Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du lundi 30 octobre 2017 à 18h25

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion débute à 18 heures 25.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

À l'issue de l'audition de M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'Intérieur (voir le compte rendu de la commission élargie du 30 octobre 2017), la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis).

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Il appartient à la commission des Lois, saisie pour avis du projet de loi de finances pour 2018, de se prononcer sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

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Je voudrais faire un rappel au Règlement sur la base de l'article 89, relatif à la recevabilité financière des amendements. Un certain nombre de nos amendements ont en effet été déclarés irrecevables par le président de la commission des Finances, notamment un relatif aux indicateurs de performance et un autre demandant un rapport du Gouvernement à destination du Parlement.

J'aimerais rappeler que l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) dispose que la loi de finances peut « comporter toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ». Les rapports que nous demandions par voie d'amendement – un droit qui nous est reconnu par la Constitution – nous semblaient entrer précisément dans ce cadre.

Pour ce qui concerne les indicateurs de performance, il nous a été opposé qu'ils n'étaient pas amendables et relevaient de la seule prérogative du Gouvernement alors que ces indicateurs sont compris dans les projets annuels de performance, mentionnés aux articles 50 et 51 de la LOLF, et font partie des documents qui sont soumis au Parlement, ainsi que le prévoit l'article 39 de cette même loi organique.

Je suis surpris par le fait que ces amendements ne puissent même pas être discutés au sein de cette commission. Si les indicateurs de performance ne sont pas du ressort du Parlement, je m'interroge sur le bien-fondé même de la loi organique, dont l'axiome était justement centré sur l'évaluation de la performance. Si le Parlement ne peut pas débattre de ces objectifs de performance, mais seulement sur l'évolution des crédits ou des postes budgétaires, à quoi bon ?

Je souhaiterais donc que nous puissions avoir une discussion sur ce point avec la commission des Finances parce que l'interprétation qui est ainsi faite de la LOLF pour déclarer nos amendements irrecevables me semble contraire au droit constitutionnel des parlementaires à amender.

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Vous n'êtes pas sans savoir que l'examen de la recevabilité financière des amendements est renvoyé à la présidence de la commission des Finances. Dans ces conditions, son appréciation s'impose et, même si je sais que vous aviez proposé par voie d'amendement, lors de précédentes discussions, de créer une procédure de recours contre ces décisions, cela n'avait pas été adopté. J'entends bien vos arguments mais je propose que nous en restions là pour ce soir.

Nous allons à présent nous prononcer sur les crédits de la mission. Avant de les mettre aux voix, je vais demander à notre rapporteure son avis sur les crédits.

La Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2018.

Article 56 (art. 67 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France) : Mise en oeuvre progressive de l'application du contrat d'intégration républicaine à Mayotte.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la Commission donne un avis favorable à l'adoption de l'article 56.

Article 57 (art. L. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Réduction de la durée de versement de l'allocation pour demandeur d'asile des personnes n'étant plus demandeur d'asile.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la Commission donne un avis favorable à l'adoption de l'article 57.

Après l'article 57

La Commission examine l'amendement n° II-431 du Gouvernement.

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Il s'agit avant tout d'une clarification rédactionnelle qui permettra à l'État de se faire rembourser par les entreprises de transport les frais de prise en charge des étrangers placés en zone d'attente, ainsi que le prévoit le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, conformément à nos engagements européens. Avis favorable.

La Commission accepte l'amendement n° II-431.

Elle aborde ensuite l'amendement n° II-CL74 de Mme Danièle Obono.

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Faute d'avoir pu défendre notre amendement sur les indicateurs de performance, déclaré irrecevable, pour des raisons politiques, par le président de la commission des Finances, nous demandons, avec le présent amendement, un rapport au Parlement sur la qualité des décisions rendues par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

Le ministre a répondu tout à l'heure partiellement à mon interrogation en nous disant que les chiffres étaient bons et stables. Ce rapport serait pour lui l'occasion de nous communiquer une information complète et nous permettrait de nous prononcer sur autre chose que des seuls objectifs de rendement, relatifs à la durée de traitement des dossiers, mais bien sur la qualité des décisions rendues.

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Par principe, vous le savez, la commission des Lois n'est pas favorable à ces demandes de rapport, sachant que les parlementaires que nous sommes disposons déjà de nombreux moyens de contrôle et d'information.

Sur le fond, soyons précis : le taux de protection offert à l'OFPRA était de 28,8 % en 2016, sachant qu'il est naturellement très variable en fonction des pays de provenance. Le taux de protection offert par la CNDA est, lui, de 15,2 %, ce qui signifie que la CNDA confirme 85 % des décisions de l'OFPRA. Ces chiffres sont publics, ce n'est pas la peine de créer un groupe de travail pour les obtenir.

Vous dites par ailleurs que le délai de traitement des dossiers n'est pas un gage de qualité : mais trouvez-vous plus humain qu'un demandeur d'asile qui a fui son pays puisse patienter plusieurs mois dans l'attente de l'instruction de son dossier, sans pouvoir travailler ni entreprendre une véritable démarche d'intégration et vivre ainsi dans l'incertitude ?

Enfin, je vous trouve particulièrement sévère, voire même injuste, avec les agents de l'OFPRA – un établissement qui, dois-je le rappeler, ne reçoit aucune instruction – qui accomplissent leurs missions avec une rigueur, un professionnalisme et un humanisme qui font honneur à notre pays. Je vous invite à aller leur rendre visite et à assister, comme je l'ai fait, à un entretien avec un demandeur d'asile.

Mon avis est donc défavorable.

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Je voudrais rassurer nos collègues : notre amendement ne visait naturellement pas à remettre en cause le travail des agents de l'OFPRA. Nous sommes en contact avec un certain nombre d'entre eux, notamment à travers leurs organisations syndicales, qui nous ont alerté sur leurs conditions de travail. Il s'agit donc plutôt d'un appel à l'aide de leur part, que nous portons à travers cet amendement, sur la nécessité d'avoir une approche plus qualitative. Nous entendons aussi des associations, des collectifs de citoyens, qui font tout ce travail d'accompagnement, et font honneur à notre République, là où l'État ne fait pas face à ses responsabilités.

La Commission rejette l'amendement n° II-74.

Elle examine ensuite l'amendement n° II-75 de M. Ugo Bernalicis.

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Cet amendement vise à demander un autre rapport, puisque c'est le seul outil dont nous disposons, sur un sujet qui devrait être beaucoup plus débattu, l'exploitation d'un certain nombre de migrants illégaux sur notre territoire.

Le système économique français profite de nombreux étrangers en situation irrégulière : des patrons embauchent en effet des « sans-papier » qu'ils ne paient même pas au revenu minimum et pour lesquels ils ne s'acquittent d'aucune cotisation sociale. Ces personnes se retrouvent donc dans des situations de précarité absolue et n'ont pas droit à l'assurance en cas de maladie ou d'accident du travail. Il s'agit en outre d'un dumping social inacceptable.

Plus largement, et cela entre dans le cadre des propositions que nous faisons dans notre programme pour régulariser les travailleurs « sans-papier », nous voulons qu'une étude puisse être faite sur l'apport que constituerait une régularisation, à la fois pour nos comptes sociaux et l'intégration de ces travailleurs. Cela permettrait de souligner que ces migrantes et migrants représentent une richesse pour notre pays.

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Il ne me semble pas opportun d'opposer, comme vous le faites, lutte contre l'immigration irrégulière et politique d'intégration : ces deux actions constituent les deux volets d'une même politique. La meilleure maîtrise de nos flux migratoires et le démantèlement des filières clandestines, sont des priorités gouvernementales et il n'est évidemment pas question d'y mettre fin. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement n° II-75.

Elle examine ensuite l'amendement n° II-77 de Mme Danièle Obono.

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Cet amendement vise à prendre en compte la réalité que représentent ces hommes, ces femmes et ces enfants qui fuient des guerres ou des régimes politiques. Selon les chiffres de juillet 2017 du ministère de l'Intérieur, on trouve, parmi les principaux pays de provenance des demandeurs d'asile, le Soudan, l'Afghanistan, la Syrie, la République démocratique du Congo ou encore le Bangladesh, autant de pays où le respect des droits humains n'est pas assuré.

Aujourd'hui, chaque agent de l'OFPRA traite environ 400 dossiers de demande d'asile par an, soit deux par jour en moyenne : cela ne nous semble pas compatible avec une prise de décision de qualité et rend difficiles les conditions de travail des agents. Nous souhaitons donc qu'un rapport puisse évaluer les besoins humains et financiers nécessaires à l'OFPRA pour garantir un examen sérieux et serein des demandes d'asile.

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L'OFPRA a connu une hausse sans précédent de ses effectifs ces dernières années, qui sont passés de 525 en 2015 à 795 aujourd'hui. Quinze emplois supplémentaires lui seront accordés en 2018, ce qui portera le total de ses officiers de protection à 340. La CNDA pourra, pour sa part, créer deux nouvelles chambres, dès l'année prochaine, grâce à l'octroi de 51 postes, dont 28 de rapporteurs.

On ne peut donc nier que des efforts très importants ont été faits, et que cette tendance se poursuit avec ce projet de loi de finances pour 2018. Je trouve donc assez singulier de parler, comme vous le faites, de « sacrifice sur l'autel de l'austérité budgétaire » à propos de la situation de ces organismes. Mon avis est défavorable.

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La rapporteure vous invitait tout à l'heure à vous rendre à l'OFPRA pour assister à des entretiens, rencontrer ses agents et interroger son directeur général. Je me joints à cette invitation car je m'y suis moi-même rendue et j'ai pu constater que le travail s'y faisait en toute sérénité.

Vous auriez également pu assister aux auditions que nous avons effectuées du directeur général de l'OFPRA, mais aussi du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lesquels ont indiqué que les augmentations d'effectifs étaient suffisantes compte tenu de l'activité de ces organismes : vous auriez alors pu les interroger sur la réalité de ce manque de moyens, plutôt que de demander un rapport.

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Je voudrais rappeler que ces demandes de rapport ne tombent pas du ciel mais sont le fruit d'un travail parlementaire ainsi que d'un engagement citoyen et militant sur ces questions depuis un certain nombre d'années. Étant moi-même députée d'une circonscription qui accueille un grand nombre de réfugiés, j'ai rencontré beaucoup de personnes, dont des agents de l'OFPRA, et lu les rapports consacrés à cette question. Si je n'ai pas pu assister aux auditions que vous évoquez, j'ai donc, avec mon groupe, soyez en sûre, également travaillé ces enjeux et c'est pourquoi nous demandons ce rapport. Nous aurons, en outre, l'occasion de faire des propositions au cours de nos débats à venir.

La Commission rejette l'amendement n° II-77.

Elle aborde ensuite l'amendement n° II-78 de M. Ugo Bernalicis.

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Je voudrais évoquer la question, fondamentale, de l'hébergement. Plusieurs associations de défense des droits humains ont interpellé le Gouvernement, et nous interpellent sur cette question. Pour rappel, la Constitution évoque deux fois le droit d'asile, notamment dans le Préambule de 1946, pour les « combattants de la liberté », mais aussi l'asile conventionnel, issu de la Convention de Genève. L'asile occupe donc une place centrale dans notre système politique : un asile universel pour celles et ceux qui défendent la liberté, et un asile d'humanité pour les réfugiés fuyant les guerres et les persécutions.

Or les moyens dévolus à l'OFII sont insuffisants pour tenir nos engagements humanistes : j'en veux pour preuve les nombreuses condamnations et recours qui ont été déposés contre lui. Nous demandons donc en urgence qu'un rapport puisse être fait sur la réalité de ce manque de moyens afin que la France soit à la hauteur de sa tradition républicaine, qui nous honore.

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Je vous remercie pour ce rappel historique. Comme l'OFPRA, on ne peut pas dire que l'OFII ait été sacrifié ces dernières années : ses effectifs ont augmenté de 20 % et ses crédits de 53 % depuis 2009. Pour 2018, ses crédits augmentent de 18 millions et ses effectifs de 35.

Pour ce qui concerne la saturation du parc d'hébergement, oui la situation est très tendue, nous en avons parlé longuement cet après-midi : les chiffres sont connus. Par ailleurs, il ne vous a pas échappé que, si l'OFII est en charge de l'accueil et de l'orientation des demandeurs d'asile, ce n'est pas lui qui porte les crédits dédiés à la construction des logements, mais le ministère de l'Intérieur directement. Je ne crois donc pas vraiment indispensable de commander un rapport sur cette question et de pointer du doigt, comme vous le faites, l'OFII. Mon avis est défavorable.

La Commission rejette l'amendement n° II-78

La réunion s'achève à 18 heures 50.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Éric Ciotti, Mme Élise Fajgeles, Mme Isabelle Florennes, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, Mme Alexandra Louis, M. Stéphane Mazars, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, Mme Maina Sage, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Vincent Bru, M. Philippe Dunoyer, Mme Paula Forteza, Mme Marie Guévenoux, M. Jean-Pierre Pont, M. Rémy Rebeyrotte, M. François de Rugy

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Noël Barrot, M. Bertrand Bouyx, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Éric Coquerel, Mme Dominique David, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Anne Genetet, M. Stanislas Guerini, M. Alexandre Holroyd, M. Christian Hutin, M. Hubert Julien-Laferriere, Mme Sonia Krimi, M. Daniel Labaronne, Mme Martine Leguille-Balloy, M. Fabrice Le Vigoureux, M. Jean François Mbaye, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Delphine O, M. Jean-François Portarrieu, Mme Isabelle Rauch, M. Laurent Saint-Martin, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, M. Gabriel Serville, Mme Liliana Tanguy, Mme Valérie Thomas, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas