Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 12 juin 2019 à 11h55

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • infrastructures
  • mahorais
  • mayotte
  • outre-mer

La réunion

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La réunion débute à 11 heures 55.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission examine la proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte (n° 1907) (M. Mansour Kamardine, rapporteur).

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Nous allons procéder à l'examen de la proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte. Le rapporteur est M. Mansour Kamardine. Il s'agit d'un texte inscrit par le groupe Les Républicains à l'ordre du jour de sa journée réservée du jeudi 20 juin 2019.

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Madame la présidente, chers collègues, 84 % de la population de Mayotte vit sous le seuil de pauvreté. Pourtant, le panier de la ménagère y est plus cher que la moyenne nationale de 73 %. La solidarité nationale s'y exprime moins que partout ailleurs dans les départements de métropole et des outre-mer.

Mayotte est un trésor environnemental de niveau mondial à valoriser, à préserver et à transmettre aux générations futures. Mais cet environnement est en danger, comme les trente-trois autres points chauds de la biodiversité mondiale répertoriés.

Mayotte est le seul département ultramarin dont l'aéroport ne possède pas de piste d'une longueur adéquate. Je suis persuadé que Mme la présidente et les deux vice-présidents de la Commission, qui nous ont fait l'honneur de leur visite, peuvent en témoigner : l'atterrissage est toujours assez sportif… Or, la population mahoraise sera la deuxième des outre-mer à l'horizon d'une génération et la position géographique de l'archipel est remarquable.

Mayotte est le seul département français d'outre-mer ne possédant pas de grand port maritime malgré une situation régionale stratégique reconnue de tous. C'est la porte d'entrée de la France et de l'Europe ainsi que de leurs entreprises en Afrique de l'Est et australe, où les perspectives de croissance économique sont importantes en comparaison avec la saturation des marchés européens.

Mayotte est la région française qui nécessite le plus d'investissements de la part des collectivités locales alors que les dotations de l'État par habitant sont, de loin, les plus faibles des départements français.

Mes chers collègues, Mayotte n'en peut plus des attitudes dilatoires qui consistent à remettre à après-demain ce qui avait été décidé hier. Mayotte souffre mais résiste et refuse de désespérer. Nos concitoyens de Mayotte rongent leur frein pour enfin être considérés pour ce qu'ils sont : des Français à part entière et non des citoyens de seconde zone. Les Mahorais demandent qu'on les libère des chaînes du sous-développement, des chaînes du sous-équipement, des chaînes de l'inégalité. Les Mahorais demandent qu'on libère leur énergie pour qu'ils puissent participer au développement économique et social de leur territoire, pour qu'ils puissent contribuer au destin de la nation et à la préservation de notre maison commune.

Il y a un an, l'État a présenté un plan de 1,3 milliard d'euros comme réponse à la grave crise sociale, migratoire et sécuritaire de 2017-2018. Dans ces conditions, pourquoi cette proposition de loi ? D'aucuns se posent la question. Ma réponse est simple : le plan gouvernemental de 2018 a répondu simplement à l'urgente nécessité de débrayer la colère sociale, mais il est resté muet sur la trajectoire d'un développement durable dont l'île a besoin.

Du reste, lorsque nous regardons de près ce plan de 1,3 milliard d'euros, nous notons qu'il ne comporte que 10 % à 15 % de mesures nouvelles en termes financiers. De plus, les axes principaux du plan gouvernemental visent à permettre l'intégration à travers l'accès à l'école et à l'hôpital des flux migratoires consécutifs à l'absence de maîtrise des frontières. Aussi, le plan de 2018 ne parle-t-il pas aux Mahorais car il ne tient pas compte de leurs priorités.

Tout le monde connaît ce proverbe probablement chinois : « Si tu veux nourrir un homme un jour, donne-lui un poisson ; si tu veux nourrir un homme toute sa vie, apprends-lui à pêcher. » Voilà ce que veulent les Mahorais : qu'on leur donne les moyens d'un développement durable endogène et la capacité d'être un moteur du développement régional.

Pour l'heure, je dirais que le Gouvernement s'évertue à livrer à Mayotte des poissons maigres en qualité et en quantité, mais en nombre suffisant pour attirer ceux qui dans la région peinent à survivre. L'État ne règle donc pas le problème ; en fait, il l'aggrave tout en allumant inconsciemment le feu des passions tristes, car on ne contraint des pauvres à partager la pauvreté avec plus pauvres qu'eux sans créer des ressentiments. N'oublions pas que l'enfer est pavé de bonnes intentions !

Nous devons changer de paradigme. Ce n'est pas en maintenant Mayotte dans le sous-développement que nous enraierons la pression migratoire ; c'est en faisant de Mayotte un moteur puissant d'entraînement du développement régional que nous favoriserons le décollage économique et social de nos voisins et que nous désamorcerons la pompe infernale.

Voici l'objet de cette proposition de loi : doter Mayotte des infrastructures nécessaires à son développement durable et à son insertion régionale ; assurer la protection de son environnement ; rectifier la dotation de l'État aux collectivités locales.

Ce texte comporte un chiffrage clair de ce dont Mayotte a besoin pour casser la spirale de l'isolement, de la misère et du sous-équipement. Actuellement, nos infrastructures sont vieillissantes, insuffisantes ou détruites. Vieillissantes comme l'est la centrale électrique diesel des Badamiers dont la Commission de régulation de l'énergie disait déjà, en 2015, qu'elle n'était pas aux normes environnementales. Insuffisantes, comme l'est l'aéroport de Pamandzi où aucun Airbus ne peut se poser tellement elle est courte et où l'on maintient de ce fait un monopole aux conséquences tarifaires néfastes. Détruites, comme l'est l'usine de dessalement d'eau de mer de Petite-Terre qui a brûlé il y a un an et que personne ne semble vouloir réparer.

Je n'ai cité ici que quelques exemples marquants. Je vous invite à consulter le projet de rapport qui vous a été communiqué. Vous verrez que les routes sont dans un état si déplorable que des enfants se lèvent à quatre heures du matin pour arriver en classe à l'heure, alors que le collège ou le lycée n'est situé qu'à quelques kilomètres de leur domicile. Vous lirez que la population, la plus pauvre de France, se situe dans la dernière moitié des classements internationaux en termes d'indice de développement humain. Oui, mes chers collègues, Mayotte, terre de France, est derrière les Seychelles, l'Île Maurice, le Venezuela et Cuba en termes d'indice de développement humain !

Il faut sortir de ce cercle négatif dans lequel nous entraîne une croissance démographique incontrôlée. Quand on rencontre les statisticiens, ils disent que les flux entrants sont élevés parce que les arrivées depuis les Comores ne tarissent jamais. Ces flux ont même été multipliés par dix dans la période 2013-2017, comparée à la période 2008-2012, alors que les jeunes Mahorais, pourtant éduqués et de nationalité française mais désespérant de construire un avenir sur leur territoire, quittent Mayotte en masse pour rejoindre la métropole ou La Réunion. Entre 2013 et 2017, plus de 26 000 jeunes ont quitté le territoire parce qu'ils désespèrent de Mayotte.

Nous devons rétablir l'égalité républicaine pour favoriser le maintien à Mayotte des natifs qui le souhaitent. Dans ce texte, je vous propose d'instaurer l'égalité sociale, et pas en 2036 comme projeté actuellement. Je vous propose aussi de soutenir les collectivités territoriales confrontées à des défis d'investissements insolubles parce qu'elles reçoivent moins que ce qu'elles devraient de la part de l'État. Oui, il faut le dire : un Mahorais reçoit moins de l'État, en moyenne, qu'un métropolitain ou qu'un ultramarin. Ce n'est pas moi qui le dis : la Cour des comptes l'a écrit, de même que les deux derniers rapporteurs de notre commission des Lois sur le budget de la mission « Outre-mer » – Mme Huguette Bello et M. Philippe Dunoyer. Je n'invente donc rien en parlant de ce beau territoire que je porte en moi. Encore faut-il préciser que leurs calculs se fondent sur le recensement de l'Institut national de la statistique et des études économiques qui est bien moins fiable à Mayotte dans la mesure où une bonne partie de la population, en situation irrégulière, évite les contacts avec les agents recenseurs.

Nous devons aussi, et surtout, offrir des perspectives pour le futur. Mon texte vous propose un futur responsable écologiquement, sur la base de constats simples, en partant des réalités. Je vous donne un seul exemple : constatant que l'assainissement est défaillant, l'État va financer huit centrales d'épuration d'ici à 2022, mais comme le réseau des eaux usées est extrêmement lacunaire, voire inexistant dans les bidonvilles, nous savons que les déchets finiront immanquablement dans le sous-sol et dans le lagon… Il ne faut pas replâtrer ; il faut construire en ayant l'environnement toujours en tête. Les discours sur la préservation de la biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique, c'est bien. Je vous propose maintenant de passer aux actes.

Nous devons aussi profiter des atouts que la nature met à notre disposition. Depuis plus de cent cinquante ans, des marins français s'émerveillent devant la baie de Longoni qui est un port naturel absolument parfait. Nous sommes un territoire français, pauvre mais sûr, qui pourrait accueillir les investisseurs. Dans le modèle du commerce international maritime, nous devrions logiquement être la plateforme d'éclatement de toute la sous-région et rayonner sur l'ensemble du canal du Mozambique. Ce n'est pas le cas parce que le port est mal géré, parce que c'est le seul port outremer dans la gouvernance duquel l'État ne joue pas son rôle, parce que nous manquons d'infrastructures. J'ai déposé un amendement sur ce sujet, hélas incomplet pour cause de recevabilité financière, mais dont je vous reparlerai tout à l'heure.

Mes chers collègues, alors que les braises couvent et menacent comme l'attestent les résultats d'une élection récente, alors que notre maison commune brûle, les Mahorais vous demandent de ne pas regarder ailleurs. Pour une fois, pour la seule fois depuis 2017, il vous est proposé de prendre en compte globalement leurs aspirations. Les mots coconstruction, considération, projet partagé, intégration régionale, égalité républicaine, conquête des marchés internationaux, fraternité ne sont pas que des slogans. Osez en faire des réalités !

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Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

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Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner la proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte. Je tiens tout d'abord à saluer le travail de notre collègue Mansour Kamardine que l'on sait, comme les autres parlementaires mahorais que sont la députée Ramlati Ali et le sénateur Thani Mohamed Soilihi, particulièrement engagé sur les sujets qui concernent ce territoire et son devenir.

Nous partageons le constat dressé concernant la situation de Mayotte et ses besoins en termes de rattrapage et de développement. Il est indéniable que Mayotte affiche un retard par rapport aux autres départements de la République dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de la mobilité, de l'environnement ou de la sécurité. Il est vrai aussi que la forte pression migratoire, notamment en provenance des Comores, déstabilise l'équilibre de l'île et participe à ses nombreuses fragilités.

À titre personnel, j'ai pu me convaincre des réelles difficultés rencontrées par nos compatriotes mahorais lors d'un déplacement sur place au mois de septembre 2018 avec notre présidente Yaël Braun-Pivet et M. Philippe Gosselin. Nous avons livré le même état des lieux, le 22 janvier, lors de la présentation de notre rapport consécutif à ce déplacement.

Nos constatations et la nécessité de répondre rapidement à la situation mahoraise ont été et demeurent largement partagées par le Gouvernement. En effet, après le mouvement social important qui a paralysé l'île au début de l'année 2018, la ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, a formulé au nom du Gouvernement un plan d'action pour l'avenir de Mayotte comportant 53 engagements et 125 actions.

S'agissant de sa mise en oeuvre, un premier bilan peut être dressé. Les mesures semblent à la hauteur des enjeux locaux. Ainsi, sur le plan de la sécurité, le nombre d'effectifs des forces de l'ordre a-t-il augmenté avec plus de 170 policiers et gendarmes supplémentaires depuis 2018. Mayotte a également bénéficié de la mise en place de la police de sécurité du quotidien, tant en zone gendarmerie que police. Le nombre de réservistes de la gendarmerie et de la police a également été renforcé.

Sur le plan de la prévention de la délinquance, le Fonds d'intervention pour la prévention de la délinquance a été doublé.

Sur le plan de la lutte contre l'immigration illégale, l'état-major de lutte contre l'immigration clandestine créé par le Gouvernement est installé depuis le 25 mai 2018 et le groupe d'enquête sur la lutte contre l'immigration clandestine depuis le 20 juin. Ce groupe rassemble des personnels de la sécurité publique de la police aux frontières, de la gendarmerie, de la douane et des finances publiques. Ces efforts, tant en moyens qu'en organisation, ont conduit à 15 000 mesures d'éloignement en 2018, en dépit des mesures de suspension officielle des reconduites pendant huit mois. On note une moyenne de 2 300 éloignements par mois au cours du premier trimestre 2019, contre 1 000 en 2017. Ces engagements se sont également traduits par une hausse des interpellations à terre, en 2018 comme en 2019, ou encore par le démantèlement de filières de passeurs en 2018.

Sur le plan de l'emploi, la direction régionale de Pôle emploi a été créée le 1er avril 2019. Son directeur est déjà en poste. Le dispositif « Cadres avenir à Mayotte » est lancé depuis la rentrée 2018 : 2,2 millions d'euros ont été investis par l'État pour financer 486 entrées en formation supplémentaires.

Sur le plan de la santé, le Gouvernement a engagé, en plus de la mise en place d'une agence de santé de plein exercice à Mayotte, 20 millions d'euros de crédits en 2019 pour programmer des travaux d'urgence.

Sur le plan de l'éducation, un rectorat de plein exercice va être créé. 500 personnels seront recrutés sur cinq ans.

À ces premières mesures s'ajoutent celles du plan « Trajectoire outre-mer 5.0 », arrêté le 8 avril dernier, qui devrait être la concrétisation des objectifs de développement durable issus des assises de l'outre-mer et du Livre bleu.

Enfin, un contrat de convergence sera signé à la fin du mois de juin qui représentera la trajectoire budgétaire de l'État et des collectivités locales de 2019 à 2022. Les principaux engagements de ce contrat à venir sont les suivants : près de 200 millions d'euros sur le volet infrastructures de santé ; 140 millions d'euros pour l'eau et assainissement ; 450 millions d'euros pour les équipements scolaires ; plus de 230 millions d'euros pour le logement et la politique de la ville ; 45 millions pour les infrastructures sportives : 180 millions d'euros pour les transports et les mobilités ; 21,3 millions d'euros avec le dispositif du plan d'investissement des compétences pour la formation. Au total, l'État devrait doter ce contrat de convergence au bénéfice de Mayotte d'une somme de 1,1 milliard d'euros.

Aussi, cher Mansour Kamardine, si nous partageons le diagnostic quant à la situation de l'île et aux attentes de nos concitoyens qui y vivent, il est préférable de s'en remettre à l'action gouvernementale, particulièrement volontariste, ambitieuse et d'ores et déjà engagée, plutôt qu'à une proposition de loi dont les contours et le caractère définitif sont incertains.

Mayotte a toujours exprimé son amour à la République ; c'est à cette dernière qu'il appartient désormais de se montrer à la hauteur de l'attachement des Mahorais. C'est pourquoi, pour l'avenir de notre cent-unième département, le groupe LaREM s'en remettra, avec exigence mais confiance, aux engagements sans précédent pris pour cette île par le Gouvernement.

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Je tiens à saluer notre collègue Mansour Kamardine pour le travail réalisé. Comme lui, Les Républicains ont à coeur d'assurer le développement économique, social, autonome des différents territoires ultramarins, et notamment de Mayotte. L'outre-mer, c'est la France, toute la France. Il ne doit pas y avoir des citoyens de seconde zone, il ne doit pas y avoir ceux qui seraient proches de la métropole et ceux qui vivraient dans des zones périphériques en difficulté.

Le Président de la République doit se rendre à l'automne à Mayotte. Pour notre part, nous sommes prêts dès maintenant à ce vrai plan Marshall de développement qui nous est proposé par notre collègue Mansour Kamardine, pour assurer une reprise en main d'un certain nombre d'infrastructures et d'investissements dans une île qui est devenue, en 2011, le cent-unième département de France.

Ce plan est assez ambitieux puisqu'il représente une centaine de millions d'euros chaque année pendant une dizaine d'années, soit au total 1 milliard d'euros. Mais si l'on rapporte ce montant au nombre d'habitants et aux besoins, cela ne me semble pas insurmontable, même si je note sans polémiquer que le Gouvernement a pris en compte ces derniers temps un certain nombre des questions qui se posent.

Nous soutiendrons ce texte car il s'agit d'assurer sur des bases saines le développement du territoire, l'égalité des droits économiques et sociaux, mais aussi le rayonnement culturel et économique de la France. Comme l'a indiqué le rapporteur, Mayotte a une situation géographique exceptionnelle aux portes de marchés en pleine expansion, ceux de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe. C'est l'occasion de faire entrer dans la modernité ce territoire qui a une vieille relation avec la France : je ne reviendrai pas sur les sultans batailleurs ni sur la cession de 1841, mais si certains territoires ont parfois eu des relations compliquées avec la métropole, ce n'est pas le cas de Mayotte. Aucun doute, Mayotte, c'est la France, c'est bien toute la France ! Nous avons pu le vérifier lorsque nous nous sommes rendus sur place en septembre dernier avec la présidente Yaël Braun-Pivet et le vice-président Stéphane Mazars, avant de partager ici même, au mois de janvier, ce diagnostic de la situation difficile, voire périlleuse de Mayotte.

De vraies questions se posent en matière d'infrastructures : les voies de communication sont saturées, les routes sont dans un état tel que les enfants doivent se lever très tôt pour rejoindre le collège ou le lycée – où le rythme n'est d'ailleurs pas le même que dans les autres départements français puisque ces établissements sont contraints de fonctionner en rotation, par demi-séquences pour accueillir tant bien que mal des jeunes qui ont besoin de formation professionnelle et intellectuelle. Or, plus de la moitié de la population à Mayotte a moins de vingt ans : si la jeunesse est une chance, elle crée aussi des difficultés de gestion à court terme puisque les infrastructures sont défaillantes et que cela exige des investissements.

Il convient aussi d'assurer les services de base et les services publics du quotidien. On note, comme l'a dit le rapporteur, des différences en ce qui concerne les régimes sociaux avec des décotes qui peuvent atteindre 50 % par rapport à ce qui se fait ailleurs. C'est vrai pour le revenu de solidarité active (RSA) et pour certaines pensions de retraite, ce qui n'est pas acceptable. Un plan de rattrapage s'impose.

En matière d'urbanisme, nous avons pu constater que les constructions partent dans tous les sens. Nul ne peut nier ni contester les difficultés liées à l'existence de bidonvilles. Certes, les gens ont peut-être une certaine philosophie de vie et savent s'adapter, mais on ne peut pas soutenir que cette situation est normale. De surcroît, tout rejaillit sur un environnement écologique fragilisé qu'il faudrait effectivement totalement intégrer dans la « Trajectoire outre-mer 5.0 » telle qu'elle a été définie, et aller au-delà.

En conclusion, le plan d'ensemble que propose le rapporteur ne me paraît pas en contradiction avec ce que fait le Gouvernement aujourd'hui, mais complémentaire et aller au-delà. C'est pourquoi nous devons soutenir ces efforts importants au profit de Mayotte.

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Le constat est indéniable et partagé par tous : le département de Mayotte connaît de nombreuses difficultés et un retard en matière d'infrastructures. Notre Commission est sensible à cette situation dont nous avons déjà discuté il y a quelques mois grâce au rapport d'information de notre présidente et de MM. Gosselin et Mazars, qui se sont penchés sur les problématiques régaliennes ainsi que sur le volet économique et social.

Je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur, pour cette proposition de loi qui est l'occasion de mettre en lumière les autres difficultés, notamment environnementales, de ce territoire. Toutefois, nous sommes en désaccord sur les solutions à apporter. Vous ne nous proposez qu'un axe de réponse : un effort de financement de 995 millions d'euros sur dix ans avec un fléchage en direction de certaines infrastructures. Si le groupe du Mouvement démocrate et apparentés reconnaît bien volontiers que certains projets que vous mettez en avant sont nécessaires et utiles au développement de Mayotte, la méthode nous paraît discutable : nous ne partageons pas cette logique selon laquelle il suffirait de financements supplémentaires pour régler la plupart des problèmes, car il faut aussi souvent lever des freins et des difficultés structurelles. C'est sur ces points qu'il nous faut insister et travailler.

Lors du printemps de l'évaluation et de l'examen de la mission Outre-mer, nous avons pu constater une sous-consommation des crédits sur l'exercice 2018, qui s'explique notamment par la difficulté à mettre en oeuvre un projet efficace, viable et pragmatique.

Vous souhaitez inscrire dans une loi une grande partie du contenu du plan de convergence conclu entre l'État et le département de Mayotte. Cette approche ne nous paraît pas judicieuse. Nous préférons laisser aux acteurs locaux le soin de négocier les projets avec l'État et de mettre en oeuvre prioritairement ces projets au sein du plan de convergence.

De plus, nous pensons qu'il est de notre devoir de parlementaires d'avoir une réflexion réaliste sur le financement de nos propositions. Vous proposez de financer 99,5 millions d'euros par an par la taxe sur les transactions financières infrajournalières. Je rappelle que cette taxe avait été inscrite dans la loi de finances de 2017 et supprimée par la loi de finances de 2018, juste avant son entrée en vigueur car il aurait été techniquement impossible de la mettre en oeuvre. J'ajoute qu'elle avait été vivement critiquée par la Cour des comptes en raison d'un fort risque de contentieux avec les investisseurs étrangers.

Enfin, nous souhaitons rappeler que le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) est en mesure de financer une grande partie des projets que vous mettez en avant dans cette proposition de loi : Mayotte bénéficie tout particulièrement du FEI qui a été augmenté cette année de 70 millions d'euros. Notre groupe pense que plusieurs projets que vous soutenez pourront être mis en oeuvre par ce biais.

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Monsieur le rapporteur, vous proposez de lutter contre les retards d'équipement et dans la mise en oeuvre des droits sociaux à Mayotte, et d'en faire un territoire zéro carbone – objectif environnemental que nous ne pouvons que partager. Vous prévoyez une programmation financière pour un effort exceptionnel de rattrapage des infrastructures.

Bien entendu, les membres du groupe Socialistes et apparentés sont d'accord sur le caractère inacceptable des retards soulignés. Vous mettez en avant un certain nombre d'actions à mener, par exemple en matière d'infrastructures : le port en eau profonde de Longoni, le prolongement de la piste de l'aéroport à Pamandzi ou la construction d'une nouvelle piste convergente, dossiers que l'on connaît bien puisqu'ils sont en cours depuis longtemps. Vous préconisez également une amélioration des transports routiers et une augmentation des effectifs du centre universitaire de formation et de recherche supérieure à ce qui est prévu par le contrat de plan État-région. Vous soulignez aussi, à juste titre, les difficultés afférentes à la gestion de l'eau malgré le plan d'urgence eau, estimant que le contrat de progrès signé au mois de juillet 2018 n'apporte pas suffisamment de moyens.

Tout ce qui se dit concernant l'égalité sociale nous semble fondé. C'est vrai, Mayotte détient un triste record avec 84 % de la population sous le seuil de pauvreté, et le record de coût du panier moyen de consommation des produits de consommation courante. Mais si nous sommes tous conscients que Mayotte est un des territoires les plus pauvres et qu'il souffre d'un retard d'équipement, il ne faut pas oublier que c'est aussi le territoire qui est entré le plus tard, si je puis dire, dans l'ensemble français – c'était en 1841 – et qu'il est devenu un département français il y a seulement quelques années.

Pour rattraper ces retards, la loi de juillet 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique a affirmé le droit des Mahorais à vivre à égalité avec les autres. Elle a aussi défini une méthode pour y parvenir, celle des contrats de convergence, qui interviennent après un certain nombre d'accords contractuels qui existaient déjà : ainsi le projet Mayotte 2025, qui avait été élaboré après une large concertation sur les besoins de la population.

Au final, je ne suis ni pour ni contre votre proposition de loi. Sur le fond, vous avez sans doute raison. Mais je ne comprends pas comment les crédits énoncés dans la proposition de loi vont s'articuler avec ce qui est prévu dans la loi relative à l'égalité réelle outre-mer, avec les contrats de convergence signés l'année dernière et qui sont en cours, avec les contrats de plan eux aussi en cours et avec la loi de finances qui réajuste annuellement les crédits. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas encore une opinion définitive. Si je ne suis pas en désaccord avec de nombreux points que vous soulignez, je ne vois pas très bien ce qu'ils apportent de nouveau par rapport à la trajectoire financière définie contractuellement ni comment les crédits que vous proposez s'intègrent dans le dispositif arrêté entre les élus et l'État dans les contrats de convergence.

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À mon tour, je tiens à saluer la grande qualité et la grande exhaustivité du rapport qui accompagne cette proposition de loi. J'avoue sans honte que j'ai appris beaucoup de choses.

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Effectivement, même si l'atterrissage est sportif, ai-je cru comprendre !

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En tant qu'ultramarin, je tiens à témoigner au rapporteur ma solidarité ultramarine tout à fait naturelle, mais sincère, sur les constats d'ordre général qui ont été faits avant de parler des constats propres au département de Mayotte. Beaucoup ici sont convaincus que les territoires d'outre-mer, tous statuts confondus, sont les plus atteints par les inégalités, encore aggravées par l'éloignement, la faiblesse de leur population et le coût de la vie. C'est particulièrement vrai à Mayotte, mais aussi en Nouvelle-Calédonie. Globalement, c'est dans ces territoires que les injustices et les inégalités sont les plus marquantes.

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'idée selon laquelle l'entrée récente de Mayotte dans le groupe des départements serait une des raisons qui explique son retard, 170 ou 180 ans après avoir rejoint la France. Comme l'a dit le rapporteur tout à l'heure, ayons le courage de reconnaître, toutes sensibilités confondues, que l'on a longtemps, trop souvent fermé les yeux sur la situation de ces territoires, loin des yeux loin du coeur… c'est un parallèle que je peux faire avec celui dont je suis élu. Cela dit, le Gouvernement actuel s'est engagé dans une voie différente. C'est tant mieux pour Mayotte.

Comme M. Balanant, j'ai toujours un peu de réticence à considérer qu'il faille présenter la situation de nos territoires de manière négative. Même si les inégalités sont présentes et qu'il faut procéder à des rattrapages, Mayotte et les autres territoires d'outre-mer ne sont pas des charges, mais bien des chances pour la France. Aussi convient-il d'aborder les problématiques de ces territoires, et notamment du vôtre, monsieur le rapporteur, de cette façon-là. C'est la raison pour laquelle, même si le prisme budgétaire est incontournable, je considère – mon coeur d'ultramarin saigne un peu, mais mon coeur de membre du groupe UDI-I et d'ancien rapporteur pour avis de la mission Outre-mer dans le budget 2019 un peu moins – que la réponse à la situation de Mayotte ne peut pas se trouver dans ces 995 millions d'euros. D'ailleurs, ce n'est pas ce que vous dites.

Je retiens de votre proposition de loi d'abord et surtout un appel à une attention particulière. Cette attention a déjà commencé à se concrétiser en 2019. Nous aurons l'occasion de le vérifier. À cet égard, je voudrais m'engager, à titre personnel, chaque fois que nous examinerons la mission Outre-mer, dans chaque prochain projet de budget, à vérifier si la trajectoire enclenchée est effectivement tenue dans la mesure où Mayotte nécessite, plus que nombre d'autres territoires, un rattrapage en termes d'infrastructures et d'inégalités sociales, mais également de développement économique endogène. Cela nous emmènera probablement beaucoup plus loin qu'à l'échéance de dix ans. Pour l'heure, votre proposition embrasse tous ces champs, et je crains que nous soyons confrontés à cette difficulté. « Qui trop embrasse mal étreint », comme dit l'adage populaire, ce qui m'amènera à exprimer, au nom du groupe UDI et Indépendants, une position quelque peu nuancée.

Enfin, le Président de la République a proposé qu'un axe indo-pacifique soit construit. Il passera par l'océan Indien et l'océan Pacifique, où Mayotte, La Réunion, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie seront les dernières portes d'entrée de l'Union européenne dans ces deux espaces colossaux, les cinq derniers territoires qui permettent à la France d'y être présente, bien au-delà de l'Hexagone. Je tenais à conclure mon propos par cette note positive : il faut que cet axe nourrisse à la fois votre réflexion et la nôtre afin que nous puissions donner, au-delà des moyens budgétaires, une capacité à la France de soutenir nos populations – notamment celle de Mayotte.

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Nous accueillons cette proposition de loi plutôt positivement car elle permet d'aborder le problème général du traitement des outremers, en particulier de Mayotte qui souffre de nombre de problèmes qui ne peuvent être attribués au seul fait qu'elle soit devenue un département français seulement en 2011. Ce texte nous permet aussi de réfléchir ensemble aux propositions qui permettraient aux concitoyens de ce territoire de bénéficier de l'ensemble de leurs droits et de voir leurs besoins économiques, sociaux et démocratiques reconnus.

Comme cela a été indiqué, le département de Mayotte connaît un taux de pauvreté extrêmement élevé puisque 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. C'est également un désert médical puisque 94 médecins sont inscrits à l'ordre des médecins pour 100 000 habitants. On note aussi une saturation hospitalière. Et comme la moitié des Mahorais ont moins de dix-huit ans, on assiste à une surpopulation scolaire qui empêche le bon déroulement des enseignements, mais également le développement du territoire dans la mesure où les élèves n'ont pas accès au savoir comme ils le devraient.

Le positionnement géographique de Mayotte devrait en faire un des territoires les plus en avance dans un certain nombre de domaines, ainsi en matière de transition écologique. Au mois de mai 2018, la ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, avait présenté un plan de rattrapage sur le quinquennat, considéré comme une étape dans les réponses à apporter à la crise et à la mobilisation sociale importante du territoire au cours des dernières années. Ce débat s'est en fait beaucoup focalisé sur les questions d'immigration, qui sont réelles et nécessitent de notre point de vue une réponse différente de celle qui est apportée, et trop peu sur les besoins économiques et sociaux. Nous avions proposé de soutenir les demandes de l'association des maires de Mayotte de porter à 1,8 milliard d'euros le plan de rattrapage sur la période 2019-2020 : les besoins sont énormes, qu'il s'agisse des infrastructures ou du respect des droits sociaux qui doivent être les mêmes pour tous si l'on veut permettre le développement.

Si nous accueillons cette discussion de manière positive, nous nous interrogerons sur l'inscription de cette proposition de loi dans le cadre budgétaire général. Nous souhaiterions surtout savoir si elle complète ou si elle se substitue à ce qui a été mis sur la table par la ministre des outre-mer. Nous présenterons plusieurs amendements qui visent à conforter l'investissement et le soutien aux populations.

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La proposition de loi de notre collègue vise à compléter le plan de l'État en doublant les sommes allouées au département de Mayotte. On a beaucoup parlé à la fois de la pauvreté de la population et des retards de développement de ce territoire. Ce plan prévoit aussi la gratuité des soins et la construction de logements sociaux, mesures très attendues.

Mon interrogation porte sur plusieurs points, et d'abord sur le financement. Prendre des engagements est une chose ; encore faut-il les réaliser. Ceci ne pose pas toujours un problème au niveau local, mais relève quelquefois tout simplement de l'État : on vous explique que les travaux sont certes prévus mais que l'argent n'est pas là et qu'il va falloir attendre… Je pourrais vous donner un exemple assez marquant, celui de la route entre Rennes et Châteaulin prévue depuis 1968 et qui n'est toujours pas terminée.

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Même à l'occasion d'un texte sur Mayotte, Paul Molac arrive à parler de la Bretagne ! (Sourires.)

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Heureusement, nous avons réussi à avoir certains engagements de l'État, au moins une partie. Je tenais à vous mettre en garde contre ce genre de pratique dont j'ai malheureusement l'habitude.

Un autre problème que rencontre Mayotte est celui de l'immigration clandestine très importante et qui entraîne des problèmes de délinquance, ce qui ne simplifie pas les choses.

Plus globalement, je m'interroge sur le mode de développement que l'on peut donner à ces territoires : en les liant économiquement à la métropole, on essaie finalement d'en faire des petites métropoles, ce qui fait qu'ils ont bien du mal à s'intégrer dans la zone économique à laquelle ils appartiennent dans la mesure où les produits qu'ils consomment viennent pour une bonne part de la métropole et non des pays voisins. Le même problème se pose pour la zone Caraïbes. C'est ce qui explique, me semble-t-il, que l'Union africaine ait reproché à la France de continuer à coloniser Mayotte et lui ait demandé de lui donner l'indépendance. Je n'ai pas de leçon à donner dans ce domaine-là, mais je constate que les difficultés demeurent et qu'elles seront très difficiles à régler.

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Je remercie l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés. D'une manière générale, ils partagent le constat que nous faisons.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur l'articulation entre le plan du Gouvernement et nos propositions. Rappelons que le plan du Gouvernement a été décidé à la suite de la crise sociale majeure qui a secoué Mayotte pendant plusieurs mois – pas uniquement les samedis, mais quatre-vingt-dix jours d'affilée. Le Gouvernement a pris la mesure des choses ; le Premier ministre a reconnu que Mayotte accusait des retards considérables et qu'un effort inouï était nécessaire. Mme Annick Girardin a été la première à remarquer que plus de 84 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté.

Le Gouvernement a proposé un plan en huit points pour répondre aux questions de sécurité et d'immigration, à l'origine de la crise, améliorer l'offre de soins, relayer la solidarité nationale, remettre l'école et la formation à niveau, proposer de nouvelles mesures pour l'habitat et le locatif social, rendre les territoires plus performants, donner la priorité à l'action économique, enfin renforcer l'État et accompagner les collectivités. Ces mesures, qui visaient à répondre à l'urgence sociale, sont regroupées dans le plan « Mayotte au quotidien ». Le but est de calmer les tensions sachant que, sans paix sociale, on ne construira rien de durable.

De notre côté, que proposons-nous ? Ou bien nous continuons de gérer l'urgence jusqu'à la prochaine crise, ou bien nous posons les bases d'un véritable développement durable. Si nous engageons Mayotte dans un développement durable et que nous réalisons les infrastructures créatrices de richesses et d'emplois, il ne sera pas nécessaire de financer davantage le RSA – ce que j'appelle « l'argent facile » – puisque tout le monde aura du travail. C'est cette conception que je défends : elle est complémentaire du plan du Gouvernement car elle n'affecte pas les solutions aux problèmes du quotidien.

Notre collègue Stéphane Mazars démontre l'intérêt de faire partie de la majorité en donnant des informations que d'autres n'ont pas : je suis député élu à Mayotte, je sais qu'une négociation est en cours sur le contrat de convergence et j'ai demandé à en obtenir les éléments. Mais je ne les ai pas reçus. Je suis donc content d'apprendre que 1,1 milliard d'euros sera consacré au contrat de convergence, mais à quelles fins ces sommes seront-elles utilisées ? Près de 450 millions seront consacrés à l'école alors que 500 millions étaient déjà prévus par le plan d'urgence. Il est probable que 50 millions ont déjà été dépensés, et que le reliquat soit présenté de manière différente dans ce contrat de convergence. Au fond, aucune vraie mesure nouvelle ne vient s'ajouter au plan d'urgence, il a été restructuré et on y a rajouté quelques annonces pour en faire le contrat de convergence.

Je propose que ce contrat de convergence comporte un premier volet constitué des mesures d'urgence décidées par le Gouvernement, et un volet de développement durable constitué des mesures que je vous propose. Il n'y a pas d'incompatibilité entre le plan du Gouvernement et ma démarche, au contraire : l'un s'attache à régler l'urgence au quotidien, l'autre s'inscrit dans la durée.

Madame Pau-Langevin, il est vrai que Mayotte n'est département que depuis dix ans, mais nous n'allons pas en attendre soixante-dix pour qu'il atteigne le niveau des autres départements d'outre-mer… Mayotte est française depuis 1841 et fière de l'être.

Aussi longtemps que Mayotte sera laissée dans le sous-développement et soumise à l'immigration massive, on ne proposera que de partager la misère avec les résultats que l'on sait. Or, la misère ne se partage pas ; ce sont les richesses que l'on partage. La proposition que nous faisons, qui n'est pas incluse dans le plan du Gouvernement, ni en contradiction avec celui-ci, permet de mettre en oeuvre un développement durable. Sachant nos difficultés économiques et notre balance commerciale, nous devons tirer parti de l'atout que constitue Mayotte. Situé à l'entrée du canal du Mozambique, c'est un point d'accès vers les côtes est-africaines et des champs gaziers dont l'exploitation va commencer. Tous les opérateurs économiques nous assurent que, si Mayotte se développait un peu, elle leur servirait de base arrière. C'est dire l'intérêt qu'il y aurait à nous accompagner dans notre démarche.

Je vous remercie toutes et tous pour la qualité et la teneur de vos propos auxquels je suis très sensible.

La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.

Titre premier Dispositions générales

Article 1er : Effort de la nation en faveur du département de Mayotte

La Commission est saisie de l'amendement CL2 de Mme Marie-France Lorho.

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Le texte fait référence à la trajectoire bas-carbone, à l'objectif zéro carbone, zéro déchet, zéro polluant agricole, tel que défini par le programme « Trajectoire outre-mer 5.0 ».

L'ambition de protection de l'environnement semble toutefois fragile au regard des objectifs de développement économique et de mise à niveau des infrastructures à un horizon de trois, six ou dix ans, selon les opérations. Un développement dans une période aussi brève doit être bien réfléchi : qu'on le veuille ou non, le développement économique et le développement d'infrastructures polluent. Si la priorité est de préserver l'environnement de Mayotte, il convient d'adjoindre au développement de l'économie et des infrastructures l'objectif d'un impact minimum sur l'environnement.

Le récif de corail de Mayotte détient plusieurs records. Il serait dommageable que des espèces disparaissent avant même d'avoir été découvertes en raison d'un développement soudain et exponentiel de l'économie. Celle de Mayotte doit être développée ; nous devons toutefois être très attentifs aux moyens pour y parvenir.

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J'invite au retrait de cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable. Il nous conduirait à retirer la proposition de loi dans son ensemble alors que nous convenons tous de la nécessité de développer le territoire. Nous sommes attachés à la défense de l'environnement et à la biodiversité, surtout dans un territoire exceptionnel à cet égard. Mais nous ne pouvons pas gagner la bataille de l'environnement en mettant en place une écologie punitive. Il faut concilier écologie et développement économique ; c'est ce que nous vous proposons. Cet équilibre est satisfait par l'article 1er de la proposition de loi.

L'amendement est retiré.

La Commission rejette l'article 1er.

Après l'article 1er

La Commission est saisie de l'amendement CL7 de M. Jean-Hugues Ratenon.

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Nous proposons de consacrer un droit à l'accès à l'eau garanti par la gratuité des 14,6 mètres cubes d'eau potable indispensables à la vie. Nous avons déjà formulé cette proposition auparavant et nous la présentons à nouveau.

À Mayotte, près de quatre habitants sur dix seraient concernés par le manque d'accès à l'eau potable, notamment du fait de la pollution de rivières. Cette situation est inacceptable.

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Madame Obono, il m'aurait été agréable de vous donner satisfaction. Mais, en toute sincérité, cela me paraît très difficile. Votre proposition n'est pas nouvelle ; or, Mayotte n'a pas de problème de prix de l'eau mais d'accès à la ressource. Des dispositions ont été prises : des bornes-fontaines publiques ont été installées – évidemment, on n'est pas dans le VIIe arrondissement de Paris – permettant aux personnes d'aller chercher de l'eau.

L'accès à la ressource fait partie des mesures d'urgence : le Gouvernement y pourvoit et il a mis en place un contrat de progrès avec le syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte pour répondre à ce problème.

Votre proposition peut être intéressante d'un point de vue social et philosophique ; je vous engage à déposer une proposition de loi sur cette question. Mais dans le cas d'espèce, je vous invite à retirer cet amendement.

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Je maintiens cet amendement car il s'inscrit dans la continuité de notre action. Nous tenions à appeler l'attention sur les problèmes d'accès à l'eau, de traitement et d'assainissement sans oublier la question de la gratuité : il faut y voir un amendement d'appel.

La Commission rejette l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement CL5 de M. Jean-Hugues Ratenon.

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Nous demandons que le Gouvernement produise un rapport afin d'établir les besoins de formation par secteurs induits par la transition écologique. La situation de ce département, son potentiel et ses ressources le placent à l'avant-poste du grand défi de la transition écologique. Afin de recourir aux moyens adéquats, nous avons besoin de l'expertise la plus fine possible. Des moyens humains seront requis, et donc de la formation.

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Avis favorable. Il s'agit d'un investissement sur les hommes ; pour réussir la transition écologique, nous aurons besoin de gens formés pour accompagner cette politique. Demander au Gouvernement un plan de formation pour la jeunesse mahoraise, sachant qu'elle représente la moitié de la population, est une bonne initiative.

La Commission rejette l'amendement.

Article 2 : Programme de développement pour la période 2020-2029

La Commission est saisie de l'amendement CL8 de M. Ugo Bernalicis.

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Cet amendement présente un programme de rattrapage pour un budget de 1,8 milliard d'euros. Conformément à la proposition des maires mahorais, il serait étalé sur la période 2018-2028.

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Avis défavorable. Cet amendement est satisfait car les propositions formulées par l'Association des maires de Mayotte pendant la crise ont été reprises dans le plan proposé par le Gouvernement. Si l'on ajoute au plan du Gouvernement la proposition que nous présentons aujourd'hui, les sommes engagées vont au-delà des demandes de l'Association des maires.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 2.

Article 3 : Rapport d'application de la loi

La Commission rejette l'article 3.

Titre II Dispositions relatives aux infrastructures

Article 4 (art. 9 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique) : Possibilité de porter de six à dix ans la durée des contrats de convergence applicables à Mayotte

L'amendement CL3 de Mme Marie-France Lorho est retiré.

La Commission rejette l'article 4.

Article 5 Contenu du contrat de convergence pour Mayotte en matière d'infrastructures

La Commission est saisie de l'amendement CL4 de Mme Marie-France Lorho.

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La notion de développement durable ne peut pas être décorrélée de la question sanitaire. Mamoudzou est l'unique ville où se trouve un hôpital, et des annexes sont ouvertes à Dzaoudi, Chirongui, Kahani, et Dzoumogné. La capacité totale de cet hôpital est de quatre cent onze lits sur cinq sites, ce qui est peu pour une population variant entre 300 000 et 400 000 personnes en prenant en compte l'immigration clandestine. Le climat favorise les maladies tropicales qui nécessitent, pour être soignées, des moyens plus conséquents ; or on compte 0,18 médecin pour 1 000 habitants en moyenne contre 2 pour 1 000 en métropole. Le développement sanitaire doit donc être pris en compte par cette proposition de loi.

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Cet amendement est satisfait car le plan d'urgence du Gouvernement prévoit une première dotation de 20 millions d'euros. En outre, 173 millions d'euros ont été votés dans la loi de finances pour 2018. Ils font également partie du contrat de convergence que nous évoquions tout à l'heure. Je vous invite donc à retirer cet amendement.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CL12 de Mme Marie-France Lorho.

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Le développement durable n'est pas possible et n'a pas de sens si l'éducation n'est pas au rendez-vous. Toutes les mesures écologiques n'auront pas d'effet si l'on ne mène pas une politique humaine. En 2000, l'analphabétisme concernait 35 % des hommes et 40 % des femmes. Les données issues de la journée défense et citoyenneté de 2015 font apparaître que 50,9 % des jeunes sont en situation d'illettrisme. La situation éducative est préoccupante : le SNES annonce jusqu'à trente élèves par classe en collège classé REP+ et trente-huit au lycée. Tous les collègues étaient classés REP et REP+ pour la rentrée 2015.

L'éducation scolaire apportée à Mayotte par les enseignants n'est globalement pas à remettre en cause. Mais il est vain de vouloir développer un institut universitaire de technologie (IUT) si la moitié des Mahorais ne maîtrise par les principes de l'éducation élémentaire.

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Une fois encore, avis défavorable. Le plan du Gouvernement a prévu 500 millions d'euros pour la période 2018-2022. Il faudra veiller à la bonne utilisation des crédits mais la réponse budgétaire est apportée. Votre amendement est donc satisfait.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 5.

Après l'article 5

La Commission est saisie de l'amendement CL13 du rapporteur.

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Mayotte est le seul département dont le port n'a pas le statut de port d'État. Par le passé, on le considérait trop petit, mais la démonstration du contraire a depuis été faite : nous avons enregistré plus 1 100 000 tonnes de marchandises en 2017, ce qui dépasse de loin le trafic du grand port maritime de Guyane.

Si nous avons l'ambition de donner à ce port le rôle de plateforme d'éclatement, l'État doit y avoir toute sa place. C'est pour cela nous souhaitons que le Gouvernement réfléchisse à l'évolution de son statut et à l'investissement nécessaire afin que ce port puisse devenir une base arrière pour les investissements réalisés sur la côte africaine, ce qui profiterait à nos entreprises.

La Commission rejette l'amendement.

Titre III Dispositions relatives au droit à l'égalité sociale

Article 6 : Application à Mayotte du code de la sécurité sociale de plein droit

La Commission rejette l'article 6.

Article 7 : Rapport sur l'ouverture des dispositifs sociaux de droit commun et l'alignement des montants des minima sociaux

La Commission rejette l'article 7.

Article 8 : Assurance vieillesse à Mayotte

La Commission rejette l'article 8.

Titre IV Dispositions relatives aux dotations aux collectivités territoriales

Article 9 : Recensement de la population de Mayotte

La Commission rejette l'article 9.

Article 10 : Base des dotations aux collectivités territoriales de Mayotte versées à partir de 2020

La Commission rejette l'article 10.

Article 11 : Fonds temporaire de dotations spéciales aux collectivités territoriales et syndicats intercommunaux de Mayotte

La Commission rejette l'article 11.

Titre V Dispositions relatives à la préservation de l'environnement et à l'inscription du territoire dans une trajectoire bas carbone

Article 12 : Contenu du contrat de convergence pour Mayotte en matière de gestion de l'eau et des déchets

La Commission rejette l'article 12

Article 13 : Contenu du contrat de convergence pour Mayotte en matière de développement durable

La Commission est saisie des amendements CL9 de Mme Danièle Obono et CL10 de M. Ugo Bernalicis.

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Ces deux amendements ont pour objet de lancer une alerte concernant la méthanisation à outrance, qui pourrait aller à l'encontre de l'objectif de protection de l'environnement. Depuis plusieurs années, le nombre et la capacité des méthaniseurs augmentent fortement en France : 646 installations étaient recensées en juin dernier et un nombre important est en cours d'installation.

Si ce procédé peut constituer une solution alternative aux énergies fossiles, il n'en reste pas moins que des dérives néfastes pour l'environnement, la santé et la sécurité peuvent se produire. Le développement de la méthanisation à l'échelle industrielle pose question. Les méthaniseurs de plus en plus gros nécessitent d'aller chercher les substrats de plus en plus loin, ce qui entraîne un ballet de camions transportant des déchets organiques.

Pour toutes ces raisons, nous préconisons de supprimer l'alinéa 4 et nous demandons au Gouvernement de remettre un rapport sur les risques de la méthanisation à l'échelle industrielle.

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Avis défavorable. Le ballet de camions auquel fait allusion Mme Obono n'est pas un risque à Mayotte ; c'est une petite île qui compte 160 kilomètres de routes. Il n'y a pas de grandes distances à parcourir et le risque pour l'environnement est faible. Aujourd'hui, 95 % de l'énergie utilisée à Mayotte est d'origine fossile. La méthanisation offre une solution de transition en attendant le développement de l'énergie photovoltaïque, essentielle dans un territoire qui compte 365 jours de soleil par an.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle rejette l'article 13.

Titre VI Dispositions relatives aux dotations aux collectivités territoriales

Article 14 : Gage de recevabilité financière

La Commission est saisie de l'amendement CL11 de M. Ugo Bernalicis.

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Nous proposons de porter le taux de la taxe sur les transactions financières à 0,5 % comme le recommandent de nombreuses associations comme Oxfam et Coalition Plus, en s'alignant sur le taux en vigueur en Grande Bretagne. Cela permettrait de dégager 1 milliard d'euros de recettes supplémentaires actuellement, voire 8,5 milliards d'euros si l'on élargit la base de la taxe aux transactions infrajournalières comme proposé par la présente loi.

Une partie de ces recettes pourrait financer le programme que nous proposons. Le reste serait bienvenu pour le budget de l'État et tous les investissements nécessaires.

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Je suis un peu ennuyé par cet amendement car j'interviens tous les ans dans la discussion budgétaire pour soutenir une augmentation de la taxe sur les transactions financières… C'est d'ailleurs pour la même raison que j'ai choisi de gager mes propositions sur cette hausse plutôt que sur l'alcool et le tabac comme le veut l'usage.

Cet amendement est cohérent avec celui que nos collègues ont présenté à l'article 2, qui prévoyait un programme d'investissements deux fois plus lourd que celui que je défends. On ne m'en voudra pas de rester attaché à ma vision du développement de Mayotte et de prévoir un gage à la hauteur de mes ambitions plutôt qu'à la hauteur de celles des autres. Je serai donc défavorable, par cohérence avec ma proposition de loi car, sur le fond, vous auriez pleinement mon soutien.

Pour ne parler que de Mayotte, mes travaux préparatoires m'ont laissé penser que nous pourrions obtenir davantage de fonds européens que prévu dans la prochaine programmation budgétaire de l'Union européenne. Je n'ai donc vraiment pas de raison de croire qu'il faudrait rehausser la valeur du gage prévu à l'article 14.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 14.

Titre VII Dispositions diverses

Article 15 : Décret d'application

La Commission rejette l'article 15.

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Tous les articles de la proposition de loi ayant été rejetés, il n'y a pas lieu de la mettre aux voix dans son ensemble.

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Je veux regretter l'absence à cet instant des députés membres du groupe du rapporteur car la question de Mayotte est essentielle. Il y a quelques mois, nous avons été plusieurs à nous rendre dans ce département où notre collègue Mansour Kamardine nous a accueillis chaleureusement. Nous estimons que Mayotte est une cause nationale parce que l'État a failli par le passé. Le département est resté à l'abandon pendant très longtemps, au point que le rattrapage auquel il faut maintenant procéder sera long et difficile – d'autant plus que la question migratoire déstabilise profondément l'île.

Au nom du groupe La République en Marche, je tiens également à dire à nos compatriotes mahorais qui suivent ces débats que notre prise de position à l'égard de la présente proposition de loi ne saurait être comprise comme un solde de tout compte à l'égard de la cause mahoraise, ni comme un signe d'indifférence de notre part. Bien au contraire, nous considérons, mon cher collègue, que c'est à juste titre que vous avez souligné les inégalités qui persistent.

De votre côté, vous avez eu l'honnêteté de rappeler que ces inégalités ne datent pas d'hier et ne sont donc pas le fait de cette majorité : en réponse à certains amendements qui sous-entendaient que rien n'aurait été fait, ni même engagé ou promis récemment, vous n'avez jamais manqué de rappeler les engagements de l'État. Évidemment, nous devons continuer à travailler ensemble sur tous les points qui posent problème. Votre proposition de loi est utile en ce qu'elle constitue, de notre point de vue, une alerte que nous ne saurions ignorer. Certaines des mesures que vous avancez sont solides, d'autres peut-être moins. En tout état de cause, je nous encourage collectivement à travailler ensemble dans les semaines, les mois et les années à venir, parce que le département de Mayotte mérite mieux que la position qui a longtemps été celle de l'État.

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Je veux vous remercier, monsieur le rapporteur, d'avoir porté ce débat important au sein de la Commission et de le faire à nouveau dans l'hémicycle la semaine prochaine. Si nous rejetons votre proposition, ce n'est pas au motif qu'elle ne serait pas opportune – au contraire, elle est très opportune – mais parce qu'elle télescope certaines mesures d'ores et déjà mises en oeuvre par le Gouvernement. L'État est conscient de la situation de Mayotte – ce que vous avez l'honnêteté de reconnaître et je vous en remercie – et son engagement est appelé à monter en puissance avec le contrat de convergence.

Comme les autres parlementaires mahorais – la députée Ramlati Ali et le sénateur Thani Mohamed Soilihi –, vous êtes très investi dans la défense de Mayotte. Lorsque nous sommes venus à Mayotte, nous avons touché du doigt tout ce que vous avez dénoncé. C'est vrai, il y a du retard et il va falloir mettre beaucoup de moyens – il va d'ailleurs falloir le faire en urgence, parce que la situation s'aggrave de jour en jour du fait de la pression migratoire.

Cela dit, il y a aujourd'hui une prise de conscience partagée de la situation. Les mesures qui ont commencé à se mettre en place, ainsi que celles à venir, doivent nous permettre d'être optimistes sur l'avenir de ce territoire auquel nous sommes tous attachés. Chacun doit en tout cas savoir que Mayotte peut constituer une opportunité pour la France dans le cadre de son développement, notamment en Afrique – en particulier à l'est du continent.

Lors de notre visite, on nous a expliqué – j'espère avoir bien compris – qu'en mahorais, le futur ne se conjuguait pas. Je voudrais juste dire à notre ami Mansour Kamardine que j'espère de tout coeur que le Gouvernement va faire en sorte que Mayotte ait un avenir, et que nous puissions être optimistes pour son territoire.

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Je veux d'abord dire à mon collègue et ami Florent Boudié que si mes collègues du groupe Les Républicains ne sont pas là, c'est parce qu'ils assistent en ce moment même à une autre réunion d'une grande importance. L'essentiel pour moi, c'est que mon groupe ait accepté de consacrer cette niche à une proposition de loi relative à Mayotte ; je sais que ses membres sont de tout coeur avec nous. J'en profite pour dire que, sans la formation politique à laquelle j'appartiens depuis une quarantaine d'années, Mayotte se conjuguerait aujourd'hui en comorien.

Cela étant dit, j'ai été très sensible aux mots aimables que vous avez eus l'un et l'autre à mon endroit. Je considère qu'à travers ma personne, c'est l'ensemble des parlementaires mahorais qui ont l'honneur de représenter Mayotte au sein du Parlement de la République, et notre île elle-même, que vous avez voulu honorer.

Je vous ai entendus dire que Mayotte était une cause nationale ; je ne désespère pas que le Gouvernement ait la même appréciation, sur la base du constat commun qu'à l'égard de Mayotte, l'État a failli, et qu'il est maintenant urgent de mettre en oeuvre un programme de rattrapage.

S'il existe aujourd'hui une divergence de vues au sujet de Mayotte, elle porte sur ce rattrapage. Alors que le Gouvernement estime qu'il doit se faire essentiellement sur le terrain social, nous considérons pour notre part – comme la plupart des Mahorais, que vous pouvez interroger – que faire des écoles et du logement social, et mettre en place une exonération du ticket modérateur, c'est bien, mais ce sont des mesures qui s'adressent davantage à l'immigration qu'à nous. Par nature, un Mahorais n'ira jamais dans un logement social quelle que soit la qualité de son habitat ; construire des écoles, c'est adresser aux immigrants le message selon lequel la France est prête à les accueillir, eux et leurs enfants ; instaurer l'exonération du ticket modérateur pour permettre aux assurés sociaux d'aller se faire soigner en ville, c'est surtout permettre à ceux qui ne sont pas assurés d'aller à l'hôpital.

Les Mahorais ne se retrouvent pas dans le plan récemment mis en place par le Gouvernement. Ils considèrent que ce qu'il faut pour Mayotte, c'est le développement durable. À nos yeux, le plan du Gouvernement pour Mayotte au quotidien n'est qu'une réponse à l'urgence sociale ; cela étant, nous y adhérons, ne serait-ce que parce que nos entreprises vont pouvoir gagner des parts de marché, travailler et créer des emplois sur un territoire où le chômage frappe plus de 40 % de nos jeunes, ce qui n'est pas anodin.

La présente proposition de loi constitue, elle, une réponse en termes de développement durable du territoire. Même si je suis un politique comme vous tous, mes amis, je me refuse à faire de la politique politicienne. Je suis capable de regarder la réalité en face : je vois bien que, depuis quarante ans, c'est l'État qui a toujours dit ce qui était bon pour Mayotte – et cela vaut encore pour le plan récemment mis en place. Aujourd'hui, avec cette proposition de loi, les Mahorais considèrent que le temps est venu pour eux de faire savoir ce qui leur paraît essentiel au développement de leur île.

Je vous dis encore une fois un grand merci pour votre mobilisation et pour la qualité de vos interventions. Je me refuse à désespérer. Mayotte a toujours vécu d'espoir ; je veux croire, moi aussi, que d'ici au débat en séance publique, les situations évolueront et que le Gouvernement nous apportera des réponses plus convaincantes, qui permettront à Mayotte de continuer à espérer.

Vous avez vu comme moi, mes amis, ce qui s'est passé au cours des dernières élections européennes : alors que le Rassemblement national n'avait pas d'équipe pour faire campagne à Mayotte, ni de délégué dans les bureaux de vote, il a quand même obtenu un score de 46 %. Ça veut dire qu'il y a de la colère. Que nous trouvions ensemble les moyens d'apaiser cette colère, c'est aussi le sens de ma démarche.

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Ce texte sera examiné en séance publique jeudi prochain, le 20 juin 2019.

La réunion s'achève à 13 heures 20.

Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Philippe Dunoyer rapporteur sur la proposition de loi visant à homologuer des peines d'emprisonnement prévues en Nouvelle-Calédonie (n° 1959).

Conformément à l'article 103 du Règlement, la présidente a fait part à la Commission de son intention de demander que cette proposition de loi fasse l'objet de la procédure d'examen simplifiée lorsqu'elle sera inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Félix Acquaviva, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M. Vincent Bru, M. Alain Bruneel, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, M. Jean-François Eliaou, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, Mme George Pau-Langevin, M. Pierre Person, M. Jean-Pierre Pont, M. Aurélien Pradié, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Hélène Zannier

Excusés. - Mme Huguette Bello, Mme Paula Forteza, M. Robin Reda, Mme Maina Sage

Assistaient également à la réunion. - M. Michel Vialay, M. Michel Zumkeller