Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Présidence

La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend d'abord M. Franck Riester, ministre de la culture.

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J'ai reçu cette semaine, à Bordeaux, M. Yohan Delmeire, le directeur de la salle des fêtes du Grand Parc, une salle mythique des années 1970 qui est longtemps restée fermée, au grand dam des riverains. Les habitants de ce quartier prioritaire se sont battus pour sa réouverture, avec succès. M. Delmeire me disait, lorsque j'évoquais avec lui ma mission de rapporteure, que ce qu'il est important d'évaluer, au-delà des chiffres, c'est la capacité de la politique culturelle à créer du lien. C'est, de fait, un beau critère d'évaluation, et j'en ferai sans doute le fil rouge de mes futurs travaux, à l'automne.

S'il ne fallait retenir qu'un chiffre de ce rapport, ce serait celui de 284 euros : c'est le montant de la dépense publique de l'État et des collectivités territoriales en matière de culture rapportée à chaque citoyen français en 2018. Ce montant est remarquable, si on le compare à celui de nos voisins : les Allemands consacrent 163 euros à la culture par an et par habitant, les Belges, 282 euros et les Britanniques, 272 euros, avec une moyenne européenne qui se situe autour de 192 euros. C'est un signe manifeste de la priorité que nous accordons à notre politique culturelle. Et c'est en ayant ce chiffre à l'esprit que je vous présenterai les principales conclusions de mon analyse de l'exécution du budget en 2018.

La mission Culture regroupe notamment le programme 131 Création et le programme 224 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture.

Je commencerai par le programme 131, qui concerne la création artistique. Il était doté de 779 millions d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2018, soit 26,52 % des crédits de la mission. En fin d'exercice 2018, 100,7 % des crédits ouvertes en LFI ont été consommés, soit 795,78 millions d'euros. Le programme 131 nourrit les dispositifs de soutien au spectacle vivant et aux arts plastiques, mais la dépense principale concerne les opérateurs et les compagnies du spectacle vivant. En 2018, ce programme s'est caractérisé par une forte augmentation des dépenses d'investissement et des opérations financières, avec une hausse de 39,34 % en crédits de paiement – j'y reviendrai.

Au total, les huit dépenses fiscales principales du programme 131 sont estimées à 120 millions d'euros en 2018. La plus importante est le taux réduit de TVA à 2,10 % applicable aux droits d'entrée des 140 premières représentations de certains spectacles, pour 63 millions d'euros. Parmi les autres dépenses importantes, on compte notamment le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art, évalué à 25 millions d'euros, la franchise de TVA pour les auteurs et les interprètes des oeuvres de l'esprit, qui s'élève à 21 millions d'euros, et le crédit d'impôt spectacle vivant, créé en 2016, qui était évalué à 10 millions d'euros en 2017 et à 6 millions d'euros en 2018. Dans le cadre du processus d'évaluation et des études d'impact demandées au ministère de la culture par le rapporteur général de la commission des finances, ce dernier crédit d'impôt a été limité au 31 décembre 2022 et recentré sur les artistes musicaux émergents. C'est une mesure efficace, qui contribue à donner un sens à l'action du Parlement dans le contrôle de l'efficacité des politiques publiques.

J'aimerais d'autre part me pencher sur la question des opérateurs. Les dépenses de titre 7 Subventions aux opérateurs sont majoritairement fléchées vers des acteurs situés en région parisienne : ils représentent 41 % du total des crédits consommés du programme 131 en 2018, soit 796 millions d'euros. Il ne s'agit certes pas de sous-estimer le poids de l'histoire et du rayonnement de la capitale à l'étranger, mais comprenez qu'un tel chiffre puisse sembler surprenant, vu de Gironde, par exemple. Monsieur le ministre, comment expliquez-vous une telle concentration des crédits dans la capitale ? Quels sont les moyens concrets mis en oeuvre par le ministère pour favoriser un plus large accès à la culture dans les territoires, conformément à la mission de démocratisation de la culture qui fait l'objet du programme 224 ?

Dans le même ordre d'idées, j'aimerais mettre un petit coup de projecteur sur le premier opérateur du programme 131, l'Opéra national de Paris (ONP). La note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes pointe une hausse de la subvention accordée à cet opérateur par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale : elle est passée de 98 à 124 millions d'euros. Cette hausse est due à une demande de financement, sur crédits budgétaires, de l'aménagement d'une nouvelle salle modulable de l'Opéra Bastille. Le coût prévu de cette salle serait de 59 millions d'euros. Or cette dépense n'avait pas été budgétisée en loi de finances initiale, car le plan de financement n'intégrait des crédits ministériels que pour la réalisation des études. Un arbitrage du Premier ministre, en décembre 2018, a finalement accordé 24,5 millions d'euros à l'opération de la troisième salle, dont 21,5 millions avalisés par la loi de finances rectificative (LFR) de décembre 2018 et 3 millions sur crédits disponibles en gestion.

Ces travaux sont justifiés par la réorganisation de l'ONP, notamment dans la perspective de la création de la Cité du théâtre. Ils visent également à accroître la jauge de l'Opéra, qui passera de 5 300 à 6 400 places. Je dois cependant avouer que je m'interroge sur le caractère prioritaire de cet investissement, à l'aune des objectifs de la politique culturelle nationale. Ce projet a bien été examiné par la commission ministérielle des projets immobiliers, qui a été créée par ce gouvernement pour statuer sur les projets de plus de 20 millions d'euros. Pourriez-vous, monsieur le ministre, éclairer la représentation nationale sur les arbitrages qui ont conduit à ce choix ?

En matière de pilotage, seuls 63 % des opérateurs du programme 131 sont couverts par un contrat de performance. L'Opéra-Comique, l'Institut de recherche et coordination acoustiquemusique (IRCAM), le Centre national des arts plastiques, ainsi que la Comédie-Française, manquent encore à l'appel. Le conseil d'administration de la Comédie-Française a refusé de voter le contrat d'objectifs et de performance. Je m'interroge sur ce refus de la part d'une institution dont la subvention, qui s'élève à 26 millions d'euros de crédits de paiement en 2018, est la deuxième, en volume, du programme 131. Je précise par ailleurs que le contrat d'objectifs et de performance de l'ONP s'est, quant à lui, achevé en 2018. Monsieur le ministre, j'ai bien conscience que développer une culture de la performance est une véritable révolution copernicienne pour les opérateurs concernés. Comment envisagez-vous d'accompagner les opérateurs et leurs agents dans ce nouveau modèle de pilotage de l'action publique ?

J'en viens maintenant au dégel des crédits de la réserve de précaution du programme 131. La Cour des comptes rappelle qu'une partie des crédits a été fléchée vers certains opérateurs ayant connu un premier semestre difficile, ce qui peut s'entendre puisque c'est la fonction première de la réserve de précaution. En revanche, le dégel récurrent de ces crédits pour financer les festivals s'explique plus difficilement. En effet, la réserve de précaution est, par nature, destinée à répondre à des crises exceptionnelles, et non à un problème structurel. Une programmation budgétaire qui réglerait cette question en LFI donnerait une plus grande visibilité au Parlement sur l'emploi des crédits du projet de loi de finances (PLF).

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que les crédits de la réserve de précaution servent effectivement à faire face à d'éventuels aléas en cours de gestion et qu'ils ne soient plus considérés comme une enveloppe de crédits supplémentaires destinée à être consommée dans son intégralité dès le début de l'exercice ? Un tel emploi de la réserve de précaution serait plus conforme à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Attardons-nous maintenant sur le programme 224, qui porte essentiellement sur les crédits de l'enseignement supérieur de la culture.

Sous la responsabilité du secrétaire général adjoint du ministère de la culture, le programme 224 a consommé 1,26 milliard d'euros en crédits de paiement, contre 1,23 milliard en loi de finances pour 2017, soit 42,86 % des crédits de la mission Culture, contre 42,27 % en LFI pour 2017. Le programme 224 a supporté une annulation importante de 40,7 millions d'euros de crédits de paiement en LFR 2018, venant pour partie gager l'ouverture de 21,5 millions de crédits de l'ONP, avec le dégel partiel des autres programmes de la mission Culture.

Ce programme concerne notamment 37 000 étudiants en architecture, patrimoine, spectacle vivant, cinéma, musique, danse et audiovisuel. Il doit accompagner ceux-ci vers l'insertion professionnelle et garantir une plus grande démocratisation culturelle. Cet objectif peut être atteint en combinant des vecteurs traditionnels de transmission de la culture, comme l'enseignement musical, et des outils plus innovants, comme le Pass Culture.

J'en viens au Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS). Depuis sa création en 2017 et son inscription dans le budget en 2018, le FONPEPS a été largement surbudgétisé, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Lorsque nous l'avons auditionné, le secrétaire général a malgré tout souligné qu'il avait fait l'objet d'un important effort de sincérisation en 2019, conformément aux recommandations de la Cour des comptes. Il n'est donc pas nécessaire de diminuer à nouveau les crédits qui lui sont alloués. En revanche, il est essentiel d'adopter des mesures efficaces pour lutter contre le non-recours et pour permettre au dispositif d'atteindre son rythme de croisière. Cela m'amène, monsieur le ministre, à ma quatrième question. Que prévoit le ministère pour garantir un meilleur taux de recours au FONPEPS ?

J'aimerais, pour finir, saluer l'effort de sincérisation, s'agissant des bourses sur critères sociaux. Elles font de moins en moins l'objet d'une surbudgétisation et le montant programmé en loi de finances initiale est de plus en plus cohérent avec les évaluations du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires.

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Dans le cadre du Printemps de l'évaluation, j'ai choisi d'axer ma réflexion sur le crédit d'impôt pour le spectacle vivant (CISV), qui fait l'objet de nombreuses critiques, y compris au sein de cette commission des finances. À chaque projet de loi de finances, les professionnels s'inquiètent et se demandent si le dispositif sera reconduit, et sous quelles conditions.

Cette inquiétude est décuplée depuis que le Gouvernement s'est mis en tête de faire le ménage dans les niches fiscales. Certains dispositifs sont assimilés à des privilèges indus alors que, pour l'essentiel, ils soutiennent l'économie et l'emploi au sein de filières souvent fragiles. C'est le cas du CISV, qui bénéficie quasi exclusivement à des petites et moyennes entreprises et qui soutient des productions artistiques émergentes. Rappelons que le CISV s'adresse aux producteurs qui engagent les frais de création d'un spectacle et qui financent, en tant qu'employeurs, le plateau artistique. Il est donc au coeur du soutien à la création.

Que reproche-t-on à ce dispositif ? Son coût, d'abord, que l'on dit exponentiel, au motif qu'il attire chaque année plus d'entreprises – 210 en 2018. Quoi de plus normal, s'agissant d'un dispositif si jeune, qui n'a que deux ans et demi ? Il faut du temps avant que les entreprises se saisissent de dispositifs nouveaux, surtout lorsque ces derniers ne se signalent pas par leur simplicité, comme c'est le cas, en l'espèce. Du reste, la dépense fiscale au titre du CISV, qui s'est élevée à 15 millions d'euros en 2018 – un chiffre à mettre en perspective avec les 328 millions d'euros de l'ensemble des crédits d'impôt dans le domaine de la culture – correspond en tout point aux prévisions. Il n'y a donc pas eu de mauvaise surprise, pas plus qu'il n'y en aura à l'avenir. D'après la direction générale de la création artistique, le dispositif a probablement déjà atteint son rythme de croisière.

On lui reproche, ensuite, d'être mal calibré. Pourtant, le projet de loi de finances pour 2019 l'a sérieusement resserré, au point que les spectacles d'humour et les comédies musicales en sont désormais exclus. Cette exclusion est difficilement justifiable, y compris du seul point de vue budgétaire. Cela étant, il est sans doute nécessaire d'affiner encore les critères d'attribution pour mieux cibler l'émergence des effets d'aubaine et les corriger. Les professionnels sont ouverts à la discussion, à condition d'y être étroitement associés, ce qui n'a pas été le cas pour les types de spectacles que je viens d'évoquer.

On reproche encore au CISV d'être mal évalué, ce qui est surprenant, dans la mesure où le ministère de la culture a diligenté des travaux sur celui-ci à l'été 2018, dont les conclusions fourniraient d'ailleurs une base de travail intéressante en vue de son adaptation. Mais, à ce jour, c'est une étude plus récente de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires culturelles qui semble faire référence. Ce rapport à charge – c'est le moins que l'on puisse dire – n'envisage le CISV que sous l'angle de la dépense fiscale et des critères d'éligibilité jugés trop souples. Ses auteurs ne sont pas loin d'affirmer que le CISV s'apparente à une subvention déguisée en crédit d'impôt. Cette analyse fait fi de l'extrême fragilité économique du secteur et du soutien décisif qu'apporte le crédit d'impôt à la filière.

Les chiffres, qu'ils proviennent de la direction générale de la création artistique ou des professionnels eux-mêmes, confirment tous l'impact positif du CISV. En termes d'emploi, d'abord, il s'est traduit par une hausse de 10 % entre 2016 et 2017 dans les structures bénéficiaires. Il a également eu des effets sur la création, puisque 153 nouveaux spectacles ont vu le jour en 2017 grâce à lui. Enfin, il ne faut pas négliger les retombées pour l'État, puisque 1 euro investi rapporte 2,40 euros sous forme d'impôt ou de cotisations sociales. C'est un dispositif gagnant-gagnant. Les professionnels y sont attachés et se disent prêts à le faire évoluer si nécessaire, pourvu qu'on le pérennise, et surtout qu'on lui donne, à l'avenir, une meilleure visibilité.

Pour conclure, je dirai qu'à l'heure où l'État accorde un soutien appuyé au cinéma, et à juste raison, et où il mène une réflexion approfondie sur l'audiovisuel, il ne faudrait pas que le spectacle vivant – tout le spectacle vivant – se sente laissé pour compte. Ce serait non seulement injuste, mais également dangereux pour la qualité de la création. Sachons au contraire saisir l'occasion que nous offre la création du Centre national de la musique pour consolider le dispositif et mieux cibler les créations émergentes. C'est en tout cas le sens du message que je souhaite délivrer aujourd'hui et j'espère, monsieur le ministre, pouvoir compter sur votre soutien. Il conviendrait de rassurer les professionnels, alors que le crédit d'impôt a déjà été supprimé pour certains d'entre eux par la dernière loi de finances.

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Monsieur le ministre, je n'ai pas l'intention d'aborder la question des crédits d'impôt aujourd'hui. Je dirai seulement qu'il n'est pas étonnant qu'il y ait quelques ratés, dans la mesure où la plupart d'entre eux sont créés en séance à l'Assemblée nationale sans aucune évaluation préalable. J'ajouterai que lorsque les membres de la Cour des comptes et de l'IGF font le même diagnostic, il vaut la peine d'y prêter attention, car ce ne sont pas des gens totalement incultes.

Mme la rapporteure spéciale a évoqué le projet de construction de la troisième salle de l'ONP et posé la question de l'opportunité d'en faire une priorité à l'échelle nationale. Notre collègue a raison d'insister sur le fait que ce projet renforce considérablement le poids des dépenses publiques des opérateurs parisiens. Je me permets d'y insister, car il y a une exception parisienne de ce point de vue : alors que toutes les villes apportent une contribution importante au financement de leur opéra, ce n'est pas le cas à Paris – sans doute parce qu'on considère que Paris, c'est la France. Cela m'inquiète d'autant plus que les opéras de province reçoivent, en tout et pour tout, 22 millions d'euros de la part de l'État, alors que l'ONP en reçoit 120 millions. Se pose également la question de la maintenance de ces sites, puisque le ministère ne pourra pas financer, à terme, l'ensemble de ces opérations.

Je souhaite aussi relayer une interrogation de la Cour des comptes au sujet des 25 millions d'euros qui ont été dépensés, depuis 2017, pour l'aménagement du terrain des « délaissés » sur le site de l'Opéra Bastille. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire comment ces crédits ont été employés ?

Enfin, ainsi que la rapporteure spéciale l'a très bien dit, nous devons être exigeants en matière de performance. Or, sur les quinze opérateurs du programme 131, sept ne sont pas soumis à un contrat d'objectifs et de performance. Il me paraît tout à fait incroyable qu'un opérateur refuse de signer un tel contrat, alors même qu'il perçoit 27 millions d'euros du ministère de la culture. J'ai été maire, comme beaucoup d'entre vous, et l'on n'imagine pas qu'un service municipal refuse de se soumettre à quelque contrôle budgétaire que ce soit. L'indépendance dont certains milieux font preuve vis-à-vis des donneurs d'ordres me paraît assez difficile à accepter.

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Franck Riester, ministre de la culture

Vous avez pointé le déséquilibre entre les efforts budgétaires et financiers qui bénéficient à Paris et à la région parisienne, d'une part, et aux autres régions de France, d'autre part. C'est une réalité, c'est le fruit de l'histoire et de la centralité parisienne. Mais cela s'explique aussi par le fait que certains des opérateurs présents à Paris ont un rayonnement national.

L'ONP en est le plus bel exemple. Faut-il que l'État se désengage, alors même que les opéras de dimension européenne ou mondiale nécessitent des budgets considérables ? Ne serait-il pas au contraire souhaitable de rechercher des ressources supplémentaires pour l'Opéra de Paris ? C'est ma conviction, et c'est du reste ce qui se passe depuis quelques années. En effet, sur un budget de 230 millions d'euros, l'État ne contribue qu'à hauteur de 100 millions, dont 97 millions de subventions – je reviendrai sur la question des investissements. L'ONP perçoit 73 millions d'euros grâce à la billetterie et 18 millions d'euros grâce au mécénat, ce qui représente 56 % d'autofinancement. Il a fait un effort considérable, bien supérieur à celui qu'ont pu faire d'autres opéras dans le monde.

La question se pose effectivement de la participation de la Ville de Paris au financement de l'Opéra, et j'aborderai ce sujet avec les équipes de la maire de Paris. L'État investit actuellement dans un très beau projet, l'opération tiroir entre la Cité du théâtre et l'ONP, et nous aurions besoin que la Ville de Paris accentue son effort en faveur de l'Opéra de Paris. Il y aurait un sens à ce que la Ville de Paris, avec qui j'ai d'ailleurs de bonnes relations, contribue à financer, avec l'État, des grands opérateurs de ce type.

Cela dit, nous avons aussi fait le choix que certains grands opérateurs nationaux soient gérés et pilotés par l'État. Si, demain, des subventions venaient aussi de la Ville de Paris, cela nécessiterait une modification de la gouvernance, puisqu'il est normal que l'on ait un pouvoir de décision, dès lors qu'on paye. Nous devrons mettre tout cela sur la table, tout en veillant à préserver le leadership de l'Opéra de Paris en Europe.

L'opération tiroir, que j'ai déjà évoquée, est un projet qui a été lancé il y a plusieurs mois, avant que je ne devienne ministre de la culture. La décision a été prise de construire une Cité du théâtre à Berthier, associant le théâtre de l'Odéon, la Comédie-Française et le Conservatoire national d'art dramatique. Ce projet nécessite que les ateliers de l'Opéra de Paris quittent Berthier pour s'installer à Bastille. L'idée est de profiter de ce transfert pour réaliser une deuxième scène à Bastille, qui sera la troisième de l'ONP. Elle permettra de proposer davantage de productions, et donc de ressources, et elle sera aussi un espace de répétition. Cette opération était lancée lorsque je suis arrivé et il était nécessaire de la financer : c'est la raison pour laquelle nous lui avons consacré des crédits d'investissement relativement importants. Je crois que nous pouvons vraiment être fiers de cette opération, pour Berthier et pour l'Opéra Bastille.

Les contrats d'objectifs et de performance font toujours l'objet d'une discussion avec les opérateurs, et c'est normal. S'agissant de la Comédie-Française, le contrat va être approuvé en conseil d'administration. Ce sont des outils de performance et de pilotage stratégique qui nécessitent des discussions, à la fois avec les représentants de ces différents opérateurs et en interne. Il est vrai que cela a pris un peu plus de temps que prévu, mais nos relations avec la Comédie-Française sont très bonnes.

Plus largement, je crois que nous devons aussi repenser les relations entre le ministère de la culture – donc l'État – et les opérateurs dont il a la tutelle. Il faut moderniser cette tutelle, abandonner le micromanagement et la gestion au quotidien pour passer à une forme de pilotage stratégique et d'évaluation à plus long terme – ce qui n'empêche effectivement pas d'être exigeant, monsieur le rapporteur général.

Vous m'avez interrogé aussi sur la réserve de précaution. Nous avons besoin de cette réserve pour financer des opérations essentielles, notamment dans le domaine de la création artistique. Cela dit, j'ai bien entendu vos remarques et nous en tiendrons compte dans le budget pour 2020 et les suivants. Pour 2019, en tout cas, il est important que nous obtenions le dégel de cette réserve pour financer un certain nombre d'opérations.

Le FONPEPS, vous le savez, est le fruit de la négociation qui a eu lieu en 2016 au sujet du régime d'assurance chômage des intermittents. Il traduit la volonté de l'État de lutter contre la précarité de certains emplois dans les secteurs du spectacle et de l'audiovisuel et je pense qu'il s'agit d'un bon dispositif. Il a été évalué, au départ, à un niveau qui s'est finalement révélé supérieur aux besoins. Cela s'explique notamment par la complexité du dispositif : les entreprises ont eu des difficultés à utiliser les fonds qui étaient à leur disposition. Nous avons retravaillé le dispositif et augmenté, dès cette année, le montant mobilisé pour le FONPEPS. Nous verrons si cela correspond aux estimations que nous avions faites pour l'année 2019. Ce qui est certain, c'est que nous voulons continuer à soutenir les entreprises qui luttent contre la permittence et qui s'engagent à pérenniser les emplois, sous forme de contrats à durée indéterminée.

J'en viens à la question des bourses. Nous avons aujourd'hui 31 % d'étudiants boursiers dans le périmètre du ministère de la culture, ce qui est considérable. Cela témoigne du volontarisme de l'État. Ces bourses sont un véritable levier de diversification des profils des étudiants. Nous avons dû faire un réajustement de la dotation en 2018, ce qui n'a pas causé de préjudice aux étudiants de l'enseignement supérieur de la culture. Nous continuerons de veiller à ce que les budgets correspondent bien aux besoins, dans un souci de sincérité budgétaire, mais aussi pour continuer à mener une politique ambitieuse en la matière.

Monsieur le rapporteur général, je reconnais qu'il peut être hasardeux de créer des crédits d'impôt en séance sans évaluation préalable, mais il est tout aussi hasardeux de les supprimer de cette manière.

Je tiens vraiment à remercier les commissaires aux finances et M. le rapporteur général, car j'apprécie la manière dont nous travaillons ensemble sur ces crédits d'impôt et, plus largement, sur les dépenses fiscales et le mécénat, dont nous reparlerons prochainement. Ma philosophie est claire et elle vaut pour les dépenses fiscales, comme pour toutes les politiques publiques que nous conduisons. Les politiques publiques doivent être évaluées en toute transparence et il faut accepter qu'elles puissent être modifiées, dans un sens ou dans l'autre, afin qu'elles soient efficaces et qu'elles s'inscrivent dans le cadre de budgets maîtrisés et pilotés. C'est la raison pour laquelle, sur la question du spectacle vivant musical – et de la musique, plus largement – l'une des missions du Centre national de la musique sera de se muscler sur le plan du pilotage, du suivi, de l'évaluation et de la redéfinition des dépenses fiscales, notamment des crédits d'impôt.

Vous pouvez compter sur moi. J'ai bien l'intention d'être constructif, afin de bâtir avec vous de belles politiques publiques. Nous pouvons être fiers des crédits d'impôt sur l'audiovisuel et le spectacle vivant : ils sont utiles et permettent vraiment d'accompagner des talents émergents et de maintenir des productions en France, notamment dans l'audiovisuel et le cinéma. Les résultats sont clairement positifs, mais nous pouvons toujours les améliorer. Je sais que certains parlementaires y travaillent – je pense notamment à Mme Émilie Cariou, ici présente. Il est important que nous puissions, en toute transparence, travailler ensemble et avancer, pour rendre cette politique encore plus efficace demain, même à budget constant.

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Par principe, chacune des commissions joue son rôle et personne ne nous fait le procès d'être des comptables qui ne comprennent rien à la culture. Nous sommes tous construits de la même manière. Simplement, il faut essayer de réfléchir au cumul des contraintes. La dépense publique, qu'il s'agisse d'une dépense directe ou d'une dépense fiscale, en constitue une et le ministre doit sans cesse mesurer l'efficience budgétaire. J'ai bien compris que la culture était un investissement qui nous dépassait mais il faut éviter que la culture ne soit dépassée budgétairement. Nous devons avoir des débats apaisés, loin de toute polémique où l'on prête à l'autre de mauvaises intentions.

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Le programme Patrimoines, avec ses 900 millions d'euros pour 2018, a été exécuté correctement. Je le souligne car c'est la première fois depuis bien longtemps. Par chance, la polémique sur la fiscalité du loto du patrimoine a permis d'obtenir le dégel de la totalité de la réserve de précaution, soit 21 millions d'euros. Il faudra trouver un autre moyen pour y parvenir l'année prochaine.

Par ailleurs, au sein du programme, les 300 millions d'euros de crédits d'entretien et de restauration des monuments historiques ont pu être bien protégés alors que les années précédentes, ils servaient de variables d'ajustement pour financer l'archéologie ou d'autres actions au sein du même programme. Cette enveloppe de 300 millions d'euros constitue, à mon avis, un minimum en–dessous duquel il ne faut pas descendre.

Les restes à payer sur le programme atteignent près de 650 millions d'euros, alors que se poursuivent des schémas d'investissement importants, entre le Grand Palais, le Quadrilatère Richelieu, Versailles, Fontainebleau, Villers-Cotterêts et bientôt le Centre Pompidou. Je souhaiterais que le ministère se livre à un travail d'élaboration d'une programmation pluriannuelle sur dix ans comprenant les investissements consolidés entre l'État et les différents opérateurs. Pour l'heure, on ne sait pas du tout où l'on va et le financement risque de se trouver dans une impasse.

Heureusement, grâce à la souscription nationale, la reconstruction de Notre-Dame ne pèsera pas sur le budget de cette mission. Cet événement m'a conduit à examiner de plus près le financement de l'entretien et de la restauration des quatre-vingt-sept cathédrales dont l'État est propriétaire, les autres étant propriété de collectivités locales, dont celle de Laon, qui est absolument magnifique et que l'État doit aussi aider.

Seuls 30 à 40 millions d'euros par an y sont consacrés, soit 500 000 euros en moyenne par an et par cathédrale – je remercie les services du ministère de m'avoir communiqué ces chiffres car les cathédrales ne font pas l'objet d'un suivi spécifique dans les documents budgétaires. Certaines sont en bon état, d'autres dans un état pitoyable. Deux sont partiellement en péril. La programmation est déconcentrée au niveau des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) – ce qui est une bonne chose – mais il existe de fortes disparités, difficiles à s'expliquer. Tout en conservant l'intérêt de la déconcentration, ne pourrait-on mettre en place un programme spécifiquement consacré à l'entretien et à la restauration des cathédrales ? Ne faudrait-il pas, par ailleurs, aller chercher un peu d'argent par le biais du mécénat, à l'instar de ce qui s'est fait pour Notre-Dame ?

Par ailleurs, bien qu'élu du Val-de-Marne, je suis, comme ma collègue Dominique David, très sensible à l'hyperconcentration des crédits dans la région parisienne et sur les grands opérateurs. Je suis persuadé que le patrimoine peut jouer un rôle essentiel dans la lutte contre la fracture territoriale. Je pense en particulier à la place qu'il pourrait prendre dans la politique prioritaire dite des « coeurs de ville » avec les 222 villes ciblées par le programme « Action coeur de ville » et l'expérimentation lancée à la suite de l'excellent rapport d'Yves Dauge de 2017 sur les villes patrimoniales. Le ministère de la culture n'a pas identifié dans ses modes d'action ce type de politique. Il ne fait pas partie des financeurs du programme « Action coeur de ville » aux côtés, par exemple, du ministère de la cohésion des territoires et de la Caisse des dépôts et consignations.

Quand on parle avec les maires de ces communes, que nous disent-ils ? Ils soulignent une chose très importante : le ministère de la culture a d'excellents services déconcentrés. C'est l'un des rares secteurs où il reste une vraie ingénierie d'État sur laquelle les collectivités locales peuvent s'appuyer alors que les directions départementales de l'équipement ont quasiment disparu. Pensons aux unités départementales de l'architecture et du patrimoine (UDAP), aux architectes des Bâtiments de France, aux écoles d'architecture. Nous avons beaucoup à attendre de tout ce réseau et je rejoins Philippe Bélaval quand il insiste dans son rapport sur le nécessaire renforcement des UDAP. Peut-être pourrait-on procéder par redéploiements à partir des administrations centrales ?

On peut se demander si le ministère ne devrait pas mieux identifier le rôle essentiel qu'il peut jouer dans la renaissance de certaines villes moyennes, pour lesquelles le patrimoine a une importance non seulement touristique mais aussi économique. Je suis passé il y a quelques jours à Langres : le contraste entre le patrimoine extraordinaire de la ville natale de Diderot et les commerces presque tous fermés de sa rue centrale est à pleurer. Il faut que l'État prenne cet enjeu à bras-le-corps !

À la commission des finances, on n'est pas des affreux et des méchants – je dis cela notamment à l'intention de notre collègue Brigitte Kuster. Au moment de plafonner les niches fiscales, nous avons fait très attention à préserver le dispositif de la loi Malraux. Ces vingt à trente dernières années, le coût de cette niche est resté stable : de l'ordre de 40 millions. Aujourd'hui, il est d'une trentaine de millions et on en a absolument besoin. Je souscris complètement aux propositions de l'IGF pour simplifier et rendre plus accessible cette niche fiscale ! Le « Malraux » peut être très intéressant pour cette politique des coeurs de ville.

J'approuve aussi l'initiative prise avec le nouveau dispositif de défiscalisation « Denormandie ». Les niches « Quilès », « Méhaignerie », « Périssol » et « Robien » étaient limitées au locatif neuf, avec l'appui de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers. Le nouvel avantage fiscal, lui, s'appliquera à la rénovation de logements dans les centres villes anciens.

Monsieur le ministre, pour vous montrer que nous sommes ouverts, je vous incite à utiliser ces deux niches fiscales et à faire des propositions à Bercy, qui n'est pas aussi fermé que cela.

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Monsieur le ministre, j'ai été sensible au discours que vient de tenir Gilles Carrez – mais il est vrai que nous sommes souvent sur la même longueur d'ondes sans même nous concerter, peut-être du fait d'un syndrome propre aux rapporteurs généraux... L'alliance du dispositif « Malraux » et de dispositifs plus modernes me semble une piste extrêmement intéressante. J'ai tenté d'accompagner des projets, y compris privés, mais en France, cela reste difficile car les monuments historiques sont intouchables. En Allemagne ou en Italie, où je me rends très souvent, on peut voir des conseils régionaux installés dans des forteresses du XIIe siècle réaménagées de façon magistrale. En France, une conception passéiste l'emporte : il ne faut surtout rien modifier, ce qui fait que les monuments sont réduits à l'état de pierres.

J'aimerais comprendre pourquoi certaines cathédrales anciennes n'appartiennent pas au patrimoine de l'État alors que des cathédrales sans autre intérêt que cultuel oui. La cathédrale de Gap, mocheté du XIXe siècle, est propriété de l'État alors que la cathédrale de l'ancien archevêché d'Embrun, monument remarquable qui est en train de tomber en miettes, est propriété de la commune. Ne pourrait-on revoir cette répartition ? Pourquoi n'est-ce pas l'intérêt patrimonial et culturel qui prime ?

Je vais mettre un peu les pieds dans le plat : pourquoi les cultes concernés participent-ils si peu à la restauration de leurs monuments, surtout quand ils appartiennent à la confession dominante ? Il y a pourtant des associations diocésaines qui ne sont pas pauvres et le Vatican est propriétaire de plusieurs édifices à Paris.

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Monsieur le ministre, quel serait d'après vous le niveau de crédits nécessaires pour assurer un entretien satisfaisant de l'ensemble des cathédrales ?

Les crédits d'entretien et de restauration des monuments historiques ont pu être exécutés correctement cette année grâce au dégel de la réserve de précaution. Cela est dû à l'incidence de la polémique autour de la fiscalité du loto du patrimoine mais ce n'est pas un élément structurant pour l'avenir – ce n'est pas parce qu'il y a eu du soleil une année qu'il y en aura les années suivantes. Comment comptez-vous procéder à l'avenir ?

La plupart des communes participant à l'expérimentation autour des villes patrimoniales sont intégrées au programme « Action Coeur de ville ». Comment le ministère veille-t-il à la préservation de la spécificité patrimoniale des villes concernées dans ce cadre ?

Il y a beaucoup d'opérateurs puissants et de notoriété internationale dans ce secteur. Quelles sont leurs marges de manoeuvre, notamment en termes de recettes commerciales ? Quelles sont les orientations du ministère en matière de tarification ?

Enfin, comment comptez-vous réconcilier les architectes des Bâtiments de France avec les élus locaux ? Nous savons qu'il y a beaucoup de polémiques et de mésententes sur le terrain.

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Franck Riester, ministre de la culture

Nous devons travailler mieux à la question de la réserve de précaution pour les années à venir. Le loto du patrimoine, qui est un bon dispositif, a connu un engouement et nous avons dû l'accompagner.

Quant aux architectes de Bâtiments de France, il faut insister sur leur rôle fondamental. Ils contribuent à la grande qualité du travail qu'effectuent les équipes du ministère de la culture au service de notre patrimoine. Nous devons mieux faire connaître ce qui est fait par l'État. Cela renvoie à la communication institutionnelle et à la communication auprès des élus locaux.

Il y a aussi quelque chose à faire en matière de procédure de validation. Souvent, l'avis de l'État est donné en bout de course pour les opérations de restauration ou de rénovation alors qu'une alerte rouge aurait dû être déclenchée bien plus en amont. Bien sûr, cet exercice est rendu difficile par le fait qu'ils ne sauraient donner d'avis définitif en l'absence de tous les éléments nécessaires mais ils pourraient formuler des remarques, des conseils, des suggestions et des mises en garde. Nous devons encourager des relations plus régulières et plus formalisées entre les architectes des Bâtiments de France et les différentes collectivités territoriales. Les élus et plus largement nos concitoyens ont tendance à ne retenir que les avis défavorables. La qualité exceptionnelle de leur accompagnement doit être mieux connue.

Monsieur Carrez, à un pilotage pluriannuel des dépenses d'investissement, je dis « oui, trois fois oui ». Nous avons déjà des engagements importants qui permettent de couvrir des marchés ministériels pluriannuels pour de grosses opérations de restauration comme celles que vous avez citées, auxquelles j'ajouterai la Cité du théâtre. Le plus important, c'est l'anticipation des investissements futurs : la rénovation du Centre Pompidou et de sa chenille ou celle de la Cité des sciences. Ce sont des budgets élevés à prévoir sur dix ans. Je suis prêt à travailler avec vous sur les techniques budgétaires qui nous permettraient de mieux planifier ces dépenses.

Pour l'entretien et la restauration des cathédrales, 30 à 40 millions d'euros sont mobilisés chaque année. De manière plus globale, une centaine de millions d'euros est consacrée annuellement à la restauration du patrimoine religieux – 116 millions en 2017, 100 millions 2016, 122 millions en 2013. Je ne suis pas capable de vous dire aujourd'hui quel serait le budget théorique nécessaire.

À la suite de l'incendie de Notre-Dame de Paris, nous avons lancé un audit portant sur les dispositifs de sécurité incendie dans toutes cathédrales. Nous aurons certainement des budgets complémentaires à débloquer.

En outre, des états des lieux sont dressés cathédrale par cathédrale pour déterminer quel est le budget nécessaire pour leur restauration. Cela doit se chiffrer en milliards d'euros mais nous devons affiner notre estimation. Je suis prêt à voir comment planifier le financement de tous ces investissements.

Je vous trouve un peu sévère, monsieur le rapporteur général. Il existe toute une série de financements privés issus de diverses fondations pour le patrimoine religieux, à commencer par la Fondation Notre-Dame qui contribuera à restaurer la cathédrale de Paris. Est-ce assez ? Vous le savez, par la loi de 1905, les lieux de culte sont devenus propriété publique et par un décret de 1912 les cathédrales ont été confiées à l'État. Nous avons la responsabilité de leur entretien avec les communes, pour ce qui est des églises. Nous devons l'assumer mais s'il peut y avoir plus de dons versés par les fidèles et ceux qui ont envie d'aider les cultes, nous ne pouvons que nous en réjouir.

C'est l'état de conservation d'un monument historique qui doit être le critère pour engager les travaux. Méfions-nous de critères esthétiques peut-être trop subjectifs. Nous devons assurer le bon état de conservation de tout le patrimoine classé ou inscrit. Il y a là des priorités de l'État et des collectivités.

Bien évidemment, cher Gilles Carrez, il est nécessaire d'aller plus loin dans la déconcentration des décisions concernant les investissements. Nous travaillons en ce sens. Vous avez raison, les UDAP sont essentielles aux dispositifs d'accompagnement des collectivités territoriales, au plus près du terrain, dans les départements. Nous voulons les conforter.

Je citerai d'autres dispositifs ambitieux comme le Fonds pour les petites collectivités territoriales. À côté du patrimoine classé ou inscrit, il y a en effet un patrimoine d'intérêt notable dans les petites communes. D'où l'importance du loto du patrimoine ou des fondations, à commencer la Fondation du patrimoine, qui effectue un travail remarquable. Les dispositifs fiscaux comme celui de la loi Malraux sont souvent caricaturés à tort. Il faut les conforter pour préserver ce type de patrimoine. Je sais bien que Bercy et la commission des finances ne sont pas opposés par principe aux dépenses fiscales de ce type. Si nous pouvons apporter des améliorations, nous le ferons bien volontiers.

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Je commencerai par quelques mots sur l'exécution budgétaire 2018 de la mission Médias, livre et industries culturelles et du compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public avant de me concentrer sur ma thématique d'évaluation qui porte cette année sur le Centre national du cinéma et de l'image animée.

L'exécution budgétaire des deux programmes qui composent la mission a été satisfaisante mais je souhaite attirer votre attention sur trois points.

D'abord, sur l'importance des reports décidés en fin d'année 2018 pour financer des besoins de l'Agence France Presse (AFP), besoins qui avaient été identifiés mais non budgétisées dans le PLF 2019.

Ensuite, sur le redéploiement de 9 millions d'euros des crédits du Fonds stratégique pour le développement de la presse vers la dotation de Presstalis pour la première année, conformément à l'accord passé en mars 2018 pour remédier à la situation financière préoccupante de l'entreprise.

Enfin, sur la baisse des recettes du compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public, par conséquent sur les économies de 37 millions d'euros demandées aux sociétés de l'audiovisuel public qui auraient été principalement portées par France Télévisions.

La mission Médias, livre et industries culturelles est caractérisée par un pilotage complexe du fait de l'ampleur des dépenses fiscales – 560 millions d'euros – et des taxes affectées qui lui sont rattachées – 700 millions d'euros. Les crédits budgétaires représentent moins du tiers du périmètre global de la mission. C'est pourquoi je me suis intéressée, pendant ce printemps, au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui ne reçoit pas directement de subvention de l'État mais qui est bénéficiaire du produit de trois taxes affectées qui représentent 672 millions d'euros en 2018.

Ce travail d'évaluation du CNC a été mené en lien avec Céline Calvez, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, dans le but d'étayer l'analyse que je mène en tant que rapporteure spéciale.

Le CNC a été créé en 1946 afin de soutenir le secteur du cinéma dans sa dimension culturelle et industrielle dans le contexte de l'après-guerre et de l'arrivée du cinéma américain en Europe. À partir du milieu des années 1980, une mission relative à l'audiovisuel lui a également été confiée.

Le CNC a un rôle indispensable dans la structuration de nos filières cinématographique et audiovisuelle, dans l'exportation des oeuvres françaises à l'international et dans la production d'oeuvres de création en France. Les soutiens qu'il verse sont primordiaux pour l'équilibre et le développement de ces secteurs. Cependant, ces derniers connaissent aujourd'hui un mouvement de transformation structurelle de leur environnement avec l'émergence du délinéarisé et des plateformes numériques qui se sont imposées comme des acteurs incontournables.

Les usages et les attentes du public ont évolué. Il est désormais nécessaire de s'adapter et cette adaptation doit être encouragée et impulsée par la politique du CNC. Cette mutation affecte la situation financière du Centre, qui connaît une stagnation de ses recettes traditionnelles alors que les demandes de soutien ne faiblissent pas face à la nouvelle concurrence – elles ont connu une augmentation de 4 % entre 2012 et 2018.

Les soutiens automatiques – accordés en fonction des recettes générées sur les précédentes oeuvres – sont les plus dynamiques sur la période 2012-2017 avec une augmentation de 16 % tandis que les soutiens sélectifs accordés après avis d'une commission ont augmenté légèrement – 1 % – avant de connaître une forte baisse en 2018, de 6 %.

Avec une augmentation de 11 % entre 2012 et 2018, le soutien au secteur audiovisuel est plus dynamique que celui alloué au cinéma, qui diminue légèrement, d'1,5 %.

Face à cette hausse des aides versées, le produit des taxes qui portent sur les acteurs traditionnels du secteur diminue légèrement. Seule la taxe sur la vidéo connaît une croissance importante en 2018, avec une augmentation de 60 %, grâce à l'assujettissement des plateformes à la demande depuis le 1er janvier 2018.

Un mouvement de rééquilibrage des taux d'imposition entre les acteurs traditionnels et les acteurs du numérique est désormais attendu. J'espère qu'il se concrétisera dans le prochain projet de loi de finances.

La question des taxes affectées m'amène ici à quelques considérations techniques concernant le financement du CNC. Je ne remets absolument pas en question le système d'affectation des taxes, qui est facteur d'acception de l'impôt et qui semble plutôt bien fonctionner depuis soixante-dix ans. Je sais qu'il a servi de modèle à nos voisins même si les montants concernés sont significativement plus élevés en France qu'à l'étranger. Cependant, je pense qu'il est nécessaire d'accroître nettement l'encadrement de ces taxes affectées pour améliorer l'information du Parlement et s'assurer de l'efficacité de la recette prélevée. Ainsi, il me semble qu'un plafonnement des taxes affectées au CNC serait pertinent dans un souci d'équité avec les autres opérateurs de l'État qui y sont soumis mais surtout dans l'objectif d'assurer un pilotage de la dépense au plus près des besoins réels du secteur et non des recettes prélevées.

Je tiens également à rappeler que les recettes du CNC ont un caractère de ressources publiques et non de ressources propres au secteur sur lesquelles le contrôle du Parlement devrait être limité du fait de leur spécificité.

Cela dit, il me semble aussi nécessaire de revoir les modalités de recouvrement des taxes affectées au CNC. Je trouve en effet problématique que l'organisme affectataire, le CNC, recouvre lui-même ses ressources auprès de redevables qui sont ensuite les bénéficiaires des interventions financées par ces taxes.

Deux arguments peuvent être avancés : le risque de conflits d'intérêts et l'impression renforcée donnée au secteur que la ressource fiscale constitue une ressource propre. Je pense qu'a minima, une évaluation des coûts et avantages d'un recouvrement effectué par la direction générale des finances publiques (DGFiP) plutôt que par les services du CNC devrait être effectuée.

Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre position sur ces deux propositions.

La situation du CNC reste soutenable aujourd'hui mais des réformes structurelles seront nécessaires à l'avenir pour éviter une détérioration trop importante. Les dépenses de fonctionnement étant plutôt maîtrisées, c'est le système d'aides dans son ensemble qui doit être revu. Le CNC a mis en place deux plans d'économies, un premier de 15 millions d'euros en 2018, et un second, de 46 millions d'euros sur deux ans en 2019 et 2020. Ces plans sont nécessaires mais m'apparaissent comme des solutions de court terme avec un saupoudrage des économies dans plusieurs domaines sans qu'une réflexion de fond ne soit véritablement engagée ni qu'un accompagnement à la structuration du secteur ne soit proposé.

J'ajoute à ce sujet qu'il serait intéressant de s'interroger sur la mise en place d'une réelle politique de décentralisation de l'audiovisuel et du cinéma, respectueuse de l'équité territoriale.

Par ailleurs, il conviendrait d'introduire plus de clarté dans la définition de la politique d'aide au documentaire.

Enfin, un équilibre doit être trouvé entre l'audiovisuel et le cinéma.

La détermination de ce plan stratégique doit venir, à mon sens, du ministère de la culture, dont le rôle de chef de file dans la politique cinématographique et audiovisuelle doit être réaffirmé. Le CNC dispose en effet d'une autonomie très forte du fait de son double statut d'établissement public et d'administration centrale. Il rend donc directement compte au ministre.

Toutefois, la technicité du sujet ne doit pas conduire à un désengagement de la puissance publique.

Le CNC doit constituer un écosystème plus ouvert, subordonné aux règles générales qui régissent nos finances publiques. Un plan stratégique de transformation pour le long terme pourrait ainsi utilement être inscrit dans un contrat d'objectifs et de performance conclu entre l'État et le CNC. Un tel contrat n'existe pas actuellement, ce qui est dérogatoire à l'organisation du pilotage des opérateurs de l'État. Ce plan devra prendre en compte la nécessité de redéfinir les caractéristiques de la vie d'une oeuvre cinématographique, dont l'aboutissement n'est peut-être plus nécessairement la sortie en salle. L'accent devra également être mis sur une véritable politique d'aide à l'écriture, au programme d'écriture et à la direction artistique, afin d'améliorer les conditions d'élaboration des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles.

Cette réforme devra être menée en concertation avec les professionnels du secteur, lesquels regrettent trop souvent de ne pas être assez informés et consultés. Des désaccords avec le CNC existent sur ce point, mais le Centre doit poursuivre ses efforts de communication sur les actions envisagées et leur justification, dans un contexte d'incertitude pour le secteur et de réduction des aides, qui accroît les crispations.

Le contrôle du Parlement sur le CNC doit également être renforcé. Le Parlement ne s'est que trop peu penché sur l'évaluation de la politique menée par le CNC, ce qui est pourtant une attente forte des professionnels du secteur. Je pense que l'institutionnalisation d'une audition annuelle obligatoire du président du CNC devant la commission des affaires culturelles serait un prérequis à cette évaluation parlementaire approfondie. La nomination du président du CNC selon la procédure prévue à l'article 13, alinéa 5, de la Constitution, après avis des commissions compétentes, irait elle aussi dans le bon sens. Cette évaluation renforcée serait d'autant plus pertinente que le CNC se soumet volontairement aux demandes du Parlement. Il a ainsi coopéré pleinement au travail effectué ce printemps, nous transmettant toutes les informations demandées, qui plus est dans des délais rapides.

Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement sur ces différentes propositions de réforme ? Soutiendrez-vous d'éventuelles démarches parlementaires allant dans ce sens ? Enfin, pouvez-vous nous indiquer de quelle façon le ministère souhaite s'impliquer dans la détermination de cette politique publique ?

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Le modèle du CNC a fait la preuve de son efficacité. C'est un modèle original, envié à l'étranger, et qui fait de la France un pays leader en matière de cinéma et, de plus en plus, de création audiovisuelle. Les Français aiment le cinéma ; les Français aiment le cinéma français. Pour preuve, le marché français est le premier marché de l'Union européenne en termes d'entrées : notons qu'en 2018, nous avons dépassé les 200 millions d'entrées, dont près de 40 % pour des films français. Nous avons aussi une production audiovisuelle dont les ventes à l'international ont doublé en dix ans, dépassant 200 millions d'euros ces dernières années.

Ce modèle doit donc être protégé, en particulier dans un contexte mondial extrêmement mouvant et de plus en plus concurrentiel. Toutefois, protéger ne veut pas forcément dire figer. S'agissant de la gouvernance, notre système présente une originalité : une même entité est à la fois direction fonctionnelle du ministère et établissement public, doté depuis dix ans d'un conseil d'administration. Le CNC – nous l'avons déjà rappelé – est doté de larges pouvoirs : un pouvoir fiscal, un pouvoir réglementaire sur le cinéma, un pouvoir de régulation des salles. C'est également un guichet de subventions pour le cinéma et l'audiovisuel, mais aussi le jeu vidéo. Il administre aussi les crédits d'impôt. Sa place est donc telle que la moindre de ses décisions a des répercussions importantes sur les acteurs de la filière.

On peut saluer le travail du CNC, qui a mené de nombreuses réformes pour diminuer les dépenses ou accompagner les mutations du secteur. Cependant, nous avons aussi entendu des critiques, comme l'a rappelé Marie-Ange Magne : il existe une véritable demande d'un processus de décision plus transparent et davantage respectueux des cycles de production des professionnels du secteur. Pour cela, le CNC pourrait mettre en place une procédure plus formelle de consultation. Cette formalisation pourrait contrecarrer les reproches qui lui sont adressés, alors même que le CNC procède à des concertations informelles. Enfin, les parties prenantes demandent un meilleur équilibre entre les acteurs de l'audiovisuel et ceux du cinéma – dans la commission Chavanne, par exemple, qui se réunit une à deux fois par an, les représentants du secteur de l'audiovisuel sont moins nombreux que ceux du cinéma.

La gouvernance du CNC en fait une entité agile, équipée pour aller au combat, pour défendre notre diversité culturelle, notre création, notre industrie, notre influence, sans les lourdeurs que présente parfois l'État. Mais certains considèrent aussi qu'il s'agit d'une entité tellement autonome qu'elle ne rend pas assez compte de ses actions. Cette autonomie a été conquise, mais aussi confiée par le ministère. Celui-ci lui a, du reste, donné des missions supplémentaires au fur et à mesure – on pense notamment à la gestion de la Cinémathèque. Nous avons vraiment perçu qu'au-delà d'un rapport de suivi, il fallait aller davantage vers un rapport de co-construction, tant à l'échelon central qu'à l'échelon déconcentré.

Quand on parle de cinéma et d'audiovisuel, on parle forcément d'industrie culturelle. Dès lors qu'il s'agit bien d'une industrie, on peut s'interroger sur la place du ministère de l'économie et des finances. Celui-ci pourrait être représenté dans le conseil d'administration. En ce sens, je place beaucoup d'espoirs dans les travaux qui s'annoncent au sujet de la constitution d'une filière, et qui vont faire l'objet des états généraux, à l'automne prochain. Ces travaux permettront de renforcer la notion d'industrie culturelle, sans pour autant bousculer l'organisation institutionnelle.

Pour en revenir au Parlement, je soutiens ce que Marie-Ange Magne a dit sur la possibilité d'institutionnaliser les rapports entre le CNC et le Parlement par une audition, au moins une fois par an. Elle pourrait se dérouler devant la commission des affaires culturelles. Cela nous permettrait de dégager une information plus globale, afin d'avoir une vision d'ensemble du soutien public au secteur.

Sous l'impulsion des crédits d'impôt, on observe une véritable relocalisation des tournages. Je tiens à rappeler une nouvelle fois ces chiffres : 2 milliards de dépenses, dont 600 millions relocalisés, des productions prometteuses telle celle de Wes Anderson, qui a tourné ces derniers mois ; une augmentation du nombre de journées de tournage de 8 %. Le nombre de films connaît lui aussi une forte progression. Or la question est essentielle. En 2018, 237 films ont été produits, dont la moitié a fait moins de 50 000 entrées. L'appréciation de la qualité d'un film n'est pas affaire de seuil, et l'on peut se réjouir de la multiplication du nombre de films au regard de la diversité culturelle, mais certaines questions doivent être posées : l'accès du public est-il vraiment facilité dans cet écosystème ? Permet-on vraiment au public d'apprécier tout ce que peut être la créativité française ? La question de la rentabilité doit être posée elle aussi – elle est d'ailleurs clairement abordée par le rapport Boutonnat.

En tant que législateurs, nous devons vraiment nous interroger sur la bonne articulation entre les dispositifs d'aide et l'apport des crédits d'impôt. Ma question est la suivante : comment affiner le dispositif d'aide au cinéma et à l'audiovisuel, de manière qu'il finance des contenus plus forts, mieux dotés, plus écrits et encore mieux distribués, pour qu'ils soient vus davantage, non seulement par nos concitoyens, mais aussi à l'international ? Cela participe de notre influence et de la place de la France dans le monde.

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Je souhaite aborder, pour ma part, la question de notre audiovisuel extérieur. Comme vous le savez, l'audiovisuel public extérieur est un outil précieux pour notre diplomatie, reconnu dans le monde entier. Sa place pourrait être confortée par les engagements du Président de la République, s'ils étaient financés – je pense tant au plan pour la langue française et le plurilinguisme, annoncé à Ouagadougou en novembre 2017, qu'à notre partenariat avec l'Afrique.

L'audiovisuel extérieur est un vecteur pour notre langue, pour nos valeurs dans le monde, pour le rayonnement de la France dans les domaines culturel et économique. Les élections européennes, cette année, ont rappelé qu'il pouvait aussi contribuer à la relance du projet européen. Or, malgré ces ambitions fortes, les acteurs de l'audiovisuel public extérieur ont à nouveau dû composer avec d'importantes réductions budgétaires qui mettent en cause leur capacité à atteindre les objectifs fixés. La trajectoire des contrats d'objectifs et de moyens (COM) a été revue à l'été 2018. Dans le cas de France Médias Monde, par exemple, après une première baisse de 1,9 million d'euros, en 2018, de la dotation budgétaire prévue initialement, une nouvelle baisse de 1,6 million a dû être absorbée en 2019. Ce changement de trajectoire pose la question de la valeur et du respect des COM, qui sont pourtant soumis aux parlementaires. Je souhaitais également vous interroger, monsieur le ministre, sur les solutions envisagées pour permettre à France Médias Monde de pallier cette baisse de financement et de faire face à l'effort supplémentaire attendu pour la période 2020-2022, à hauteur de 1,9 million. Il s'agit non pas de remettre en cause la participation de France Médias Monde ou de TV5 Monde à l'effort d'ensemble qui est attendu de notre audiovisuel public, mais de veiller à renforcer la visibilité et la stabilité des ressources allouées et à se donner les moyens d'être à la hauteur de nos ambitions.

Je rappellerai à cet égard le contexte de forte concurrence auquel est soumis notre audiovisuel extérieur de la part de pays aussi différents que le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Russie ou encore la Chine, qui distribuent ou prêtent des milliards à l'Afrique. À l'heure de la guerre de l'information, et face à la nécessité de lutter contre la désinformation, la France réduit les moyens alloués à son audiovisuel extérieur, à rebours de tous nos concurrents, et alors même que notre audiovisuel rencontre d'importants succès. France 24 demeure, par exemple, la chaîne d'information la plus regardée en Afrique francophone et a confirmé sa position de média de référence lors des récents événements en Algérie, comme cela avait été le cas, précédemment, en Tunisie – et, d'une manière générale, dans toute l'Afrique, voire dans le monde entier. Dans ce contexte de concurrence accrue, entendez-vous renforcer les moyens alloués à la coopération audiovisuelle extérieure avec nos partenaires européens, à commencer par l'Allemagne, comme le prévoit le traité d'Aix-la-Chapelle ? Monsieur le ministre, alors que l'audiovisuel public dans son ensemble vit une période charnière, je m'interroge sur le futur de son financement et de son pilotage. L'implication du ministère des affaires étrangères dans la réforme à venir de l'audiovisuel public me semble incontournable afin d'assurer la prise en compte des spécificités de notre audiovisuel extérieur, mais aussi, pourquoi pas, de travailler à la création de synergies entre les différents acteurs de l'audiovisuel public.

En matière de financement, un grand nombre de personnes s'inquiètent au sujet du futur de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Si l'on peut légitimement s'interroger sur l'adaptation de cette taxe à l'évolution des usages, les acteurs de l'audiovisuel public demeurent très attachés au principe d'un financement affecté, qui se justifie pleinement pour garantir leur indépendance et leur liberté d'information. Ainsi, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quelles sont les perspectives d'évolution du mode de financement de l'audiovisuel public.

Enfin, je souhaiterais revenir sur le statut des journalistes correspondants. Comme je le soulignais par avance dans mon rapport pour avis remis à l'automne dernier, la plupart des correspondants ne bénéficient plus, depuis le 1er janvier, d'une protection sociale lorsqu'ils sont en mission, à moins d'y pourvoir personnellement, alors que leurs conditions de travail peuvent être très précaires. On aboutit à des situations dramatiques. Quelles sont les solutions envisagées, monsieur le ministre, pour répondre d'urgence à ce problème qui risque de nuire à notre réseau, qui est pourtant l'un des plus vastes dans le monde ?

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Je remercie M. le ministre pour le travail à venir – je prends acte de l'annonce – sur la problématique des niches fiscales, qui permettra de faire les choses de manière efficace sur cette mission en particulier.

Je voudrais poser quelques questions très ponctuelles. Le rapatriement des crédits relatifs à l'aide au transport postal, qui avait été recommandé par la Cour des comptes et par le rapporteur spécial sur le programme 134, n'a toujours pas été effectué. Je voudrais donc savoir si une modification de la maquette, qui permettrait d'ailleurs une meilleure lisibilité de l'effort public en matière d'aides à la presse, est prévue.

S'agissant des dépenses d'investissement et de rénovation du site de la rue de Richelieu sur le programme 334, avez-vous l'intention de les budgétiser dans les prochaines lois de finances ? Un certain nombre de coûts ont d'ores et déjà été induits par cette rénovation.

Pour terminer, je voudrais vous demander des nouvelles du rapport relatif à la CAP, prévu à l'article 276 de la loi de finances initiale pour 2019. Il devait nous parvenir avant le 1er juin. Le retard n'est pas très important, mais il serait bien que nous recevions ce rapport.

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Je note pour ma part que deux sociétés, dans le domaine de la presse, rencontrent des difficultés importantes : Presstalis et l'AFP – ce qui n'est pas tellement nouveau, d'ailleurs. Cela pose un problème d'évaluation : il convient de clarifier les rapports qu'entretient l'État avec elles, notamment avec le système de subventionnement, en particulier dans le cas de l'AFP. Quelle est votre opinion, monsieur le ministre, sur les difficultés chroniques de ces deux sociétés ?

Par ailleurs, le CNC est un organisme très important. Son modèle n'est pas remis en cause – il a montré son efficacité –, mais il existe des points de vigilance importants, sur lesquels les rapporteures ont appelé notre attention.

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Franck Riester, ministre de la culture

Je suis absolument d'accord avec ce que vous venez de dire, monsieur le président. L'AFP connaît une transformation ; il faut l'accompagner. L'Agence fait des efforts considérables. Vous savez que nous sommes confrontés notamment aux « infox », autrement dit à la désinformation, qui pose un problème important. L'AFP a un rôle majeur à jouer, ce qu'elle fait avec AFP Factuel : elle mobilise pour cela des moyens importants. Une diversification des ressources est par ailleurs engagée. C'est un outil essentiel pour l'avenir : nous devons absolument conforter l'AFP dans ses missions et accompagner sa transformation.

Il est vrai que les difficultés financières de Presstalis sont assez récurrentes. Je note deux choses. D'abord, depuis deux ans, des restructurations considérables ont été effectuées, dont les résultats dans les comptes sont tout à fait évidents, même si l'État a dû, au printemps 2018, éviter la défaillance de l'entreprise. Ensuite – je ne développerai pas ce point car nous aurons l'occasion d'en parler très prochainement –, nous allons engager la réforme de la législation en matière de distribution de la presse écrite – la fameuse « loi Bichet ». Cette réforme a été souvent évoquée mais rarement proposée au Parlement. Nous nous y sommes attelés ; le projet de loi a été présenté au Sénat, adopté et viendra en discussion à l'Assemblée nationale au mois de juin ou au début du mois de juillet. Nous aurons donc l'occasion de reparler de ces questions, mais il était important de le préciser : nous ne restons pas figés. La distribution de la presse écrite est en pleine révolution, notamment avec la transformation numérique des usages.

France Médias Monde est évidemment une entreprise exceptionnelle, qui contribue au rayonnement du pays et qui s'adapte en permanence. Après avoir connu des moments difficiles il y a quelques années – vous vous en souvenez certainement –, des choses formidables ont été faites, avec une présence assurée dans de nombreux pays. Cela ne veut pas dire que, comme toutes les entreprises de l'audiovisuel public, France Médias Monde ne doit pas faire des efforts de maîtrise financière, mais ceux-ci ne peuvent être acceptés que s'il existe un véritable projet pour l'audiovisuel public. À cet égard, j'aurai prochainement l'occasion d'échanger avec vous sur la vision du Gouvernement en matière d'audiovisuel public. Il faut à la fois réaffirmer les missions de service public et réfléchir à la gouvernance et à l'organisation de l'audiovisuel public, notamment aux coopérations susceptibles d'être mises en oeuvre entre l'audiovisuel extérieur de la France et France Télévisions, Radio France et l'Institut national de l'audiovisuel.

S'agissant des coopérations internationales, en particulier de la coopération franco-allemande, vous avez raison, monsieur David. Nous y travaillons. Je serai à Berlin demain ; j'aurai l'occasion de discuter avec mon homologue, Monika Grütters, notamment de la plateforme franco-allemande que nous voulons créer autour de l'information pour les jeunes, qui pourrait servir ensuite à bien d'autres choses. Nous devons avancer si nous voulons faire face à l'arrivée des géants du numérique, de toutes ces plateformes qui nous abreuvent à la fois de contenus et d'informations. Nous devons, nous, Français et Européens, nous doter d'outils à la hauteur des enjeux d'information, d'éducation à l'image et de culture. Il n'est jamais trop tard pour le faire.

Nous n'allons pas rouvrir le dossier de la contribution à l'audiovisuel public. C'est évidemment un sujet important. Vous savez que la CAP est adossée à la taxe d'habitation, laquelle a vocation à disparaître dans quelques années, puisque le Président de la République, le Gouvernement et le Parlement en ont décidé ainsi. Nous allons devoir trouver une solution alternative. Le Gouvernement a très clairement la volonté de conserver une fiscalité dédiée à l'audiovisuel public, une fiscalité pérenne et qui assure l'indépendance de l'audiovisuel public.

Concernant la maquette pour l'aide au transport postal, nous y avons travaillé. Nous devons poursuivre nos efforts pour convaincre Bercy.

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Franck Riester, ministre de la culture

On ne fouette pas Bercy, monsieur le rapporteur général, on le convainc !

S'agissant de Richelieu, oui, nous mènerons les travaux jusqu'à leur terme, dans le cadre d'une trajectoire pluriannuelle d'investissements. Quoi qu'il en soit, je vais creuser ce point, parce que je ne l'ai pas en tête.

Le rapport sur la CAP va arriver : nous sommes en train de le finaliser. Il y a un peu de retard, effectivement.

S'agissant du CNC, il est important de commencer par réaffirmer la pertinence de ce dispositif français : nous sommes copiés dans un certain nombre de pays. Le dispositif est efficace ; il a permis à la France de conserver, et même de continuer à développer un réseau de salles hors du commun – nous avons le plus important réseau de salles en Europe –, et un nombre énorme de visiteurs : 200 millions d'entrées en 2018, ce qui est un record européen –nous sommes même très largement devant tous les autres pays. Au-delà de la fréquentation des salles, il y a, bien sûr, la vitalité de la création française en matière cinématographique. À cet égard, le dernier festival de Cannes, à la fois à travers la sélection et le palmarès, a démontré que le cinéma français était exceptionnel, avec des réalisateurs – et réalisatrices, j'y insiste – de très grand talent. Nous pouvons donc être fiers de la force du CNC, parce que c'est grâce à lui et à ses équipes que nous avons un tel dynamisme du cinéma et, plus largement, de la production audiovisuelle.

Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas regarder avec lucidité les forces et les faiblesses du dispositif. Céline Calvez l'a très bien dit : l'une des difficultés, en termes de contrôle pour le Parlement – pour le Gouvernement aussi, d'une certaine façon –, tient au fait qu'il y a à la fois une administration centrale, à laquelle nous sommes bien sûr pleinement associés, et un établissement public, chargé d'attribuer les aides. Cette gouvernance et ce statut spécifique font qu'il est plus complexe de suivre l'activité de l'opérateur. Cela dit, tout est transparent : je peux difficilement vous laisser dire que ce ne serait pas le cas. D'ailleurs, des rendez-vous annuels existent, un document stratégique de performance est remis en septembre. En outre, le CNC est régulièrement auditionné par le Parlement. Faut-il organiser, plusieurs fois par an, des auditions solennelles – je vois M. le président de la commission des affaires culturelles, que je salue ? C'est au Parlement d'en décider. Le CNC devra bien évidemment se présenter.

J'ajoute que les décisions essentielles du CNC sont évidemment partagées avec le ministère. En ce qui concerne le niveau des taxes affectées, le CNC ne décide pas tout seul : c'est le Parlement qui vote. Si vous jugez que certains dispositifs de suivi destinés à assurer la transparence doivent être améliorés, le Gouvernement est évidemment prêt à y travailler avec vous. De son côté, le Parlement peut également, de son propre chef, se servir des outils qu'il a à sa disposition pour le faire.

Non, il n'y a pas de conflit d'intérêts : ce sont en fait les diffuseurs qui paient, puis les producteurs bénéficient des aides du CNC. Ce ne sont donc pas les mêmes qui paient et qui reçoivent les subventions.

En ce qui concerne la question du plafonnement, il faut bien avoir en tête le fait que ce sont les recettes de la diffusion – donc l'aval – qui financent les investissements dans la création française – l'amont. Il est vraiment important que les investissements puissent être à la hauteur des besoins des diffuseurs. L'absence de plafonnement est au fondement du consentement à l'impôt. Il est nécessaire que la surfiscalité acquittée par les acteurs du secteur leur revienne intégralement. Le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport de juillet 2018 – je parle sous le contrôle de M. le président et de M. le rapporteur général –, a reconnu la pertinence de ce modèle, qui a d'ailleurs été reproduit à l'étranger, notamment en termes de cohérence et d'efficacité pour toute la filière. Le rapport préconise également le maintien sans budgétisation ni plafonnement.

Cela ne veut pas dire que le CNC ne doit pas participer, à un moment ou à un autre, au redressement des finances publiques. Il a déjà acquitté entre 2011 et 2017 – je m'en souviens car j'étais à votre place – un prélèvement sur son fonds de roulement, à hauteur de 372 millions d'euros, ce qui n'est pas une petite somme. C'était nécessaire. On doit continuer à observer avec un regard affûté le fonctionnement du CNC. C'est ce que fait le Gouvernement ; c'est aussi ce que fait le Parlement – la preuve.

Vous m'avez interrogé sur la possibilité d'un recouvrement des taxes par la DGFiP. D'après ce que l'on me dit, cela coûterait beaucoup plus cher. Je ne vois pas pourquoi, mais il y a sûrement de bonnes raisons à cela. Quoi qu'il en soit, si vous le souhaitez, je veux bien examiner la question de plus près, de manière à comprendre les problèmes réglementaires ou financiers que cela pose.

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Merci, monsieur le ministre, pour vos réponses. Compte tenu de l'heure, nous allons modifier légèrement les règles du jeu : je propose à celles et ceux qui ont des questions à poser de le faire mais, s'il en est d'accord, M. le ministre de la culture leur répondra par écrit. J'en profite pour remercier de sa présence parmi nous Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

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Au nom de La République en Marche, je tiens tout d'abord à rappeler notre plein soutien à la politique culturelle menée par le ministère de la culture. Cette politique fait exemple dans le monde entier, vous l'avez dit, monsieur le ministre, et j'ai moi-même eu l'occasion de le constater lorsque j'oeuvrais pour les relations diplomatiques de ce beau ministère. Le CNC prend toute sa part, bien évidemment, dans cette politique culturelle. Nous devons beaucoup au professionnalisme de ses équipes dans le succès des négociations que nous avons conduites ces dernières années, notamment sur les directives relatives au droit d'auteur, aux services de médias audiovisuels ou à la portabilité.

Je pense qu'une des réponses aux nombreux maux que connaît notre société doit se trouver dans l'exigence d'une politique culturelle forte et ambitieuse, et dans une politique très volontariste pour maintenir la diversité culturelle. À cet égard, je rappelle que les positions des rapporteurs spéciaux, qui agissent en toute indépendance, notamment en ce qui concerne le CNC, ne constituent pas, à ce stade, celles du groupe.

Ma question porte plus spécifiquement sur la proximité. Rétablir de la proximité, c'était, avant votre arrivée, l'un des objectifs de Françoise Nyssen, avec la lutte contre les déserts culturels et le plan « Culture près de chez vous ». L'égalité réelle des Français face aux services publics culturels est une valeur essentielle pour le groupe La République en Marche. Monsieur le ministre, la généralisation des contrats d'objectifs et de performance (COP) est plus qu'encouragée par la Cour des comptes, notamment. Dans quelle mesure ces outils contractuels ont-ils permis de diffuser l'idée selon laquelle il est nécessaire de recréer de la proximité et de territorialiser l'action publique culturelle en 2018 ? Pourriez-vous retracer les résultats tangibles des COP, envisagés comme des leviers de changement de nos opérateurs dans les territoires ?

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En ce mois de juin, nous entrons dans la deuxième étape de l'expérimentation du Pass Culture. Le système, qui consiste à octroyer 500 euros aux jeunes de 18 ans pour s'offrir des sorties, des biens ou des pratiques culturelles, est expérimenté depuis le 1er janvier auprès de 12 000 jeunes dans cinq territoires. Sept nouveaux territoires l'expérimenteront très prochainement, impliquant 15 000 jeunes, pour une somme de 75 millions d'euros. Les chiffres doivent être corrélés aux résultats. Or les « testeurs » privilégient pour l'instant des pratiques qu'ils connaissent et les jeunes éloignés du système scolaire sont les plus difficiles à atteindre. Le budget total du dispositif est de 500 millions d'euros, dont 20 % sont pris en charge par les pouvoirs publics – les partenaires du projet, certaines banques notamment, complètent le financement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les retours d'expérimentation, à ce jour, à la suite des sommes déjà engagées dans le cadre de la première phase – entre janvier et juin –, au-delà d'indicateurs quantitatifs ? Qu'en est-il, en particulier, de la transparence de la part des partenaires, notamment des banques ? J'espère qu'ils impliquent non pas uniquement l'industrie culturelle, mais l'ensemble des acteurs de la filière. Quid de l'utilisation du reliquat consacré au Pass Culture avant le PLF 2020 ?

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Monsieur le ministre, vous avez, après M. Carrez, rendu hommage aux équipes du ministère de la culture, et il est vrai qu'en matière de respect du patrimoine, d'archéologie préventive, d'aide à la création, ou encore de développement des pratiques culturelles, vous avez des fonctionnaires d'excellence. Pourtant, plusieurs corps sont en difficulté. D'abord, dans le domaine des archives, on déplore une baisse de crédits importante, des difficultés de recrutement, des départs en retraite nombreux et des ouvertures de postes qui ne permettent pas de répondre à ces difficultés. Ensuite, je voudrais évoquer le rôle des DRAC. Il y a de plus en plus de décisions et de moyens déconcentrés. Pourtant, les personnels des DRAC n'ont pas vu leurs moyens augmenter. Quelles sont vos prévisions, quelles sont les trajectoires envisagées concernant ces deux corps de fonctionnaires, pour leur permettre d'exercer au mieux leurs missions ?

Par ailleurs, je voudrais vous interroger sur l'audiovisuel public. Vous avez, en parlant de votre prochaine loi, réaffirmé les missions de service public mais, dans le même temps, il y a cette économie de 60 millions réclamée à Radio France, avec des suppressions d'emplois annoncées. Or les radios du groupe ont montré leur qualité, en particulier ces dernières années, en occupant les premières places des podiums, grâce au travail de leurs salariés, de leurs journalistes et de leurs animateurs. Comment allez-vous maintenir la qualité de la radio publique en posant cette exigence de réaliser 60 millions d'euros d'économies ?

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Le développement des pratiques artistiques et culturelles implique une collaboration renforcée entre les ministères de la culture et de l'éducation nationale. Les crédits de la mission Culture devaient contribuer, par exemple, à l'amplification du plan du ministère de l'éducation nationale en faveur des chorales. Dans quelle mesure cette ambition a-t-elle trouvé une traduction dans les écoles françaises à l'étranger, membres du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ?

Par ailleurs, en mars 2017, le Président de la République a souhaité faire du château de François Ier un haut lieu de la francophonie. Le coût global de la restauration et de l'aménagement de Villers-Cotterêts, prévus entre 2018 et 2022, a été estimé à 110 millions. En 2018, 2,4 millions ont été inscrits en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Les crédits restant à mobiliser après 2018 s'élèvent à 52,6 millions en AE et en CP. Or le plan de financement n'est pas stabilisé. Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel considère qu'en l'absence de chiffrage précis, le responsable de programme n'a pas intégré au stade de la programmation les crédits nécessaires pour engager en 2018 le projet de Villers-Cotterêts. Peut-on dire que ce programme est viable, et que les délais et les montants des travaux préalablement définis seront respectés, ou bien constitue-t-il un risque financier ?

Pour finir, monsieur le ministre, je voudrais vous poser une question d'actualité. Selon un tableau réalisé par la direction générale du Trésor, sur 1 000 euros de dépenses publiques par l'État, 22 euros vont au budget de la culture, ce qui me semble très faible. C'est d'autant plus triste et insuffisant que nous avons une bataille culturelle à mener, contre l'ignorance et la radicalisation des esprits. Or l'ignorance se fait entendre jusque sur les chaînes du service public audiovisuel – je pense, par exemple, aux propos tenus sur France 2, le week-end dernier, par Mme Angot. Comment réagissez-vous à ces propos ? Les condamnez-vous ?

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La question du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés est précise : dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes évoque la montée en puissance, dans la mission Culture, de la politique d'investissement et l'arrivée de travaux coûteux – elle cite notamment la restauration du château de Villers-Cotterêts et la rénovation du Centre Pompidou. Il faut naturellement se réjouir des investissements destinés à soutenir et valoriser le patrimoine, mais la Cour souligne que certains de ces travaux auraient pu être plus légers si l'État avait investi davantage dans la conservation, la préservation voire la prévention. Allez-vous tenir compte de ces recommandations ? Avez-vous l'intention de mettre en oeuvre une politique de prévention et de préservation anticipée du patrimoine ?

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Il est en effet nécessaire de clarifier les objectifs de politique publique assignés au CNC, d'une plus grande concertation et d'un renforcement du contrôle qu'exerce le Parlement. En octobre dernier, j'ai recommandé dans mon rapport que la nomination du président du CNC soit soumise à la procédure prévue par l'alinéa 5 de l'article 13 de la Constitution. Néanmoins, il est essentiel de réaffirmer que le modèle français de financement du cinéma a permis de préserver la vitalité de la création et de la diversité culturelle, ainsi que l'accueil des cinémas du monde.

Le cinéma est une industrie du prototype et du risque, et nous pouvons nous réjouir d'enregistrer encore 200 millions d'entrées en salle chaque année, alors chez certains de nos voisins, comme l'Italie, les cinémas sont tout simplement morts. La salle de cinéma est le lieu culturel de proximité par excellence.

Il va de soi que la commission des finances comme la commission des affaires culturelles sont très attachées aux enjeux d'évaluation. La Cour des comptes a jugé l'exécution budgétaire de la mission Culture satisfaisante, relevant même que la dépense avait été maîtrisée et le budget tenu en 2018. S'agissant de la question des crédits d'impôt chère au rapporteur général, nous avons obtenu, dans la dernière loi de finances, l'augmentation du crédit d'impôt sur les effets visuels. Les premiers résultats enregistrés en 2019 semblent nous donner raison : nous assistons à la relocalisation des effets visuels en France. Plus de 4 millions d'euros d'effets visuels ont été dépensés en France au premier trimestre 2019, soit le meilleur résultat depuis cinq ans. Comment pouvez-vous, monsieur le ministre, garantir l'évaluation la plus indépendante et pérenne qui soit des différents crédits d'impôt ? Le plus souvent, en effet, il appartient aux acteurs eux-mêmes de réaliser cette évaluation, pour laquelle l'Assemblée nationale ne dispose pas forcément des moyens nécessaires. Elle permettrait pourtant d'éclairer et d'apaiser nos débats.

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L'année 2019 est la première année d'exécution du plan de transformation de l'audiovisuel public tel qu'envisagé par le Gouvernement, qui impose aux sociétés de ce secteur de s'inscrire dans une trajectoire d'économies à hauteur de 190 millions d'euros entre 2018 et 2022, dont 160 millions au titre de France Télévisions et 20 millions au titre de Radio France.

La note d'exécution budgétaire 2018 relative au compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public en est une parfaite illustration. Alors qu'entre 2015 et 2017, sous la précédente législature, ces dotations ont toutes augmenté, elles sont en baisse depuis l'arrivée de la majorité actuelle. La dotation de Radio France, par exemple, a chuté de près de 18 millions d'euros entre 2017 et 2019, soit une baisse de 3 %. Ce coup de rabot a été accentué par les dernières annonces de Sibyle Veil et par son plan Radio France 2022 : ce ne sont pas 20 mais 60 millions qui devront finalement être trouvés en trois ans, dont 25 millions sur la masse salariale. Jamais la radio de service public n'a été aussi malmenée. Derrière ces chiffres, la perspective d'un plan de départs massif est dans tous les esprits. Pourtant, grâce aux efforts déjà réalisés, Radio France devrait atteindre l'équilibre cette année. France Inter est devenue la première radio de France. La question du groupe Socialistes et apparentés est donc la suivante : jusqu'à quel niveau poursuivrez-vous cette politique de coupes budgétaires sans nuire à la qualité de l'offre de Radio France, pourtant unanimement reconnue et saluée, comme en témoignent les audiences obtenues ?

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M. le ministre ne répondra pas sur-le-champ à ces questions mais s'engage à le faire par écrit dans les jours qui viennent. Je le remercie néanmoins pour sa présence.

La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend ensuite M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur.

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En 2018, à l'échelle de la mission Sécurités dans son ensemble, l'État a consommé 20,53 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 19,88 milliards d'euros en crédits de paiement, soit un taux d'exécution de 99,6 % et de 100,7 % par rapport à la loi de finances initiale. Romain Grau et moi-même allons vous présenter nos principales analyses et vous faire part de certaines de nos interrogations concernant le budget de la police, de la gendarmerie et de la sécurité routière.

L'année écoulée a été particulièrement éprouvante pour les forces de l'ordre, qui ont dû concilier le déploiement de la police de sécurité du quotidien avec la lutte contre la menace terroriste et, en outre, effectuer des manoeuvres de voie publique dans des contextes festifs ou plus revendicatifs, notamment en fin d'année. L'exécution budgétaire appelle trois remarques.

Tout d'abord, l'année 2018 marque le début de la mise en oeuvre du plan quinquennal de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes. L'objectif de créer 2 000 postes n'a été atteint qu'à 93,6 % en raison des fortes tensions pesant sur le titre 2, liées à la sollicitation exceptionnelle des fonctionnaires et militaires du ministère de l'intérieur au cours des derniers mois. Si la police a dépassé ses crédits de personnel de 3,3 %, la gendarmerie, quant à elle, n'a pu respecter son enveloppe qu'au prix de mesures de régulation pour un montant de près de 74 millions d'euros. Nous savons que vous veillerez au nécessaire rattrapage de cette trajectoire, monsieur le ministre.

Ensuite, les contraintes pesant sur la masse salariale et la surconsommation de 7,8 % des crédits de fonctionnement, principalement en raison du prix du carburant, ont entraîné un effet d'éviction en défaveur de l'investissement, dont l'enveloppe n'a été consommée qu'à 69,6 %. Toutefois, malgré des arbitrages en cours d'année, nous saluons les avancées réalisées sur deux sujets qui sont notre fil rouge au cours de la législature : un effort de près de 205 millions d'euros en matière immobilière et l'acquisition de 3 077 véhicules dans la police et 2 914 dans la gendarmerie.

Enfin, les crédits alloués au soutien aux deux opérateurs de la police – la gendarmerie n'en a pas −, à savoir l'École nationale supérieure de la police (ENSP) et l'Institut national de police scientifique, ont été consommés à 108,2 % par rapport à l'enveloppe prévue en loi de finances initiale. La situation de l'ENSP a donné lieu à plusieurs alertes récentes et nous comptons nous rendre prochainement sur l'un de ses deux sites.

Un mot de la sécurité routière : cette politique publique repose à la fois sur un programme de la mission Sécurités doté de 38,64 millions d'euros en crédits de paiement et sur le compte d'affectation spéciale (CAS) Contrôle de la circulation et du stationnement routiers, dit « CAS radars ». Les recettes du CAS sont supérieures de 9,3 % aux prévisions, mais ses dépenses le sont aussi de 9,6 %. Il en résulte un déficit de 3,5 millions d'euros qui, cependant, ne doit pas nous alarmer : le solde cumulé du compte est de 1,04 milliard d'euros depuis sa création en 2006.

L'année 2018 marque une rupture en matière de mortalité routière après plusieurs années de hausse, avec 181 décès de moins qu'en 2017 ; nous pouvons tous nous en féliciter. L'exercice a par ailleurs été marqué par trois éléments dont les conséquences ne pourront être évaluées qu'au cours des mois à venir : l'entrée en vigueur de la dépénalisation du stationnement payant, conformément à la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles de 2014, l'abaissement à 80 kilomètres par heure de la vitesse maximale autorisée sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, et les dégradations de radars – 2 410 radars ont été détruits et 577 abîmés, principalement l'été et en marge du mouvement dit des « gilets jaunes ». Le passage de leur taux de disponibilité de 93,1 % en 2017 à 88,9 % en 2018 ne manquera pas de réduire les recettes perçues en 2019 ; il faudra distinguer ce qui relève de dysfonctionnements ou du comportement des automobilistes. Je saisis cette occasion pour saluer les travaux de la mission d'information commune relative aux coûts de ce mouvement social, conduite par nos collègues Damien Abad, Roland Lescure et Jean-René Cazeneuve.

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Nous avons choisi de nous intéresser aux questions relatives aux ressources humaines dans les forces de sécurité intérieure, non seulement parce qu'elles sont au coeur des préoccupations des policiers et des gendarmes, que Mme Hai et moi-même rencontrons régulièrement, mais aussi parce qu'il s'agit d'un élément essentiel de l'efficacité des politiques publiques conduites dans ce domaine. Pour ce faire, nous avons suivi trois axes.

Premièrement, nous nous sommes penchés sur régime indemnitaire des policiers et gendarmes nationaux. Plutôt que de décrire les déterminants de leur traitement, nous avons préféré dresser un bilan d'étape de l'application des trois derniers protocoles sociaux et des négociations en cours. Si l'application du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » a été décalée d'un an, les choses sont en bonne voie concernant le protocole d'avril 2016 : ainsi, 44 des 47 textes prévus pour la police ont été publiés, ce qui a permis de faire progresser les volumes d'avancement, de rénover le management des corps et de reconnaître certaines sujétions particulières, telles que les sujétions afférentes à la qualité d'officier de police judiciaire.

De même, des annonces importantes ont été faites en décembre 2018 et ont été perçues avec satisfaction par les agents que nous avons rencontrés depuis lors, avec la revalorisation de l'allocation de maîtrise – déjà 40 euros par mois, plusieurs tranches restant à venir – et de l'indemnité de sujétions spéciales, une prime de 200 à 300 euros pour les agents mobilisés les samedis de novembre et décembre, ou encore l'ouverture d'une série de discussions sur la filière investigation et sur la fidélisation, entre autres.

Ensuite, nous avons abordé les questions du temps de travail sous trois angles : les heures supplémentaires, qui ne concernent bien sûr que la police, avec un stock de 16 millions, les cycles – nos visites sur le terrain nous ont montré que l'organisation en « vacation forte » présente de l'intérêt pour certains, et est source de lourdeur pour d'autres – et, enfin, l'enjeu des retraites, avec la nomination d'un conseiller auprès de chacune des deux directions générales, celle de la police et celle de la gendarmerie.

Troisièmement, nous nous sommes penchés sur la question des réserves opérationnelles. À notre demande et celle de notre collègue Olivier Gaillard, député du Gard, rapporteur spécial des crédits de la mission Défense, elle a fait l'objet d'une enquête de la Cour des comptes au titre du 2° de l'article 58 de la LOLF. Nous remercions chaleureusement Mmes Saliou et Bronnec, magistrates à la quatrième chambre, qui ont produit un travail d'excellente qualité, dont nous laissons la primeur de la présentation officielle au Premier président tout en retenant le constat ambivalent qui en découle : l'incontestable utilité des réservistes, qui représentent environ 5 % de l'empreinte au sol quotidienne de la gendarmerie et 1 % de celle de la police, mais également la nécessité de veiller à un financement adéquat et cohérent.

Au fil de nos rencontres avec les partenaires sociaux et la hiérarchie et de nos visites sur le terrain, nous avons fait le constat très positif de l'implication exceptionnelle et admirable des femmes et des hommes qui exercent dans les forces de police et de gendarmerie nationales au service de la sécurité de tous les Français. Ce travail d'évaluation nous incite à vous poser quatre questions, monsieur le ministre. Comment comptez-vous poursuivre la trajectoire des recrutements, sachant que tous les interlocuteurs que nous avons rencontrés s'accordent à dire que les effets de la politique de recrutement conduite depuis deux ans sont de mieux en mieux perçus sur le terrain ? Ensuite, nous retenons de nos déplacements que l'obtention de la qualification d'officier de police judiciaire suscite des difficultés et des tensions dans les services. Quelle analyse en faites-vous et quelles mesures envisagez-vous ? En ce qui concerne les retraites, quelle est votre position dans le débat sur la parité de la police avec la gendarmerie quant à la bonification quinquennale, au cumul avec un emploi et au bonus pour dépaysement ? Enfin, quelles pistes envisagez-vous concernant les heures supplémentaires ?

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En 2018, nos forces de sécurité, en particulier la gendarmerie nationale, sont restées fortement mobilisées en raison non seulement de la menace terroriste mais aussi d'événements sportifs tels que la coupe du monde de football et, depuis le mois de novembre, du mouvement des « gilets jaunes », à quoi s'est notamment ajoutée l'évacuation de la zone d'aménagement différé de Notre-Dame-des-Landes. La gendarmerie départementale, chargée en théorie d'assurer la sécurité publique, et les gendarmes adjoints volontaires ont été amenés à participer au maintien de l'ordre. Quant à la gendarmerie mobile, elle est sous tension depuis le 17 novembre – soit depuis près de sept mois ! – et son engagement opérationnel est constant, surtout le week-end. Je ne citerai qu'un chiffre : le 8 décembre dernier, la gendarmerie a été capable de mobiliser au pied levé plus de 65 000 gendarmes, dont plus de 5 000 réservistes. S'agissant de la lutte antiterroriste, l'année 2018 a été tristement marquée par les attaques de Trèbes, de Paris et de Strasbourg. Je saisis donc l'occasion de ce bilan de l'exécution 2018 pour rendre hommage à l'ensemble des forces de la gendarmerie nationale comme à celles de la police nationale et de la sécurité civile, qui oeuvrent chaque jour pour garantir la sécurité des Français.

En 2018, l'exécution du programme 152 de la mission Sécurités a été marquée par le début de la mise en application du plan de recrutement annoncé en octobre 2017. Le rythme très soutenu de recrutement s'est accompagné de tensions concernant l'exécution des crédits de masse salariale, les prévisions de dépenses de rémunérations étant apparues supérieures aux crédits disponibles. Il a donc été nécessaire de procéder au dégel intégral de la réserve de précaution sur le titre 2 hors CAS Pensions et, d'autre part, de prendre d'importantes mesures d'économies et de redéploiement de crédits, que la Cour des comptes qualifie de « pratiques budgétaires contestables ». Comme je le soulignais déjà l'automne dernier, la gendarmerie a fait face à une sous-budgétisation initiale de 43 millions d'euros sur les dépenses de rémunération. Elle a donc décalé le calendrier des incorporations, réduit pour partie la durée de formation initiale des gendarmes et diminué les crédits alloués à la réserve opérationnelle. En conséquence, la rémunération des réservistes a été différée à l'exercice 2019 à hauteur de 19 millions d'euros. Or, la réserve opérationnelle ne saurait constituer chaque année une variable d'ajustement : les réservistes représentent une ressource inestimable ! Selon la Cour des comptes, de nouvelles tensions concernant l'exécution des crédits de masse salariale sont hautement prévisibles, compte tenu du poids conjugué des recrutements et des revalorisations salariales. Comment le ministère de l'intérieur compte-t-il interrompre cette mécanique infernale ?

La hausse d'effectifs qui est prévue entre 2018 et 2022 ne s'accompagne pas d'un effort suffisant dans le domaine de l'équipement. En 2018, les dépenses d'équipement de la gendarmerie étaient en nette diminution pour toutes les catégories de matériel, sauf l'habillement. Comment résoudre cette difficulté, monsieur le ministre ?

Quant aux dépenses de fonctionnement, elles se sont avérées supérieures à la programmation initiale, notamment en raison d'une hausse de 13 % des frais de fonctionnement de la gendarmerie mobile, de l'intensité de l'activité opérationnelle et de la hausse du prix des carburants. S'agissant du carburant, il ne s'agit certes pas d'une « dépense obligatoire », mais tout de même absolument nécessaire à la continuité du service !

Monsieur le ministre, comme je le disais déjà en juin 2018, le niveau d'engagement des forces de sécurité intérieure plaide pour une prévisibilité maximale des ressources allouées aux forces et pour que la sincérité du budget de la sécurité soit totale. C'est pour moi une question de transparence et d'honnêteté intellectuelle. On ne peut voter un texte à l'automne pour le voir modifier en gestion dès le mois de janvier ! La Cour des comptes le dit : la sous-budgétisation est due, à 85 %, à des erreurs de prévision et à des mesures mal prises en compte. La nécessité d'une loi de programmation pour la sécurité intérieure, que j'appelais déjà de mes voeux il y a plus d'un an sur la base des observations de la Cour des comptes et de l'exécution de la loi de finances pour 2017, semble désormais d'une actualité plus ardente encore. Cette loi sanctuarisait des moyens dans le temps, ce qui présenterait l'avantage de donner de la lisibilité aux dirigeants des forces de sécurité intérieure. Elle doit être l'aboutissement d'un travail collectif d'élaboration d'un livre blanc identifiant des objectifs ambitieux et structurants. Le ministère de l'intérieur dont vous avez la charge est un ministère régalien, comme ceux de la défense et de la justice. Ces deux derniers disposent déjà d'une loi de programmation. Quand saisirez-vous le Parlement de ce projet de loi programmatique tant attendu pour la sécurité des Français ?

Enfin, à court terme, la réserve de précaution devrait pouvoir être levée, en partie au moins, dès le début de l'exercice budgétaire, afin de donner toutes les marges de manoeuvre nécessaires aux responsables de programme. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?

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Cette mission est difficile – je parle de la mission budgétaire, bien entendu.

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Christophe Castaner, ministre de l'intérieur

Celle du ministre l'est aussi...

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Il est là pour ça...

Il est difficile dans le contexte actuel d'éviter des tensions fortes sur les dépenses de personnel – l'inverse serait même curieux – entraînant des effets d'éviction sur les dépenses d'investissement, car il faut récupérer des crédits çà et là pour s'assurer que l'exécution soit conforme à l'autorisation votée. S'y ajoute le début de la mise en oeuvre du plan présidentiel de recrutement. Encore une fois, dans ce contexte particulièrement compliqué, qui m'interdit de jeter l'anathème sur de quelconques mouvements de crédits, je ferai le point sur le plan d'embauche des forces.

Depuis plusieurs années, la subvention octroyée à l'ENSP est régulièrement majorée. Cette situation financière jugée difficile n'est pas nouvelle ; pouvez-vous dresser l'état des lieux de la situation de cette école et de ses difficultés désormais récurrentes ?

S'agissant du régime indemnitaire, qui a fait l'objet de l'évaluation réalisée par les rapporteurs spéciaux, la Cour des comptes note que contrairement à la gendarmerie, la police n'a pas réellement fait le choix d'un élargissement volontariste du vivier des réservistes. La contrainte budgétaire « ne saurait en être l'unique raison », précise-t-elle dans sa sémantique sibylline. Que pensez-vous de ce jugement sur le statut particulier des réservistes ?

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Franck Riester, ministre de la culture

La mission Sécurités est la principale mission du budget du ministère de l'intérieur. En 2018, son montant s'élève à quelque 12,9 milliards d'euros ; c'est dire l'importance de ces crédits consacrés à une ambition qui nous rassemble tous, celle de porter au meilleur niveau la sécurité de nos concitoyens. Chacun connaît les enjeux et le caractère sensible de ce sujet. Depuis que j'ai pris mes fonctions, j'ai coutume de rappeler que le débat ne consiste pas à établir si le sentiment d'insécurité existe ; il existe de toute façon et nos concitoyens le subissent comme une pression qu'il faut combattre.

Du coup, nous sommes amenés à faire un certain nombre de choix. Or il est difficile de faire des arbitrages lorsque les crédits d'un ministère, en particulier ceux de la mission Sécurités, concernent principalement des dépenses de personnel. Sans doute la difficulté d'arbitrer est-elle aussi due au fait que pendant des années, la question du recrutement s'est exclusivement posée en termes quantitatifs. Je constate à chacun de mes déplacements, comme vous devez le faire dans vos circonscriptions, que l'on nous demande systématiquement plus d'emplois, alors même qu'il faut également accomplir des réformes en profondeur dans ce ministère, qui ne l'ont pas toujours été ces dernières années.

Le budget pour 2018 fut la première illustration visible de l'engagement que le Président de la République avait pris et des moyens que vous lui avez donnés, avec une augmentation de 206 millions d'euros des crédits de la mission Sécurités, augmentation confortée par la hausse de 344 millions d'euros votée dans la loi de finances pour 2019.

Rappelons quels en sont les axes principaux. On ne saurait tout envisager à l'aune de la seule politique de recrutement mais celle-ci reste essentielle : la rapporteure spéciale a rappelé le plan de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes d'ici à la fin du mandat. Je rappelle la situation dans laquelle nous nous trouvions : 12 519 postes ont été supprimés entre 2007 et 2012, la politique de recrutement a été relancée à partir de 2015, mais n'a pas permis de rattraper le retard accumulé sous la mandature précédente. Depuis le début du quinquennat, le solde est négatif à hauteur de 3 682 postes, eu égard aux suppressions survenues puis à la relance du recrutement. C'est pourquoi nous nous sommes engagés en faveur d'une trajectoire de recrutement de 2 000 policiers et gendarmes supplémentaires en 2018, car ils sont des acteurs de la sécurité. Cet objectif a été atteint : 1 084 policiers, 492 gendarmes, 359 agents des services de renseignement ont été recrutés, à quoi, s'ajoutent 30 équivalents temps plein (ETP) dans les préfectures et 35 autres dans la sécurité civile, soit un total de 2 000 emplois, conformément à l'engagement pris.

De même, nous nous sommes engagés à prolonger cet effort en recrutant 2 500 policiers et gendarmes en 2019 ; ce sera fait. Cette montée en puissance est essentielle mais, encore une fois, la question du recrutement n'est pas la seule à prendre en compte.

Autre question importante, en effet : les équipements. Ils sont au rendez-vous : en 2018, 230 millions d'euros ont été consacrés à l'équipement des forces, dont 151 millions pour la commande de 6 000 véhicules répartis à parts égales entre la police et la gendarmerie. Les véhicules ont bien été commandés et livrés. Par comparaison, c'est un millier de véhicules de plus qu'en 2017 pour la police, et le double du budget consacré à cette dépense en 2012. Le retard accumulé et le vieillissement des véhicules supposent des investissements massifs, que vous avez autorisés en adoptant le budget pour 2018 et qui se poursuivent en 2019.

Il faut aussi moderniser l'équipement et les outils du quotidien : je pense aux 9 400 caméras piétons et aux 80 000 tablettes et smartphones nouvel équipement opérationnel (NEO) financés et déployés en 2018.

L'enjeu immobilier est majeur. C'est pourquoi 300 millions d'euros sont mobilisés chaque année pour la police et la gendarmerie dans le cadre d'un programme pluriannuel. Ils ont été engagés en 2018 selon des conditions d'exécution décalées dans le temps de la réalisation des opérations, parfaitement conduites : c'est le cas des projets immobiliers d'Annemasse, de Bourgoin-Jallieu et de Saint-André à La Réunion pour la police et, pour la gendarmerie, des projets de Melun, Marseille, Chaumont et Dijon. L'année 2018, comme cela a été rappelé, est aussi celle de la mise en place de la police de sécurité du quotidien, qui ne recouvre pas qu'une question de moyens mais aussi de doctrine. Il s'agit de favoriser le sur-mesure et la proximité avec la population, plus naturelle en milieu rural qu'en zone urbaine. Le sur-mesure se justifie parce que les politiques de sécurité diffèrent fortement selon que l'on se trouve à L'Argentière-la-Bessée ou dans une très grande ville comme Forcalquier – clin d'oeil au rapporteur général, du haut de ses montagnes...

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Franck Riester, ministre de la culture

Je pense aux quartiers, mais aussi aux montagnes et à leurs spécificités hivernales, ou encore aux stations balnéaires. Il faut y adapter la police sur mesure, comme je le rappelle constamment lors de mes déplacements. Cette présence prend des formes différentes. Elle est le fruit d'un travail conduit en lien avec les bailleurs sociaux et les travailleurs sociaux. Les modes de déplacement diffèrent selon les cas, avec des brigades territoriales de contact pédestres ou en vélo tout-terrain. Pour ce faire, il faut des moyens et des responsabilités budgétaires dans chaque commissariat et gendarmerie, avec des capacités d'intervention.

Plus globalement, il nous faut mener le combat indispensable de la reconquête républicaine. Il est trop tôt pour dresser le bilan de ces dispositifs mais il faut les évaluer constamment ; vos questions en montrent toute l'importance.

Autre volet majeur de notre action : la sécurité civile. Avec M. de Rugy, nous avons lancé hier la saison dite des « feux » : le déficit hydrique, qui touche toute la France, suscite des inquiétudes particulières au sujet du risque d'incendie dans le Sud. Nous avons donc lancé cet appel à la mobilisation. Nous recevrons dans quelques jours le premier d'une série de nouveaux avions multirôles Dash – surnommés les « couteaux suisses » par leurs pilotes – essentiels à la lutte contre les incendies. Vous avez autorisé, dans les deux derniers budgets, le lancement de commandes pluriannuelles de six Dash supplémentaires, afin de porter leur nombre à huit : ce sont les avions d'attaque des incendies les plus efficaces dont nous disposons.

Un mot sur le volet essentiel de la sécurité routière : notre action porte ses fruits mais nous avons connu des difficultés, liées notamment à la neutralisation d'un grand nombre de radars. Je vous confirme la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre un plan décidé il y a déjà quelques années de substitution des radars anciens par des radars tourelles. Leur efficacité sera plus grande même si leur nombre n'augmentera guère, car ces radars sont mobiles et, de ce fait, ont la vertu de la prévention : l'automobiliste ralentit lorsqu'il voit un radar, mais ne sait pas s'il est pris en photo ou pas. Nous allons donc renforcer ce dispositif, ce qui aura des conséquences budgétaires, notamment sur le financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France et sur le décalage entre les dotations octroyées aux collectivités locales et les crédits disponibles.

J'en viens aux questions des rapporteurs. M. Grau et Mme Bono-Vandorme ont évoqué la sous-budgétisation de la gendarmerie nationale. Avant toute chose, je fais miens les propos de la rapporteure pour avis qui a salué l'engagement actif et total des forces de gendarmerie, auxquelles j'associe la police et la sécurité civile : 2018, en effet, n'aura pas été une année simple.

Vous évoquez le besoin de 43 millions d'euros apparu en cours d'année et financé par des reports de charge pour 19 millions et par des mesures d'économie pour 24 millions.

Le ministère de l'intérieur utilise le budget que vous votez. Si vous faites en sorte qu'il y ait des crédits supplémentaires, les ministres, quels qu'ils soient, sont toujours ravis. Il faut ensuite répartir les moyens entre les différentes forces selon des règles communes. Dans la préparation puis l'exécution budgétaire, chacun doit contribuer à la clarté des décisions : le Gouvernement lors des arbitrages, les parlementaires au moment du vote, le ministre au moment de l'exécution.

En ce qui concerne la réserve, je note une tendance à la forte augmentation de ses moyens. Depuis 2013, les budgets dédiés à la réserve de la gendarmerie ont été multipliés par trois et le niveau d'exécution budgétaire d'une année a toujours été supérieur à celui de l'année précédente, même l'an dernier, ce qui témoigne d'une ambition forte dans ce domaine.

Vous évoquez la diminution de certaines ressources exceptionnelles qui n'étaient plus disponibles à la même hauteur en 2018. L'exécution budgétaire nous permet de constater ces évolutions et de nous y adapter : on ne peut pas dépenser de l'argent que l'on n'a pas. Chaque force de sécurité doit faire cet effort d'adaptation.

Il y a un vrai débat sur la budgétisation de la masse salariale. C'est un exercice compliqué pour la police comme pour la gendarmerie : il faut anticiper des dizaines de milliers de décisions individuelles. Deux ministères, celui de l'intérieur et celui de l'éducation nationale, les plus gros pourvoyeurs d'emplois, rencontrent des difficultés dans ce domaine. Cela nous vaut quelques rappels à l'ordre amicaux de Bercy au moment de l'exécution budgétaire. Les besoins s'expliquent par différents facteurs plus ou moins maîtrisables : un nombre de départs en retraite moins important que prévu ; des recrutements qui se sont portés davantage sur des personnels confirmés que sur des élèves à leur sortie d'école. Quoi qu'il en soit, nous devons veiller à ce que la budgétisation soit conforme à ce que nous vous présentons. Nous devons donc progresser en la matière.

Il peut aussi exister des sous-budgétisations problématiques. En 2015 et 2016, par exemple, les créations de postes massives ont été sous-estimées sur le plan budgétaire. Les répercussions se sont fait sentir au cours des exercices suivants. De la même façon, la modélisation du glissement vieillesse technicité s'est révélée insuffisamment précise. Nous devons maintenant y faire face.

Comme vous, madame la rapporteure pour avis, je suis convaincu qu'il est important d'avoir une loi de programmation et je vais oeuvrer en ce sens, ainsi que je m'y suis engagé. Son élaboration passe par un processus de coconstruction avec les parlementaires et aussi avec les citoyens par le biais d'un grand débat national sur les enjeux de sécurité. Je souhaite qu'il y ait des réunions ouvertes et publiques dans chaque gendarmerie et dans chaque commissariat. Ces réunions donneront l'occasion de montrer que ces bâtiments sont ouverts au public et elles conduiront à la rédaction d'une sorte de livre blanc, source d'inspiration pour la loi de programmation.

L'ENSP est dans une situation financière difficile, le rapporteur général et le rapporteur spécial l'ont souligné. La situation s'est dégradée au cours des dernières années, je vous le confirme. Première raison : la diminution des recettes externes de l'école provenant de projets européens ou de l'Agence nationale de la recherche. Deuxième raison : le dynamisme des missions de formation initiale et continue. Troisième raison : le lancement d'une stratégie de rationalisation de la trésorerie qui dépassait trois mois d'activité en 2015. Le déficit atteignait 3 millions d'euros en 2016, 1,1 million d'euros en 2017 et 249 000 euros en 2018. Il était nécessaire d'agir. En 2018, le ministère de l'intérieur a décidé d'augmenter de 1,5 million d'euros la subvention versée à l'opérateur pour lui permettre de stabiliser sa trésorerie à un peu moins de 2 millions d'euros, et surtout de faire face à un plan de charge pédagogique en matière de formation initiale et continue dans de bonnes conditions. En 2019, les perspectives sont plutôt bonnes pour l'école qui devrait afficher un excédent de 650 000 euros. Ce redressement est dû à l'apport financier du ministère de l'intérieur et à un changement de stratégie plutôt efficace.

Vous m'avez interrogé sur les pistes de réflexion engagées afin de résorber le flux et le stock d'heures supplémentaires. Nous sommes en cours de négociation avec les partenaires sociaux. Le ministère doit trouver les moyens de payer sa dette à l'égard de ses collaborateurs tout en évitant la reconstitution du flux. On peut trouver 260 millions d'euros, même si ce n'est pas si facile, mais il ne faudrait pas que la facture se reconstitue dans la foulée. Les négociations en cours portent donc sur la manière dont nous allons honorer cette dette, mais aussi sur des mesures d'organisation et de responsabilisation qui permettront de favoriser le recours aux compensations horaires, de rendre opposable la récupération des heures supplémentaires et surtout de définir des volumes d'heures supplémentaires annuelles au niveau de chaque service.

Quelle est la réalité de ce stock d'heures supplémentaires ? Au terme de la mission que je lui avais confiée, l'Inspection générale de l'administration tire une conclusion assez claire : le stock est réel et il résulte de la réglementation applicable ; il n'a pas été constaté d'anomalies ou de pratiques irrégulières. J'espère que je pourrai cette année proposer un système qui permette d'entrer dans un processus de résorption de ces heures et d'éviter leur reconstitution.

Autre sujet : le manque d'officiers de police judiciaire. La filière attire moins de candidats parce que le métier est trop complexe et que, aux yeux de certains, la procédure pénale est devenue un exercice jugé trop administratif et de coup moins intéressant. Pour remédier à ce manque d'intérêt, nous avons tenté quelques solutions indemnitaires qui peuvent ne pas suffire. Nous en discutons avec les partenaires sociaux mais j'aimerais aussi adresser un message aux parlementaires que vous êtes : la simplification de la procédure pénale pourrait peut-être redonner du goût à ce métier qui était, il fut un temps, le plus attractif de la police et de la gendarmerie, mais qui ne l'est plus forcément à présent.

La question de la réserve se pose aussi pour la police nationale où la situation est en train d'évoluer. La police nationale a longtemps utilisé des réservistes qui étaient ses propres retraités ou des spécialistes. Un projet de réforme globale du dispositif a été lancé. Il s'agit de permettre à des réservistes qui ne sont ni retraités des corps actifs de la police nationale ni d'anciens adjoints de sécurité de pouvoir réaliser, après une période de formation, des missions de nature opérationnelle, en uniforme et armés, à l'exception évidemment des missions de maintien et de rétablissement de l'ordre public qui impliquent une technicité et que nous ne pouvons pas confier à des réservistes.

Monsieur Grau, je vous remercie de m'avoir interrogé sur les retraites, j'aurai été déçu que cette question ne me soit pas posée, même si elle est assez éloignée de l'évaluation du budget de 2018... En matière de pensions de retraite, la parité entre les forces n'est pas complète et les règles de calcul sont déjà très différentes : pensions de jouissance immédiate et carrières plus courtes pour les sous-officiers de gendarmerie ; pensions de droit commun et carrières plus longues dans la police. Cette distinction répond aussi à la différence entre les pensions civiles et les pensions militaires. Les travaux conduits par M. Delevoye, que j'ai rencontré à plusieurs reprises, ne devraient pas remettre en cause cette distinction-là.

Faut-il faire converger les systèmes des deux forces ? Dans certains domaines, comme les règles relatives au cumul emploi-retraite, le débat mérite d'être ouvert. Nous aurons l'occasion d'en discuter ensemble. Les règles qui s'appliquent dans la gendarmerie pourraient être une source d'inspiration pour la police.

Vous êtes des élus territoriaux et vous connaissez, par exemple, les difficultés auxquelles nous faisons face pour recruter des policiers municipaux. Dans leur rapport, vos collègues Fauvergue et Thourot font des propositions pour simplifier la reconversion possible de certains policiers ou gendarmes. Sur ses sujets, nous pourrions trouver des positions convergentes. Quoi qu'il en soit, je pense qu'il faut maintenir le statut militaire et le statut spécifique de la police, compte tenu des missions que ces personnels remplissent.

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En 2018, la mission Administration générale et territoriale de l'État aura mobilisé 2,756 milliards d'euros d'autorisations de programme et consommé 2,821 milliards de crédits de paiement. La diminution des dépenses, par rapport à l'année précédente, réside dans l'évolution des besoins pesant sur le programme 232 au titre de l'organisation des élections après la séquence électorale majeure de 2017.

Par rapport aux ressources inscrites, les taux d'engagement et de consommation sont voisins de 100 %. L'exécution des dépenses apparaît exempte de tension particulière et elle n'a nécessité la prise d'aucun décret d'avance. Les mesures de la loi de finances rectificative ont été suffisamment anticipées pour qu'il y ait un bon déroulement de la fin de gestion. En outre, les responsables programme ont pu trouver une latitude nouvelle grâce à la baisse du taux de mise en réserve initiale des crédits. Je vous renvoie au rapport spécial pour l'exécution en 2018 de chacun des programmes.

Avec 32 567 équivalents temps plein travaillé (ETPT), l'exercice 2018 s'achève sur une hausse des effectifs de la mission. Le renforcement ainsi observé interrompt un mouvement de baisse continu depuis 2015. Il bénéficie, pour l'essentiel, au programme 216. En revanche, l'administration territoriale poursuit la réduction de ses effectifs de 326 ETPT. À la suite du plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG), les effectifs de l'administration territoriale ont atteint un niveau plancher : 25 659 ETPT.

En dernier lieu, le bilan de l'exécution révèle une sous-consommation du plafond d'emplois d'environ 500 ETPT. D'un montant de 1,966 milliard d'euros, les dépenses de personnel progressent de 0,90 % en 2018, marquant une nette décélération par rapport à l'année 2017 durant laquelle elles avaient progressé de 2,12 %.

J'en viens à présent aux conclusions des travaux de contrôle que j'ai consacrés au PPNG et aux nouvelles procédures de délivrance des titres. Cette réforme engagée en 2015 visait à la réorganisation de la délivrance de quatre titres : la carte nationale d'identité (CNI), le passeport biométrique, le permis de conduire et les certificats d'immatriculation de véhicule.

Quels enseignements peut-on en tirer ? Au plan opérationnel, l'année 2018 marque l'achèvement de la mise en place du nouveau dispositif. Le dépôt des demandes s'accomplit désormais par le biais de téléprocédures ; leur traitement incombe à cinquante-cinq centres d'expertise et de ressources spécialisés par titre. Trois centres ultramarins s'ajoutent à ces plateformes.

En application de la politique de repyramidage des effectifs, la répartition entre catégories d'agents évolue conformément à la composition visée pour 2020. La part des catégories A et B se renforce, celle de la catégorie C diminue principalement en raison des départs en retraite – 1 132 départs. Les mobilités professionnelles organisées semblent donner satisfaction dans l'ensemble, même si certaines reconversions individuelles ne vont pas de soi dans le cadre de concours ou d'examens professionnels. Un vaste plan de formation a été lancé au bénéfice de l'encadrement et des agents.

Au premier semestre 2018, l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) a été confrontée à des difficultés dans la délivrance des cartes grises. Cette crise s'est manifestée par des anomalies techniques et une disponibilité insuffisante du site de l'ANTS. À l'évidence, les dysfonctionnements subis tenaient pour beaucoup à des flux et à des situations spécifiques insuffisamment anticipées, ainsi qu'à un manque de progressivité dans le mouvement de transformation décidé. Dans le cadre d'un pilotage de gestion de crise, l'ANTS a renforcé ses équipes, et elle est parvenue à assurer une mise à jour mensuelle de ses outils applicatifs afin de les adapter aux besoins.

Au plan budgétaire, le PPNG a permis au ministère de l'intérieur de tenir les engagements pris. Il a abouti à la suppression de 1 300 ETPT en trois ans, de 2016 à 2018. Les économies récurrentes dégagées par la réduction de ces effectifs sont estimées à environ 70 millions d'euros par an. Toutefois, les éléments communiqués par le ministère de l'intérieur, donnent à penser que ce repyramidage s'accompagne de surcoûts en raison d'une mesure catégorielle spécifique qui tend à réduire les économies dégagées.

La Cour des comptes remarque un accroissement de la consommation des crédits, inhérent au recrutement d'un nombre grandissant de contractuels depuis 2010. Si l'on comprend l'intérêt que présente ce type de recrutement sur le plan de la gestion, il laisse des interrogations sur les garanties offertes aux usagers et aux personnels.

Sur le plan de l'efficacité des procédures, l'année 2018 apparaît comme un exercice que l'on pourrait qualifier de consolidation. De fait, les données transmises sur les délais ainsi que les indicateurs de la maquette de performance donnent à voir des résultats parfois contrastés. Pour la délivrance des CNI et des passeports, les délais moyens s'élèvent respectivement à quinze et à seize jours. On remarquera la relative contre-performance enregistrée en ce qui concerne le pourcentage de passeports biométriques et de CNI mis à disposition dans le délai de quinze jours. Ces résultats s'expliquent par la hausse exceptionnelle – environ 24 % – du volume des demandes de titres en 2018. Il conviendrait toutefois de compléter ces informations par des indications sur les délais des prises de rendez-vous proposées par les collectivités : on constate une très grande hétérogénéité au niveau national. Du point de vue de l'usager, c'est la totalité des délais qu'il faut prendre en compte.

S'agissant des certificats d'immatriculation, le délai moyen de délivrance s'établit à cinq jours à l'échelle nationale ; il se réduit à trois jours pour les certificats d'immatriculation dont la demande émane directement des professionnels. La saisie directe dans le système d'immatriculation des véhicules concerne 80 % des demandes. Le délai d'instruction des demandes adressées aux centres d'expertise et de ressources titres (CERT) peut atteindre jusqu'à vingt-cinq jours car elles sont souvent plus complexes.

Le PPNG comprend des spécificités mais il mérite que l'on en approfondisse le bilan en raison du triple mouvement qu'il engendre : réorganisation des services de l'État, décentralisation vers les collectivités, dématérialisation des procédures. La Cour des comptes y travaille. Il s'agit en particulier d'éclairer le projet décidé par le Président de la République, sous le vocable France services.

À cet effet, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur les points suivants.

Au regard du nombre croissant de titres à délivrer et des perspectives d'évolution offertes par la dématérialisation, n'y a-t-il pas lieu de reconsidérer le montant des ressources de l'ANTS, qui s'élève à environ 234 millions d'euros, en revalorisant la part des taxes affectées et en reconsidérant le coût et la nature des prestations qu'elle demande à l'Imprimerie nationale ?

À la suite de la fermeture des guichets en préfecture, 320 points numériques ont été déployés, dont 210 en sous-préfecture, en s'appuyant sur des jeunes qui accomplissent leur service civique. Cette initiative permet d'augmenter le nombre de lieux où les usagers peuvent s'adresser, mais ne doit-on pas se préoccuper de la perte de qualification que l'on pourrait reconquérir par la création d'une véritable filière de métiers de médiateurs numériques ?

Des ajustements dans les ressources et la répartition des CERT sur les territoires vous paraissent-ils souhaitables au regard de l'évolution de la demande de titres ou d'éventuelles disparités territoriales dans les délais de traitement ?

Afin d'assurer la bonne participation des communes à la délivrance des CNI et des passeports, le ministère de l'intérieur envisage-t-il la possibilité de modifier la procédure en ce qui concerne l'organisation des rendez-vous dans les mairies, le nombre et de la localisation des dispositifs de recueil, ou les modalités de remise des titres aux administrés par l'intermédiaire des communes ? Les maires ruraux notamment ont demandé à participer à la délivrance des titres. Lors de son déplacement en Saône-et-Loire, le Président de la République s'était montré sensible à cette demande.

Quelle mesure le ministère de l'intérieur envisage-t-il afin de poursuivre l'amélioration de l'usage des téléprocédures et du fonctionnement des applicatifs ?

Afin de réduire les délais de traitement des demandes de titres et, le cas échéant, d'approfondir les téléprocédures, le ministère de l'intérieur a-t-il identifié des normes qu'il conviendrait de simplifier ? Sans simplification des normes, la dématérialisation peut se révéler assez complexe à rendre efficace.

Au-delà du dispositif actuel et au regard des coûts de production, ne conviendrait-il pas d'évaluer le bien-fondé de certains supports physiques de certains titres ?

Dans le temps qui m'est imparti, je voulais remercier vos services pour l'accueil qu'ils m'ont réservé, que ce soit en préfecture, chez l'opérateur ou au ministère. Je remercie également les représentants des organisations syndicales, que j'ai rencontrés à quatre reprises depuis deux ans.

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Dans vos questions précises et incisives, je reconnais le grand expert que vous êtes des mécanos des politiques publiques.

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Tout d'abord, je tenais à vous remercier, monsieur le ministre, pour vos réponses très précises au questionnaire que je vous avais adressé.

Mon intervention portera sur quatre sujets mais je vais être bref sur celui de la délivrance des titres, l'exposé de Jacques Savatier ayant été très complet en la matière. Je soulignerais néanmoins que cette délivrance est satisfaisante pour les permis de conduire mais beaucoup moins pour les passeports biométriques et les CNI. Dans ces deux derniers cas, les taux de délivrance en moins de quinze jours sont très en deçà des objectifs et même des taux observés en 2017. Depuis 2017, le taux de délivrance en moins de quinze jours est passé de 70 % à 53,2 % pour les passeports, et de 78 % à 58 % pour les CNI.

Mon deuxième sujet est le contrôle de légalité dans les préfectures, auquel je m'intéresse depuis trois ans. Une fois encore, je déplore la faiblesse des moyens consacrés à ce qui est pourtant une mission que les préfets tiennent directement de la Constitution. L'article 72 assigne au représentant de l'État dans le département « la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ».

Cette question de l'égale application de la loi, pour tous et partout à travers le territoire, a été très présente dans le grand débat national, organisé en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». On ne peut malheureusement pas répondre de manière satisfaisante à cette demande en raison de la faiblesse du contrôle de légalité.

Dans le rapport annuel de performances, on lit que 3 000 ETP sur 26 000 sont dédiés à ces missions de contrôle de légalité ou de conseil aux collectivités locales. En réalité, au vu des réponses au questionnaire que je vous ai adressé et du système de comptabilité analytique ANAPREF, on se rend compte que seulement 969 agents sont répartis sur le contrôle de légalité, dont 160 fonctionnaires de catégorie A. Dans certains départements assez importants, il n'y a même pas un seul fonctionnaire de catégorie A à temps plein sur ces missions : 0,3 ETP de catégorie A dans la Somme ; 0,5 dans le Doubs, 0,5 en Savoie, 0,4 en Haute-Loire, 1,5 dans les Hauts-de-Seine. C'est assez inquiétant.

Ce contrôle s'effectue de manière très différente selon les départements, comme le montrent les données très intéressantes que vous m'avez fournies. Dans certains départements, c'est un encéphalogramme plat. Il y a des lettres d'observation, notamment sur les questions d'urbanisme qui passionnent les directions des territoires. D'ailleurs, sur l'élaboration des plans locaux d'urbanisme, les contrôles s'apparentent davantage à un avis d'opportunité qu'à un véritable contrôle de la loi... Passons. Même en matière de commande publique, le contrôle semble être devenu très formel et peu détaillé alors que la circulaire de janvier 2011, celle qui fait référence, en faisait une priorité.

La méconnaissance, par exemple, de règles de prise illégale d'intérêt ne paraît pas susciter beaucoup d'observations ou de mises en garde. Dans un cas précis, une préfète m'a rétorqué que je n'avais qu'à informer le procureur, en application de l'article 40 du code de procédure pénale. Je lui ai rappelé que c'était son métier de le faire sur la base des éléments assez précis qu'elle avait déjà à sa connaissance. Le signalement au parquet est une tradition qui semble aussi avoir pratiquement disparu. C'est un hiatus par rapport aux obligations que le législateur crée en permanence. Dans la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », nous avons créé de nouvelles obligations de probité, de déclaration d'intérêts et de patrimoine. Le souci est qu'elles ne semblent jamais rappelées par personne.

Prenons l'obligation de créer des recueils de lanceurs d'alerte au sein des collectivités locales et des entreprises privées : seulement 5 % ou 6 % des communes satisfont à l'obligation légale. Monsieur le ministre, il me semble qu'il ne serait pas superflu d'envoyer une circulaire pour dire aux préfets que quelques rappels à loi à l'égard des collectivités qui ne satisfont pas aux obligations de la loi ne pourraient pas faire de mal.

Le contrôle des sociétés d'économie mixte (SEM) est aussi l'un de mes sujets de préoccupation. Dans vos statistiques, il n'apparaît pas comme prioritaire alors qu'il devrait l'être. La création d'une SEM ou d'une société publique locale est souvent motivée par l'envie d'avoir plus de liberté, y compris en matière de commande publique. Le parallélisme des formes voudrait que cette liberté accrue appelle un contrôle accru.

Je vais vous donner un exemple très simple de dysfonctionnement : dans mon département, nous avons découvert un jour qu'une SEM avait un déficit d'exploitation cumulé de 24 millions d'euros alors que son capital initial était de 4 millions d'euros. Le code général des collectivités locales fait obligation au préfet d'informer les élus de la collectivité de rattachement. Cela n'a pas été fait. Un tel déficit ne s'est pas creusé en un jour. C'est un dysfonctionnement grave. La responsabilité de l'État pourrait même être engagée pour faute lourde en matière de contrôle de légalité. Une circulaire sur le contrôle des SEM serait aussi la bienvenue. Nous avions d'ailleurs eu ce débat lors de l'examen d'une proposition de loi sur le régime juridique des SEM.

Un petit mot sur le corps préfectoral. En 2014, la Cour des comptes avait reproché au ministère de limiter la portée de l'action des préfets, en les faisant tourner trop vite dans les départements : la durée moyenne de résidence était de seulement deux ans. Soyons clairs, il s'agissait à l'époque de résoudre un problème de pyramide des âges : l'accélération des carrières permettait à certains membres du corps préfectoral, qui avaient tardé à avoir leur casquette, de pouvoir partir en retraite en ayant exercé des responsabilités qui sont celles pour lesquelles ils avaient été formés ; c'était légitime. Actuellement, l'âge moyen de nomination des préfets est de 48 ans après dix-huit ans de carrière – seulement, pourrais-je dire. Plus rien ne justifie des évolutions de carrière aussi rapides et il serait sain de revenir à des durées de séjour un peu plus longues. Avez-vous, monsieur le ministre, des statistiques sur ce point ?

Le Président de la République, que je lis et que j'écoute attentivement, évidemment, comme chacun d'entre nous, a souligné que la haute fonction publique ne ressemble pas à la société dans notre pays, lors de la conférence de presse qu'il a donnée le 25 avril à l'issue du grand débat national, et il a annoncé des réformes. Quand on regarde le corps préfectoral, on s'interroge un peu. La « loi Sauvadet » a certes permis de faire de gros progrès en matière de féminisation, ce dont nous pouvons nous réjouir. Au ministère de l'intérieur et dans le corps préfectoral, il reste néanmoins une petite singularité en ce qui concerne la diversité des origines : celle-ci semble finalement assez peu valorisée alors que la ressource humaine existe et est compétente. Certains déroulements de carrière sont parfois un peu laborieux. C'est regrettable parce que nous avons besoin d'offrir de beaux exemples de réussite dans des fonctions régaliennes à des personnes issues de la diversité. Pour l'instant, c'est trop peu le cas dans le corps préfectoral.

Pour terminer, j'en viens au référendum d'initiative partagée (RIP). La loi organique de 2013 prévoit que le ministère de l'intérieur doit mettre en place le dispositif de recueil des signatures dans le mois qui suit la décision du Conseil d'État. Cette décision datant du 9 mai, vous avez donc jusqu'au 9 juin pour mettre en place le dispositif de recueil, pour le rendre opérationnel et le faire savoir. À quelle date cela sera-t-il fait ? Quels moyens d'information allez-vous mobiliser pour l'expression de ce droit ? Je ne suis pas sûr que vous irez jusqu'à acheter des encarts publicitaires à la télé, mais je pense qu'il y a quand même un minimum à faire pour assurer l'exercice de ce droit constitutionnel.

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La semaine dernière, la Cour des comptes nous a présenté son rapport d'enquête, réalisé en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les SEM. Elle a émis des recommandations pour renforcer le contrôle de l'activité des SEM. J'abonde dans votre sens sur ce point-là, ce qui ne vaut bien évidemment pas quitus pour tout le reste...

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Nombre de mes questions sont issues des notes d'exécutions budgétaires (NEB) de la Cour des comptes. Pour ne pas allonger les débats à cette heure déjà avancée, je vous propose de transmettre mes questions par écrit au ministre. Cela nous permettra de gagner un peu de temps et d'avoir des réponses précises à mes questions très détaillées sur les NEB.

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Très bien, monsieur le rapporteur général. Vous pourrez publier les réponses qui vous seront faites car l'un des intérêts de ces auditions est qu'elles sont publiques.

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Franck Riester, ministre de la culture

Cette mission Administration générale et territoriale de l'État est majeure et elle est au coeur de la réflexion sur la réorganisation territoriale de l'État que pilote le Premier ministre. Édouard Philippe fera à ce sujet des annonces dans quelques jours. J'ai senti quelques impatiences dans les questions de M. Savatier et quelques exigences légitimes dans celles de M. Marleix.

Une chose est sûre : nous sommes tous convaincus que la proximité est essentielle au bon comportement de l'État. Il faut en trouver les meilleures formes. Il y a quelques années, des choix ont été faits en faveur d'une hyper-régionalisation de l'État. Pendant le grand débat national, nous avons constaté que, du coup, l'État semblait avoir disparu. Il est donc essentiel que nous ayons une administration générale et territoriale de l'État qui revendique et qui incarne cette proximité. Pour cela, il lui faut des moyens. C'est ce que je retiens de vos interventions.

Quels sont les objectifs ? Il s'agit d'assurer un meilleur service public aux citoyens, notamment par des procédures plus simples et des efforts de numérisation, sans pour autant exclure ceux qui n'ont pas accès aux outils numériques. Le numérique facilite les démarches – il ne faut pas en faire un objet effrayant –, mais il exclut aussi certaines parties de la population et du territoire. La question de l'accessibilité universelle au numérique est donc posée. Comme je le disais dans mon propos liminaire, il faut assurer la présence de l'État partout sur le territoire, afin qu'aucun Français ne soit laissé pour compte ou n'en ait le sentiment.

Cette question de la présence de l'État va tous nous réunir, comme celle de la numérisation. En même temps, on peut voir qu'elle a pu poser des problèmes. Le PPNG a bénéficié de 2,1 milliards d'euros de crédits en 2018 et il s'est notamment concrétisé dans des projets immobiliers importants, confortant la présence de l'État.

Des projets ont fait débat, mais ils ont contribué à améliorer la situation de nos concitoyens, comme celui de la création d'un répertoire électoral unique. Né d'un texte transpartisan, ce répertoire a suscité des inquiétudes et des critiques. Ceux qui ont tenu des bureaux de vote savent que, de toute façon, il y a toujours quelques incidents. Cela arrivait aussi avec l'ancien système. Le nouveau système représente une réelle amélioration comme nous avons pu le constater lors des élections européennes qui ont eu lieu il y a deux semaines et pour lesquelles il a été possible de s'inscrire jusqu'au 31 mars. Je pense aussi aux moyens qu'il a fallu déployer dans les préfectures pour qu'elles puissent mener à bien leur mission en matière d'instruction des dossiers des étrangers et des demandeurs d'asile : il a fallu conforter, renforcer et parfois aménager des lieux d'accueil.

Vos questions montrent aussi un haut niveau d'exigence en ce qui concerne la délivrance des titres, ce qui est tout à fait naturel. La mise en place de la réforme a été achevée en 2018. Nous avons modernisé et amélioré le système, même s'il y a eu des anomalies. Plus de 320 points numériques ont été créés, notamment dans des sous-préfectures fermées, et ils montrent leur utilité. Avec la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, nous allons étudier la possibilité d'installer des espaces France services dans des sous-préfectures, ce qui permettrait d'en rouvrir certaines.

Je considère ces réformes comme positives, mais elles n'ont pas été sans difficultés pour autant. Vous les avez évoquées, d'une façon moins critique que l'année dernière. Ce n'est pas vous qui avez changé, mais la situation qui s'est améliorée. Il y a eu de vraies anomalies techniques, des situations spécifiques qui n'ont pas été suffisamment anticipées et tout simplement des échecs. La situation s'est améliorée, je l'ai dit, même si je sais que pour certaines démarches, en particulier pour les échanges de permis de conduire étrangers, de vrais efforts restent à faire. S'agissant des permis de conduire et des certificats d'immatriculation, 91 % des cartes grises ont été délivrées dans un délai moyen de trois jours et 50 % des permis de conduire l'ont été au moins dans les quinze jours. C'est bien, mais pas pour ceux qui font partie des 9 % dans le premier cas et des 50 % dans le second... Il faut faire vraiment attention sur ces sujets.

Je voudrais aussi préciser que la modernisation de nos procédures permet de lutter plus efficacement contre la fraude documentaire et d'éviter que l'on ait besoin de se rendre dans des guichets, souvent situés à la préfecture. Cela représente une amélioration et des économies budgétaires substantielles, qui ont été redéployées au profit de la revalorisation de certaines fonctions, de transformations d'emplois ou des déplacements vers des missions prioritaires. Il est important de le rappeler.

En ce qui concerne le bilan du PPNG, nous devons nous adapter et il faut ajuster l'organisation des CERT. Nous l'avons fait, ce qui a donné une certaine souplesse. S'agissant des CNI et des passeports, des ajustements d'effectifs ont déjà été mis en oeuvre au début de l'année 2019 grâce à un rééquilibrage entre différents CERT. Il en a été de même pour les certificats d'immatriculation – je l'ai notifié au début de l'année 2019, dans la perspective d'une évolution des activités. Des sites ont pu être surévalués par rapport à d'autres : des mouvements ont donc eu lieu. La même logique a été appliquée pour les permis de conduire. Je voudrais également souligner la solidarité entre les différents CERT. Il y a une approche territorialisée, mais on a pu aussi en sortir pour apporter une aide dans certains cas.

On doit simplifier la réglementation chaque fois que c'est possible, monsieur Savatier. Le ministère s'est engagé résolument tout au long de l'année 2018 dans une amélioration des démarches en ligne, avec des mises à jour ou des actualisations permettant d'évoluer. Il y a eu onze actualisations majeures en ce qui concerne le système d'immatriculation des véhicules et treize pour les téléprocédures relatives aux permis de conduire. À cela s'ajoutent les mouvements qu'ont connus les CERT. Je pense qu'il faut faire preuve de la plus grande souplesse, tout en faisant attention à la façon dont on l'applique, surtout quand on parle de ressources humaines.

Vous avez évoqué la procédure de dépôt des demandes de CNI et de passeports, qui peut expliquer une partie des retards. Vous avez posé cette question sur le plan fonctionnel, du point de vue de l'organisation des rendez-vous dans les mairies, de la localisation des dispositifs de recueil et des modalités de remise des titres aux administrés par l'intermédiaire des communes. Nous avons encore du chemin à faire si nous regardons les dispositifs qui existent dans certains pays étrangers. Il y a des marges de progrès, même si on a avancé et que les raisons de sécurité, notamment en matière biométrique, obligent à avoir un ou deux contacts physiques. C'est la difficulté, sans quoi on pourrait totalement dématérialiser les procédures.

Il faut faire un constat, sans dire qu'il y a de bons et de mauvais élèves – sinon, je serais obligé de regarder les statistiques de L'Argentière-la-Bessée... Dans la commune de Forcalquier, qui m'est chère, elles ne sont pas à la hauteur, notamment par rapport au « contrat » passé avec l'État. Le taux d'utilisation de l'ensemble des sites est, en moyenne, d'environ 50 %. Dans une mairie de taille moyenne, le dispositif est mis en place à l'état civil ou à l'accueil, et si un ou deux agents ont à le gérer à temps plein, les maires freinent – je l'ai fait, et je mesure donc la difficulté.

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Les statistiques de l'Argentière-la-Bessée sont parfaites, monsieur le ministre, car la mairie de Briançon ferme le samedi : nous récupérons des dossiers.

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Franck Riester, ministre de la culture

Compte tenu de la taille de cette commune, je pensais qu'elle n'avait pas été retenue. Il y a peut-être eu un peu de lobbyings de la part de celui qui en était député-maire à l'époque...

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Franck Riester, ministre de la culture

Je précise que ces échanges viennent de ce que nous avons été vice-présidents de la région ensemble et nous travaillons ensemble sur l'aménagement du territoire. L'Argentière-la-Bessée a toujours prétendu dépasser en altitude Forcalquier, dont la devise est pourtant « plus haut que les Alpes »...

Le ministère a diffusé des outils de communication sur les bonnes pratiques, car il faut avancer sur ce sujet.

Il y a aussi la question de la localisation et du nombre de dispositifs de recueil de demandes de titres. La situation est globalement satisfaisante mais j'ai demandé que l'on regarde dans quelle mesure on pourrait, pour répondre à l'attente exprimée par les maires – ce sujet a notamment été évoqué dans le cadre du grand débat national –, préparer l'acquisition de nouvelles stations biométriques pour renforcer le maillage existant et voir, dans chaque département, s'il est nécessaire de renforcer le dispositif à un ou deux endroits ou d'équiper une nouvelle commune, à condition que celle-ci ait bien en tête ce que cela implique. Je ne veux pas donner de chiffres, mais on pourrait conforter le dispositif en fixant un objectif d'une centaine de stations.

M. Savatier m'a également interrogé sur une éventuelle revalorisation du montant de la taxe affectée dont bénéficie l'ANTS. Nous y réfléchissons : cela fait peut-être partie des discussions que nous devrons avoir lors des prochaines échéances budgétaires.

La gestion des points numériques est également un sujet important. Je précise que 210 d'entre eux se trouvent dans des sous-préfectures et je voudrais défendre la qualité et la professionnalisation des référents numériques – vous ne les avez pas mis en cause, mais vous avez évoqué un processus de recrutement qui ne garantirait pas nécessairement la qualité. Nous avons systématiquement réalisé des enquêtes d'évaluation : le taux de satisfaction des usagers en ce qui concerne les prestations délivrées par ces jeunes est compris entre 97 et 99 %. C'est aussi un outil d'intégration qui fonctionne plutôt bien.

Quelles normes faudrait-il simplifier pour réduire les délais de délivrance ou pour améliorer les téléprocédures ? Toutes celles que l'on peut... Si on dématérialise une réglementation complète, elle n'est pas forcément moins complexe en termes de mise en oeuvre. Il est important de simplifier au maximum. J'ai installé une mission de simplification auprès du secrétaire général du ministère afin de regarder toutes les mesures possibles dans ce domaine. Pour s'inscrire à l'examen du permis de conduire, par exemple, il fallait produire une attestation scolaire établie par les collèges : si on l'avait perdue, on était en grande difficulté. Nous avons simplifié la situation en décidant qu'une déclaration sur l'honneur suffirait pour considérer qu'une personne ayant un niveau de scolarisation post-collège a bien suivi la formation requise et a eu l'attestation. Nos dispositifs fourmillent de mentions qui vont au-delà de la réglementation, nationale ou européenne. Il faut aller plus loin en matière de simplification.

Vous voudriez carrément supprimer des titres physiques grâce à la dématérialisation. Moi aussi, je vous rejoins sur ce sujet. Nous réfléchissons, par exemple, à la dématérialisation complète du permis de conduire. On devrait pouvoir avancer. Il faudra aussi réfléchir plus globalement à la question d'une carte d'identité numérique. Quand on regarde ce qui a été fait en Estonie, c'est un autre monde... Je ne voudrais pas trop vanter l'exemple estonien, mais on devrait apprendre la modestie en France sur ce sujet. Nous devons aller plus vite et plus loin.

Vous avez évoqué le contrôle de légalité, monsieur Marleix. Je suis beaucoup plus libéral que vous : je fais confiance aux territoires et aux maires, mais je ne vais pas trop en faire, car je ne suis pas au Sénat... Vous avez raison : c'est un vrai sujet sur lequel nous devons être attentifs. Vous avez adopté la bonne approche, qui n'est pas celle du contrôle pour le contrôle, mais de l'égalité territoriale et face au contrôle. À titre personnel, je pense que l'on peut aller plus loin dans la confiance, mais on doit la formaliser, la contractualiser. En même temps, il est nécessaire qu'un contrôle soit réalisé par l'État : c'est le principe du contrôle de légalité.

Je voudrais préciser que 146 agents supplémentaires ont été redéployés vers cette mission depuis 2017. C'est la conséquence de la mise en place du PPNG, qui a permis de renforcer ces effectifs. Sont-ils suffisants ? Compte tenu du niveau de contrôle, la réponse est négative. Je n'ai pas les chiffres en tête, mais je ne doute pas que ceux que vous avez cités sont exacts. On doit effectuer un renforcement dans ce domaine, et il faut aussi avoir de plus en plus de spécialistes. Notre société devient de plus en plus procédurière, et les maires peuvent l'être aussi : nous devons donc être très attentifs. Je compte beaucoup sur le pôle d'appui de Lyon, qui est vraiment mobilisé pour être aux côtés de ceux qui sont en charge de réaliser le contrôle de légalité, ce qui est important. Ce pôle a été récemment renforcé par la création d'un pôle de contrôle budgétaire. Il faut vraiment que l'on monte en puissance. Dans le cadre de la réorganisation territoriale de l'État que j'ai évoquée tout à l'heure, il faudra peut-être aussi se poser la question de la spécialisation de certains sous-préfets, qui resteraient territorialisés, mais affectés à des pôles de compétence.

Vous avez également parlé de la typicité des profils préfectoraux et de leur gestion. Quand j'ai pris mes fonctions, j'ai demandé que l'on essaie de travailler sur un maintien en poste pendant trois ans pour les préfets de département et pendant quatre ans pour les préfets de région – je fais une petite différence entre eux, pour certaines raisons. Je dois être honnête : nous n'arrivons pas à le faire aujourd'hui. Il y a un problème de vivier et un problème lié au fait que lorsqu'un préfet est déplacé, on en fait bouger quatre ou cinq. Je pense que nous devons évoluer sur ce sujet. Le plus ancien sous-préfet est en poste depuis six ans et sept mois : c'est trop long. À l'inverse, des représentants de l'État ne restent que douze ou quinze mois en poste : c'est une anomalie.

Précisons que 40 % des nominations de nouveaux hauts fonctionnaires concernent des femmes au ministère de l'intérieur et que 25 % des nouveaux sous-préfets sont issus de l'extérieur. Nous n'avons pas de statistiques, en revanche, sur la diversité. Je pense qu'il faudrait des indicateurs, plutôt que des statistiques.

Peut-être faudrait-il aller jusqu'à poser la question, comme je le fais en ce moment, du statut des préfets. Nous pouvons théoriquement nommer dans des fonctions de préfet des personnes qui ont exercé d'autres fonctions dans le secteur public ou même qui viennent du privé, mais la vraie difficulté que nous rencontrons tient au fait que l'intégration dans le corps arrive très vite. On peut se demander s'il est nécessaire d'être intégré dans le corps préfectoral pour exercer une mission, par exemple autour d'un projet. L'ensemble du corps préfectoral pourrait s'enrichir de l'apport de personnes qui ont été directeurs des ressources humaines de grandes collectivités territoriales ou d'entreprises privées et qui continueraient à exercer ces fonctions. Je suis sensible à la question, et je me dis que l'on peut renforcer la diversité.

Nous avons un problème de vivier : je m'en aperçois lorsque je souhaite faire accéder davantage de femmes à des responsabilités. C'est particulièrement vrai pour un métier aussi spécifique et en même temps aussi généraliste que celui de préfet. J'en connais assez peu qui impliquent de savoir s'occuper de la gestion de l'ordre public, du contrôle de légalité et des problèmes migratoires ou d'être totalement mobilisé à propos d'un risque industriel concernant une entreprise. Assez peu de métiers exigent une telle polyvalence. Il y a des spécificités territoriales qui guident un peu les choix du ministère et les propositions faites en Conseil des ministres, mais il y a beaucoup de départements, et même de plus en plus, où il faut des généralistes, bons sur tous les sujets. Le recrutement est donc loin d'être facile.

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Franck Riester, ministre de la culture

En effet, je l'avais oublié. La décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel du 15 mai. L'échéance est donc le 15 juin. Le Conseil des ministres se prononcera sur ce sujet et nous présenterons le dispositif jeudi prochain, avec le Conseil constitutionnel. Je rappelle que c'est lui qui est en responsabilité sur cette question : le ministère de l'intérieur n'agit que sur son ordre. L'essentiel des propositions techniques ont été validées par le Conseil. Je rencontrerai les présidents de groupes qui le souhaiteront pour leur présenter, avec le secrétaire général du Conseil constitutionnel, le dispositif retenu.

Il est essentiel que la publicité soit assurée, car il s'agit d'un outil démocratique important, dont l'utilisation constitue une première. Nous avions un mois pour mettre en place le dispositif, mais nous avions, au cas où, demandé aux services d'y travailler en amont. Je pense que nous n'aurions pas pu le faire en un mois, et je voudrais remercier les services du ministère de l'intérieur pour leur travail. Le dispositif sera ouvert pendant neuf mois, d'une manière dématérialisée mais aussi matérialisée dans les chefs-lieux de cantons. J'ai adressé au début de la semaine une circulaire aux préfets pour leur demander de sensibiliser les maires.

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Je vais vous présenter, avec Jean-Noël Barrot, les conclusions de notre rapport spécial portant, d'une part, sur l'exécution des crédits de la mission Immigration, asile et intégration en 2018 et, d'autre part, sur l'évaluation des mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.

Sur le premier point, nos commentaires seront succincts, et je vais m'appuyer sur les graphiques qui vont être projetés.

En 2018, dans un contexte migratoire sous tension, cette mission a fait l'objet d'une surexécution de 3 % en crédits de paiement. Concrètement, les dépenses ont été supérieures de 48 millions d'euros aux crédits votés en loi de finances initiale. Les crédits de paiement initiaux s'élevaient à 1,506 milliard d'euros, et ceux effectivement consommés se sont établis à 1,554 milliard. Comme les années précédentes, le dépassement observé se concentre sur le programme 303, relatif à l'immigration et à l'asile. Le dépassement constaté s'explique par le financement plus important que prévu de l'allocation pour demandeurs d'asile, en raison d'une évolution de la demande d'asile supérieure à ce qui était anticipé : alors que la loi de finances initiale tablait sur une croissance de 10 %, c'est une progression de 21,8 % qui a été observée dans ce domaine, sur la base des données de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

La situation budgétaire de la mission est toutefois nettement, et j'insiste sur ce point, plus favorable qu'en 2017, année où le dépassement observé était supérieur à 360 millions d'euros. À la suite de la Cour des comptes, Jean-Noël Barrot et moi-même saluons l'effort conséquent de sincérisation de la programmation réalisé en loi de finances initiale. Cependant, nous voulons souligner que cet effort doit être conforté par une meilleure anticipation de l'évolution de la demande d'asile. Lors de la prochaine discussion budgétaire, quelle méthode pensez-vous retenir, monsieur le ministre, pour améliorer la fiabilité de l'hypothèse d'évolution de la demande d'asile ?

Nos autres interrogations portent sur les mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, sujet sensible et très commenté. Jean-Noël Barrot et moi-même avons souhaité travailler sur ce thème afin de répondre à des questions relativement simples. Y a-t-il des améliorations à apporter aux procédures consubstantielles aux éloignements ? Comment ces derniers sont-ils organisés ? Quel est leur coût consolidé ? Le résultat de notre évaluation peut se résumer en quelques points.

Tout d'abord, la politique d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ne se limite plus aux éloignements forcés. Cette politique comprend de plus en plus un volet non coercitif prenant la forme de retours aidés, c'est-à-dire de départs volontaires d'étrangers en situation irrégulière moyennant un concours financier qui est compris, le plus souvent, entre 300 à 650 euros, pour les retours aidés simples, le montant versé pouvant être supérieur en cas de majorations exceptionnelles ou d'aides à la réinsertion dans le pays d'origine.

En métropole, 15 677 éloignements forcés ont été exécutés en 2018 et au moins 6 845 retours aidés ont été menés à leur terme. C'est une évolution majeure compte tenu de la différence notable de coût entre les éloignements aidés et forcés.

Une grande majorité des étrangers interpellés en situation irrégulière sont des ressortissants de pays tiers soumis à visa ; les ressortissants de pays tiers dispensés de visa et ceux de pays de l'Union européenne ne représentent que 13,5 % des étrangers en situation irrégulière qui sont interpellés en France.

L'accent mis sur les retours aidés ne signifie pas, loin de là, que les éloignements forcés sont délaissés. Les profils des personnes éloignées bénéficiant d'un retour aidé ou faisant l'objet d'un éloignement forcé ne sont pas substituables : certaines personnes n'ont pas vocation à bénéficier d'une aide au retour, notamment les profils radicalisés ou violents, les personnes sortant de prison et ayant fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une mesure d'interdiction judiciaire du territoire français.

La France a procédé en 2018 au plus grand nombre d'éloignements forcés enregistrés depuis dix ans. Le bilan est cependant nuancé. Le taux d'exécution de certaines mesures d'éloignement reste insuffisant. Des progrès ont été accomplis en ce qui concerne l'obtention de laissez-passer consulaires et le placement dans les centres de rétention administrative (CRA). Néanmoins, des difficultés subsistent au sujet des laissez-passer consulaires, de l'éloignement des personnes « dublinées » et des moyens mis à la disposition des services, notamment le nombre de places en CRA et la capacité d'éloignement, qui est restreinte du fait de la disponibilité limitée des escortes.

Quels engagements pouvez-vous prendre, monsieur le ministre, en vue de confirmer l'amélioration que nous avons observée en ce qui concerne les laissez-passer consulaires, l'éloignement des « dublinés » et les tensions opérationnelles rencontrées par les services ? Dans quelle mesure l'accentuation de la coopération européenne peut-elle contribuer, par le biais d'une coopération renforcée avec l'agence Frontex, d'accords de réadmission ou de cofinancements du Fonds Asile, immigration et intégration, à améliorer la situation ?

Avant de laisser la parole à Jean-Noël Barrot, je voudrais vous remercier pour l'esprit dans lequel vos services ont coopéré à la rédaction de notre rapport et pour la transparence dont ils font preuve à notre égard.

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Comme l'a rappelé Alexandre Holroyd, nous avons souhaité consacrer notre rapport à une évaluation quantitative précise du coût et des effets de la politique d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.

Le coût pour les finances publiques de cette politique des retours est peu ou pas connu, parce qu'elle mobilise de très nombreux acteurs et administrations. Pour estimer le coût pour les finances publiques, nous avons dû décomposer le processus d'éloignement en trente lignes financières, impliquant huit programmes et cinq missions budgétaires. Le résultat auquel nous sommes parvenus est que le coût des éloignements forcés s'est élevé en 2018 à 470 millions d'euros : 92 millions pour les interpellations et les décisions d'éloignement, 348 millions pour la phase de surveillance et de contentieux, 42 millions d'euros pour l'éloignement stricto sensu et 13 millions d'euros de diminution de charges.

L'estimation du coût des retours aidés est plus aisée. L'analyse des douze lignes financières concernées fait apparaître un coût pour les finances publiques de 27 millions d'euros en 2018, se décomposant en 4 millions d'euros pour les décisions d'éloignement, 7 millions pour l'hébergement, 27 millions pour l'éloignement stricto sensu et 12 millions de diminutions de charges.

On peut ensuite rapporter ces chiffres au nombre de personnes effectivement éloignées afin d'obtenir le coût d'un retour forcé et celui d'un retour aidé.

Selon que l'on considère le nombre de retours aidés qui est publié par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ou celui fourni par la direction générale des étrangers en France (DGEF), c'est-à-dire 10 676 retours d'un côté et 6 845 de l'autre, le coût d'un retour aidé est compris entre 2 500 et 4 000 euros par personne. Pour les 33 960 retours forcés enregistrés en 2018, le coût moyen s'établit à 13 794 euros par personne.

Faut-il augmenter le recours aux retours aidés ? La question peut se poser : la proportion des départs aidés en France, qui représente 40 % du total des départs, est plutôt en retrait par rapport aux autres pays européens, où la moyenne s'élève à 60 %.

Répondre à cette question suppose de mesurer si l'aide au retour volontaire a bien un effet d'entraînement et si elle ne constitue pas un effet d'aubaine pour des personnes qui auraient, sinon, quitté d'elles-mêmes le territoire. C'est ce que nous avons fait en consultant des milliers de données portant sur la période 2011-2018 et concernant toutes les nationalités. Je dois dire que nos interlocuteurs dans les administrations concernées, l'OFII, l'OFPRA et la DGEF, se sont montrés très coopératifs. Le nombre des retours aidés a suivi de près l'évolution du montant de l'aide depuis huit ans. Sa baisse de moitié, au début des années 2010, s'est accompagnée d'une baisse de moitié des retours ; on a ensuite observé une évolution symétrique à partir de 2015. Les analyses statistiques par nationalités montrent qu'une augmentation de 30 % de l'aide entraîne une hausse de 30 % des retours : l'efficacité de cette politique est donc réelle.

On peut pousser l'analyse un peu plus loin en estimant l'effet qu'aurait une augmentation de 30 % de l'aide en partant de la situation constatée en 2018 et en raisonnant par catégories de pays. Comme Alexandre Holroyd l'a rappelé, l'essentiel des personnes en situation irrégulière en France sont des ressortissants de pays soumis à visa. Une augmentation de 30 % de l'aide ciblée sur ces personnes entraînerait environ 1 479 retours supplémentaires.

Une question qui se pose est de savoir si l'augmentation de l'aide au retour est susceptible de favoriser l'arrivée de personnes dont l'objectif serait uniquement de la capter. Les analyses conduites à partir des statistiques montrent que les variations de l'aide au retour sur les huit dernières années n'ont pas eu d'effet sur les demandes d'asile ou sur les interpellations d'étrangers en situation irrégulière.

Vos rapporteurs recommandent donc de poursuivre la montée en puissance des retours aidés à destination des pays soumis à visa tout en améliorant la diffusion de l'information auprès des personnes éligibles, en évaluant la pérennité de la réinstallation dans le pays d'origine et en mettant en place des conditions permettant d'éviter tout détournement ou abus du dispositif.

Je voudrais à mon tour remercier les services concernés pour la qualité du travail que nous avons pu mener avec eux.

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Notre politique d'éloignement des étrangers en situation irrégulière a des marges de progression importantes et persistantes. Le faible taux d'exécution des mesures prononcées l'atteste : il était de 17,9 % en 2016 et de 17,4 % en 2017, année où la progression du nombre de mesures prononcées n'a pas été suivie d'une progression équivalente de l'effectivité des éloignements.

Je suis revenu dans mon rapport pour avis sur les nombreux obstacles qui permettent d'expliquer ces résultats, en ce qui concerne tous les maillons de la chaîne de l'éloignement. J'aimerais revenir plus particulièrement sur l'une des dernières étapes conditionnant les éloignements, à savoir la délivrance des laissez-passer consulaires par les autorités des pays d'origine des migrants.

Cette étape, indispensable en dehors de l'Union européenne pour qu'il y ait un éloignement effectif, dépend étroitement de la coopération des pays d'origine. Or les taux de délivrance des laissez-passer consulaires dans les délais prévus sont aujourd'hui très disparates. Si la moyenne était de 51 % en 2017, le taux s'élevait à 91 % pour l'Albanie et à seulement 11 % dans le cas du Mali.

Le taux moyen a légèrement augmenté depuis, mais qu'en est-il des six pays identifiés en 2017 comme prioritaires, à savoir le Maroc, la Tunisie, le Sénégal, la Guinée, la Côte d'Ivoire et le Mali ? Avons-nous renforcé d'une manière efficace notre coopération bilatérale avec ces pays dans le domaine de la lutte contre l'immigration irrégulière ? Par ailleurs, quel bilan peut-on faire des huit procès-verbaux non contraignants qui ont été conclus avec des pays tiers, dont le Maroc, l'Algérie et la Tunisie, à propos de la délivrance des laissez-passer consulaires ?

Le doublement de la durée maximale de rétention administrative, qui constituait une des mesures phares de la loi adoptée à l'initiative de votre prédécesseur, monsieur le ministre, devait permettre aux autorités françaises de disposer de davantage de temps pour obtenir ces documents, mais elle n'a eu que des effets très limités à ce stade sur l'aboutissement des éloignements, d'où l'importance de notre coopération bilatérale avec les pays d'origine et de transit et d'un meilleur ciblage des placements en rétention, favorisé par la mise en place de cellules de coordination zonale sur le modèle francilien.

Davantage de volontarisme est également indispensable : on voit qu'il existe un décalage persistant entre le nombre des mesures d'éloignement prononcées et celui des laissez-passer consulaires demandés par les autorités françaises – il a baissé sur la période récente pour des pays tels que le Maroc ou le Mali.

En amont de la délivrance des laissez-passer consulaires, il faut aussi mentionner les problèmes liés à l'identification des migrants, qui peuvent mentir sur leur nationalité ou recourir à la fraude documentaire. Quels efforts la France réalise-t-elle aujourd'hui pour aider les pays d'origine à développer leur état civil, y compris sous la forme d'outils biométriques ? Est-il prévu de mettre en place de nouvelles missions d'identification avec des pays tiers, comme cela a pu être fait avec le Mali et la Côte d'Ivoire ? De tels outils sont indispensables pour mieux lutter contre l'immigration irrégulière mais aussi pour créer des conditions plus favorables à la mobilité légale.

Par ailleurs, quelles mesures entendez-vous adopter pour faire diminuer les « flux de rebond » en matière de demande d'asile, qui sont composés de demandeurs déjà déboutés d'une précédente demande ailleurs en Europe ? Ils représentaient 60 % des 122 000 demandes d'asile déposées en France en 2018. Cela conduit à l'embolie des différents processus, du traitement de la demande d'hébergement des demandeurs d'asile à la reconduite effective à la frontière des personnes déboutées.

Enfin, dans un contexte où la France connaît une demande d'asile en hausse constante, à rebours de la tendance observée ailleurs en Europe, où en est la mise en oeuvre de l'augmentation des places en CRA et des capacités du parc de centres d'accueil de demandeurs d'asile qui a été annoncée par le Gouvernement ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je voudrais remercier nos rapporteurs d'avoir choisi ce sujet d'évaluation, avant de faire une remarque plus générale en tant que député frontalier. J'insiste sur le fait que les zones où les phénomènes migratoires sont les plus prégnants, c'est-à-dire les zones d'arrivée, près des frontières, sont toujours relativement délaissées. L'accueil y est fonction de la libre volonté et du libre financement des collectivités locales et des associations, et ce sont ensuite les bénévoles qui se chargent de récolter de quoi payer les billets de train nécessaires pour que les personnes concernées puissent rejoindre des centres relativement éloignés. En toute honnêteté, la prise en charge globale des migrants qui arrivent à nos frontières demeure particulièrement défaillante.

Pour revenir plus précisément sur le thème d'évaluation de nos collègues, j'aimerais savoir pourquoi le taux d'évolution de la demande d'asile a été aussi sous-estimé en 2018. On attendait une hausse de 10 %, mais elle s'est élevée, en réalité, à 21,8 % selon l'OFPRA. Entre janvier et avril 2019, on est ensuite passé de 0 à 12,4 %, comme si l'on avait pensé que les phénomènes migratoires s'arrêteraient à la frontière, à l'instar du nuage de Tchernobyl...

Quelles actions le ministère de l'intérieur entend-il engager pour répondre au déficit de personnel au sein de la police aux frontières (PAF) ? Il manque 405 postes.

Dernière question, pourquoi le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) paraît-il aussi faible ? Il était de 12,4 % en 2018.

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Franck Riester, ministre de la culture

Avant d'entrer dans le détail, je rappelle que les crédits de cette mission se sont élevés à 1,383 milliard d'euros en 2018, soit une augmentation de 26 % par rapport à 2017, augmentation qui s'est depuis confirmée dans la LFI pour 2019 : près de 25 %, ce qui représente 311 millions d'euros supplémentaires.

Je remercie les rapporteurs d'avoir été assez loin dans l'évaluation pour éclairer la réflexion d'une façon peut-être nouvelle. Il y a une logique de progression des dépenses qui doit nécessairement nous interpeller sur leur mise en oeuvre, à la fois d'un point de vue budgétaire mais aussi politique.

Les interventions que nous venons d'entendre, venant de groupes différents et sans esprit de polémique, montrent l'importance de ce sujet. Et derrière ce phénomène, il y a des femmes et des hommes : on doit également prendre en compte cette dimension majeure.

Il faut, par ailleurs, assumer les choix politiques qui ont été faits. Les évolutions que l'on a connues en sont aussi la conséquence. Il s'agissait tout d'abord de progresser en ce qui concerne la sincérité des crédits demandés chaque année au Parlement. Même si des sous-dimensionnements ont été évoqués, et j'y reviendrai, il y a une volonté d'éviter des ouvertures massives de crédits en cours d'année, même si c'est un sujet sur lequel nous aurons encore à progresser, y compris s'agissant de 2019.

J'ai souhaité rappeler l'évolution sur les deux dernières années car elle met en évidence l'engagement absolu du Gouvernement et du ministère de l'intérieur pour transformer notre politique migratoire, autour de l'équilibre politique que vous connaissez, entre fermeté et humanité : fermeté à l'égard de celles et ceux qui n'ont pas vocation à venir en France et à y rester, et humanité vis-à-vis de celles et ceux à qui nous devons assurer une protection au titre de l'asile, étant entendu que la fermeté ne peut être appliquée sans humanité. Il faut être réaliste et pragmatique sur ce sujet, et ne pas tomber dans l'angélisme. Je crois que nous devons vraiment accueillir dignement ceux qui ont vocation à séjourner dans notre pays et éloigner, conformément au droit, ceux qui se sont vus refuser l'accueil.

On voit bien, à travers vos questions, que l'on doit agir à différents niveaux, et d'abord dans les pays de départ. On n'a pas abordé la question de l'aide au développement, mais je sais que chacun l'a en tête. Il est également essentiel de pouvoir contrôler les zones de départ dans les aéroports. Des officiers de liaison sont sur place et je pourrai revenir tout à l'heure sur la fraude documentaire. Il est important de travailler sur ce sujet. La lutte contre les passeurs importe aussi. Il existe des filières de criminalité organisée contre lesquelles nous devons être mobilisés : 321 filières de passeurs ont ainsi été démantelées en 2018.

Il y a ensuite les conditions d'examen des dossiers d'accueil, d'hébergement et d'accompagnement de ceux qui font une demande, notamment au titre de l'asile, et de ceux qui obtiennent ensuite un titre de séjour ou un titre lié à la protection et à l'asile, et que nous devons accompagner. Je voudrais souligner l'effort, issu d'une initiative parlementaire, à l'Assemblée nationale, réalisé sur le sujet de l'intégration : pendant trop longtemps, on s'est opposé les uns aux autres dans des débats de chiffres, sur le nombre de personnes accueillies ou non, sans jamais vraiment se poser la question de la qualité de l'intégration. Or on sait qu'elle est absolument déterminante. Tout cela a contribué à l'évolution budgétaire que vous avez soulignée.

Il est indispensable de travailler sur tous les fronts. Vous avez insisté à juste titre, monsieur Dumont, sur la dimension de coopération internationale : les accords que nous multiplions avec les pays d'origine incluent l'aide au développement et l'action de lutte contre l'immigration illégale. J'assume le fait de lier les deux : la coopération doit effectivement se faire dans ces deux sens.

Mais il arrive souvent que des pays soient en difficulté parce qu'ils n'ont pas d'état civil ; c'est le problème auquel nous nous heurtons pour la constitution des laissez-passer consulaires. Cette dimension internationale est toutefois indispensable, car avant de traiter ceux qui arrivent en France dans des conditions qui quelquefois confinent à l'inhumanité, il faut traiter le sujet du pays de départ au niveau de l'aide au développement, mais aussi au niveau des conditions de transport : on peut venir de Géorgie, par exemple, s'installer en France et demander l'asile pour 50 euros, ce qui correspond au prix minimum d'un vol low cost pour venir depuis la capitale géorgienne. Effectivement, cela doit nous interroger, y compris d'ailleurs sur l'aide financière au retour dans le pays – j'y reviendrai. Mais nous devons travailler – et je prends l'exemple de trois pays que j'ai visités récemment à ce sujet : la Géorgie, la Côte d'Ivoire et le Sénégal – pour faire en sorte d'être présent au moment des départs afin d'empêcher ceux n'ont pas vocation à aboutir à la protection, donc à l'asile.

Mais il faut aussi en même temps mener une politique d'éloignement résolue : les éloignements de départs volontaires ou de départs spontanés, mais aussi de plus de 30 000 étrangers en situation irrégulière ont augmenté de 22 % par rapport à l'année 2016. Est-ce suffisant ? Une chose est sûre, il faut aussi assumer de poser la question – qui ne trouve pas sa traduction dans l'évaluation des politiques publiques du ministère de l'intérieur – de l'attractivité de la France. Le nombre de demandeurs d'asile en Europe baisse très fortement alors qu'il continue d'augmenter en France ; cela doit absolument nous interroger. Vous évoquiez, monsieur Dumont, les « pays de rebond » ; nous étions en moyenne à 1,7 dépôt pour un Afghan avant qu'il arrive en France. C'est pourquoi nous devons déjà traiter les sujets internes à la dimension européenne, à l'espace européen, de cette question.

Pour ce qui est des CRA, 480 nouvelles places ont été construites entre 2018 et 2020, 2,6 millions d'euros seront consacrés en 2019-2020 à la réfection de CRA, et nous nous sommes fixés pour objectif l'ouverture de 500 places supplémentaires afin de répondre aux nécessités. Parallèlement, et le sujet n'a pas été abordé, je rappelle que depuis 2015 nous avons doublé le nombre de places d'hébergement, qui atteindra 100 000 à la fin de l'année, ce qui représente donc un engagement financier significatif. Je n'opposerai évidemment pas l'urgence de l'hébergement à la question financière mais, lorsque l'on est parlementaire et qu'on vote le budget ou lorsque l'on est ministre et qu'on l'exécute, il faut évidemment se poser cette question.

Pour balayer ensuite l'ensemble des sujets, très larges, que vous avez abordés, je voudrais d'abord revenir sur le rapport de MM. Barrot et Holroyd. Si nous pouvions débattre du mode de calcul, de l'imputation de telle ou telle dépense, y compris des dépenses judiciaires liées aux décisions, nous y passerions des heures. Je partage totalement la méthodologie, l'approche ainsi que la philosophie de vos conclusions que je trouve équilibrées : ce genre de rapport et surtout ce genre de sujet donnent toujours lieu à des emballements médiatiques et politiques et à des interprétations assez éloignées de ce que vous avez écrit. Il faut effectivement rappeler qu'éloignement forcé et éloignement volontaire ne doivent pas être opposés : ce sont des mesures complémentaires. Il n'y aurait aucun éloignement volontaire s'il n'y avait pas d'éloignements forcés : nous réaliserions de substantielles économies sur l'éloignement volontaire, car personne ne le pratiquerait...

Il faut en effet avoir en tête que le retour volontaire est systématiquement proposé aux différentes étapes de la procédure, ce qui est indispensable ; et il peut être amélioré. Nous l'utilisons à fond, il a d'ailleurs augmenté de 92 % – autrement dit, il a été pratiquement doublé – depuis 2017 pour les personnes faisant l'objet d'une OQTF. Ce dispositif peut réellement fonctionner, parce qu'il permet précisément un retour dans de bonnes conditions ainsi que d'ailleurs, une espérance pour la personne qui revient au pays.

Mais si j'ai beaucoup fait pour que le retour volontaire soit systématiquement proposé par l'OFII à ceux qui n'ont pas vocation à rester en France, et parfois même assorti d'un accompagnement individuel pour aider à la construction d'un projet, il n'en faut pas moins – vous l'avez rappelé dans votre rapport – prendre garde aux effets d'aubaine et d'opportunité. Si j'ai voulu fortement développer les retours volontaires, je me suis limité aux pays qui se prêtent peu à des allers-retours : dans le cas de l'Afghanistan, par exemple, le retour volontaire est un bon dispositif lorsqu'il est accepté, parce qu'on sait la difficulté qu'aurait le bénéficiaire à revenir en France quelques semaines après le départ d'Afghanistan. À l'inverse, nous utilisons assez peu ce dispositif pour la Géorgie : le prix du retour est largement supérieur au prix du billet et le dispositif deviendrait trop coûteux. Rappelons que l'aide au retour consiste en une aide financière pouvant aller jusqu'à 600 euros pour les pays tiers soumis à visa et à 300 euros pour les autres.

Nous devons donc évidemment nous livrer à cette analyse en termes d'opportunité pour lutter contre les effets d'aubaine, mais je partage totalement la philosophie de cet équilibre que nous devons construire et développer. Au total, plus de 30 000 étrangers en situation irrégulière auront quitté le territoire national en 2018 – éloignement, départs volontaires ou spontanés –, soit un niveau supérieur de 22 % à 2016.

Pour conduire cette politique, il nous faut utiliser les moyens dont vous avez doté le Gouvernement ; en particulier, l'extension de la durée de rétention jusqu'à 90 jours notamment a montré son utilité. C'est lorsque les intéressés sont placés en rétention que le meilleur taux d'efficacité d'application des OQTF est atteint ; il est rare que l'on parvienne à les faire appliquer lorsque les gens sont sortis de rétention et sont partis dans la nature. Au point qu'il peut arriver que des avions, qui entrent pour une bonne part dans le coût du retour, soient seulement à moitié pleins ; c'est pour nous une vraie difficulté.

Je souhaite par ailleurs insister, comme vous le faites aussi dans votre rapport, sur la nécessité de conserver un dispositif de retour forcé. Je prendrai un exemple simple : treize personnes originaires du Sri Lanka sont arrivées il y a deux semaines à Mayotte – j'ai d'ailleurs eu l'occasion de répondre sur ce sujet à une question d'actualité posée à l'Assemblée nationale ou au Sénat. J'ai veillé à ce que nous mettions en oeuvre le plus rapidement possible un dispositif d'évaluation de la demande d'asile, que tous les intéressés avaient demandée. Un seul dossier sur douze a été retenu ; les douze autres arrivants seront reconduits au Sri Lanka. Et comme il n'existe pas de ligne Mayotte-Sri Lanka, je dois à la vérité de dire qu'ils repartiront par avion spécial, pris en charge par le contribuable français ; mais c'est le prix du message politique que nous devons faire passer, pour bien faire comprendre qu'il n'y a pas de destination à Mayotte pour une immigration irrégulière organisée par des filières de passeurs. La gestion de la discussion sur les retours volontaires dépend aussi de la force de ce message, de notre capacité à procéder en toutes circonstances à des reconduites et des retours forcés. C'est un équilibre à mes yeux essentiel.

Au-delà de cette dimension politique, mais je pense que cet échange est utile, vous m'avez interrogé sur la sincérité – même si le rapporteur général n'a pas utilisé ce mot – de la loi de finances pour 2018, en émettant quelques doutes pour 2019. Comment la loi de finances pour 2018 a-t-elle été construite ? Sur une hypothèse qui s'appuyait sur les données disponibles au premier semestre 2017, qui faisaient notamment état d'une hausse de la demande d'asile de 6 % en 2016. Partant de ces éléments, le budget 2018 avait tablé, de mémoire, sur une croissance de 10 %. Malheureusement, il en est allé tout autrement : nous nous sommes retrouvés avec 126 000 demandeurs d'asile, bien plus que le chiffre de référence retenu, ce qui a effectivement posé un problème budgétaire. Cela représente 22 % d'enregistrements supplémentaires à l'OFPRA, en grande partie liés, M. Dumont l'a relevé, à des mouvements secondaires infraeuropéens de demandeurs d'asile. Le même phénomène se reproduit actuellement, auquel vient s'ajouter depuis le début de l'année un afflux en provenance de Géorgie : à peu près 1 000 personnes par mois, qui utilisent des vols directs pour venir en France. Mais dans bon nombre de cas, il s'agit de gens qui se trouvaient déjà en Europe. Cela pour une raison simple, qui tient à l'attractivité de la France : la demande d'asile en Europe a baissé très fortement par rapport à 2015, alors qu'elle continue à augmenter en France. Cela doit nous amener à nous interroger sur ces questions et sur les raisons de ces rebonds infraeuropéens : ou bien il s'agit de gens qui viennent d'un pays dans lequel ils vivaient en situation irrégulière depuis quelque temps, ou bien ils sont passés par des pays « transparents », compte tenu des nouvelles portes d'accès ou des évolutions constatées dans les entrées en Europe : l'Espagne en particulier est devenue la principale porte d'entrée en Europe, alors la Méditerranée centrale, dont on a beaucoup parlé, ne l'est quasiment plus. Dans les deux cas, ce sont les pays de rebond comme la France qui sont directement concernés par ce phénomène.

Je confirme par ailleurs que les premiers mois de 2019 laissent entrevoir une poursuite de la tendance haussière de la demande d'asile ; je ne peux pas vous donner de chiffres précis parce que l'évolution entre mars et avril est déjà forte, ce qui nous empêche de disposer d'une base statistique suffisante, mais c'est la réalité.

En revanche, le problème du transfert des « dublinés », sur lequel vous m'avez interrogé, s'est sensiblement amélioré au cours des derniers mois, notamment dans le cadre du protocole que nous avons conclu avec l'Allemagne : le nombre de retours a bien progressé. Globalement, entre 2015 et 2018, il a été multiplié par six, et la tendance sur les douze derniers mois fait apparaître une augmentation de 50 %, ce qui est significatif. Je pourrais me contenter de ces résultats, mais je considère malgré tout que notre taux de transfert total, quand bien même il est en constante augmentation, reste trop modeste. Nous devons donc travailler à cette question.

Pour ce qui est des laissez-passer consulaires, tout dépend des pays. Avec certains, les choses se passent très bien : je me garderai de critiquer la Géorgie sur ce point, puisqu'elle répond à 99 % de nos demandes de laissez-passer consulaires. Avec d'autres pays, cela fonctionne moins bien. Vous avez cité les trois pays du Maghreb : avec le Maroc, ça marche, avec l'Algérie, ça ne marche pas et avec la Tunisie, ça ne marche pas bien – et c'est un euphémisme...

À l'occasion de mon déplacement au Sénégal, il y a une dizaine de jours, nous avons conclu un accord qui devrait être efficace : c'est un accord global, qui porte à la fois sur des présences et des contrôles sur la fraude documentaire dans les aéroports de départ, mais aussi sur des contrôles et la présence d'officiers de liaison des pays d'origine dans les aéroports français. D'autres pays comme la Côte d'Ivoire sont aux prises avec d'énormes difficultés liées à la fraude documentaire ; là aussi, des contrôles, in situ, dans l'aéroport du pays d'origine, nous permettent d'améliorer le nombre des non-départs, ce qui est toujours la meilleure façon de gérer la situation.

Le nombre de laissez-passer consulaires délivrés en temps utile a augmenté de 36 % en 2018 ; je pense que nous sommes dans les mêmes eaux pour 2019, avec peut-être une amélioration. Mais je dois à l'honnêteté de vous dire que, face à des procédures longues, lourdes et qui parfois n'aboutissent pas, certains préfets ont pris l'habitude avec certains pays de ne pas demander systématiquement le laissez-passer consulaire. C'est pourquoi je me rends dans les pays les plus difficiles afin de pouvoir en rentrant dire au préfet : « J'ai rencontré le chef de l'État, il s'est engagé et a donné des consignes claires. » Nous devrons évaluer si cette démarche porte ses fruits ; je propose que nous le fassions ensemble. Un déplacement et une convention signée entre deux pays, c'est formidable, mais s'assurer de son efficacité, c'est toujours mieux...

S'agissant des CRA, 327 places ont été créées en 2018. Je souhaite que l'effort soit poursuivi : l'objectif est fixé à 500 pour 2019 avec des travaux réalisés à Nîmes, Lyon, Coquelles et Lille, qui doivent nous permettent de renforcer le dispositif.

La PAF, enfin, objet d'une question du rapporteur général, souffre en effet d'un déficit au regard des effectifs théoriques ; mais elleest un des bénéficiaires du plan de 10 000 recrutements mis en oeuvre sur la durée du quinquennat, qui prévoit que 800 emplois lui seront alloués à ce titre. Au cours de l'année 2018, 147 renforts ont été obtenus ; ils seront 184 de plus à la fin de cette année, soit 331 au total en deux ans.

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Le programme 161 constitue la principale traduction budgétaire de l'effort de l'État en matière de sécurité civile. Il est placé sous la responsabilité du directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, rattaché au ministre de l'intérieur.

Son exécution pour 2018 atteint 515 millions d'euros de crédits de paiement et 768,5 millions d'autorisations d'engagement, ce qui représente la moitié des dépenses de l'État allouées à la politique de sécurité civile.

Les dépenses fiscales rattachées au programme sont limitées – le fait est suffisamment rare pour être rappelé : il s'agit essentiellement de l'exonération d'impôt sur le revenu pour l'indemnité des sapeurs-pompiers volontaires, chiffrée à 55 millions d'euros, comme en 2017.

L'État reste un acteur subsidiaire de la sécurité civile, comme je vous l'indiquais à l'automne, puisque l'essentiel des dépenses relève des collectivités territoriales. Ce sont les départements qui ont, depuis 1996, la charge d'organiser et de financer les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Cette activité mobilise près de 5 milliards d'euros en 2018, soit dix fois le volume du programme 161.

Après l'exécution du programme, je m'intéresserai aux principaux acteurs du modèle français de sécurité civile : les sapeurs-pompiers, bien entendu. Ce sont eux que les Français connaissent le mieux, et ils font aujourd'hui face à des difficultés importantes.

J'adresse d'abord un satisfecit à la maquette budgétaire du programme, claire et cohérente. Certains indicateurs de performance apportent une réelle plus-value dans la mesure de l'efficacité des moyens nationaux de sécurité civile financés par l'État : je pense notamment à la lutte contre les feux de forêt et à l'intervention des démineurs en cas de colis suspect.

Je suis un brin plus nuancée sur les indicateurs de disponibilité des avions et des hélicoptères : il me semble que certaines difficultés méthodologiques donnent une image plutôt faussée de la performance. Des évolutions seraient souhaitables sur ce sujet.

Concernant l'exécution des dépenses, l'exercice 2018 est marqué par l'engagement du marché de renouvellement de la flotte d'avions bombardiers d'eau. Une économie de constatation de 35 millions d'euros sur ce marché, dont la négociation a été confiée à la direction générale de l'armement (DGA), a pour moitié été recyclée en crédits d'investissements au profit du gestionnaire de programme, ce qui constitue une optimisation idéale.

Le dynamisme des dépenses salariales est plus préoccupant. La Cour des comptes l'a souligné dans un rapport publié en mars : les récentes mesures de revalorisation statutaires et indemnitaires ont été coûteuses. Entre 2011 et 2016, les primes et indemnités du programme ont augmenté de 9 %, alors que la croissance des dépenses totales de traitements était contenue à 2,3 %. J'appelle à la vigilance sur ce point, et incite le ministère de l'intérieur à réfléchir sur certains dispositifs de rémunération qui apparaissent contestables, notamment le cumul des primes de police et de sécurité civile ; ce travail reste donc à mener.

Pour l'évaluation de cette politique publique, je me suis intéressée aux missions et aux moyens des SDIS. Quatre sujets m'ont préoccupée : l'impact du droit européen du travail sur le modèle français de sécurité civile, le modèle de gestion du secours à personne, la mise en place du numéro unique d'urgence et, pour finir, l'application de la gratuité des frais de péage pour les véhicules en opération.

On constate d'abord une hausse continue de la sollicitation des SDIS, portée par l'activité dite de secours d'urgence à personne (SUAP). En dix ans, le nombre d'interventions a progressé de plus de 17 %, alors même que la population n'augmentait que de 4,2 %. Le SUAP est la principale raison de cette augmentation : alors qu'il représentait la moitié des interventions en 1998, il en représente aujourd'hui plus de 80 %. Plusieurs facteurs expliquent cette situation : l'évolution de la carte hospitalière, le vieillissement de la population ou encore la prise en charge de missions considérées comme périphériques par les sapeurs-pompiers. Parmi ces sujets, ceux que l'on qualifie de « carences ambulancières » cristallisent le mécontentement, et interrogent l'organisation de notre modèle de secours.

C'est là le premier point qui a appelé mon attention. Le secours en France est réparti entre les services d'aide médicale urgente (SAMU), dont les opérations sont régulées par un médecin, et les SDIS, chargés du secours d'urgence à personne et dont la réponse est fondée sur le « départ réflexe » avant intervention médicale.

Cette répartition théorique des tâches se heurte à des difficultés pratiques, en particulier quand les SDIS sont amenés à prendre en charge les carences des transporteurs sanitaires privés : les pompiers se retrouvent alors à suppléer les ambulanciers pour des missions qui ne relèvent pas toujours de l'urgence médicale. On estime que ces carences représentent 10 % du total des demandes de transport adressées au SAMU. Ces interventions sont particulièrement mal vécues par une partie des sapeurs-pompiers et contribuent à la perte de sens, dans la mesure où leur rôle se limite à suppléer les défaillances d'un acteur privé.

Deux sujets cristallisent plus précisément les tensions entre SDIS et SAMU : le montant de l'indemnisation remboursée au SDIS, fixé à 123 euros par opération, jugé insuffisant, et la qualification d'une opération comme carence ambulancière, qui fait parfois l'objet de désaccords entre acteurs.

L'administration a néanmoins tracé des pistes de travail intéressantes pour répondre au problème, que j'évoque dans mon rapport et qu'il convient de concrétiser. En particulier, il est important aujourd'hui de réengager les transporteurs sanitaires privés dans la réponse à l'urgence.

Le deuxième point d'attention développé dans mon rapport concerne la mise en place d'un numéro unique d'urgence. Le Président de la République l'a appelé de ses voeux, et j'y souscris pleinement. Je souhaite que l'Assemblée nationale puisse y donner une nouvelle impulsion politique ; c'est pourquoi j'ai déposé une proposition de résolution sur le sujet.

L'objectif est de simplifier le traitement de l'urgence en France autour d'un numéro unique, le 112. Chaque institution impliquée dans le secours – police, gendarmerie, sapeurs-pompiers et SAMU – dispose aujourd'hui de ses propres centres de traitement des appels, avec ses opérateurs métiers spécialisés et des systèmes d'information rarement interopérables.

La mise en place de ce numéro unique est une exigence politique et une nécessité pratique. Il permettrait, en amont, de mieux filtrer et répartir les appels et, en aval, de mieux dimensionner la réponse apportée aux demandes urgentes ; avec, en bout de chaîne, le meilleur service rendu au citoyen.

Le numéro unique permettrait de répondre en partie à plusieurs problèmes structurels auxquels notre modèle de secours fait face : l'augmentation continue des appels et la hausse des agressions contre nos sapeurs-pompiers.

Pour que la réforme soit réussie, il nous faut être ambitieux. L'ensemble du secours – police, gendarmerie, sapeurs-pompiers et SAMU – doit être réuni dans un lieu unique, probablement au niveau départemental ; c'est ce que j'ai entendu au cours des auditions que j'ai menées durant mes travaux. L'intégration des systèmes de réception des appels et de traitement de l'urgence doit être la plus poussée possible. L'impulsion politique doit être forte et continue pour faire avancer cette réforme, afin de dépasser les blocages politiques, administratifs, techniques et culturels qu'elle ne manquera pas de soulever.

Ma première question, monsieur le ministre, est simple : où en est-on de la réalisation du numéro unique d'urgence, conformément au voeu du Président de la République ?

Le troisième point d'attention concerne l'application du droit européen du travail aux sapeurs-pompiers volontaires. Je voudrais, sur le sujet, me montrer bien plus rassurante. L'administration a pris le sujet à bras-le-corps, et des solutions pertinentes sont envisagées. J'adopterai donc un ton bien moins inquiet qu'à l'automne.

Tout d'abord, la directive européenne sur le temps de travail prévoit des dérogations à ses exigences, en particulier pour les services de sapeurs-pompiers. Ses dispositions permettent de moduler le calcul du temps de travail en fonction de « périodes de référence » : par exemple, les 48 heures hebdomadaires peuvent être calculées comme moyenne sur une période pouvant aller jusqu'à quatre mois. La directive ouvre des flexibilités et des possibilités de dérogations importantes, si tant est que les États membres s'en saisissent.

Concernant le repos quotidien de 11 heures, les marges de manoeuvre sont moins importantes. Il s'agit en réalité de la principale difficulté identifiée pour concilier le volontariat sapeur-pompier et une vie professionnelle dans le respect des principes européens.

L'administration a donc mené un travail juridique en lien avec le secrétariat général des affaires européennes afin de proposer un texte à la Commission européenne qui pourrait résoudre les principales difficultés actuelles.

En parallèle, un projet de texte européen concernant l'engagement citoyen au sens le plus large a été confirmé par vous-même et le secrétaire d'État, M. Nunez. Ce texte nécessitera une longue négociation avec nos partenaires européens, mais devrait répondre très largement à nos préoccupations.

L'élaboration d'un texte faisant jouer les flexibilités et les dérogations de la directive européenne est donc appelée de nos voeux pour une solution à court terme. Je crois savoir, monsieur le ministre, que vos services sont en train de le préparer. Pouvez-vous nous préciser les avancées et les réponses qu'il apportera afin de préserver le modèle de l'engagement sapeur-pompier volontaire ?

Enfin, je me suis particulièrement intéressée à l'application des dispositions législatives qui assurent la gratuité des péages pour les sapeurs-pompiers en opération.

Nous voyons arriver les premières réponses sur ce sujet. Il me semble toutefois qu'il est nécessaire qu'un contrôle extérieur de l'application de l'accord passé avec les sociétés concessionnaires soit exercé ; par exemple au sein de la conférence nationale des services d'incendie et de secours, où siègent des parlementaires et des représentants des sapeurs-pompiers, de l'État et des conseils d'administration des SDIS.

Ma dernière question est donc la suivante : comment allez-vous, monsieur le ministre, assurer le suivi de l'engagement pris par les sociétés d'autoroutes ?

Enfin, monsieur le ministre, je ne pouvais pas conclure sans saluer l'engagement sans faille de la famille de la sécurité civile et de celle des forces de l'ordre, police et gendarmerie.

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Franck Riester, ministre de la culture

Je vous épargnerai un propos général sur la présentation budgétaire : la rapporteure a mis en avant la qualité de son exécution, mais aussi de ses ambitions, notamment pour ce qui concerne le renouvellement de notre flotte aérienne, avec un programme d'investissement que nous n'avons pas connu depuis de longues années. Nous étions hier dans l'Hérault pour lancer la saison des feux ; chacun ici sait l'importance de ces dispositifs.

Notre modèle opérationnel, avant même d'évoquer notre modèle structurel unique, avec les poids respectifs des sapeurs-pompiers volontaires et des sapeurs-pompiers professionnels, reste assez unique dans l'intervention la plus rapide possible sur les feux de forêt, qui implique des moyens terrestres et des moyens aériens.

La première question que vous avez posée concerne le service d'urgence et d'assistance aux personnes. Votre diagnostic est juste, il est partagé et cette situation constitue une source de difficultés, quelquefois de désillusions chez les pompiers, mais ce service n'en demeure pas moins essentiel, même si l'on peut observer un changement dans les comportements : le débat que vous avez actuellement sur la gestion des urgences et l'explosion de l'usage des urgences ces dernières années rejoint sur ce point celui que nous avons sur la question du transport. Nous avons tous en mémoire les récits de pompiers appelés en urgence et qui découvrent en arrivant l'auteur de l'appel, avec sa valise, attendant qu'on le conduise à l'hôpital... L'armement d'un véhicule, la mobilisation de trois pompiers, cela représente un coût qui pourrait être pris en charge par le ministère des solidarités et de la santé, mais qui ne relève en tout cas pas du ministère de l'intérieur. Des discussions se poursuivent avec ma collègue Agnès Buzyn sur l'organisation globale du système ; des pistes de travail que vous avez évoquées dans votre rapport me semblent aller dans le bon sens. Je les fais miennes : nous avançons, peut-être insuffisamment vite, mais nous avançons.

Je ne reviens pas sur l'enjeu du numéro d'appel unique : 75 millions d'appels d'urgence annuels réceptionnés et 450 centres d'appel à travers treize numéros officiels ; il est donc important que nous puissions faire évoluer ce dispositif.

Lorsque vous êtes ministre et que l'on vous en parle, certains dossiers peuvent paraître simples, mais quand vous entrez dans l'opérationnalité, vous vous apercevez qu'ils sont particulièrement complexes, mais surtout qu'ils provoquent des tensions. Et ce dossier fait vraiment partie de ceux dont j'ai pu découvrir à quel point il était difficile de savoir par quel bout le prendre...

Une réunion interministérielle convoquée sous l'autorité du Premier ministre a eu lieu il y a quelques semaines. Nous avons décidé de mettre en place une mission de pilotage de projet qui associerait les différents ministères et serait conduite par une équipe conjointe du ministère de la santé et du ministère de l'intérieur ; elle est en cours de constitution. L'objectif est de proposer des expérimentations pour tester différentes options et retenir les organisations les mieux adaptées à notre modèle de sécurité civile et de santé, mais aussi les plus efficaces. Nous avons une organisation régionale pour l'un, départementale pour l'autre ; voyons quel est le bon dispositif, mais nous ne pouvons pas rester sans agir sur ce sujet.

Vous m'avez interrogé au sujet des risques pesant sur l'engagement citoyen de nos sapeurs-pompiers volontaires – c'est ainsi que je pose le problème. Dans un département rural, c'est quelquefois jusqu'à 1 % de la population qui est engagé dans le volontariat, et c'est absolument indispensable : tout le monde sait que la professionnalisation ne permettrait pas d'assurer la couverture territoriale que nous connaissons aujourd'hui. Au-delà même de cet aspect, et du débat citoyen que cela pourrait susciter, ce serait fragiliser une forme d'engagement absolument majeure ; il nous faut donc trouver le point d'équilibre.

Deux écoles s'opposent. La première considère que l'arrêt Marzak, pris en application de la directive relative au temps de travail, est une mauvaise décision à laquelle il faut résister. Or nous savons que ce n'est pas possible : le Président du Sénat avait écrit avant Noël au président de la Commission européenne pour tenter de le faire en expliquant la spécificité de notre modèle de volontariat, et je fais miens les propos qu'il avait alors tenus ; malheureusement, il s'est vu opposer une fin de non-recevoir.

Nous avons donc décidé d'agir sur deux fronts ; ce qui inquiète quelque peu, j'ai la franchise de vous le dire. J'ai présenté ces deux fronts à Fuveau auprès des pompiers et tout particulièrement auprès du président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers volontaires : j'ai indiqué que nous devions en premier lieu porter une réflexion politique pour l'élaboration d'une directive européenne relative à l'engagement citoyen qui, du coup, aurait une ambition beaucoup plus large que celle des seuls sapeurs-pompiers volontaires. Le ministère de l'intérieur répondrait de cette dimension « sapeurs-pompiers volontaires », mais nous pouvons aller bien au-delà. Nous travaillons donc à ce sujet, et nous espérons pouvoir sensibiliser tous les eurodéputés français à ce combat.

Toutefois, je ne souhaite pas, et j'ai pu échanger à ce sujet avec tel ou tel représentant de sapeurs-pompiers volontaires, prendre le risque de ne rien faire et attendre qu'une sanction tombe, dans un premier temps sous la forme de rappels réguliers de chambres régionales des comptes, mais ensuite sous celle d'une mise en demeure. Ce n'est pas encore le cas de la France, et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé que des travaux de transposition en droit interne de cette directive soient engagés afin d'exploiter toutes les exceptions, et vous en avez cité quelques-unes, que le texte prévoit.

Les Belges par exemple, sont partis bille en tête sur ce sujet et ont réglé le problème depuis quelque temps déjà. Nous avons bien avancé dans les échanges interministériels sur ce sujet ; nous avons saisi le secrétaire général des affaires européennes de ce dossier afin qu'il procède à des échanges informels avec la Commission.

Si dans le même temps nous avançons sur notre projet de directive relative à l'engagement citoyen, qui nous libérerait de ce travail de transposition ; je signe tout de suite. Ce que je ne souhaite pas, c'est que l'épée de Damoclès que nous avons au-dessus de la tête tombe. Nous ne pouvons nous permettre de courir ce risque. Précisons toutefois que tous les sapeurs-pompiers volontaires de France ne sont pas concernés : si 70 % d'entre eux exercent une activité professionnelle en plus d'une activité de volontariat, cela ne signifie pas pour autant que 70 % des pompiers seraient visés par l'application de la directive. Malheureusement, j'ai du mal à obtenir les chiffres précis, car, lorsque je sollicite l'ensemble des SDIS, tous ne répondent pas à mes questions... C'est un clin d'oeil amical que j'adresse à certains représentants des sapeurs-pompiers que nous connaissons bien tous les deux.

Vous m'avez également interrogé sur les suites données aux engagements pris par les sociétés d'autoroutes pour assurer la gratuité aux services d'incendie et de secours. On dit qu'après les déclarations amoureuses viennent les preuves d'amour... De la même façon, j'ai coutume de dire que la confiance n'exclut pas le contrôle. À l'heure qu'il est, compte tenu des messages qui ont été adressés par les cinq sociétés concessionnaires d'autoroutes, je suis en confiance, mais il n'en faut pas moins contrôler. Les intéressés doivent nous faire des propositions au plus tard le 15 juillet prochain ; et j'ai proposé à Élisabeth Borne – dès que vous l'aurez libérée des bancs de l'Assemblée nationale... ou peut-être un peu plus tard dans le cadre de l'examen parlementaire de son projet de loi – de maintenir ensemble la pression sur les sociétés d'autoroutes afin d'avancer dans ce dossier.

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Monsieur le ministre, dans un contexte de menace terroriste, l'intensification des activités de formation ainsi que la contraction du temps de travail ont contribué à une baisse du taux d'engagement des effectifs de police et de gendarmerie sur le terrain. Créée en février 2018, la police de sécurité du quotidien (PSQ) avait pour objectif d'inverser cette tendance. Or, en 2018, le taux d'engagement sur le terrain de la police comme de la gendarmerie est resté très en deçà des objectifs fixés par la loi de finances initiale. Il est même en recul par rapport à l'an dernier. Comment expliquez-vous cette situation ?

Par ailleurs, les effets de la PSQ n'apparaissent pas clairement dans le rapport annuel de performances. Il est certes indiqué qu'à l'échelle du pays les atteintes aux biens et les cambriolages ont diminué en 2018 par rapport à 2017, mais nous n'avons aucun élément de comparaison chiffrée entre les villes en PSQ et hors PSQ. Sans cette distinction, il est impossible de mener une vraie évaluation de la PSQ.

Je suis la députée de Roubaix. Comment mes concitoyens peuvent-ils me croire quand je leur annonce que la PSQ aura un effet visible sur leur quotidien, si je ne peux leur donner aucun chiffre pour appuyer mon propos ? C'est ma parole contre un sentiment d'insécurité qui, hélas, se traduit trop souvent dans les urnes. Pourquoi ne dispose-t-on pas, dans le rapport annuel de performances, d'un tableau comparatif présentant l'évolution, entre 2017 et 2018, du nombre de crimes et de délits, notamment des atteintes aux biens, dans les quartiers hors PSQ et dans ceux bénéficiant de la PSQ ? Il faudrait le même tableau comparatif pour le taux d'élucidation des vols avec violence et des cambriolages et pour le nombre de personnes arrêtées pour trafic de stupéfiants.

Au nom du groupe La République en Marche, je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des réponses que vous pourrez nous apporter.

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Monsieur le ministre, malgré l'heure tardive, je tiens vraiment, au nom du groupe Libertés et Territoires, à vous poser une question qui me tient à coeur et qui concerne les taxis. J'ai déjà interrogé Mme la ministre Élisabeth Borne à ce sujet lors de la séance de question au Gouvernement du 4 juin, mais une partie de ma question relève du ministère de l'intérieur. Vous savez que les taxis vont probablement manifester vendredi, parce que la loi d'orientation des mobilités que nous examinons actuellement ne leur convient pas sur de nombreux points.

La question qui relève du ministère de l'intérieur est celle des autorisations de stationnement, qui sont délivrées par les préfectures. À Paris, depuis le mois de février, 600 licences auraient dû être délivrées et, à ce jour, seul une poignée d'entre elles l'a été. Pouvez-vous nous en donner la raison ? Cette question relève de votre ministère, puisque c'est une question de sécurité intérieure. Vous n'imaginez pas le niveau de colère des taxis : on sent une réelle exaspération, surtout depuis l'arrivée de ces applications qui les concurrencent. À ce jour, la « loi Grandguillaume » n'est toujours pas entièrement appliquée et la colère grandit.

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Monsieur le ministre, malgré votre brillante plaidoirie pour nous démontrer les efforts fournis par le Gouvernement, force est de reconnaître que les moyens humains, matériels et budgétaires affectés à la sécurité des Français sont notoirement et structurellement insuffisants. Et que dire de la situation des pays dits d'outre-mer et singulièrement de la Martinique ! Malgré l'explosion de la délinquance et des trafics de drogues et d'armes, les effectifs de la police y connaissent une régression inquiétante depuis des années.

Premièrement, un tiers des fonctionnaires en activité est en maintien, c'est-à-dire en âge de partir à la retraite. Ils peuvent donc, du jour au lendemain, faire valoir leurs droits à la retraite. Or on sait pertinemment qu'en l'état actuel des choses, ils ne pourraient pas être remplacés sur le champ.

Deuxièmement, les renforcements deviennent urgents, notamment auprès de la direction de la sécurité publique, où il manque une cinquantaine de fonctionnaires. C'est le cas également de la compagnie départementale d'intervention. Alors qu'elle comptait cent agents à l'origine, elle n'en compte plus que cinquante-sept : on peut donc parler de sous-effectifs chroniques. Et que dire de la PAF ! La Martinique est la troisième baie du monde, ce qui impose des moyens importants de surveillance ; or il nous manque quinze agents.

Je souhaite également appeler votre attention sur l'affectation des personnels de direction. Un chiffre est particulièrement éloquent. On compte 560 policiers en Martinique, dont huit commissaires : aucun d'entre eux n'est Martiniquais. Le fait que les formations se tiennent quasi exclusivement dans l'Hexagone pourrait expliquer cette rupture du principe d'égalité et de tels chiffres. En Martinique, les recrutements de commissaires s'effectuent sur la base de postes dits « très difficiles », alors même que le Gouvernement refuse à ce jour que la Martinique soit placée en zone difficile. Monsieur le ministre, pourquoi ces commissaires viennent-ils le plus souvent d'Afrique ? Cela banalise des méthodes d'un autre temps, particulièrement très mal vécues chez nous.

J'en viens à la question des mutations. Pour un fonctionnaire de Martinique qui passe son concours en Martinique, il faut attendre neuf ans pour être éligible à la mutation et au retour au pays. Or la généralisation des contrats de trois ans revient à exclure les fonctionnaires de police qui ont passé leur concours en Martinique. Bref, monsieur le ministre, quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour mettre fin à un fonctionnement vécu comme une discrimination supplémentaire au sein de la police en Martinique ?

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Franck Riester, ministre de la culture

Madame Osson, je suis dans l'incapacité de vous donner les chiffres d'évolution en PSQ et hors PSQ, pour la bonne raison que la totalité du territoire national est en PSQ. En revanche, je peux, pour n'importe quelle circonscription géographique de la police nationale, vous donner les évolutions d'une année sur l'autre, y compris pour votre territoire. Sur le dispositif plus ciblé des quartiers de reconquête républicaine, qui étaient au nombre de quinze en 2018, il est possible de faire le travail d'évaluation que vous proposez. En revanche, je répète que la PSQ est un dispositif qui s'applique sur l'ensemble du territoire national, selon des modalités certes différentes – c'est ce que j'ai appelé tout à l'heure le développement dans la proximité ou le « sur-mesure » : d'un territoire à l'autre, il peut effectivement y avoir des différences.

Pour ce qui est du taux d'engagement effectif sur le terrain, l'objectif cible, pour la police, était de 41 % ; il a atteint 36,16 % en 2018. Cet écart s'explique par le fait que la police technique et scientifique n'est pas considérée comme de la police de terrain, alors même qu'elle joue un rôle essentiel et qu'elle monte en puissance. La rédaction des procédures n'est pas non plus considérée comme de la police de terrain, alors même qu'elle est indispensable. Pour la gendarmerie nationale, le mode de calcul est différent – je tenais à le préciser pour ne pas laisser penser que les gendarmes travaillent davantage sur le terrain que les policiers, encore moins opposer ces deux forces du ministère de l'intérieur. Le taux d'engagement des gendarmes sur le terrain est de 60,34 % en 2018, pour un objectif de 63 %. Il est stable par rapport à 2017 et nous devons effectivement faire en sorte qu'il s'améliore.

Monsieur El Guerrab, vous m'avez interrogé sur les autorisations de stationnement liées aux licences de taxi. Il est vrai que le métier de chauffeur de taxi est devenu très difficile. Ces professionnels ont payé leur licence très cher et le modèle économique, dans ce secteur, a totalement changé en quelques années. Ce problème vous préoccupe à juste titre et croyez bien qu'il nous préoccupe également. Je n'ai pas en tête le nombre exact des autorisations de stationnement accordées à Paris et je me propose donc de vous répondre par écrit.

Monsieur Nilor, je dois avouer que je n'ai pas compris vos propos au sujet des commissaires qui viendraient d'Afrique. Les commissaires de la République française sont des Français qui passent un concours national et qui suivent une formation en droit français qui s'applique partout sur le territoire. Il n'y a pas à établir de distinctions de ce genre.

En revanche, il existe, particulièrement dans les outre-mer, le principe de ce qu'on appelle la prise en compte des centres des intérêts matériels et moraux (CIMM), qui précisément favorise dans le processus de mutation la prise en compte d'un lien avec un territoire d'origine, en particulier avec l'outre-mer. Ce dispositif fonctionne plutôt bien, mais il suppose toutefois de remplir certains engagements. Les gardiens de la paix à leur sortie d'école doivent ainsi rester pendant une durée minimale sur le lieu de leur première affectation. Pour ce qui est des commissaires, il faut que nous ayons des commissaires originaires des Antilles, qu'ils aient passé le concours et qu'ils demandent leur mutation pour les Antilles ; auquel cas nous faisons jouer le dispositif CIMM, comme la loi le prévoit.

S'agissant des effectifs en Martinique, je n'ai pas le tableau sous les yeux et je vous transmettrai une réponse écrite.

Vous avez enfin parlé des trafics de drogue. Il y a dix jours, une opération menée conjointement avec l'armée a permis la saisie de 6,4 tonnes de drogue dans les Caraïbes. Cela démontre l'efficacité du dispositif mis en oeuvre, mais aussi le danger que représentent ces tonnes de stupéfiants et le nombre de vies qu'elles peuvent briser en outre-mer puis dans l'Hexagone. Il nous faut donc être particulièrement mobilisés. C'est la raison pour laquelle des outils spécifiques renforcés sont nécessaires pour toute la zone caraïbe et la Guyane par lesquelles passent les routes empruntées par le trafic de drogue.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 9 heures

Présents. - M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, Mme Dominique David, Mme Stella Dupont, M. M'jid El Guerrab, Mme Sarah El Haïry, M. Joël Giraud, M. Romain Grau, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Michel Lauzzana, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Daniel Labaronne, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Philippe Vigier

Assistaient également à la réunion. - Mme Sophie Auconie, Mme Aurore Bergé, Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, M. Alain David, Mme Béatrice Descamps, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Brigitte Kuster, Mme Anne-Christine Lang, M. Olivier Marleix, M. Denis Masséglia, Mme Sophie Mette, M. Jean-Philippe Nilor, M. Bruno Studer, Mme Sylvie Tolmont

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