Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Présidence

La commission entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques.

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Nous entendons ce matin le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, sur le rapport présenté en vue du débat d'orientation des finances publiques qui se tiendra en séance publique le matin du 11 juillet. Je précise que la Cour vient également de publier la première partie de deux de ses traditionnels rapports d'automne, sur la sécurité sociale et sur les finances locales, ce qui permet de disposer d'une vision « toutes administrations publiques » (APU).

Après le Printemps de l'évaluation qui vient de s'achever, nous entrons maintenant dans le temps des orientations budgétaires. Il y a un chaînage, si possible vertueux, pour aller vers un meilleur éclairage des enjeux et des perspectives de nos finances publiques, via l'évaluation des politiques publiques, le débat d'orientation, jusqu'au projet de loi de finances – avec d'autres idées concernant le projet de loi de finances en lui-même, par exemple le fait de pouvoir organiser une discussion générale commune des parties des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale consacrées aux recettes. Nous n'en sommes pas encore tout à fait là, mais nous devrions pouvoir y parvenir.

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Je suis très heureux de vous présenter ce matin notre rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Nous vous présentons ce matin un produit « trois-en-un », puisque le rapport habituel sur la situation et les perspectives des finances publiques paraît en même temps que deux autres travaux : l'un sur la situation financière de la sécurité sociale et l'autre sur celle des collectivités territoriales. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, ces deux publications ne traitent que de l'année 2018 et complètent les analyses que nous avons formulées dans le rapport sur l'exécution du budget de l'État en 2018, que je suis venu présenter à votre commission le 22 mai dernier.

Comme je m'y étais engagé devant vous l'année dernière, ces trois documents vous permettent de disposer avant l'été de toutes nos observations sur 2018, avant votre débat d'orientation des finances publiques fixé au 11 juillet. Pour mémoire, jusqu'à présent, l'analyse de la Cour sur l'exécution financière des comptes locaux et sociaux d'une année ne paraissait qu'à l'automne de l'année suivante.

Avec ces rapports, vous pouvez disposer d'une vision complète des finances publiques de notre pays pour l'année écoulée et les trois suivantes. Cette vision est panoramique, puisqu'elle intègre l'ensemble des administrations publiques. Mais sous certains aspects, il s'agit également d'une image encore un peu floue, tant la trajectoire de nos finances publiques a fluctué au cours des derniers mois et cette semaine encore, avec la publication par le Gouvernement du rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques.

Le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques comporte trois volets. Le premier volet traite de la situation de notre pays en 2018. La Cour note une amélioration incontestable des indicateurs de nos finances publiques. Elle formule néanmoins deux réserves. D'abord, cette embellie demeure modeste et est en partie d'origine conjoncturelle. Ensuite, les progrès réalisés n'ont guère réduit l'écart qui sépare la situation de notre pays de celle de la grande majorité des pays de la zone euro. Dans le deuxième volet de ce rapport, la Cour analyse la possibilité de la trajectoire financière retenue pour 2019. Si cette trajectoire nous paraît réalisable, elle devrait cependant conduire la France à s'éloigner encore de la majorité de ses partenaires et des engagements pris au niveau européen. Enfin, le troisième volet du rapport concerne les perspectives de nos finances publiques pour les années 2020 à 2022. Depuis la loi de programmation adoptée en janvier 2018, la Cour constate que les ambitions de notre pays en matière de redressement des comptes publics ont été revues à la baisse. Encore peu documentée, la trajectoire de nos finances publiques devrait donc maintenir notre pays dans une situation de relative fragilité, le laissant exposé au risque d'un ralentissement conjoncturel ou d'un choc financier.

Je vais revenir brièvement sur chacun de ces points. Tout d'abord pour 2018, la Cour rend compte d'une amélioration incontestable des grands indicateurs de nos finances publiques. J'en citerai quatre. D'abord et pour la deuxième année consécutive, le déficit effectif de notre pays s'est réduit de 0,3 point de produit intérieur brut (PIB) par rapport à 2017. Ensuite, un effort de maîtrise de la dépense a été effectué. Sa croissance a ainsi été inférieure à celle enregistrée en 2017 et, en moyenne, à celle des années 2011 à 2016. Le rapport note également qu'en 2018, tant les dépenses publiques que les prélèvements obligatoires rapportés à notre richesse nationale ont légèrement reculé. Ils atteignent respectivement 56 % et 45 % du PIB. Enfin, pour la première fois depuis 2007, notre dette publique a cessé d'augmenter plus vite que notre PIB. En 2018, elle s'établit ainsi à 98,4 % du PIB, comme en 2017.

Ce constat d'amélioration doit toutefois être nuancé, d'abord parce que cette amélioration demeure modeste et qu'elle trouve en partie son origine dans des facteurs conjoncturels. Ainsi, le déficit structurel français, c'est-à-dire le solde qui exclut les facteurs conjoncturels ou exceptionnels, ne s'est lui réduit que de 0,1 point de PIB. Si l'on neutralise l'effet de la recapitalisation d'Areva sur les comptes 2017, l'effort structurel réalisé par la France a même été légèrement négatif.

Un autre élément qui nuance cette amélioration est que l'année 2018 illustre l'écart croissant entre l'état de nos comptes publics et celui des comptes de la plupart de nos partenaires européens. Au sein de la zone euro, la France se distingue en effet par des niveaux de déficit et de dette particulièrement élevés. En 2018, seule l'Espagne connaissait un déficit structurel supérieur au nôtre.

Plus encore que le niveau de tel ou tel indicateur, c'est la trajectoire des comptes de notre pays qui paraît singulière, alors même qu'en 2010, le déficit structurel français était plus élevé que celui de la zone euro. Le rythme d'amélioration de notre solde structurel a été inférieur à celui de nos partenaires. Dit autrement, alors même que nous partions de plus loin et que nous aurions donc dû consentir des efforts plus importants, nous avons consenti des efforts plus modestes que nos voisins. Bien sûr, nous raisonnons ici en moyenne. La situation de chaque pays de la zone euro varie entre 2015 et 2018. Comme vous le savez, l'Italie a connu une dégradation de son solde structurel.

L'évolution comparée de la dette publique française conduit au même constat. La France est l'un des rares pays de la zone euro où le ratio de dette sur PIB n'a pas encore amorcé sa décrue. Songeons à l'inverse à l'Allemagne qui a engagé un effort de désendettement tel qu'il lui permet aujourd'hui de revenir au niveau de dette qu'elle connaissait avant la crise de 2008. Vous le voyez d'ailleurs très nettement sur le graphique qui figure derrière moi. Désormais, près de 40 points de PIB séparent les ratios de dette de nos deux pays. Ils étaient pourtant proches, il y a seulement dix ans, un peu au-dessus de 60 % du PIB. L'Allemagne est revenue à ce niveau. La France s'en est sensiblement éloignée, puisque la dette de notre pays tangente aujourd'hui les 100 % du PIB.

Enfin, l'année 2018 est marquée par de fortes divergences entre les trajectoires des administrations publiques. C'est un constat que nous avons été conduits à formuler dans le rapport sur l'exécution du budget de l'État le mois dernier. D'un côté, il y a l'État, dont le solde en comptabilité nationale s'est dégradé à hauteur de 3,8 milliards d'euros par rapport à 2017, sous l'effet de mesures fiscales qui ont réduit ses recettes de 16,5 milliards d'euros. De l'autre, il y a les administrations de sécurité sociale et les administrations publiques qui dégagent une capacité de financement, c'est-à-dire un excédent.

Je ne reviendrai pas sur la situation de l'État, puisque les conditions d'exécution de son budget en 2018 ont été détaillées dans le rapport que nous lui avons consacré, il y a quelques semaines. Je dirai en revanche quelques mots de la situation financière des administrations publiques locales et des administrations de sécurité sociale, en m'appuyant sur les deux rapports publiés ces derniers jours. J'attire votre attention sur le fait qu'ils ont été réalisés en comptabilité budgétaire, alors que le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques est établi en comptabilité nationale.

Je commencerai par la situation des collectivités territoriales et de leurs établissements. Le rapport met en évidence deux éléments significatifs s'agissant de 2018. D'abord, la Cour constate que la contrainte financière pesant sur les collectivités s'est desserrée. Ainsi, après deux années consécutives de baisse et une stabilisation en 2017, les transferts de l'État ont légèrement augmenté en 2018, de 1,8 milliard d'euros par rapport à 2017, à périmètre constant et hors impact de la réforme de la taxe d'habitation. Cette hausse résulte notamment de l'arrêt de la réduction des concours financiers de l'État mise en oeuvre au titre de la loi de programmation des finances publiques 2014-2019. Dans le même temps, les collectivités territoriales ont bénéficié d'une augmentation de leurs ressources fiscales de 3,1 milliards d'euros qui repose principalement sur le dynamisme de leurs bases. Vous ne les votez plus chaque année puisque vous avez mis en place un dispositif automatique, mais ce dernier a du coup entraîné une augmentation assez sensible, en 2018, de 2,2 %.

Enfin, en 2018, l'impact des décisions de l'État et des normes nouvelles sur les budgets locaux a été moins important que les années précédentes.

Le second élément relevé par la Cour porte sur la maîtrise des dépenses de fonctionnement des collectivités. Leur croissance a en effet été limitée à 0,4 %, soit une évolution très inférieure à la cible fixée dans la loi de programmation qui était de 1,2 %. De même, les 322 collectivités concernées par le dispositif de contractualisation mis en place par le Gouvernement semblent avoir respecté les cibles d'évolution des dépenses de fonctionnement prévues dans leur contrat, mais, vous le savez, la plupart des budgets ayant été construits, voire votés avant la mise en place de ce dispositif de contractualisation, il est encore trop tôt pour apprécier la contribution effective qu'il a pu avoir sur la maîtrise de la dépense. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet en septembre ou octobre prochain.

Avec des ressources plus élevées et des dépenses mieux maîtrisées, les collectivités locales ont donc pu dégager des marges de manoeuvre. Celles-ci ont été principalement utilisées pour accroître les dépenses d'investissement. Toutes collectivités confondues, ces dépenses ont en effet progressé de 4,9 % entre 2017 et 2018. La situation est néanmoins contrastée selon les catégories de collectivités. Aussi, le rapport dont vous disposez propose une analyse détaillée pour chacune d'entre elles : communes, groupements de communes, départements et régions.

J'en viens aux observations formulées par la Cour sur la situation de la sécurité sociale en 2018. J'en retiens trois.

Premièrement, l'année dernière, les comptes sociaux se sont rapprochés de l'équilibre. Le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse a atteint 1,2 milliard d'euros, contre plus de 5 milliards d'euros en 2017, mais ce retour à l'équilibre demeure à confirmer, à concrétiser, d'autant que la résorption observée en 2018 tient pour moitié à des facteurs conjoncturels liés, notamment, au dynamisme de la masse salariale.

En deuxième observation, la Cour relève une accélération de la croissance des dépenses sociales, qui a atteint 2,4 % à champ constant. Cette progression, plus élevée qu'en 2017, correspond à un surcroît de dépenses de 9 milliards d'euros. Certaines branches ont connu d'ailleurs une croissance plus marquée. C'est le cas de la branche vieillesse, dont les dépenses ont crû de 2,9 % en 2018, contre 1,6 % en 2017. Cette augmentation a été portée par les effets en année pleine des revalorisations engagées fin 2017 et par une hausse des effectifs des départs à la retraite. Pour parvenir à un équilibre durable des comptes de la sécurité sociale, les efforts de maîtrise des dépenses devront donc être poursuivis.

Troisième observation : la Cour a analysé l'exécution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), qui représente la moitié des dépenses du régime général. Il a été respecté pour la neuvième année consécutive. Depuis cinq ans, il a ainsi permis de contenir la progression annuelle des dépenses de santé en dessous de 2,5 %, mais cette tendance masque des évolutions différentes selon les catégories de dépenses de santé. À ce titre, la maîtrise des dépenses de soins de ville hors médicaments apparaît encore imparfaite, le rapport relevant leur progression significative en 2018. Ces évolutions contrastées s'expliquent notamment par le degré variable des pressions exercées sur les dépenses de santé, accentuées par les difficultés de prévision des dépenses hospitalières. Elles illustrent en tout cas plus généralement et comme nous avons souvent l'occasion de le dire l'intérêt d'une plus grande responsabilisation des acteurs du système de santé.

Comme pour le rapport sur la situation des finances publiques locales, ces analyses seront approfondies à l'automne, dans le cadre du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

J'en viens aux conclusions de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques pour l'année 2019. Vous le savez, la trajectoire établie dans le projet de loi de finances pour 2019 a été corrigée à l'issue des annonces intervenues en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». Des mesures nouvelles ont ainsi été intégrées lors de la discussion du projet de loi de finances, d'autres ont été adoptées dans la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales.

Pour mémoire, parmi les mesures prises en loi de finances, figure notamment une moindre recette liée à l'annulation de la hausse de la fiscalité des produits énergétiques, à l'augmentation de la prime d'activité ou encore à l'élargissement du chèque énergie et de la prime à la conversion. La suppression d'une niche fiscale sur les bénéfices intergroupes a visé en sens inverse à apporter une recette supplémentaire estimée à 400 millions d'euros. Pour sa part, la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales s'est traduite par deux diminutions de recettes à hauteur de 2,4 milliards d'euros s'agissant de la défiscalisation et de l'exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires dès le 1er janvier 2019, et de 1,5 milliard d'euros à la suite de l'annulation de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les retraités les plus modestes. En compensation, l'adoption du projet de loi portant création d'une taxe sur les services numériques pourrait rapporter, dès 2019, une recette estimée par le Gouvernement à 400 millions d'euros.

Pour tenir compte de ces mesures nouvelles, la prévision de déficit public établie à 2,8 points de PIB dans le projet de loi de finances a été dégradée à 3,1 points. Pour une part substantielle de 0,8 point, la hausse observée entre 2018 et 2019 est cependant transitoire et résulte de la transformation du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) en baisse de charges.

Quelle appréciation porte la Cour sur la cible de solde public pour 2019 telle que définie dans le programme de stabilité ? Nous l'estimons plausible, quoiqu'affectée d'un léger risque de dépassement. Le rapport fait ainsi état de risques susceptibles d'affecter les prévisions économiques formulées par le Gouvernement. Selon les premières estimations dont nous disposons, ces risques sont modérés pour la croissance, plus significatifs s'agissant de l'inflation et de la masse salariale – qui pourraient être moins élevées qu'attendu.

S'agissant des prévisions de dépenses, le rapport met en évidence des risques d'ampleur limitée. Pour l'État, la Cour identifie des risques de dépassement de la cible des dépenses pilotables de l'ordre de 4 milliards d'euros. C'est un montant plus élevé que celui que nous avions relevé à la même époque l'année dernière, puisqu'il atteignait alors 1,9 milliard d'euros à méthodologie constante.

Parmi les risques de dépassement identifiés, des économies sur le budget de l'État à hauteur de 1,5 milliard d'euros ont été annoncées pour financer les mesures de soutien au pouvoir d'achat décidées en décembre 2018, durcissant ainsi la cible de dépenses pilotables. Mais six mois après cette annonce, ces mesures n'ont pas encore été précisées. Aucun texte n'est venu concrétiser cet engagement. Or, pour tenir cet objectif d'économies, des mesures d'annulation significatives pourraient être prises au cours de la gestion 2019, pouvant alors remettre en cause les efforts entrepris par le Gouvernement à compter de 2017, et d'ailleurs fort salués par la Cour, pour procéder à une budgétisation plus sincère des dépenses.

Malgré ces réserves et en dépit des risques que je viens de mentionner, l'objectif de dépenses contenu dans le programme de stabilité reste atteignable grâce aux marges potentielles susceptibles d'être dégagées sur un périmètre plus large que la dépense pilotable de l'État, notamment grâce à une charge d'intérêts moins élevée que prévu et à la réserve de précaution.

Bien que plausible, la prévision de déficit pour 2019 pose néanmoins deux questions. D'abord, dans la trajectoire retenue par le Gouvernement, le déficit structurel français ne s'améliorerait que de 0,1 point de PIB en 2019, c'est-à-dire à peu près dans les mêmes proportions qu'en 2018. Cela contrevient aux engagements européens pris par notre pays, puisque dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité, avec un déficit structurel supérieur à son objectif de moyen terme, la France est censée le réduire de plus de 0,5 point de PIB par an. Le pacte autorise toutefois une déviation de 0,25 point en moyenne sur deux ans, mais en l'état actuel des prévisions, après 2018, la France aura consommé la totalité de cette marge. Je rappelle cependant que les textes européens ne prévoient pas d'imposer des sanctions automatiques aux pays qui se trouveraient dans cette situation. Il y en a d'ailleurs un certain nombre aux côtés de la France.

La seconde question que pose cette trajectoire concerne l'augmentation de la dette publique. Après une stabilisation en 2018, elle devrait reprendre sa croissance en 2019, de 0,5 point de PIB. C'est une évolution qui est à rebours de celle engagée par la plupart de nos partenaires en zone euro. Si elle tient pour partie à l'impact de la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales, cette tendance confirme également la lenteur des progrès réalisés par notre pays pour rétablir ses comptes publics.

Pour terminer, j'en viens aux perspectives des finances publiques pour les années 2020 à 2022. L'analyse de la Cour s'appuie sur la trajectoire qui figure dans le programme de stabilité remis à la Commission européenne en avril dernier et sur les annonces du Président de la République intervenues juste après, à l'issue du Grand débat national. Quatre enseignements peuvent en être tirés.

D'abord, la Cour constate que la trajectoire formulée dans le programme de stabilité en avril est sensiblement moins ambitieuse que celle qui figurait dans la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 promulguée en janvier 2018. Ainsi, dans le document présenté à la Commission européenne, les ambitions françaises en matière de réduction du déficit public pour 2022 ont été fortement revues à la baisse. Alors que l'amélioration du solde effectif prévu entre 2018 et 2022 était de 2,5 points de PIB dans la loi de programmation de janvier 2018, elle a été réduite de moitié dans le programme de stabilité transmis en avril 2019. Quant au solde structurel, il n'atteindrait pas – 0,8 point de PIB en 2022, comme prévu par la loi de programmation, mais – 1,3 point, selon le programme de stabilité.

Cette révision, qui rend par ailleurs caduque la trajectoire présentée dans la loi de programmation, a trois origines : des hypothèses de croissance plus prudentes – ce dont on peut se réjouir –, une accentuation des efforts de baisse de recettes (diminution des impôts et taxes) et en sens inverse, une atténuation des efforts en dépenses. La cible de dépenses hors charges d'intérêts a ainsi été révisée dans le programme de stabilité, en hausse d'un peu plus de 0,5 point à l'horizon 2022.

Au-delà de ces chiffres, la Cour fait état de deux sources de préoccupation plus globales. D'abord, ainsi conçu, ce programme conduit à reporter en fin de période, à l'horizon 2021-2022, l'essentiel des efforts de rétablissement des comptes de notre pays. Ensuite, ce document ne fait plus référence aux travaux du comité « Action publique 2022 » (CAP 2022) ou à tout autre programme d'action chiffré sur la dépense. Or, les perspectives d'allégements supplémentaires des prélèvements obligatoires devront s'accompagner d'efforts d'autant plus vigoureux sur la dépense, sauf à renoncer aux objectifs de baisse du déficit et de la dette.

Le deuxième enseignement de ce rapport porte sur le fossé grandissant qui sépare la France de ses partenaires européens, dont beaucoup ont prévu de poursuivre, voire d'amplifier leurs efforts de redressement. À titre d'exemple, la réduction de la dette publique prévue par la Belgique, l'Allemagne et les Pays-Bas entre 2017 et 2022 devrait atteindre 8 points de PIB en moyenne, contre seulement 1,6 point en France. Cet écart fragilise la position de notre pays face à ses partenaires, qui s'astreignent à une discipline budgétaire plus stricte.

Le troisième enseignement de ce rapport est que la trajectoire présentée dans le programme de stabilité a été depuis remise en cause par les annonces intervenues à la fin du mois d'avril, à l'issue du Grand débat national, car l'impact de ces mesures nouvelles n'a pas été intégré à ce document. Les annonces formulées par le Président de la République représentent pourtant un montant de 6,5 milliards d'euros, dont la compensation intégrale dès 2020 grâce à des suppressions de niches fiscales et sociales demeure incertaine et sera vraisemblablement très incomplète. On rappellera par exemple que l'effort cumulé au titre des années 2016 à 2018 en matière de suppression de niches fiscales ne dépassera pas à terme un effet proche de 300 millions d'euros.

En intégrant l'impact de ces mesures nouvelles, les soldes effectifs et structurels de notre pays pourraient être dégradés de 0,1 à 0,3 point de PIB par rapport au programme de stabilité, selon l'ampleur des compensations finalement opérées. Toutes choses égales par ailleurs, le ratio de dette sur PIB pourrait alors ne se réduire que de 0,1 point en 2020, voire augmenter très légèrement. Ces chiffres doivent toutefois être actualisés, puisque le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques a révisé la prévision de déficit pour 2020 figurant dans le programme de stabilité. Cette révision s'est faite à la hausse, de 0,1 point, soit un déficit de 2,1 points de PIB au lieu de 2. Il en est de même pour la prévision de la dette publique, en hausse de 0,2 point par rapport à la prévision figurant dans le programme. La dette serait donc stable en 2020, à 98,9 points de PIB.

Le quatrième et dernier enseignement est que la Cour considère que la divergence de situation entre administrations publiques constitue un facteur supplémentaire de fragilité pour notre trajectoire. C'est une observation que nous avons déjà formulée l'année dernière dans notre rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Nous l'avons réitérée il y a quelques semaines, dans le rapport sur l'exécution du budget de l'État pour 2018. Nous le faisons à nouveau aujourd'hui, car la divergence de trajectoires entre administrations publiques devrait encore s'accentuer. Ainsi, sur l'ensemble de la période 2018-2022, le solde des administrations publiques locales et des administrations de sécurité sociale devrait être en amélioration continue. À l'inverse, celui des administrations publiques centrales, c'est-à-dire en grande partie celui de l'État, resterait très déficitaire. In fine, le déficit de l'État serait même supérieur au déficit global de l'ensemble des administrations publiques, du fait des excédents dégagés par les administrations publiques locales et celles de sécurité sociale.

Cette divergence tient en partie au fait que l'État compense sur son budget propre les baisses de prélèvements obligatoires opérées sur l'ensemble du périmètre des administrations publiques. Or, on le sait, il est difficile pour l'État d'équilibrer les baisses de recettes qu'il prend en charge pour lui et pour les autres, à travers une action sur les seules dépenses qui le concernent aussi. Si l'on veut remédier durablement à cette situation et donc réduire le déficit des administrations publiques, il convient non seulement de veiller à ce que les baisses de prélèvements soient proportionnées à des efforts de réduction des dépenses, mais aussi à ce que ces efforts soient répartis sur l'ensemble du champ des administrations publiques et non sur le seul périmètre de l'État. Avec un tel déséquilibre entre les trajectoires de nos administrations publiques, c'est la solidité de la trajectoire globale de notre pays qui peut être affectée.

L'amélioration progressive du solde des administrations publiques locales pourrait par exemple conduire celles-ci à augmenter leurs dépenses, notamment d'investissement, ou à diminuer leurs prélèvements. Ce choix limiterait alors leur excédent, ce qui pèserait donc sur le déficit public, toutes APU confondues. Aussi, dès lors que l'on entendrait consolider la trajectoire globale de finances publiques, les conditions du partage actuel des recettes et des charges entre l'État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales devraient à ce moment-là faire l'objet d'un réexamen.

Que déduire de ces quatre enseignements ? À travers eux, la Cour lance un appel à la vigilance, à la prudence, car je l'ai dit, la situation de nos comptes publics reste fragile et sensible, et l'écart qui nous sépare de la plupart de nos partenaires européens ne cesse de se creuser. Surtout, avec de tels niveaux de dette et de déficit, notre pays dispose de très peu de marges de manoeuvre pour faire face à d'éventuels aléas de conjoncture. Si demain, l'une des crises que nous avons connues ces dernières décennies se reproduisait, notre pays n'aurait jamais été si peu armé pour y faire face.

De ce point de vue, les taux d'intérêt très bas grâce auxquels notre dette peut aujourd'hui être facilement financée ne doivent pas nous faire perdre toute lucidité sur cette situation. Même en période de taux bas, le maintien d'un ratio de dette sur PIB très élevé est porteur de risques, au regard de la grande fragilité de nos finances publiques. Même si à court terme, le bas niveau des taux peut nous rassurer, il serait imprudent de croire qu'il se maintiendra indéfiniment. La situation qui consiste à rémunérer l'emprunteur peut ne pas durer indéfiniment.

Vous l'avez compris, à travers son rapport sur la situation et les perspectives des comptes publics, la Cour veut formuler un message de prudence. Si des résultats positifs ont incontestablement été observés en 2018, que la trajectoire de 2019 est atteignable, le rétablissement de nos finances publiques est encore loin d'être achevé. D'ici 2022, il risque même d'être encore retardé. Le mouvement de baisse des prélèvements obligatoires voulu par les pouvoirs publics ces derniers mois ne doit pas conduire notre pays à renoncer aux objectifs de baisse des déficits et de la dette. Au regard du niveau très élevé de notre endettement, de l'écart qui nous sépare de nos partenaires européens, ils impliquent un effort soutenu et continu sur la dépense, plus précisément sur la dépense primaire, c'est-à-dire hors charges d'intérêts.

En l'état actuel de nos observations, cet effort sur la dépense reste modeste et surtout, malgré la parution du rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques, il nous paraît encore peu documenté, donc incertain, en particulier pour les années 2020, 2021 et 2022. Pour le dire plus simplement, notre pays a tendance à s'abandonner à l'un de ses travers, celui de toujours reporter les efforts à fournir. C'est toujours un risque, car si la faiblesse des taux dont nous bénéficions a pu rendre relativement indolore l'accumulation de dettes et dans des proportions assez considérables, il serait imprudent – je le répète – d'escompter que cette situation se prolonge indéfiniment.

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J'ai trois brèves remarques à faire. D'abord, en synthèse, je comprends que quand il y a une amélioration, elle est très faible, proche de la stagnation et que la trajectoire, notamment de l'État, est particulièrement plate, c'est-à-dire que l'effort de l'État est très faible et que le solde négatif de l'État est plus important que le solde total. Ainsi, les déficits se réduisent, mais lentement, et l'effort structurel lui-même est très faible. Quand nous nous comparons aux autres pays, il y a plutôt divergence que convergence. Ce sont de vrais sujets, qui doivent interloquer ou interpeller notre commission, quelle que soit la façon dont nous analysons ce que doit être l'état des finances publiques au cours des cycles économiques.

J'en viens à mon deuxième point. Il y a une divergence, que nous avions vue dans le rapport précédent, sur la mesure de l'effort en dépenses. L'État dit qu'il maintient, voire qu'il baisse quasiment la dépense en volume, et qu'en tout cas, il n'y a quasiment pas d'augmentation de la dépense en volume. La Cour dit qu'il ne faut pas calculer de la même manière, au regard du prix du PIB ou de l'indice des prix. Il faudrait que nous arrivions à un accord avec l'État sur la façon dont nous mesurons les choses concernant l'évolution de la dépense. Nous voyons bien que l'effort structurel, en tout cas l'effort global, est plutôt réalisé sur les recettes, et non sur les dépenses. L'impact de l'inflation est important : quand il n'y a pas d'inflation, le volume vaut quelle que soit la mesure de l'indice ; quand il y a de l'inflation, nous voyons bien qu'elle résout en partie la question. C'est donc un vrai sujet.

Mon troisième point porte sur la dette. Un débat est en train de s'installer, qu'on peut résumer de façon simple : « Ce n'est pas très grave, quand il y a des taux bas, nous pouvons laisser filer la dette. Il faut surtout s'endetter maintenant. » C'est ce que peut faire un ménage, quand il se dit : « je n'achetais pas ma maison jusqu'alors, mais je peux peut-être l'acheter désormais, parce que je la paierai plus facilement. » Certes, sauf que l'État a déjà construit beaucoup de maisons et que nous avons donc beaucoup de dettes derrière nous. La question n'est pas de savoir si nous pouvons nous endetter, mais de savoir quel est le stock de dettes. Je lis les commentaires d'un certain nombre d'économistes où nous sommes d'ailleurs mis dans le même sac, la Cour des comptes aussi bien que la partie dite « orthodoxe » des parlementaires ou des politiques. Il s'agit de dire : « Vous ne comprenez rien à l'économie. C'est une nouvelle économie, il faut voir les choses autrement, s'endetter. Allez-y à fond, nous ne payons pas la dette. » Au fond, c'est cela la vraie orthodoxie : considérer que les déficits et les dépenses peuvent aller toujours plus loin, et c'est la pratique depuis maintenant une trentaine d'années.

Le chemin plus original, plus créatif, est de se dire à un moment donné qu'il faut maîtriser tout cela, si nous voulons gagner un peu de souveraineté et de marge de manoeuvre, notamment lorsque les taux augmenteront à nouveau, parce que personne ne dit qu'ils n'augmenteront pas à nouveau. Je note que certains économistes disent que ce sera dans dix ans, mais finalement, personne n'en sait rien.

J'attire l'attention sur ce débat. Il serait très intéressant d'avoir à un moment donné un vrai débat avec quelques économistes, en présence de la Cour, si elle en est d'accord, non pas pour purger les choses, mais pour se poser ces questions qui me semblent être des questions de bon sens. La réponse me semble être de bon sens également, mais je vois bien que les positions commencent à diverger. La pression sur le Gouvernement est évidemment très forte, puisqu'un gouvernement a envie de dépenser nécessairement un peu plus, parce qu'il a envie de réaliser davantage de choses.

Je souhaite également ajouter qu'en ce moment sont menés les travaux de la mission d'information sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF). Avec Laurent Saint-Martin et le rapporteur général, nous réfléchissons aux conclusions de cette première partie de nos travaux. Je crois de plus en plus que nous pourrions intégrer l'idée d'un budget par missions, mais également d'avoir une vision faisant apparaître l'investissement, le fonctionnement et les dépenses courantes. Cela permettrait de disposer de deux présentations budgétaires – une présentation « en silos » et une présentation avec une autre optique, fondée sur ces grandes catégories de dépenses – et de mieux arbitrer les débats sur la dette. Cela signifie également que tout n'est pas dépense d'investissement. Toutes les dépenses courantes ne sont pas des dépenses d'investissement. Nous avons un peu cette tendance à considérer que chaque fois que l'État met 1 euro, c'est un investissement dans le social, l'économie ou la connaissance. Je proposerai donc au rapporteur de la MILOLF, s'il en est d'accord, que nous puissions faire une proposition d'organisation de nos lois de finances, qui prendrait également en compte cet autre aspect. Cela implique aussi d'arrêter avec nos partenaires européens un certain nombre de clefs de répartition de la dépense. C'est un vieux débat, mais nous pourrions désormais aller plus loin, en faisant en sorte que cette grille de lecture existe.

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Je voulais remercier la Cour pour les travaux menés sur la situation et les perspectives des finances publiques. Cette année, je note une innovation importante, à savoir que vous avez publié simultanément deux rapports, l'un sur la sécurité sociale et l'autre sur les collectivités territoriales. Je crois que cela relève de cette logique où l'agrégation globale des comptes nous permet d'y voir plus clair. C'est une préoccupation très largement partagée.

Une autre préoccupation est celle que vient d'exprimer, dans la dernière partie de son propos, le président de notre commission concernant les évolutions possibles que pourrait proposer la MILOLF. Je crois très sincèrement que nous pouvons envisager cette clarification pour une meilleure connaissance, de la part des parlementaires et du public, de la situation de nos comptes.

La Cour est complètement dans son rôle lorsqu'elle souligne les risques et les aléas qui pèsent sur la trajectoire des finances publiques. Je relève que vous nous alertez beaucoup sur les effets anesthésiants des taux d'intérêt bas. Permettez-moi de vous dire que c'est un point de vue totalement partagé par moi-même et par cette majorité. Ce n'est pas parce que les taux d'intérêt sont bas que nous devons renoncer ou que nous avons renoncé à faire baisser la dette publique.

Par ailleurs, j'observe que vous nous donnez acte que la dette publique va commencer à baisser de manière durable et significative, même si vous regrettez que ce soit – je reprends vos propos – « trop peu ». Je voudrais rappeler qu'il faut quand même remonter à 2007 pour retrouver une stabilisation du ratio de la dette publique. J'estime que dans ces conditions, nous sommes indéniablement sur la voie du rétablissement des comptes publics. Nous pouvons tenir nos objectifs sur le déficit public.

Pour 2019, pour reprendre la sémantique de la Cour, vous estimez « plausible » la cible que nous nous sommes fixée. Pour 2020, la cible nouvelle d'avril 2019 intégrait les mesures annoncées depuis décembre 2018 et ne serait dégradée que de l'ordre de 0,1 point, si nous regardons la fourchette basse de votre évaluation, qui est d'ailleurs ce qui a été retenu par le Gouvernement dans le cadre du présent débat. À l'horizon 2022, même en retenant la fourchette la plus pessimiste résultant du tableau en page 102 de votre rapport, l'effet des mesures nouvelles d'avril 2019 dégraderait d'environ 4 milliards d'euros le solde public par rapport à l'objectif tel que fixé en avril 2019. Cela fait un peu moins de 0,2 point de PIB.

Votre rapport est vraiment très utile, parce qu'en tout état de cause, il nous donne la mesure des économies à réaliser. Cela suppose que nous parvenions à des économies sur les dépenses fiscales dès la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2020. Je crois que c'est le souhait de beaucoup de membres de cette majorité. En tout état de cause, c'est le mien et je vais y revenir très largement dans le rapport sur l'application des mesures fiscales, que je présenterai la semaine prochaine. J'espère qu'il aura un effet pédagogique, lorsque certains voudront engendrer et créer des crédits d'impôt dans le prochain PLF. Je ne suis pas réputé, à juste titre, pour être le plus grand zélateur des crédits d'impôt...

Je conclurai par deux questions assez brèves. Les annonces du Grand débat national n'ont pas été prises en compte dans la trajectoire du pacte de stabilité d'avril 2019. Elle doit donc être protégée par des mesures à venir, des suppressions et limitations de niches fiscales et sociales. Nous ne sommes pas les seuls concernés par ce sujet : la commission des affaires sociales est également largement concernée. Si ce risque de fragilisation de la trajectoire était levé, comme nous avons l'ambition de le faire, quel autre risque pourrait empêcher de respecter cette trajectoire en 2022 ?

D'autre part, vous indiquez que le rythme de diminution du ratio de dette publique française diverge de celui des pays européens. Vous nous indiquez que cela pourrait avoir pour conséquence de dégrader la qualité de la signature de la France pour les investisseurs. Aujourd'hui, on constate que les taux d'intérêt de la dette française suivent une tendance baissière depuis quelques mois, une tendance qui ne s'est pas infléchie après l'actualisation de la trajectoire du ratio de dette publique en avril 2019. Ne pensez-vous pas que cela traduit quand même une confiance renouvelée des investisseurs dans la signature de la France, qui révèle une relative confiance dans notre capacité à redresser nos comptes publics ?

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Monsieur le Premier président, je crois qu'il ne faut pas avoir de doute sur le fait que la majorité reste attachée à maintenir une trajectoire ambitieuse de réduction du déficit et des dépenses publiques. Nous prenons donc avec beaucoup de sérieux et de gravité l'alerte que vous énoncez aujourd'hui. Je crois que nous sommes également lucides sur l'ampleur de la tâche pour réduire ce déficit et les dépenses publiques. Vous avez parlé de CAP 2022. Nous nous battons pour que les ministres suivent leurs fiches actions et puissent les délivrer au Parlement, en décrivant les réformes de l'action publique dans leur ministère.

J'ai deux questions. L'une concerne la prévision des recettes. Dans votre rapport, vous dites que les prévisions de recettes publiques pour 2019 sont plausibles et qu'elles se caractérisent par une croissance spontanée particulièrement dynamique par rapport au PIB depuis vingt-cinq ans, mais vous retenez une prévision de recettes fragiles au-delà de 2020, au motif qu'elles seraient stables et ne diminueraient pas. Pouvez-vous préciser ce point ? Comme nous l'avons vu avec le résultat du prélèvement forfaitaire unique cette année, une diminution des prélèvements obligatoires n'est pas toujours synonyme de forte baisse de recettes, parce que nous ne prenons pas forcément en considération les comportements des acteurs économiques.

Pour revenir sur le débat sur la charge de la dette et les taux d'intérêt négatifs qui anime aujourd'hui les économistes, notre commission et le Parlement, je partage l'analyse de la Cour des comptes selon laquelle la France, fortement endettée, doit arrêter ce recours massif à l'endettement. Néanmoins, ce que proposent certains économistes n'est pas de dire qu'il faut continuer à s'endetter, parce que les taux sont bas. Ce que j'ai compris est que si nous continuons à nous endetter, il faut que ce soit uniquement pour investir. Nous sommes aujourd'hui face à des défis majeurs. En fin d'année dernière, nous avons connu des manifestations, qui se sont également tenues parce que nous n'avons pas assez investi pour l'adaptation au changement climatique et la transition écologique. Finalement, pouvons-nous faire cette distinction entre investir et continuer à emprunter pour financer du fonctionnement ? Cela rejoint la proposition du président de la commission. Je crois qu'il est extrêmement utile que nous puissions avoir cette distinction entre la part « investissement » et la part « fonctionnement » au sein des dépenses publiques. Par exemple, nous parlons beaucoup de l'obligation assimilable du Trésor « verte », mais finalement elle ne finance pas majoritairement de l'investissement. Je crois que c'est un débat extrêmement important que nous pouvons avoir au Parlement.

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Merci, monsieur le Premier président, de ce moment de vérité. Il est vrai qu'au-delà des propos, des messages que le Gouvernement veut rassurants, vous nous faites aujourd'hui la démonstration que nous pouvons « épingler » le Gouvernement quant à une situation très inquiétante des finances publiques – comme l'atteste le dernier tableau que vous nous avez présenté, avec l'écart entre la dette publique prévue dans la loi de programmation des finances publiques en janvier 2018 et le dernier programme de stabilité. L'écart est énorme. Tous les voyants sont en fait au rouge. Le déficit structurel est loin d'être résorbé, alors que de nombreux pays voisins sont intervenus sur leur déficit structurel.

Sur la dette, vous l'avez dit, le ratio de dette va continuer à augmenter de 0,5 point. Notre décrochage au niveau européen est relativement inquiétant. Alors que d'autres pays ont amorcé la décrue en matière de dette, nous ne l'avons pas du tout commencée.

Vous avez souligné de nombreuses fragilités et un redressement encore repoussé au-delà de 2020, encore une fois. Quand j'entends mes collègues dire qu'il nous faut intervenir sur la dette et les dépenses publiques, oui, mais il est vrai qu'il n'y a rien eu de fait. C'est un abandon de nos efforts. C'est une situation très inquiétante, avec des efforts effectifs beaucoup plus modestes que nos voisins.

Finalement, en prenant un peu de recul, comment peut-on expliquer cette situation atypique de la France au niveau européen, ce décrochage très important qui se poursuit ?

Mon second point porte sur les taux d'intérêt bas. Ils sont presque un poison pour notre pays, parce que cela ne force pas les uns et les autres à intervenir sur les dépenses publiques. S'il nous faut un élément déclencheur pour pouvoir corriger toutes ces trajectoires, ne faudrait-il pas souhaiter que les taux d'intérêt remontent ? Cela peut être une solution. J'ai une seconde question sur ce déclencheur. Vous nous avez indiqué que l'Union européenne n'avait pas de moyen de sanctionner le non-respect des trajectoires. Ne faudrait-il pas à un moment donné qu'elle se dote de tels outils ?

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Monsieur le Premier président, merci pour ces rapports qui sont un grand rendez-vous de nos finances publiques. J'en profite pour saluer notre Gouvernement qui, contre vents et marées, a tout fait pour maintenir le cap des réformes, qu'il s'était engagé, devant les Français, à mener. Je salue également sa réactivité, puisque devant une crise majeure que nous avons connue à la fin d'année, il a su légèrement modifier le cap, même si, selon moi, nous étions sur la bonne trajectoire.

Disons les choses comme elles sont : si ce rapport alerte que d'une année sur l'autre, la situation de nos finances publiques s'est dégradée par rapport aux prévisions, je relève une attitude irresponsable de tous les chefs de l'opposition qui, dès le commencement de cette crise, se sont empressés de porter le gilet jaune, préférant pour des raisons politiciennes attiser les peurs, plutôt qu'accompagner le pays dans le travail de réforme entrepris.

Je reviens maintenant sur la situation globale de nos finances publiques et leur trajectoire. En 2018, c'est une réduction modérée des déficits. C'est également une situation plus dégradée que nos voisins européens, vous l'avez relevé. En 2019, c'est une hausse du déficit et de la dette publique. Si nous pouvons nous attarder légèrement sur cette hausse de la dette publique, c'est un peu comme le bon et le mauvais cholestérol. Il y a la bonne dette et la mauvaise dette. Quand on finance des investissements longs, il est bon de s'endetter. En revanche, financer par de la dette et de l'emprunt des frais de fonctionnement est inacceptable.

Pour 2019-2022, vous relevez une trajectoire de redressement qui manquerait d'ambition. Sur ce dernier point, j'ai une question : quels sont concrètement les risques qui pèsent sur le redressement de nos finances publiques ?

Je souhaiterais également m'attarder sur la situation financière des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en 2018. Vous constatez que les blocs communaux de petite taille maîtrisent beaucoup moins leurs charges de fonctionnement que les autres, quand on analyse leur épargne brute et leur épargne nette. Ce constat conduirait à la conclusion qu'il faudrait davantage tendre vers un regroupement de ces communes. Selon vous, n'est-il pas essentiel pour nos finances et la maîtrise de nos dépenses d'entreprendre des réformes de regroupement des communes de petite taille ?

Enfin, je souhaiterais également vous interroger sur la situation financière de la sécurité sociale. Vous avez relevé des incertitudes sur plusieurs estimations comptables. Pouvez-vous nous dire lesquelles ? Deuxièmement, quelles sont les fragilités persistantes des dispositifs de maîtrise des risques dans les organismes à l'origine des taux d'erreur élevés affectant la correcte liquidation des prestations ?

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Merci de votre rapport, Monsieur le Premier président.

Premièrement, nous notons tout de même une certaine rupture avec vos écrits remis depuis 2017. Auriez-vous pris la mesure des conséquences des choix budgétaires et fiscaux de ce Gouvernement ? Pourtant, la dégradation des finances publiques constatée par les chiffres n'a rien d'étonnant. C'est une suite logique de l'acharnement de ce Gouvernement à se priver de recettes pour servir les plus riches. En deux ans de gestion, toutes les trajectoires s'affaissent. Les ambitions budgétaires affichées pour l'avenir ne sont plus que de vieilles promesses. Certes, le déficit public affiche une baisse de 0,3 point par rapport à 2017, mais nous nous éloignons tout de même du rythme annuel de baisse entre 2011 et 2016, qui était de 0,5 point.

Concernant les mesures de pouvoir d'achat de fin 2018 et après le Grand débat, nous aurions pu croire qu'elles seraient compensées par une simple annulation des mesures les plus injustes de ce début de mandat, mais c'est sans compter sur cet acharnement à rendre les riches toujours plus riches. Le Gouvernement compense, en creusant le déficit et la dette, si ce n'est une annonce de 1,5 milliard d'euros d'économies en 2019, économies d'ailleurs non identifiées, non inscrites dans une loi de finances rectificative. D'ailleurs, monsieur le Premier président, vous nous dites : « Cette annonce de principe sans traduction rapide dans un texte soumis à l'approbation et à la rectification du Parlement conduit à remettre en cause les efforts entrepris à compter de 2017, pour procéder à une budgétisation plus sincère et affaiblit la portée de l'adoption de la LFI par le Parlement. » En deux mots, les donneurs de leçons de la première heure sur la sincérité budgétaire devraient faire profil bas aujourd'hui.

Pour terminer, la Cour des comptes note que malgré un contexte de taux d'intérêt très bas, voire négatifs, il serait risqué de s'endetter plus. Tous les économistes ne partagent effectivement pas cet avis sur la dette. Je crois que cela a été relevé par plusieurs d'entre nous. Il y a peut-être différentes sortes de dettes. Une dette assise sur des déficits de fonctionnement et une dette assise sur l'investissement, ce n'est pas tout à fait la même chose. Serait-ce grave si nous devions investir de façon durable, notamment pour la transition énergétique ?

Beaucoup d'interrogations ont été relevées sur la maîtrise des dépenses publiques. J'ai bien noté que ce gouvernement comptait faire des économies dans tous les ministères, pour rejoindre les trajectoires de nos voisins européens. En ce moment, nous en avons la meilleure preuve, avec la réforme liée à la direction générale des finances publiques. Malheureusement, je crois que c'est encore la ruralité qui va perdre dans ces mesures d'économies.

Pour terminer, sur les finances publiques locales, vous nous parlez de deux éléments. Effectivement, les contraintes financières se desserrent sur les transferts financiers. On observe également des recettes qui augmentent de 3,1 milliards et tant mieux. Sur la maîtrise des dépenses, c'est plutôt bon également, avec + 0,4 %, contre 1,2 % en estimation. Vous notez que cette maîtrise de la gestion n'est pas forcément liée à la contractualisation. Vous estimez qu'il est trop tôt pour le dire. D'ailleurs, les établissements publics de coopération intercommunale non signataires d'un contrat ont connu une baisse des dépenses de 0,4 % alors que pour les signataires des contrats elle s'est élevée à – 0,3 %. C'est un peu en contradiction avec l'effet de la contractualisation sur les baisses des dépenses.

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Monsieur le Premier président, vous êtes aussi président du Haut Conseil des finances publiques. Or, dans votre document, que vous venez de nous remettre, vous dites – je cite : « Le Gouvernement devrait conduire le Haut Conseil des finances publiques à déclencher le mécanisme de correction, en application duquel le Gouvernement doit tenir compte de cet écart au plus tard dans le prochain projet de loi de finances ou de la loi de financement de Sécurité sociale de l'année, comme le prévoit la loi organique. » Avec votre double casquette de Premier président de la Cour des comptes et de président du Haut Conseil, pourriez-vous nous expliciter ce point ? Au fond, nous pourrions le résumer comme suit le carnet de notes que vous donnez : « élève médiocre, dont les efforts de redressement sont fort modestes », puisque vous dites que le déficit structurel a baissé de 0,1 point en 2018 et va baisser de 0,1 point en 2019. Nous avons fait 0,3 point sur la dépense, c'est-à-dire 7 milliards. Je rappelle aux collègues qui l'ont déjà oublié qu'en juillet 2017, le Gouvernement nous avait dit qu'il ferait 20 milliards par an. C'est d'ailleurs ce qu'il fallait faire et nous en mangeons les deux tiers à baisser des impôts que nous n'avons pas les moyens de baisser.

Deuxièmement, vous dites que dans les projections 2019-2022, le déficit du budget de l'État est stable. Il n'y a aucune amélioration. En revanche, nous améliorons faiblement le solde des administrations publiques grâce à deux choses, dont une hausse continue de l'excédent de fonctionnement du solde des APU, puisqu'il passe de 0,1 à 0,6. Dans ce style inimitable, vous dites que cette prévision paraît incertaine. Pourriez-vous nous développer le concept d'incertitude ? Vous signalez que cela n'est jamais arrivé depuis 1950. Cela ne fait que soixante-dix ans.

J'ai la même question sur les organismes de sécurité sociale, puisque vous dites dans des termes plus délicats que l'excédent croissant en trois ans ne vous paraît lui non plus pas tout à fait inventorié quant aux efforts à faire pour atteindre cet objectif.

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Monsieur le Premier président, vous le dites dans votre rapport, d'un côté il y a l'État dont le solde en comptabilité nationale s'est dégradé à hauteur de 3,1 milliards d'euros par rapport à 2017 sous l'effet de mesures fiscales qui ont réduit ses recettes de 16,5 milliards d'euros ; de l'autre, il y a les administrations de sécurité sociale et les administrations publiques locales, qui dégagent une capacité de financement, c'est-à-dire un excédent. Notre pays ne s'est donc pas endetté pour financer de l'investissement, agir en faveur de la transition écologique, de l'égalité territoriale et de l'emploi. Il s'est endetté pour financer les cadeaux aux plus riches et conduire des politiques d'inégalité. Nous n'avons effectivement pas tout à fait la même lecture sur cette question. Pour nous, le problème n'est pas forcément celui de la dépense, sur laquelle il faut bien entendu veiller, mais celui des recettes dont nous nous privons.

Pour 2019, le cumul du CICE et de la suppression de cotisations sociales est bien entendu le fait marquant, avec 40 milliards d'euros, soit 1,8 point de PIB octroyé sans ciblage ni contrepartie. Le financement des mesures annoncées à l'issue du Grand débat est une véritable question. En l'état, la Cour des comptes constate que ce financement n'est pas du tout assuré, alors qu'il était prévu que l'essentiel de la baisse de l'impôt sur le revenu soit financé par la suppression de niches fiscales et sociales. Seul 1 milliard d'euros serait financé de la sorte. Qu'en est-il des quatre autres milliards ? Comment seront-ils financés ? Par des mesures d'économie, de la dette ? Nous avons une solution solide : le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune et la suppression du prélèvement forfaitaire unique.

Vous indiquez également que des économies devraient être réalisées, compte tenu du « délai nécessaire de montée en charge de France compétences, créée en 2019 pour réguler et financer la formation professionnelle et l'apprentissage ». Pourriez-vous nous préciser pour quelle raison ?

La question des taux d'intérêt bas a été évoquée tout à l'heure. Faut-il profiter de cette période de taux d'intérêt bas non pas pour s'endetter, mais pour investir – plutôt, par exemple, que de vendre les bijoux de famille – et rembourser cet endettement supplémentaire avec les dividendes dont nous allons nous priver ? En tout cas, ce débat est intéressant. Certains ont rappelé l'interview dans Les Échos d'Olivier Blanchard et sa position sur cette question.

Nous notons également des incertitudes importantes sur la fiscalité locale. Compte tenu de la confirmation de la suppression intégrale de la taxe d'habitation, le flou règne sur ce qui se passera pour sa compensation. Sur les collectivités locales, je me félicite que le desserrement puisse permettre à ces collectivités de relancer l'investissement, parce que c'est bon pour nos finances et pour l'économie. Quant à la sécurité sociale, j'ai retenu cette phrase : « Pour parvenir à l'équilibre durable des comptes de la sécurité sociale, les efforts de maîtrise des dépenses devront être poursuivis. » Pour le secteur hospitalier, dans les temps que nous vivons, je crois que les personnels concernés apprécieront.

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Quand il n'y a pas de maîtrise de la dépense, il y a explosion des déficits et les premières victimes sont souvent les plus faibles. Je crois qu'il faut toujours avoir cela en tête. Savoir maîtriser la dépense publique n'est pas quelque chose qui devrait choquer dans notre pays. Nous parlions de la spécificité de la France. Je crois que l'une des spécificités de la France n'est pas son niveau bas de prélèvements obligatoires, mais plutôt son niveau élevé de dépenses publiques et un rapport à l'efficacité et à l'efficience qui reste extrêmement perfectible. C'est cela le problème de la France. Ne pas vouloir traiter ce sujet conduit à augmenter encore les problèmes que peuvent avoir notre pays et l'ensemble des Français. Il y a des marges d'efficacité et d'efficience au niveau de la dépense publique et l'indifférence que nous avons eue pendant très longtemps sur ce sujet peut expliquer un certain nombre de rébellions, de manifestations ou d'incompréhensions de la part de l'opinion publique. En tout cas, c'est ce que dit depuis très longtemps la Cour des comptes. C'est également une de mes convictions profondes.

Bien sûr, il faut s'intéresser à la maîtrise de la dépense. Cela ne signifie pas qu'un gouvernement ne peut pas faire de choix et avoir de priorités, mais il faut pouvoir cibler les priorités. Nous voyons qu'elles ne le sont pas toujours dans les politiques publiques conduites.

Pour revenir notamment sur les risques sur la trajectoire, il y a d'abord les risques sur le niveau de croissance, compte tenu d'un contexte européen et mondial que nous connaissons, avec un certain nombre d'incertitudes. Il y a également les risques que nous avons identifiés, pour répondre plus concrètement au rapporteur général. Il y a un risque sur les recettes, à savoir que l'inflation pourrait ne pas remonter comme attendu. Il y a également le risque que les recettes non fiscales continuent de baisser, contrairement à la stabilisation prévue. Là, nous identifions un risque qui nous apparaît réel.

Il y a des risques sur la masse salariale en l'absence de baisse des effectifs. Nous avons une prévision de masse salariale du programme de stabilité de 1,3 % par an en moyenne. Elle nous paraît difficile à atteindre, parce que la seule prise en compte du glissement vieillesse technicité tendanciel, des coûts déjà engagés sur les prochaines années nous conduit spontanément à accroître la masse salariale de 1,1 %. Cela veut dire qu'il n'y a pratiquement pas de marge de manoeuvre pour de nouvelles mesures catégorielles ou toute mesure générale significative, alors même que l'inflation prévue augmenterait jusqu'à atteindre 1,7 % en 2022.

Il y a également un risque sur le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne, notamment du fait des conséquences du Brexit sur la contribution des États membres restants. Quelques risques sont identifiés également sur les dépenses liées aux infrastructures de transport, notamment dans le cadre du Grand Paris et des dépenses qui peuvent être liées à l'organisation des Jeux olympiques. Il y a quelques risques sur certaines dépenses sociales, la tenue de l'ONDAM, compte tenu des accords passés avec certains professionnels de santé et des engagements de dépenses sur le médicament, et l'accroissement annoncé du financement de la dépendance. Les dépenses de l'Unedic peuvent également comporter quelques risques.

Il y a un risque sur le solde des collectivités territoriales. Nous disons qu'il sera excédentaire, compte tenu de la trajectoire, mais les collectivités peuvent faire le choix d'utiliser autrement leur marge de manoeuvre, en investissant davantage ou en épargnant davantage. Cela pourrait avoir un impact sur la trajectoire des collectivités territoriales.

Tous ces risques peuvent ne pas s'ajouter les uns aux autres. Tous ces risques n'ont pas vocation à se concrétiser, mais cela fait partie de notre rôle de les identifier et de vous alerter. Face à ces risques, des économies sont possibles, notamment sur la charge d'intérêts. Ce ne sont pas des sommes considérables pour 2019, mais pour 2020, cela peut représenter plus de 4 milliards d'euros. Ce montant peut être supérieur, si les taux d'intérêt restent bas ou au niveau de ceux d'aujourd'hui. Bien sûr, il y a également des facteurs externes aux finances publiques qui peuvent être pris en compte positivement. Je pense notamment à la compétitivité de notre pays et à son attractivité pour les investisseurs, qui ont plutôt joué positivement ces dernières années. Après, il faut faire la balance, mais quand on fait des hypothèses de trajectoire, il faut toujours se montrer prudent.

Sur les taux d'intérêt, je crois que cela traduit effectivement une certaine confiance des investisseurs et des marchés vis-à-vis de la signature de la France. C'est incontestable. Nous constatons tout de même que même si les taux longs français sont actuellement très bas, ils sont supérieurs à ceux de l'Allemagne. Cela n'a pas toujours été le cas. Notamment avant la crise de 2008, il n'y avait pas d'écart entre la France et l'Allemagne.

Ensuite, quelques expériences historiques montrent que les retournements dans la dynamique des taux d'intérêt peuvent être rapides en cas de choc négatif, d'où la prudence à laquelle nous vous invitons. Regardez l'Italie. Nous voyons bien qu'il y a une certaine volatilité des marchés financiers et que d'une certaine façon, à partir du moment où vous êtes fortement endetté, qu'une partie de votre dette est tenue par des investisseurs étrangers, vous êtes soumis à un certain risque, d'où la nécessité d'être prudent.

Je ne sais pas si nous sommes orthodoxes, à la Cour, et peu importe ce que peut en penser tel ou tel économiste. C'est un message de prudence, que nous vous adressons. Une fois de plus, nous ne raisonnons pas par rapport à telle ou telle théorie économique, orthodoxe ou pas. Nous raisonnons par rapport aux engagements que vous prenez, qui sont le résultat de traités européens ou de lois de programmation, de programmes de stabilité, des lois de finances que vous votez. Nous mesurons et apprécions les écarts et nous apprécions par rapport à une trajectoire que vous nous présentez. Nous sommes orthodoxes par rapport à ce que vous votez, mais parce que nous n'avons pas d'autre choix. Sinon, nous ne serions plus tout à fait en démocratie.

Il faut donc faire attention. Il est séduisant sur le plan intellectuel de proposer de profiter que les taux soient bas pour investir. Cela se conçoit, mais c'est un discours général. Ensuite, il faut regarder la situation de chaque pays. Notre endettement est-il le résultat d'un fort investissement tel que vous le définissez ? Non. Nous avons un niveau d'investissement public en France qui est supérieur à la moyenne de la zone euro et je crois que c'est rappelé dans le rapport – nous sommes à 3,7 %, la moyenne étant à 2,8 %. Nous avons déjà un niveau d'investissement supérieur à la moyenne. Encore faut-il s'entendre sur la notion d'investissements. Cela a été rappelé par Olivier Blanchard, un ministre italien considérait que pouvait être compris comme une dépense d'investissement l'abaissement de l'âge de la retraite. Effectivement, tout est relatif. De plus, beaucoup d'investissements génèrent des frais de fonctionnement. Il faut pouvoir apprécier tout cela et ce n'est jamais chose aisée. Je me souviens, dans ma vie antérieure, lorsque j'étais à votre place, j'ai participé à je ne sais combien de débats sur le sujet de l'investissement, du fonctionnement, de la règle d'or, etc. Pour conclure, ces notions sont complexes.

Sur le plan européen, je constate que dans l'entretien qu'il a accordé et que vous avez cité, Olivier Blanchard reconnaît lui-même que les économistes ne sont pas tous d'accord sur la définition que nous pouvons donner de l'investissement. C'est un débat compliqué et nous rappelons que la prudence est de faire en sorte de maîtriser son endettement, surtout si nos voisins ont une trajectoire totalement différente de celle que nous pouvons avoir dans notre pays. Le rapport de la Cour montre bien combien les trajectoires de dette de la France, de l'Allemagne et du reste de l'Europe divergent. C'est ce que nous avons souhaité rappeler.

Sur les engagements européens, il est vrai que dans le volet préventif, pratiquement aucune sanction n'a été prise par les autorités européennes. D'ailleurs, ces sanctions ne peuvent être que limitées. Ce sont par exemple des dépôts non rémunérés. Aujourd'hui, la question ne se pose pas, compte tenu des taux d'intérêt. Il est vraisemblable qu'il y ait un certain nombre de règles à remettre sur la table au plan européen, concernant la croissance potentielle ou le calcul de l'effort structurel. Le Haut Conseil des finances publiques a lui-même formulé un certain nombre de propositions. La Cour en a également formulé. Des échanges ont lieu au niveau européen dans ce sens. Je ne sais pas s'ils aboutiront dans les années qui viennent.

Pourquoi le Haut Conseil des finances publiques pourrait-il demander le déclenchement du mécanisme de correction ? C'est tout simplement parce que la mission du Haut Conseil est de raisonner par rapport à la loi de programmation. Depuis la loi de programmation, beaucoup de choses se sont passées. Il y a un certain nombre de choses que vous avez intégrées dans le budget. D'autres n'ont pas encore été intégrés dans le budget, mais ont pu être intégrées dans le programme de stabilité. Il constatera vraisemblablement un écart supérieur à ce qui est considéré comme étant un écart normal. Ce serait un écart important par rapport à la loi de programmation. Le Gouvernement devrait vous proposer une nouvelle loi de programmation à l'automne afin d'éviter cette situation. Le programme de stabilité a commencé à actualiser la loi de programmation, mais nous voyons bien que le programme de stabilité lui-même doit encore être actualisé. C'est d'ailleurs ce que le Gouvernement vient de faire en partie, dans le document qui vous a été remis pour votre débat d'orientation des finances publiques, mais il y aura encore bien évidemment à préciser et documenter la trajectoire prévue. Cela devrait se faire à l'automne prochain.

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Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes

L'excédent (en comptabilité nationale) des administrations de sécurité sociale de 0,5 point de PIB en 2018 résulte de l'excédent de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) d'un côté et du déficit du régime général de l'autre. Ne nous trompons pas de diagnostic. Le régime général reste en léger déficit en 2018, si nous raisonnons hors CADES et hors effet Fonds de réserve pour les retraites.

Sur l'ONDAM, il y a des difficultés de prévision de l'activité des établissements de santé, plus précisément des difficultés pour prévoir la poursuite ou non de la baisse significative d'activité qui caractérise les hôpitaux depuis deux ans. C'est cette incapacité à prévoir ou à anticiper suffisamment cette baisse qui a conduit au versement de dotations de crédits en fin de période, compte tenu des « bonnes surprises » qui avaient été constatées. Il y a manifestement un besoin de poursuivre l'amélioration du pilotage de l'ONDAM, en particulier sur le volet touchant à l'activité hospitalière.

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Je voudrais d'abord remercier la Cour de publier en deux temps le rapport sur les finances des collectivités territoriales. Cela nous permet d'avoir des éléments dès maintenant et de travailler plus sereinement en vue de l'examen du projet de loi de finances.

Je voudrais également souligner que c'est une bonne nouvelle que d'avoir des finances locales à nouveau excédentaires. Il n'y a pas si longtemps, année après année, nous nous lamentions tous sur la situation difficile des collectivités territoriales. C'est donc une bonne nouvelle et il faut le redire.

Dans le cadre de la contractualisation, quand ce dispositif a été mis en place, vous étiez favorable au dispositif, mais vous parliez d'incertitudes fortes, premièrement sur le périmètre des collectivités territoriales concernées. Évidemment, toutes les collectivités ne sont pas concernées. Deuxièmement, les incertitudes portaient sur le périmètre des dépenses concernées. Ce n'était effectivement que le budget principal. Troisièmement, vous aviez des interrogations sur l'utilisation qui serait faite de la capacité d'autofinancement. Je ne me permettrais pas de vous dire que la Cour des comptes s'est trompée, mais maintenant que nous avons un peu de recul, êtes-vous d'accord sur le constat que même si les périmètres n'incluent pas l'ensemble des dépenses, le dispositif a fonctionné ? La croissance des dépenses des budgets annexes locaux est également largement inférieure à 1,2 %. Surtout, sur les questions que vous vous posiez sur l'utilisation par les collectivités des marges de manoeuvre dégagées, ne sommes-nous pas dans un « en même temps » assez vertueux ? Nous constatons une augmentation des investissements locaux, ce qui est une bonne nouvelle, et une stabilité de la dette. Pour les collectivités territoriales qui ont contracté, la dette a diminué de 1 milliard d'euros. C'est une baisse significative. Nous constatons également une baisse inédite, pour un certain nombre d'entre elles, des taux de la taxe foncière et donc une petite baisse de la pression fiscale. Pensez-vous qu'il faut être plus contraignant dans la future loi ou le dispositif vous semble-t-il à ce stade convenablement fonctionner ?

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Monsieur le Premier président, dans votre rapport, vous soulignez que les collectivités territoriales ont dégagé un excédent de 2,3 milliards d'euros en 2018. C'est une bonne nouvelle qui atteste de la responsabilité de nos élus locaux. Cela confirme également notre volonté de pouvoir donner plus de liberté aux élus locaux, notamment avec la possibilité d'expérimentations locales. Cela confirme également que le Gouvernement a fait le bon choix. Vous relevez surtout que les résultats sont le fruit d'une contrainte desserrée de l'État.

Depuis 2017, la certification des comptes a été appliquée à vingt-cinq collectivités territoriales. Un bilan est prévu. Aujourd'hui, est-il possible d'opérer un bilan d'étape de cette pratique et de ses effets sur les finances locales ? Ce dispositif pourrait-il être généralisé dans le futur à l'ensemble des collectivités ?

Le 17 juin, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a lancé l'observatoire mondial des finances locales, qui regroupe 122 pays et plus de 600 000 collectivités locales dans le monde. Êtes-vous associés à ce travail ? Envisagez-vous de travailler avec l'OCDE et d'effectuer des études comparatives ?

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Notre dette brûle et nous regardons ailleurs. J'ai bien noté entre les lignes de votre rapport que vous avez pointé l'énorme écart de dette entre l'Allemagne et la France, avec 60 % contre 98 % du PIB. Est-ce que cela ne fait pas penser un peu à l'époque dite de la gauche plurielle, sous Lionel Jospin, lorsque la plupart des économies européennes avaient fait des efforts en haut de cycle, pour améliorer la situation de leurs finances publiques ? Lorsque l'hiver est venu, la France s'est retrouvée bien dépourvue.

Deuxièmement, vous avez pointé toute une série de mesures qui ont été prises et ont fait dévier les perspectives pour 2020 à 2022 de leur trajectoire, mais il y a tout de même un point important, celui de l'annulation de la hausse de la fiscalité énergétique. Vous présentez l'impact par année, mais pas en cumulé. L'impact est de 4 milliards, plus 6,6 milliards, plus 9,6 milliards, plus 11,7 milliards, nous sommes à 31,9 milliards d'euros au total. C'est vraiment un facteur important de déviation, si je calcule en cumulé. Confirmez-vous cette analyse ?

Dans le même temps, le Gouvernement a annoncé une programmation pluriannuelle de l'énergie dans laquelle des objectifs extrêmement importants sont mis en avant, notamment l'augmentation de l'éolien, du photovoltaïque qui est normalement financé par la fiscalité énergétique. Comment prenez-vous en compte le surcoût des engagements de la programmation pluriannuelle de l'énergie dans cette perspective 2020-2022, en sachant que c'est extrêmement aléatoire, puisqu'elle dépend aussi, notamment pour les appels d'offres ou les tarifs de rachat, de l'évolution du prix de l'électricité qui peut aller à la hausse ou à la baisse ? Sur l'éolien en mer, la seule renégociation a soi-disant permis d'économiser 40 % de la facture, mais six mois plus tard, de nouveaux appels d'offres ont été passés à un prix trois fois inférieur au premier prix. Il y a plusieurs dizaines de milliards d'euros de différence. Comment prenez-vous en compte le poids de la stratégie énergétique dans le budget de l'État ?

Pouvez-vous enfin nous donner l'impact sur la charge de la dette d'une hausse de 1 point des taux sur la dette française ?

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À mon tour, Monsieur le Premier président, je voudrais vous remercier pour l'exposé de ce matin et surtout le travail de la Cour concernant la situation de nos finances publiques.

Je voudrais revenir sur un autre sujet qui n'est pas le sujet même de votre rapport, mais qui peut tout de même avoir une incidence sur l'évolution de la situation française. Je m'explique : vous vous êtes évidemment focalisé sur la dette publique et vous indiquez clairement que cette dette publique est à son plus haut niveau aujourd'hui. Par ailleurs, nous avons une autre dette, la dette privée, celle des ménages et celle des entreprises. Nous savons qu'entre 2007 et aujourd'hui, la dette privée est passée d'un peu moins de 100 % du PIB à plus de 133 % du PIB. Il y a là un effet combiné : la dette cumulée du public et du privé n'a jamais été aussi importante. Pour la dette privée, le même phénomène que celui que vous dénoncez pour le secteur public est à l'oeuvre, avec une dette publique qui est au-dessus de la moyenne de nos voisins européens.

Ma question est assez simple : ne pensez-vous pas qu'à un moment donné, ces effets cumulés auront des incidences sur la situation économique de notre pays et nous mettront dans une situation encore plus difficile ? D'une certaine manière, n'y a-t-il pas encore plus urgence à traiter cette question de la dette publique en France, en sachant que nous avons par ailleurs également cette épée de Damoclès d'une dette privée qui a également fortement augmenté au cours des dernières années ?

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Les résultats encourageants en termes de stabilisation de l'endettement sont en partie le fait des taux d'intérêt accommodants. Cela a déjà été évoqué. Je souligne que pour certains économistes comme Jean Pisani-Ferry, cette situation ne durera pas éternellement et nous sommes parfois invités à consacrer cette aubaine à l'investissement plutôt qu'à des dépenses courantes. Nous le savons tous, cela nous oblige à une rigueur absolue dans l'élaboration du PLF et le resserrement des dépenses publiques. Néanmoins, des investissements dans des réformes de long terme comme la transition écologique sont nécessaires. Bien entendu, nous avons besoin de rigueur. Nous devons être rigoureux, mais pas dogmatiques non plus. La France a besoin d'investir et de financer ses investissements, notamment sur ce sujet de la transition écologique et je crois que le contexte s'y prête particulièrement.

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Permettez-moi d'abord d'émettre un voeu : j'espère que ce n'est pas la dernière occasion que nous avons de vous interroger au sein de la commission des finances.

Sur les collectivités territoriales, vous indiquez dans votre rapport que le dynamisme des concours financiers est favorable au bloc communal et aux régions. L'an dernier, dans votre rapport, vous aviez cité le Jura parmi les départements performants de ce point de vue. Je suis très fière de vous redire que depuis quatre ans, nous avons fait un effort de désendettement extraordinaire, sans changer nos politiques de base. Nous enregistrons une progression de l'épargne brute et de l'épargne nette plus forte encore que ce que vous présentez en moyenne et la capacité de remboursement de notre dette est inférieure au ratio de la strate. Nous avons fait des efforts considérables. Des efforts sur les dépenses de fonctionnement sont donc possibles.

J'en viens au niveau national. Il y a une expression : « Quand on se compare, on se rassure. » Aujourd'hui, quand nous nous comparons aux autres pays européens, nous ne nous rassurons pas du tout, tant s'en faut. La situation de la France est inquiétante. Ce décrochage dans tous les registres me terrorise. Monsieur le Premier président, seriez-vous d'accord pour dire que cette majorité a fait le choix de la dette ? Mais pour quelle finalité ? Que faisons-nous avec de la dette ? Est-ce uniquement pour financer du déficit de fonctionnement ou avons-nous vraiment des projets d'investissement ? Comment réglons-nous ce problème de dette qui s'accumule ? Avec le niveau actuel, c'est supportable, mais si les taux venaient à évoluer, ce ne le serait plus.

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Madame, vous venez de me couper l'herbe sous le pied, parce que je comptais dire que si la Cour des comptes était une institution chinoise, elle ferait précéder son rapport d'une maxime, en général de Lao Tseu. Là, ce ne serait pas Lao Tseu que j'aurais proposé, mais l'inverse de l'adage bien connu. Quand nous lisons votre rapport, nous avons l'impression que quand nous nous regardons, nous nous consolons et que quand nous nous comparons, nous nous désolons. C'est le sentiment général. Je crois que tout le monde a brodé là-dessus et il n'est donc pas nécessaire d'insister.

Vous mettez en cause ce que vous appelez l'accroissement problématique de la divergence des soldes effectifs entre les trois catégories de l'administration publique. Vous dites globalement que pour l'avenir, les APU locales sont au ciel, les administrations de sécurité sociale sont au purgatoire et les APU centrales sont en enfer. Le titre que vous donnez est un peu stigmatisant, notamment pour les administrations publiques d'État. Or, en lisant votre rapport, nous nous apercevons qu'en réalité, ce que vous mettez surtout en avant est l'arrêt des transferts de l'État vers la sécurité sociale et à l'inverse, la prise en compte vis-à-vis des collectivités locales de la baisse des prélèvements par l'État. Pourriez-vous nous dire si véritablement, parmi ces trois catégories, vous estimez que les efforts de dépenses publiques doivent être assurés prioritairement par certaines d'entre elles où les défaillances sont critiques ?

Je suis frappé du fait qu'actuellement, nous analysions les dépenses fiscales comme des dépenses publiques, les crédits d'impôt comme des dépenses fiscales et donc la suppression de crédits d'impôt comme une action sur les dépenses publiques. Cela me paraît assez monstrueux et je voudrais bien que la Cour précise clairement ce qu'est à ses yeux le statut de ces niches fiscales qui, quand on les réduit, se traduisent par une augmentation de la fiscalité et non par une réduction des dépenses publiques. Cela ne touche d'ailleurs en rien à la légitimité de cette action, mais catégorisons-la correctement.

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J'ai une question sur le financement des mesures annoncées par le Président de la République à la suite du Grand débat national, puisque l'exécutif souhaite diminuer certaines niches fiscales. Dans votre rapport, vous dites que l'effet en sera probablement incomplet. En même temps, lors de votre audition du 26 juin au Sénat, vous avez souligné l'existence de marges de manoeuvre et le fait que quelques ajustements pourraient être faits sur quelques dispositifs fiscaux existants. À quels dispositifs pensez-vous ?

Ce matin, nous avons beaucoup parlé de grandes masses, de dette, de fiscalité et de dépenses. Nous savons que les dépenses publiques atteignent 56 % du PIB. C'est un des taux les plus importants au monde et j'ai un sentiment de frustration sur l'aspect qualitatif de nos dépenses publiques. Nous avons vu ce qui s'est passé au moment des « gilets jaunes », où les personnes ne voyaient pas comment les dépenses avaient un effet sur les territoires. Ne pensez-vous pas qu'il manque un outil d'évaluation qualitatif de répartition territoriale de ces dépenses publiques ? Il s'agirait d'un outil de mesure du niveau qualitatif de ces dépenses rapporté aux Français, dans les endroits où ils vivent.

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J'ai écouté attentivement le rapporteur général et il n'aura échappé à personne que de plus en plus, le terme de « dépenses publiques » est le plus souvent remplacé par le terme de « dépenses fiscales ». Nous savons qu'un certain nombre de niches fiscales sont dans le collimateur du Gouvernement. Pour compléter la question de mon collègue Saïd Ahamada, je voudrais savoir si la Cour des comptes a identifié, évalué les niches fiscales qui sont les plus performantes en matière de maintien ou de création d'emplois. Cela permettrait de nous éclairer utilement sur les mesures à prendre dans l'avenir.

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Je crois que le débat que je voulais soulever a été largement abordé. Sur la dette, je dirai quand même que les critères de Maastricht ont été édictés à une période où le contexte économique n'était pas celui que nous connaissons aujourd'hui. Je pense par exemple au fait qu'il n'y a toujours pas d'inflation, alors que nous avons une politique de quantitative easing. Vraiment, l'environnement économique est en train de changer, d'évoluer. Sans nous endetter davantage, je crois que les marges de manoeuvre que nous avons peuvent être utilisées pour stimuler notre économie.

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Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Il y a beaucoup de questions sur les collectivités territoriales. Sur la contractualisation, nous aurons l'occasion d'y revenir dans le second cahier du rapport sur les finances des collectivités territoriales. Nous voyons qu'effectivement, le résultat quant à la maîtrise des dépenses de fonctionnement semble plutôt positif, d'ailleurs aussi bien pour les collectivités qui sont dans la procédure de contractualisation, que pour les autres. Il y a des explications diverses quant à ces bons résultats sur l'année 2018 : les stratégies financières propres des collectivités territoriales, les contrats, des marges de manoeuvre plus importantes, le desserrement de la contrainte. Un certain nombre de facteurs peuvent expliquer cette situation. Il y a également une prise de conscience de la nécessité d'un effort de maîtrise. Ce n'est plus considéré comme étant quelque chose d'affreux de penser que nous devons maîtriser ces dépenses de fonctionnement. Honnêtement, c'est d'ailleurs ce que fait chaque citoyen dans son budget, ainsi que chaque entreprise. Le fait de maîtriser sa dépense ne doit pas être quelque chose de considéré comme aberrant, y compris pour l'État, vu au sens large du terme.

Nous aurons l'occasion de pointer quelques insuffisances dans le processus de contractualisation, que vous avez vous-même pointées, notamment sur le périmètre et la durabilité de ce dispositif. Il faut que nous puissions avoir suffisamment de recul, afin de pouvoir en apprécier les résultats.

Sur la certification des comptes, nous avons eu l'occasion de rendre public le rapport que le Gouvernement vous a transmis sur un premier bilan de l'expérimentation que nous conduisons depuis quelques années. Ce n'est qu'un rapport d'étape. Nous ne sommes pas encore en mesure de vous proposer des conclusions définitives sur la certification Bien sûr, il y a des marges de progrès dans la fiabilité des comptes. La certification des comptes peut ne pas être la solution unique pour contribuer à une plus grande fiabilité des comptes. C'est pour cela que nous travaillons également à des alternatives, dans le cadre de l'expérimentation. Les petites et moyennes communes n'ont pas obligatoirement le même besoin en termes de procédure de certification des comptes. C'est ce que l'expérimentation devra pouvoir tester dans les années qui viennent.

Plusieurs questions portent sur les niches fiscales et les dépenses. Les niches fiscales ont très sensiblement augmenté, lorsqu'une norme d'évolution de la dépense budgétaire a été mise en place. Il y a une corrélation. Cela montre bien que, d'une certaine façon, des dépenses fiscales ont été imaginées, créées, afin de contourner l'encadrement de la dépense budgétaire. Des niches fiscales ont également été créées parce qu'il y a des taux élevés sur un certain nombre d'impôts, notamment sur l'impôt sur les sociétés (IS). Si un certain nombre de niches fiscales ont été imaginées, c'est pour contourner ou réduire les effets de taux élevés. Cela change, puisque vous avez décidé de baisser le taux de l'IS. Il y a forcément des niches fiscales qui doivent pouvoir être révisées, parce qu'elles constitueront un effet d'aubaine par rapport à une situation qui a elle-même changé. Il est nécessaire de faire ce travail et la Cour des comptes peut y contribuer. Vous-mêmes, vous avez un rôle éminent dans le cadre de ce travail et nous sommes tout à fait prêts à vous accompagner.

Bien évidemment, nous croyons qu'il y a des marges. Supprimer des dépenses fiscales ou des niches fiscales a un premier effet : celui d'augmenter le taux des prélèvements obligatoires. Nous pouvons supprimer des dépenses fiscales, avec pour conséquence d'augmenter le taux de prélèvements obligatoires, mais nous pouvons baisser d'autres taux ou d'autres impôts. Après, c'est un choix que vous devez faire. Dire qu'un travail de révision de l'ensemble des niches fiscales et des niches sociales débouche automatiquement sur une augmentation des impôts n'est pas exact. Il suffit de faire des arbitrages différents sur d'autres impôts.

Oui, il y a des marges d'efficacité et d'efficience sur la dépense publique et beaucoup de rapports de la Cour des comptes le montrent. Beaucoup d'évaluations le montrent également. C'est toujours le même sujet : faut-il amplifier les évaluations que nous faisons ? Il y a déjà beaucoup d'évaluations qui existent. La question posée est surtout celle de l'appropriation de ces évaluations par vous-même, la confrontation entre ces évaluations et une situation donnée, afin de voir pourquoi des choses n'avancent pas ou pourquoi il y a telle situation que vous pouvez déplorer. Cela rejoint d'ailleurs une question d'organisation des travaux parlementaires – l'organisation de vos semaines de contrôle où ces sujets d'évaluation peuvent tout à fait être portés au débat.

Sur la dette, je crois que j'ai répondu tout à l'heure. Bien évidemment, il y a le fait que la dette privée ait aussi très sensiblement augmenté. Un certain nombre de données ont été récemment rendues publiques par la Banque de France et font apparaître cette proportion de 133 %. Cela conforte la nécessité de rester prudent en termes de dette publique. À partir du moment où vous cumulez les choses, la situation est plus risquée.

Nous savons que l'observatoire mondial des finances locales existe. D'ailleurs, nous attendons de voir les travaux qu'il pourra réaliser, parce que ce seront des éléments de comparaison utiles. Nous manquons beaucoup d'éléments de comparaison pertinents avec la situation de collectivités locales d'autres pays. De notre côté, nous pourrons en tenir compte, afin d'améliorer les possibles comparaisons entre les collectivités locales françaises et les autres collectivités, en sachant que comparaison n'est pas toujours raison. Le nombre de collectivités territoriales en France est beaucoup plus élevé que partout ailleurs dans le monde. C'est un élément à prendre en considération.

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Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes

Sur la question posée par M. Dufrègne concernant France compétences, un changement dans l'organisation de la formation professionnelle a conduit à ce que ce qui était enregistré comme des entités qui n'étaient pas des administrations publiques est entré dans le champ de la comptabilité nationale. Il en résulte une augmentation des dépenses d'environ 6 milliards d'euros. En même temps, 6 milliards d'euros de recettes qui étaient celles des organismes de formation professionnelle sont venues compenser cette augmentation de dépenses. En clair, ce changement lié à la réforme de la formation professionnelle a augmenté le niveau des dépenses publiques et le niveau des recettes publiques, mais n'a pas détérioré le solde public.

Sur la question posée par M. Aubert concernant l'impact du renoncement à la hausse de la fiscalité énergétique, les 11,7 milliards d'euros correspondent au manque à gagner de l'année 2022. Toutes choses égales par ailleurs, cela aggrave le déficit de 2022 de 11,7 milliards d'euros. Après, une autre chose est de savoir l'impact cumulé sur la dette, c'est-à-dire la dégradation des soldes successifs de 2019, 2020, 2021 et 2022. Nous arrivons au chiffre que vous citez, mais qui est un chiffre pesant sur la dette et non un chiffre portant sur la détérioration du solde de fin de trajectoire de 2022.

En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information relatif au débat d'orientation des finances publiques (M. Joël Giraud, rapporteur

La commission examine un rapport d'information sur le printemps de l'évaluation des politiques publiques 2019 (M. Éric Woerth, rapporteur).

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Le rapport d'information que je vous présente intègre sous la forme d'un résumé chacun des rapports remis par chaque rapporteur spécial. Mais ce rapport va plus loin : plutôt que d'aborder uniquement l'évaluation par une analyse en silos, j'ai souhaité faire apparaître des lignes de force, autour de faits saillants et d'éléments transversaux.

Ce rapport se situe dans l'état d'esprit de l'article 24 de la Constitution. Cet article, dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle de 2008, nous dit que le Parlement évalue les politiques publiques. L'évaluation, ce n'est pas uniquement la mesure de l'efficacité de la mesure de l'exécution budgétaire, c'est aussi le rapport entre le coût et l'efficacité, donc l'efficience. Quel était l'objectif de la politique publique ? Cet objectif a-t-il été atteint ? À quel coût ?

Les rapporteurs spéciaux ont beaucoup travaillé, exploitant tant les rapports de la Cour des comptes que les rapports déjà produits par la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) ou les missions d'information générale.

C'est donc bien un lieu de convergence en matière d'évaluation. L'idée générale n'est pas d'avoir un rapport très singulier. Il doit faire converger l'ensemble des travaux d'évaluation. Le Premier président parlait tout à l'heure des semaines de contrôle. Elles sont souvent assez indigentes et personne ne comprend vraiment comment elles sont organisées. Peut-être qu'au fur et à mesure, il y aura une organisation plus tendue vers l'objectif d'évaluation des politiques publiques.

Ce rapport s'inscrit dans un calendrier nouveau. En ce qui concerne la sécurité sociale et les collectivités locales, la Cour des comptes a avancé de l'automne au début de l'été la remise de son rapport. Tout cela doit s'inscrire dans un seul but, dans une sorte de chaînage, avec, d'un côté, un printemps de l'évaluation et de l'exécution budgétaire de l'année passée et, de l'autre, la phase du débat d'orientation.

Nous avons réussi cette année à ce que le débat en séance publique aboutisse à des votes. D'ailleurs, tous les groupes, et la commission d'abord, ont présenté des propositions de résolution qui ont fait l'objet de votes, d'ailleurs parfois à l'unanimité. Nous ne sommes pas totalement libres, puisque le gouvernement peut empêcher des résolutions. Mais le gouvernement a joué le jeu, il a accepté les résolutions.

Le calendrier de l'évaluation est préparé une année à l'avance. Quand des rapports sont commandés à la Cour des comptes et que la Cour des comptes avance le rendu de ses travaux – comme nous avons commencé à le voir cette année – cela rentre bien dans cette mécanique d'évaluation des politiques publiques. La commission des affaires sociales a elle aussi commencé à travailler sur l'évaluation des politiques publiques sociales contenues dans la loi de financement de la sécurité sociale. J'ai noté aussi que les réponses des ministres sont peut-être plus adaptées que l'année dernière. Elles demandent à l'être encore plus. Nous ferons passer à nouveau ce message en Conférence des présidents.

J'ai bien conscience que les orateurs des groupes ont souvent été frustrés de devoir attendre que les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis aient passé leur tour et fait leur rapport pour pouvoir intervenir. Mais il est compliqué de donner la parole après chaque rapport – notamment pour de grandes missions – car il y a beaucoup de rapporteurs spéciaux. Qui plus est, la présence des rapporteurs pour avis est une bonne chose et une bonne nouvelle.

Enfin, le bureau a choisi des thèmes d'évaluation, sur proposition des rapporteurs spéciaux. Il faudra, cette année, être encore plus vigilants pour que ces thèmes ne s'éloignent pas de notre préoccupation, qui est bien le rapport entre le coût et l'efficacité d'une politique. Notre évaluation ne doit pas être une évaluation purement quantitative, permettant uniquement de savoir si nous avons dépensé plus ou moins, de diviser le coût par le nombre d'usagers de la politique en question. Notre évaluation doit aussi prendre en compte des éléments qualitatifs.

Il y a eu quarante-cinq rapports spéciaux et nous avons siégé 36 heures et 35 minutes en commission et 19 heures et 15 minutes en séance publique. Au cours des séances publiques, ont pu être discutées et votées sept propositions de résolutions.

Le rapport contient des analyses transversales. Il avait été demandé aux rapporteurs spéciaux de regarder les dispositifs de performance. Selon que l'on examine les dépenses d'investissement ou les dépenses de fonctionnement, les indicateurs ne sont pas les mêmes. Dans des dépenses d'investissement, l'indicateur est le taux de retour. Concernant les indicateurs de performance sur des politiques courantes de fonctionnement, c'est autre chose : c'est l'efficience, l'opportunité, l'optimisation de la dépense. Souvent, les indicateurs sont apparus comme peu pertinents ou en décalage entre ce que nous considérons comme important, ce que la population considère comme important et ce que les gestionnaires utilisent pour gérer les politiques publiques dont ils sont responsables. Nous nous sommes également intéressés aux dépenses fiscales. Enfin, nous avons retenu les thèmes du contrôle des opérateurs et de la gestion des personnels. La nouvelle demande de rapport à la Cour des comptes sur les heures supplémentaires dans la fonction publique permettra de prolonger ce dernier sujet. Nous avons analysé la mise en oeuvre de certaines politiques publiques, comme par exemple l'aide publique au développement en Algérie et au Maroc, la politique du logement en Guyane. Cela fait apparaître des problèmes de mise en oeuvre de politiques publiques qui ne sont pas contestées mais où l'on est en deçà de ce qui pourrait être fait. Ont aussi été abordées la question de la modernisation de la gestion publique, au travers notamment des investissements informatiques à la DGFIP, celle de la douane, celle des OAT vertes ou encore celle des services de la navigation aérienne.

Mon idée n'est pas d'araser les différences politiques, car personne n'y a intérêt et surtout pas la démocratie, mais de montrer qu'il y a des points de convergence et des travaux en commun sur des sujets aussi importants. J'ai demandé au Président de l'Assemblée – qui l'a accepté – de rédiger un avant-propos, pour montrer que ce rapport n'était pas uniquement celui de la commission des finances, mais aussi un rapport de l'Assemblée nationale. Cela me semble extrêmement important de se dire que, s'il y a un lieu de convergence, cela fait converger aussi un peu toutes les politiques publiques, comme elles convergent vers nous sur le plan financier. Le Président l'a accepté et je l'en ai remercié.

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Est-ce qu'on ne pourrait pas davantage populariser nos travaux en invitant davantage de journalistes ? Si nous voulons que nos collègues travaillent sur ces questions, il faut aussi qu'il y ait des retombées. Or, la classe politique étant ce qu'elle est, même s'il y a des travaux intéressants, si cela reste un papier, il n'y a aucun écho. L'autre avantage d'avoir des échos dans la presse, c'est que cela fait aussi pression sur le gouvernement en disant : là, il faudra agir.

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Effectivement, je partage l'idée d'une information très importante, d'une communication forte et également d'une réflexion par rapport aux autres commissions. J'ai bien entendu que la commission des affaires sociales s'était approprié l'idée. Mais je ne suis pas sûre que tous les députés aient saisi l'impact de ce printemps de l'évaluation.

J'ai une question sur les autres structures qui existent ou les autres travaux qui sont menés, à la fois par la mission d'évaluation et de contrôle et par le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC). Est-ce qu'à un moment donné nous aurons des liens, ou est-ce que ce sont des travaux que nous allons mener en parallèle ? Cette question est peut-être un peu prématurée aujourd'hui, mais je pense que cela mérite une coordination.

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Sur la communication, je suis complètement d'accord. Il faut que nous améliorions les choses, même si nos travaux ne sont pas inaudibles. Le rapport a aussi cette vocation.

J'ai recensé les autres rapports qui ont été publiés pendant la session et qui ont un lien avec l'évaluation, en particulier les rapports de la MEC et les rapports demandés à la Cour des comptes sur le fondement du 2° de l'article 58 de la LOLF. En ce qui concerne ces derniers, je souhaiterais que nous puissions faire une évaluation de la suite qui est donnée aux conclusions de ces rapports.

Comment essayer de diffuser la culture de l'évaluation dans les autres commissions ? C'est un travail long. Nous ne pouvons pas évaluer toute une politique, nous sommes obligés de faire des choix et nous voyons les choses au fur et à mesure. Quand on veut évaluer une politique, c'est mieux que cela soit un peu médiatique lorsque les sujets s'y prêtent. Il est plus intéressant de rendre compte à nos citoyens contribuables que de ne rendre compte à personne. Je note que les rapporteurs pour avis ont été plus présents. Les présidents de commissions sont parfois venus. Ils ne viennent plus dans le cadre d'une commission élargie ; ils viennent par intérêt, parce que c'est l'intérêt de leur commission.

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D'abord, je voulais vous remercier pour cette initiative, qui va permettre d'avoir une vraie vision de l'ensemble des travaux.

Par rapport à l'année dernière, il me semble qu'il n'y a pas de point sur le suivi des recommandations. Je pense que ce sera important de le mettre en avant l'année prochaine.

Pour rejoindre la question de Véronique sur le sujet des autres instances d'évaluation, peut-être que là aussi, en même temps que le suivi des recommandations de l'année précédente, les présidents de ces différentes instances pourraient venir faire un point rapide sur les travaux qui ont été menés.

Pour mobiliser nos collègues des autres commissions, j'ai fait un travail énorme au sein de la majorité, notamment pour que les rapporteurs pour avis puissent venir, et je suis heureuse que cela ait fonctionné. Ce que m'ont rapporté les rapporteurs pour avis, c'est le manque de moyens des autres commissions.

Par ailleurs, ne pourrait-on pas tenir des réunions communes, co-présidées par Monsieur le président et le président de la commission concernée ? Est-ce que cela ne permettrait pas d'institutionnaliser ou de faire venir plus de monde lors du printemps de l'évaluation ?

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Il faut assurer le suivi des différentes conclusions, vous avez complètement raison. Il y a vingt-sept rapporteurs pour avis qui sont venus, ce qui est beaucoup.

Concernant les autres instances d'évaluation, la présidence de l'Assemblée nationale a organisé un groupe de travail sur ce sujet. Nous avons d'ailleurs entendu dans ce cadre différents organismes extérieurs à l'Assemblée. Ils venaient dire comment ils évaluaient et ce qu'ils faisaient.

J'ai proposé au Président qu'il y ait, à un moment donné, peut-être en début de session, un programme de travail du Parlement. Nous voyons que le CEC n'adopte pas un programme de travail sans en avoir discuté avec la MEC ou sans avoir eu connaissance du programme de travail des rapporteurs spéciaux de la commission des finances. Le problème est que tout cela ne concerne pas du tout les mêmes calendriers. Comme d'ailleurs – vous avez raison – ce n'est pas le même calendrier dans les différentes commissions. Les rapporteurs pour avis ne sont pas censés faire un travail d'évaluation de leurs politiques publiques à ce moment, parce qu'ils sont prêts au moment du budget. Je pense que tous ces problèmes de calendrier vont se régler, au fur et à mesure, si nous imposons l'exercice. Et nous voyons bien, avec la Cour des comptes, comme avec l'État d'ailleurs, que nous avons réussi à faire évoluer des dates de publication de rapports qui étaient prévues plus tard.

S'agissant de la co-présidence, pourquoi pas ? Je voudrais juste éviter, parce que nous avons mis fin aux commissions élargies, que nous reproduisions des commissions élargies, dont j'avais compris qu'au fond, elles ne réunissaient pas le suffrage de tout le monde, notamment parce que les sujets traités étaient si divers qu'elles ne convergeaient sur rien. Il faut mettre un peu de discipline. Ce n'est jamais très facile, mais nous allons tenter de converger. Je n'ai pas d'opposition sur le principe, mais je ne veux pas reproduire les commissions élargies.

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Monsieur le président, tout à l'heure vous avez mis le doigt sur le fait que, quand nous venons assister à ces séances, nous nous sentons un peu seuls pendant longtemps. Quand il y a cinq ou six rapporteurs spéciaux alignés qui parlent chacun d'entre eux dix minutes et que l'on répond à chacun d'entre eux dix minutes, on passe deux heures, finalement, en tant que spectateur. Le risque, c'est que cela soit de plus en plus déserté dans ce contexte-là. Je ne suis pas le seul à le dire, mais nous nous sommes particulièrement ennuyés à certains moments. Excepté pour ceux qui étaient chargés d'un travail, qui doit être sans aucun doute passionnant pour ceux qui le réalisent.

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Disons que c'est très dur pour des élus qui suivent tout le cycle. Je pense que les groupes peuvent nous faire des propositions d'amélioration de la méthode. Je vois simplement que nous avons passé trente-six heures en commission et nous pourrons difficilement en passer quarante. Si nous passons la parole aux groupes après chaque rapporteur, il sera compliqué d'avoir deux minutes par rapporteur. En ce qui me concerne, je laisse trois minutes à quatre minutes à chaque intervenant. Cela fait à chaque fois vingt à vingt-cinq minutes par rapporteur. Quand il y en a un, ce n'est pas un problème, mais quand il y en a six, sept, ou huit, cela devient compliqué. C'est juste un problème extrêmement pratique.

En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information sur le printemps de l'évaluation des politiques publiques 2019 (M. Éric Woerth, rapporteur

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Avant que nous auditionnions Mme Stéphane Pallez, je souhaite aborder la question des rapporteurs spéciaux. Les rapporteurs spéciaux doivent envoyer leurs questionnaires normalement aux alentours du 10 juillet. Cela veut dire que chaque rapporteur spécial doit être confirmé comme rapporteur spécial auparavant. Nous devrions le faire maintenant, mais pour l'instant nous ne sommes pas en mesure de le faire. En effet, le bureau de la commission a décidé qu'il serait logique que la répartition des rapports spéciaux pour le projet de loi de finances pour 2020 tienne compte de la création du groupe Libertés et Territoires. Si j'ai bien compris, le groupe Libertés et Territoires aurait peut-être la possibilité d'obtenir un rapport du groupe UDI. Ce serait donc un rapport du groupe MoDem qui irait au groupe UDI, et l'UDI transmettrait un de ses rapports au groupe Libertés et Territoires. Cela veut dire surtout qu'il faut que vous vous mettiez d'accord. Je ne répartis pas les rapports. C'est une problématique interne à chaque groupe.

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Nous étions le plus petit groupe, mais nous ne le sommes plus puisque nous sommes le cinquième groupe par la taille, et nous n'avons aucun rapport. Mais je n'ai pas bien compris ce que vous avez évoqué : un rapport du MoDem qui transite par l'UDI ?

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Auparavant, le groupe Libertés et Territoires souhaitait récupérer le rapport de Philippe Vigier sur les pouvoirs publics, d'après ce que m'a dit son président. Je lui ai dit de se mettre d'accord avec le groupe qui avait ce rapport, c'est-à-dire le groupe UDI. Il va falloir quand même aboutir, pour pouvoir envoyer les questionnaires.

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J'en ai parlé avec le président du groupe, qui m'a demandé d'être le rapporteur spécial. J'ai accepté, et il m'a parlé du rapport sur les pouvoirs publics.

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Il y a deux questions à régler. Le groupe UDI transfère-t-il le rapport spécial sur les pouvoirs publics au groupe Libertés et Territoires ? Ensuite, de quel rapport le MoDem se sépare-t-il ? S'il y a des changements, il faut évidemment que nous en soyons informés très vite.

Il faut donner des réponses à tout cela dans les deux ou trois jours qui viennent, pour que la semaine prochaine nous puissions avoir une liste de l'ensemble des rapporteurs spéciaux et que les questionnaires puissent être envoyés.

La commission entend Mme Stéphane Pallez, dont la reconduction aux fonctions de président-directeur général de La Française des jeux est proposée par le conseil d'administration, puis vote sur cette proposition de nomination.

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Le Président de l'Assemblée nationale m'a fait savoir que le Premier ministre, par lettre en date du 19 juin dernier, l'avait informé que le conseil d'administration de La Française des jeux avait proposé la reconduction de Madame Stéphane Pallez aux fonctions de président-directeur général et il m'a demandé de lui faire connaître l'avis de notre commission sur cette nomination.

En vertu de l'article 10 de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public et de l'article 21 des statuts de La Française des jeux, le président-directeur général de cette entreprise publique est nommé par décret en Conseil des ministres, parmi les membres du conseil d'administration et sur proposition de celui-ci. En outre, ses fonctions figurent sur la liste des emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions fixées au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, qui requiert un avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée.

L'article 1er de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 confie à la commission compétente en matière de finances publiques le soin d'émettre cet avis, et dispose que cet avis est précédé d'une audition publique de la personne dont la nomination est envisagée. C'est donc le cadre de l'exercice dans lequel nous nous situons.

Vous aviez été auditionnée, Madame la présidente, dans les mêmes conditions en octobre 2014.

En application du quatrième alinéa de l'article 29-1 du règlement de notre assemblée, le scrutin qui aura lieu juste après la présente audition est secret et il aura évidemment lieu en dehors de votre présence.

La commission des finances du Sénat s'est réunie ce matin pour procéder à l'audition de Madame Pallez. Le dépouillement du scrutin doit intervenir au même moment dans les deux commissions.

Vous savez bien que La Française des jeux est, en vertu de la loi PACTE, amenée à être privatisée. Et c'est en cours de mandat qu'il est demandé que ce mandat soit renouvelé pour assurer les bonnes conditions d'évolution de la structure qui est la vôtre.

Je vous cède la parole, Madame Pallez, pour que vous nous exposiez vos compétences, votre responsabilité et ce que vous pensez de La Française des jeux et de son avenir.

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Stéphane Pallez, président-directeur général de La Française des jeux

J'ai été nommée présidente-directrice générale de La Française des jeux par décret en novembre 2014, et le gouvernement a souhaité légèrement anticiper la fin de mon mandat actuel pour me renommer pour une durée de cinq ans, dans un contexte que vous connaissez bien puisque vous avez largement et longuement débattu, dans le cadre de la loi PACTE, du projet de privatisation de La Française des jeux.

Je voudrais surtout vous parler de mon action à la tête de La Française des jeux depuis cinq ans – puisque cela me paraît être l'objet principal de cette audition – afin que vous soyez dans les meilleures conditions pour procéder au vote après que je me sois retirée.

La Française des jeux est une entreprise tout à fait exceptionnelle à bien des égards, évidemment par la nature de son activité, mais aussi, d'une certaine manière, par la notoriété qu'elle a dans le grand public et par l'intérêt qu'elle suscite dans les débats parlementaires. Mais quand je suis arrivée, j'ai constaté que cette entreprise, qui avait des atouts formidables, était confrontée à des risques et des enjeux importants si elle ne se renouvelait pas. Le plan que nous avons engagé avec mon équipe visait à traiter ces risques, de manière à ce que l'entreprise puisse continuer sa croissance dans le respect de la régulation et de son modèle de jeu. Au premier chef, c'est un risque de vieillissement, voire de réduction de sa base joueurs, parce qu'elle ne renouvellerait pas suffisamment ses jeux et ses services, dans un contexte dans lequel les usages numériques dans la société sont partout et dans lequel, par ailleurs, la loi de 2010 a créé un secteur en ligne concurrentiel très dynamique qui – même s'il est sur une autre activité que nos activités de monopole – met une certaine pression sur l'entreprise en instaurant des nouveaux standards, notamment en matière de relation client.

Nous nous sommes donc attachés, depuis bientôt cinq ans, à numériser l'offre d'entreprise et sa distribution. Ce qui ne signifie pas uniquement développer la vente en ligne mais également investir beaucoup dans le numérique, moderniser notre réseau physique et maintenir un maillage suffisant de nos points de vente sur l'ensemble du territoire, investir dans le marché des paris sportifs, qui est un marché encore en construction et donc en forte croissance, tout en développant l'innovation, en poursuivant nos engagements en matière de jeu responsable, en exportant notre savoir-faire technologique.

Aujourd'hui, La Française des jeux est le principal opérateur de jeux d'argent et de hasard en France et gère des droits exclusifs sur la loterie en point de vente et en ligne et sur les paris sportifs en points de vente. Elle opère par ailleurs en concurrence sur le marché des paris sportifs en ligne. Nous sommes la deuxième loterie européenne derrière Lottomatica, qui est la loterie italienne privée, et la quatrième loterie mondiale.

Les mises de La Française des jeux ont crû de l'ordre de 4 % depuis 2014. Elles atteignent, en fin d'année 2018, 15,8 milliards, dont 10,7 milliards ont été versés sous forme de gains et 3,5 milliards sous forme de contribution aux finances publiques, hors dividendes. Nous avons 2 500 salariés, dont environ 500 dans les métiers technologiques, 300 en marketing et 800 dans le commercial.

En matière de numérisation, nous sommes très largement en ligne avec nos objectifs, puisque nous nous étions fixés un objectif qui était de numériser nos mises et d'utiliser le numérique pour générer de la croissance dans le réseau physique. C'est ce que nous avons fait très largement, notamment sur les paris sportifs. Aujourd'hui, presque 20 % des mises sont numérisées. Cela a eu un effet très positif sur les points de vente et nous a permis de maintenir une base de clients large. C'est très important, à la fois sur le plan économique et dans notre modèle de jeu responsable, d'avoir une base de clients large, lesquels jouent des sommes raisonnables. C'est le modèle de La Française des jeux.

Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur un écosystème d'innovation dans lequel nous avons investi. Nous hébergeons notamment le premier incubateur français consacré à l'expérience client dans le commerce de proximité. Et dans les paris sportifs, nous avons assez bien réussi à maintenir une concurrence dans le réseau physique, de l'ordre de 20 %, alors même que le marché en ligne croît de 50 %. C'est aussi un résultat très important des investissements que nous avons faits.

Nous avons également développé de nouvelles activités complémentaires pour continuer à générer de la croissance dans le futur, notamment à l'international où nous vendons de plus en plus nos services à d'autres loteries. C'est un axe de croissance pour l'avenir. Nous avons aussi développé des services qui s'appuient sur nos actifs, en particulier notre infrastructure technologique dans notre réseau. Par exemple, un accord passé avec Western Union permet aux détaillants qui le souhaitent d'offrir des services de transferts opérés par Western Union et de toucher ainsi une rémunération complémentaire sur notre terminal et avec notre système d'information.

Nous avons surtout – et je voudrais insister là-dessus – énormément investi dans le réseau. On me dit souvent que le réseau physique de La Française des jeux est menacé. Je pense qu'il est menacé si nous n'investissons pas. Et c'est le parti que nous avons pris depuis 2015, puisque nous avons massivement investi dans ce réseau, avec des résultats qui me paraissent à la fois très importants et positifs pour l'entreprise et pour la vie et le commerce dans les territoires. Nous sommes souvent le dernier point de vente dans certains territoires et, même s'il s'agit de points de vente diversifiés, c'est souvent grâce à nous que ces points de vente maintiennent une activité économique qui leur permet de rester présents. Nous avons investi 180 millions d'euros pour moderniser les équipements de ce réseau. En concertation avec les représentants des détaillants – c'est-à-dire la Confédération des buralistes et Culture Presse – nous avons recréé un certain nombre de points de vente, de l'ordre de 800 pour la seule année 2018. Nous avons aujourd'hui établi une nouvelle relation avec notre réseau historique, qui s'est traduite par un accord, conclu en février 2018, qui revoit la structure de la rémunération que nous versons au détaillant : elle est modulée en fonction des types de jeu et elle devrait, à la fin de l'année 2019, augmenter de 0,3 point pour atteindre en moyenne 5,5 % de l'ensemble des mises. 785 millions d'euros de rémunération ont ainsi été versés en 2018.

En parallèle, nous avons continué à investir sur le jeu responsable, qui fait partie de notre modèle et de sa soutenabilité dans le temps. Nous avons toujours été pionniers et pris des engagements supplémentaires par rapport à ce que la régulation implique. Récemment, j'ai décidé que j'allais m'engager à consacrer 10 % de mon budget publicitaire à la télévision aux campagnes responsables. Dès cette année, des campagnes sur l'interdiction de jeu des mineurs ont lieu pendant les grands évènements sportifs. Nous avons également renforcé l'information et la formation des détaillants en matière d'interdiction de jeu des mineurs, avant même que le Parlement introduise une amende dans le cadre de la loi PACTE. Nous allons accompagner la mise en place de cette amende en continuant à former nos détaillants pour que cette interdiction soit pleinement respectée.

L'ADN de l'entreprise, ce sont de grandes causes auxquelles sont affectées une partie des recettes de La Française des jeux. La première cause, c'est évidemment le sport. Cela se traduit – et c'est vous qui le votez – par l'affectation d'une partie de nos mises, hier au CNDS, demain à l'Agence nationale du sport. Nous avons des engagements très importants qui sont pris sur notre compte d'exploitation, à travers des partenariats avec un certain nombre de fédérations et le sponsoring d'une équipe cycliste. Nous avons prolongé cet engagement grâce au co-sponsoring, en association avec Groupama, dans le sport féminin. Je ne résiste pas au plaisir de vous dire que nous avons investi dans une équipe cycliste féminine qui est championne de France depuis le week-end dernier.

L'affectation d'une partie du prélèvement à la Fondation du patrimoine, décidée par le législateur l'an dernier, a été un grand succès, au delà de ce que nous pensions. Le patrimoine est très naturellement inscrit dans ce qu'est La Française des jeux – c'est-à-dire une entreprise territoriale – et la manière dont nous avons conçu les jeux générant ces recettes a permis aux gens de voir précisément où allait le prélèvement sur les jeux. Nous sommes en train de lancer l'an deux, avec un tirage spécial consacré au patrimoine pour le 14 juillet.

Nous avons rénové notre Fondation d'entreprise en la dédiant à l'égalité des chances et en y consacrant 18 millions d'euros sur cinq ans, à travers un certain nombre d'associations, qui mènent notamment des actions sur la lutte contre la fracture numérique sur l'ensemble du territoire. Cela fait également partie des causes sur lesquelles je souhaite que nous continuions à investir.

S'agissant de la privatisation, c'est un sujet que vous connaissez bien pour en avoir débattu très longuement. C'est d'abord une intention de notre actionnaire majoritaire et c'est désormais ce que la loi PACTE rend possible, en habilitant le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance. La mise en place d'un cadre de régulation est évidemment une condition indispensable de la cession éventuelle des parts par l'État. Par ailleurs, vous avez vu que le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Lemaire a annoncé son intention d'engager des opérations de préparation d'une éventuelle introduction en bourse, notamment avec le recrutement d'un syndicat bancaire vendredi dernier. La question de la privatisation a déjà été tranchée par le législateur. Je souhaite uniquement souligner le point fondamental sur ce sujet : l'entreprise va rester sous le contrôle étroit de l'État. L'État a annoncé non seulement son intention de garder au moins 20 % du capital mais également son souhait de disposer d'un certain nombre de pouvoirs exorbitants du droit commun, lesquels sont une garantie de ce contrôle étroit. Il devrait conserver un droit de regard sur certaines décisions et contrôler les franchissements de seuils au capital.

En matière de jeux d'argent, la qualité de la régulation est beaucoup plus importante que la nature de l'actionnariat. Cela a d'ailleurs été dit par certains ici. Les autres acteurs de jeux d'argent en France sont privés. Il est donc fondamental d'avoir une bonne régulation.

La Française des jeux sera demain régulée d'une manière renforcée, peut-être plus transparente et plus explicite que cela n'est le cas aujourd'hui. La mise en place, au plus tard au 1er janvier, d'une autorité de régulation indépendante – qui va peut-être s'appeler l'Autorité nationale des jeux – va renforcer la cohérence en matière de régulation entre les activités sous droit exclusif et les activités en concurrence. Elle sera la gardienne des objectifs de préservation de l'ordre public et de l'ordre social qui sont le coeur de la politique en matière de jeux d'argent, laquelle comprend la lutte contre l'addiction, l'interdiction du jeu aux mineurs, la gestion du risque de blanchiment.

Ce qui est également fondamental, c'est que l'entreprise privatisée continuera de contribuer aux finances publiques. Le dividende va s'élever à 88 millions d'euros pour l'État en 2018. Mais avec le prélèvement sur les jeux, la contribution aux finances publiques est de l'ordre de 3,5 milliards en 2018. La nouvelle fiscalité instaurée par l'article 138 de la loi PACTE garantit cette contribution aux finances publiques, qui est partie intégrante du modèle de la loterie. C'est évidemment fondamental pour apprécier la privatisation.

La privatisation de La Française des jeux va se faire à périmètre constant des droits exclusifs qui lui sont conférés. Cela a été dit par le ministre dans les débats et va être précisé par l'ordonnance. Nous ne réduisons pas notre périmètre, mais nous ne l'accroissons pas. Il n'y a pas de nouveau marché ouvert, il n'y a pas de nouveau marché donné à l'opérateur en monopole et il n'y a pas non plus de nouveau marché ouvert à la concurrence.

Enfin, je suis convaincue que fait partie du modèle de développement d'un opérateur de jeux d'argent le fait d'avoir un engagement fort en matière de jeu responsable et, d'une manière générale, d'avoir un impact économique et social fort. Autrement, l'équilibre entre une activité de jeux d'argent, qui comporte certains risques, et l'intérêt général ne serait pas respecté. Je vois donc la privatisation non pas comme une nécessité mais comme une évolution forte pour l'entreprise. C'est une opportunité d'augmenter la capacité de l'entreprise à se développer, en particulier à l'étranger où je pense qu'il y a des perspectives de développement qui peuvent être facilitées par le fait d'avoir accès à une certaine flexibilité dans notre capital et nos financements. Et c'est la raison pour laquelle je pense que ce projet peut être positif pour l'entreprise, en continuité avec la manière dont je l'ai gérée et développée depuis la fin de l'année 2014.

C'est la raison pour laquelle je suis aussi prête à mener ce projet d'évolution du capital pour mes actionnaires, pour mes salariés, pour l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise ; notamment les autres actionnaires, les actionnaires historiques, qui vont rester au capital d'entreprise.

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Il y a un autre opérateur historique qui s'appelle le PMU. Comment voyez-vous les relations entre le PMU et La Française des jeux ? Vous attendez-vous à des relations de concurrence exacerbées après cette privatisation, ou au contraire envisagez-vous la possibilité de trouver une place pour chacun et dans quelles conditions ?

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J'aimerais connaître le calendrier précis de la privatisation, les conditions de l'opération ainsi que la composition du capital social visée. Bien évidemment, compte tenu de vos anciennes fonctions, je pense que vous êtes en mesure d'estimer avec un ordre de grandeur approximatif mais suffisant le montant auquel votre société pourrait être valorisée.

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Madame la présidente - directrice générale, vous avez répondu déjà à l'une des questions que j'envisageais concernant l'accord de rémunération que vous avez passé avec votre réseau de distribution. J'aurai donc une deuxième question. La Française des jeux s'en va vers une privatisation et je souhaiterais avoir votre sentiment sur les impacts que pourrait avoir cette privatisation sur la répartition de vos points de vente, notamment sur votre présence en zone rurale pour le réseau de distribution que vous tenez à bout de bras.

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Concernant la privatisation, j'ai lu que le gouvernement avait la volonté de privilégier un actionnariat populaire et une augmentation de l'actionnariat salarié. Mais est-ce que ce n'est pas un voeu pieux ? Est-ce que l'État a les moyens de conforter ce souhait ?

Sur la politique d'implantation des réseaux de vente, j'ai bien entendu que vous aviez l'objectif d'avoir un maillage important dans les territoires ruraux. Or, il y a eu quelques décisions d'implantation des réseaux de vente, dernièrement, dans des galeries d'hypermarchés qui se sont effectuées contrairement à l'avis des buralistes et des gérants des points de vente. Est-ce que cette politique tend à être reconduite ? Est-ce que ce sont des scénarios qui peuvent exister ? Et quelle est votre politique en la matière ? Est-ce que, véritablement, vous avez le souhait de développer un grand nombre de contrats – ou plus de contrats – avec les grandes surfaces ?

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Dans le domaine des paris sportifs, qui est un secteur ouvert, votre activité est-elle bénéficiaire ? Si elle ne l'est pas, quand espérez-vous qu'elle le devienne ?

Est-ce que, finalement, vous n'encouragez pas l'addiction – alors que dans votre propos, vous avez dit l'inverse – en multipliant les jeux pour des raisons de marketing ? Des jeux de plus en plus rapides, sans jeu de mots dans mon propos.

Il y a eu beaucoup de débats dans le cadre de la loi PACTE sur le champ de votre monopole et un certain nombre de vos concurrents estime que la frontière n'est pas si précise que cela.

Enfin, quelles seraient les conséquences sur la durée de votre mandat de la privatisation de La Française des jeux ?

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Madame la présidente - directrice générale, vous avez rappelé que La Française des jeux est une belle entreprise. C'est pour cette raison que nous sommes un certain nombre à être opposés à cette privatisation qui devrait être finalisée d'ici la fin de l'année. Au delà du fait que La Française des jeux est une entreprise bénéficiaire et qu'elle permet à l'État de récupérer des dividendes, j'ai quelques questions concernant les conséquences de cette privatisation, qui ne sont pas forcément que des conséquences économiques. Vous l'avez abordé tout à l'heure. Elles sont aussi effectivement sanitaires. Nul ne peut ignorer que le désengagement de l'État pourrait porter un coup à la nécessaire régulation républicaine des jeux d'argent, alors que l'on constate l'amplification des conséquences pathologiques de l'addiction aux jeux. Madame Pallez, quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre ces phénomènes d'addiction ?

Deuxièmement, le jeu Rapido avait été retiré de la commercialisation car jugé trop addictif. Quelles garanties pouvons-nous avoir aujourd'hui qu'il en sera de même avec un opérateur privé ?

Quelle place sera réservée aux Gueules Cassées dans le capital de La Française des jeux, dont ils détiennent un peu moins de 10 % ?

Enfin, comme François Jolivet, je m'interroge sur votre politique concernant les territoires ruraux et le maintien des implantations.

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Je vous rappelle, mes chers collègues, qu'il ne s'agit pas d'un entretien sur la privatisation. Nous aurons évidemment l'occasion d'y revenir. Mais en quoi la candidature de Madame Pallez est-elle adaptée à l'avenir de La Française des jeux ? C'est ce sur quoi nous devons concentrer nos questions et Madame Pallez doit concentrer ses réponses.

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J'ai bien entendu ce que vous disiez, Monsieur le président, mais Madame veut aussi devenir la salariée d'une entreprise privée. Cela peut quand même un peu changer les choses.

Concernant la privatisation, nous nous étonnons toujours que cette machine à cash soit privatisée. Ce qui m'inquiète le plus, ce sont les impacts. Nous savons que, quand il y a une privatisation d'un opérateur, quel qu'il soit, c'est toujours la ruralité qui en pâtit le plus. Et, évidemment, nous nous interrogeons sur le maillage territorial de votre réseau de vente et sommes curieux de savoir quelle sera votre politique. Est-ce que vous avez la volonté de garder ce réseau de proximité ?

La question de la lutte contre l'addictologie entre en contradiction avec l'objet d'une entreprise privée qui est de faire des bénéfices. Nous pourrions estimer que, dans cette perspective, pour vous, des clients « addicts » sont des bons clients. C'est ce que souhaite une entreprise privée d'une façon générale. Il y a quelques inquiétudes par rapport à cela. Continuerez-vous à avoir une politique très agressive sur la lutte contre l'addictologie ? Et quel impact aura la privatisation sur la rémunération des personnels, y compris vous ?

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J'entends aussi, Monsieur le président, votre remarque sur l'objet premier de cette audition, et vous avez raison de le rappeler. Mais il est certain que le sujet porte et suscite de l'intérêt.

Sachant que les prélèvements publics sur les jeux devraient continuer à générer une contribution totale de 3,5 milliards d'euros par an et près de 90 millions d'euros de dividendes, ouvrir le capital à hauteur de 1,5 milliard d'euros revient à nous priver d'une rentabilité rarissime, d'environ 7 %. Dans le contexte économique que nous connaissons, ce n'est évidemment pas rien. Comment évaluer ce manque à gagner ?

Comment garantir que La Française des jeux ne remette pas en circulation l'un de ses jeux les plus rentables ? Monsieur de Courson ne l'a pas cité mais Monsieur Dufrègne l'a fait, le Rapido – 1,7 milliard d'euros de bénéfices annuels, dépassant même les chiffres du Loto – est considéré comme le jeu le plus addictif de La Française des jeux.

Enfin, que prévoyez-vous pour que l'État puisse continuer à être le garant du contrôle du versement de la taxe sur les jeux ? Et craignez-vous certaines dérives ?

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Est-ce qu'aujourd'hui vous faites le constat qu'il y a un accroissement de la dépendance des joueurs ? Comment maîtrisez-vous ce risque ? Et quel est le plan d'action que vous prévoyez de mettre en oeuvre sur les cinq prochaines années pour garantir que ce risque soit relativement maîtrisé ?

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Vous avez parlé tout à l'heure du blanchiment. Il y a des phénomènes de triche qui existent aussi, tels que le courtsiding. Le courtsiding, ce sont ces personnes qui sont sur le bord des terrains de tennis et qui font remonter une information très vite à d'autres personnes qui parient à cet instant sur le point qui vient d'être joué. Est-ce que c'est une triche qui est très importante ? Est-ce qu'elle est évaluée ?

Monsieur de Courson vous demandait tout à l'heure si l'activité des paris sportifs était quelque chose de lucratif pour vous. Pour pouvoir avoir des paris sportifs, il faut des sportifs de haut niveau. Pour avoir des sportifs de haut niveau, il faut au départ des sportifs amateurs. Et pour avoir des sportifs amateurs, il nous faut des infrastructures, dont le poids est porté bien majoritairement par les collectivités, par les municipalités. Ce sont des choses qui coûtent très cher. Est-ce que vous pensez que l'ensemble des acteurs devrait participer à l'effort financier pour ces infrastructures ?

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On a beaucoup parlé d'addiction. J'aurais voulu vous entendre plus précisément sur la protection des mineurs.

Je n'ai pas vraiment de crainte concernant votre financement d'une équipe sportive, du fait des retombées publicitaires positives, mais, concernant la participation au financement du CNDS, qu'est-ce que vous envisagez ?

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Stéphane Pallez, président-directeur général de La Française des jeux

Je vais commencer par répondre à la question du président, relative aux relations entre le PMU et La Française des jeux. La vérité est que nous sommes aujourd'hui deux entreprises, pour l'essentiel titulaires de droits exclusifs, chacune sur une activité spécifique. Nous avons les droits exclusifs sur la loterie en point de vente et en ligne et sur les paris sportifs en point de vente. Le PMU a les droits exclusifs sur les paris hippiques en point de vente. Nous avons des monopoles sur des activités différentes et, en théorie, nous sommes plutôt des cousins que des concurrents. Nous sommes d'autant plus des cousins que nous partageons une partie du réseau physique. Une partie qui est en fait assez faible, parce qu'aujourd'hui le nombre de points de vente communs et de l'ordre de 7 000, sur un réseau de 30 000 points de vente. Donc, quand on dit que ce développement de La Française des jeux dans les paris sportifs dans les points de vente a un impact sur le PMU, je rappelle toujours que nous partageons peu de points de vente. Ensuite, nous sommes très différents sur le plan capitalistique – comme vous le savez – puisque nous sommes une entreprise publique, alors que le PMU est un GIE privé, qui est régulé mais a une gouvernance très différente. Depuis cinq ans, j'ai toujours cherché à entretenir une bonne relation avec les dirigeants du PMU, parce que je pense que nous avons beaucoup à partager, en termes de régulation, de territorialité, d'investissement dans des causes d'intérêt général. Ainsi, nous nous ressemblons. Nous avons, je pense, chacun nos enjeux, qui sont en partie communs, mais qui sont aussi assez spécifiques. Nous nous parlons très fréquemment pour voir s'il y a des choses que nous pourrions faire davantage en commun, mais dans les limites du monopole, puisque nous sommes deux monopoles.

Là où nous sommes en concurrence – mais nous le sommes avec beaucoup d'autres – c'est sur le marché des paris sportifs en ligne. La vérité, c'est qu'aujourd'hui la véritable concurrence, ce n'est pas entre le PMU et nous, c'est entre le PMU, La Française des jeux et les opérateurs en ligne, qui sont aujourd'hui les leaders du marché. Chaque fois qu'on me dit qu'il y a un problème de concurrence entre le PMU et La Française des jeux, je rappelle que le marché en ligne croît de 50 %, principalement au bénéfice des leaders de ce marché, qui ne sont pas le PMU et La Française des jeux.

Je souhaite pleine réussite au PMU, qui est dans une situation qui n'est pas facile aujourd'hui, mais qui a pris à bras-le-corps un certain nombre de réformes.

Sur la question du rapporteur général relative au calendrier et aux modalités de la privatisation, je pourrais dire que c'est à l'État de répondre à cette question. Le ministre a dit qu'il souhaitait préparer une introduction en bourse de l'entreprise qui pourrait se dérouler – si les conditions de marché le permettent – avant la fin 2019. C'est le premier créneau possible. Il est aujourd'hui imprécis, parce qu'une opération de privatisation dépend de beaucoup de conditions. La première condition, c'est que le cadre de régulation soit en place. Cette condition, qui a été fixée par le Parlement, est essentielle. Qui imagine que la Française des jeux puisse être privatisée, si nous ne savons pas quelle est l'autorité de régulation et quels sont les régulateurs ? Tout cela est prévu par la loi. Nous y travaillons beaucoup avec les services de l'État, mais il y a encore beaucoup de choses à faire sur ce chemin. Mais nous essayons de les faire rapidement. Il y a donc la préparation de l'opération de marché éventuelle en tant que telle, où l'État a procédé au recrutement du syndicat bancaire. Mais d'une certaine manière, tout le reste est beaucoup plus important. Nous essayons de faire tout cela en même temps, de manière à être éventuellement prêts à l'automne, si les conditions de marché le permettent.

Sur la manière dont l'opération peut être envisagée, là aussi, j'ai quelques indications qui peuvent permettre de répondre à plusieurs questions. L'État a dit qu'il comptait conserver au minimum 20 % du capital. Comme il détient 72 % du capital, cela veut dire qu'il peut vendre à peu près 50 % des actions de l'entreprise. Ce qui paraît le plus probable aujourd'hui, c'est que les actionnaires historiques restent au capital, notamment les actionnaires représentant les anciens combattants qui détiennent presque 14 % si j'additionne les Gueules cassées et la Fondation Maginot, qui sont toutes les deux représentées au conseil d'administration et qui ont souhaité que l'État les rassure sur le fait qu'elles pourraient rester actionnaires. Cela a été le cas, et je pense que c'est une très bonne chose pour l'entreprise. À mon avis, beaucoup d'autres actionnaires dits historiques ou existant au capital de l'entreprise sont susceptibles de rester.

Concernant les actions qui seront cédées par l'État, ce dernier doit proposer 10 % de ce qu'il cède aux salariés de l'entreprise. Aujourd'hui, nous avons déjà 5 % des salariés qui sont actionnaires de La Française des jeux, car l'entreprise a trouvé une manière d'offrir des actions à ses salariés et de les gérer dans le cadre d'un FCPE. C'est l'entreprise qui doit voir quel type d'avantages elle peut offrir aux salariés pour leur proposer des incitations à souscrire qui les engagent dans la durée. L'intérêt d'avoir ces salariés, c'est de les avoir dans la durée.

Avoir un actionnariat populaire est un objectif qui a été très fortement affirmé par le gouvernement et qui est tout à fait bon pour l'entreprise. Aujourd'hui, dans le cadre du recrutement du syndicat bancaire, nous essayons surtout de mobiliser l'ensemble des réseaux bancaires français. C'est pour cela qu'ils sont bien représentés dans le syndicat. Et nous essayons également de voir quels types d'avantages – essentiellement des décotes pour les actionnaires individuels – pourraient être proposés de manière à ce qu'ils aient une petite incitation.

Surtout, je pense qu'il va nous revenir de bien expliquer ce qu'est l'entreprise, ce que sont ses perspectives, y compris de rentabilité, pour que cet actionnariat populaire soit bien informé et si possible attiré par ce type d'investissement. Il est difficile aujourd'hui de donner un volume pour l'actionnariat individuel.

Je ne réponds pas sur la valeur de l'entreprise, non pas que je ne sache pas calculer la valeur d'une entreprise, mais parce que c'est une donnée évidemment tout à fait sensible et d'ailleurs encadrée par des règles de marché. Nous allons présenter dans les semaines qui viennent notre « business plan » aux banques, qui vont donner un avis à l'État. L'État consultera également la Commission des participations et des transferts, qui lui donnera une valeur minimale pour préserver les intérêts patrimoniaux de l'État.

En ce qui concerne le réseau, aujourd'hui, nous avons réussi à stabiliser celui-ci à environ 30 000 points de vente. Il faut savoir qu'il y a plus de dix ans, il y avait 42 000 points de vente sur le territoire français, et quand je suis arrivée, la réduction du réseau était de 700 à 1 000 par an. Je considère que ce n'est pas un hasard si nous avons réussi à stabiliser, parce que c'est le fruit d'une action extrêmement forte, consistant à recréer des points de vente de La Française des jeux sur l'ensemble du territoire, en concertation avec le réseau historique. Le réseau historique est parfois inquiet quand nous venons implanter un agrément de la Française des jeux dans un autre bar-tabac. Nous procédons aux nouvelles implantations dans le cadre d'une concertation avec nos partenaires de la Confédération des buralistes et de Culture Presse. Et le fait d'avoir réussi avec eux à recréer 800 points de vente de La Française des jeux en 2018 est un record absolu. Si nous l'avons fait, ce n'est pas parce que nous voulons uniquement être responsables et avoir un bon maillage territorial. C'est parce que le modèle économique de l'entreprise repose énormément sur ce très bel actif, qui est le premier réseau de proximité de France et qui, s'il est bien géré et modernisé, est un actif fondamental pour l'entreprise, quels que soient ses actionnaires. Nous n'investissons pas forcément de la même manière dans les petits points de vente, dans les moyens ou dans les grands. Mais avoir des points de vente partout, notamment dans les territoires ruraux, c'est tout à fait essentiel pour l'entreprise et la pérennité de son modèle. Notre réseau a bénéficié de cette stratégie pendant cinq ans, puisque la croissance des mises – qui a été de l'ordre de 4 à 5 % au total – a été de 3 à 4 % dans le réseau. Nous n'avons pas du tout vidé le réseau pour aller en ligne. Nous avons boosté la croissance du réseau par l'investissement dans le numérique. C'est l'intérêt de l'entreprise et c'est l'intérêt de la communauté nationale.

Sur les implantations dans des centres commerciaux, nous ne sommes pas dans des supermarchés mais nous sommes dans des galeries marchandes. Des points de vente de presse ou des points de vente de tabac sont situés dans ces galeries marchandes, qui souvent font partie de l'écosystème du commerce local. Nous sommes parfois dans des petits supermarchés, mais plutôt en centre-ville. Et nous pouvons être conduits à aller dans ce type de commerces de proximité lorsque nous n'avons plus de distributeurs classiques, tels qu'un bar-tabac ou un distributeur de presse. Nous passons beaucoup de temps pour valider avec nos partenaires du réseau les cas dans lesquels il n'y a pas d'autres solutions. Nous sommes de plus en plus en concertation et transparents. Cela ne veut pas dire que 100 % de nos décisions font l'objet d'un consensus complet, mais je peux vous assurer qu'elles sont concertées comme cela n'a jamais été le cas. Je pense que la relation que j'ai aujourd'hui avec le président de la Confédération des buralistes est une relation gagnant-gagnant. Sans le réseau, la Française des jeux ne peut pas continuer sa croissance. Et pour ce faire, il faut dialoguer, se concerter, expliquer.

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Je suis obligé de vous interrompre, car il va falloir que nous votions. Ce n'est pas une audition sur La Française des jeux et nous sommes obligés de calibrer les choses.

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Stéphane Pallez, président-directeur général de La Française des jeux

Je vais donc dire seulement quelques mots sur l'addiction. Premièrement, l'observatoire des jeux construit des données sur l'addiction. Cette dernière ne concerne pas que La Française des jeux mais est un sujet commun à l'ensemble des jeux. Il est d'autant plus commun à l'ensemble des jeux que la régulation s'applique à tous et que les jeux de La Française des jeux sont considérés par les spécialistes comme les moins addictifs. La France est un pays qui a un faible degré d'addiction, mesuré globalement par cet observatoire par rapport à l'ensemble de ses voisins. Néanmoins, nous avons des politiques extrêmement fortes sur ce sujet et nous allons continuer, parce que cela fait partie du respect de la régulation et de la soutenabilité du modèle. Nous procédons à une évaluation systématique des jeux avant de les lancer, éventuellement nous les ajustons et nous retirons même certains jeux. Est-ce qu'avec la privatisation, il n'y aura plus de jeux retirés même s'ils sont trop addictifs ? Cela fera partie des pouvoirs du nouveau régulateur.

Nous sommes en contact étroit avec les grands acteurs de l'addiction – la Fédération anti-addiction, SOS joueurs – pour repérer les gens qui ont des problématiques d'addiction et les envoyer dans les circuits où ils peuvent être traités, ce que nous ne faisons évidemment pas nous-mêmes.

Je ne pense pas que je puisse répondre à la question relative aux recettes permettant de compenser le manque à gagner des dividendes que l'État perdrait. Je pense que le choix de privatiser La Française des jeux est un choix de l'État de réallocation d'une partie du capital, pour la consacrer à des choses qu'il estime plus stratégiques aujourd'hui. Ce qui est important, c'est que l'État mette en place une régulation qui soit forte. C'est ce qui assure l'avenir et rassure sur les risques.

Enfin l'activité de paris sportifs – qui est donc pour l'essentiel en monopole et un peu en ligne – est au global bénéficiaire. Même si nous investissons beaucoup.

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Madame le président-directeur général, je vous remercie.

J'invite les membres de la commission à rester dans la salle pendant que je raccompagne Mme Pallez, afin que nous puissions procéder au vote.

Délibérant à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l'article 29-1 du Règlement, sur la reconduction de Mme Stéphane Pallez aux fonctions de président-directeur général de La Française des jeux.

La commission procède au dépouillement du scrutin, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette nomination opéré par la commission des finances du Sénat.

Les résultats du scrutin auquel il a été procédé sont les suivants :

Nombre de votants : 14

Bulletins blancs ou nuls : 1

Suffrages exprimés : 13

Avis favorables : 13

Avis défavorables : 0

La commission a émis un avis favorable à la nomination de Mme Stéphane Pallez aux fonctions de président-directeur général de La Française des jeux.

Informations relatives à la commission

La commission a reçu en application de l'article 12 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 6 495 000 euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), des programmes 149 Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture et 206 Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales à destination du programme 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie et du programme 162 Interventions territoriales de l'État de la mission Cohésion des territoires.

Ce transfert est destiné à financer la lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne du programme 149 vers le programme 162 pour un montant de 5 000 000 euros en AE et CP.

Il finance également le troisième plan chlordécone en Martinique et Guadeloupe. Ce plan permet d'indemniser les pêcheurs touchés par la pollution des eaux territoriales à hauteur de 300 000 euros en AE et CP, dont 100 000 euros du programme 149 vers le programme 162 et 200 000 euros du programme 206 vers le programme 162.

Enfin, ce transfert permet également de financer la contribution du ministère de l'agriculture et de l'alimentation au fonctionnement des pôles de compétitivité pour la gestion 2019, à hauteur de 1 195 000 euros en AE et CP du programme 149 vers le programme 134.

Les annulations se répartissent de la façon suivante : programme 149 : 6 295 000 euros en AE et CP.

– programme 206 : 200 000 euros en AE et CP.

Les ouvertures se répartissent de la façon suivante :

– programme 134 : 1 195 000 euros en AE et CP ;

– programme 162 : 5 300 000 euros en AE et CP.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 3 juillet à 9 heures

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. François André, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, M. Gilles Carrez, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Francis Chouat, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. M'jid El Guerrab, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, Mme George Pau-Langevin, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, M. François Pupponi, M. Xavier Roseren, M. Jacques Savatier, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Damien Abad, Mme Émilie Cariou, M. Daniel Labaronne, M. Jean-Paul Mattei, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jean-Luc Warsmann

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