Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 19 juin 2019 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Présidence

La commission entend M. Robert Ophèle, président, sur le rapport annuel de l'Autorité des marchés financiers.

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Monsieur le président, nous vous avions entendu le 19 juillet 2017 préalablement à votre nomination. Je crois qu'il est important que nous nous rencontrions de manière régulière, et en tout cas, évidemment, quand il y a une actualité, mais elle est aujourd'hui de plus en plus forte.

M. Ophèle nous présente aujourd'hui le rapport annuel de l'Autorité des marchés financiers au Président et au Parlement. Les principaux centres d'intérêt de ce rapport rejoignent évidemment ceux de la commission, qu'il s'agisse du Brexit ou des « monnaies virtuelles », sur lesquelles que Pierre Person et moi-même avions conduit une mission d'information. Je pense aussi à la finance dite « durable » et au rapport de Bénédicte Peyrol, qui, dans le cadre de son rapporteur spécial pour le Printemps de l'évaluation s'est notamment intéressée aux obligations assimilables au Trésor (OAT) dites « vertes ».

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Robert Ophèle, président de l'Autorité des marchés financiers

La remise du rapport annuel de l'Autorité des marchés financiers (AMF) fournit l'occasion de rendre compte de notre action et d'évoquer les défis que nous devons relever. C'est important, je crois, pour une autorité publique indépendante d'avoir ce type de rendez-vous.

Je voudrais d'abord indiquer à quel point l'année 2018 et ce début 2019 ont été intenses pour l'AMF. J'évoquerai ensuite nos ambitions européennes en partie déçues, mais, je crois, nécessaires, et que nous essayons de renouveler et de revisiter. Je conclurai sur quelques enjeux actuels de l'Autorité.

D'abord, l'année 2018 a vraiment été très intense pour l'AMF avec en particulier la mise en oeuvre de nombreuses nouvelles réglementations européennes.

Au-delà de la nouvelle réglementation des opérations de marché (« MIFID2 »), qui a été très largement médiatisée, il y a eu notamment la réglementation des dépositaires centraux, qui est un maillon essentiel du post-marché. J'ai aussi en tête la réglementation des fonds monétaires, qui renforce la sécurité de ces supports avec des exigences plus fortes en matière de division des risques et des caractéristiques des fonds à valeur constante.

Ces mises en oeuvre se traduisent par une énorme charge de travail, tant au niveau national – par exemple, il faut de nouveau agréer tous les fonds monétaires, plus d'une centaine, dans ce nouveau cadre – que dans notre participation aux travaux de l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), qui établit, par exemple, par ses comités permanents, des centaines de questions-réponses auxquelles nous participons. Il y a ainsi plus de 300 questions-réponses pour MIFID2.

Toujours dans ce cadre, nous donnons des waivers, c'est-à-dire que nous dispensons les gestionnaires de plateformes de transparence pré-négociation. C'est une des clés de MIFID. Nous avons à peu près 2 000 cas d'espèce qui ont été traités l'an passé de waivers de transparence pré-négociation, pour donner une idée un peu quantitative de ce que cela représente et ce à quoi il faut que nous participions au niveau européen.

Deuxième élément important, la préparation du Brexit, avec là encore plusieurs dimensions : les travaux liés à la relocalisation d'activités en France, qui concernent toute la gamme des activités financières (sociétés de gestion, entreprises d'investissement, courtiers, plateformes de négociation, compensation) ; l'adaptation de la réglementation et des accords internationaux à un possible Brexit sans accord, tant au niveau national qu'européen ; la veille sur les mesures prises dans les autres pays de l'Union, qui est nécessaire tant la tentation d'approches nationales divergentes est forte dans ces circonstances de possible Brexit sans accord.

Le troisième aspect est la lutte constante et renforcée contre la délinquance financière et les arnaques, avec un record en 2018 de 3 100 réclamationssignalements reçus sur notre plateforme Épargne Impôts Services ; 813 dossiers reçus par le médiateur de l'AMF entrant dans son champ de compétence ; 154 mises en garde ; et quelque chose de très nouveau : l'activation des pouvoirs d'interdiction de produits par l'ESMA.

Je vous remercie également, dans ce registre de la lutte contre la délinquance financière, d'avoir introduit l'encadrement demandé par le Conseil constitutionnel de notre recours aux données de connexion, les FADET (factures détaillées). Le contrôleur des demandes et son suppléant ont été nommés en temps et en heure. Aujourd'hui, depuis le début de l'année, 130 demandes ont été faites et acceptées, ce qui représente 420 demandes aux opérateurs concernant 19 enquêtes en cours. Merci d'avoir rouvert ce canal essentiel à la lutte contre la délinquance financière et les abus de marché.

Nous avons mis en oeuvre une nouvelle approche des contrôles des professionnels. Nous avons fait 47 contrôles en 2017 et 63 en 2018, avec un accent sur des contrôles thématiques à vocation moins répressive que précédemment.

Enfin, l'année 2018 est l'année de préparation de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE ») qui renforce le rôle de l'AMF dans la finance responsable et durable avec un focus sur le réchauffement climatique et qui renforce également sa responsabilité en matière de finance digitale avec un focus sur les crypto-actifs.

Le ministre de l'économie vient d'homologuer les modifications de notre règlement général qui concernent les émissions de jetons, les ICO, et nous avons donc déjà enregistré les premiers dépôts de dossiers en la matière. L'instruction commence, nous n'aurons pas de résultats avant la rentrée ; néanmoins, c'est en cours.

S'agissant des prestataires de services sur actifs numériques pour lesquels un décret d'application est nécessaire, nous pensons être prêts avant la fin de l'année, probablement au cours de l'automne.

S'agissant de la finance durable, nous finalisons notre dispositif en coordination avec les autres initiatives publiques, car c'est un domaine dans lequel il faut éviter toute redondance pour être efficaces et crédibles.

Mon deuxième point, ce sont les ambitions européennes de construction d'une union des marchés de capitaux. Ces ambitions ont été en partie déçues, mais je crois qu'elles sont nécessaires et renouvelées. Nous venons d'ailleurs de diffuser une première contribution à l'agenda réglementaire de la prochaine mandature européenne sur ces sujets.

Nos ambitions ont été déçues, car malgré une fin de mandat européenne très productive, j'observe que les pouvoirs de l'ESMA restent peu renforcés. En particulier en termes de supervision directe, ils restent presque anecdotiques ; quant aux produits financiers à dimension européenne, ils restent peu attractifs : aucune avancée sur le projet des titres adossés à des obligations souveraines.

Certes, il y a eu la finalisation du produit paneuropéen d'épargne retraite individuelle, mais c'est un produit pour lequel la demande semble limitée, et il n'y a rien eu en matière d'épargne salariale paneuropéenne.

Je crois que ces ambitions européennes de construction d'une union des marchés de capitaux sont cependant nécessaires, car le financement de nos besoins d'investissement doit s'appuyer sur l'ensemble du bassin d'épargne de l'Union. Un marché unique qui est fondé sur une libre prestation de services financiers et un passeport ne saurait perdurer sans convergence accrue de la supervision et de l'action répressive.

Dernier élément : dans un cadre où la principale place financière de l'Union nous quitte, cela impose de renforcer l'attractivité de l'Union européenne à vingt-sept. On observe en effet au Royaume-Uni une évolution de l'approche de la réglementation financière qui sera mise en oeuvre, avec l'idée d'être plus réactifs, plus adaptatifs et plus ouverts sur les marchés financiers internationaux et s'écarter de l'approche de l'Union.

Cela passe donc par des progrès dans l'union des marchés de capitaux. Néanmoins, je pense qu'il faut revisiter nos ambitions, ne pas refaire les débats qui viennent de s'achever avec des résultats qui sont, de mon point de vue, médiocres. Il faut se concentrer sur un certain nombre de sujets sur lesquels nous pouvons délivrer au niveau européen.

Quels sont ces sujets ?

C'est d'abord la stratégie digitale pour les services financiers avec la nécessité d'adapter l'approche réglementaire européenne à la digitalisation de l'industrie financière, la tokenisation, et passer de l'ICO ou STO, c'est-à-dire au securities token : la tokenisation des titres classiques qui impose de revisiter l'ensemble de la réglementation européenne, qui n'y est pas adaptée.

Le deuxième axe est la concrétisation de nos ambitions en matière de finance durable. Il faut garder le momentum européen, achever la taxonomie européenne, c'est-à-dire la détermination des activités économiques qui relèvent de cette démarche soutenable. J'observe que le rapport sur le sujet a été rendu public hier par le groupe d'experts mandaté pour faire des propositions. C'est un rapport qui montre que ce momentum est gardé.

Pour nous, régulateurs de marché, il s'agira d'assurer la fiabilité du reporting extra-financier des entreprises cotées. J'enregistre là aussi la publication avant-hier des orientations de la Commission sur les informations extra-financières à fournir sur les problématiques liées au climat.

Il s'agit aussi d'assurer la fiabilité du reporting des institutions financières elles-mêmes sur l'impact de leur financement sur le réchauffement climatique ; de mettre en oeuvre la réglementation sur les indices de référence, les benchmarks, telle qu'elle a été amendée pour incorporer cette dimension climatique ; et enfin d'assurer la bonne intégration de cette dimension dans les relations entre les investisseurs et les épargnants.

Le troisième sujet prioritaire est le renforcement de l'architecture de supervision de la gestion d'actifs dont le modèle mobilise les autorités de nombreux pays. Nous avons dans la gestion d'actifs la localisation de la société de gestion dans un pays ; l'immatriculation des fonds souvent dans un autre pays ; la gestion de ces fonds est souvent déléguée à une entité qui est dans un troisième pays ; enfin on commercialise ses fonds dans d'autres pays.

Il faut donc bien clarifier les responsabilités de chacun dans un paysage aussi complexe.

Nous devons aussi revisiter cette architecture de la gestion d'actifs au regard d'une tendance de fond qui se dessine actuellement de proposer des ETF, c'est-à-dire des fonds listés et traités sur des plateformes de négociation. Cela modifie complètement tous les circuits de commercialisation de ces fonds. Il y a donc un effort à faire au niveau européen sur la gestion d'actifs.

Enfin, il faut au niveau européen que nous travaillions sur la qualité de l'information donnée aux épargnants, afin de trouver le bon équilibre entre d'un côté, l'exhaustivité des informations données sur les produits et celles qui sont également demandées aux investisseurs pour s'assurer de l'adéquation des produits à leur profil, et d'un autre côté la lisibilité, voire la pertinence, de ces informations.

Il faut bien sûr éviter de vendre ou d'acheter un produit financier inadapté à son profil, mais il ne faut pas que l'on se rabatte par défaut sur des produits sans risque et liquides, mais peu performants et ne permettant ni le bon financement de l'économie ni la couverture des besoins complémentaires de retraite des investisseurs, des épargnants.

Au-delà de ces enjeux européens, l'AMF doit, je crois, relever deux défis majeurs.

Le premier défi est l'accompagnement de la place dans les bouleversements qui interviennent dans un contexte de Brexit et post-MIFID. Ce contexte, c'est celui d'une concurrence accrue, avec un poids prépondérant des grands acteurs américains, voire britanniques, tant dans les domaines de la banque d'investissement que dans les banques de marché ou pour la gestion des fonds.

Il est très important que la place reste très forte sur ces sujets. L'AMF doit l'accompagner dans son adaptation à l'évolution des modèles de distribution des produits financiers, qui est marquée par la nécessité d'avoir une transparence accrue sur les frais. Nous devons l'accompagner dans ses efforts pour surmonter des équilibres financiers qui sont structurellement fragiles dans beaucoup d'activités-clefs et qui pourraient les pousser à les abandonner. Je pense en particulier à la recherche financière, qui donne des visibilités sur la valorisation des sociétés.

Enfin, il faut que nous soyons vigilants dans l'encadrement des activistes à l'achat comme à la vente, dont l'impact peut être d'autant plus sensible que le manque d'investisseurs résidents de long terme en actions se traduit par une détention élevée des valeurs françaises par les non-résidents.

C'est le défi de l'accompagnement de la place.

L'autre défi est le défi des moyens pour l'Autorité. L'AMF est de très loin l'autorité nationale qui a le moins de moyens dans le paysage européen et international. Les comparaisons sont toujours délicates, parce que les périmètres sont différents d'un pays à l'autre dans les responsabilités des diverses autorités. Il faut avoir en tête que la France est le cinquième pays dans le classement en fonction de l'importance de ces marchés financiers, derrière, bien sûr, les États-Unis, la Chine, le Royaume-Uni et le Japon.

Les effectifs de régulation et de supervision dans ces pays et dans les pays voisins sont sans rapport avec les moyens humains qui sont mobilisés en France. L'AMF disposait de 494 équivalents temps plein à la fin de l'année 2018, la FCA britannique, qui a un périmètre différent, ce sont 3 800 ETP. La BaFin allemande, ce sont 2 600 ETP. L'AFM néerlandaise et la CONSOB italienne, qui sont des pays dans lesquels les responsabilités sont très voisines de celles de l'AMF, ce sont plus de 660 personnes sur des marchés qui ne sont pas du tout de la taille des nôtres. Au Royaume-Uni, si je fais la somme de la FCA et de la PRA – la PRA est l'autorité de la Banque d'Angleterre qui surveille les banques de taille systémique en termes de supervision prudentielle – on est à 5 231 personnes. Au Royaume-Uni, les effectifs mobilisés ont augmenté de 1 110 personnes les quatre dernières années. En France, si je fais la somme de l'AMF et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), nous sommes à 1 500 personnes.

Nous avons un défi. Je crois qu'il y a un besoin d'un renforcement modeste mais inévitable pour assumer en France les nouvelles responsabilités qui sont confiées par la loi « PACTE », et la meilleure prise en compte, en particulier par l'AMF, des risques de blanchiment et de sécurité des systèmes d'information.

Je voudrais aussi attirer l'attention sur le fait que le modèle de l'AMF, tant dans son équilibre financier que dans la gestion des ressources humaines et de gouvernance, est un modèle relativement fragile. L'AMF est une entité qui est structurellement en déficit, alors qu'elle collecte des contributions qui dépassent de loin ses charges. Elle reverse l'excédent au budget de l'État. Le renforcement progressif de son plafond de recettes est incontournable.

Deuxièmement, j'observe que le renouvellement du collège de l'AMF qui est intervenu – ce sont seize personnes, dont treize ont été renouvelées en début d'année – a mis en évidence le caractère très délicat de cet exercice avec pour la première fois – cela a été géré sans problème particulier – l'impératif de parité entre les hommes et les femmes, et surtout le renforcement des contraintes déontologiques introduites par la loi de 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes (API).

À cet égard, j'attire l'attention sur le fait que les débats qui sont intervenus dans le cadre du projet de loi sur la fonction publique, en particulier pour les dispositions touchant la rémunération des membres des, ne sauraient, me semble-t-il, être fructueux, sans que l'on s'interroge sur les profils recherchés pour la constitution de nos collèges et également pour leur présidence.

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J'ai bien noté votre souhait de renforcer les moyens de l'AMF. Le comparatif avec d'autres autorités est évidemment très impressionnant. C'est tout le problème du plafond de recettes. À partir du moment où il y a des contributions qui sont après plafonnées et reversées au budget de l'État – vous n'êtes pas la seule autorité ou le seul organisme public ou parapublic qui souffre de cela – cela nécessite une clarification de l'État sur sa capacité à aller prendre des recettes qui sont normalement affectées à un organisme.

Sur la répartition du travail et sur le rôle respectif de l'ESMA et des régulateurs nationaux, mais plus particulièrement de l'AMF, pourriez-vous entrer un petit peu plus dans le détail sur ce que fait l'un et ce que fait l'autre, et sur l'évolution à court terme de cette répartition ?

Je n'aborderai pas le sujet de l'activisme. Nous menons une mission avec Benjamin Dirx sur ce sujet et nous vous entendrons dans les jours qui viennent sur ce point extrêmement important qui revient souvent dans l'actualité.

Il y a une autre actualité, celle des crypto-monnaies. Vous l'avez évoquée rapidement. Hier, Facebook a lancé l'idée – plus qu'une idée, puisqu'ils doivent être prêts – de créer une monnaie, le libra, si j'ai bien compris son nom. Les choses prennent alors une autre dimension. On a évidemment une crainte, qui semble quasiment intuitive et presque naturelle : si des organisations privées détiennent à la fois des données sur chacun et font circuler une monnaie, cela commencera singulièrement à ressembler au fil du temps à des organisations privées souveraines, ce qui pose problème. Quelle est votre réaction sur ce changement de dimension annoncé de monnaies ou d'actifs numériques parallèles ?

Sur la place de Paris, comment voyez-vous le rôle de la City ? Comment cela peut-il se passer ? J'imagine que c'est une question que vous devez évoquer avec vos collègues. La place de Paris est évidemment attractive. Qu'est-ce qui pourrait la rendre moins attractive ? Probablement des changements de législation trop forts ou trop tatillons ? Est-ce que c'est plutôt une activité que l'Europe va récupérer en partie ? Est-ce que cela va être décentralisé dans un certain nombre de centres qui se font d'ailleurs de la concurrence ? Au-delà du Brexit, personne ne sait très bien comment cela peut atterrir, mais qu'est-ce qui se prépare aujourd'hui à la City ?

Enfin, on s'aperçoit qu'il y a moins de fonds levés par les marchés financiers, probablement à cause de la faiblesse des taux d'endettement. On préfère la dette à la levée de fonds. Est-ce que cela vous inspire des commentaires ? À votre avis, est-ce une tendance ? Est-ce un mauvais moment à passer sur les marchés financiers et un risque supplémentaire en ce qui concerne l'endettement global et général qui devient de plus en plus élevé ? Quel est, au fond, le sentiment du président de l'AMF sur ces équilibres qui sont en train de changer ?

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Je voulais vous remercier, monsieur le président de l'AMF, des propos que vous avez tenus sur la façon dont nous avons saisi la balle au bond s'agissant du problème des FADET et du grand trou noir dans lequel risquait de tomber l'ensemble des procédures. Le seul sujet était de trouver un véhicule législatif rapide : la loi relative à la lutte contre la fraude était là juste à temps pour éviter que le trou noir n'absorbe les procédures. En tout cas, merci d'avoir été en ce sens un lanceur d'alerte de procédures qui quelquefois tombent dans le néant absolu des arcanes administratifs. La balle au bond a été reprise.

J'ai quelques questions dont une est complémentaire à ce que vient de dire à l'instant le président de notre commission.

Une partie de votre activité concerne la régulation du marché émergent des actifs numériques. Je voudrais savoir quelles sont les grandes caractéristiques du visa que vous avez proposé aux acteurs de la place au début du mois, et combien de levées de fonds d'actifs numériques vous vous attendez à regarder cette année.

En 2018, les sociétés non financières continuaient à se financer par de la dette bancaire essentiellement, tandis que les émissions de titres de capital sont en recul. Comment analysez-vous ce niveau d'endettement dans un contexte où nous avons, avec la loi « PACTE », souhaité encourager le développement de l'épargne longue ?

Pour terminer, quelques mots sur la situation financière de l'AMF et les propos que vous avez tenus également sur l'accroissement des missions qui vous sont confiées. Sans aller forcément jusqu'à la comparaison avec l'exemple britannique, parce que le Britannique régule depuis fort longtemps – au Royaume-Uni, il est même rare qu'un cahier des charges de délégation de service public ne soit pas suivi voire pisté par quelqu'un, mais cela n'est pas tout à fait la tradition ni la culture française – la situation de l'AMF, si on la regarde de près, est plutôt satisfaisante parce que vous aviez des disponibilités bancaires de 54 millions d'euros en 2018. Ce qui vous gêne un peu aux entournures, pour ne pas dire plus, est le plafond de ressources qui est imposé par la loi de finances initiale. Ma question sera claire : faut-il encore augmenter ce plafond après la hausse de 2019 et à quel rythme pour faire face à l'accroissement de ses missions que vous avez citées, entre autres la loi « PACTE », et vos obligations également sur le blanchiment, sur lequel je suis assez regardant ?

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Nous avons voté l'an dernier en loi de finances un changement de calcul des droits perçus par l'AMF pour les entreprises d'investissement et les établissements de crédit. Auparavant, la contribution était proportionnelle aux fonds propres de l'établissement. Le montant plancher était fixé à 3 000 euros et pouvait être rehaussé en fonction de la taille de l'établissement concerné. Depuis cette année, le montant est désormais forfaitaire et fixé à 30 000 euros. Pour les petits acteurs, la contribution a été multipliée par dix. Monsieur le président, avez-vous pu évaluer l'effet d'un tel changement sur les acteurs du secteur ? J'imagine qu'à l'inverse – évidemment, ils ne m'ont pas remonté l'information – bon nombre d'acteurs importants ont dû voir leur contribution baisser. Pouvez-vous effectivement le confirmer ? Je me pose la question du principe de proportionnalité dans le calcul de ces droits.

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Monsieur le président, puisque nous sommes à la commission des finances – c'est une question hors cadre général – j'ai observé dans le cadre de votre rapport annuel vos charges d'exploitation. Elles augmentent de 1,7 %. Vous me direz que c'est l'inflation, sauf que si vous étiez une collectivité territoriale et si vous aviez signé le « pacte de Cahors » à 1,2 %, il y aurait 0,5 point d'excédent de dépenses supplémentaires. C'est simplement une remarque qui n'appellera pas de commentaire particulier, mais je crois que quand on met des contreparties à l'ensemble des collectivités territoriales, il est bon que les organismes d'État se les appliquent elles-mêmes.

Sur le Brexit, vous nous avez effectivement dressé un tableau de la concurrence accrue qui se joue aujourd'hui. Je pensais que c'étaient essentiellement les banques d'investissement, mais vous dites que cela concerne aussi les banques de marché. J'aimerais savoir, parce que cela fait maintenant plusieurs mois, voire deux ans, que nous entendons parler de la préparation de la France en perspective du Brexit pour l'implantation de sites sur notre territoire : concrètement, qu'est-ce qui a été mis en oeuvre ? Qu'est-ce qui a été réalisé ? Y a-t-il encore des pistes à travailler ? J'aimerais bien qu'on entre dans des exemples factuels des conséquences du Brexit sur le territoire français.

Enfin, sur l'Europe, j'ai été très attentive quand vous avez dit que la conviction par rapport à l'Europe et l'AMF reste intacte. Mais quand même, votre analyse et votre constat sur les réalisations européennes sont très en deçà de ce qui était espéré. Aujourd'hui, quelles ambitions sont raisonnables dans ce domaine-là par rapport à une vision européenne, premièrement ? Et, pour rejoindre le président de la commission des finances sur la question des crypto-monnaies : y a-t-il une approche européenne et dans quel sens pourrait-on converger vers des mesures qui aillent, justement, dans un sens plus européen ?

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Votre rapport relève trois grands enjeux pour l'avenir proche. Parmi eux, je souhaiterais aborder les cas du Brexit et de la finance durable.

Concernant la perspective d'un retrait de l'Union du Royaume-Uni, vous avez signalé un phénomène émergent de décentralisation des services financiers entre les différentes places boursières européennes en vue de remplacer le poids de la Bourse de Londres. Dans cette éventualité, ce nouveau schéma entraînerait une répartition des fonctions en adéquation avec les atouts des villes et les aménagements décidés par les acteurs locaux. S'il paraît évident qu'un tel modèle implique une véritable révision des logiques de coopération pour maintenir un traitement effectif, il incarne surtout une opportunité exceptionnelle d'approfondir l'intégration européenne dans le domaine. Par conséquent, en tant que promoteur de longue date d'une collaboration intensifiée dans ce sens, quelles sont les recommandations de l'AMF pour optimiser la fluidité de ces échanges et transformer ainsi les rapprochements induits en passerelle vers une Union plus étroite en matière financière ?

S'agissant de l'intégration des considérations environnementales et sociales dans le domaine de la finance, l'AMF s'est positionnée comme un acteur d'avant-garde et engagé dans cette optique de responsabilité écologique. En attestent d'ailleurs votre plan stratégique pour 2018-2022 ainsi que l'ouverture d'une unité Stratégie et finance durable. Aussi, avec la récente adoption de la loi « PACTE » prévoyant en la matière plusieurs dispositions, quels outils entendez-vous concrètement élaborer afin d'exploiter au mieux ces apports dans l'exercice de vos missions ?

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Comme vous le savez, les outils financiers évoluent très rapidement en prenant des formes multiples pour trouver de nouvelles formes de profit. Cette malléabilité des outils a été renforcée par l'apparition des crypto-actifs issus des crypto-monnaies, qui posent un problème nouveau ou plutôt reposent un problème ancien en politique. Comme le disait Auguste Comte, la société est progressive et l'État est souvent stationnaire. Voilà ce que confirme à nouveau l'AMF. En effet, dans le cadre de ses missions de protection de l'épargne investie dans les produits financiers et la bonne information des investisseurs, votre rapport indique que 36 % des demandes traitées depuis 2016 concernant l'écriture des crypto-actifs étaient frauduleuses et relevaient de la cybercriminalité par Internet.

Par ailleurs, un problème complémentaire est posé à l'AMF, à savoir la qualification juridique des crypto-actifs. En effet, la qualification de ces produits en instruments financiers les soumettrait en matière d'agrément pour la fourniture de services d'investissement aux règles du code monétaire et financier ; en matière de bonne conduite, aux obligations issues du règlement « EMIR » en obligeant la déclaration des transactions à référentiel central, ou encore des dispositions de l'article L. 533-7 du code monétaire et financier, instaurant une interdiction de publicité. Dès lors, on peut se demander si le caractère régulier de ces fraudes des demandes adressées à l'AMF ne pourrait pas être grandement atténué à l'aide de ces nouvelles qualifications juridiques, qui viendraient réglementer les pratiques quelque part hors cadre. En fin de compte, considérez-vous que le cadre législatif doit évoluer pour mieux protéger les épargnants ? Avez-vous d'autres solutions à proposer, notamment peut-être la révision de vos missions par exemple ? Seconde question : que vous inspire l'arrivée du libra sur les marchés et plus généralement comment appréhendez-vous l'arrivée des monnaies parallèles sur les marchés ?

L'AMF souligne aussi qu'au cours du second semestre 2018 et dans le courant du premier semestre, les services ont instruit plusieurs dossiers dans la perspective de la relocalisation en France de certaines activités d'établissements financiers britanniques se préparant à la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne. Je pense que la tendance doit continuer à se confirmer, mais avez-vous quelques précisions sur les profils des nouveaux arrivants ?

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Vous dites dans votre rapport que le secteur financier est raisonnablement préparé à la rupture que constitue le Brexit. Pourriez-vous un peu développer le concept de « raisonnablement » ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Sommes-nous prêts ou non ?

Sur l'extension de votre mission aux actifs numériques et le fait que, hélas, le visa n'est qu'optionnel sur les ICO, pourriez-vous nous dire si vous êtes prêts et si vous avez commencé à exercer cette mission ?

Beaucoup d'économistes et de banquiers pensent qu'on est à la veille d'une nouvelle grande crise financière. Dans cette hypothèse, quel rôle l'AMF peut-elle jouer ?

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Robert Ophèle, président de l'Autorité des marchés financiers

L'ESMA, a, en gros, trois fonctions. On a donné à l'ESMA des pouvoirs de supervision directe sur un certain nombre d'acteurs financiers. Ils sont très limités. Ce sont essentiellement les agences de notation et ce qu'on appelle les entrepôts de données, les trade repositories, sur lesquels elle a un pouvoir direct d'agrément et de contrôle. La réforme récente a un peu élargi, mais c'est pour 2022 et cela reste anecdotique de mon point de vue.

Deuxième fonction : être un conseil de la Commission européenne pour tout ce qu'on appelle la réglementation de niveau deux. Dans la réglementation financière européenne, on détermine trois niveaux. Le premier est celui que les colégislateurs arrêtent. Ce sont les directives et les règlements. Le niveau deux, ce sont des textes d'application qui sont pris par la Commission et avec possibilité par le Parlement de dire oui ou non. Dans cet exercice-là, l'ESMA est un conseil de la Commission avec des propositions qui sont faites. Le troisième niveau est d'assurer la convergence de la mise en oeuvre de ces réglementations par l'ensemble des vingt-huit pays et vingt-huit autorités en charge. Cela passe par des orientations, c'est-à-dire des guidelines sur lesquelles chaque pays doit se positionner en disant « je les applique ou j'explique pourquoi je ne les applique pas ». Ce sont également les questions-réponses auxquelles je faisais allusion tout à l'heure et qui sont censées éclairer l'ensemble des acteurs de l'Union à vingt-huit sur la manière de mettre en oeuvre ces réglementations. Cela se traduit in fine par ce qu'on appelle des revues par les pairs, des peer reviews, sur une thématique sur laquelle l'ESMA coordonne un certain nombre de revues pour vérifier que chacun applique de la même manière la réglementation commune.

L'ESMA est organisée avec un board, un conseil, dans lequel je représente bien sûr la France, et des groupes de travail permanents qui, selon les domaines, travaillent sur les questions de niveau deux ou de niveau trois, c'est-à-dire de convergence, avec un rôle un petit peu particulier qui est en train d'augmenter actuellement sur deux éléments, qui sont les relations avec les pays tiers et les chambres de compensation.

Nous avons de la chance parce que l'ESMA est à Paris. Nous sommes favorisés par rapport à nos collègues, mais c'est une extrême mobilisation des équipes pour participer à ces travaux.

Il y a plusieurs questions autour des crypto-actifs.

Les crypto-actifs recouvrent des actifs de nature très différente. Il y a des actifs qui sont des titres financiers, et nous devons appliquer la réglementation des titres financiers à ces titres-là. Simplement, la réglementation actuelle n'est pas adaptée à ces titres-là. Elle en fait trop sur certains aspects qui freinent le développement. En revanche, elle n'en fait pas assez sur d'autres éléments, parce que ces actifs présentent des risques particuliers. Nous devons donc faire un effort au niveau européen pour adapter notre réglementation, parce que c'est indispensable pour améliorer et faire des économies sur le coût de l'intermédiation financière, et c'est en train de se faire ailleurs. La caractéristique est la tokenisation de titres classiques.

Ensuite, on a le domaine des ICO, voire des crypto-monnaies, qui eux ne sont pas couverts par la réglementation européenne et pour lesquels vous avez cette année mis en place une réglementation spécifique avec une optionnalité que certains peuvent avoir dans certaines dimensions – pas dans toutes, parce que les prestataires de services sur actifs numériques doivent obligatoirement être enregistrés pour qu'on puisse vérifier qu'ils appliquent les règles sur la lutte anti-blanchiment ; en revanche, la licence elle-même, complète, est optionnelle.

Pourquoi est-elle optionnelle ? Premièrement, nous débutons dans ce domaine-là et il est très important de pouvoir adapter notre approche. Je dirais que dans mon esprit le fait d'être optionnel nous permet d'être encore plus exigeants quand on donne ladite licence, parce que comme elle n'est pas obligatoire, après tout, si vous voulez faire l'opération, vous pouvez toujours la faire. Deuxièmement, je crois que le jour – et nous militons pour cela – où l'approche sera européenne, alors nous pourrons avoir une approche qui ne soit plus optionnelle mais obligatoire au niveau européen. Aujourd'hui si on la rend obligatoire et qu'on la refuse, il suffit de passer la frontière et de le faire ailleurs. Dans mon esprit, il s'agit d'une étape.

Sur le libra, nos amis de Facebook ont donné les détails avec un white paper hier. Naturellement, tout le monde – c'est du moins mon cas – l'a regardé de près. Il ne faut pas se tromper : cela n'a rien à voir avec le bitcoin. Cela m'a rappelé les monnaies locales que vous connaissez bien : vous amenez un euro, vous avez une monnaie locale, et à tout moment vous pouvez rechanger votre monnaie locale contre les euros qui ont été déposés.

Là, ce n'est pas sur une devise, ce n'est pas sur l'euro, c'est sur un panier de devises – une sorte de DTS, en quelque sorte. Mais le concept est de dire qu'à chaque fois que vous achetez un libra, vous l'achetez contre une devise et je garde en face le panier de devises en question, le panier de devises que je replace dans le système bancaire. En fait, vous n'avez pas de perte en ligne : si vous achetez un libra, vous débitez votre compte, vous créditez le compte de l'association Libra, et l'association libra replace les fonds dans le même circuit.

En revanche, vous avez un risque, et c'est mon problème : qui contrôle cela et qui s'assure que le dispositif est sérieux ? « Sérieux », cela veut dire : comment le risque de liquidité est-il géré puisqu'à tout moment on peut rééchanger ? Les placements sont-ils vraiment sûrs ? Ne faut-il pas avoir des capitaux propres en face ? Je crois qu'il va falloir l'éclaircir fortement, parce que finalement ce n'est rien de plus qu'une activité bancaire internationale. Mais simplement, elle se situe dans un cadre réglementaire qui ne me paraît pas aujourd'hui très clair et qui demande donc à être clarifié. Le fait qu'il y ait une association, une fondation en Suisse n'est pas en soi suffisant pour nous rassurer de ce point de vue-là.

J'attire cependant l'attention sur le fait que c'est un concept qui est très différent de ceux que l'on connaissait avec les crypto-monnaies d'aujourd'hui. D'ailleurs, on disait que les crypto-monnaies d'aujourd'hui ne sont pas des monnaies. Là, la question est beaucoup plus ouverte. Concernant Facebook, il y a aussi naturellement le concept très, très lourd de la gestion de la confidentialité des données qui est associé à cela.

Voilà la première réaction que j'ai eue en lisant ce document, qui, à ce stade, interpelle surtout les banques centrales et les superviseurs bancaires, parce qu'on se trouve dans une activité d'intermédiation bancaire presque classique.

Vous avez souligné le fait que les levées de capitaux sur les marchés actions cotées sont aujourd'hui très faibles, beaucoup plus faibles que ce que l'on pourrait espérer et beaucoup plus faibles, je crois, que ce dont nous avons besoin. Quelle est la contrepartie de cela ? C'est d'abord qu'il y a un endettement qui augmente très vite, environ de 6 % par an, que ce soit pour les ménages ou pour les entreprises. Évidemment, tout cela est lié à la politique monétaire et aux taux extraordinairement bas que nous observons. Les mesures macro-prudentielles mises en oeuvre sont censées essayer de maîtriser ce phénomène.

Le deuxième aspect que l'on observe, c'est la montée du private equity, c'est-à-dire des levées de fonds qui se font hors marchés réglementés et par des placements privés. Il y a à la fois un caractère cyclique dans ces évolutions, mais aussi une tendance de fond. Au-delà du bruit du cyclique qui fait qu'une année ou l'autre il peut y en avoir plus ou moins, il est quand même préoccupant de voir la tendance de fond. La loi « PACTE », qui favorise le financement et l'investissement de long terme, vient d'arriver. Il est trop tôt pour en tirer les conclusions, mais il est clair que tout ce qui est en particulier lié à l'épargne salariale et à ces éléments-là sont des éléments qui devraient permettre de renverser, d'atténuer, cette tendance que l'on observe.

Vous m'avez interrogé sur la manière dont l'AMF allait accorder les visas. On a mis à jour notre règlement général il y a quinze jours. Évidemment on regarde beaucoup d'éléments, que ce soit à la fois l'information qui est donnée par l'émetteur et également pour ces ICO, puisqu'il y a deux dossiers aujourd'hui qui ont été déposés à l'AMF et qui sont en cours d'instruction, ainsi que tout le processus de levée des fonds. En particulier, les fonds sont-ils ségrégués ? Si on collecte plus que ce qui est visé, comment renvoie-t-on l'excédent aux souscripteurs ? Il y a toute une liste de critères qui sont vus et échangés avec les porteurs de projet, et nous sommes en discussion aussi en cas de doute sur les processus qui sont derrière. Nous avons la capacité de travailler aussi avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information pour vérifier que ces systèmes de blockchains derrière présentent un certain nombre de sécurités.

Je dirais que je suis très extrêmement ouvert sur les moyens et les plafonds. Quels sont les moyens que vous voulez mettre à la disposition de la supervision financière ? Et nous allons voir ce que nous pouvons faire avec cela. Ce que je sais, c'est que c'est de plus en plus compliqué. La réglementation, et en particulier européenne, augmente de façon exponentielle. Il faut aller de plus en plus vite, parce qu'il faut avoir une réactivité extrêmement forte.

Nous avons eu beaucoup de sollicitations dans le cadre du Brexit. Je crois que le Brexit, ce n'est pas une aventure, ce n'est pas une photographie à un moment donné. Les conséquences vont se propager et se modifier pendant toutes les années à venir, parce que la première réaction des acteurs est de prévoir des localisations à tel ou tel endroit avec des sièges, des agences et des succursales. Ensuite, les moyens exacts qu'ils mettent dans un endroit ou dans un autre dépendent de la manière dont le Brexit va se passer et va évoluer au cours du temps.

Nous avons eu, en gros, une vingtaine d'entreprises d'investissement qui ont demandé une nouvelle licence. Nous avons à peu près une dizaine de plateformes de négociation qui ont déposé un dossier. On voit que tous les grands courtiers interbancaires se sont installés à Paris, mais la plupart de ces établissements sont installés dans plusieurs places de l'Union, et dans un certain nombre de cas vous allez avoir un siège qui va être à Francfort, une agence à Paris, mais l'essentiel des personnes va peut-être être à Paris. Ce sont des choses qui évoluent beaucoup. En tout état de cause, nous parlons de plusieurs milliers d'emplois. Je crois qu'il faut quand même avoir cela en tête. Je ne parle pas de quelques dizaines d'emplois. Nous parlons de plusieurs milliers d'emplois au total, directs et non pas indirects.

Quand je dis « raisonnablement prêts », c'est parce qu'un superviseur est toujours prudent. Je pense que nous sommes prêts et que les grands établissements sont prêts. C'est évident. Mais on n'est jamais à l'abri d'un certain nombre de mauvaises surprises. Comme je pense que nous étions raisonnablement prêts fin mars, fin octobre nous le serons totalement, mais il y a un certain nombre d'éléments qu'il va falloir revisiter.

J'en cite simplement un qui est un peu compliqué : nous avons donné au niveau européen une équivalence à LCH Limited, la chambre de compensation à Londres qui compense les swaps de taux, qui est un élément très important dans le marché financier. Nous avons donné une équivalence qui se termine le 30 mars 2020, puisque nous avons donné un an à partir de là. La question se posera de savoir comment on gère la fin de cette équivalence sachant qu'il y a une nouvelle réglementation européenne, EMIR 2, qui arrive en place et qui modifie l'approche que nous avons des chambres de compensation de pays tiers.

Pour ce qui est du plafond de nos ressources, ce que je souhaite et discute avec les parties prenantes, c'est son augmentation modérée mais régulière. Nous avons nos charges courantes et nous avons des dotations aux amortissements. Je connais le profil des dotations aux amortissements, parce que nous avons des projets informatiques : ces dotations vont augmenter à l'avenir quoi que l'on fasse. Il y a donc une nécessité, progressivement, de lisser, d'augmenter progressivement ce plafond de façon modérée.

Pour les effectifs, ce que j'ai en tête est également quelque chose de très modéré parce que nous avons des besoins supplémentaires, mais nous avons aussi des gains de productivité, parce que ces projets informatiques vont permettre de gagner en efficacité. Il y a donc un équilibre entre les deux qui a demandé un léger renforcement, mais nous ne sommes pas dans un schéma britannique.

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Je souhaiterais connaître les actions menées ou qui peuvent être menées par l'AMF du fait de la vulnérabilité financière liée au risque écologique, climat, biodiversité, ressources, santé, une vulnérabilité financière liée à l'évolution de la réglementation, des taxes et impôts, à l'apparition des conflits écologiques ou à d'autres conséquences qui viendront impacter fortement le rendement du capital, des biens et des services. L'accompagnement du développement de la finance durable fait partie des priorités d'action de l'AMF pour 2019, année durant laquelle elle déploie les premières actions de sa feuille de route et participe aux discussions européennes sur le sujet, ce qui me pousse à demander quelques précisions et éclairages.

Quel est le rôle précis du régulateur qu'est l'AMF concernant le développement de la finance durable ? Quelles évolutions en matière de régulation et de normes françaises pourraient favoriser le recentrement vers une finance durable avec une augmentation de la durabilité des produits commercialisés et une meilleure visibilité de celles-ci pour les investisseurs ? Quelle est votre analyse des enjeux et travaux européens et de leur évolution ? Où en êtes-vous dans la création d'une unité Stratégie et finance durable chargée de coordonner les travaux des différentes équipes de l'AMF que vous aviez envisagés ?

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Les fonds activistes sont devenus un véritable phénomène boursier. Selon un rapport récent, l'activisme actionnarial aurait atteint un record en 2018, prenant des positions à découvert volontairement déstabilisatrices pour imposer une gouvernance ou un rapport de force rémunérateur. À dire vrai, tout cela n'est rien d'autre que de la spéculation qui ne dit pas son nom. La France et l'Europe doivent-elles renforcer leur régulation sur les ventes à découvert ? Faut-il et peut-on les interdire ? Comment réduire le rôle déstabilisateur de ces fonds ?

Avec la loi « PACTE », l'AMF a reçu pour mission d'accorder un visa optionnel aux projets mettant en jeu les ICO, et vous venez de nous dire que l'AMF sera prête très prochainement à les délivrer. Sauf que depuis l'effervescence sur les jetons début 2018, le bitcoin a chuté et on a le sentiment que la bulle a éclaté. Combien pensez-vous accueillir de dossiers dans les prochaines semaines ? Avez-vous des contacts et pour quel type d'opérations ? Que pensez-vous de l'initiative récente de Facebook ?

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Monsieur le président Ophèle, la loi PACTE est venue renforcer vos pouvoirs et missions, en particulier sur la qualité des informations fournies en matière de financement durable. Cela a été dit. La loi a été promulguée il y a moins d'un mois, mais j'aurais voulu savoir comment vous vous projetez, comment vous voyez votre feuille de route pour cette loi et en particulier les crypto-actifs.

Mais surtout, je voudrais aussi vous parler des financements participatifs, où vous avez un rôle. Le prêt participatif a augmenté de plus de 40 % en 2018. Au Royaume-Uni, l'entreprise Landy a fait faillite. Les autorités britanniques ont pris plusieurs mesures, par exemple pour les épargnants débutants, limiter les placements à 10 %, avoir une meilleure information. Que pensez-vous de ces mesures ? Allez-vous les appliquer de la même manière en France ? Comment protéger les épargnants de ces faillites dans le crowdfunding, qui a une image proche des gens mais qui peut donc entraîner des faillites importantes ?

Dernier point : au regard de toutes ces nouvelles missions que vous donne la loi « PACTE », est-ce que les objectifs et indicateurs de performance budgétaires doivent évoluer ?

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En relais de la question de Michel Lauzzana, les projets participatifs et citoyens constituent un levier essentiel pour favoriser l'ancrage et l'acceptation des projets d'énergies renouvelables et de la transition énergétique dans son ensemble. Dans ma circonscription en Maine-et-Loire, l'association Atout vent en Chemillois a pu réaliser un parc de cinq éoliennes grâce au financement citoyen. Agriculteurs et habitants se sont rassemblés, se sont concertés et ont emmené les acteurs du territoire dans cette démarche participative.

L'AMF est l'autorité administrative indépendante qui joue le rôle de régulateur des marchés financiers. Pour ce faire, elle est libre d'édicter des normes au sein de son règlement général, et ces règles s'appliquent à tous, naturellement. L'une d'elles a été très critiquée par les associations favorisant les projets participatifs en général. Il s'agit du respect du seuil de 50 % maximum du capital offert au public édicté par un article du règlement de l'AMF. Or ce seuil de 50 % a été supprimé par l'arrêté du 11 juillet 2018, qui est venu valider votre modification de règlement.

Cependant, on s'y perd un peu, car cette suppression ne semble pas s'appliquer aux projets participatifs de production d'énergies renouvelables, à la lecture de l'article R 314-71 du code de l'énergie, sans que l'on comprenne bien pourquoi. C'est assez complexe et cela interroge les acteurs associatifs. Ces associations recommandent régulièrement la suppression de ce seuil, car il agit en fait comme un frein aux projets d'énergies renouvelables.

Pouvez-vous s'il vous plaît rappeler les seuils en vigueur pour la participation citoyenne aux projets d'énergies renouvelables ? Le cas échéant, qu'est-ce qui justifie des règles financières spécifiques et moins avantageuses pour le financement participatif, pour les seuls projets liés à la production d'énergies renouvelables ? Quelles sont vos recommandations ?

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Vous n'avez pas répondu à l'interpellation de Charles de Courson sur ce qui est finalement une question divinatoire : à quoi pourrait ressembler la prochaine crise financière et quelles leçons tirez-vous des précédentes crises financières ? Quels outils ad hoc, quelle organisation particulière, l'AMF a-t-elle mis en place à cet égard ?

J'ai par ailleurs une demande de plus de précisions quantitatives sur votre souhait de relever le plafond de ressources en comparaison avec les autres agences de nos voisins européens. 464 aujourd'hui, pour les effectifs : quelle est votre intention précise en matière d'évolution des effectifs de l'Agence par rapport aux nouvelles missions qui lui sont confiées ?

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Les enquêtes de l'AMF génèrent aujourd'hui des sanctions financières, administratives et pénales qui peuvent poser des difficultés d'exécution. Disposez-vous aujourd'hui d'un suivi statistique du recouvrement des amendes et d'un suivi de l'effectivité des autres sanctions pénales ? Avez-vous un objectif d'amélioration du recouvrement des sanctions ? Enfin, quels sont vos liens avec les services chargés du recouvrement ?

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Dans le rapport 2018 de l'AMF, il est indiqué qu'elle devra accompagner des acteurs professionnels dans la mise en oeuvre d'un cadre réglementaire devenu très complexe en matière notamment d'information et de transparence, mais elle devra aussi évaluer les évolutions que vont entraîner les nouvelles réglementations et veiller à l'attractivité des marchés. Avec tout cela, une très haute réactivité, vous l'avez dit, monsieur le président Ophèle. Ma question est de savoir comment l'AMF se prépare à cet accompagnement, alors que vous avez attiré notre attention sur les effectifs de l'AMF en comparaison avec les homologues étrangers.

Mon second point concerne l'attractivité en tant que telle. Vous nous avez rappelé aussi le rôle de l'AMF dans l'accompagnement des acteurs qui souhaitent s'implanter ou démarrer des activités à Paris, ainsi que les établissements français qui doivent préparer la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Votre audition intervient d'ailleurs au lendemain de la publication d'une étude de KPMG, qui révèle que Paris capte en 2018 plus d'investissements étrangers en recherche et développement, permettant à la ville et à la région parisienne de se situer à la deuxième place, juste après Londres, dans le classement mondial de l'attractivité. D'après vous, quel a été l'impact de la réforme de la fiscalité du patrimoine, s'il y en a un, dans l'amélioration de l'attractivité de la France de manière plus générale ?

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Avec la réforme de la fiscalité et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique et aussi tout ce qu'on a pu voter dans la loi « PACTE » pour inciter nos épargnants à investir dans les capitaux propres des entreprises par l'intermédiaire bien sûr des produits financiers, dix-huit mois après sa mise en oeuvre, les professionnels réclament une révision de MIF2 pour alléger certaines contraintes que cette réforme a occasionnées.

En tant qu'ancienne banquière, je ne peux qu'être favorable à des allégements de ces contraintes, qui certes sont nécessaires mais qui ne vont pas du tout dans le sens, malheureusement, d'une incitation pour nos épargnants à aller sur ce type de produits. Je voudrais avoir votre avis sur cette révision : est-elle souhaitable et surtout est-elle possible ?

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Robert Ophèle, président de l'Autorité des marchés financiers

Juste un mot sur un point que j'ai évoqué : les petits établissements pour lesquels la réforme a un effet très lourd avec les 30 000 euros que vous avez signalés. Je dois dire que j'ai eu peu de réclamations, mais j'en ai eu quelques-unes. J'ai demandé qu'on fasse une étude de la proportionnalité de cette réforme à l'intérieur de l'Autorité pour bien mesurer la portée en termes d'ex post, et nous saurons en tirer les conséquences pour la prochaine campagne.

Il y a un certain nombre de questions sur l'organisation que nous mettons en place pour assurer notre rôle en matière de finance durable.

L'AMF est déjà engagée. Cette année, nous allons diffuser deux rapports : un rapport sur la manière dont les entreprises cotées prennent cette dimension climatique, en particulier dans leur information extra-financière, donc sur les émetteurs, et un rapport sur la manière dont les sociétés de gestion communiquent et intègrent dans leur processus cette dimension. C'est, en gros, l'article 173. Il faut reconnaître que le dispositif européen qui se met en place est très proche du dispositif français, mais il faut que nous montions – en particulier, la loi « PACTE » nous a demandé plus – et nous sommes en train de mettre en oeuvre la bonne organisation.

Pour moi, la bonne organisation est du type de celle dont nous avons d'habitude, c'est-à-dire que quand nous faisons des travaux, nous les faisons challenger par des comités qui représentent les intérêts de la place, experts sur ces sujets, avant de les diffuser pour être sûrs qu'il y a une qualité et que cela réponde effectivement aux besoins. Là, nous avons par exemple une commission épargnants qui fait cela dans un certain nombre de domaines. Je crois qu'il faut que l'on trouve le bon interlocuteur de place pour challenger en temps réel nos travaux.

J'attire aussi l'attention sur le fait que nous avons des programmes de contrôle ciblés sur ces éléments-là. Nous allons voir auprès de sociétés de gestion ou d'autres intermédiaires s'ils font effectivement ce qu'ils disent. Comme je l'évoquais, je crois qu'il faut que nous ayons une approche cohérente au niveau français. Nous avons donc des débats avec l'ACPR et avec le ministère pour avoir la meilleure utilisation de nos moyens, mais il y a un enjeu très fort de crédibilité, parce que nous devons absolument éviter ce qu'on appelle le green washing, c'est-à-dire le dévoiement de cette démarche-là. Il serait terrible à beaucoup de points de vue, d'abord parce qu'on a besoin des financements bien ciblés et parce que je crois que l'industrie financière, et c'est ce que j'essaie de leur dire, joue gros dans cette affaire-là. Elle a ainsi l'occasion de se réconcilier avec le plus grand nombre si elle est sérieuse. Nous sommes là pour nous assurer qu'elle est sérieuse. C'est dans cet esprit que nous travaillons.

Sur la prochaine crise, je n'ai pas répondu parce que personne ne sait. Je crois que nous avons quand même renforcé de façon extraordinaire l'arsenal qui assure la solidité des intermédiaires et les informations qui nous permettent de réagir vite quand il se passe quelque chose. Cela étant, le risque peut ne pas venir, et c'est un peu ce que nous voyons aujourd'hui, du système financier lui-même. Il peut venir du système réel, quelque part, qui pour des raisons x ou y peut connaître un retournement très fort.

Ce que l'on voit aujourd'hui c'est que les taux étant très, très bas, les niveaux de valorisation dans beaucoup de domaines sont très élevés. Avec un niveau très élevé de valorisation, les risques de correction sont forts. La plupart des risques de correction peuvent être absorbés aujourd'hui par les mécanismes qui ont été mis en place, mais si cela se conjugue avec un retournement économique de grande ampleur, alors nous avons globalement un problème.

On parle souvent des prêts à effet de levier, qui sont très importants, avec des mécanismes (« CLO »), d'obligations adossées à des prêts à effet de levier, qui ressemblent un peu à ce qu'on avait connu dans le subprime avant la crise. Tout ceci est vrai. Cela n'a pas la même ampleur, mais c'est très peu répandu en tant qu'émissions en Europe et en France en particulier. Néanmoins il y a une vigilance, parce qu'il y a une interconnexion massive. En outre, j'observe qu'il y a une concentration de plus en plus forte sur un nombre de plus en plus réduit d'établissements, et ces établissements sont donc tout particulièrement « risqués ».

L'affaire Deutsche Bank soulève plutôt pour moi l'idée de dire : « y a-t-il encore en Europe des acteurs financiers européens de taille mondiale qui peuvent accompagner le développement des entreprises européennes dans le monde ? »

Pardonnez-moi, madame Dupont : pourriez-vous peut-être me transmettre votre question ? J'y apporterai une réponse plus précise que celle que je pourrais vous donner aujourd'hui, parce que vous faites référence au code de l'énergie que je ne suis pas sûr de bien maîtriser.

Par ailleurs, il est clair qu'aujourd'hui, quand on voit les activités qui se relocalisent à Paris, en particulier beaucoup d'activités de marché à valeur ajoutée, c'est un élément qui rajoute à l'attractivité de la place. À l'arrivée, je crois qu'après le Brexit, nous allons avoir un monde multipolaire en Europe financière – il y a Francfort, Paris, Luxembourg, Amsterdam, Dublin et il y en a même d'autres, ce qui renforce la nécessité de convergence de supervision à l'intérieur de l'Union. Au cours du temps, dans les années qui vont venir, les choses vont se redistribuer. Ne pensons pas que la photographie du Brexit ne changera pas au fil du temps. Je crois que Paris a beaucoup d'atouts pour poursuivre dans la direction qui a été prise.

S'agissant de la question de Mme Cariou, le recouvrement ne relève pas de l'AMF. C'est une unité qui est localisée en province. On suit cela de très près. Nous avons des réunions avec la commission des sanctions pour faire le point deux fois par an. C'est un point incontournable de cette réunion en disant : « où en sommes-nous dans le recouvrement des sanctions ? » Si nous infligeons des sanctions qui ne sont pas recouvrées, cela ne sert à rien. Le taux de recouvrement est de plus de 95 % quand la personne qui est sanctionnée est localisée en France. Lorsque la personne est localisée à l'étranger, et parfois même en Chine, c'est un exemple, là, c'est beaucoup plus laborieux, de l'ordre de 30 à 35 %. C'est vraiment un sujet qui est extrêmement suivi, avec une collaboration très forte. À chaque fois que nous pouvons, nous mettons sous séquestre le plus tôt possible, parce qu'il y a une tendance à l'évaporation progressive. Mettre sous séquestre, c'est aller devant un juge. Cela ne se fait pas comme ça, mais c'est ce que nous essayons de faire.

Il y a une revue de MIF qui arrive et elle est obligatoire, ne serait-ce que parce qu'en Europe on a une tendance extraordinaire à mettre en niveau un ou deux un luxe de détails incroyables qui fait que par exemple, quand le Brexit arrive, des choses deviennent impossibles à mettre en oeuvre, des seuils divers et variés qui ont été calculés avec le Royaume-Uni dans l'Union. La question, qui est complexe, consiste en ce que je disais tout à l'heure : trouver le bon équilibre entre ce qui est demandé et l'efficacité de ce qui est demandé, parce qu'en particulier l'idée que l'on se penche sur la gouvernance des produits produit par produit et non sur une approche patrimoniale plus vaste a une tendance à écarter du choix d'investissement ce que l'on voudrait développer en l'occurrence. C'est quelque chose d'assez important, mais c'est à la frontière entre MIF et une autre réglementation qui s'appelle PRIPS. Nous avons mis cela à notre à notre ordre du jour pour en discuter.

Je prends simplement un exemple : dans le cadre de MIF, on peut interdire des produits. L'ESMA peut le faire, l'AMF peut le faire, aujourd'hui par tranches de trois mois renouvelables, mais pas indéfiniment. Au-delà, c'est aux autorités nationales de le faire. Nous l'avons fait pour les options binaires au niveau de l'ESMA et les contrats pour différence, les CFD, à effet de levier trop fort. Très bien, mais maintenant, cela va être fini, c'est aux autorités nationales de le prendre en charge. Chacun ne va donc en faire qu'à sa tête.

Il y a beaucoup d'aspects de MIF qui demandent une revue. On en a répertorié un certain nombre. La Commission n'est pas pressée, je dois dire, d'agir dans ce domaine-là et elle n'envisage pas une revue de très grande ampleur. Mais je citais la recherche, la transparence des marchés. A-t-on vraiment envoyé sur les marchés les plus transparents l'essentiel des opérations ou non ? Tout ceci n'est pas évident.

La commission examine ensuite le rapport de la mission d'information sur les taxes sur les titres de séjour (Mme Stella Dupont, rapporteure).

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Vous vous souvenez que cette mission d'information est née, comme un certain nombre d'autres d'ailleurs, de débats à l'occasion du projet de loi de finances dont les sujets font ensuite l'objet d'une étude un peu plus approfondie puisque ces débats sont apparus comme valant la peine d'être menés mais nécessitant qu'on s'y attache et qu'on les regarde d'un peu plus près. C'est le 19 décembre dernier que notre commission a créé une mission d'information sur le sujet de la fiscalité des titres de séjour.

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Avec Stella Dupont, nous vous présentons aujourd'hui les conclusions de la mission d'information sur les taxes relatives aux titres de séjour, c'est-à-dire les taxes que les étrangers résidant légalement sur notre territoire doivent acquitter au moment de la délivrance du renouvellement ou de la remise d'un duplicata de leur titre de séjour.

Le produit de cette taxe représentait 193 millions d'euros en 2017, un montant conséquent, même s'il peut apparaître peu significatif au regard des grandes masses budgétaires. Pour les étrangers, en revanche, le montant de ces taxes est significatif, puisqu'il s'élève généralement à 269 euros par document dans le cas le plus fréquent et peut aller jusqu'à 609 euros par titre de séjour dans certaines situations, et ce pour une durée de validité n'excédant pas parfois douze mois.

À l'initiative de Stella Dupont, la question du niveau de ces taxes a motivé la création d'une mission d'information de la commission des finances. La présidence de cette mission m'a été confiée, et Mme Stella Dupont en a été désignée rapporteur. Je salue l'investissement de notre collègue et la remercie pour l'important travail accompli dans un esprit de coopération et de respect mutuel de nos sensibilités politiques.

D'apparence technique, le sujet des taxes appliquées aux titres de séjour mérite qu'on s'y attarde dans la mesure où certaines pratiques posent question. Si les enjeux financiers apparaissent limités, de véritables questions de fond se posent. Dans ce rapport, Stella Dupont souligne ainsi le niveau élevé de ces taxes et considère que ces contributions sont susceptibles de compromettre l'intégration de certains étrangers.

Pour ma part, j'entends surtout souligner le cercle vicieux enclenché par ces taxes. Ces contributions imposées par l'État aux ressortissants étrangers, qui souvent peinent à régler le montant demandé, conduisent certaines associations caritatives ou certains centres communaux d'action sociale (CCAS) à prendre en charge ces taxes. Ce faisant, une charge financière indue pèse sur ces structures et réduit leur capacité d'intervention au bénéfice des populations en difficulté. Le paradoxe est tel que certaines associations participent au paiement des taxes sur les titres de séjour au moyen de subventions accordées par l'État ou des collectivités territoriales. D'une certaine façon, de l'argent public est ainsi utilisé pour financer le paiement de taxes. Cette situation baroque est soulignée par la mission et m'a été confirmée au niveau local par différents acteurs associatifs.

À titre personnel, dans ma circonscription, j'ai par exemple été interpellé sur cette question par la Croix-Rouge, qui m'a alerté sur le poids croissant représenté par la prise en charge de ces dépenses dans le budget de son antenne locale. Cette situation pose question, puisque la Croix-Rouge, comme les autres associations caritatives, finance une large part de ses actions par des dons. Cela veut donc dire que lorsque la Croix-Rouge ou une autre association prend en charge des taxes sur les titres de séjour, c'est l'État qui, par le biais de la déduction fiscale, finance une partie du paiement de ses propres taxes. À l'évidence, cela n'est pas satisfaisant. Vous-même, monsieur le président, vous aviez souligné ce problème le 19 octobre 2018 dans l'hémicycle en évoquant, d'une part, le montant extrêmement élevé de ces taxes par rapport au revenu moyen des assujettis, et, d'autre part, en soulignant que le paiement partiellement public de ces taxes nous faisait tourner en rond.

Mais au-delà de la charge indue pesant sur le secteur associatif, cette mission nous a permis de découvrir que la taxation des titres de séjour pose d'autres questions : des questions relatives, par exemple, à la dématérialisation croissante des procédures administratives. Si le principe de la dématérialisation doit être soutenu, il est nécessaire de savoir accompagner cette évolution et de lutter contre certains effets pervers.

À ce titre, avec Stella Dupont, nous avons été interpellés par plusieurs acteurs associatifs et institutionnels sur le développement d'une nouvelle forme de délinquance. À plusieurs reprises, il nous a été fait part d'un phénomène de commercialisation frauduleuse de rendez-vous ouverts par les préfectures pour recevoir les étrangers. Des rendez-vous sont revendus pour 50, 100 ou 200 euros. La sous-préfecture du Raincy en Seine-Saint-Denis nous a même fait part d'un horaire d'entretien commercialisé à 1 200 euros. Si cette question ne constitue pas le thème central de la mission d'information, la conduite de nos travaux a permis d'en prendre conscience et de la dénoncer.

Concernant le déroulement de nos travaux, celui-ci a été assez classique puisqu'il a reposé sur un cycle d'auditions complété par deux déplacements en Seine-Saint-Denis et en Loire-Atlantique. Les seize auditions conduites ont permis de rencontrer quarante-sept interlocuteurs différents, que je souhaite ici remercier. À partir de ces auditions, la mission a pu formuler ses propositions que je laisserai à madame la rapporteure le soin de vous présenter.

Avant de lui laisser la parole, je souhaite souligner qu'en dépit de nos différences de conviction, nous sommes parvenus avec la rapporteure à des propositions partagées puisque guidées par le bon sens. Je pense par exemple à celle visant à simplifier le régime actuel de ces taxes, qui est aujourd'hui beaucoup trop complexe pour les étrangers comme pour les services de l'État. La mission d'information propose également d'abaisser le montant de certaines taxes, mais il ne s'agit ici que de les ramener dans la moyenne européenne, ni plus ni moins. La volonté de Stella Dupont a été de proposer une grille tarifaire réaliste au regard du revenu moyen des personnes concernées.

Enfin, je terminerai par la remarque suivante : l'exercice du pouvoir de contrôle de la commission des finances permet, comme ce fut le cas avec cette mission d'information, de se saisir d'un sujet et, à la faveur de l'examen d'une politique publique, de soulever d'autres interrogations. Ce pouvoir de contrôle rencontre néanmoins certaines difficultés pratiques. À regret, la mission d'information a dû se résoudre à ne pouvoir évaluer précisément le montant de ces recommandations dans la mesure où elle n'a pu disposer d'un niveau d'information suffisamment détaillé pour la décomposition du produit de ces taxes.

Néanmoins, en dépit de cette réserve, j'émets le voeu que le diagnostic et les propositions partagées formulés par la mission de la formation reçoivent l'appui de notre commission.

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Je suis heureuse de vous présenter ce matin les conclusions de cette mission d'information, parce que, vous le savez, ce sujet me tient très à coeur. Nous savons toutes et tous que la question des titres de séjour est au centre de l'intégration des personnes étrangères résidant sur notre territoire. Pour un étranger, l'attribution ou le renouvellement d'un titre de séjour conditionne tout le reste et ainsi son intégration dans notre pays.

En tant qu'élue locale, puis en tant que députée, j'ai été régulièrement alertée sur le niveau élevé des taxes sur les titres de séjour. Jean-François Parigi vient de le rappeler : un titre de séjour d'une durée de douze mois peut supposer le paiement d'une taxe de 269 euros, voire de 609 euros. Ce montant peut paraître excessif lorsqu'on le compare avec la taxe de 89 euros acquittée par les citoyens français pour la fourniture d'un passeport valable dix ans. Il l'est encore plus, bien entendu, lorsqu'on le compare avec la fourniture gratuite d'une carte nationale d'identité pour un citoyen français.

La mission d'information s'est attachée à étudier ces montants, mais également à dresser un état des lieux de leurs conditions de fixation, de paiement, d'affectation budgétaire ou de dérogation. L'objectif est simple : soumettre des propositions d'évolution de la réglementation destinées à rendre les taxes plus simples, plus justes, plus fonctionnelles.

En dépit de nos convictions différentes, Jean-François Parigi et moi-même avons fourni, je le crois, un travail consensuel, ce dont je me réjouis. Je transmettrai les mêmes remerciements à Jean-François, et j'ajoute que je salue également le travail remarquable un travail de qualité, d'approfondissement et de précision, des services de la commission des finances sur un sujet très technique et complexe.

Nous nous sommes accordés sur seize recommandations que je vous présenterai succinctement pour répondre ensuite à vos éventuelles interrogations.

La première proposition de la mission vise à rendre ces taxes plus simples. Pour cela, il est proposé de réduire leur nombre de treize niveaux de tarifs aujourd'hui à seulement cinq et en retenant également des montants ronds : 0 euro, 25 euros, 50 euros, 100 euros ou 200 euros. Des taxes plus simples, cela veut dire des taxes plus faciles à comprendre pour les usagers et aussi plus simples à percevoir pour l'État. À l'heure actuelle, la grille tarifaire est un véritable maquis. Je pense qu'il est de l'intérêt de tous de simplifier ce maquis pour rendre ces taxes plus lisibles et donc plus compréhensibles.

Le deuxième axe de propositions vise à rendre les taxes sur les titres de séjour plus justes. Huit recommandations sont formulées en ce sens et visent à rapprocher le niveau de ces taxes françaises de la moyenne des taxes européennes. À l'heure actuelle, la France se situe dans la tranche haute de la taxation européenne, et vous avez dans les annexes des documents très intéressants qui comparent le niveau de taxes par pays. Si notre pays n'est pas le pays où les taxes sont les plus élevées, il est l'un de ceux où les taxes sont les plus importantes. Pour corriger cette situation, il est proposé de baisser ou de supprimer certains montants. Deux publics sont particulièrement visés par les évolutions souhaitées. Ce sont les étrangers qui renouvellent une carte de séjour d'une durée maximale d'un an et les étrangers qui reçoivent pour la première fois un titre de séjour.

S'agissant des étrangers renouvelant une carte de séjour d'une durée maximale d'un an, nous proposons de revenir sur une forte augmentation décidée par un décret de 2016. En application de ce décret, le montant des taxes demandées lors du renouvellement de certains titres de séjour est passé de 87 euros à 250 euros. Si l'on ajoute le droit de timbre de 19 euros dû pour la fabrication des documents, un étranger doit donc s'acquitter la somme de 269 euros pour un titre d'une durée de douze mois. Cette augmentation pose problème, puisqu'en dépit de leur volonté, nombre d'étrangers désirant s'installer durablement en France ne parviennent pas à obtenir une carte de séjour pluriannuelle d'une durée de deux à quatre ans. Ils sont ainsi contraints de se contenter d'un titre de séjour d'une durée réduite qu'ils doivent renouveler chaque année en payant de nouveau 269 euros par titre, c'est-à-dire par personne. Cette situation tient notamment à une interprétation très stricte de la réglementation, puisque des préfectures refusent en effet l'attribution d'un titre de séjour pluriannuel aux étrangers ne possédant pas un contrat de travail à durée indéterminée. Nous proposons donc d'abaisser de 269 à 125 euros le montant des taxes applicables au renouvellement d'une carte de séjour temporaire d'une durée maximale d'un an et d'abaisser de 269 à 225 euros le montant de la première délivrance ou du renouvellement des autres titres de séjour.

Le second public précaire concerné est celui des étrangers sortant de l'irrégularité pour recevoir un titre de séjour. Les intéressés sont aujourd'hui tenus d'acquitter la somme de 609 euros, comprenant la taxe de base dont je viens de parler de 269 euros et une surtaxe de 340 euros qui sanctionne un précédent séjour irrégulier. La somme atteint donc 609 euros, ce qui est excessif selon moi. Si je conçois qu'un étranger précédemment en situation irrégulière doive acquitter une surtaxe au moment où il est régularisé, la surtaxe actuelle ne me semble pas raisonnable. C'est un montant de 340 euros qui s'applique à des personnes ne pouvant, avant leur régularisation, percevoir un revenu légal. Ce sont des personnes qui ne peuvent pas travailler dans notre pays ; le recours au travail illégal et aux demandes d'aide est alors fréquent. Nous proposons de passer de 609 euros à 325 euros le montant de ce premier titre de séjour.

Pour rendre les taxes sur les titres de séjour plus justes, la mission d'information recommande également d'autres ajustements : supprimer les majorations demandées en cas de fourniture de duplicata ; introduire une clause permettant d'exonérer les étrangers indigents du paiement des taxes sur les titres de séjour ; supprimer également une discrimination relevée par le Défenseur des droits à l'encontre des conjoints étrangers de Français – je pourrai revenir sur tous ces points si vous le souhaitez dans vos questions – et augmenter également le droit de timbre payé sur tous les titres, puisqu'il est de 19 euros depuis fort longtemps. Nous proposons de le passer à 25 euros.

Ces différents aménagements visent à réduire le poids de ces taxes supporté par les étrangers non communautaires résidant en France. Je rappelle que le niveau de revenus des intéressés est selon l'INSEE inférieur d'un tiers au niveau moyen des revenus des ménages français. Je rappelle surtout que les taxes actuelles constituent des obstacles et des freins à l'intégration des étrangers dans notre société.

Le troisième axe des propositions de la mission vise à rendre les taxes plus fonctionnelles. Sept recommandations sont formulées en ce sens. Rendre la taxation plus fonctionnelle, cela veut dire simplifier la vie des étrangers en les autorisant à régler les taxes demandées en deux fois. C'est aussi leur permettre de continuer à acheter des timbres fiscaux dans les préfectures ou à s'assurer que le site internet du ministère de l'intérieur dédié aux étrangers publie la grille tarifaire applicable. Rendre la taxation plus fonctionnelle, cela signifie également renforcer l'information et les pouvoirs du Parlement. La mission d'information souhaite ainsi que le produit de la taxation soit porté chaque année à la connaissance de l'Assemblée nationale et du Sénat, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Il est également proposé de laisser moins de latitude au pouvoir réglementaire dans la détermination du montant des taxes. Aujourd'hui, le pouvoir réglementaire peut librement décider de faire varier les taxes sur une échelle allant de 1 à 4,5. C'est l'amplitude de cette fourchette qui explique qu'en 2016 les taxes ont pu passer de 87 à 250 euros, comme je le disais tout à l'heure, sans que le Parlement soit associé. La marge de manoeuvre laissée au pouvoir réglementaire me semble excessive, il est donc recommandé de confier au Parlement le soin de déterminer le montant exact de ces taxes. Nous le faisons déjà en partie, puisque le Parlement fixe aujourd'hui le montant du droit de visa de régularisation. Nous proposons que le Parlement le fasse pour la totalité de ces taxes.

Enfin, je souligne que les travaux de la mission lui ont permis de prendre connaissance d'une nouvelle forme de délinquance concernant les titres de séjour. En l'espèce, deux préfectures ont signalé que des individus indélicats commercialisent des créneaux de rendez-vous électroniques ouverts par les bureaux des étrangers, Jean-François Parigi y est revenu, et si bien entendu cet élément ne faisait pas partie du périmètre de la mission, nous avons vraiment souhaité faire figurer les éléments dans le rapport de façon à le porter à la connaissance de tous et à inviter l'État à réagir.

En conclusion, les propositions du niveau des taxes que nous avons pu chiffrer ont un coût estimé d'environ 38 millions d'euros. Cette estimation est partielle dans la mesure où nous n'avons pu obtenir une décomposition fine du produit des taxes sur les titres de séjour. L'estimation fournie a donc été établie par les services de la commission des finances sur la base des éléments dont nous disposions. Le coût estimé est donc imparfait, mais il donne cependant une idée des montants en jeu. Symboliquement, la mission d'information croit possible de « gager » cette dépense en l'associant au produit croissant des taxes sur les visas de court séjour de moins de trois mois, dont le niveau est décidé au niveau communautaire. Comme notre collègue Émilie Bonnivard l'a rappelé dans son dernier rapport spécial consacré au tourisme, le produit des taxes sur les visas de court séjour est dynamique, puisqu'il est passé de 137 millions d'euros en 2013 à 231 millions en 2018. Ce produit va continuer à croître à la faveur de l'augmentation attendue du nombre de touristes et du récent relèvement de 60 à 80 euros de la taxe sur ces visas. Ce lien financier serait bien entendu symbolique et non juridique, mais il marquerait la volonté que les taxes réglées par les étrangers de passage en France financent l'effort budgétaire consenti en faveur des étrangers s'inscrivant durablement sur notre territoire.

Je conclurai en rappelant le souhait de Jean-François Parigi et de moi-même de limiter la contribution des associations et des collectivités territoriales au paiement de ces taxes. La situation actuelle n'est pas satisfaisante. Les associations caritatives et les CCAS doivent avoir d'autres priorités que de payer directement ou indirectement des timbres fiscaux. Il n'est pas sain que des associations des collectivités subventionnent ainsi le paiement de cette taxe.

En conclusion, je pense qu'il est temps de sortir de ce cercle vicieux en redonnant aux taxes sur les titres de séjour un niveau raisonnable. Ce constat déjà partagé avec Jean-François Parigi au moment du lancement de nos travaux l'est toujours à l'heure de notre conclusion.

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En page 17, il est indiqué qu'en 2017, il s'agissait de 19,04 euros. La taxation réelle doit être, j'imagine, la recette divisée par le nombre de titres de séjour. Comme il y a beaucoup de catégories de taxes, je voudrais savoir si nous sommes partis de l'idée que c'était insupportable. Évidemment 19 euros, c'est très supportable. Il y a beaucoup d'exemptions. S'agit-il bien d'une moyenne ? Combien de titres sont payés 250 euros ?

Par ailleurs, un coût de 609 euros avait beaucoup été évoqué – vous l'avez vous-même évoqué. Je comprends que c'est plutôt pour des étrangers en situation irrégulière à un moment donné. Sait-on combien de taxes à 609 euros sont appliquées et dans quelles situations elles le sont ?

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Monsieur le président et madame la rapporteure, je voulais vous remercier parce que tout ce qui découle de cette mission est en fait issu d'un chaînage un peu vertueux qui est finalement d'abord d'avoir accepté ma proposition que l'ensemble des amendements, dont certains portaient d'ailleurs ma cosignature, puissent être retirés au profit de l'engagement de créer une mission d'information et d'effectuer une vraie évaluation de façon à aboutir dans le projet de loi de finances (PLF) suivant à des propositions qui soient cette fois non seulement bien cadrées, mais en plus, comme vous l'avez souligné, monsieur le président, oecuméniques, voire interreligieuses...

C'est pour moi une grande satisfaction de voir que finalement la mise en évidence d'une difficulté d'une politique publique peut conduire petit à petit à ce chaînage vertueux qui est quand même le symbole même du Printemps de l'évaluation.

À titre personnel, c'est une question, vous le savez, pour laquelle j'ai une certaine sensibilité. Je crois qu'il est bien que les parlementaires, il n'y a pas que les citoyens, puissent jouer le rôle de lanceur d'alerte. C'est même dans leur fonction même. Sur ce plan-là, je vous remercie du travail que vous avez effectué à ce titre.

Il n'y a pas que ce sujet, malheureusement, s'agissant des politiques concernant les étrangers, pour lesquels on a un peu tendance dans ce pays à faire les trois petits singes, l'aveugle, le sourd et le muet, ce qui conduit quelquefois à des revers électoraux. Je regrette effectivement que souvent tout cela soit un petit peu passé à la trappe d'un mutisme que vous n'avez pas choisi de suivre, et je voulais vous en remercier. Il en est de même lorsque je vois quelques migrants qui traversent la frontière chez moi et que ce sont des citoyens qui sont obligés de payer le billet pour aller au conseil départemental faire l'ensemble des procédures pour la reconnaissance de minorité, alors qu'il me semble qu'on pourrait peut-être avoir une prise en charge plus globale étant donné qu'il s'agit d'une politique publique et d'État.

Pour revenir très précisément sur votre rapport, les montants en jeu sont globalement relativement raisonnables, mais on sait que le constat est différent pour des demandeurs de titre de séjour qui sont en situation très précaire. Pouvez-vous nous indiquer comment a évolué le produit des taxes sur les titres de séjour au cours des dernières années et mettre en perspective cette évolution et celle des demandes de délivrance ou de renouvellement de taxe de séjour ?

Je relève également de votre présentation trois éléments principaux sur lesquels d'ailleurs vous avez bien insisté et dont découleront mes autres questions. Les montants des taxes sont très variables, élevés et semblent connaître une rapide progression. Vous avez indiqué aussi que les montants des taxes sur les titres de séjour étaient globalement dans la fourchette haute des montants constatés au niveau de l'Union. Avez-vous eu l'occasion au cours de vos travaux de dresser des comparaisons européennes et quels enseignements peut-on en tirer ?

Questions complémentaires : on nous oppose souvent dans le débat le caractère réglementaire de la fixation du montant des taxes applicables à la délivrance, au renouvellement et au duplicata des titres de séjour. La loi définit un cadre pour ces montants, en l'espèce une limite haute et une limite basse. Ces limites sont d'une grande amplitude, vous l'avez souligné dans votre rapport, bien trop grande. Elles expliquent à mon avis les progressions de taxes que nous avons constatées récemment, mais nous avons donc bien une possibilité d'agir. C'est d'ailleurs, il me semble, la recommandation 14. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point sur vos recommandations ?

Pour terminer, sur les questions que vous avez soulevées d'intermédiation frauduleuse dans certains départements, je voudrais savoir s'il y a une procédure en cours, si l'article 40 du code de procédure pénale a été invoqué. Où en est-on ? Franchement, les gens qui font cela sont vraiment la lie de l'humanité.

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Ma première question est relative au coût de 38 millions d'euros que vous annoncez. Est-ce bien un manque à gagner dont il s'agit ? Est-ce par rapport à la recette escomptée de ces taxes ?

Votre proposition 11 fait référence à la possibilité de payer les timbres fiscaux dans les préfectures. Nous aurions d'ailleurs pu l'élargir aux maisons France Services, par exemple. Cela ne pose-t-il pas un problème pratique de réception de paiements, qui parfois peuvent se faire en espèces et non par carte bancaire ?

Dernière question : comment tout cela va-t-il se produire ? Je n'ai pas très bien compris ce qui relevait de dispositions législatives particulières et ce qui relevait tout simplement du PLF 2020, par exemple.

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En premier lieu, je veux remercier le président de la mission, Jean-François Parigi, et la rapporteure, Stella Dupont, pour leur travail. Je crois qu'on a un bel exemple ici de la nécessité d'évaluer l'ensemble des dispositifs de toutes nos politiques publiques et je trouve qu'au moment du Printemps de l'évaluation, cette mission a tout son sens.

Vous avez évoqué la complexité de la procédure, au travers notamment d'un grand nombre de tarifs, et souhaité une simplification. À ce titre, avez-vous eu la possibilité d'évaluer le coût de la gestion de cette procédure ? Peut-on déterminer le coût en matière de dépenses publiques pour gérer un tel dispositif ?

Sur les comparaisons entre les tarifs existants, vous avez fait un rapport entre les tarifs qui existent pour les nationaux par différence avec cette taxation des titres de séjour pour les étrangers. Qu'en est-il dans les pays voisins, au niveau européen notamment ?

Enfin, vous nous avez indiqué, madame la rapporteure, que les taxes constituent des freins à l'intégration des étrangers. Je veux bien entendre cela. Par ailleurs, nous avons entendu que dans un grand nombre de cas ce sont les associations qui prennent le relais. On peut s'offusquer du dispositif, puisque finalement on finit par créer un mouvement circulaire. Mais une fois que cette question de tarif est réglée, et elle l'est à un moment donné, peut-on véritablement affirmer que les taxes constituent des freins à l'intégration des étrangers ? Je reste un peu dubitative sur vos propos.

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Je vais faire un tout petit pas de côté, mais cela touche votre rapport. Vous avez parlé de la monétisation des rendez-vous et donc d'activités frauduleuses. Il se trouve que dans notre droit positif, une personne étrangère doit déclarer, par exemple, un changement d'adresse dans les sept jours et faire les démarches auprès de la préfecture. Or aujourd'hui, dans certaines préfectures, et la mienne en fait partie, il n'y a pas de rendez-vous disponible avant le mois d'octobre pour déclarer un changement d'adresse, et finalement le coût du timbre n'est pas un frein dans ce cas-là, parce que ce sont 19 euros pour changer d'adresse. Sauf qu'aujourd'hui, techniquement, la personne n'est pas en situation de pouvoir faire sa déclaration de changement d'adresse et donc d'être à jour. Avez-vous croisé des difficultés telles que celle-là ? Ne peut-on pas dématérialiser cette procédure ou la rendre plus fluide ?

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Je vais d'abord féliciter nos collègues de ce rapport d'information et d'avoir zoomé un peu sur le sujet. Cela tombe bien au moment du Printemps de l'évaluation.

Sur le constat, je ne suis pas complètement surpris sur les tarifs qui peuvent paraître élevés. En tant que maire, j'ai déjà effectivement été sollicité par rapport au CCAS pour prendre un peu le relais. Effectivement, cela pose quand même des problèmes, comme cela a été rappelé. Nous arrivons en fin de compte à ce que les taxes soient payées par des subventions, par l'impôt, d'une certaine façon.

Je suis en revanche un peu plus surpris à propos de ce marché parallèle sur les rendez-vous. On tend peut-être la perche à cette difficulté, et cela vient d'être rappelé par ma collègue, avec des rendez-vous qui sont quand même souvent très tardifs. Évidemment, cela provoque peut-être quelque part un nouveau marché frauduleux.

Sur les propositions que vous faites, je n'ai pas grand-chose à dire. On est bien dans la simplicité, dans une forme peut-être plus juste, plus fonctionnelle. Quand on regarde vos recommandations, il y a une certaine volonté de baisser le niveau de ces taxes, retenir les tarifs ronds, abaisser de 250 euros à 100 euros, supprimer des majorations. On voit bien cette volonté. Il y a aussi dans les mesures une volonté de simplification et d'amélioration de la formation, notamment de la grille tarifaire. Je pense que c'est une nécessité. J'espère que nous aurons une suite favorable sur certaines de vos recommandations et que nous puissions y travailler en loi de finances. Félicitations pour votre travail.

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En annexe à votre rapport, vous présentez les niveaux des taxes dans les différents pays de l'Union. Effectivement, on se situe dans le haut des fourchettes. Vous n'avez pas retenu dans vos recommandations l'idée de demander l'harmonisation de ces taxes en Europe, mais y a-t-il des projets d'harmonisation à l'échelon communautaire au nom de la libre circulation ? C'est quand même extravagant quand on voit les écarts. Je voyais, par exemple, que pour une première délivrance, cela va de 940 euros à 50 euros, par exemple, en Europe.

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Merci pour votre intérêt sur ce sujet. Je vais essayer d'embrasser la globalité des questions en allant à l'essentiel.

Pour vous répondre, monsieur le président, tout d'abord, l'une des difficultés de la mission d'information, comme cela a été indiqué par le président et moi-même, est que nous n'avons pu disposer de données fines sur les catégories de titres. Nous savons qu'il y a eu 986 000 titres délivrés en 2017, mais ce nombre intègre tout, c'est-à-dire les renouvellements mais aussi les duplicatas et les premiers titres. Il est donc difficile ensuite d'analyser finement les choses. Ce que nous savons en revanche, c'est que les personnes en situation irrégulière qui doivent donc payer le visa de régularisation étaient au nombre de 30 000 en 2017.

Les 609 euros, ce sont ceux qui paient le titre plus le visa de régularisation de 340 euros. Ce sont les personnes qui, au moment où elles déposent leur demande, sont en situation irrégulière, parce que leur visa de séjour, de tourisme ou autre, est dépassé, parce qu'elles sont arrivées de façon irrégulière dans notre pays. Cela représente 30 000 personnes.

Pour en venir à la question qui revient souvent sur le constat de trafic de rendez-vous en préfecture, l'une des préfectures que nous avons auditionnées avait déposé plainte sur ce sujet, et l'autre, bien que ce soit récent, était dans une logique identique d'action sur ce plan également.

Pour votre première question, monsieur le rapporteur général : la situation des demandeurs de titres est souvent précaire, et les données de l'INSEE de 2014, que j'ai rappelées brièvement, ont observé que le taux de pauvreté des personnes vivant dans des ménages immigrés est supérieur de plus de 27 points à celui de la population des ménages de non-immigrés.

L'évolution du produit des taxes et du droit de timbre sur les titres de séjour au cours des dernières années se caractérise par un accroissement rapide. De 157 millions d'euros en 2013, nous sommes passés à 168 millions en 2015 et à 193 millions en 2017. Le produit des taxes et du droit de timbre croît d'ailleurs proportionnellement plus vite que le nombre de titres de séjour délivrés, de fait de l'augmentation de 2016 du niveau de taxe. Ce décret de 2016, je vous l'ai dit, l'a fait passer, pour certains cas de renouvellement, de 87 à 250 euros.

S'agissant de votre deuxième question, des comparaisons européennes ont été établies sur la base des données transmises par le ministère de l'intérieur et également des données recueillies par le service des affaires européennes de l'Assemblée nationale, que nous avons aussi sollicité. Ces données doivent être analysées avec prudence en raison des différences qui existent en matière de durée de validité des titres de séjour entre États : tout le monde n'a pas un titre d'un an ou un titre de quatre ans. On ne compare pas toujours des choses comparables, l'exercice n'est donc pas simple.

D'après les données du ministère de l'intérieur, sur vingt-et-un pays européens analysés, la France propose la deuxième tarification la plus élevée en matière de taxation des titres de séjour délivrés aux résidents de longue durée, c'est-à-dire ceux qui paient 269 euros, et la troisième tarification la plus élevée en matière de taxes appliquées sur le titre de séjour d'un conjoint faisant l'objet d'un regroupement familial.

Les données recueillies par le service des affaires européennes mettent en avant une autre singularité concernant la régularisation des étrangers, parce que sur les neuf pays étudiés, aucun n'applique aux étrangers régularisés une surtaxe comparable au droit de visa de régularisation de 340 euros pratiqué par la France.

Les comparaisons européennes soulignent également la complexité de la taxation française. En Belgique, par exemple, il n'y a que trois tarifs et un droit de timbre ; en France, il y a treize montants différents.

Sur votre troisième question, qui concerne la recommandation 14, selon les cas, la loi définit une fourchette de taxes ou une taxe précise. Dans la plupart des cas, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit une fourchette comportant une limite haute et une limite basse, et, comme je vous l'indiquais tout à l'heure, l'amplitude peut aller de 1 à 4,5. En matière de renouvellement des titres, la taxe peut varier de 55 euros à 250 euros selon les cas de figure. C'est comme cela qu'en 2016, la hausse a pu être décidée sans passage par le Parlement. Le code ne détermine pas non plus uniquement des fourchettes. Sur le droit de visa de régularisation de 340 euros, on a fixé précisément le montant de la taxe sans passer par une fourchette. Un autre visa de régularisation de 180 euros est également fixé précisément. Je crois que nous avons bien une possibilité d'action soit en restreignant les fourchettes existantes – en resserrant de 1 à 4,5 à 1 à 2, à nous de le définir – soit en généralisant la détermination d'un montant précis, et c'est plutôt cette solution que nous préconisons.

En réponse à Jacques Savatier, les 38 millions d'euros que nous avons estimés sont effectivement une moindre recette. Sur la dématérialisation dans les préfectures – à l'image des Français, d'ailleurs, nombre d'étrangers ne sont pas à l'aise avec l'outil informatique et la dématérialisation – nous ne préconisons pas d'aller jusqu'à remettre des guichets et des versements numéraires dans les préfectures, mais des bornes permettant justement de retirer de façon dématérialisée les timbres fiscaux servant à payer ces taxes nous semblent adaptées. Les personnes étrangères, comme les Français d'ailleurs, peuvent donc acheter leur timbre soit en préfecture dans ces bornes, soit à domicile ou dans une association, soit chez le buraliste, où un paiement en espèces peut être possible. Nous sommes cependant dans la phase de changement et nous avons senti dans les différentes auditions que cette dématérialisation était compliquée pour certaines associations plus que pour d'autres, qui s'étaient adaptées assez facilement.

Pour le reste de nos recommandations, pour l'essentiel, cela peut passer par un amendement au PLF. C'est donc assez simple.

Madame Louwagie, sur le coût de la gestion de la procédure, le nombre d'agents qui travaillent sur ce sujet est en définitive assez limité, et les éléments qui nous ont été transmis nous amènent à la conclusion qu'effectivement, le coût de gestion du recouvrement de ces droits de timbre et de ces taxes est assez faible. Je n'ai pas le chiffre exact, mais ce n'est pas un gros poste de dépenses de notre administration.

Sur les tarifs dans les pays voisins et l'harmonisation, à ma connaissance, il n'y a pas de travaux d'harmonisation engagés. Ce serait intéressant et certainement à faire, mais on part de loin, c'est-à-dire qu'entre la France qui a une multiplicité de titres, de taxes, de dérogations et un pays où les choses sont extrêmement simples comme la Belgique, où il y a trois tarifs, cela mériterait beaucoup de travail. Vous avez dans les annexes du rapport un certain nombre de détails, avec des choses qui peuvent apparaître surprenantes puisqu'il me semble que la Hongrie, par exemple, a un niveau de taxes assez faible, alors qu'intuitivement je me serais plutôt attendue à un niveau de taxes élevé, et que les pays du nord de l'Europe ont des tarifications qui sont en revanche élevées. Chaque cas est particulier : il est difficile d'en tirer une conclusion unique.

Concernant votre questionnement ou votre désaccord possible quand je vous parle de frein à l'intégration, c'est le niveau de la taxe qui, pour moi, constitue un frein à l'intégration surtout lorsqu'il s'agit de faire payer 609 euros à des gens qui peuvent être seuls, mais qui peuvent aussi être en couple et qui ne peuvent pas travailler dans notre pays au moment où ils déposent leur demande. Cela signifie qu'ils doivent se débrouiller pour réunir cette somme, parfois emprunter à des taux d'intérêt divers et variés. Je pense que c'est un véritable parcours du combattant que doivent accomplir les personnes concernées. C'est en ce sens qu'il me semble que le niveau de 609 euros, qui peut être renouvelé l'année suivante par 269 euros, etc., met en difficulté les personnes dont nous considérons qu'elles sont légitimes, que nous autorisons à rester dans notre pays et dont nous souhaitons bien entendu qu'elles s'intègrent. C'est un frein parce que le niveau est élevé.

Pour répondre à Sarah El Haïry sur la file d'attente des rendez-vous, bien entendu, dans le cadre de nos auditions, c'est un point que nous avons abordé. Nous avons bien pu mesurer que les préfectures s'efforcent vraiment d'agir pour de temps à autre augmenter le nombre de créneaux et trouver une organisation optimale. Nous n'avons pas creusé ce point spécifique, mais c'est une difficulté réelle. Il y a de la bonne volonté et bien entendu le souci d'apporter un service de qualité. Lorsque l'on est en juin et que l'on ne peut obtenir un rendez-vous qu'en octobre, cela pose naturellement question. Cela alourdit aussi le travail des préfectures puisqu'elles peuvent être amenées à renouveler des récépissés temporaires, en définitive. Cela alourdit tout de même là aussi la charge de travail de notre administration.

Monsieur Bricout, bien sûr, le Parlement dispose aujourd'hui d'informations insuffisantes de notre point de vue. Nous avons consulté la grille tarifaire, par exemple, de toutes ces taxes sur le site du Groupe d'information et de soutien des immigrés, mais nous ne l'avons pas trouvée sur le site d'une administration. Je crois qu'il y a matière à ce que le Parlement, et les citoyens d'ailleurs, soient mieux informés à l'avenir.

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Merci beaucoup pour ce travail, qui devrait pouvoir être prolongé par des propositions claires dans le cadre du PLF. Merci, en tout cas, d'avoir défriché.

Je note quand même que nous n'avons pas les données par catégorie de titres. Dans une administration normalement aussi bien organisée, on est parfois étonné par le manque d'informations et le coût de gestion. Ce sont des questions que nous poserons à ce moment-là à nouveau au ministre, et nous verrons si c'est de la mauvaise volonté ou si c'est au contraire une impossibilité complète.

La commission autorise, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport d'information.

Enfin, la commission examine le rapport d'information sur l'externalisation du soutien des forces en opérations extérieures (M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial).

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Le rapport que va nous présenter M. François Cornut-Gentille fait suite à son précédent rapport de 2017, relatif au transport stratégique, ainsi qu'à l'enquête que nous avions demandée à la Cour des comptes, au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur l'externalisation du soutien aux forces en opérations extérieures.

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Les enjeux financiers du dossier que je vais présenter ne sont pas énormes. C'est en le replaçant dans la perspective du travail que je mène en tant que rapporteur spécial depuis quelques années déjà que l'on pourra saisir les véritables enjeux.

Tout a commencé par un rapport sur les opérations extérieures (OPEX) commandé par la commission des finances du Sénat à la Cour des comptes. Une partie de ce document, consacrée au transport stratégique, a attiré mon attention. La Cour des comptes parlait d'« anomalie », et ce terme, lorsqu'il est employé par la Cour, attire effectivement l'attention. Les magistrats ne s'expliquaient pas l'impossibilité de rendre compte clairement des coûts de transport.

Cela m'avait incité à engager un premier travail sur le transport stratégique – c'est-à-dire le transport des matériels et des hommes entre la métropole et les théâtres d'opérations. Mon rapport mettait en exergue deux points principaux : d'une part, une très forte dépendance de nos armées à l'égard de moyens russes et ukrainiens, ce qui me paraissait poser un problème d'un point de vue stratégique et diplomatique ; d'autre part, de graves défaillances tant sur le plan juridique que sur le plan financier.

Ces éléments ont été jugés suffisamment sérieux pour entraîner la saisine du parquet national financier par la Cour des comptes et par la ministre elle-même. Une enquête est en cours sur ces questions soulevées en 2017. J'ajoute que la ministre avait également saisi le contrôle général des armées.

Plusieurs acteurs civils et militaires m'ont incité à prolonger ce travail en abordant les transports dits « intra-théâtres », en l'occurrence le théâtre de l'opération Barkhane.

La Cour des comptes vous a présenté le 12 mars dernier l'enquête qui lui avait été demandée. J'ai souhaité compléter ce travail en essayant d'aborder deux questions : d'une part, la qualité de la réorganisation en cours, puisque le ministère s'y était engagé à la suite du travail du contrôle général des armées ; d'autre part, ce qui reste encore à accomplir.

Si le rapport d'information traite de différents sujets – parmi lesquels le transport terrestre – c'est le transport aérien qui constitue le sujet le plus délicat. La Cour des comptes a souligné la très grande complexité des contrats en la matière. Faute de maîtriser de grandes quantités de données, notamment techniques, les commissaires des armées qui les concluent peuvent passer à côté d'un certain nombre de choses.

En plus de l'inexpérience des commissaires, la Cour a mis en exergue les pressions très fortes qui s'exercent sur le terrain et qui peuvent biaiser les contrats, ainsi que l'insuffisance des contrôles internes.

Enfin, la Cour a soulevé la question de la sécurité des vols. Sur ce dernier point, j'ai constaté qu'en un an le travail entrepris par le ministère a produit des résultats. A notamment été mise en place une expertise préalable qui aide les commissaires à attribuer les contrats et à les reformuler. C'est une disposition très utile qui les laisse moins seuls face aux difficultés du terrain. L'appui apporté par la métropole pour améliorer l'encadrement juridique et les contrôles internes constitue une avancée incontestable. Je rappelle que plusieurs accidents s'étaient produits, faisant neuf morts en deux ans, ainsi que des incidents qui auraient pu être mortels. Le ministère a pris la mesure du danger et a dépêché un audit – le Safety Audit, dont il est question dans le rapport – qui a permis d'améliorer considérablement le contrôle des avions des sociétés avec lesquelles travaillent nos armées. Un certain nombre d'appareils défectueux ont ainsi été écartés.

Il y a donc une prise en compte réelle et positive des problèmes juridiques d'abord, des problèmes de sécurité ensuite. Néanmoins, un certain nombre de sujets demeurent, y compris en matière de sécurité.

Tout d'abord, le ministère a donc délégué cette mission d'audit à une structure dénommée Organisme pour la sécurité de l'aviation civile (OSAC). Je n'ai rien à redire sur la qualité du travail de cette société. En revanche, sa structure juridique soulève des questions. Il s'agit en effet de la filiale d'une société anonyme dont le capital est détenu par une association dont nous ne pouvons pas connaître les membres. S'agissant d'un organisme exerçant mission régalienne, c'est tout de même problématique. Qui sont ses membres ? Sont-ils impliqués dans le transport aérien ? Y a-t-il des conflits d'intérêts ?

Autant je pense que les questions ont été prises à bras-le-corps, et il faut le saluer, autant il me paraît y avoir ici un risque juridique qui n'est pas purement théorique. Parmi les personnes que j'ai auditionnées, certaines dénoncent des conflits d'intérêts. À tort ou à raison, je n'en ai aucune idée, mais l'État doit exercer une vigilance juridique. La sécurité aérienne est une mission véritablement régalienne, une des missions centrales de l'État. Elle ne devrait pas être déléguée.

Bref, nous constatons une véritable avancée en matière de sécurité, mais une forte interrogation juridique demeure.

Je voudrais également insister sur deux risques à peine évoqués par la Cour des comptes mais qui me paraissent très graves.

Le premier est le risque de sécurité – non plus au sens de la sécurité aérienne, mais au sens de la confidentialité. Car ces transports intra-théâtres peuvent être confiés à des sociétés susceptibles de recueillir, de façon directe ou indirecte, des informations sur le mode opératoire de nos armées et sur leur activité – des informations qui peuvent intéresser beaucoup de monde ! En outre, ces sociétés sont parfois amenées à transporter nos forces spéciales, donc à avoir connaissance des noms de leurs membres, alors que ces noms doivent normalement être protégés.

Le second risque est d'ordre « réputationnel ». Quand on examine les sociétés auxquelles les armées ont recours, leur structure, leur personnel, on peut avoir des doutes sur leurs activités. Pour certaines, d'ailleurs, il y a plus qu'un doute : elles sont mises en cause dans des trafics ou dans d'autres activités répréhensibles. Le fait, pour nos armées, de travailler avec ces sociétés ne soulève-t-il pas à tout le moins un problème d'image ?

En réalité, ces questions de confidentialité et d'image me paraissent assez lourdes. Il faut saluer la réorganisation qui est en cours, mais, si elle s'arrête là, elle n'est pas suffisante. Pour mener jusqu'au bout ce travail d'assainissement qui me paraît nécessaire, je formulerai trois suggestions.

La première concerne l'attribution du « confidentiel défense ». Dans sa conception, cette classification répondait à de tout autres préoccupations : il s'agissait de protéger des secrets au sein du ministère ou des industries d'armement.

Dans le cadre des externalisations, l'enjeu est très différent. Il faut donc repenser le confidentiel défense pour l'adapter aux marchés externalisés. J'ajoute que la direction de la sécurité et du renseignement de la défense fait très bien son travail, mais sans disposer d'une nouvelle définition qui me paraîtrait d'actualité sur ce sujet. Si on lui confie cette nouvelle mission, comme cela semble souhaitable, il faut la renforcer. Aujourd'hui, elle n'a pas tous les moyens nécessaires pour s'en acquitter. Quoi qu'il en soit, compte tenu de la nature des sociétés que j'évoquais tout à l'heure, il est indispensable de procéder à un renforcement de la classification « confidentiel défense » appliquée aux externalisations.

J'en viens à ma deuxième suggestion. Même si l'on ne peut tout mettre en patrimonial, il y a un effort à faire dans ce domaine. Pour nos forces spéciales, notamment, il faut des hélicoptères lourds, comme toutes les armées en ont. Ce ne serait pas un effort financier gigantesque et cela permettrait de remédier à une grande partie des difficultés. Cet effort patrimonial, en particulier sur les hélicoptères lourds, est du reste réclamé par le patron des forces spéciales.

Enfin, s'il est vrai que l'état-major a sensiblement amélioré les procédures et le cadrage juridique, cette amélioration restera formelle si les sociétés concernées continuent d'avoir un profil discutable ou douteux. Il faut donc favoriser une réorganisation du marché. À cet effet, je suggère que l'on fasse pour le transport tactique comme on est en train de procéder pour le transport stratégique : mettre en place des contrats-cadres qui permettraient de disposer d'un pool de sociétés que nous connaîtrions et avec lesquelles nous pourrions déclencher des contrats ponctuels en fonction des demandes des forces. Seraient posées quelques exigences : avoir son siège social en France, être employeur des équipages et, plutôt que de les recruter dans le monde entier, essayer de recourir à des réservistes opérationnels français. Sans doute faudrait-il aussi que ces sociétés soient propriétaires des avions utilisés, au moins en partie, et évidemment qu'elles soient habilitées au confidentiel défense. De telles mesures permettraient de rendre la situation beaucoup plus saine qu'actuellement.

Un dernier mot sur l'Économat des armées, qui est un intervenant assez important dans les OPEX. Le statut juridique de cet établissement est peu clair, puisque c'est à la fois une centrale d'achat et une quasi-régie. L'exercice de la tutelle par l'état-major est à mon avis insuffisant, tout comme le contrôle assuré par Bercy. Quant aux contrôles de l'Assemblée nationale, ils sont assez rares. C'est pourquoi je suggère de conférer à l'Économat des armées la qualité d'opérateur, ce qui donnerait une lisibilité budgétaire et permettrait de mieux observer ce qui s'y fait. Mon intuition – mais il faudrait sans doute que d'autres collègues étudient le sujet – est que la valeur ajoutée de l'Économat des armées est assurée dans ce qui est son coeur de métier, à savoir l'approvisionnement alimentaire de nos troupes. En revanche, quand l'établissement se lance dans d'autres types de marchés, je ne suis pas sûr que sa valeur ajoutée soit clairement démontrée. Il conviendrait donc de se réinterroger sur son rôle.

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L'Économat des armées pourrait être un simple établissement public, ou encore un service.

À plusieurs reprises, la ministre des armées a exprimé son irritation à l'égard des travaux que vous menez, monsieur le rapporteur. Quel est l'état de vos relations avec le ministère ? Quelles sont les réponses qu'il vous apporte ?

Vous nous dites que des réformes sont en cours mais qu'elles ne répondront pas à l'ensemble des questions que vous soulevez. Avez-vous un dialogue en continu sur ces sujets ?

Vous avez aussi auditionné un des responsables de l'OSAC, M. Guy Tardieu. J'imagine que vous lui avez posé la question des actionnaires et de l'origine de l'entreprise. Quelles ont été ses réponses ?

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Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie d'avoir mis le doigt sur ces enjeux de sécurité et de confidentialité, qui me semblent être au coeur de la mission que vous menez. Les doutes que vous émettez à ce sujet doivent être pris en compte. En tout état de cause, je vous remercie du travail que vous avez effectué.

Lors de la présentation par la Cour des comptes, le 12 mars dernier, de son enquête sur l'externalisation du soutien aux forces en OPEX, le président de la quatrième chambre, M. Gilles Andréani, avait indiqué que des progrès avaient été réalisés par le ministère des armées depuis 2016 s'agissant de la qualité du suivi et de l'exécution des marchés. Partagez-vous ce constat ?

Au-delà du renforcement du contrôle interne de l'externalisation, il faudrait se poser la question d'un « autre type d'organisation », pour reprendre vos propos. Quelles voies possibles avez-vous identifiées ? Quels en seraient les avantages et les inconvénients ?

La Cour a également estimé qu'il appartient à l'état-major des armées d'étudier toutes les possibilités pour réaliser des missions de transport avec un meilleur niveau de sécurité pour le personnel. Elle mentionne l'achat ou la location d'appareils neufs ou d'occasion. Partagez-vous cette recommandation ?

Enfin, la Cour recommande de tirer davantage parti de la souplesse permise par le statut de l'Économat des armées et de simplifier les relations contractuelles entre le ministère des armées et l'établissement. Lors de la présentation du rapport de la Cour, vous avez qualifié l'Économat de « boîte noire » et vous vous êtes interrogé sur la nature de sa mission. En quoi votre appréciation diffère-t-elle de celle de la Cour et quelles sont vos recommandations ?

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Merci, monsieur le rapporteur, pour toutes ces informations que vous nous apportez en complément de ce que la Cour des comptes signalait déjà comme des anomalies.

Vous évoquez à la page 27 de votre rapport les difficultés engendrées par la rotation relativement rapide des commissaires sur les théâtres d'opérations. Pourquoi ces rotations sont-elles aussi rapides ? Qui décide de ces affectations et de ce mode de gestion ? Ce dispositif a-t-il été modifié ? Tout le monde convient-il que cette rotation constitue une difficulté ?

Je voudrais aussi vous interroger, comme l'a fait le président de la commission, sur l'état de vos relations avec le ministère des armées et sur la manière dont celui-ci reçoit les propositions et recommandations issues de ce travail considérable. Vous avez eu l'occasion d'auditionner à diverses reprises des représentants de l'état-major des armées. S'ils perçoivent certaines difficultés, ont-ils pu également avoir été sources de recommandations ?

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Ce rapport est particulièrement intéressant, parfois un peu inquiétant quant à la transparence des organismes parties prenantes. Vous évoquez la nécessité d'un accord-cadre de transport intra-théâtres garantissant une certaine rapidité des interventions, mais cet accord ne risque-t-il pas d'être bloquant si les prestataires ne présentent pas les garanties que vous recommandez ? N'y a-t-il pas là un risque de ralentissement des opérations ?

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J'adresse également mes félicitations au rapporteur.

La Cour des comptes nous a informés de l'ambiguïté des documents budgétaires, notamment l'action 06 dévolue aux OPEX au sein du programme 178. L'opération budgétaire « externalisation » ne couvre qu'environ un tiers des dépenses correspondant à des prestations vraiment externalisées de soutien aux forces. Les autres sont ventilées selon la nature des prestations auxquelles elles correspondent : transport, logistique, restauration, etc.

La nomenclature, apparemment, ne permet pas de faire apparaître une vision consolidée de ces externalisations. La Cour recommande d'ailleurs, pour l'exercice budgétaire 2020, de mettre en place un dispositif de suivi et de restitution budgétaire des dépenses exécutées dans le cadre des marchés de prestations externalisées en OPEX, ainsi qu'une imputation des dépenses par finalité. Ne pensez-vous pas que la première urgence est de bien identifier ces dépenses pour effectuer un meilleur contrôle ?

Dans le domaine militaire, neuf fonctions logistiques peuvent faire l'objet d'externalisations. Les prestations sont particulièrement hétérogènes, couvrant des coûts, des acteurs et des spécificités très diverses. Avez-vous des éléments de comparaison avec les externalisations pratiquées par d'autres pays, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni ?

Enfin, l'Économat des armées, comme tous les établissements publics d'État, fait l'objet d'un rapport annuel du contrôle général économique et financier. Ce rapport fait état d'un projet d'arrêté de contrôle validé par la direction du budget mais toujours en examen au ministère des armées. Qu'en est-il ? Lors d'une audition du 20 mars de cette année, le directeur de l'Économat affirmait ne pas avoir de proposition d'arrêté.

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Ma première question est d'ordre juridique. Le rapport du contrôle général des armées du 22 mars 2018 était protégé par la mention « confidentiel défense ». Lorsque j'étais, il y a bien longtemps, magistrat à la Cour des comptes, on a essayé de m'objecter ce genre d'argument. Cela ne tient pas. On ne veut pas opposer le « confidentiel défense » ou le « secret défense » à un magistrat de la Cour des comptes. Je suis donc un peu étonné qu'il ait fallu attendre la déclassification du rapport. La classification était totalement abusive, et d'ailleurs n'empêchait nullement sa transmission immédiate. Le parquet de la Cour des comptes a-t-il envoyé une note à la ministre lui enjoignant de communiquer cette pièce aux magistrats en charge du contrôle ?

S'agissant ensuite du transport aérien, vous nous aviez déjà signalé il y a deux ans l'affrètement d'avions ukrainiens dans des conditions très particulières. À la page 15 de ce nouveau rapport sont présentées les entreprises qui ont été choisies pour ces transports par hélicoptère ou par avion. Ce qui est étonnant, c'est qu'aucune ne possède d'appareil ! Avez-vous pu calculer les marges réalisées par chacune d'entre elles en vous faisant communiquer leurs comptes ? Ces comptes font-ils apparaître une explosion de leurs bénéfices ?

Vous soulevez également la question de la sécurité des appareils. Y a-t-il au sein du ministère des armées un organisme chargé de contrôler la sécurité des aéronefs comme il en existe un en matière civile ? Dans le civil, on ne peut pas faire voler un avion sans qu'il y ait des contrôles et des habilitations. Sinon, il est cloué au sol. Est-ce le cas ici ?

L'intervention du groupe Bolloré en matière de transport terrestre me paraît également un peu brumeuse. Chacun connaît les méthodes de ce groupe, qui a encore été condamné récemment pour corruption et obtention de monopole en Afrique. Avez-vous pu déterminer comment il a été choisi ? Dispose-t-il d'un monopole de fait ? Quelles sont les marges en la matière ?

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Je vous transmets les commentaires et les questions de mon collègue qui est spécialiste de ce sujet.

« Je remercie le rapporteur qui fait une nouvelle fois démonstration de son acribie. En somme, après avoir éclairé la question du transport stratégique, il jette une lumière crue sur le transport tactique. Le diagnostic est inquiétant du point de vue de la sécurité des forces engagées au Mali. Elle est la priorité de toutes et tous. Il est aussi inquiétant du point de vue de la légalité des procédures et de la probité des prestataires. Le transport de nos troupes et de leur matériel est confié à une constellation de sociétés emboîtées les unes dans les autres, domiciliées dans des paradis fiscaux, dirigées par des affairistes notoires et des criminels probables. L'opacité est totale dans l'attribution des marchés, les compétences des personnels recrutés sont très incertaines. Le respect des normes de sécurité et de confidentialité n'est pas observé.

« Devant cette situation, deux observations.

« Tout d'abord, ce travail met radicalement en cause l'idée même de l'externalisation. Nous nous vantons régulièrement de disposer d'un modèle d'armée complet. On voit que ce n'est là qu'à moitié vrai, puisque nous sommes dépendants de prestataires douteux. Alors que l'externalisation est censée favoriser la transparence et donc la maîtrise de la dépense publique, on voit qu'il n'en est rien. Elle est l'occasion pour quelques-uns de s'engraisser aux dépens de nos armées.

« Deuxièmement, j'observe que depuis plusieurs années déjà les choix budgétaires portent prioritairement sur de grands programmes d'armement de haute technologie extrêmement coûteux. Ils sont manifestement financés au détriment des besoins plus élémentaires, comme le transport de personnes et de matériels, qui supposent des appareils plus rustiques. C'est vrai dans ce cas, mais c'est également vrai dans le domaine naval où manquent les bâtiments qui devraient permettre d'assurer une meilleure couverture de notre vaste territoire maritime.

« Sur ces deux points, j'aimerais poser une question au rapporteur. Elle est complexe, vu les moyens dont il dispose et les obstacles qu'on met souvent à son travail. J'aimerais savoir s'il est en mesure d'estimer le coût des prestations qu'il a examinées si elles avaient été exécutées en interne. Plus simplement, voit-il une quelconque économie dans le recours à l'externalisation ? »

En tout état de cause, il est inacceptable que l'argent public, qui plus est celui consacré à la défense, vienne nourrir cette espèce d'hydre qu'est la finance criminelle, celle des paradis fiscaux.

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Je voudrais saluer le travail et la constance de notre rapporteur spécial. Ce rapport d'information ne vise évidemment pas à faire de la polémique pour faire de la polémique. Ce n'est pas le style de notre rapporteur. L'objectif est d'avancer vraiment pour résoudre cette difficile contradiction où se trouve l'ensemble de nos forces armées.

Permettez-moi de revenir sur les recommandations concernant les sociétés prestataires. Il est tout de même extraordinaire des sociétés écrans qui puissent transporter nos troupes sur des théâtres d'opérations ! Au-delà des mesures prudentielles de base, c'est quelque chose de profondément choquant. Plus largement, quand on constate qu'il existe une présélection des sociétés prestataires – c'est-à-dire que l'on est plus dans le cadre des marchés publics –, on comprend que c'est une façon d'éliminer implicitement des sociétés qui pourraient prétendre à répondre aux appels d'offres.

J'en viens à ma question : comment voyez-vous l'articulation entre la notion de secret défense et les exigences des marchés publics ? L'État ne peut s'affranchir, dans le cadre de ces appels d'offres, des procédures légales applicables aux marchés publics. Peut-être y a-t-il des dispositions spécifiques à trouver, par exemple une forme d'anonymisation, mais on ne peut pas accepter cela en l'état.

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Je vous remercie pour l'intérêt que vous portez à ce rapport.

M. le président Éric Woerth et Mme Véronique Louwagie m'ont interrogé sur mes relations avec le ministère et l'état-major. Alors que nous sortons du Printemps de l'évaluation, je crois que nous sommes au coeur du sujet. Les députés de la majorité doivent-ils se contenter d'applaudir dès qu'un gouvernement fait quelque chose, et les députés de l'opposition de critiquer ? Je ne fais ni l'un ni l'autre. J'interroge un système. Ce que l'on décrit là est en place depuis très longtemps. Que ce soit un peu perturbant pour le système, je le conçois bien, mais je n'attaque nullement la ministre. Je considère qu'il y a un système qui dysfonctionne depuis longtemps. J'ai précisé – et mes collègues de la majorité l'ont bien entendu – que l'on faisait des efforts qui n'avaient jamais été faits auparavant.

Ce que je remarque, c'est que les autorités – état-major comme ministres –, quelles que soient les majorités, ont du mal à comprendre que les parlementaires interrogent le système. Pour ma part, je prends simplement le système – je n'ai pas d'amis, je n'ai pas d'ennemis – je secoue un peu tout cela, je regarde ce qui sort. Et je pense que c'est utile !

Il est bien évident que les états-majors et les ministres veulent améliorer les choses. Je suis néanmoins intimement convaincu – et c'est pour cela que je fais ce travail – que s'il n'y a pas une pression extérieure, la lourdeur de la machinerie reprendra le dessus. Ils ont beaucoup d'autres priorités – la coopération franco-allemande, les différentes réorganisations... – et je le comprends très bien. Je me place du point de vue de l'état-major et de la ministre et je comprends parfaitement qu'ils ont tellement de choses à traiter que ces questions-là peuvent ne pas paraître prioritaires.

Le rôle du Parlement n'est pas de les mettre en cause, il est de constater qu'il y a quelques points de faiblesse. J'essaie de l'expliquer de façon mesurée, mais les structures prennent cela pour une agression. J'ai beau être aimable, on croit que je joue double jeu : comment ce type qui a l'air plutôt « sympa » peut-il dire des choses pareilles ? Nous sommes au coeur du travail parlementaire tel que j'essaie de le concevoir et tel que les gouvernements ont un peu de mal à le concevoir. Je suis convaincu que les réorganisations n'iraient pas jusqu'au bout s'il n'y avait pas cette pression. Je suis convaincu qu'on finirait rapidement par dire que tout va bien et qu'on passerait à autre chose.

S'agissant de l'Économat, il faut regarder s'il ne fait pas des choses qui pourraient très bien être faites par le commissariat des armées ou par la direction interarmées des réseaux d'infrastructures et des systèmes d'information pour certains aspects. Je n'ai pas de réponse toute faite. Je voudrais que l'on examine les choses tranquillement et que l'on détermine s'il y a des secteurs de compétence indéniable, et si, sur d'autres sujets, ce n'est pas tout à fait le cas.

Concernant les marges des prestataires et la question des coûts, ce que je peux dire est qu'on a le sentiment que ces sociétés vivent bien. Mais je ne sais pas quelles sont leurs marges.

Plutôt qu'une présélection, madame Dalloz, je propose une sorte de réorganisation du marché avec des accords-cadres qui obligeront peut-être des sociétés plus sérieuses à s'organiser pour répondre à ces marchés. Si les marges sont élevées, je pense qu'elles pourront assurer les services au même coût qu'aujourd'hui. S'il y a moins de marge qu'on ne le pense, ce sera peut-être un peu plus cher, mais l'effort supplémentaire paraît dérisoire tant au regard des risques de sécurité et de confidentialité qu'au regard du budget des armées. Je pense que ces accords-cadres, quand bien même leur coût serait un peu plus élevé, sont la voie dans laquelle il faut s'engager. C'est d'ailleurs celle qu'a prise la ministre en matière de transport stratégique. J'approuve totalement cette solution, tout en affirmant qu'il faudrait l'adapter également au transport tactique.

J'ai interrogé les responsables de l'OSAC, monsieur le président. Ils m'ont dit qu'ils dépendent d'associations dont ils ne peuvent pas savoir qui sont les membres. C'est une situation juridique assez étonnante. Je ne mets nullement en cause leur technicité, qui est excellente. Les choses vont assurément mieux qu'avant. En revanche, pour exercer une mission qui est, comme le dit Charles de Courson, totalement régalienne, nous avons un objet juridique dont nous ignorons la nature. Je pense qu'il y a un petit risque et que nous devrions réinternaliser complètement cette fonction.

S'agissant des rotations des commissaires, la gestion des flux des troupes obéit à un certain nombre de règles, dont celle des quatre mois. C'est normal et je ne pense pas qu'il y aura de changement. Ce qui était très gênant, c'était que les commissaires étaient quelque peu laissés à eux-mêmes. Le dispositif, de ce point de vue, a été bien recadré. Les commissaires ne sont plus seuls pour faire face aux difficultés, ils peuvent s'appuyer sur la métropole. Nous avons fait ce que nous devions faire et les rotations n'ont plus l'effet négatif qu'elles avaient auparavant.

Concernant le groupe Bolloré, j'ai noté la complexité de la situation. Dans certains secteurs, le choix n'est en réalité pas énorme. Quand on intervient sur certains théâtres, il n'y a pas beaucoup d'interlocuteurs.

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Pour le groupe Bolloré, une instruction est en cours. Il n'y a pas eu de condamnation. Je voulais le préciser parce que ces sujets sont déjà suffisamment sensibles.

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Le rapporteur n'a pas évoqué les relations entre l'armée française et les autres armées. Lors des premières interventions, c'est grâce aux moyens logistiques anglais, américains, russes – et un peu allemands, je crois – qu'on avait réussi à transporter des troupes à toute vitesse pour éviter la prise du pouvoir par les djihadistes. N'y aurait-il pas des possibilités pour mutualiser et pour faire appel, contre remboursement bien sûr, aux moyens logistiques des autres armées ?

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S'agissant des coûts, madame Rubin, je ne dispose pas des éléments d'appréciation qui me permettraient de vous répondre.

Pour en revenir à la comparaison avec les pays étrangers, je constate que l'armée américaine prend en compte le risque réputationnel, lequel n'est pas intégré aujourd'hui dans la doctrine française. La piste de la mutualisation avec d'autres pays est également intéressante.

La commission autorise, en application de l'article 146 du Règlement, la publication du rapport d'information.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 19 juin à 9 heures

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. François André, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Jean-René Cazeneuve, M. Dino Cinieri, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. M'jid El Guerrab, Mme Sarah El Haïry, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, M. Hervé Pellois, Mme Christine Pires Beaune, M. Benoit Potterie, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Damien Abad, M. Olivier Serva, M. Philippe Vigier

Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, M. Jean-Luc Warsmann

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