familial (ACALPA)

Pour commencer, tous les enfants ne sont pas également influençables par suggestion. Il en va pour eux comme pour les adultes approchés par des sectes : tout le monde n'y entre pas, et cela n'a rien à voir avec le niveau socio-professionnel. Cependant, l'enfant est particulièrement vulnérable à la suggestion. Je vous renvoie à ce sujet à l'ouvrage Séparations conflictuelles et aliénation parentale que nous avons publié en 2005. Les chapitres en ont été rédigés par différents experts, dont Marie-France Hirigoyen qui explique comment le processus d'emprise peut s'installer. Plus jeune est l'enfant, plus il est dépendant du parent, plus il est vulnérable, et mieux la suggestibilité marche – Gérard Poussin le montre aussi. Le basculement dangereux a lieu quand l'enfant n'a plus de discours personnel.

Au début se produit un conflit de loyauté : l'enfant, qui aime ses deux parents et qui est obligé de choisir l'un de deux, se trouve successivement dans l'ambivalence puis dans le clivage. Cette situation est trop difficile à tenir, et il choisira non par confort mais par nécessité d'économie psychique. Alors se fait le basculement qui correspond au stade 3 de l'aliénation parentale décrite par les Américains. En Europe, on a des réponses judiciaires opérantes – AEMO, médiation pénale… – pour traiter le conflit de loyauté, mais quand il s'agit d'aliénation parentale, on a comme seule mesure le placement. Si l'enfant est un adolescent, cela ne fonctionnera pas : il fuguera, se mettra en danger et mettra en danger son foyer – il peut l'incendier… En revanche, pour un petit enfant, le placement provisoire est un sas de décompression, mais il faut une formation spéciale.

Le docteur Richard Ades Warshak, auteur américain du livre Le Poison du divorce a mis au point une méthode de « ponts familiaux » : après qu'une expertise a montré une aliénation parentale, l'enfant n'est placé ni dans un foyer ni dans une famille d'accueil mais dans un centre dépendant du tribunal sous la responsabilité de psychologues qui vont travailler avec lui pendant trois jours non pas sur son histoire familiale mais sur les distorsions cognitives que chacun peut avoir par rapport à la réalité en lui démontrant par des exemples classiques en psychologie de l'enfant que l'on peut être incité à quelque chose par un discours récurrent. Ensuite, il y aura un changement de résidence. Aussi, le parent qui récupère la résidence de l'enfant sera présent et réintroduit auprès de lui ; en revanche, le parent manipulateur ou aliénant, ou qui a mis en échec toutes les décisions judiciaires a interdiction de voir son enfant pendant trois mois au minimum. Il devra faire un stage parental et se prononcer lui-même sur ses capacités, ses compétences, son niveau de compréhension des phénomènes qu'il a suscités. Si les maltraitances psychologiques de l'enfant étaient intentionnelles, on va au pénal. Il y a déjà eu des jugements de ce type, notamment à Lyon : un père qui a dit avoir agi pour « pourrir la vie » de la mère et qui, de plus, s'était dit prêt à recommencer, a été condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et injonction lui a été faite d'un suivi psycho-judiciaire. Mais quand un parent dit « mon enfant est en danger, je veux le protéger », le phénomène relève dans la plupart des cas de l'inconscient, d'une difficulté personnelle du parent qui s'accroche à l'enfant, l'« adultise » et en fait en quelque sorte son compagnon. Le danger tient à ce que la relation est tellement fusionnelle qu'elle peut devenir non pas incestueuse mais incestuelle – c'est ce que les psychiatres appellent « la folie à deux ».

Permalien
Danièle Langloys, présidente d'Autisme France

Dans le cas québécois que j'ai évoqué, l'aide éducative a cessé après quatre mois, mais il y a au Québec des services gratuits et la mère pouvait donc, si elle le souhaitait, continuer à demander une aide ponctuelle si celle qui lui avait été accordée n'était pas suffisante. On essaye de procéder ainsi en France maintenant, mais nous avons un très grand retard par rapport à ce qui se fait dans d'autres pays pour développer la guidance parentale afin que les parents deviennent eux-mêmes autonomes et compétents.

L'Éducation nationale est, de loin, le premier pourvoyeur d'informations préoccupantes : plus de la moitié en provient. L'école repère des difficultés de comportement en classe, qu'elle attribue globalement à des carences éducatives car elle n'a pas d'autres critères : on en revient toujours à l'absence de formation, qui vaut aussi à l'Éducation nationale. Or, il peut s'agir de cela, mais il peut aussi s'agir de troubles neurodéveloppementaux et en particulier de troubles du spectre de l'autisme qui, n'étant pas diagnostiqués et donc pas accompagnés correctement, mettent l'enfant en difficulté. Il réagit alors effectivement par son comportement parce que l'enseignement dispensé ne lui est pas adapté : on n'a pas structuré l'espace et le temps, il n'y a pas d'outils de communication fiables – s'il ne parle pas, par exemple –, il y a trop de bruit ou trop de lumière… Un enfant autiste est très vite mis en difficulté. C'est en tout premier lieu l'absence générale de formation qui crée des dégâts à l'ASE. Il y a bien, de-ci de-là, des travailleurs sociaux pervers qui harcèlent les enfants et les parents – l'affaire Rachel est un cas typique – mais je ne fais pas de ces cas une généralité. Des travailleurs sociaux essayent de bien faire mais ils n'ont pas forcément les outils pour cela et ils sont victimes d'une chaîne : quand ni le médecin ni l'Éducation nationale n'ont fait leur travail, le travailleur social se trouve, en bout de ligne, devoir faire, sans aide particulière, ce qui n'a pas été fait auparavant. Cet enchaînement dramatique résulte de ce que, comme l'a souligné, dans son rapport sur la France, Mme Devandas-Aguilar, rapporteure spéciale de l'ONU sur les droits des personnes handicapées, notre pays n'a toujours pas développé la formation nationale à l'autisme qui permettrait de mener des politiques de santé publique dignes de ce nom, comme cela se fait dans d'autres pays. C'est un problème de fond.

Permalien
Hélène Lombard, présidente de Rendez-nous nos enfants.org

J'ai des solutions à proposer. En Eure-et-Loir, un de vos collègues parlementaires a institué, le temps de sa vice-présidence du département, une commission où étaient réunis parents et professionnels avant qu'une demande de placement soit faite au juge. Cela a fonctionné le temps qu'il a été vice-président ; ensuite, l'ASE a récupéré ses prérogatives. Un autre élément aurait son intérêt : pendant la durée du placement, le parent qui fait placer l'enfant n'a plus à payer de pension alimentaire ; si on veut limiter la perversité du parent malveillant, il serait bon de l'obliger à continuer de payer la pension alimentaire, en plaçant l'argent sur un compte ouvert au nom de l'enfant. On éviterait ainsi un paquet de placements. Autre chose : au Québec, depuis que le travailleur social doit répondre à un questionnaire qui compte une quarantaine de questions très précises avant de proposer un placement, le nombre de placements a fortement diminué. On pourrait aussi en finir avec les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens signés entre le département et les associations qui gèrent les familles d'accueil et les foyers. Ces entités adoptent une structure associative pour ne pas devoir rendre leurs comptes publics mais, en réalité, ce sont de véritables entreprises qui ont des millions d'euros de subventions. Et puis, il serait bien, tout simplement, de donner les pièces des dossiers aux parents, d'ordonner aux juges de respecter le contradictoire conformément à l'article 16 du code de procédure civile, et d'exiger la production des pièces et le temps nécessaire pour les étudier. C'est un minimum, qui n'est absolument pas respecté en France.

La négation des inscriptions de faux est très grave, tout comme la négation de la règle selon laquelle l'appel des décisions de placement provisoire prises par le juge des enfants doit être jugé dans les trois mois, conformément à l'article 1193 du code de procédure civile. Cela ne se produit pratiquement jamais. Les violations de règles de procédures doivent être constatées et elles doivent cesser, car les magistrats violent le droit tout le temps – pas de temps en temps : tout le temps. Rencontrez tous les parents que vous voudrez, n'importe où en France : si vous étudiez leur dossier, vous y découvrirez, une fois sur dix, des vices de procédure majeurs. Ainsi, il est prévu à l'article 1184 du même code que « lorsque le placement a été ordonné en urgence par le juge sans audition des parties, le juge les convoque à une date qui ne peut être fixée au-delà d'un délai de quinze jours à compter de la décision, faute de quoi le mineur est remis, sur leur demande, à ses père, mère ou tuteur, ou à la personne ou au service à qui il était confié ». Ces articles ne sont pas respectés.

Permalien
Sylvain Moraillon, vice-président de Violette Justice

Madame la rapporteure, tous les chiffres que nous donnons sont issus de rapports officiels. En disant que 80 % des enfants placés le restent jusqu'à leur majorité, je cite un rapport de l'Observatoire national de l'enfance en danger de 2014. Peut-être la situation a-t-elle favorablement évolué depuis lors, mais nos sources sont institutionnelles. Pour répondre à la question du président, nous avons constaté avec l'expérience que ce qui fait souvent défaut, c'est l'évaluation de l'information préoccupante. Elle est mal, voire pas du tout réalisée et, dans plus de 80 % des cas, la famille se retrouve directement dans un parcours judiciaire sans être passée par une aide éducative à domicile et sans que le département ait tenté un accompagnement administratif. L'un des noeuds du problème est que, de manière presque systématique, le dossier se retrouve au tribunal sans que la situation ait véritablement été évaluée.

Permalien
Hélène Lombard, présidente de Rendez-nous nos enfants.org

Cela fait beaucoup de violations du droit, que nous ne pouvons avoir inventées. Il faut trouver des solutions, car si on ne nous rend pas les enfants, nous irons les chercher par la force.

La réunion s'achève à dix heures quarante.

————

Membres présents ou excusés

Mission d'information de la Conférence des présidents sur l'aide sociale à l'enfance

Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 9 h 15

Présents. - Mme Delphine Bagarry, M. Guillaume Chiche, Mme Françoise Dumas, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Perrine Goulet, Mme Monique Limon, Mme Sandrine Mörch, Mme Bénédicte Pételle, Mme Florence Provendier, M. Alain Ramadier.

Excusés. - M. Paul Christophe, M. Franck Marlin.