Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Jeudi 4 juillet 2019

- Présidence de M. Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office -

La réunion est ouverte à 9 h 13.

Audition, sous forme de table ronde, ouverte à la presse, sur les tendances de la recherche sur l'énergie : les énergies renouvelables

Présidence de Mme Angèle Préville, sénatrice.

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Angèle Préville, sénatrice

– Chers collègues, mesdames et messieurs, nous sommes très heureux de vous accueillir ce matin, pour évoquer les grandes tendances de la recherche en énergies renouvelables.

Il y a un an, l'Office faisait le point sur les axes de la recherche dans le domaine de l'énergie nucléaire. Nous complétons aujourd'hui nos travaux sur l'avenir énergétique de notre pays par une matinée consacrée aux énergies renouvelables. Cette audition s'inscrit dans une actualité chargée, quelques mois après l'annonce de la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), pour les années 2019-2023 et 2024-2028, et au moment où un projet de loi relatif à l'énergie et au climat est examiné par le Parlement. L'Assemblée Nationale a examiné ce texte en première lecture il y a quelques jours. Le Sénat l'examinera en séance publique à partir du 16 juillet. La préoccupation de plus en plus marquée de nos concitoyens pour la transition énergétique constitue un autre élément important de contexte.

Je vous propose quelques rappels sur la situation actuelle de notre pays. En 2017, année de référence pour la PPE, environ 17 % de la production électrique française provenait d'énergies renouvelables, dont 10 % d'hydraulique. La PPE prévoit une hausse, par rapport à 2017, de 50 % des capacités installées de production d'électricité renouvelable, avec un total de 74 gigawatts en 2023, puis entre 102 et 113 gigawatts en 2028, soit un doublement par rapport à 2017. Les trois principales filières qui sont aujourd'hui, par ordre d'importance, l'hydroélectricité, l'éolien terrestre et le photovoltaïque, deviendraient en 2028 le photovoltaïque, l'éolien terrestre et l'hydroélectricité. Dans le cadre européen, l'objectif est désormais de parvenir à 32 % d'énergies renouvelables d'ici 2030.

Pour parler de l'avenir de ces énergies renouvelables, l'audition publique de ce matin se déroulera sous la forme de deux tables rondes.

La première portera sur les axes de la recherche visant à répondre aux objectifs nationaux de la PPE. Elle s'intéressera à la manière d'atteindre les objectifs d'augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, fixés par la France et par l'Europe. Nous entendrons le point de vue des acteurs publics français (DGEC, ADEME), des industriels et des chercheurs.

La seconde portera sur les axes de recherche et de développement des technologies du futur. Ces réflexions ne répondent pas forcément à des contraintes publiques déjà fixées, mais ouvrent des perspectives de développement.

L'Office examinera, ultérieurement, ses conclusions sur cette matinée, en incluant les réflexions découlant de l'audition sur la recherche en matière d'énergie nucléaire, qui a eu lieu l'an passé.

Je remercie tous les participants de leur présence ce matin. Leurs propos vont pouvoir éclairer les membres de l'Office et au-delà, le Parlement dans son ensemble. Notre audition était initialement prévue le 13 juin dernier, mais la présentation par le Premier ministre de sa déclaration de politique générale devant le Sénat le même jour nous a contraints de la reporter. Je prie nos intervenants de bien vouloir nous en excuser, car il s'agissait d'un cas de force majeure, et je les remercie pour leur disponibilité aujourd'hui.

Je signale que la présente audition est ouverte à la presse, diffusée sur Internet en direct et sera visible en différé. Selon une habitude maintenant bien établie, les internautes ont la possibilité de poser des questions en ligne, s'ils le souhaitent, à travers le lien présent sur les pages Internet de l'Office et de l'Assemblée nationale. C'est notre collègue Huguette Tiegna, docteure ingénieure dans les énergies renouvelables, qui synthétisera et présentera les questions des internautes.

Nous en venons à la première table ronde portant sur les axes de recherche pour répondre aux objectifs nationaux de la PPE.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

– Bonjour à toutes et à tous. Je vous prie de bien vouloir excuser le Président de l'Office, Gérard Longuet, pris par d'autres engagements ce matin.

Notre premier vice-président Cédric Villani, retenu en début de matinée par une séquence média, va nous rejoindre d'un moment à l'autre.

Première table ronde : Les axes de recherche pour répondre aux objectifs nationaux de la PPE

Présidence : Mme Angèle Préville, sénatrice

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Angèle Préville, sénatrice

– Première intervenante, Madame Alice Vieillefosse, directrice de cabinet du directeur général de l'énergie et du climat, au ministère de la transition écologique et solidaire va nous rappeler les objectifs nationaux fixés par le Gouvernement en matière de transition énergétique et les axes de développement privilégiés pour les énergies renouvelables.

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Alice Vieillefosse, directrice du cabinet de la DGEC

– Merci beaucoup de m'avoir invitée aujourd'hui. Je vous rappellerai en introduction, assez brièvement, les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie. Avec cet exercice de programmation, nous avons souhaité donner de la visibilité aux acteurs de la filière, avec des objectifs clairs et précis pour la stratégie énergie-climat. La priorité est aux économies d'énergie. Bien que ne faisant pas partie du thème de la matinée, il était important de le rappeler parce qu'elles constituent l'un des piliers fondamentaux de notre politique énergétique.

Le deuxième pilier est le développement des énergies renouvelables. L'idée est de promouvoir en priorité les filières compétitives, en particulier la chaleur renouvelable, le solaire et l'éolien, et de permettre l'émergence de nouvelles filières : l'éolien en mer, le biogaz, le froid renouvelable.

Nous avons fixé des objectifs ambitieux : 38 % de chaleur renouvelable, dans le cadre du développement des réseaux de chaleur auquel nous sommes très attachés, 40 % d'électricité renouvelable, et 10 % de gaz renouvelable dans notre mix en 2030, sous condition d'avoir évidemment réussi à réduire les coûts.

Pour atteindre ces objectifs ambitieux, l'innovation est évidemment un élément indispensable. Elle nécessite l'implication de tous, que ce soit les chercheurs, les industriels, ou les pouvoirs publics. L'État essaie réellement de se positionner pour accélérer ces innovations et la recherche et développement dans ce domaine. Pour cela, nous voulons capitaliser sur tout ce qui a bien fonctionné jusqu'à présent. Aujourd'hui, environ 400 millions d'euros par an sont consacrés à la recherche, au développement et à l'innovation pour la transition écologique, les énergies renouvelables et les économies d'énergie. Nos organismes publics de recherche sont à la pointe : certains sont d'ailleurs présents aujourd'hui parmi nous. Évidemment, il faut capitaliser sur leur savoir et leurs compétences.

Le programme d'investissements d'avenir (PIA) est le bras armé de l'innovation en faveur de la transition écologique, avec différents outils qui ont démontré leur efficacité.

Le premier outil est constitué de l'ensemble des Instituts pour la transition énergétique, notamment l'IPVF (Institut photovoltaïque d'Île-de-France) et l'INES (Institut national de l'énergie solaire) sur le solaire, France Énergies Marines pour les énergies marines, SuperGrid pour le réseau électrique. Ces instituts visent à promouvoir la recherche associant public et privé et à développer l'innovation, afin d'accélérer la mise sur le marché. Ce sont des instituts clés pour l'atteinte de nos objectifs et pour l'innovation, nous en attendons beaucoup dans les prochaines années.

Le deuxième outil, particulièrement efficace, est celui des guichets démonstrateurs de l'ADEME, soutenus également par le PIA. Entre 2010 et 2018, 758 projets ont été soutenus dans les nouvelles technologies, pour un montant d'aides publiques de 2,5 milliards d'euros, montant significatif investi par l'État. Le budget global de ces projets étant de 7,2 milliards d'euros, l'effet levier de l'aide public est très significatif.

Cela a permis de financer des projets exemplaires : par exemple, les quatre fermes pilotes d'éoliennes flottantes, dont la construction va bientôt commencer, et des projets de biogaz, avec Wagabox, une start-up très intéressante, très prometteuse. Ces démonstrateurs permettent de mettre en oeuvre des technologies nouvelles à l'échelle 1. Pour nous, c'est très important d'arriver à travailler sur toute la chaîne de valeurs dans la recherche et l'innovation, et d'avoir des démonstrateurs pour préparer les déploiements nécessaires.

De notre côté, à la DGEC, nous essayons également d'avoir des outils pour prévoir le déploiement car, parfois, certaines technologies, même si elles ont des démonstrateurs, ne sont pas encore suffisamment mûres pour être déployées massivement. Nous pouvons citer par exemple l'appel d'offres sur le photovoltaïque innovant, qui permet de soutenir des installations au sol ou sur les bâtiments. Nous essayons également de nous tenir informés des innovations, qui, au-delà des innovations technologiques, peuvent être des innovations de financement : ainsi, dans le cadre des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables électriques, le bonus pour le financement participatif, pour ce qui concerne les tarifs d'achat.

Il existe également, dans le cadre du dispositif des certificats d'économie d'énergie, des programmes innovants dont certains visent à promouvoir des solutions de chaleur renouvelable, de substitution d'énergies fossiles, comme le programme ACT®. Nous essayons d'améliorer continuellement les outils existants. Nous devons continuer les efforts pour déployer les innovations, et pour arriver à relever les défis devant nous.

J'en citerai principalement trois. Le premier est évidemment d'offrir des solutions d'énergies renouvelables à un coût acceptable pour tous les Français. Même si des solutions technologiques sont disponibles, nous devons encore faire des efforts sur les coûts en recherche, développement et innovation, pour la massification.

Le deuxième défi est d'arriver à proposer des solutions énergétiques intégrées. Certaines énergies renouvelables sont très intermittentes. Il faut donc arriver à stocker cette énergie, mais également à faire le lien entre les différents vecteurs énergétiques. Il sera nécessaire d'avoir une vision plus intégrée des systèmes énergétiques et une vision multi-vecteur.

Le dernier enjeu est l'acceptabilité. Pour massifier les énergies renouvelables, nous avons besoin d'avoir des énergies renouvelables acceptables et acceptées par tous. Je pense qu'il y a également beaucoup de choses à faire dans le domaine de la recherche en sciences humaines et sociales, pour promouvoir efficacement les énergies renouvelables. Cela nous semble essentiel.

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Angèle Préville, sénatrice

– Nous allons maintenant entendre David Marchal, directeur exécutif adjoint en expertise et programmes de l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) qui va évoquer les objectifs de la PPE, en insistant sur le double aspect sobriété et mix d'énergies renouvelables, sur les conditions de sa réussite, les verrous à lever et plus généralement les actions de l'ADEME dans ce cadre.

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David Marchal, directeur exécutif adjoint en expertise et programmes de l'ADEME

– Merci de m'avoir invité à cette audition. Bien entendu, sans répéter ce qu'Alice Vieillefosse a déjà dit, il est clair que nous avons des objectifs ambitieux pour la PPE.

Je voudrais évoquer en premier lieu le bilan des dépenses de R&D de la France depuis les années soixante-dix, réalisé par l'Agence internationale de l'énergie pour ses différents pays membres. Nous voyons que les soutiens à la R&D sur les énergies renouvelables sont en augmentation depuis les années 2000. Tout l'enjeu est de savoir comment nous pouvons considérer finalement ces coûts, ces dépenses, comme des investissements aujourd'hui. Il s'agit bien de R&D et les dépenses de R&D sont des investissements à transformer en emplois, en industrie et en fabrication en France.

Concernant les coûts, nous entendons souvent dire que le déploiement des énergies renouvelables coûte cher. Effectivement, la PPE est associée à des systèmes de soutien pour son déploiement. Je voudrais cependant insister sur les baisses de coûts passées, et rappeler les gains que nous avons pu faire. Aujourd'hui, notamment en prenant en compte la CSPE (contribution au service public de l'électricité), le complément de rémunération moyen apporté par l'État aux énergies électriques renouvelables est de 95 euros par mégawattheure en moyenne. Pour toutes celles programmées dans le cadre de la PPE, ce soutien va diminuer de 95 euros à 25 euros. Par rapport au coût de la CSPE dont nous entendons souvent parler, et les 7 milliards d'euros de soutien public notamment aux EnR électriques, il faut bien avoir conscience que c'est grâce à l'accélération que vous avez mentionnée dans les rythmes de déploiement, que nous pouvons avoir cette division quasiment par quatre du soutien moyen aux énergies renouvelables électriques dans le cadre de la PPE. Il s'agit là d'un point très important, parce qu'il signifie que nous progressons vers la compétitivité. Cela complète le premier point que j'évoquais sur la manière de transformer les coûts de R&D en investissement et donc en développement industriel.

Je voulais également évoquer les actions de l'ADEME et présenter, sans répéter ce qu'Alice Vieillefosse a déjà expliqué, pourquoi il y a plusieurs guichets de soutien à la R&D, qui diffèrent selon la maturité technologique des projets, sur une échelle qui s'appelle le TRL (Technology readiness level), indice de maturité technologique. À l'ADEME, plusieurs programmes s'adressent à des niveaux de maturité différents. Lorsqu'il s'agit de recherche proche de la recherche fondamentale, en amont, nous soutenons plutôt des thèses. Ensuite, nous lançons des appels à projets de recherche, avec un budget d'environ 30 millions d'euros par an, dont 30 % pour les énergies renouvelables. Pour les projets plus proches de la maturité, plus importants en taille et qui font l'objet de démonstrateurs, voire de fermes pilotes, l'ADEME est opérateur du programme d'investissements d'avenir. S'agissant des énergies renouvelables, du stockage, ou encore des smart grids, nous avons aidé, jusqu'à 2018, environ 400 bénéficiaires, avec 1,1 milliard d'euros de soutien public, pour des démonstrateurs et des fermes pilotes.

Je souhaiterais maintenant évoquer plus spécifiquement les axes de R&D. Un certain nombre de technologies prévues dans le cadre de la PPE sont déjà matures. C'est d'ailleurs pour cela qu'elles ont été choisies comme technologies majeures à déployer, avec un certain niveau de maturité financière. Si nous raisonnons sur le court terme de la PPE, les enjeux de R&D se déplacent petit à petit du développement technologique vers des questions d'intégration au système énergétique et d'acceptabilité sociale, même si le développement technologique demeure important.

Il faut bien avoir en tête que le soutien à l'innovation peut soit concerner des technologies prises individuellement – comment améliorer les performances d'une technologie donnée, comme le photovoltaïque, l'éolien etc. – ou chercher à faciliter l'intégration de technologies entre elles. Nous pouvons aussi chercher à faciliter leur déploiement et dans ce cas, nous traitons plutôt des thématiques sociologiques et économiques.

S'agissant du stockage dont nous entendons souvent parler, il y a un intérêt évident à préparer l'avenir. Il y aura un sujet pour les zones insulaires, qui peuvent être des territoires d'expérimentation. Il y a un intérêt aussi à préparer ces technologies pour que des acteurs industriels puissent les déployer après 2030, quand le besoin s'en fera vraiment ressentir dans le système électrique. Mais je voudrais en revanche souligner qu'il n'y aura pas besoin avant l'horizon 2030 de technologies de stockage à intégrer au système électrique français métropolitain.

Enfin, je voudrais évoquer certains verrous qui pèsent aujourd'hui sur différentes technologies. Ainsi, l'un des verrous de l'éolien, à notre sens, est l'absence de chef de file. Nous avons financé des instituts pour la transition énergétique dans d'autres domaines, comme cela a été mentionné (le photovoltaïque, les smart grids) mais nous n'avons pas de chef de file de la R&D sur l'éolien en France qui permettrait de faire le lien entre les nombreux laboratoires qui travaillent sur des sujets proches et avec les industriels. Pourtant, il y a beaucoup de thématiques, beaucoup de R&D à faire sur les caps dynamiques de l'éolien en mer, sur des turbines de grande taille, etc. Nous soutenons beaucoup de projets en ce sens mais nous gagnerions à avoir un opérateur qui fasse le lien entre la R&D et le monde de l'industrie.

Concernant le photovoltaïque, les enjeux concernent la baisse des coûts et l'écoconception : notamment, la réduction de l'impact environnemental des modules. Il y a d'autres sujets comme l'agrivoltaïsme, une thématique de R&D intéressante, pour concilier une production agricole avec une production photovoltaïque.

Mon introduction portait majoritairement sur l'électricité, mais il faut aussi parler de la chaleur, qui représente un enjeu majeur pour la PPE. Les enjeux de R&D concernent également la chaleur renouvelable ou le bois-énergie, avec notamment des questions de qualité de l'air et de filtre. Par exemple, des projets intéressants ont pour but de réduire les émissions de NOx (oxyde d'azote). Nous avons également des enjeux de R&D assez différents, sur la modélisation du puits de carbone en forêt et les impacts que pourrait avoir la mobilisation accrue de la biomasse forestière sur celui-ci. Pour les pompes à chaleur, les enjeux concernent les fluides frigorigènes : comment abaisser leur impact environnemental et comment développer des pompes à chaleur à haute température.

En ce qui concerne le biogaz, les questions portent sur la baisse des coûts, la digestion en anaérobie, les cultures intermédiaires à vocation énergétique. Il s'agit de recherches à la fois d'ordre agronomique et portant sur des sujets bactériologiques en lien avec la digestion.

Enfin, nous soutenons des projets concernant les biocarburants, notamment les technologies de seconde ou de troisième génération, et les baisses de coûts et d'impacts environnementaux attendus. Les enjeux portent sur la facilité d'intégration de ces biocarburants, en termes d'incorporation dans les carburants classiques, pour faciliter la substitution aux carburants fossiles.

Je pourrais passer en revue d'autres énergies. Nous sommes ainsi également opérateurs sur l'hydrogène, que nous pourrions évoquer à l'occasion des questions qui suivront.

En conclusion, des verrous existent mais nous restons actifs pour soutenir la R&D dans les énergies renouvelables. L'État a aussi un rôle important à jouer dans le développement industriel. C'est ce que nous essayons de faire au travers des investissements d'avenir. Nous avons cité les fermes pilotes éoliennes flottantes. Cette filière est assez emblématique de ce que la France pourrait faire en termes de développement industriel sur les énergies renouvelables. Aujourd'hui, avec l'évolution des technologies, des questions similaires peuvent se poser, sur le photovoltaïque par exemple, avec pourquoi pas des questions de réimplantation d'usine ou d'industrie en France, alors que la majeure partie de l'industrie a aujourd'hui migré en Asie.

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Angèle Préville, sénatrice

– Je vous remercie. Il se trouve que le sujet du stockage de l'électricité ne m'est pas inconnu, car j'ai présenté une note scientifique de l'Office sur ce sujet au début de l'année : nous sommes en accord sur ce sujet1.

La parole est maintenant à Monsieur Alexandre Roesch, délégué général du Syndicat des Énergies Renouvelables (SER), créé en 1993. Celui-ci regroupe la quasi-totalité des entreprises intervenant dans ce secteur en France, grandes et moins grandes : Engie, EDF, Compagnie Nationale du Rhône, France Hydroélectricité, Dalkia,.... Vous serez donc leur porte-voix commun ce matin, même si les entreprises en question n'ont pas forcément toutes les mêmes stratégies, orientations et intérêts.

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Alexandre Roesch, directeur général du Syndicat des Énergies Renouvelables

– Merci d'avoir convié le SER à cette audition publique. Je vais rebondir sur ce qui a été dit par les deux intervenants précédents, et notamment Alice Vieillefosse, qui terminait par trois défis.

En effet, pour atteindre les objectifs de la PPE, qui sont finalement assez proches – 2028 est un horizon de temps assez court – mais avec des volumes ambitieux, trois axes nous semblent importants. Le premier est celui de l'appropriation locale des projets d'énergies renouvelables. Le deuxième est celui de l'industrialisation des filières des énergies renouvelables, puisqu'il ne s'agit pas seulement de déployer des volumes, mais il faut aussi dégager des opportunités industrielles. Enfin, le troisième axe est celui de l'intégration des énergies renouvelables au système énergétique. Je pense que Florence Lambert reviendra sur certains de ces sujets.

Concernant le premier axe, pour aller un peu plus dans le détail, nous voyons que la PPE a fait le choix de recourir majoritairement à des technologies extrêmement compétitives aujourd'hui : l'éolien, qu'il soit terrestre ou en mer, le solaire photovoltaïque et, notamment, l'usage de la biomasse dans la chaleur. Je rappelle que la chaleur représente aujourd'hui 45 % de la consommation d'énergie en France et qu'elle reste carbonée à 80 %. C'est un enjeu majeur de décarbonation de notre mix énergétique.

La PPE a fait le choix de se reposer en grande partie sur ces technologies, pour lesquelles la recherche a permis des gains de compétitivité importants. Nous le voyons dans les résultats des appels d'offres très récents. Néanmoins, les progrès technologiques se poursuivent.

À propos de l'appropriation locale des projets, je voudrais vous donner quelques exemples plus concrets. Commençons d'abord par l'éolien. Il y a aujourd'hui différents sujets de questionnement et d'appropriation locale face auxquels nous identifions comme axe de recherche la diminution des émissions sonores des éoliennes, qui peut être perçue comme un enjeu dans certains territoires. Nous avons un gros travail également à faire avec les services de l'État pour réduire l'impact du balisage, notamment nocturne, des éoliennes. Il y a tout un axe de recherche sur la réintégration des enjeux environnementaux, le développement de systèmes d'observation de la faune et de la flore, qu'elle soit terrestre ou maritime. Je voudrais citer l'exemple du programme de recherche « Éolien et biodiversité », piloté par la Ligue de Protection des Oiseaux, grâce auquel le suivi environnemental des projets éoliens génère des données qui sont ensuite versées dans un compte commun géré par le Muséum national d'histoire naturelle. Cela permet d'apprendre en développant les projets, pour que les études d'impact puissent être réalisées à l'avenir encore plus facilement.

Il y a un sujet de gestion des conflits d'usage à approfondir, avec de meilleures cartographies des sensibilités, pour faciliter les co-usages, avec les radars par exemple. Un autre sujet qui émerge dans le débat et sur lequel la filière se mobilise est celui de la fin de vie des éoliennes, notamment le recyclage des matériaux et des pales qui sont en grande partie en matière composite. Nous voyons maintenant émerger des solutions qu'il va falloir désormais industrialiser. Je rappelle que cette première filière devra, si l'on en croit la PPE, générer 35 gigawatts par an de capacité installée alors qu'elle ne produit que 15 GW aujourd'hui.

Concernant le solaire photovoltaïque, comme cela a été mentionné, il est intéressant de voir que de nouvelles applications émergent. Une installation de solaire flottant sera prochainement mise en route. Là aussi, il y a un enjeu de maîtrise du foncier : nous commençons sur des zones artificialisées, mais il faut aussi pouvoir développer du photovoltaïque sur des gravières par exemple. Il existe un potentiel en France en la matière et nous voyons des nouvelles applications apparaître.

L'agrivoltaïsme en est une autre. Avec le changement climatique, des zones viticoles, par exemple, connaissent des augmentations d'alcool dans le raisin. Des applications extrêmement intéressantes apparaissent, permettant à des systèmes photovoltaïques placés sur traqueur de gérer le stress hydrique des plantes et donc de développer un co-usage, entre développement d'énergie solaire photovoltaïque et développement de la production de biomasse.

Pour parler de la biomasse et du bois énergie – le président du Conseil national de l'air est dans la salle – la technologie et la recherche sur les appareils de chauffage au bois, notamment de chauffage domestique, ont énormément progressé au cours de ces dix dernières années. Cela s'est appuyé sur la mise en place d'un label, dénommé « Flamme Verte ». L'enjeu aujourd'hui, pour progresser davantage sur la qualité de l'air, et notamment sur les émissions de NOx, est de travailler sur la qualité du combustible. Les efforts que nous réalisons sur les équipements pourraient en effet être annihilés par l'usage d'un mauvais combustible. Avoir un combustible labellisé de qualité, avec un taux d'humidité contrôlé, représente donc un enjeu aujourd'hui pour la filière. C'est en même temps une opportunité de développement industriel, puisque des filières de production de bois bûche de qualité apparaissent. Il y a par ailleurs le marché du granulé, qui arrive en force, et qui lui aussi apporte des solutions très concrètes en termes de maîtrise de la qualité de l'air.

Le deuxième enjeu est celui de l'industrialisation des filières des énergies renouvelables. Dans le cadre du Conseil national de l'industrie, des comités stratégiques de filières ont été mis en place. Il y en a un notamment qui s'intitule « Industrie des nouveaux systèmes énergétiques » et qui trace des perspectives à la fois de recherche et d'industrialisation des différentes filières. Le gaz renouvelable est un objectif important de la PPE. Au-delà des débats que nous pouvons avoir sur les volumes et les baisses de coûts attendues, il y a un travail d'identification des leviers de baisse des coûts, actuellement mené par la filière. Est également en cours une revue de littérature scientifique pour identifier les externalités positives de cette filière, les quantifier, les objectiver et ensuite les valoriser dans une discussion plus large sur les co-bénéfices qu'elle peut générer. Je citerais également un chantier de structuration industrielle de la filière, d'accompagnement des PME et des ETI, pour qu'elles soient mieux positionnées dans leurs relations avec les autres donneurs d'ordres de la chaîne de valeur et que nous puissions créer une filière française industrielle du gaz renouvelable, notamment sur la partie amont.

L'éolien en mer est évidemment un enjeu majeur. Ces 15 derniers jours, plusieurs annonces importantes ont été faites par le Premier Ministre dans son discours de politique générale et été reprises par le ministre d'État. Aujourd'hui, les volumes sont d'un gigawatt par an, dans la première partie de la PPE. C'est en tout cas ce que nous attendons dans la version révisée de la PPE. Il y a un enjeu industriel fort. Je rappelle que les six premiers parcs posés d'éolien en mer vont générer 15 000 emplois en France, avec des implantations industrielles sur des segments majeurs, notamment la production de pales et de nacelles. Une implantation industrielle est en train d'apparaître avec ces six premiers parcs.

L'enjeu en second lieu est celui de l'éolien flottant, comme le mentionnait David Marchal. La France s'est bien positionnée technologiquement sur cette filière, qui est à 80 % identique à celle de l'éolien posé. Les différences proviennent en fait des technologies de flotteurs, et d'ancrage des structures aux fonds marins. Là-dessus, nous avons de bons positionnements et un très bon exemple de la continuité d'un instrument d'aide publique de recherche-démonstration, avec le programme d'investissements d'avenir (PIA). La première éolienne flottante au large du Croisic, connectée au réseau depuis l'automne dernier, a ainsi bénéficié du PIA porté par l'ADEME. De la même manière, quatre fermes pilotes vont voir le jour assez rapidement. Nous nous réjouissons qu'il y ait dans la PPE une poursuite de cette trajectoire de développement industriel. Nous aurons des projets de l'ordre de 250 mégawatts sur l'ensemble des zones et des régions identifiées : un en façade Atlantique, et deux autres en façade Méditerranée.

S'agissant du solaire photovoltaïque, il existe un enjeu de relocalisation industrielle. Dans le passé, il y a eu des difficultés, mais aujourd'hui, grâce à l'excellence de nos centres tels que l'INES et l'IPVF, la recherche ouvre des perspectives de déploiement industriel en France. Nous avons des technologies différenciantes, à des stades de démonstration, qui n'attendent plus que de passer à des phases industrielles et qui seront extrêmement compétitives sur les marchés internationaux. De la même manière, nous observons que les projections, qu'elles soient européennes ou mondiales, sont très élevées pour cette filière. Il ne faut pas rater le coche. La bataille industrielle n'est pas perdue sur le solaire photovoltaïque.

Pour terminer, je voudrais mentionner deux technologies importantes qui n'ont plus aucune perspective dans la PPE, ce que nous regrettons beaucoup : l'hydrolien et la géothermie.

À propos de l'hydrolien, ces dix derniers mois, une première mondiale a eu lieu avec la mise en place d'une ferme hydrolienne fluviale sur le Rhône, suite à un partenariat entre Hydroquest, Voies Navigables de France et les Chantiers de l'Atlantique. Ensuite, trois démonstrateurs ont été mis à l'eau au cours des derniers mois à Ouessant, à Étel, et à Paimpol-Bréhat. Nous avons bénéficié de financements publics et nous sommes au stade des démonstrateurs. Les PME françaises sont présentes sur le terrain. Elles continuent de déployer des modèles de démonstrateurs à l'échelle 1. L'enjeu maintenant est de passer au stade de la ferme pilote. Là encore, nous pensons qu'une combinaison intelligente des programmes d'investissements d'avenir et des instruments de financement européens pourrait apporter des solutions.

Pour terminer, une autre filière importante est la géothermie. Je la mentionne car c'est un enjeu stratégique. Peu de gens le savent mais les eaux géothermales ont un fort potentiel de production de lithium. Nous avons fait de premiers calculs : avec 10 sites géothermaux exploités, nous pourrions produire l'équivalent d'à peu près 6 % de la production mondiale de lithium actuelle. Les gisements se trouvent en Alsace et dans le Massif Central notamment. Un projet européen mené par ERA-NET sur le sujet, en lien avec les autres filières industrielles, notamment en mobilité électrique, nous semble absolument fondamental. La géothermie électrique est aussi une filière qui a plusieurs avantages.

Sur le tout dernier enjeu, celui de l'intégration du système énergétique il n'y aura pas d'explosion des besoins de flexibilité à court terme. Par contre, après 2035, il va falloir préparer le terrain et alors nous avons différentes solutions : stockage, modulation de la demande ou de l'offre, etc. Je pense que nous y reviendrions dans les échanges.

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Angèle Préville, sénatrice

– Merci pour votre intervention. Madame Florence Lambert, nous nous étions rencontrées à l'occasion de la préparation de ma note, que j'évoquais tout à l'heure. Je vous remercie de votre présence. Vous êtes du côté de la recherche publique, en tant que directrice du CEA-Liten et présidente de la commission industrie, emploi et innovation du Syndicat des énergies renouvelables. Je rappelle que le CEA est depuis 2010, soit près de dix ans déjà, devenu le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, et que le Liten est le laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux. L'Office a travaillé récemment de manière très fructueuse avec le Liten, pour notre rapport sur les scénarios technologiques pour la décarbonation du parc des véhicules thermiques en France à l'horizon 2040. Madame Lambert évoquera les grandes tendances de développement des énergies renouvelables explorées au CEA, en nous proposant sans doute des illustrations avec quelques exemples concrets. Madame Lambert pourra aussi donner un éclairage sur les partenariats industriels et les transferts de technologie souhaitables et possibles dans le cadre de la PPE.

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Florence Lambert, directrice du CEA-Liten

– Merci pour cette invitation. Effectivement, je dirige le CEA-Liten qui compte un millier de chercheurs dans les nouvelles technologies de l'énergie, avec une visibilité aujourd'hui mondiale. En termes d'effectifs, nous sommes le troisième institut au monde à travailler sur les nouvelles technologies de l'énergie, et le premier en nombre de brevets par chercheur, en déposant 220 brevets par an.

Je voudrais surtout revenir aujourd'hui sur deux aspects. Tout d'abord, avec ma vision de chercheuse, un peu à 360 degrés, j'évoquerai les grands défis qui sont devant nous. Ensuite, comme vous le proposez, j'illustrerai les stratégies et les résultats qui ont été produits par le CEA dans les cinq dernières années.

Pour moi – c'est la thésarde de l'ADEME, l'une des premières sur le stockage de l'électricité, qui vous parle –, un des points importants est la réflexion planétaire que nous voyons se développer et qui est aujourd'hui reprise dans une stratégie nationale, affirmée et forte. Pour un organisme de recherche, cela constitue une réelle opportunité pour permettre de synchroniser l'ensemble des feuilles de route.

Maintenant, face à cette vision qui aujourd'hui se précise, je vois différents défis. Tout d'abord, le défi technologique. Nous allons au-devant de ruptures technologiques, que ce soit pour le solaire photovoltaïque, les batteries ou l'arrivée de l'hydrogène. Ces ruptures technologiques vont rebattre les cartes dans le monde. Cela veut dire qu'il faudra peut-être démarrer de nouvelles usines. Dans ce contexte, nous devons être attentifs à promouvoir une initiative européenne et française. Nous n'aurons peut-être pas forcément en face de nous, sur chacun des sujets, des usines asiatiques déjà amorties. Pour moi, c'est un sujet, et je pense qu'avec Didier Roux, ici présent, nous allons pouvoir échanger sur ces aspects.

C'est un sujet sur lequel il faut vraiment se concentrer pour essayer de voir quelle sera notre stratégie future. Je ne crois pas que nous resterons une grande nation de l'énergie si nous nous contentons d'intégrer des cellules, que ce soit des cellules photovoltaïques de champs solaires ou des cellules de batteries pour les véhicules électriques. Leur évolution est un vrai enjeu et le fait de les intégrer simplement au niveau du système ouvre le risque de ne pas avoir accès aux dernières technologies, qui sont très évolutives, et fait peser un risque de décrochage sur l'ensemble des sujets. Nous devrons investir de nouveau dans des usines avec des objectifs technico-économiques mondiaux.

Deuxième point important, la transition énergétique ne sera pas juste la juxtaposition de technologies de production ou de stockage. Il faut une vision systémique des solutions et c'est là un défi pour les chercheurs. Il va falloir, comme l'évoquait tout à l'heure Madame Vieillefosse, avoir une vision systémique multifactorielle, en traitant les électrons, la chaleur, les gaz, dont l'hydrogène qui constituera probablement une passerelle énergétique. Dans ce contexte, les chercheurs vont devoir aller assez vite sur des évolutions des usages qui seront aussi sources d'innovation.

Le troisième défi, dont on parle régulièrement, est le croisement avec le numérique sous toutes ses formes. C'est un défi majeur, avec les capteurs, les « big data », des briques logicielles, des outils numériques pour optimiser l'ensemble.

Face à l'ensemble de ces défis, le CEA mise sur une vision complètement intégrée et unique de l'énergie, en coordonnant tous ces sujets, tenant à la fois du nucléaire et des énergies renouvelables, en gardant une vision complémentaire de ces énergies et en cultivant cette vision systémique. Nous allons mettre également l'accent sur le croisement entre technologie et numérique.

Dans le cadre des nouvelles technologies de l'énergie, nous avons fait des choix, en nous concentrant sur les sujets où pouvons bénéficier de positions différenciantes. Je rappelle que, dans notre histoire, nous sommes partis de deux origines : d'une part, la maîtrise des matériaux, issue du nucléaire, qui a permis de développer un socle de connaissances sur l'hydrogène ou les batteries ; d'autre part, sur la microélectronique, qui aujourd'hui est porteuse de ruptures dans les procédés, en particulier dans le domaine du solaire.

Ensuite, nous avons appliqué le modèle de la recherche technologique, qui permet de travailler sur toute la chaîne de valeur des matériaux composants jusqu'à l'intégration système, en investissant dans des lignes pilotes importantes pour les usines et qui réduisent les risques des développements des procédés pour les industriels, et en travaillant avec un segment industriel qu'on oublie parfois : les équipementiers industriels. Quand nous imaginons une usine, certes, il s'agit d'investissement, mais aussi de compétence en matière de procédés industriels et celle-ci est souvent portée par le segment des équipementiers. Bref, cette démarche permet d'agréger des écosystèmes industriels sur toute la chaîne de la valeur en développant des filières complètes.

Sur ces nouvelles technologies de l'énergie, nous avons trois axes de développement qui s'intègrent dans la transition énergétique. Le premier vise à travailler sur l'électrification des systèmes, des réseaux ou du transport. Dans cette électrification, nous concentrons nos recherches sur le solaire photovoltaïque, en développant des filières qui sont aujourd'hui au meilleur niveau mondial, à la fois en matière de rendement – nous sommes au-delà de 23 % en performances industrielles, et non plus de laboratoire – et avec des coûts compétitifs, c'est-à-dire en visant 20 centimes d'euro le watt crête. Cette technologie est mature. Elle a d'ores et déjà été transférée à ENL, en Italie, et elle est aujourd'hui complètement disponible pour être transférée sur le sol français. Des discussions sont en cours.

Le deuxième sujet concernant le solaire photovoltaïque consiste à le déployer sur l'ensemble des surfaces et de travailler aussi bien sur le solaire flottant que sur l'intégration du solaire dans les bâtiments. Cela constituera un vrai vecteur de déploiement d'électricité.

Le pilotage des réseaux énergétiques est bien sûr lié à l'intégration des énergies renouvelables. On parle de sources de production qui vont être commandables, avec l'électronique de puissance et la gestion de la demande. Ces deux notions vont également faire appel au croisement du numérique et de l'énergie. Le stockage est l'un des enjeux aujourd'hui pour le CEA sur l'ensemble de ses composantes, essentiellement en nous concentrant sur les batteries : nous prenons d'ailleurs part à « l'Airbus des batteries ». Nous travaillons sur les ruptures autour des batteries « tout solide », qui vont apporter plus d'autonomie, plus de sécurité, et à des coûts compétitifs (nous ciblons environ 70 euros le kilowattheure). Nous travaillons également sur l'hydrogène. Nous avons accompagné le consortium d'équipementiers français, incluant Michelin, Faurecia et Symbio, autour de la pile à combustible. Construire des piles à combustible pour la mobilité est une bonne idée, mais nous nous préoccupons d'atteindre une production d'hydrogène compétitive, avec des technologies à haute température, avec des objectifs à moins de 2 euros le kilo.

Je terminerai en disant qu'un troisième axe est aujourd'hui en train de se dessiner, de plus en plus nettement : il s'agit de superposer à toutes nos feuilles de route visant plus de rendement et plus de kilowattheures, des feuilles de route plus économes en matériaux et en procédés. Cet enjeu est de plus en plus ancré dans notre stratégie. Je suis assez convaincue que tout cela permettra d'arriver à des développements percutants, en encadrant nos développements avec des analyses de cycle de vie.

En conclusion, je voudrais être un peu provocatrice en vous disant que nous sommes aujourd'hui à un moment très important de la transition énergétique et que nous avons basculé dans une économie de marché. C'est une bonne nouvelle. Cependant, une plus mauvaise nouvelle tient peut-être aussi à cette économie de marché car nous ne devons pas oublier que les temps de l'énergie sont des temps longs. Si nous voulons rester une grande nation, il faudra investir, peut-être pas sur toutes les technologies, mais en en choisissant certaines, qu'il faudra maîtriser complètement.

Pour moi, le mot-clé, c'est la nécessité de synchronisation de tous les acteurs. Les choix des filières ne sauraient être aux mains des seuls acteurs de R&D. Il faut synchroniser à la fois les objectifs de l'industrie, les capacités de toutes les recherches, technologique comme fondamentale. Abdelilah Slaoui présentera tout à l'heure ce que nous faisons avec le CNRS sur ces sujets.

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Angèle Préville, sénatrice

– Notre prochain intervenant est M. Didier Roux, spécialiste des questions énergétiques à l'Académie des sciences, membre également de l'Académie des technologies, ancien directeur de la R&D du Groupe Saint-Gobain. Il intervient régulièrement devant l'Office sur l'énergie et nous le remercions de sa disponibilité.

L'Académie des sciences a publié en juin 2018 un cahier d'acteurs sur la transition énergétique, avec un regard critique sur les politiques énergétiques en cours, notamment sur le développement du photovoltaïque. Nous avons eu, en octobre dernier, un petit-déjeuner de travail particulièrement enrichissant sur ce sujet à l'Académie des sciences, avec une trentaine de membres de cette académie et de l'Académie nationale de médecine.

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Didier Roux, ancien directeur de la R&D de Saint-Gobain, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies

– Tout d'abord, je voudrais revenir sur un point important. Nous avons vu que les ambitions étaient très élevées côté pouvoirs publics. Vous n'êtes pas sans savoir que le premier rapport du Haut Conseil pour le Climat vient de paraître et explique clairement qu'il y a un décalage profond entre les objectifs et la réalité. À mon avis, cela est assez grave. Afficher des ambitions importantes, avoir des difficultés à les réaliser, puis passer son temps à redéfinir des objectifs en deçà de ceux fixés au début, crée beaucoup de confusion, y compris chez les citoyens. Je pense que ce n'est pas une bonne méthode politique. Je commence ainsi parce que je pense qu'il faut réfléchir. Si l'innovation pouvait contribuer à réconcilier les ambitions et la réalité, ce serait une très bonne chose. Je ne suis pas complètement convaincu que nous puissions le faire, mais nous pouvons y contribuer.

Dans ce débat, il faut séparer climat et énergie. Il y a un problème vis-à-vis de la production de CO2, c'est certain, et il faut faire la transition énergétique. Cependant, en couplant systématiquement les deux, nous compliquons les choses et les rendons quelquefois très confuses. Par exemple, le débat sur le photovoltaïque ou, plus généralement, sur les énergies renouvelables, n'a aucun impact sur les émissions de CO2, puisqu'en France, nous avons une production électrique fortement décarbonée. Il est certain que nous devons le faire, vis-à-vis des énergies du futur, mais il ne faut pas croire qu'en parlant d'énergies renouvelables, nous ferons baisser le CO2. Une enquête récente, parue dans un grand journal, montre que 66 % des Français pensent que le nucléaire est l'origine du problème du CO2. Lorsque nous en sommes à ce stade de désinformation, c'est assez inquiétant quant à la relation entre les citoyens et l'État.

Il faut donc réfléchir, comme cela a été dit plusieurs fois, à une cohérence globale. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que certains territoires sont plus en avance que l'État sur ce sujet. Il se trouve que je suis président du conseil scientifique d'un projet TIGA2 porté par l'Agglomération de La Rochelle, dont l'objectif est « 0 carbone » en 2040 et qui porte a à la fois sur l'innovation, l'industrie, le transport, les bâtiments et la production énergétique. Ce projet essaie justement de créer sur le territoire une cohérence, avec une implication citoyenne, et surtout de mesurer l'impact de ce qui est fait. Je suis très souvent atterré par le fait que les gens passent beaucoup de temps à proposer des solutions, mais très peu à mesurer leur impact par rapport aux objectifs fixés.

Je vais vous donner deux exemples, l'un sur le bâtiment et l'autre sur le photovoltaïque. Je ne vais pas argumenter longuement sur le photovoltaïque, mais je ne pense pas que l'on puisse créer aujourd'hui une filière française du photovoltaïque.

Le bâtiment est évidemment l'exemple d'un réservoir énorme de possibilités d'économies, à la fois en énergie et en CO2. Les ambitions successivement affichées par tous les gouvernements, de 500 000 logements rénovés énergétiquement par an, n'ont jamais été respectées. Or c'est l'une des seules solutions efficaces aujourd'hui pour avoir un impact sur les émissions de CO2 et une baisse de la consommation énergétique.

Nous pourrions penser que dans le bâtiment, nul besoin d'innovation mais je vais néanmoins vous en donner trois exemples. Le premier est le besoin d'innovation dans les pompes à chaleur, qui constituent une solution efficace pour diminuer la consommation d'énergie nécessaire pour chauffer et alimenter les bâtiments. La France n'est pas particulièrement en avance dans ce domaine, mais il y a un réel besoin d'innovation.

Je vais prendre deux autres exemples tirés de mon expérience personnelle, lorsque j'étais le patron de la recherche de Saint-Gobain. Ces exemples commencent à déboucher industriellement. Le premier concerne l'isolation des bâtiments. Nous pourrions penser que nous savons isoler un bâtiment. Un amendement récent, voté par les députés, propose quelque chose de très raisonnable qui aurait dû être fait depuis bien longtemps : essayer d'éliminer les passoires énergétiques du territoire français. Cela pose quelques problèmes – je n'ai pas le temps de détailler ici – mais aujourd'hui, une partie importante des bâtiments dans une ville comme Paris sont des passoires énergétiques, dont le prix au mètre carré est pourtant de l'ordre de 10 000 euros. Ce n'est donc pas une question d'argent. Il y a derrière cela une problématique technique. Il n'est pas question d'imposer une isolation par l'extérieur sur des immeubles haussmanniens, pour des raisons évidentes. Pour les isolations intérieures, le problème est que 20 centimètres d'isolant, ce qui serait à peu près raisonnable, cela prend 1 à 2 mètres carrés de surface et enlève donc 10 000 ou 20 000 euros de valeur à l'appartement.

Nous avons développé, chez Saint-Gobain, une solution d'isolant très mince et très efficace, ISOVIP, qui est sur le marché depuis deux ans maintenant et qui permet de résoudre ce type de problème. J'ai moi-même équipé mon appartement parisien de cette technologie – preuve que je mets mes actes en accord avec mes ambitions - et je dois dire que c'est extrêmement efficace, y compris au niveau du confort, ce qui est un apport important de l'isolation. Quand je rentre dans mon appartement parisien, en hiver, grâce à cet isolant, il me faut maintenant une demi-heure en chauffage électrique pour avoir une température confortable. Avant, il me fallait 3 ou 4 heures. C'est un gain important.

Un autre exemple, qui concerne la mesure, est extrêmement important. Nous avons mis au point, chez Saint-Gobain, une méthode de mesure rapide de l'efficacité énergétique des bâtiments. En quelques heures, nous sommes capables de réaliser un diagnostic énergétique quantitatif de la fuite thermique des bâtiments. Cela n'existait pas avant. Depuis, d'autres technologies ont été développées par le CSTB, par l'IDES avec le CEA, et un certain nombre de techniques de mesure rapides de l'efficacité énergétique commencent à exister. Ces techniques permettent à la fois de contrôler les bâtiments que nous construisons ou que nous rénovons, et en même temps de donner des indications quantitatives sur les objectifs à atteindre. La mesure représente le début de l'amélioration. Tant qu'on ne mesure pas, on ne sait pas ce que l'on améliore.

À propos du photovoltaïque, je pense qu'il ne faut pas confondre développement technologique et filière industrielle. Bien sûr, il y a énormément de développement technologique à faire dans le photovoltaïque et d'ailleurs, cette filière a été ralentie par la baisse du coût de la technologie classique du silicium. C'est une bonne chose de faire de la recherche dans ce domaine. Par contre, le vrai enjeu est l'installation, et non la fabrication des panneaux photovoltaïques. Je rappelle que les panneaux représentent un tiers du prix des installations en général, que le prix est une « commodité » technologique mondiale, et que ce domaine est complètement tiré par les coûts. Aujourd'hui, il faut investir 1, 2 ou 3 milliards pour être un producteur de panneaux photovoltaïques au niveau mondial, avec des marges qui sont de l'ordre de 2 ou 3 %, après avoir perdu de l'argent pendant 10 ans. Cela ne se fera pas au niveau industriel. Les industriels ont bien mieux à faire en investissant dans des domaines où les enjeux sont plus importants et les marges meilleures.

Il ne faut pas croire que nous allons créer une filière technologique de fabrication de modules en France ou en Europe, uniquement par la volonté d'un gouvernement. Je rappelle qu'aujourd'hui, nous avons installé 8 gigawatts en France, qui produisent l'équivalent d'un gigawatt nucléaire installé, c'est-à-dire à peu près l'équivalent de 1 ou 1,5 % de la production d'électricité. Tout cela me fait dire que nous passons beaucoup de temps à discuter de choses qui ne sont pas au coeur de la problématique, si la problématique est la baisse du CO2 ou l'évolution de modes de production d'électricité.

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Angèle Préville, sénatrice

– Nous passons maintenant la parole à M. Matthieu Auzanneau, journaliste, auteur et blogueur spécialiste d'écologie et d'économie, directeur du think tank sur la transition énergétique, The Shift Project, dont le but est d'oeuvrer en faveur d'une économie libérée de la contrainte carbone. Monsieur Auzanneau, vous allez évoquer les limites des politiques énergétiques en cours qui ne vous paraissent pas, je crois, à la hauteur de la menace climatique.

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Matthieu Auzanneau, directeur du think tank The Shift Project

– Je vous remercie de me faire l'honneur de me permettre de m'exprimer sur les actes nécessaires pour répondre aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, et plus largement sur les engagements en matière de transition énergétique que la France a pris devant la communauté internationale à l'issue de la COP 21, au Bourget, en décembre 2015.

Je dirige l'association d'intérêt général The Shift Project, un groupe de réflexion qui a pour vocation de favoriser l'émergence d'une conversation éclairée sur les enjeux de la transition énergétique. Cette association est soutenue par les pouvoirs publics et financée par de grandes entreprises françaises qui cherchent à construire, à travers la transition énergétique, un avantage stratégique, pour une économie sans énergies fossiles.

Sortir des énergies fossiles est bel et bien l'objectif central de la transition à laquelle s'est engagée la France. C'est une tâche colossale, sans doute de loin le plus grand défi lancé aux sociétés techniques depuis la Révolution industrielle. Viser la neutralité carbone à l'horizon 2050, comme s'y est engagée solennellement la France, revient à baisser nos émissions d'environ 5 % par an chaque année, au cours des 30 prochaines années. Cela n'est jamais arrivé, sauf en temps de guerre ou en cas de récession grave. Sortir des énergies fossiles carbonées (pétrole, gaz, charbon) revient tout simplement à changer le « système sanguin » de notre société.

Pour y parvenir, il nous semble, au sein du Shift Project, que la République est en train de se tromper de méthode. Nous avons pensé jusqu'ici que les outils à notre disposition tiennent lieu de plans de montage. La stratégie nationale bas carbone, qui sert de cadre à la programmation pluriannuelle de l'énergie, n'a de fait, pour l'heure, de stratégie que le nom. Ce n'est qu'une boîte à outils. Si vous préférez, c'est une liste de courses optionnelle, avec de probables contradictions internes entre les options proposées. La crise des « gilets jaunes », dont le déclencheur a été – ce n'est pas un hasard – le prix du pétrole, a été la démonstration flagrante de ce problème de méthode. Nous avons voulu croire que l'outil, qu'était la taxe carbone, tenait lieu de plan de montage, de stratégie. Nous avons fait le pari bancal de l'acteur économique rationnel : « Français, paie tes taxes ou fais un choix économique rationnel ». Cependant, quand un citoyen habite loin d'un centre-ville, il n'a pas d'autre choix que de prendre sa voiture. Cette alternative et cette stratégie, la République doit en débattre, afin de les concevoir, les financer, les construire, en un mot les planifier.

Nous pouvons fournir hélas de nombreux exemples – Didier Roux vient déjà d'en donner quelques-uns – de la courte vue actuelle de la République, de son manque de consistance et d'audace pour tenter de boucler la très difficile équation de la transition énergétique. Le législateur, par exemple, n'a aujourd'hui aucun moyen de connaître les disponibilités réelles et effectives de la France en biogaz, et surtout les contreparties nécessaires pour mobiliser ces ressources. Le législateur n'a pas le moyen de se faire une idée des contreparties nécessaires et des conditions qui limitent un développement massif de la mobilité électrique. Le législateur ne peut qu'être dubitatif face au manque d'infrastructures massives de stockage. RTE (Réseau de Transport d'Électricité) montre que plus on accroît la part des sources renouvelables d'électricité intermittente, plus les émissions de CO2 du système électrique augmentent ou promettent d'augmenter. Le législateur est enfin bien en peine pour mettre en adéquation les objectifs de rénovation des bâtiments avec la loi. Je pourrais multiplier les exemples.

La transition énergétique est un enjeu systémique. Par définition, elle réclame une planification au sens plein du terme, ce qui suppose une discussion démocratique patiente, sans raccourci ni pensée magique, à la hauteur de l'enjeu vital que constitue la sortie des énergies fossiles. Ce constat est aujourd'hui partagé par de nombreux chefs de grandes entreprises industrielles, par certains des champions internationaux que compte l'économie française, par des responsables du patronat aussi bien que par les organisations syndicales.

Pourquoi est-ce un enjeu vital ? Parce que la France est confrontée à une double contrainte carbone. Le climat n'est pas la seule raison, excellente et urgente, de sortir des énergies fossiles. La France et l'Europe sont cernées par des zones pétrolifères en déclin, comme l'Algérie ou la mer du Nord (un cas d'école en la matière) ou au bord du déclin comme, de son propre aveu, la Russie. Celle-ci fournit à elle seule plus d'un quart des approvisionnements de pétrole brut de l'Union Européenne.

Depuis la dernière campagne présidentielle, The Shift Project n'a eu de cesse de défendre la nécessité d'un plan et l'exigence pour la République de se doter de moyens concrets pour construire un plan techniquement réaliste, économiquement salubre, et socialement accepté, voire désiré. Nous nous appuyons pour cela sur un texte que nous avons appelé le « Manifeste pour décarboner l'Europe », signé, durant la campagne présidentielle, par plus de 80 dirigeants de grandes entreprises, par de nombreuses figures académiques et auquel Emmanuel Macron a apporté son soutien. Aujourd'hui, grâce à la création du Haut conseil pour le climat et à la volonté de réunir une consultation de citoyens tirés au sort, nous avons les ferments du dialogue nécessaire, mais il s'agit de ferments épars. En particulier, où sont les entreprises dans ce dialogue ? Les entreprises doivent déjà instruire leur stratégie dans un avenir sévèrement contraint et disruptif. La France a le devoir moral mais aussi l'opportunité historique d'agir.

Nous proposons que la République se dote d'une structure ad hoc de dialogue public-privé, capable de décrire effectivement, secteur par secteur, un chemin compatible avec la neutralité carbone. Nous n'avons pas bouclé l'équation. Nous n'avons pas cherché à le faire. Personne dans le monde n'a en fait cherché à le faire. C'est pourquoi la première nation qui montrera la voie d'un monde débarrassé de l'emprise, qui deviendra mortelle, des énergies fossiles se dotera d'un avantage comparatif décisif pour les décennies de bouleversements qui viennent, et montrera une voie historique salubre.

Construire un plan, une économie, une politique économique au plein sens du terme, à la mesure de l'enjeu, réclame une méthode. La sobriété systémique est nécessairement la pierre d'angle d'une telle méthode. Qu'appelle-t-on sobriété systémique ? C'est la recherche de la plus grande sobriété techniquement possible et démocratiquement désirable pour les grands systèmes techniques, agricoles, industriels, de transport, d'habitat et de services. Bien ordonnée, en conformité avec l'analyse intégrale d'un problème qui est d'abord physique, puis technique, et enfin seulement socio-économique, la sobriété de nos systèmes conduira l'économie à faire des économies et par conséquent, à recréer des marges d'investissement pour l'avenir. Ces marges sont aujourd'hui absentes en dehors de tout subterfuge monétaire.

La mise en oeuvre d'un plan de transition à la hauteur des objectifs de l'accord de Paris constitue un projet sociétal total, novateur, désiré, fédérateur, historique et vital. Il réclame des efforts de chacun pour recréer une capacité à investir dans notre avenir. Il réclame aussi de renoncer au modèle dominant de la voiture individuelle, par exemple, et réclame aussi d'urgence des formes d'obligation intelligentes de rénovation de l'habitat. Il ne s'agit pas de demander aux gens de « se serrer la ceinture » : la sobriété systémique consiste, au contraire, à soulager le budget des gens les plus modestes. C'est vrai notamment pour le développement des transports partagés. C'est aussi vrai d'évidence pour les économies d'énergie dans l'habitat. Au niveau macroéconomique, ce principe d'épargne, d'économie économe, permettra de résorber le déficit de notre balance commerciale, qui est grosso modo égal à notre facture des imports d'énergies fossiles. Aujourd'hui, la démarche d'un Donald Trump est plus cohérente que la nôtre. Ce serait un déshonneur pour la France de continuer à reculer devant l'obstacle. Je vous remercie.

Présidence de Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

– Merci aux orateurs pour leurs exposés variés et éclairants. Nous allons nous lancer dans les questions qui vont permettre de continuer la discussion. Une première question est en rapport avec un thème d'actualité qui revient souvent et qui a été sur la table du politique récemment : les batteries. Nous mettons souvent les batteries au coeur des solutions de décarbonation, de la mobilité de demain, et plus généralement de la transition pour se passer du carbone. Cependant, comme nous le savons, le cycle complet des batteries n'est pas que vertueux. L'extraction et l'acheminement de leurs matériaux en France participent à l'émission de gaz à effet de serre. Il y a une équation économique à prendre en compte, sur la façon de relocaliser une partie de cette industrie plus près de nous. Comment le débat doit-il être amené, comment peut-on mettre dans l'équation cette question des batteries ?

Une autre question porte sur les scénarios de besoins énergétiques de la PPE et tout ce qui a été évoqué : sur quelles hypothèses d'évolution démographique et économique la PPE repose-t-elle ? Quelle est la confiance que nous pouvons avoir sur l'adéquation entre PPE et évolution de ces paramètres extérieurs fondamentaux ?

Autres questions : quel est l'impact des évolutions politiques majeures ? Est-ce que le Brexit peut par exemple avoir des conséquences importantes sur notre politique énergétique ?

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Didier Roux, ancien directeur de la R&D de Saint-Gobain, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies

– Concernant les batteries, il ne faut pas recommencer l'erreur du photovoltaïque. Je pense que, pour le moment, même si elles sont très majoritairement produites en Asie, il y a des enjeux technologiques qui peuvent, contrairement au photovoltaïque, un peu changer la donne. Le problème principal est que, s'il y a beaucoup de recherches, il y a en revanche peu d'acteurs industriels européens.

Je parle essentiellement des batteries pour l'automobile. Je ne crois pas que les batteries soient la solution au stockage stationnaire. En revanche, c'est une solution pour la mobilité. Il faut s'occuper de la génération suivante, et surtout ne pas construire des usines pour la génération actuelle. Ce serait une erreur de pousser nos industriels à construire, à grand renfort de subventions, des usines pour la technologie mature qui est aujourd'hui la plus utilisée (lithium-ion) alors que de nouvelles technologies se profilent. Si de grands acteurs industriels veulent s'y lancer – et il semble que ce soit le cas –, aussi pour des raisons stratégiques, par rapport à la construction d'automobiles, il y a bien évidemment des choses à faire.

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David Marchal, directeur exécutif adjoint en expertise et programmes de l'ADEME

– Pour clarifier mon propos précédent, il existe bien deux marchés pour les batteries : le marché du stationnaire et le marché de la mobilité. Le marché stationnaire concerne les batteries pour le système électrique, qui ne bougent pas, et le marché de la mobilité concerne les batteries de véhicules électriques. Mon propos de tout à l'heure visait à dire que, pour les batteries stationnaires, il n'y avait pas vraiment de demande sur le marché avant 2030 en France métropolitaine. En revanche, il y a effectivement un enjeu important sur le sujet de la mobilité.

Nous travaillons sur l'analyse du cycle de vie et sur quels dispositifs publics nous pourrions mettre en place, soit via la normalisation, soit via des incitations, pour que des batteries à faible impact environnemental soient avantagées. L'analyse du cycle de vie des batteries est en cours de réalisation.

Comme pour le photovoltaïque, le mix électrique du pays où sont fabriquées les cellules est assez dimensionnant par rapport au contenu carbone des batteries, ce qui pose une question de consensus européen. Il ne sera toutefois pas facile d'obtenir un consensus européen sur une norme ou une réglementation qui avantagerait des batteries avec un faible contenu carbone, étant donné que nos voisins européens n'ont pas tous des mix aussi décarbonés que le mix français.

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Florence Lambert, directrice du CEA-Liten

– Je continuerai sur les batteries. Effectivement, sur le segment des cellules, quel que soit le domaine, les usines seront certainement les mêmes, puisque la technologie du lithium est une technologie dite de massification. Il n'y aura pas de séparation avec, d'un côté, la mobilité, qui est beaucoup plus importante en matière de volume, et, de l'autre, le stationnaire. Ce qui est important selon moi, c'est que la batterie va être le trait d'union entre ces deux applications. Les études que nous pouvons faire montrent que, en basculant dans un monde certes électrique, mais aussi de vehicles-to-grid, la batterie sur roue que serait le véhicule électrique pourrait faire une partie du travail.

En fait, nous pouvons accompagner assez vite et assez longtemps le déploiement des énergies renouvelables. Dès lors, si des taux très importants étaient atteints et avec des besoins de stockage saisonniers, il faudrait faire appel à d'autres sources. C'est important d'avoir une vision des différents domaines, mais aussi de voir que ces domaines vont se rejoindre.

Au-delà, je peux même peut-être confirmer que les projets européens aujourd'hui sont confrontés à l'opportunité technologique que je vous présentais tout à l'heure. Ils ne vont pas forcément engager une lutte sur le segment du lithium-ion, déjà développé et amorti en Asie, mais plutôt sur celui du lithium tout solide, qui présente deux avantages : la stabilité et la sécurité. En faisant cela, nous ouvrons la voie à de nouveaux matériaux qui vont pouvoir apporter plus d'autonomie encore, et donc des performances plus importantes pour les batteries. C'est bien dans cette nouvelle voie technologique que vont se lancer les industriels européens. Il est fondamental de l'encadrer par l'analyse du cycle de vie.

Au niveau national, le Comité national des mines et matériaux réfléchit sur les capacités en matière de recyclage et lance un avertissement. Il sera certainement vite nécessaire de multiplier par trois les capacités de recyclage de la technologie lithium si nous voulons accompagner la croissance, essentiellement dirigée par les besoins en matière de mobilité. Le recyclage sera un vrai sujet.

Nous avons parlé de la dépendance vis-à-vis des matériaux. Le lithium est un sujet mais le cobalt en est un bien plus important encore, même si nous pensons que d'ici dix ans, nous nous affranchirons du cobalt dans les matériaux des cathodes.

En comparaison avec le photovoltaïque, je pense moi aussi qu'il ne faut pas s'engager dans la production des produits dont l'Asie nous inonde. Nous sommes plutôt face à un phénomène de rupture technologique. Pour corriger, un gigawatt coûte en fait, aujourd'hui, 200 millions d'euros d'investissement, bâtiment inclus. Nous avons fait le chiffrage avec nos partenaires industriels.

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Alice Vieillefosse, directrice du cabinet de la DGEC

– Pour compléter sur les batteries, un plan batteries a été annoncé par le Gouvernement, avec un certain nombre d'axes identifiés pour répondre aux différents enjeux. Évidemment, les deux enjeux principaux sont l'industrialisation et le recyclage. Pour le recyclage, il y a d'ailleurs eu des projets de démonstration financés dans le cadre du PIA, mais ils n'ont finalement pas abouti. En fait, les batteries utilisées dans les véhicules électriques ont une durée de vie supérieure à ce qui était initialement attendu. Le marché des batteries de « recyclage » n'a en conséquence pas décollé aujourd'hui, faute de marché. Néanmoins, le gouvernement est très attentif à accompagner ce phénomène, à le soutenir, et à s'assurer que les bons mécanismes seront en place, en termes de responsabilisation des acteurs.

En ce qui concerne la question des hypothèses utilisées dans la PPE, elles sont détaillées dans le document public. Les hypothèses démographiques reprennent le scénario central de l'INSEE avec, en 2030, 70 millions d'habitants. Pour les hypothèses macroéconomiques, nous nous inscrivons en lien avec les cadrages de l'Union européenne et en particulier avec les hypothèses retenues par le Comité d'orientation des retraites. Nous avons en effet essayé de nous appuyer sur des scénarios existants et logiques.

Enfin, en ce qui concerne le Brexit, la DGEC n'identifie pas d'impact majeur. Le Royaume-Uni est importateur net d'électricité et nous n'estimons pas qu'il y aura de sujet particulier sur la sécurité d'approvisionnement ou autre en France. Sur les différents autres sujets, qui ont déjà été vus et articulés, nous n'identifions pas de points majeurs.

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Matthieu Auzanneau, directeur du think tank The Shift Project

– Avec le sujet des batteries, de la démographie et du Brexit, Monsieur le premier vice-président, je crois que vous mettez le doigt sur trois paramètres parmi les plus fondamentaux pour tenter de résoudre l'équation difficile d'aujourd'hui.

En ce qui concerne les batteries, il est intéressant de constater que, en comptant la plupart des grands pays industriels aujourd'hui, Chine comprise, il existe environ 130 gigawatts de capacité de stockage installée. Sur ces 130 gigawatts, 128 sont issus de barrages artificiels, de STEP (stations de pompage et turbinage). Seulement 2 gigawatts correspondent au stockage sur batterie électromécanique ou sur procédé électrochimique. C'est un ordre de grandeur. Techniquement, nous savons tout faire mais la question est toujours d'atteindre une planification cohérente avec l'objectif de neutralité carbone. Je ne parle pas de l'objectif 2030 ou 2035, mais bien de l'objectif de neutralité carbone, qui est un problème d'échelle. Je vous laisse avec cet ordre de grandeur peut-être à méditer.

La démographie est un élément intéressant des scénarios prospectifs. J'ai été assez étonné de constater, dans le scénario prévisionnel de RTE 2035, que les scénarios qui comptaient le plus sur l'intégration des énergies renouvelables intermittentes étaient ceux qui se basaient sur les hypothèses de croissances économique et démographique les plus faibles. À nouveau, je vous laisse méditer sur ce point.

Quant au Brexit, pour les pays qui restent dans l'Union européenne, il me semble à nouveau que la nation qui sera capable de proposer un plan concret sur le sujet de la neutralité carbone sera la nation qui entraînera l'Union européenne, c'est-à-dire le premier marché mondial, dans un trade-off, cher au président américain. Elle sera capable de faire basculer tout le monde – ce qui est quand même l'objectif – et d'entraîner la population française sur un projet aussi disruptif.

Il y a une objection qui consiste à dire « nous ne représentons que 1 % des énergies mondiales, alors à quoi ça sert ? ». Au Shift Project, nous essayons de faire valoir, avec le soutien de chefs d'entreprise, au moins sur cette logique, qu'il s'agit d'un défi et d'une opportunité. La première nation capable de réussir se crée un avantage comparatif et montre la voie historique salubre. Par définition, elle est capable de convaincre nos partenaires européens. Par exemple, quel trade-off proposons-nous aux Polonais aujourd'hui ? Aucun. Nous proposons de marquer un chiffre sur un bout de papier au titre de la « neutralité carbone ». Évidemment, cela ne mobilise pas les foules. Il faut une réflexion sur l'intégralité d'un problème qui est d'abord technique, puis socio-économique.

Sur les batteries par exemple, je pense que nous nous trompons à nouveau, nous confondons l'outil avec le plan de montage.

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– En vous écoutant, j'entends que les recherches sont essentiellement fondées sur les sciences dures. Vous menez un ensemble de travaux de recherche pour développer de nouvelles sources d'énergie, pour l'industrialisation de formes d'énergies déjà connues, pour gagner en efficience, et vous travaillez sur le stockage. Tout cela va aboutir à de nouvelles formes d'utilisation de l'énergie pour les consommateurs, mais également à un foisonnement de nouvelles technologies. Lorsque nous sommes confrontés à ce foisonnement, à ces évolutions, nous sommes questionnés, comme utilisateurs de l'énergie, par des transitions qui imposent des changements de comportement et finalement, cela se traduit par des peurs. Quelles recherches en sciences économiques et sociales pouvez-vous mener dans ce domaine, en dehors des recherches en sciences dures que vous nous avez parfaitement expliquées ?

Dans ce domaine des sciences humaines et sociales, au travers de la sociologie, de la communication, de l'éducation, et d'autres disciplines bien évidemment, je vois au moins trois sujets. Premièrement, comment faciliter l'acceptation des changements auxquels vous apportez votre concours ? Ensuite, comment faire contrepoids avec quelque chose qui se passe aujourd'hui, à savoir le fait que la démonstration par la preuve scientifique est contrebalancée, ou du moins mise en concurrence, par le système de diffusion des fake news via les réseaux sociaux ? Existe-t-il aussi un axe de recherche pour redonner du poids à la parole scientifique ? Enfin, il y a l'approche économique car, in fine, il y aura des interrogations sur qui va payer quoi et quelles vont être les conséquences économiques pour l'utilisateur d'énergie. C'est là aussi que se joue l'acceptabilité des nouvelles technologies.

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– Aujourd'hui, nous savons que la France échange, en termes d'exportation et d'importation, de l'électricité avec le Royaume-Uni, ainsi qu'avec les pays frontaliers. Quel est l'impact sur les prix des politiques énergétiques propres à chaque pays ? Quand nous avons écrit le rapport de l'Office sur la décarbonation des mobilités du futur, nous avons évoqué la question des interconnexions entre les différents pays européens. La notion d'énergie décarbonée apparaissait abstraite pour les pays qui n'entraient pas dans cette logique. Ainsi, l'importation d'électricité d'un pays ayant une politique énergétique moins ambitieuse, et donc une énergie pas nécessairement renouvelable, sera-t-il pris en compte dans les bilans finaux d'émission ?

Ma deuxième question concerne une étude qui nous a été confiée par saisine de la commission des affaires économiques du Sénat, pour analyser l'utilisation des terres agricoles à des fins énergétiques. Pour l'éolien terrestre, une étude de 2015 a démontré la dévalorisation des terres entourant les champs d'éoliennes dans un rayon de 2 kilomètres et à hauteur de 5 % en termes de valeur. Selon vous, quels types de surface sont à privilégier pour déployer l'éolien ou le photovoltaïque en zone rurale, mais aussi en zone urbaine ?

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– Merci à toutes et à tous pour vos discours où vous avez fait preuve de beaucoup d'énergie, ce qui est une bonne chose ! Je voulais aussi vous remercier d'avoir évoqué la question de l'air, j'espère non pas pour me faire plaisir parce que je préside le Conseil national de l'air, mais tout simplement parce que c'est un sujet important. Au fond, ce qui nous intéresse en termes d'impact par rapport à notre santé, c'est ce que nous mangeons, buvons et respirons. Ceci est souvent la conséquence des choix que nous pouvons faire par ailleurs, notamment des choix technologiques en matière d'énergie entre autres.

Vous avez dit que nous progressions. Pourtant, je ne pense pas être d'accord avec vous sur le sujet du bois. J'aimerais avoir une étude complémentaire sur les PUF – les particules ultrafines – et surtout sur leur nature chimique pour être sûr de pouvoir dire que c'est mieux. De même, quand des véhicules diesels récents pourraient être inscrits en Crit'air 1, je m'interroge. Se poser la question, c'est déjà y répondre en partie.

Avant de vous poser trois questions, j'en profite pour vous dire que j'ai apprécié vos propos sur les mobilités plus propres et plus actives, en tant que rapporteur du projet de loi sur les mobilités. Sur ma proposition, le mot « plus » a été ajouté dans le texte adopté par l'Assemblée nationale : le texte initial parlait de développer des mobilités propres, ce à quoi je ne crois pas. En revanche, je crois à développer des mobilités plus propres. Cette nuance est importante et elle inscrit les choses dans une trajectoire. C'est ce qui m'intéresse dans ce que vous avez évoqué. D'ailleurs, à ce propos, j'aimerais que vous clarifiiez quelques points, si vous avez des éléments, pour être sûr d'avoir bien compris.

Premièrement, sur les analyses du cycle de vie pour les biocarburants, il me semble qu'il y a des choses à faire. Je sais que la directive européenne dit que d'ici 2023, il faudra proposer des méthodes pour réaliser l'analyse du cycle de vie des biocarburants. Je l'ai dit dans l'hémicycle à l'Assemblée nationale, à plusieurs reprises, en tant que rapporteur. J'espère vraiment que nos chercheurs français pèseront au niveau de l'Europe pour faire des propositions et que la loi ne se fera pas sans consulter ce que les laboratoires français font de remarquable. Je parle de tout le monde, parce qu'il y a beaucoup de recherche de qualité dans ce pays, mais comme nous sommes un pays qui pratique l'autoflagellation, nous avons tendance à l'oublier. Même la classe politique peut oublier que nous avons d'excellents chercheurs. Nous en avons même un à la tête de l'Office, ici présent. C'est important de le rappeler.

J'aurais voulu avoir votre analyse sur l'idée d'« embarquer la société ». Aujourd'hui, nous parlons d'embarquer notre société dans ces évolutions et cette transition. J'ai parlé de transition 2040 ou de génération 2040 lors du débat sur le projet de loi sur les mobilités, avec la fin des véhicules utilisant des énergies fossiles – et non pas la fin des véhicules thermiques, ce qui n'a pas de sens.

J'ai été interpellé, pendant toute la séquence du Grand débat public, par mes concitoyens. C'est pour eux que nous sommes là ce matin, pas pour nous. Dans le grand débat que j'ai organisé dans mon territoire, la question de l'impact des batteries est revenue systématiquement dans la partie concernant la transition écologique. J'aurais donc voulu avoir une clarification sur votre vision de l'avenir de ces batteries. Vous l'avez un peu évoqué, vous avez parlé du lithium, du cobalt, etc, mais j'aimerais bien que vous alliez un peu plus loin. Il me semble important d'accompagner l'acceptabilité du volet électrification des mobilités. Toutefois, je pense qu'il ne faut pas se fonder uniquement sur la mobilité électrifiée. Il y a aussi la question du biogaz, ce qui me permet d'enchaîner sur ce que je disais tout à l'heure sur les analyses de cycle de vie. C'est important pour le biogaz et aussi pour les recherches sur les énergies renouvelables et l'agriculture.

À l'Office, nous sommes en train d'engager une étude sur l'agriculture et la production d'énergie, dont j'ai la chance d'être co-rapporteur du côté de l'Assemblée nationale. Pour le Sénat, c'est notre collègue Roland Courteau. Nous avons commencé quelques auditions et j'imagine que nous reverrons peut-être certains d'entre vous sur ces sujets dans les semaines et les mois qui viennent. Toutefois, est-ce que vous pourriez d'ores et déjà évoquer les freins et les perspectives que vous entrevoyez pour l'agriculture et la production d'énergie ? Je ne sais pas si certains travaux peuvent y répondre, mais cela me semble important, d'une part, pour nos agriculteurs, d'autre part, pour réfléchir à des questions locales.

Au final, l'objectif, au-delà de préserver notre santé et nos ressources, est bien de faire en sorte d'aller vers une réduction de l'impact énergétique et environnemental de nos activités. La fameuse neutralité carbone à atteindre est liée à la sobriété, ce qui a été très bien rappelé, mais aussi par la nécessité de faire en sorte de se passer au maximum des énergies fossiles. Cette dépendance aux énergies fossiles dure depuis de longues années, au point que certains pensent que nous ne pouvons pas faire autrement.

Présidence de Mme Angèle Préville, sénatrice.

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Angèle Préville, sénatrice

– Merci à toutes et tous pour vos interventions très éclairantes. Nous sommes effectivement à la croisée des chemins, avec des choix à faire, à un moment très important pour notre société. Je partage complètement la question de la sobriété. Je partage aussi la question de l'information et des connaissances que nous devons apporter au grand public, afin que tout le monde puisse s'inscrire dans cette transition.

J'ai deux questions. En premier lieu, j'avais défendu un amendement qui n'a pas été adopté sur la qualité du bois. Je voudrais savoir ce que vous en pensez, même si vous en avez déjà un peu parlé.

Ma seconde question vous paraîtra peut-être un peu naïve. Quand j'étais professeure, des élèves avaient mentionné de petites éoliennes de jardin. Est-ce toujours d'actualité ? Est-ce que cela existe ? J'avais trouvé cela intéressant. Les grandes éoliennes posent un problème d'acceptabilité : est-ce que les éoliennes de jardin, qui seraient apparemment peu bruyantes mais qui pourraient rendre des services, résoudraient ce problème ? Est-ce que l'éolien ne consiste qu'en de grandes éoliennes ?

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Matthieu Auzanneau, directeur du think tank The Shift Project

– Je voudrais me concentrer sur la clé, le thème transversal de vos questions : l'acceptabilité, la désirabilité. Comment pouvons-nous faire pour embarquer nos concitoyens ? J'ai fait allusion à la crise des « gilets jaunes » et je l'ai mise en parallèle avec ce qu'on appelle la sobriété des systèmes – comment atteindre une sobriété de nos grands systèmes techniques ? Je vais vous donner un exemple. Au Shift Project, nous avons lancé une étude deux ans avant la crise des « gilets jaunes ». Nous étions donc relativement à l'aise pour en parler quand on nous a fait l'honneur de nous tendre le micro au moment de cette crise. Au sujet du coût de la mobilité, nous nous sommes dit : « puisque nous avons vocation à appuyer la transition énergétique, essayons de résoudre un problème clé et réputé insoluble : comment détrôner la voiture individuelle, là où elle est réputée indétrônable, en grande périphérie urbaine ». Nous avons fait ce travail d'expérimentation et de modélisation détaillée. La conclusion à laquelle nous sommes arrivés est qu'il faudrait une politique systématique et audacieuse d'investissement dans des alternatives à la voiture individuelle : les vélos, la capacité à utiliser les espaces de covoiturage – il y a de nombreuses start-up en Île-de-France et dans les autres grandes régions françaises qui se basent sur ce concept – ou à prendre facilement un bus ou un train. Les CAPEX3 n'auraient rien à voir en ordre de grandeur avec l'argent que nous avons pu mettre il y a plusieurs décennies dans le réseau autoroutier ou dans les TGV. Ainsi, cela permettrait aux gens de continuer à se déplacer normalement – je précise bien en grande périphérie urbaine et pas en centre-ville en trottinette – et à faire des économies de centaines d'euros par an sur leur budget de mobilité. Vous pouvez transposer la même logique dans le domaine de l'habitat. Bien sûr, il s'agit de faire des efforts. Effort d'investissement collectif dans le cadre de la mobilité, et effort particulier des propriétaires bailleurs dans le cas de l'habitat.

Il ne faut pas se méprendre sur l'ampleur du défi posé par la neutralité carbone. C'est un défi total. Une réduction de 5 % des émissions de CO2 par an est effectivement un effort de guerre. Le législateur ou le Gouvernement renâclent aujourd'hui à développer des formes d'obligation de rénovation pour les passoires thermiques alors qu'un certain nombre de grands patrons français, qui sont peu ou prou les porte-parole de la droite, défendent ce genre de mesure. C'est un passage obligé. Ce qui est intéressant, c'est que vous pouvez proposer à nos concitoyens une démarche qui va aboutir à créer une économie plus économe.

Le second point, c'est que cette évolution est inexorable. C'est cela aussi qu'il faut dire. Le climat est une excellente raison de sortir des énergies fossiles. Quand je parle du déclin potentiel de la production conventionnelle russe, regardez la presse, je ne suis pas en train d'agiter un vain péril. C'est réel. Le Kremlin dit bien que sa production conventionnelle risque de décliner à partir de 2021. C'est un quart de nos approvisionnements. Il me semble que nous avons maintenant les ferments d'un discours fédérateur, salubre, capable d'entraîner la société.

À propos des fake news, je pense que c'est aux relais d'opinion, aux médias, et en particulier, au législateur de défendre la parole scientifique – et je suis au meilleur endroit pour le dire. Lorsque le législateur inscrit dans la loi qu'en 2025, nous serons à 50 % de production d'électricité nucléaire sans effort, il trahit la réalité d'un constat physico-technique, d'une impossibilité. Il ne faut alors pas s'étonner que la parole scientifique et la parole politique soient décrédibilisées.

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Didier Roux, ancien directeur de la R&D de Saint-Gobain, membre de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies

– Je prends deux questions très rapidement, la première sur les sciences humaines et sociales (SHS) et la seconde sur les batteries. Concernant les SHS, il y a toujours un débat sur leur rôle et elles-mêmes se posent beaucoup de questions. Je vais prendre un exemple concret, celui du projet TIGA dont je vous ai parlé tout à l'heure. La partie concernant l'acceptabilité sociale s'appuie sur l'université de La Rochelle et son département de sociologie, qui réfléchit sur la manière de mettre en place de nouvelles méthodes pour accompagner la réflexion sur ce projet, son acceptabilité sociale et l'engagement des citoyens. Bien évidemment, il faut travailler sur cet aspect.

Toutefois, plus important encore que les SHS, il y a l'éducation. Il s'avère que je fais partie de La Main à la Pâte, cette fondation créée par l'Académie des sciences pour l'éducation des sciences en primaire, dès la maternelle, et au collège. Je passe beaucoup de temps dans les écoles et les collèges, et je vois le travail fantastique que nous pouvons faire à la fois avec les enseignants, mais aussi avec les enfants, directement sur leur intérêt pour les sciences et le développement de leur esprit critique, notamment à l'égard des fake news.

Deuxièmement, sur les batteries, les progrès que nous pouvons espérer sont chimiques et non électroniques, même si l'électronique a un rôle important dans la gestion des batteries. Les progrès dans le domaine des batteries sont des progrès sur les matériaux. Nous pouvons avoir des espoirs, certes, d'améliorations et de gains, mais pas du tout équivalents à la loi de Moore pour les processeurs, c'est-à-dire à un rythme exponentiel. Les progrès ne seront que linéaires, ou quadratiques, ce qui augure d'un long travail. Il ne faut pas espérer que les batteries deviendront d'un seul coup très accessibles, même s'il y a eu des gains avec la production industrielle, ni qu'elles seront la réponse à tout.

Une fois de plus, je suis persuadé que les batteries représentent une réponse pour la mobilité, avec des limites d'analyse de cycle de vie dont vous avez parlé et qui sont très importantes : j'incite le législateur – je parle en tant qu'ancien industriel – à s'intéresser de près à la réglementation régissant les analyses de cycle de vie. Il ne faut pas laisser chacun monter sa petite méthode dans son coin, parce que cela l'arrange, et laisser se développer ensuite de façon déraisonnable des compétitions entre les différentes méthodes d'analyse de cycle de vie. Il ne faut pas non plus accepter que certaines industries refusent de faire des diagnostics de cycle de vie, au seul motif que cela coûterait cher.

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Florence Lambert, directrice du CEA-Liten

– Je souscris complètement à ce qui vient d'être dit au sujet des batteries. Nous nous rejoignons. En passant au lithium tout solide, nous pouvons attendre 30 à 40 % d'autonomie en plus, et c'est vrai que cela va se jouer sur les matériaux.

Pour moi, le sujet des SHS est essentiel. Nous sommes en train de mener cette réflexion à la direction du CEA. C'est très bien d'avoir une vision de l'énergie panoramique, mais il s'agit de créer des technologies qui doivent être déployées et concerner le grand public. L'idée est de pouvoir constituer des alliances avec des grandes équipes françaises sur ces sujets. Cela pose la question d'une synchronisation de l'ensemble des outils de l'État. Aujourd'hui, nous avons beaucoup parlé de l'ADEME, qui est essentielle dans le déploiement des nouvelles technologies de l'énergie, mais je pense qu'il faudrait pouvoir synchroniser également les « guichets » de financement, notamment l'ANR, pour faire en sorte que les grands sujets s'inscrivent dans les priorités nationales.

Pour moi, évidemment, l'idée n'est pas d'être « techno push », mais de cultiver une vision systémique, et de ne pas juxtaposer des technologies qui finalement ne trouveront pas de débouchés, mais au contraire de chercher des solutions. Pour ce faire, un point fondamental consiste à sortir les technologies le plus vite possible des laboratoires, même si ce n'est pas toujours facile. Le TIGA cité tout à l'heure est un bon exemple, parce qu'il faut que la synchronisation se fasse finalement à ce niveau-là, et que les données collectées au moment où l'on déploie les premières technologies industrielles puissent revenir également au niveau de la R&D. Ainsi, nous pourrons ensemble réajuster le tir si nous sentons que les technologies ne sont pas appropriées, et développer les bons outils de modélisation pour enrichir la vision systémique. Pour moi, cette synchronisation est importante : aujourd'hui, le Liten dépense à peu près 20 millions d'euros pour des projets pour l'Europe. C'est plutôt un projet en croissance budgétaire. En revanche, sur les énergies renouvelables, nous sommes plutôt en décroissance au Liten, notamment sur les sujets liés aux financements de l'ANR. La conséquence immédiate est que nous travaillons plus avec le laboratoire européen qu'avec le laboratoire français.

Pour illustrer le sujet essentiel de l'ACV, je souscris à l'idée qu'il faut des référentiels communs pour pouvoir procéder à des comparaisons. Sinon, nous n'arriverons à rien. Concernant les méthodes, il faut tout simplement partir dès le départ sur des matériaux, sur des familles, qui vont être moins dépendantes des métaux rares par exemple. Il faudra intégrer les procédures de démantèlement de composants dès que nous les concevons. Concrètement, aujourd'hui, quand nous élaborons un module ou un pack sur une batterie, les équipes du CEA réfléchissent à la façon de les assembler pour gagner du temps, et aussi d'être beaucoup plus efficace lorsqu'il s'agira de la démanteler. Ensuite, nous imaginons des secondes vies, ce qui n'est pas un sujet très facile car il faudra récupérer le gisement, le qualifier et ensuite le reconditionner. Il y a toute une philosophie à mettre en place pour encadrer l'ensemble de ces développements, pour rendre les choses plus démontables, pourquoi pas réutilisables, et en tout cas délibérément recyclables.

Un dernier point au sujet des biocarburants et carburants de synthèse : l'IFPEN, qui développe beaucoup de R&D, dans ce domaine n'est pas présent aujourd'hui dans cette audition, mais côté CEA, nous abordons ce sujet essentiellement autour de la molécule d'hydrogène. Aujourd'hui, dans la mécanique moléculaire que nous pouvons imaginer, si l'hydrogène rencontre du CO2 émis, nous pouvons ouvrir une vraie voie de valorisation de molécules (du méthane, du méthanol, etc.) Le sujet de cette utilisation du carbone est en train de monter en puissance en France et en Europe.

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Alexandre Roesch, directeur général du Syndicat des Énergies Renouvelables

– Je ne vais peut-être pas réussir à répondre à toutes les questions, mais je vais commencer par celle du député Philippe Bolo. Tout d'abord, dans la situation actuelle, les Français soutiennent clairement les énergies renouvelables dans les sondages d'opinion, et les grandes consultations que l'ADEME mène chaque année le montrent aussi.

Nous avons réalisé des sondages à proximité des parcs éoliens avec la société BVA et nous voyons qu'en général, l'acceptation de ces parcs est plutôt bonne, souvent parce que les gens très proches du projet ont été bien informés en amont. Finalement, nous nous sommes rendu compte que, de manière un peu contre-intuitive, l'acceptation décroît au fur et à mesure que l'on s'éloigne du parc. Ce sont des enseignements assez intéressants.

Nous sommes aujourd'hui dans une phase avec beaucoup de débats publics et beaucoup de fake news, avec un enjeu d'information. Pour faire le lien avec les « gilets jaunes », à propos de la facture de chauffage par exemple, aujourd'hui les énergies renouvelables, notamment le bois, peuvent apporter des réponses concrètes à propos de la maîtrise de la facture de chauffage. Par ailleurs, des dispositifs d'aides existent, mais nous nous rendons compte qu'ils sont encore assez mal connus et que leur combinaison peut apparaître encore trop complexe. Dans le cadre de la réforme en cours du CITE4, des réflexions sur une simplification apportent déjà un début de solution.

Cela me permet peut-être, Madame la sénatrice, de répondre à votre question sur le bois. Comme je le disais, l'enjeu est le développement d'une filière de bois de qualité. Nous pouvons la soutenir grâce, par exemple, à des taux de TVA réduits à 5,5 % – un autre sujet qui revient. Le bois-énergie est une pièce du puzzle de la filière bois en France et – on ne le sait pas assez – la filière bois représente 400 000 emplois. Tout se tient : il n'y aura pas de débouchés économiques et de modèle économique si nous ne pouvons pas valoriser à la fois le bois d'oeuvre, le bois d'industrie, et le bois-énergie. Ce sont des sujets importants avec, encore une fois, des potentiels importants de création d'emplois.

Sur les questions liées au solde exportateur dans les scénarios et les modélisations de RTE, nous voyons que les mix énergétique et électrique français sont compétitifs par rapport à ceux de nos voisins européens, et c'est pour cette raison que nous aboutissons à un solde exportateur. Ce n'est pas une hypothèse d'entrée. C'est au contraire une donnée de sortie. C'est le résultat de la compétitivité plus importante du mix électrique français. Cela pourra évoluer en fonction des décisions prises par les pays voisins, notamment l'instauration ou pas d'une taxe carbone qui pourrait avoir des impacts assez importants, mais globalement, nous sommes plutôt dans une situation où nous serons amenés à être exportateurs, pour des raisons de compétitivité.

À propos de l'air, Monsieur le député, nous voyons, en tout cas sur la partie chauffage au bois domestique, que 80 % des émissions sont aujourd'hui liées au parc ancien, qui date du début des années 2000, et aux foyers ouverts. Il y a un premier enjeu de renouvellement de ce parc. Ensuite, nous pourrons échanger plus en détail sur les évolutions technologiques qui sont en cours et sur les produits actuellement mis sur le marché.

Sur la question de l'agriculture et de la production d'énergie, nous serons évidemment à votre disposition pour échanger. Les biocarburants, qui faisaient l'objet d'une autre question, représentent 20 000 équivalents temps plein aujourd'hui dans la filière agricole, sur des productions majoritairement françaises de colza et sucrières. À propos de la méthanisation – peut-être que David Marchal le mentionnera – l'ADEME a publié une étude sur « Agriculture et énergies renouvelables » où nous voyons que le revenu moyen additionnel pour un agriculteur qui se lance dans la méthanisation est de 15 000 euros. Cela peut vraiment faire la différence sur l'équilibre économique d'une exploitation. Ce sont des sources de revenus potentielles importantes. Pour les autres filières, notamment l'éolien, une éolienne n'empêche pas la coexistence avec des activités agricoles. Par ailleurs, cela rapporte un revenu à l'agriculteur. Concernant le sujet plus spécifique des éoliennes de petite taille, Madame la sénatrice, je pense que cela dépend un peu du cas d'espèce. Ce sont en général des machines qui sont peu puissantes et donc qui ne produisent pas beaucoup d'énergie.

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Abdelilah Slaoui, directeur adjoint scientifique de l'Institut des sciences de l'ingénierie et des systèmes (INSIS) et responsable de la cellule Énergie du CNRS

– Je vais être assez bref, juste pour répondre à Monsieur Bolo, sur le sujet des sciences humaines et sociales. Je viens du CNRS. Il y a essentiellement quatre thèmes étudiés dans les laboratoires du CNRS en SHS dans le domaine traité ce matin, avec l'intention d'instaurer des relations entre communautés scientifiques sur les enjeux énergétiques. Tout d'abord le domaine « vision du futur » et scénarios, mais pas uniquement technologiques. C'est un sujet de nature systémique : nous regardons en effet depuis la source matière première jusqu'à l'usage. Il y a également la gouvernance des politiques de l'énergie, le sujet « marché, régulation et modes de consommation » et enfin le territoire et sa composition sociale. Beaucoup de laboratoires travaillent autour de ces problématiques et produisent de nombreuses études. Elles ne sont peut-être pas suffisamment connues par le grand public, mais elles existent. Tout cela se fait aussi dans le cadre de l'alliance Athéna, dont l'essence vise à traiter des questions sociales, des sciences d'une façon générale, et de l'énergie en particulier.

Cela a été dit, mais je crois qu'il ne faut effectivement pas oublier la formation des enseignants, du primaire jusqu'au lycée, voire au-delà. Je crois que c'est là qu'il y a le plus de sciences humaines, et aussi les humains. Il est essentiel que nous puissions les accompagner.

Sur le bois, je serai bref : si cela vous intéresse, de nombreuses études sont faites sur la revalorisation du bois et elles seront traitées lors d'un colloque du CNRS les 8 et 9 juillet, au siège du CNRS. Le bois reprend toute sa place.

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David Marchal, directeur exécutif adjoint en expertise et programmes de l'ADEME

– Pour répondre aux questions de Monsieur Bolo sur l'acceptabilité et les SHS, l'ADEME mène aussi des appels à projets sur ces questions de transition économique et sociale, précisément pour permettre aux acteurs du monde de la recherche des SHS de réaliser des études sur ces sujets d'adhésion, d'acceptabilité sociale, etc. et d'apporter des réponses. Dans le cadre des investissements d'avenir, nous avons aussi financé de nombreux projets de smart grids (réseaux intelligents), pour lesquels nous avons notamment mesuré l'appétence de vrais consommateurs pour des changements de tarification, ou pour plus de flexibilité locale. Ces apprentissages étaient très intéressants. Je tiens quelques documents sur ce sujet à votre disposition si nécessaire.

Nous travaillons aussi sur le développement de nouveaux modèles macroéconomiques. Vous évoquiez la nécessité d'évaluer l'impact des politiques publiques sur l'économie. Nous avons mis au point avec l'OFCE5 un modèle qui s'appelle TRIMI, qui permet de faire des évaluations macroéconomiques très précises des politiques publiques.

Pour répondre aux questions de Madame Tiegna sur les surfaces, l'éolien n'entre pas en concurrence avec l'agriculture. Il prend très peu de place au milieu d'un champ et il est complètement compatible avec les activités agricoles. Les études que nous avons pu mener montrent que c'est plutôt une opportunité économique pour les agriculteurs, qui peuvent ainsi percevoir un loyer. Concernant le photovoltaïque, nous avons publié très récemment une évaluation du potentiel des friches industrielles. Le potentiel en France est estimé à plus de 50 gigawatts déployables sur des friches industrielles et sur des parkings. C'est très conséquent par rapport aux objectifs de la PPE, ce qui est rassurant. Nous pouvons faire donc du photovoltaïque au sol sur des zones qui ne sont pas en concurrence.

Concernant la question de Monsieur Fugit sur l'agriculture et les énergies renouvelables, c'est effectivement un sujet que nous avons déjà regardé de près à l'ADEME et sur lequel nous pouvons donc lui apporter des éléments de réponse. Nous avons notamment publié une étude en 2017 en la matière.

Enfin, au sujet des petites éoliennes, je confirme que malheureusement, elles sont peu productives. Aucune étude de vent n'est faite pour celles-ci, alors qu'une éolienne est normalement implantée là où il y a du vent. Mais une étude de vent coûterait trop cher pour ces petites machines. Elles induisent aussi des problèmes de vibration des pignons. Ce n'est donc pas recommandé et en tout cas que peu productif. Nous avons publié un avis de l'ADEME sur ce sujet il y a quelques années, qui n'était pas très positif.

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Alice Vieillefosse, directrice du cabinet de la DGEC

– Pour compléter sur le sujet des friches, suite au travail de l'ADEME, un groupe de travail a été lancé dans le prolongement des travaux du Conseil de défense écologique, visant justement à mobiliser davantage ces friches. Nous menons également des travaux pour développer, notamment pour le photovoltaïque, l'utilisation des grandes terres artificialisées : les supermarchés et les grandes surfaces, les emprises du ministère des armées, etc. Le but est d'installer des énergies renouvelables aussi là où il n'y a pas de terres agricoles.

Sur la question des sciences humaines et sociales, beaucoup a déjà été dit. Je compléterai juste pour rappeler que nous sommes attentifs à travailler également sur des innovations de modèles d'affaires qui permettent de faciliter l'acceptabilité, de réduire potentiellement les coûts, et qui constituent aussi des innovations en tant que telles. Parfois une même technologie, mais avec un modèle d'affaires différent, peut donner des résultats très prometteurs.

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Angèle Préville, sénatrice

– Je vous remercie toutes et tous pour cette première table-ronde.

Seconde table-ronde : Les axes de R&D pour les technologies du futur

Présidence : Mme Huguette Tiegna, députée, vice-présidente de l'Office

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

– Nous sommes heureux de vous accueillir à l'Assemblée nationale ce matin pour cette seconde table ronde. Je tiens tout d'abord à excuser notre premier vice-président de l'Office, Cédric Villani, qui a dû partir rapidement pour des urgences imprévues. Je vais donc animer cette deuxième table ronde qui porte sur les axes de la recherche et développement pour les technologies du futur au-delà, ou en parallèle, de ce qui s'inscrit directement dans la perspective à court et moyen terme de la programmation pluriannuelle de l'énergie.

Comme pour la première table ronde, je recommande à chacune et chacun de bien vouloir respecter son temps de parole, de façon à laisser suffisamment de place aux échanges.

Sans plus tarder, je vais passer la parole à Monsieur Bernard Tardieu, membre et président de la commission énergie et changement climatique de l'Académie des technologies. M. Bernard Tardieu a une expertise reconnue au niveau international dans le domaine de l'hydroélectricité et des barrages.

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Bernard Tardieu, membre de l'Académie des technologies

– Notre pays s'est engagé à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre et c'est le seul argument qui nous conduit à faire cette transition énergétique si importante. Cette transition énergétique est importante pour la France, mais elle n'est pas très significative au niveau mondial, comme vous le savez. Personne d'autre que nous ne prendra les décisions qui prépareront le rôle que notre pays jouera dans le monde de demain. Cette transition industrielle est entre nos mains et dans les mains de personne d'autre. Cette transition industrielle doit guider la recherche. La recherche n'est pas en avance puisque cette transition industrielle est guidée par la politique. C'est un point important.

Bien sûr, cette transition industrielle a déjà démarré dans le domaine de l'électricité, dont nous avons beaucoup parlé ce matin, et du chauffage. À notre avis, le bouleversement le plus important de l'industrie de notre pays et du monde concerne l'ensemble de la mobilité. Il touche tous les transports : terrestre, aérien, fluvial et maritime. D'ailleurs, depuis le début de la matinée, je regarde la carte de France des voies navigables affichée au mur de la salle et vois que le canal Seine-Nord Europe, dont nous commençons la construction, n'y est pas mentionné. Pourtant, il va éviter que des chaînes de poids lourds transportent vers Paris les containers qui arrivent de Rotterdam et d'Anvers.

Le sujet de la mobilité est important, parce que c'est toute l'industrie, du carburant jusqu'à l'objet final, qui sera modifiée. Nous avons abordé ce problème industriel dans plusieurs avis ou rapports – sur les métaux rares, sur le méthane, sur la réglementation thermique du bâtiment, sur les compteurs communicants – et en ce moment, nous travaillons sur l'hydrogène, sujet hautement politique au sein de notre Académie des technologies. Ce qui nous paraît le plus important pour guider la recherche est de savoir que nous avons besoin de créer des écosystèmes industriels qui soient porteurs pour un marché mondial.

La recherche est en cours, souvent à très bon niveau en France, pour la mobilité. Je vais rappeler quelques exemples que vous connaissez déjà : les batteries embarquées qui pourraient utiliser d'autres métaux que le lithium ou le cobalt, plus denses et plus efficaces que ceux-ci ; les super-condensateurs pour les transistors pour l'électronique de puissance ; des piles à hydrogène miniaturisées par des nanotechnologies, et si possible avec moins de platines ; des électrolyseurs qui permettent de produire de l'hydrogène dans toutes les configurations de sources d'électricité, de proximité de la demande et de stockage ; des membranes pour ces appareils, très importantes car nous les importons toutes ; de nouveaux process d'exploitation de l'hydrogène natif ; des avancées pour l'électronique de puissance, sous l'angle de la régulation et de la sécurité des systèmes ; des stations de recharge pour édifier les systèmes d'alimentation ; mais aussi les biocarburants, avec une pensée particulière pour le grand continent voisin qu'est l'Afrique. Nous pensons que la profondeur du marché de l'occasion impliquera un long délai pour obtenir une transformation intégrale du parc vers un fonctionnement différent. Comme cela a été dit, le fait de remplacer une partie du carburant fossile par un carbure bio-généré est un progrès majeur pour ce continent. On peut également mentionner la production de lithium à partir de l'eau géothermale, dans le fossé rhénan, et les différents moyens de stocker de l'hydrogène, y compris à grande profondeur.

Même si toutes ces recherches, souvent magnifiquement menées, débouchent, s'il n'y pas les écosystèmes industriels pour les développer à grande échelle, c'est-à-dire des industriels fabricants – et pas seulement des ensembliers –, des réseaux de sous-traitants et des banquiers – l'existence d'un appui bancaire indique le risque financier –, soit tout un ensemble de systèmes qui permettent de créer des marchés au départ pour alimenter ensuite le marché mondial, nous ne préparerons pas réellement l'avenir des Françaises et des Français.

Du point de vue de la recherche, il n'est probablement pas souhaitable que la stratégie vise les grands ensembles. Souvent, les grands ensembles conduisent à importer des composants. Nous pensons qu'il faut vraiment développer des composants essentiels à forte valeur ajoutée, dont tout le monde aura besoin et pour lesquels nous pouvons avoir de l'avance, ou au pire un retard pas trop important, qui reste rattrapable. Nos grands sous-traitants automobiles exportent dans le monde entier des composants indispensables pour les voitures. Nous en exportons plus que des voitures elles-mêmes. L'idée des constituants essentiels doit guider la recherche vers ce que sera notre industrie de demain.

Nous ne savons pas du tout comment se fera, dans le domaine de la mobilité, l'arbitrage entre le véhicule électrique 100 % batterie et le véhicule hybride avec de l'hydrogène. Le fait que cette inconnue concerne le monde entier constitue une raison de plus pour se préparer. Il y a cependant un consensus pour dire, d'une part, que la transition sera très lente à cause, une fois de plus, de la profondeur du marché de l'occasion, d'autre part, que le caractère progressif de cette transformation génère un problème de taille de marché. Or, on ne s'engage pas industriellement pour la production de séries sur un marché trop restreint. Il existe un consensus pour dire que les premières séries industrielles de composants concerneront des chariots industriels, des flottes commerciales – cela peut être le train, le bateau ou le camion – captives, avec des transporteurs qui n'ont pas la même approche financière que des acheteurs de voiture individuelle ni la même exigence en termes de taux d'utilisation.

Le développement prévisible de ces marchés va guider les industriels. C'est cela qui doit inspirer la recherche pour aller en priorité vers des marchés à forte valeur ajoutée et à capacité d'exportation. Je le répète, il s'agit d'une mutation politique qui ne peut pas être guidée uniquement par l'inertie du progrès que nous avons envie de faire dans la continuité de ce qui existe. Nous devons vraiment changer et pour cela, la recherche doit écouter le marché qui va se créer sous l'incitation de l'État.

Je comprends très bien par ailleurs l'importance du critère de la création d'emplois dans cette réflexion. Il se trouve que j'étais le mois dernier en Corée où j'ai visité une usine de fabrication de panneaux solaires, qui faisait la surface de 10 terrains de football, et il n'y avait personne à l'intérieur. Ce n'est donc pas le prix de la main-d'oeuvre qui faisait la différence. L'impact sur la main-d'oeuvre ne réside pas dans l'usine mais dans la fabrication des robots, dans la préparation des réseaux (que ce soit pour l'électricité ou l'eau, les routes, le transport), dans la logistique et plus généralement dans l'ensemble du système économique. Il ne faut pas chercher à créer de l'emploi pour créer de l'emploi. Il faut créer de la valeur et c'est cette valeur qui créera l'emploi.

Sur un dernier point, nous avons déjà largement évoqué les SHS. Nous y sommes extrêmement sensibles. Quand nous avons travaillé sur les compteurs communicants, nous ne parlions que de cela. Une remarque m'avait été faite par mes confrères et amis des SHS au CNRS : le mot « acceptabilité » est très souvent perçu comme ayant un contenu manipulateur. Il vaut mieux parler de perception, parce que la perception implique de s'intéresser à la compréhension des mécanismes, et non pas seulement à comment me contraindre à les accepter.

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– Je vais maintenant passer la parole à Monsieur Abdelilah Slaoui. Le CNRS est très actif dans le domaine des énergies renouvelables et Monsieur Slaoui y est directeur de la cellule énergie. Cette cellule a été créée au sein de l'Institut des sciences de l'ingénierie et des Systèmes (INSIS) afin de mieux coordonner les efforts et les actions du CNRS dans ce domaine qui implique l'ensemble de ses instituts.

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Abdelilah Slaoui, directeur adjoint scientifique de l'Institut des sciences de l'ingénierie et des systèmes (INSIS) et responsable de la cellule Énergie du CNRS

– Merci Madame la présidente. Je vous remercie pour cette opportunité de présenter les travaux de recherche et développement au CNRS dans le domaine des énergies renouvelables. En préambule, je voudrais rappeler que sur les 1 100 unités de recherche du CNRS, incluant les universités, les écoles et le CEA, plus du quart sont impliqués dans une R&D concernant l'énergie. Cela représente un équivalent de 4 500 équivalents temps plein travaillés et environ 1 400 pour le CNRS. Le tiers de ces personnes travaillent sur les énergies renouvelables au sens large. Les SHS, dont nous avons parlé, en font aussi partie, mobilisant un nombre important de chercheurs.

Si je me focalise sur les énergies renouvelables, compte tenu du temps limité dont je dispose et de la thématique de la matinée, les énergies renouvelables concernent essentiellement, pour le CNRS, au sens large encore une fois, les énergies solaires, l'énergie marine et les biocarburants. Avec le CEA, nous travaillons beaucoup sur l'hydrogène et les piles à combustible. Cependant, je n'évoquerai pas spécifiquement l'hydrogène – puisque ce n'est pas le propos – mais plutôt l'énergie solaire, la biomasse et les énergies marines.

Je commencerai par la biomasse et son potentiel, en me focalisant sur les biocarburants et sur les systèmes intégrés que nous avons évoqués. Dans ce secteur, il faut regarder le système sous ses différents aspects : la biomasse, l'utilisation de la lumière, avec des procédés chimiques bio-inspirés ou des procédés physico-chimiques, pour produire différents éléments (éthanol biodiesel, hydrogène, électricité) essentiellement destinés aux usages de la mobilité. Nous développons des axes de recherche autour de cela. Nous nous focalisons sur les biocarburants de deuxième et troisième générations pour éviter les inconvénients de la première génération, qui utilise souvent des plantes riches en sucre (betteraves, canne à sucre) ou des plantes riches en huile (soja, colza et palme) et éviter ainsi la concurrence avec la production à des fins alimentaires et le coût environnemental associé. Les biocarburants de deuxième génération sont fondés sur l'utilisation de la biomasse lignocellulosique, c'est-à-dire des taillis, du bois, de la paille, dont la production n'interfère pas avec l'alimentation.

Les biocarburants de troisième génération reposent sur l'utilisation des micro-organismes photosynthétiques, par exemple les micro-algues, les cyanobactéries, qui vont transformer directement la lumière solaire en composés d'intérêt énergétique (de l'hydrogène, des lipides) pour produire du biodiesel. Beaucoup de personnes travaillent sur ce sujet et nous y croyons beaucoup.

Dans le domaine de la R&D, à court terme, nous allons déjà nous appuyer sur les résultats de démonstrateurs « bio-fuel », et plus généralement sur ce qui existe déjà (Bio-T-full, Gaya et Futurol). À long terme, nous voulons développer des micro-organismes ou des enzymes à bas coût, de manière à pouvoir produire ces biocarburants. À plus long terme encore, il y a tout ce qui est procédés de valorisation énergétique des algues et autres bio-organismes.

Pour l'énergie solaire, j'évoquerai deux aspects. Il y a bien sûr l'électricité photovoltaïque, dont nous avons beaucoup parlé et dont il faut accompagner l'expansion importante. Pour cela, nous travaillons sur des feuilles stratégiques de recherches matricielles. Les aspects d'étude fondamentale concernent la chimie, la physique, la photonique et les modélisations, mais il faut tenir compte aussi des recherches sur les matériaux. L'objectif de la R&D est dans tous les cas d'accroître les rendements de conversion et de réduire les coûts. Pour cela, nous nous appuyons sur de nombreux laboratoires. Une fédération représente 25 laboratoires, avec l'IPVF6 et en collaboration avec le CEA. Outre l'amélioration des rendements, nous visons à utiliser le moins de matière possible, avec des couches de matériaux de plus en plus minces, avec des matériaux performants, des matériaux constitués d'éléments abondants, en innovant aussi dans les procédés de fabrication.

Il ne faut pas oublier l'énergie solaire thermique ou thermodynamique, autour de laquelle se réalisent énormément d'activités de recherche. Je rappelle que par exemple, le four solaire d'Odeillo va fêter ses 50 ans cette année. Même s'il n'a pas « produit » directement, il a permis énormément de productions indirectes en termes de R & D, à commencer par la production d'électricité par une turbine à gaz et d'énergie solaire dans un projet qui s'appelle Pégase, ou bien des activités autour du stockage thermique.

Les énergies marines présentent un potentiel considérable, nous en avons déjà parlé. Cette filière a différentes variantes : de l'éolien posé jusqu'à l'énergie des vagues, en passant par l'éolien flottant, comme nous l'avons dit, et l'hydrolien. Chacune a ses avantages et ses inconvénients, leur maturité technologique est variable, leur empreinte carbone diffère, ou parfois est mal connue. S'agissant des énergies marines, nous nous sommes organisés pour travailler dans le cadre d'un groupe de recherche comprenant 28 partenaires, dans 18 unités de recherche, en partenariat avec France Énergies Marines, CEREMA, l'INRIA et l'IFPEN, mais aussi de nombreuses entreprises. Nous avons beaucoup contribué à ce que les énergies marines renouvelables puissent prendre toute la place qui leur revient. En particulier, nous avons retenu des axes de recherche spécifiques pour optimiser les performances des filières matures, comme les interactions entre les machines, l'optimisation des architectures de raccordement, la standardisation.

Le deuxième axe consiste à faciliter la maturation pour les filières en développement, avec des modélisations en multi-physique. Nous disposons de plusieurs bassins et sites d'essais. Il nous faut également étudier les possibilités d'intégration au réseau pour que cela ait du sens.

Le troisième axe vise à préparer les prochaines générations de convertisseurs. C'est là où les ruptures technologiques apparaissent, par exemple avec des génératrices supraconductrices. Nous travaillons sur les éoliennes à 20 méga et plus, power to gas liquide, et sur de nouveaux concepts.

Comme vous pouvez le voir, tout un ensemble d'activités se développe autour de ces différentes énergies renouvelables. Il ne faut pas oublier ce qui concerne l'hydrogène et la pile à combustible, le stockage, la pile à combustible à électrolyseur à oxyde solide, ou encore les systèmes énergétiques multi-flux. Tout cela entre dans le cadre d'une fédération d'organismes de recherche ainsi qu'au sein des consortiums que nous créons avec le CEA et les industriels, pour faire en sorte que cette technologie puisse être celle de demain.

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– Notre prochain interlocuteur, Monsieur Étienne Brière, représente la Recherche et Développement d'EDF, et en particulier sa direction de R&D, qui est un acteur incontournable. Nous l'avons bien vu lorsqu'une délégation de l'OPECST s'est rendue sur le site des Renardières, près de Fontainebleau à l'automne dernier, lors d'une visite particulièrement éclairante pour nos collègues parlementaires. Nous vous recevons aujourd'hui, vous qui êtes directeur du programme d'énergies renouvelables, stockage et environnement, à la direction Recherche et Développement d'EDF. Monsieur Brière, pouvez-vous évoquer pour nous les grandes tendances du développement des énergies renouvelables explorées chez EDF, en les illustrant par quelques exemples concrets ?

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étienne Brière, direction de la R&D d'EDF

– Je souhaiterais commencer mon propos en rappelant de nouveau que les EnR (Énergies renouvelables) constituent un domaine très large, avec à la fois des EnR électriques, dont nous avons parlé, notamment l'hydraulique – la première des ENR électriques, et encore pour longtemps – et les EnR thermiques, qu'il s'agisse de bioénergie, de géo-énergie ou de pompes à chaleur. Mon propos ce matin va se concentrer sur les énergies renouvelables électriques, mais il est important, dans toutes les réflexions que nous pouvons développer dans le domaine de la recherche, de ne pas oublier les autres. Cela a bien été pris en compte ce matin. C'est un point extrêmement important.

La R&D d'EDF sur les EnR s'inscrit dans la stratégie du groupe qui a lancé plusieurs plans, à la fois pour un doublement de la puissance installée en énergies renouvelables, un plan solaire ambitieux (stockage et mobilité), ainsi qu'une stratégie hydrogène bas carbone sur laquelle je ne reviens pas. L'ensemble répond aux objectifs de la PPE et de la stratégie nationale vers la neutralité carbone. En termes de R&D, le Groupe EDF fait des efforts importants chaque année et plus de 60 % de cette R&D sont consacrés aux nouvelles technologies de la transition énergétique.

Je vais illustrer nos priorités de R&D en trois points. Le premier s'appuie sur le constat que nous faisons tous. Effectivement les progrès des énergies renouvelables – une division par 10 en 10 ans des prix des panneaux photovoltaïques et des batteries, une division par 2 en 8 ans pour l'éolien – sont très importants et vont se poursuivre. Nous sommes convaincus qu'effectivement, dans les cinq ans qui viennent, les progrès vont continuer, à la fois en termes de performance et de coût. Le premier objectif pour nous, à la R&D d'EDF, est donc de permettre de déployer et d'industrialiser le plus rapidement possible les nouvelles technologies qui arrivent sur le marché. Nous avons un rôle de passeur pour permettre à la R&D d'apporter la performance opérationnelle aux projets en France et dans le monde.

Je donnerai quelques exemples, le premier pour le photovoltaïque. Depuis 2 ou 3 années, nous avons vu émerger des panneaux bifaciaux, qui augmentent le productible. Notre rôle a été de les qualifier, d'évaluer leur productible, l'énergie produite, de manière à ce que cette technologie puisse être intégrée rapidement dans les projets.

Un autre exemple est le lidar flottant, une technologie qui mesure le vent en mer. Nous l'avons qualifié et maintenant, cela permet de mesurer le productible, l'énergie attendue, sur des parcs éoliens en mer, de manière plus rapide et moins chère. C'est un autre exemple d'activité de R&D où nous qualifions des nouvelles technologies pour les industrialiser et les intégrer directement dans les projets.

Pour l'hydraulique, les technologies de surveillance des ouvrages sont importantes. Nous avons développé des technologies de fibre optique pour détecter plus rapidement les fuites éventuelles sur des ouvrages. Les actions pour la maîtrise des impacts environnementaux constituent aussi des enjeux pour les projets en cours.

Un autre exemple actuel est le sujet de l'autoconsommation photovoltaïque : la R&D a pu mettre au point des services d'autoconsommation, permettant à des particuliers d'intégrer du photovoltaïque dans leurs usages, dans le souci d'une économie de leur facture et d'un usage accru de cette forme d'énergie.

Le deuxième point de mon propos est qu'effectivement, ces nouvelles technologies sont des composantes des systèmes énergétiques. Des axes importants de nos projets de R&D consistent justement à faciliter et accélérer cette intégration des énergies renouvelables dans les systèmes énergétiques qui, demain, seront autant centralisés que décentralisés, locaux et globaux.

Mon premier exemple en la matière sera l'optimisation des systèmes de stockage pour améliorer la rentabilité des dispositifs. Nous avons testé, il y a cinq ou six ans, des batteries de 1 mégawatt sur notre site des Renardières. Nous avons pu développer les algorithmes de pilotage pour montrer les services que pouvaient rendre ces systèmes de stockage, ce qui nous a permis ensuite de déployer des projets opérationnels aux États-Unis et au Royaume-Uni, ainsi que dans les territoires insulaires, pour voir en quoi ces batteries apportaient des services. Cette action de R&D vise à améliorer l'intégration des ENR dans les systèmes électriques.

Un autre élément d'activité concerne l'optimisation et l'agrégation de plusieurs offres. Le développement du compteur Linky est une brique importante du développement de la transition énergétique. Ce compteur va permettre d'accroître la flexibilité de l'aval comme on dit en jargon, c'est-à-dire le pilotage des charges chez les clients. L'outil que sont les compteurs communicants est une brique essentielle du paysage, que nous allons permettre d'utiliser pour activer le pilotage des ballons d'eau chaude ou, par exemple, de la charge des véhicules électriques. Nous travaillons sur ces nouvelles sources de flexibilité.

Les systèmes énergétiques de demain seront constitués de plusieurs éléments. Je prends l'exemple d'un projet qu'EDF a gagné au Maroc, qui illustre l'intérêt des solutions d'hybridation. Il s'agit d'un projet où l'on couple à la fois du solaire thermodynamique, du photovoltaïque, du stockage thermique, et toute l'innovation qui favorise ces nouveaux projets intégrés dans le système électrique. Ce système va produire de l'électricité décarbonée de 8 heures du matin à minuit, grâce à des solutions intelligentes de couplage de sels fondus, de stockage thermique et de photovoltaïque, à des prix très compétitifs, inférieurs à 65 euros le mégawattheure.

J'évoquerai également, dans cette démarche d'intégration, les études régionales que nous conduisons pour accompagner les territoires dans leur stratégie vers la neutralité carbone. Ces études mettent en lumière la complémentarité des énergies locales avec les énergies plus centralisées, dans un objectif de développement de plusieurs vecteurs énergétiques couplant l'électricité à d'autres vecteurs, pour atteindre les objectifs de bas carbone.

Enfin, mon dernier point portera sur la R&D à plus long terme pour préparer les technologies du futur. Il s'agit d'anticiper et de préparer les solutions technologiques et systémiques de demain. Je citerai un premier exemple, dont nous sommes plusieurs acteurs autour de la table : l'IPVF (Institut photovoltaïque d'Île-de France). Cet ITE7, qui a été mentionné ce matin, traite du photovoltaïque, et associe Total, Air Liquide, les PME Horiba Jobin Yvon et Riber, l'École Polytechnique et le CNRS, pour aller de cellules standards vers des cellules à 30 % de rendement à l'horizon 2030. Initialement, nous visions 30 centimes d'euros mais nous sentons qu'il faudra sans doute fixer des objectifs plus ambitieux encore, peut-être 25 centimes d'euros Cette préparation de l'avenir nécessite des démarches en partenariat, nous ne pouvons pas les faires seuls. Mon voisin Benoît Lombardet, de Total, souhaitera peut-être l'évoquer aussi.

Un autre sujet est la question du vieillissement des composants, que ce soit des éléments photovoltaïques ou des électrolyseurs. Nous devons travailler à comprendre le vieillissement de ces matériels par des lois phénoménologiques, par des lois empiriques. C'est important.

L'éolien en mer représente un autre défi, avec l'éolien flottant bien sûr, mais aussi l'éolien posé. Il soulève des questions sur la maîtrise des risques environnementaux et le développement de solutions techniques comme celles des flotteurs ou des câbles dynamiques, et des sujets liés aux impacts environnementaux. Cette démarche est également développée en partenariat puisque l'ITE France Énergies Marines constitue un des vecteurs importants de coordination des acteurs en France. Nous en sommes pleinement satisfaits parce qu'il permet une excellente coordination entre acteurs industriels et acteurs académiques.

Enfin, la gestion des données et le numérique sont des enjeux essentiels. La capitalisation des données de retour d'expérience est extrêmement structurante. Nous travaillons à définir des formats de données qui vont nous permettre de préparer leur analyse et de renforcer la compétitivité des EnR demain. Nous évaluons des technologies nouvelles, comme les convertisseurs électroniques, les volants d'inertie, les super-capacités, afin de préparer et d'évaluer les places de ces technologies dans le futur.

Je n'oublie pas les enjeux des impacts environnementaux, notamment sur la biodiversité, et les questions de perception et d'acceptabilité pour lesquels nous mobilisons une équipe de sociologues et avons de nombreuses thèses en cours, en association avec des laboratoires partenaires.

En conclusion, le développement des EnR s'inscrit bien, pour EDF, dans le cadre de la PPE et de la stratégie vers la neutralité carbone. Dans ce contexte, nous anticipons pour préparer les briques technologiques qui s'intègreront dans la transition énergétique. La transition énergétique repose sur plus d'électricité décarbonée, plus d'usages de l'électricité. Les pompes à chaleur, l'hydrogène fabriqué à partir d'électricité bas carbone et les véhicules électriques, accompagnés d'une réglementation qui valorise l'absence de CO2, sont pour nous des axes majeurs de la transition énergétique et la R&D y contribue.

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– Notre prochain interlocuteur est Monsieur Benoît Lombardet. Les entreprises du secteur pétrolier font de gros efforts de recherche et développement dans le domaine des énergies renouvelables, dans le cadre d'une stratégie de diversification. M. Benoît Lombardet, directeur technologie, recherche et développement de la branche « renewable and power » du Groupe Total, va évoquer les grandes tendances du développement des énergies renouvelables explorées chez Total, avec là aussi des illustrations si possible par quelques exemples concrets.

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Benoît Lombardet, directeur R&D de la branche renouvelables de Total

– Merci de nous avoir conviés à cette audition, qui va nous permettre de vous donner un aperçu de nos principaux axes de R&D en matière d'énergies renouvelables. Compte tenu du temps limité, je ne vais pas vous dresser un panorama exhaustif de tous nos programmes, mais plutôt vous présenter une sélection de ceux qui nous paraissent prioritaires.

Avant de commencer, j'aimerais consacrer quelques minutes à replacer les énergies renouvelables dans la stratégie du Groupe Total et plus généralement, dans le contexte global de la lutte contre le changement climatique. Comme vous le savez, l'ambition du Groupe Total est de devenir la major de l'énergie responsable, c'est-à-dire de fournir à une population mondiale en croissance une énergie abordable, propre et disponible. « Propre » signifie pour nous respectueuse de l'avenir de la planète. Pour cela, nous intégrons dans notre stratégie les objectifs de réduction d'émissions de CO2 fixés lors de la COP 21, et les scénarios de mix énergétique nécessaires pour les atteindre. Cette transformation du mix énergétique mondial, comme cela a été mentionné précédemment, va demander des « efforts de guerre ». Le développement de nouvelles technologies exigera des investissements massifs dans la construction et le développement de nouvelles infrastructures de production, de transformation et de transport de l'énergie, tout cela au fur et à mesure des progrès technologiques et de la réduction des coûts. Cette réalité technique et économique fait que la transformation du mix énergétique ne pourra passer que par une évolution et non par une révolution. Nous tenons compte de ce constat dans notre stratégie.

L'autre élément que nous intégrons dans notre stratégie est que cet enjeu est mondial. L'objectif est de limiter les émissions de CO2 à l'échelle de toute la planète, et non pas d'un seul pays. Notre approche est globale et prend en compte les besoins et les spécificités locales de tous nos clients, dans chacun des 130 pays où nous sommes présents. Pour atteindre les objectifs fixés lors de la COP 21, nous devons agir simultanément selon trois axes. En premier, il faudra faire évoluer le mix d'énergies fossiles, c'est-à-dire le charbon, le pétrole et le gaz, vers plus de gaz, qui est deux fois moins émetteur de CO2 que le charbon. Ensuite, il faudra développer l'efficacité énergétique, car nous devons maintenir stable la consommation d'énergie tout en satisfaisant les besoins d'une population en croissance et qui aspire à un meilleur confort de vie. Enfin, nous devrons déployer un maximum d'énergies renouvelables dans le mix énergétique mondial.

Aujourd'hui, je vais me focaliser sur nos programmes R&D sur les énergies renouvelables, mais sachez que nous investissons des efforts de R&D tout aussi importants sur les deux autres axes et sur d'autres aspects de la transition énergétique.

Le premier axe de recherche que je vais vous présenter a pour objectif de réduire le coût de l'électricité renouvelable, car même si des progrès considérables ont été effectués ces dernières années, avec l'électricité solaire désormais compétitive sur beaucoup de marchés, nous pensons qu'il reste un grand potentiel d'amélioration. Au niveau des composants d'abord, notre filiale Sun Power propose déjà les panneaux solaires les plus performants et plus fiables du marché, mais nos équipes de R&D continuent sans cesse de les améliorer. La toute nouvelle génération qui a été mise sur le marché en mars, et qui a été développée en collaboration avec les équipes R&D de Total, présente ainsi un rendement record, supérieur à 22 %, et une dégradation près de trois fois inférieure à celle des panneaux conventionnels.

Nous préparons aussi les ruptures technologiques de demain. Pour cela, nous avons créé l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France avec nos collègues d'EDF, d'Air Liquide, avec le CNRS et l'École Polytechnique. Comme cela a été mentionné, c'est un partenariat assez unique, entre académiques et industriels, dans le but de développer les prochaines générations de panneaux solaires, plus fiables, plus performants et moins chers que les technologies actuelles à base de silicium. C'est aussi un exemple d'engagement de Total dans une dynamique de filière et dans un partenariat public-privé. Monsieur le vice-président Cédric Villani, député de l'Essonne, qui était présent tout à l'heure, connaît notre intention d'aller plus loin et de développer d'autres projets de ce type sur le plateau de Saclay.

À plus court terme, nous développons nos propres outils de modélisation et de design des systèmes solaires, pour être capables de proposer à chacun de nos clients la solution la plus fiable, la plus économique et la mieux adaptée à ses besoins, partout dans le monde. Nous déployons en parallèle des sites de test dans différentes localisations et nous y testons les différentes technologies, en comparant les résultats avec nos modèles prédictifs afin de les améliorer, par exemple dans la prédiction des phénomènes de dégradation ou dans l'évaluation des performances de technologies émergentes comme les panneaux bifaciaux, qui ont déjà été mentionnés. Cela nous permet d'améliorer notre excellence opérationnelle, par exemple en optimisant nos stratégies et techniques de nettoyage dans des environnements avec fort empoussièrement. Bien entendu, nous exploitons ici désormais toutes les opportunités offertes par les progrès de la science des données. Nous allons développer une plateforme numérique où nous agrégerons toutes les données provenant de nos sites de production solaire dans le monde. Cela va nous permettre d'analyser en temps réel les performances et de détecter des problèmes, mais aussi d'affiner nos modèles prédictifs.

Dans l'éolien, nous avons une approche assez similaire. J'aimerais simplement mentionner que nous avons développé une gamme de lubrifiants spécifiques pour les turbines éoliennes, qui permettent d'améliorer leur rendement et d'augmenter leur durée de vie. Notre objectif est aussi de réduire l'intervalle des vidanges. Aujourd'hui, leur huile doit être changée tous les trois à six ans. Grâce à nos solutions, nous avons déjà montré que nous pouvions porter cette durée à dix ans et nous visons désormais d'atteindre le plein à vie. Comme le montre cet exemple, chaque détail compte pour réduire le coût de l'électricité renouvelable et diminuer son empreinte carbone. Chaque élément de la chaîne de valeur doit être optimisé et Total travaille partout où il peut y avoir une valeur ajoutée.

Le deuxième axe de recherche pour les énergies renouvelables, qui a déjà été mentionné ce matin, consiste à permettre leur déploiement massif et d'être installées sur des sites aujourd'hui inaccessibles. Pour vous donner quelques exemples sur lesquels travaille Total, dans le domaine solaire, nous visons, avec des start-up françaises, à faire cohabiter agriculture et production solaire, ou encore à trouver des solutions pour solariser des toits dont la structure ne permettrait pas de supporter le poids du système photovoltaïque habituel. Dans l'éolien, nous développons aussi un programme d'éolien offshore flottant en haute mer. C'est une technologie qui permet d'accéder à des gisements de vent plus stables et de minimiser les nuisances visuelles et sonores pour les populations. Or Total est un leader mondial des plateformes ancrées ou flottantes en haute mer. Nous mobilisons actuellement toute l'expertise que nous avons acquise depuis des années dans le domaine des hydrocarbures pour la transposer dans le domaine de l'éolien flottant. Comme pour les lubrifiants, nous mettons à profit les compétences développées dans nos métiers traditionnels pour faire progresser les technologies renouvelables.

Le troisième axe consiste à résoudre le problème de l'intermittence des énergies renouvelables. L'électricité renouvelable est aujourd'hui propre et désormais abordable, mais il reste encore à la rendre disponible. Nos clients souhaitent pouvoir en bénéficier chaque fois qu'ils en ont besoin, c'est-à-dire aussi la nuit et quand il n'y a pas de vent. Comme vous le savez, Total a acquis en 2016 le groupe français Saft, leader mondial des batteries de spécialité. Saft développe désormais des solutions de stockage pour l'énergie stationnaire. À court terme, nous améliorons les technologies lithium-ion à base d'électrolyte liquide, et nous les intégrons dans des systèmes parfaitement sécurisés.

La sécurité est la priorité numéro un du Groupe Total et de Saft, et nos solutions de stockage stationnaire intègrent des dispositifs de sécurité spécifiques et propriétaires pour prévenir tout risque d'incendie généralisé. Pour rappel, un container de stockage contient autant de batteries qu'une cinquantaine de voitures électriques. Les incendies observés récemment dans les systèmes de nos concurrents justifient les efforts de R&D importants que nous avons investis sur ce sujet.

Enfin, nous développons la prochaine génération de batteries lithium-ion à électrolytes solides, dans le cadre d'un consortium européen avec des partenaires comme Solvay, Manz ou Siemens. Ce programme permettra de développer des batteries plus sûres, avec une densité énergétique supérieure, et donc avec une plus grande autonomie. Les premières applications verront le jour en 2025. La massification est attendue à l'horizon 2030.

Dernier axe que je souhaite mentionner aujourd'hui : il s'agit de coupler nos technologies d'énergies renouvelables avec nos technologies de stockage et avec d'autres sources de production électrique comme les centrales à gaz. Ces systèmes multi-énergies nous donnent une grande flexibilité dans la production d'électricité bas carbone et nous permettent de répondre aux besoins spécifiques de chacun de nos clients. Par exemple, en couplant batteries et centrale photovoltaïque (PV), nous pouvons fournir une électricité bas carbone plus stable et sur une durée plus longue dans la journée. En couplant du PV à des génératrices diesel, nous permettons à nos clients qui ne sont pas reliés à un réseau électrique de réduire leur empreinte carbone, en économisant du fioul en journée. Nos programmes de recherche ont pour objectif de dimensionner et de modéliser ces systèmes complexes, et de développer et optimiser les algorithmes qui en pilotent le fonctionnement.

Dernier exemple que je vais vous citer aujourd'hui : nous collaborons avec l'École Polytechnique dans la réalisation d'un bâtiment intelligent sur le campus de Saclay. Ce bâtiment sera équipé de panneaux Sun Power et de batteries Saft, et son optimisation énergétique sera réalisée par notre filiale GreenFlex. Dans le cadre de la chaire Trend X, nos équipes de R&D vont collaborer avec l'École Polytechnique pour y développer des stratégies innovantes d'efficacité énergétique qui intégreront notamment le comportement et l'action des étudiants résidents.

Je vous remercie de votre attention et je suis à votre disposition pour répondre aux questions.

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– Je vais maintenant donner la parole à Madame Morgane Barthod. Après les grands acteurs publics et privés de l'énergie, nous allons nous intéresser au cas des acteurs de plus petite taille, qui opèrent plutôt sur des niches technologiques. Ainsi, Madame Morgane Barthod, fondatrice de la start-up Météo*Swift pour la prévision de la production d'électricité renouvelable avec l'appui de l'intelligence artificielle, va pouvoir évoquer son activité de prévision de la production des parcs éoliens et solaires à court terme, de 1 heure à 15 jours.

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Morgane Barthod, fondatrice de la start-up Meteo*Swift

– Bonjour et merci beaucoup. C'est un honneur d'être invitée à présenter notre activité et à partager notre regard sur les perspectives de recherche et développement dans les énergies renouvelables.

Je vais me concentrer sur notre domaine d'expertise, qui est la gestion de l'intermittence et le réseau électrique du futur. Ce que nous faisons à Météo*Swift est de la prévision de production. Nous prévoyons, de quelques heures à quelques jours à l'avance, maintenant également à quelques minutes, la production de parcs éoliens ou de panneaux solaires. Pourquoi avons-nous besoin de le faire ? Parce que ces énergies sont intermittentes et sans l'aide de nos technologies, elles peuvent être imprévisibles et perturber le réseau électrique.

Je pense que vous êtes familiers avec la loi de transition énergétique8, votée en 2015. Une partie de cette loi a impliqué un changement de mode de commercialisation des énergies renouvelables. Jusqu'ici, nous étions dans un système où les énergies renouvelables injectaient l'électricité sans avoir besoin de prévenir et recevaient un tarif fixe. Nous passons maintenant à un système de marché de l'électricité où, comme les autres sources d'énergie, les énergies renouvelables doivent faire une offre de vente la veille sur le marché et s'y tenir sous peine de pénalités. Pourquoi avons-nous besoin de changer de système ? Parce que nous avons de plus en plus d'énergies renouvelables, qui vont avoir un impact de moins en moins négligeable sur le réseau électrique. Nous aurons donc de plus en plus besoin de gérer cette intermittence.

En termes de technologie, nous travaillons avec de l'intelligence artificielle, de la météo et des statistiques. Comment faisons-nous pour fournir des prévisions de production ? Par exemple, pour un parc éolien, nous regardons l'historique de production de ce parc éolien ainsi que l'historique de prévisions météo dans nos bases de données. Pour chaque éolienne ou pour chaque panneau solaire, nous modélisons le comportement de cette éolienne ou de ce panneau solaire à l'aide d'algorithmes d'intelligence artificielle. Ensuite, chaque jour ou chaque heure, nous recevrons des prévisions météo et en déduirons des prévisions de production.

Nos axes de recherche et développement visent donc de meilleurs outils d'intelligence artificielle. Nous avons de la chance puisque dans ce domaine, l'état de l'art évolue très vite, ce qui nous permet de proposer des prévisions de plus en plus performantes. Nous travaillons également sur le deep learning.

Notre deuxième axe de développement est la gestion du risque. Aujourd'hui, nous sommes passés sur un système plus flexible, dans lequel le réseau électrique va recevoir des prévisions à l'avance. L'idée est d'aller encore plus loin dans cette gestion de la flexibilité et de s'appuyer sur la notion de risque, sur la gestion de l'incertitude. Plutôt que d'annoncer « demain à 10 heures, ce parc éolien va produire 17 mégawatts » il est plus pertinent de dire « demain à 10 heures, ce parc éolien a 90 % de chances de produire entre 15 et 19 mégawatts ». Cela permet d'avoir une gestion beaucoup plus fine de l'incertitude sur le réseau électrique.

Je vais ensuite parler plus généralement des perspectives de recherche et développement pour gérer l'intermittence, dont il faut relativiser les risques. Aujourd'hui en France, nous disposons d'une base, le nucléaire, qui est tout à fait prévisible, voire pilotable. La part des énergies renouvelables est croissante mais elle reste modeste. Ceux qui s'appuient sur le risque de l'intermittence pour dire que les énergies renouvelables se développent trop vite, exagèrent ce risque d'imprévisibilité. D'autres pays, qui sont beaucoup moins interconnectés que la France, ont beaucoup plus d'énergies renouvelables et s'en sortent très bien. Je pense notamment à l'Irlande.

La transition énergétique consiste effectivement à remplacer des sources d'énergie prévisibles et pilotables par des sources d'énergies beaucoup plus intermittentes. C'est donc un changement de paradigme pour le réseau d'électricité. Nous nous dirigeons progressivement vers une optimisation plus fine et à plus court terme, avec moins de bases et plus de flexibilité. Nos outils de prévision accompagnent cette évolution. La gestion du réseau électrique est l'axe qui requiert le plus de recherche. La France est en mesure de bien se positionner dans ce domaine, nous sommes très dynamiques en intelligence artificielle, en statistiques, en mathématiques. Ce sont des points forts du système éducatif français. Ces technologies se développent bien en France et peuvent s'exporter. Nous travaillons, par exemple, beaucoup à l'international et notamment dans les pays émergents qui ont un fort besoin d'une meilleure gestion, que ce soit en Chine, en Inde ou au Brésil. Dans ces pays, les énergies renouvelables se développent très vite mais le réseau électrique n'est pas à la hauteur et le besoin d'équilibrer le réseau y est encore plus fort qu'en France.

Pour illustrer ce changement de paradigme qu'est la transition énergétique pour l'équilibre du réseau électrique, nous pouvons faire le parallèle avec la téléphonie en Europe et en Afrique. En Europe, nous avons développé tout notre réseau de téléphonie autour de l'infrastructure fixe. En Afrique, tout le monde a un téléphone portable et il n'y aura probablement jamais de réseau de téléphonie fixe, puisqu'il n'y en a pas besoin. Je pense que dans l'énergie, nous nous dirigeons de plus en plus vers ce type de système. Les infrastructures qui ont été déployées en Europe ne le seront probablement pas partout dans le monde. Nous nous appuierons plutôt sur une gestion flexible, avec beaucoup d'énergies renouvelables, des outils puissants de prévision et de pilotage, des outils numériques avancés, des batteries pour la flexibilité, mais probablement pas besoin d'infrastructures aussi lourdes qu'en Europe. La France peut jouer un rôle important dans ces développements.

Je souhaiterais à ce stade faire quelques remarques un peu plus larges sur les axes de recherche et développement dans les énergies renouvelables. Tout d'abord, la transition énergétique a des conséquences géopolitiques. Jusqu'ici, notre ordre géopolitique était fondé sur l'accès à la ressource énergétique, mais l'enjeu porte de plus en plus sur les brevets : les énergies renouvelables demandent moins de ressources mais beaucoup plus de technologies. La France peut s'appuyer pour le solaire sur l'Institut national de l'énergie solaire. Malheureusement, un tel organisme n'existe pas pour l'énergie éolienne. Un Institut national de l'énergie éolienne, qui permettrait de dynamiser la R&D dans ce domaine, permettrait à la France d'occuper une meilleure place dans l'industrie éolienne. C'est d'autant plus intéressant et possible que l'industrie éolienne s'est bien développée et a mieux résisté à la concurrence chinoise que l'industrie solaire. Il y a de grandes entreprises dans ce domaine au Danemark et en Allemagne, et ce secteur devrait être plus encouragé en France.

Le deuxième point a déjà été abordé à plusieurs reprises ce matin. Je n'y reviendrai donc que rapidement. Il s'agit de l'acceptabilité, ou plutôt de la perception, de l'installation des énergies renouvelables. Il s'agit là de recherche en sciences sociales, mais des financements innovants comme en Finlande pourraient être envisagés.

Enfin, il demeure un enjeu important : le recyclage, puisqu'aujourd'hui nous avons de plus en plus de matériaux composites. Nous avons encore 20 ans devant nous pour trouver comment recycler les éoliennes, puisque ces matériaux composites ont été développés assez récemment, mais cet axe méritera d'être creusé.

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– Nous allons maintenant passer à notre dernier intervenant, Monsieur Christophe Clergeau. Entre les grands groupes et les start-up, il y a dans le domaine de la recherche de nombreux acteurs de taille moyenne. Pour une approche plus thématique et moins ciblée sur la nature des acteurs, nous terminerons notre seconde table ronde par l'audition du responsable et fondateur de l'Observatoire des énergies de la mer, Monsieur Christophe Clergeau. Il va nous le dire lui-même plus en détail, mais les technologies des énergies de la mer regroupent plusieurs types d'énergies très différentes. La plus répandue et avancée industriellement est l'énergie éolienne posée, mais il y a aussi l'énergie éolienne flottante, pour les zones de mer profonde. L'énergie hydrolienne utilise l'énergie cinétique des courants marins ou fluviaux. L'énergie houlomotrice utilise l'énergie contenue dans les mouvements de la houle, c'est-à-dire les oscillations sur la surface de l'eau, par opposition à l'énergie marémotrice. Il y a aussi l'énergie photovoltaïque flottante, que tout le monde comprend, ou encore l'énergie osmotique, qu'il serait possible d'obtenir au voisinage des estuaires, où l'eau chaude fluviale se mélange à l'eau salée de la mer, en exploitant le phénomène d'osmose qui se produit en continu au niveau d'une membrane appropriée séparant les masses d'eau de salinités différentes.

Les tenants des énergies marines ont plutôt regretté que ces types d'énergie soient moins mis en avant que d'autres dans la PPE. Avec un certain nombre d'autres députés, Cédric Villani souhaitait rappeler qu'il a échangé sur ce point avec le Premier Ministre Édouard Philippe, avant le débat du projet de la loi énergie climat. Je serai donc personnellement attentive à ce que Monsieur Clergeau pourra nous dire sur les pistes de recherche et développement dans ces différents secteurs.

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Christophe Clergeau, directeur de l'Observatoire des énergies de la mer

– Merci de nous inviter pour donner effectivement une place aux énergies marines renouvelables, ou EMR, même si elles ont déjà été évoquées partiellement par d'autres orateurs.

Je voudrais faire deux remarques introductives. La première, c'est que cette filière existe depuis 20 ans. Il y a plus de 11 gigawatts installés en Europe.C'est une filière au bord de l'explosion et d'un très fort développement en France et à l'échelle mondiale. Les États-Unis, la Chine, et le Japon sont en train d'y investir massivement. Nous sommes au début d'une aventure industrielle mondiale. En second lieu, c'est le seul segment du renouvelable sur lequel l'ensemble de la chaîne de valeur peut être localisé en Europe et en France, avec une valence industrielle très forte, y compris dans les grands ensembles, ce qui la différencie de ce que nous avons entendu jusqu'à présent. Il y a également une proximité forte entre l'industrie des énergies marines renouvelables et le socle industriel de la construction navale et des industries maritimes, qui existe depuis très longtemps dans notre pays. Il s'agit donc d'une opportunité de diversification du socle industriel.

Les EMR représentent déjà 2 000 emplois et 85 % de chiffre d'affaires à l'export. C'est une industrie compétitive. Sa R&D est très dynamique. Les données sur l'évolution sur deux ans, collectées par l'Observatoire des Energies de la Mer, sont les suivantes : + 47 % en deux ans en nombre d'équivalents temps plein (ETP), + 72 % en chiffre d'affaires. Pour la R&D publique, cela montre un investissement très fort et un réel soutien des organismes de recherche et des écoles. L'originalité de cette R&D est qu'elle est très décentralisée, et fortement localisée dans l'Ouest de la France. Les régions Pays de la Loire, Bretagne et Normandie représentent près de 75 % des effectifs, et la Bretagne et les Pays de la Loire apportent à eux seuls 80 % du chiffre d'affaires de R&D. Cette R&D est donc très liée à des écosystèmes territoriaux autour des industries maritimes, qui sont très décentralisées.

Une question majeure pour les EMR est la question des sites d'essais, qui a été peu évoquée jusqu'à présent. Ceux-ci permettent de faire en mer la « preuve de concept ». Ils s'intercalent entre les outils numériques, ou les bassins d'essais qui se trouvent dans les laboratoires ou dans les écoles, et les fermes pré-commerciales ou commerciales qui permettent de tester en conditions économiques réelles. Nous avons en France des sites d'essais qu'il faut continuer à soutenir et qui sont multi-technologiques. Ils sont aujourd'hui utilisés pour l'éolien flottant, mais ils le seront aussi pour les autres technologies.

La question centrale pour nous est celle de la trajectoire technologique de ces énergies. Cela a été dit avant moi : l'éolien posé est aujourd'hui à maturité et a d'abord des enjeux de performance. L'éolien flottant va pouvoir être testé dans des conditions économiques réelles, avec la PPE. J'adresse d'ailleurs un grand remerciement à tous les parlementaires qui se sont mobilisés pour cela, parce qu'effectivement, le Gouvernement a rehaussé les objectifs de la PPE, et cela va permettre d'industrialiser l'éolien flottant, ce qui n'était pas possible dans la période précédente. Il existe encore une grosse interrogation sur l'hydrolien puisque pour le moment, il y a un blocage total sur la possibilité d'ouvrir des fermes pilotes hydroliennes. Ce serait la mort de cette filière, qui est certes sur un marché de niche, mais dans laquelle la France et les Européens peuvent acquérir un leadership mondial.

Le houlomoteur, l'énergie thermique des mers (ETM) ou les autres technologies que vous avez évoquées sont aujourd'hui encore dans les laboratoires. S'agissant de l'énergie houlomotrice, il existe 150 technologies disponibles dans le monde. Il demeure pour celles-ci un enjeu de preuve de concept, et nous sommes loin des technologies qui peuvent apporter une contribution rapide à la production d'énergie renouvelable, même si elles ont devant elles un potentiel élevé.

Je vais essayer d'éclairer un peu plus les enjeux des trois premières technologies que j'ai citées, et terminer sur des enjeux transversaux. Il faut que vous preniez conscience que la transformation de cette filière est extrêmement rapide et disruptive. En 2016, l'ADEME parlait d'une fourchette de prix de revient entre 123 et 227 euros le mégawattheure pour l'éolien posé. Dans le parc de Dunkerque, nous en sommes à 43 eurosMWh, non raccordé. Nous allons donc beaucoup plus vite que ce qui était envisagé. Aujourd'hui, les questions clés de la R&D portent sur les éoliennes de très grande puissance, sur l'impact sur les fonds marins, sur la faune aquatique et aérienne, sur l'optimisation des enjeux environnementaux, sur les interactions entre sols et structures (les machines étant beaucoup plus puissantes, les enjeux de lien au sol deviennent d'autant plus importants), sur le domaine du « data monitoring » et de la maintenance prédictive qui permettent d'intervenir le moins possible sur des éoliennes et de limiter les coûts de maintenance.

Pour l'éolien flottant, l'ADEME évoquait, en 2016, 165 à 364 euros du mégawattheure. Aujourd'hui, l'objectif fixé par la PPE est de 120 euros du mégawattheure pour les premières fermes commerciales et l'objectif fixé par le SER est la convergence avec l'éolien posé d'ici à 2030, ce qui signifie descendre en dessous ou autour de 50 euros du mégawattheure.

Aujourd'hui, les enjeux clés sont de réussir l'étape des fermes pilotes et ensuite l'industrialisation de la filière, pour engranger des gains de compétitivité qui permettent de baisser les prix. Cela passe par une meilleure caractérisation de la ressource, quand on est plus loin des côtes, et par le travail sur le design des flotteurs. C'est ce qui est en train de se passer en Bretagne et en Méditerranée, pour les fermes pilotes qui ont été retenues. Il y a aussi, bien sûr, l'enjeu des systèmes d'ancrage et, comme le disait M. Lombardet, toutes les technologies qui viennent du secteur de l'Oil & Gas, liées aux plateformes, sont transférables dans ce secteur. La question de la co-activité est importante : comment construire des flotteurs, des bases, pour développer d'autres activités comme l'aquaculture, la pêche ou autre ? Cela est expérimenté en ce moment en Méditerranée.

Sur l'hydrolien, le débat porte sur notre capacité à descendre en dessous de 150 eurosMWh. Il y aurait besoin, pour en faire la démonstration, des fermes pilotes du Raz Blanchard. Aujourd'hui, beaucoup de technologies sont disponibles, et des PME ont les moyens d'aller de la preuve du concept vers les fermes commerciales. Il est maintenant possible de tester des technologies. Puis il y a la question que vous avez commencé à aborder les uns et les autres. Aujourd'hui, nous testons en mer de très grandes hydroliennes mais dans les fleuves, nous pouvons en tester de plus petites – et elles sont déjà en service. À partir du travail de R&D sur les grandes hydroliennes, nous pouvons donc décliner toute une gamme d'hydroliennes, pour contribuer à l'autonomie énergétique dans des lieux qui sont loin des ressources électriques classiques. Il y a eu des tests en Loire et en Guyane. Beaucoup de territoires dans le monde pourraient bénéficier d'hydroliennes de moyenne puissance pour contribuer à leur autonomie énergétique.

Pour terminer sur les enjeux transversaux, des débats sont en cours entre les industriels, les chercheurs et les acteurs de la société civile sur ces sujets-là et notamment autour de l'Observatoire dans lequel nous essayons de faire dialoguer les forces économiques et sociales, les ONG, les industriels et les grandes collectivités locales impliquées. Bien sûr, nous avons les sujets classiques (matériaux, électronique de puissance) mais aussi beaucoup de mobilisation sur les impacts environnementaux, le travail autour de l'écoconception et de l'anticipation du démantèlement, et les enjeux de co-activité. Là, il s'agit vraiment de questions de sciences humaines et sociales et de sciences économiques. Nous réfléchissons aussi à ce que nous pouvons faire ensemble, entre le monde des EMR et les activités classiques telles que la pêche, l'aquaculture ou le tourisme. Les énergies marines renouvelables peuvent apporter une contribution importante à l'autonomie énergétique de plateformes ou d'infrastructures en mer, ou de territoires insulaires, et permettre beaucoup d'investissements combinant les différentes énergies marines pour aboutir à des réponses globales.

Dernier point qui a peu été évoqué depuis le début de la matinée : les sous-stations électriques et les enjeux de raccordement. Là, les investissements sont absolument massifs et il faut réaliser des gains de compétitivité, avec des enjeux de mutualisation. En Europe du Nord, une sous-station est partagée par de multiples parcs. En France, nous avons tendance à faire une sous-station par parc, et RTE regarde ce point avec beaucoup d'intérêt.

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– Je remercie tous nos intervenants pour la qualité de leur présentation et propose de passer maintenant à la phase des questions des parlementaires. Nous aborderons ensuite les questions des internautes, que nous avons reportées à la fin de cette seconde table ronde parce que ces questions faisaient plutôt référence à celle-ci.

Pour ce qui me concerne, je voudrais dire qu'aujourd'hui, nous nous trouvons dans un contexte mondial dans lequel s'inscrivent les principaux axes de recherche et développement industriels sur les énergies renouvelables. Selon vous, quelles sont les principales collaborations et les principales concurrences à favoriser, sachant que, dans ces technologies, nous sommes parfois en avance et parfois devancés ?

Ma deuxième question concerne le projet de loi énergie climat. J'étais moi-même responsable du texte pour mon groupe, pour la première lecture à l'Assemblée. Le texte sera examiné à partir du 8 juillet au Sénat. Nous y avons fait adopter un article additionnel qui concerne les appels à projets pour désigner les producteurs d'électricité qui utilisent les énergies renouvelables innovantes. J'aimerais avoir votre avis sur cet amendement : est-ce qu'il est pertinent pour vous ?

Ma troisième question concerne l'article 4 de ce projet de loi, relatif à l'autorité du préfet. Nous y avons prévu d'autoriser le préfet à accorder des dérogations aux prescriptions des plans de prévention des risques technologiques, pour permettre la réalisation de projets d'installations produisant des énergies renouvelables. J'aimerais avoir votre avis sur cet amendement.

Ma dernière question concerne la canicule que nous avons connue il y a quelques jours. Nous affrontons le réchauffement climatique et avons besoin non seulement de mieux prévoir les problématiques météorologiques, mais aussi de gérer toute notre consommation d'énergie. Je rappelle qu'il y a tout de même eu beaucoup de perturbations dans l'alimentation électrique. Si je prends le cas du Lot, à Figeac, nous avons connu 30 minutes de coupure de courant, parce qu'après le travail, tout le monde essayait de mettre la climatisation à fond à la maison. Cela peut arriver et que nous devons l'anticiper.

Aujourd'hui, malgré un ensoleillement optimal, les parcs photovoltaïques français n'ont pas pu fonctionner à leur maximum de capacité, c'est-à-dire 6 200 mégawatts, pour un maximum théorique de 8 600 mégawatts, à cause d'une température trop élevée. La température optimale de fonctionnement est de 25 °C. Comment anticiper les conditions climatiques dans lesquelles se déroulera la transition énergétique ? Et comment l'incertitude climatique est-elle prise en compte dans les projets de recherche ?

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Bernard Tardieu, membre de l'Académie des technologies

– Vos questions sont extrêmement variées. Pour la collaboration internationale, je crois qu'il faut poser la question au plan industriel : est-ce que nous pouvons fabriquer des choses qui ont une vocation mondiale ? Je prends l'exemple de Total qui a mis au point une huile qui permet de réduire de beaucoup le nombre de vidanges sur les éoliennes. C'est utile pour la France de vendre de l'huile Total dans le monde entier, alors que nous aurons beaucoup de difficultés à aller vendre une éolienne en Chine. Industriellement, il faut chercher les composants qui ont une forte valeur ajoutée. Dans ce cas-là, nous pouvons rechercher des collaborations pour obtenir un marché. Il faut se préparer à des marchés futurs. C'est bien de sauver la planète, mais il faut aussi sauver notre industrie. En revanche, pour préciser ce qui a été dit à propos des éoliennes offshore, plus l'éolienne est grande, plus on s'éloigne de la côte, plus son taux de fonctionnement annuel est grand, et donc plus sa rentabilité augmente. En soi, le progrès est notable. Faire fonctionner un réseau avec 1 500 heures d'éolienne, comme c'est le cas dans l'hinterland allemand, ou avec 4 500 ou 5 000 heures, quand on est un peu loin des côtes, est très différent !

Sur le climat, je le dis en deux mots : ne confondons pas climat et météo. Il y aura certainement plus de canicules, de même qu'il y aura moins de périodes de grand froid. Au début du XXe siècle, il n'y a pas si longtemps, la Seine était gelée presque une année sur quatre ou cinq. Nous le savons, et c'est prévisible à dix jours près. En revanche, ce n'est pas cela le changement climatique. Le changement climatique, cela signifie une augmentation de 2 °C en moyenne, et non de 10 °C pendant 8 jours.

Ensuite, vous avez dit que les cellules photovoltaïques ne fonctionnaient pas à 25 °C. Grâce à Dieu, dans les pays où je vais, en Afrique, cela fonctionne au-delà. Je suis un peu surpris.

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– Ce n'est pas qu'elles ne fonctionnent pas, mais leur production diminue à cause de l'échauffement.

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Bernard Tardieu, membre de l'Académie des technologies

– Effectivement, le rendement est moins bon.

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Abdelilah Slaoui, directeur adjoint scientifique de l'Institut des sciences de l'ingénierie et des systèmes (INSIS) et responsable de la cellule Énergie du CNRS

– Pour rebondir sur ce point particulier, en effet, les panneaux photovoltaïques à base de silicium, qui représentent actuellement 95 % des panneaux utilisés, sont très sensibles à une température élevée. C'est pour cela qu'il y a de la recherche et développement sur des matériaux moins sensibles à la température. Il en existe déjà, par exemple le « frère » du silicium utilisé actuellement, le silicium amorphe, qui résiste mieux à la température, mais dont les rendements sont faibles. L'idée est toujours de développer des panneaux photovoltaïques avec des matériaux qui sont moins sensibles à la température, mais dont les rendements sont les plus élevés possibles. Il faut obtenir l'équilibre entre les deux.

En revanche, la chaleur et l'ensoleillement forts peuvent être utilisés pour produire des micro-algues. Nous passons alors sur l'autre versant, celui de la biomasse, qui peut être extrêmement intéressante. La température et l'ensoleillement peuvent être des paramètres favorables, selon la technologie envisagée.

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étienne Brière, direction de la R&D d'EDF

– Pour compléter sur la collaboration internationale, je suis complètement en phase avec Monsieur Tardieu sur l'aspect industriel. Sur le volet de la R&D qui vient en amont, comme je l'ai indiqué, la R&D s'envisage au niveau international. Notre responsabilité est d'aller chercher les meilleures solutions en France et au niveau international, d'abord en Europe, où nous avons la chance d'avoir d'excellents instituts de recherche. Au stade de la R&D pré-concurrentielle, des gains importants peuvent être obtenus de collaborations, en termes de coûts, de délais. Il s'agit dans tous les cas d'aller chercher, dans des projets internationaux, que ce soit en Afrique ou aux États-Unis, le meilleur des savoir-faire. C'est aussi cela qui participe à la compétitivité. C'est le complément à ce que disait Monsieur Tardieu sur le volet industriel.

Ensuite, sur les autres points plus opérationnels et politiques, je suis moins en mesure de répondre. Je dirai seulement qu'effectivement, dans le cadre de la transition énergétique, comme cela a été rappelé dans la première table ronde, il faut bien se rappeler que l'objectif est de décarboner. Je crains que privilégier une électricité uniquement EnR ne ralentisse finalement la transition énergétique, parce que cela va conduire, en l'état actuel, à des surcoûts et donc à un ralentissement. Si, en revanche, nous envisageons la combinaison d'une électricité bas carbone nucléaire et hydraulique avec de nouvelles EnR, nous allons pouvoir accélérer la transition de manière importante. Je pense à l'hydrogène électrolytique en particulier. Effectivement, pour accélérer le développement de l'hydrogène électrolytique, il faut veiller à ce que l'électricité soit décarbonée, mais pas nécessairement seulement renouvelable.

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Christophe Clergeau, directeur de l'Observatoire des énergies de la mer

– Pour répondre sur la question de la concurrence internationale, le premier levier d'accélération est le marché européen et il est très loin d'être saturé. Il n'est toujours pas saturé sur l'éolien posé en mer du Nord – sachant que nous démarrons tout juste sur la façade Atlantique – et pour ce qui concerne l'éolien flottant, nous n'avons pas commencé, alors que le potentiel, en Méditerranée par exemple, est important. Nous disposons de la totalité de la chaîne de valeur en Europe avec un écosystème complet de R&D. Si les Européens sont capables d'accélérer collectivement, nous n'atteindrons peut-être pas l'autosuffisance, mais en tout cas un cercle vertueux à l'échelle européenne. Nous gagnerions sûrement à mieux intégrer les R&D européennes, qui restent aujourd'hui fragmentées, dans un vrai dispositif commun. Les R&D européennes représentent effectivement aujourd'hui 80 à 90 % de la R&D spécifique aux énergies marines renouvelables à l'échelle mondiale.

Deuxième point : nous pouvons vendre de l'ingénierie et des services de bureau d'études à l'échelle mondiale. C'est déjà ce qui se passe. Des bureaux d'études français et européens vont à Taïwan, aux Philippines ou en Indonésie, monter des projets, et ces emplois non délocalisables restent en Europe. Sur la base industrielle des grands ensembles mécano- soudés, aujourd'hui on fabrique à Saint-Nazaire des éoliennes qui sont installées aux États-Unis. General Electric (GE) a aujourd'hui une base industrielle à Saint-Nazaire pour l'Atlantique. Si le marché américain se développe, il y aura peut-être une usine aux États-Unis. GE envisage aussi une usine en Chine parce que les Chinois exigent des joint-ventures pour répondre à leurs appels d'offres. Cependant, nous pouvons avoir une base large en Europe.

Dernier point, sur les prix, selon un débat récurrent : le prix du mégawattheure étant actuellement de 43 euros à Dunkerque, avec des courbes de prix des EMR en baisse très rapide et avec une prévisibilité beaucoup plus forte que d'autres EnR, le débat entre nucléaire et EMR devient donc intéressant. Je ne vais pas dire que nous sommes dans la même prédictibilité, mais nous avons moins d'imprédictibilité que d'autres EnR et des prix de revient inférieurs à ceux du nucléaire neuf aujourd'hui à l'échelle internationale. Je ne suis pas du tout antinucléaire, et il faut combiner l'ensemble des solutions de décarbonation, mais aujourd'hui nous arrivons à des dynamiques de choix possibles très différentes des conditions du débat d'il y a encore seulement trois ans. C'est pourquoi j'insiste sur la radicalité, le caractère disruptif des évolutions devenues possibles.

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Morgane Barthod, fondatrice de la start-up Meteo*Swift

– Je vais d'abord revenir sur la question sur les collaborations possibles, avec quels pays et avec quels acteurs. En matière de flexibilité du réseau, il est très intéressant de travailler avec différents pays, parce que nous nous retrouvons avec des situations très différentes, des modèles très innovants dont nous pouvons nous inspirer. Je pense notamment à la combinaison d'énergies renouvelables et de batteries, qui ont d'abord été développées dans les micro grids, les réseaux peu interconnectés. En France, nous avons fait beaucoup de choses dans les collectivités d'outre-mer, notamment en Martinique et en Guadeloupe, qui peuvent être réutilisées, soit pour de l'électrification rurale dans des pays émergents, soit dans des pays avec des réseaux moins interconnectés. Par exemple, dans notre entreprise, nous travaillons sur du micro grid en Guadeloupe et en Martinique, mais aussi en Australie. Travailler avec d'autres pays permet d'obtenir des retours d'expérience plus rapides.

S'agissant de la question de l'adaptation au changement climatique, un intervenant disait que le changement climatique correspond à une augmentation de 2 °C de plus en moyenne, et non de 10 °C de plus pendant une courte période. En fait, ce sont les deux, puisqu'il y a de plus en plus d'événements extrêmes. L'idée est de se préparer à une augmentation de 2 °C en moyenne, et donc d'y adapter tous les moyens de production, mais aussi de travailler sur les événements extrêmes, comme les épisodes de canicule avec des augmentations de 10 °C.

Enfin, je souhaiterais revenir sur le surcoût lié à la gestion du réseau pour les énergies renouvelables, pour répondre à Monsieur Brière. Aujourd'hui – je l'ai déjà mentionné – le réseau est très loin d'être en danger à cause de la part intermittente des énergies renouvelables. C'est au contraire l'occasion de monter en compétences et nous pouvons tout à fait accroître la part des énergies renouvelables sans mettre le réseau en danger. Au contraire même, c'est un moyen de nous préparer progressivement à la transition énergétique. Aujourd'hui, nous n'avons aucune raison technologique de ralentir les EnR intermittentes car le réseau électrique n'est pas en danger.

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étienne Brière, direction de la R&D d'EDF

– Je n'ai pas eu l'impression d'avoir exprimé le moindre risque face au réseau. J'ai dû mal m'exprimer. Vous me prêtez des propos que je n'ai pas tenus.

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Benoît Lombardet, directeur R&D de la branche renouvelables de Total

– Au niveau des collaborations, chez Total, le modèle est le même que chez EDF. Nous privilégions systématiquement des collaborations avec des universités françaises, ensuite européennes, mais nous allons aussi chercher les meilleures compétences là où elles sont, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs dans le monde. Nous avons des collaborations avec Stanford, avec le MIT, etc. Par exemple, une partie des développements des lubrifiants pour les éoliennes a été faite avec l'université d'Aix-La-Chapelle en Allemagne, qui a des compétences et des outils de caractérisation des éoliennes.

Deuxièmement, sur la canicule et le réchauffement climatique, comme je l'ai expliqué plus tôt, l'enjeu est mondial. Il faut bien le rappeler. Aujourd'hui, le problème principal reste le charbon. Toutes les centrales à charbon qui continuent d'être construites et de fonctionner sur Terre contribuent au réchauffement climatique. Pas si loin de nous, l'Allemagne a décidé de poursuivre le charbon jusqu'en 2030 alors qu'il suffirait de remplacer leurs centrales charbon par des centrales à gaz pour diminuer par 2 leurs émissions de CO2. Chez Total, nous avons complètement arrêté l'activité liée au charbon, et un des grands axes de notre stratégie consiste précisément à développer l'utilisation du gaz dans les pays dans lesquels nous sommes présents, que ce soit en Inde ou ailleurs dans le monde.

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Angèle Préville, sénatrice

– Comme je vais devoir vous quitter pour recevoir au Sénat une délégation du Bundesrat, je voudrais poser deux brèves questions.

Je vais prochainement intervenir au Sénat dans le cadre de la discussion du projet de loi énergie climat que nous devons examiner dès le 16 juillet, ce qui, soit dit en passant, nous laisse très peu de temps pour préparer le débat. Dans cette perspective, la première question que je me pose, peut-être naïvement, porte sur les fermetures de centrales à charbon et de centrales nucléaires qui sont prévues. Est-ce qu'il y aura une incidence sur la stabilité des réseaux et le maintien des fréquences ? Nous savons que les grosses machines tournantes permettent de maintenir les réseaux. Existe-t-il un équivalent numérique ?

Sur un tout autre sujet – celui des batteries – Saft est en partenariat avec des entreprises européennes et mettra sur le marché d'ici 2025 des batteries lithium tout solide. Où en est sa contractualisation avec les industries automobiles françaises ? Est-ce que les industriels allemands de l'automobile, qui sont importants sur le marché, ont été contactés ? Est-ce que ce dossier avance ?

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Bernard Tardieu, membre de l'Académie des technologies

– Pour la première question, l'arrêt du charbon est assez symbolique puisque de toute façon, les centrales correspondantes ne fonctionnaient que quelques heures par an. Investir pour passer du charbon au bois peut sembler relever un peu du symbole. À l'Académie des technologies, nous pensons que, politiquement, les symboles comptent. C'est à vous, Mesdames et Messieurs les parlementaires, qu'il appartient de choisir.

S'agissant du nucléaire, nous avons l'énorme chance en France que notre production d'énergie nucléaire a été conçue pour être facilement modulable. Nous pouvons faire du suivi de charge avec le nucléaire français, ce qui n'est pas le cas du nucléaire allemand, y compris dans la journée. Nous pouvons rapidement faire monter une centrale nucléaire en puissance, puis la réduire. Évidemment, cela la fatigue un peu, et évidemment, cela a un coût pour EDF, mais la disponibilité du nucléaire est grande. Avec la combinaison du nucléaire et de l'hydraulique, nous avons vraiment une très grande capacité de modulation et de suivi de charge.

La question que vous posez sur la stabilité des réseaux en fréquence et en tension n'est pas du tout naïve. Elle est même très importante. Le fait d'avoir de l'hydraulique est une chance, parce que cette forme d'énergie mobilise des grosses machines. Il se trouve que les progrès de l'électronique de puissance permettent maintenant, dans certains cas, à l'exception des machines de très forte puissance, de simuler l'équivalent de ce que ferait une machine tournante à inertie lourde. Avec un panneau photovoltaïque, on produit du courant continu, qui n'est absolument pas adaptable en fonction de la demande, mais les progrès sont importants, grâce aux chercheurs. Je veux dire par là qu'il faut à la fois être très prudents dans la transition et ne pas dramatiser l'avenir.

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Christophe Clergeau, directeur de l'Observatoire des énergies de la mer

– Je pense que nous avons besoin d'avoir aussi une approche territorialisée, parce que tous les territoires ne sont pas connectés au réseau électrique principal. La question du coût pour les territoires ultramarins a été peu évoquée, mais elle est quand même importante, et en termes de décarbonation, les bonnes réponses là-bas consistent en des combinaisons d'EnR. Nous sommes très en retard dans les territoires ultramarins, et il y a des blocages au développement des énergies renouvelables dans les territoires ultramarins, y compris marines.

Si nous prenons le cas de l'Ouest de la France – il y a des plaques territoriales qui ont des logiques de réseaux spécifiques – nous voyons bien que les difficultés de l'EPR de Flamanville et les retards des énergies marines renouvelables vont conduire à un prolongement de la durée de vie de la centrale de Cordemais, qui contribue à assurer la sécurité énergétique du territoire, dans l'attente aussi de la centrale gaz de Landivisiau. Il y a quand même des territoires français où les sources d'énergie sont très proches, et d'autres dans lesquels nous sommes obligés de tenir compte de la disponibilité des différentes formes d'énergie accessibles pour sécuriser la sous-plaque correspondante du réseau électrique national.

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Benoît Lombardet, directeur R&D de la branche renouvelables de Total

– Pour la question de l'impact de l'arrêt des centrales à charbon et du cheminement vers la transition, je le répète parce que c'est important : les centrales à gaz (CCGT) peuvent constituer une solution transitoire là où l'arrêt d'une centrale à charbon peut poser des problèmes, celle-ci ne pouvant pas être directement remplacée par des alternatives renouvelables pour des questions de réseau. Le gaz est une solution transitoire pour diviser par deux les émissions de CO2 dans la production électrique.

Pour répondre à la deuxième question concernant les batteries, il y a deux échelles de temps. Le court terme, c'est la production de batteries en Europe pour les véhicules électriques. Or aujourd'hui, l'essentiel des batteries est produit en Chine, à bas coût, de manière subventionnée. Pour réindustrialiser ce secteur en Europe, il va falloir reconstruire des unités, redévelopper un tissu industriel, créer des giga-factories, et espérer être compétitif avec les acteurs chinois. L'industrie automobile ne fera pas de différence : les constructeurs s'approvisionnent pour l'instant en batteries chinoises, et ce sera intéressant pour eux, bien entendu, que les batteries soient produites en Europe, mais à condition qu'elles soient au même prix que les batteries chinoises actuelles. C'est bien là la problématique de la réindustrialisation de l'Europe. Les discussions avancent, mais pour les industriels, investir dans des unités de production de batteries en Europe n'est intéressant qu'à condition que ce soit une industrie pérenne et compétitive avec nos concurrents chinois, qui eux bénéficient de subventions publiques massives.

Notre stratégie a aussi un volet à plus long terme. En faisant un saut technologique directement vers le tout solide, nous espérons pouvoir nous constituer une avance technologique, diminuer les coûts, et pouvoir ainsi industrialiser en Europe tout en étant compétitifs, dans les années à venir.

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– Merci de vos réponses. Il me reste les questions des internautes à poser. Je vais être brève, et vous remercie d'être également brefs dans vos réponses. Voici les deux premières.

Un internaute demande quels sont les soutiens à l'innovation pour la filière hydroélectrique. Cette filière existe déjà bien sûr, mais aujourd'hui beaucoup de citoyens pensent qu'il faudrait investir plus dans l'hydroélectrique pour les années à venir.

La deuxième question est ainsi posée : « envisagez-vous un meilleur soutien aux avancées technologiques relatives au traitement chimique et non mécanique du plastique ? » La question peut s'adresser à l'État mais vous qui êtes des chercheurs, est-ce que vous pouvez donner votre point de vue par rapport aux finances liées à ces problématiques ?

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Bernard Tardieu, membre de l'Académie des technologies

– Sur l'hydraulique, qui est mon métier, je dirais que quand on est hydraulicien en France, on travaille dans le monde entier. Je regrette que la production de turbines à Grenoble ait diminué, à cause de la vente à General Electric, c'est le marché mondial, une fois de plus. Cela dit, sur le marché français, nous pouvons envisager de construire plus de petites centrales. Une petite centrale de 80 mégawatts devrait démarrer l'année prochaine, près de l'Alpe d'Huez. Sinon, l'avenir résiderait plutôt dans le turbinage-pompage, pour lequel il y a 5 ou 6 gigawatts installés en France. Pour l'instant, en général, compte tenu des prix déprimés des marchés de l'électricité en Europe, à cause des subventions aux énergies renouvelables, ce n'est pas rentable de construire une station de turbinage- pompage. Nous utilisons donc essentiellement une gestion intelligente du stock naturel rechargé gratuitement chaque année dans les barrages.

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Abdelilah Slaoui, directeur adjoint scientifique de l'Institut des sciences de l'ingénierie et des systèmes (INSIS) et responsable de la cellule Énergie du CNRS

– Je n'ai pas compris la seconde question. Porte-t-elle sur les énergies renouvelables ? J'ai entendu le mot plastique.

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– Elle concerne plutôt l'économie circulaire, sujet qui sera abordé dans le cadre d'un autre projet de loi qui doit être examiné prochainement.

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Benoît Lombardet, directeur R&D de la branche renouvelables de Total

– Pour Total, c'est un sujet extrêmement important actuellement, mais il est traité par d'autres branches que la mienne. Je sais que mes collègues du secteur raffinage-chimie sont très actifs sur ces deux pistes de recyclage du plastique, que ce soit par voie chimique ou par voie mécanique. Je peux vous proposer qu'un des experts de chez Total, qui connaît mieux le sujet que moi, vous envoie une note sur ce que nous faisons sur le sujet. Il existe aussi un volet de partenariats académiques sur ces thèmes-là.

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Abdelilah Slaoui, directeur adjoint scientifique de l'Institut des sciences de l'ingénierie et des systèmes (INSIS) et responsable de la cellule Énergie du CNRS

– Nous avons au CNRS un programme en cours, en collaboration avec Total, sur le développement des matériaux bio-polymères pour le remplacement des plastiques. Si la question est « est-ce qu'il y en a assez », la réponse est non, bien sûr. Nous avons dû mobiliser nos propres ressources de R&D, avec l'aide de Total, pour élaborer ce type de projets, mais les montants demeurent faibles, au regard de l'enjeu.

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– En conclusion provisoire rapide de nos deux tables rondes de ce matin sur les tendances de la recherche dans les énergies renouvelables, nous avons abordé plusieurs aspects concernant les acteurs institutionnels, la recherche et développement, les entreprises, le côté sociétal avec l'association The Shift Project. Nous avons aussi évoqué la contribution des start-up, avec l'exemple de Meteo*Swift.

Monsieur Didier Roux a rappelé qu'énergie renouvelable ne signifie pas forcément réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce qui est tout à fait juste, d'où l'intérêt de réaliser des analyses complètes du cycle de vie des produits, pour essayer de mieux cerner les émissions.

Monsieur Matthieu Auzanneau a parlé, de manière imagée, mais tout à fait claire, d'« efforts de guerre ». Il est certain que la transition climatique demande des efforts considérables, notamment de recherche sur les nouvelles technologies.

J'ai noté aussi la belle capacité du CEA-Liten, qui travaille sur des aspects prometteurs, mais aussi les travaux d'EDF, de Total, et des start-up. Il est probable que pour les batteries, tout comme pour le photovoltaïque, il faille viser directement les nouvelles générations – comme cela a été rappelé – plutôt que celles qui sont aujourd'hui matures. Cela pose la question de la concurrence industrielle à l'international, et aussi des enjeux de développement de notre recherche et de capacité des pays européens à prendre le leadership dans un certain nombre de technologies.

Je retiens aussi que les entreprises sont essentielles, et qu'il faut envisager de développer des filières. Il est également important de mettre en place des partenariats forts entre les institutions publiques, les organismes de recherche, et aussi les industriels : c'est aujourd'hui vraiment l'avenir. Il faut aussi inciter à une forme d'open innovation entre les start-up et les grands industriels, parce que c'est aussi une façon de développer les nouvelles technologies.

Nous avons parlé de la nécessité d'avoir une vision systémique, et notamment d'arriver à synchroniser la recherche et développement des différents acteurs dans une perspective ambitieuse globale, tout en incluant et mobilisant l'ensemble de nos concitoyens dans la lutte contre le réchauffement climatique. Nous voyons bien qu'il ne s'agit pas d'imposer des mesures, mais qu'il faut essayer de créer les conditions d'une dynamique, d'accompagner et d'inciter nos concitoyens à entrer dans cette démarche. Je pense que nous y arriverons si tous les acteurs font l'effort de s'écouter les uns les autres sur ces sujets.

Je tiens sincèrement à remercier tous nos intervenants au nom de l'Office, ainsi que le secrétariat de l'Office qui a préparé cette matinée.

Nous vous proposons également de vous transmettre les autres questions des internautes si vous voulez bien y répondre ultérieurement, et publierons vos réponses sur le site internet de l'Office.

Nous serons particulièrement attentifs aux sujets évoqués ce matin, dans le cadre de l'examen des prochains projets de loi concernant l'écologie, ainsi que dans celui de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, qui va poser les bases budgétaires de la PPE. N'hésitez pas à nous faire part de vos observations, le moment venu.

Examen du rapport sur l'évaluation, en application de l'article L. 1412-1-1 du code de la santé publique, du rapport de synthèse du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé à la suite du débat public organisé sous forme d'états généraux préalablement à la révision de la loi de bioéthique (Jean-François Eliaou , député, et Annie Delmont-Koropoulis, sénatrice, et, rapporteurs)

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- Le 12 juillet dernier, l'Office a désigné Jean-François Eliaou, député, et Annie Delmont-Koropoulis, sénatrice, pour évaluer le rapport du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) sur les états généraux de la bioéthique, comme le prévoit l'article L 1412-1-1 du code de la santé publique. Cette désignation est intervenue quelques jours après que le CCNE a présenté devant l'Office tout entier ce rapport de synthèse.

Nos deux collègues rapporteurs étaient alors au milieu de leurs auditions leur ayant permis de nous présenter à l'automne dernier un premier rapport consacré à une évaluation scientifique de la loi de bioéthique de 2011.

Vous vous en souvenez certainement, ce premier rapport, extrêmement complet et précis, a donné lieu à un travail très approfondi de l'Office au cours de deux réunions successives.

L'enjeu du rapport que nos collègues vont nous présenter dans quelques instants est plus restreint car il s'agit d'évaluer le seul rapport de synthèse des états généraux de la bioéthique élaboré par le CCNE à la suite de l'organisation de ces états généraux.

Si l'examen d'un deuxième rapport sur ce sujet de la bioéthique peut paraître redondant, il faut se féliciter néanmoins que l'Office respecte parfaitement la loi qui a prévu qu'il établisse et examine ce rapport.

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Annie Delmont-Koropoulis, sénatrice, rapporteure

Pour équilibrer la présentation de notre premier rapport sur l'évaluation de l'application de la loi de bioéthique de 2011, je vous présenterai l'ensemble de notre projet de rapport, qui vous a été diffusé, et Jean-François Eliaou complétera in fine.

De manière générale, démocratie participative et démocratie représentative peuvent et doivent être complémentaires, voire synergiques, et non antagonistes. Pour cela, les modalités retenues pour leur articulation doivent être bien conçues et bien appliquées.

Le législateur, sur une initiative parlementaire, a confié au CCNE, à côté de sa mission de réflexion éthique indépendante, une mission d'opérateur en tant qu'organisateur des états généraux de la bioéthique, responsabilité qui inclut la présentation d'un rapport de synthèse.

Pour mémoire, le texte de l'article L 1412-1-1 du code de la santé publique est précis ; il dispose que :

« Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d'un débat public sous forme d'états généraux. Ceux-ci sont organisés à l'initiative du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, après consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

À la suite du débat public, le comité établit un rapport qu'il présente devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui procède à son évaluation, en faisant ressortir les éléments scientifiques indispensables à la bonne compréhension des enjeux de la réforme envisagée.»

Nous sommes bien dans le cadre de la préparation d'un projet de réforme de la loi de bioéthique de 2011, que cette loi prévoyait au plus tard en 2018. Par ailleurs, il est clair que les progrès de la connaissance dans ces domaines sont réels et justifient ces états généraux : le rapport d'évaluation de la loi de bioéthique, présenté en novembre dernier, le démontre.

Pour autant, le CCNE n'a consulté l'OPECST que de manière très informelle, par des contacts avec son président et premier vice-président. Le cas précédent, en 2014, allait dans un sens comparable.

Il faut également souligner qu'en 2012, a été ajoutée dans la loi, à l'initiative de l'Office, une appréciation préalable par les commissions compétentes et l'OPECST de l'opportunité, pour le Gouvernement, de mobiliser le concours de la Commission nationale du débat public.

Là non plus, le CCNE n'a pas formellement sollicité l'avis de l'OPECST, bien qu'il ait constaté dans son rapport qu'ayant pris conscience de l'importance de la communication pour faire connaître au plus grand nombre les états généraux et inciter à y participer, il devait « néanmoins de reconnaître que la communication [avait] été tributaire de moyens financiers contraints ». La CNDP aurait peut-être pu l'assister utilement d'une manière ou d'une autre...

Il conviendrait donc que la coordination entre le CCNE et l'OPECST soit plus formalisée à l'avenir. Le pouvoir parlementaire, exercé par les représentants de la Nation, doit être consolidé, voire renforcé, pour tout ce qui concerne les processus de contrôle, d'évaluation et d'évolution des lois de bioéthique.

Le CCNE a également rappelé dans son rapport que les précédents états généraux de la bioéthique, qui se sont déroulés en 2009, avaient consisté en trois réunions avec le public – à Rennes, sur la procréation, à Strasbourg, sur le don d'organes et à Marseille, sur les cellules souches – et que le rapport de synthèse avait été réalisé sous l'égide du ministère de la santé.

Un des acquis des états généraux de 2009 consiste dans la possibilité :

– pour les experts, de dépasser la stricte défense d'intérêts, fussent-ils scientifiques ou propres à l'art médical, pour y ajouter une responsabilité d'information à l'égard de non-spécialistes qui font l'effort de s'impliquer dans une réflexion personnelle et collective ;

– pour les participants, d'aller au-delà de l'expression d'un point de vue « figé » pour s'engager à discuter, c'est-à-dire argumenter, et donc d'admettre la possibilité d'une position autre.

Dans le cas actuel, le CCNE a lancé les états généraux de la bioéthique le 18 janvier 2018. La consultation sur un site internet spécifiquement créé à cet effet s'est tenue jusqu'au 30 avril 2018. Le rapport de synthèse a été approuvé par le CCNE en formation plénière, à l'unanimité de ses membres, le 31 mai 2018.

Conformément à la loi de 2011, ce rapport a été formellement remis, puis présenté devant l'Office par M. Jean-François Delfraissy, président du CCNE, le 7 juin 2018. La loi de 2011 a confié à l'OPECST la tâche d'évaluer ce rapport de synthèse, « en faisant ressortir les éléments scientifiques indispensables à la bonne compréhension des enjeux de la réforme », et l'Office a désigné comme rapporteurs les mêmes que pour l'évaluation de l'application de la loi de bioéthique de 2011.

Par souci de cohérence dans leur démarche, ces mêmes rapporteurs se sont attachés à ne pas inclure dans le champ de ce second rapport certains thèmes, qu'ils ne considèrent pas comme « scientifiques » à proprement parler, et que le CCNE a choisi, lui, d'inclure dans celui des états généraux, mais sous la qualification spécifique de thèmes « en résonance avec les préoccupations sociétales », donc hors du champ de compétences de l'Office.

En deuxième lieu, nous vous proposons d'évaluer la méthodologie suivie par le CCNE, en nous appuyant sur les exigences en la matière de la Commission nationale du débat public, la CNDP, autorité administrative a priori la plus compétente pour l'organisation de débats publics sur l'environnement. Pour celle-ci, les « valeurs essentielles qui sont autant de principes nécessaires à la bonne organisation des débats publics » sont l'indépendance, la neutralité, la transparence, l'égalité de traitement, l'argumentation. Il semblait naturel d'appliquer cette « grille de lecture » à la consultation publique dont rend compte le rapport de synthèse du CCNE.

Quand elle évoque l'indépendance, la CNDP fait référence à son statut d'autorité administrative indépendante, c'est-à-dire d'institution de l'État placée en dehors des hiérarchies administratives traditionnelles. Il en est de même pour le CCNE.

S'agissant de la neutralité, l'organisateur du débat public ne doit en aucun cas exprimer un avis ou une recommandation sur le fond du dossier, mais établir un bilan du déroulement du débat et les conclusions et enseignements à en tirer pour la poursuite du projet.

De ce point de vue, le CCNE a délimité lui-même, en amont de la consultation, les neuf thèmes sur lesquelles elle porterait :

▪ Six domaines « où les progrès scientifiques ont été constants » :

– la recherche sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires humaines,

– les examens génétiques et la médecine génomique,

– les dons et la transplantation d'organes,

– les neurosciences,

– les données de santé,

– l'intelligence artificielle et la robotisation.

▪ Un thème, la santé et l'environnement, dont l'inscription dans le champ de la consultation « est justifiée par la prise en compte de plus en plus grande de l'impact de l'environnement sur la santé », selon les termes du CCNE.

▪ Deux thèmes « en résonance avec les préoccupations sociétales et qui ont pu, à cet égard, évoluer ces dernières années » :

– la procréation,

– l'accompagnement de la fin de vie.

Ces choix peuvent soulever la question de la neutralité de la procédure utilisée pour les états généraux, puisque les thématiques débattues ont été choisies « en amont » des travaux et que, parmi celles-ci, figuraient la procréation et la fin de vie, qui n'entraient pas explicitement dans le champ de la loi de bioéthique de 2011. Selon le rapport du CCNE lui-même, « ces deux thèmes qui ne relèvent pas véritablement de la bioéthique ont été inclus après discussion […] dans les États généraux, car il a paru important de profiter de cette consultation citoyenne pour recueillir les opinions de la société sur ces deux thèmes. »

Sauf pour l'intelligence artificielle et la robotisation, le CCNE avait déjà pris position sur tous les thèmes en cause, dans l'exercice de sa mission consistant à émettre des avis indépendants. Le rapport écrit en donne le détail. Cela est bien normal, puisque le CCNE se situe depuis sa création au coeur de la réflexion éthique en France et ses avis, qui sont publics, sont depuis l'origine une source permettant la compréhension, dans la durée, des enjeux scientifiques et médicaux de la biomédecine.

Par ailleurs, il existe aussi des critiques tenant à une certaine « proximité » d'approches et de réflexions entre les scientifiques et médecins membres du CCNE et les scientifiques et médecins qui seront éventuellement demandeurs de modifications, d'assouplissements ou d'aménagements des « interdits éthiques » ou plus généralement des règles bioéthiques. À cet égard, on peut souligner que la publication systématique de ses avis depuis la création du CCNE et son choix d'expliciter les données et arguments scientifiques et médicaux qui les fondent, garantissent la possibilité de soumettre le raisonnement tenu à l'appréciation critique des scientifiques et non-scientifiques, des médecins et des associations de malades, des diverses institutions publiques… L'OPECST peut ainsi lui-même mobiliser les expertises à sa disposition pour les analyser.

En ce qui concerne la transparence, il faut la comprendre comme la nécessité de s'assurer que l'ensemble des informations et des études disponibles sur le sujet a été mis à la disposition du public. Au cours du débat, aucune question ne doit être écartée, aucune censure exercée.

De ce point de vue, le site internet participatif mis en place par le CCNE a comporté, pour chacun des thèmes retenus :

- une partie informative comprenant :

o une courte introduction du thème ;

o une présentation de la structuration de la consultation autour de trois axes, dont deux de nature informative (constats et enjeuxvaleurs et principes) et l'un portant sur la discussion (quelles pistes de discussion) ;

o les définitions des notions et données scientifiques indispensables à une première compréhension de ce dont il est question ;

o un « état des lieux » présentant le cadre juridique, des données chiffrées officielles relatives aux pratiques sous forme de schémas didactiques ; ainsi qu'une bibliographie sélective.

- une partie consultative clairement identifiée, avec une introduction et des exemples de questions à débattre.

On peut constater que les questions posées permettent effectivement d'engager la réflexion éthique, en l'état actuel de chaque domaine en cause, à partir du moment, du moins, où l'on a préalablement fourni un investissement de compréhension des données scientifiques, médicales et techniques qu'il comporte, facilité par la vulgarisation, au sens académique, remplie par les différentes institutions en charge des domaines considérés.

S'agissant de l'égalité de traitement, pour la CNDP, il importe que soient mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour que chacun – citoyen, association, etc. – quelles que soient son opinion, ses implications, ses motivations, puisse s'exprimer et soit traité de la même manière. Le rapport détaille l'ensemble des auditions menées par le CCNE, en grand nombre et sans oubli notable. Il a contacté 400 organisations pour leur proposer d'être entendues. 154 auditions ont eu lieu, dont 88 d'associations et 36 de sociétés savantes.

Comme l'indique le CCNE, « Les auditions (…) ont constitué non pas des lieux de débat, mais plutôt des moments de clarification, d'explicitation de la part des organisations qui avaient répondu à cette invitation. ».

Enfin, pour ce qui est de l'argumentation, il s'agit de veiller à ce que les participants puissent apporter des arguments expliquant leur point de vue. Le débat public est un temps d'échanges et de discussion dans le processus de décision et ne peut être assimilé à un sondage ou à un référendum.

Le site internet a été accessible pendant 78 jours, du 12 février au 30 avril 2018 et a eu :

– 183 498 visiteurs uniques ;

– 29 032 participants ayant apporté 64 985 contributions : 3 755 nouvelles propositions se sont ajoutées aux 115 propositions initiales [du CCNE], propositions elles-mêmes soumises à l'avis des internautes qui étaient appelés à déposer leurs « arguments » en faveur ou en défaveur des propositions (60 493 au total) » ;

– les contributions ont porté très majoritairement (69 %) sur les deux thèmes choisis par le CCNE « en résonance avec les préoccupations sociétales et qui ont pu, à cet égard, évoluer ces dernières années » (soit, procréation et société : 45 %, prise en charge de la fin de vie : 24 %) ;

– les 28 % des contributions relatives aux domaines « où les progrès scientifiques ont été constants » ont correspondu pour 12 % aux cellules souches et recherche sur l'embryon, 5 % aux examens génétiques et la médecine génomique, 4 % aux dons et transplantations d'organes, 3 % à l'intelligence artificielle et robotisation, 2 % aux neurosciences, 2 % aux données de santé. Cette répartition peut sembler valider sociétalement le choix du CCNE d'inclure des sujets hors de la loi de bioéthique.

Outre le site internet, ont eu lieu des consultations et des événements organisés par les espaces éthiques régionaux, en particulier sur les thèmes « procréation et société » et « examens génétiques et médecine génomique ».

Par ailleurs, le CCNE a mis en place un comité citoyen, dans le cadre des états généraux que la loi le chargeait d'organiser. Le CCNE n'est pas l'auteur des « Opinions de ce comité citoyen », qui ont été présentées à l'OPECST par ses membres, le 7 juin 2018 de manière distincte. Le comité citoyen était composé de 22 personnes, mandatées pour faire une lecture critique des États généraux de la bioéthique. Ses membres, âgés de 18 ans et plus, reflétant la diversité de la population française en termes de sexe, d'âge, de catégorie socioprofessionnelle et de lieu d'habitation, avaient été recrutés et animés par l'entreprise Kantar Public.

Il ne s'agissait pas de constituer un échantillon statistiquement représentatif de la population, qui n'aurait pas de sens sur un panel aussi réduit, mais seulement de refléter et représenter la diversité de la population française. Les notions de majorité et de minorité évoquées dans les opinions publiées doivent donc être considérées avec prudence et uniquement en termes qualitatifs et non quantitatifs.

Ce comité a rédigé des avis sur deux sujets du domaine de compétence de l'Office : le processus des États généraux de la bioéthique et la génomique préconceptionnelle. Sur le processus, le comité observe qu'il y a eu des débats nombreux en région, avec une bonne fréquentation, et fait deux observations : la parole militante a parfois prédominé, gênant l'échange ; et une certaine inégalité territoriale, certaines régions ayant accueilli moins de débats que d'autres. Le comité citoyen a suggéré également la création d'un comité citoyen permanent, mais renouvelé régulièrement, pour jouer le rôle de relais du CCNE dans l'opinion publique et offrir un éclairage citoyen au CCNE. Un tel comité citoyen permanent pose toutefois la question de son articulation avec la démocratie représentative et suscite une grande réserve de la part de vos rapporteurs.

Enfin, le comité citoyen a estimé trop long le délai de sept années entre deux révisions des lois de bioéthique prévu par la loi en vigueur, et a proposé de le ramener à cinq ans, ce qui semble de bon sens.

Sur le second thème, le comité citoyen a fait apparaître des oppositions analogues à celles constatées sur le site du débat public. Ainsi, une « majorité » des membres souhaitent rendre les données issues des tests génétiques accessibles à la recherche de façon anonyme, mais leur communication aux patients sans leur consentement fait débat. De même, pour le diagnostic préconceptionnel, une « majorité » des membres étaient favorables à le permettre pour tous, mais une forte minorité plutôt à le limiter aux populations à risque.

Un troisième avis du comité citoyen a porté sur la fin de vie, qui ne faisait pas partie du champ de la révision de la loi de bioéthique à proprement parler, ni du champ des avancées de la science justifiant une évaluation par l'Office.

En tout état de cause, il faut insister sur le fait que les consultations des citoyens par voie numérique mises en place par le CCNE, ou via le comité citoyen, n'ont aucune représentativité statistique puisque les observations sont déposées sur la base du volontariat, avec de nombreux biais : le souhait de déposer des observations sur internet est en soi un critère différenciant, excluant les non-utilisateurs d'internet et ceux qui ne manifestent pas leur opinion même s'ils en ont une, etc.… ; le même internaute peut déposer autant de contributions qu'il souhaite ; etc.

L'analyse de résultats chiffrés doit rester très prudente : comme souvent dans ce type d'exercice, les « sachants », ceux qui ont déjà eu l'occasion de construire une réflexion sur ces sujets complexes, et les « militants » qui défendent une cause, sont ceux qui s'expriment le plus spontanément. La fréquence des prises de position en faveur de telle ou telle évolution ne dit rien, par elle-même, de leur représentativité au sein de la population française. Il faut insister sur le fait que ces différentes consultations ne sauraient « représenter » les opinions de la population française et ne doivent être prises en compte que qualitativement et non quantitativement.

En troisième lieu, j'en viens à qu'il convient de souligner dans la présentation par le CCNE des enseignements à retirer des états généraux pour les thèmes présentant une dimension scientifique, technique ou médicale, sans entrer dans le champ des débats dits de société.

– sur la recherche sur l'embryon et les cellules souches humaines : le CCNE souligne que les intervenants se sont prononcés sur le principe des recherches plutôt que sur les avancées scientifiques, avec des « assertions émises de façon peu argumentées » scientifiquement ;

– sur les examens génétiques et la médecine génomique : le CCNE met en avant le besoin qui s'est exprimé d'information sur les examens génétiques et la médecine génomique, ainsi que le souhait d'une transmission des résultats des examens génétiques appelant accompagnement et encadrement. Quant aux demandes d'évolutions législatives, elles sont plutôt le fait des experts, en particulier l'extension du diagnostic préimplantatoire aux aneuploïdies ;

– sur les dons et transplantations d'organes, le CCNE constate que « le don et la greffe d'organes n'ont pas été remis en cause en tant que tels » et que « les principes de gratuité, d'anonymat et de consentement au prélèvement font consensus. » Il constate également que, hormis pour le don de gamètes, les dons de produits du corps humain ont été absents des débats, en particulier le don de cellules souches hématopoïétiques ;

– sur les neurosciences, le CCNE souligne le faible nombre de préconisations concrètes, tant de la part « de la société civile » que des sociétés savantes, le rappel « de grands principes » ayant prévalu, « qui ont, pour la plupart, fait consensus », notamment l'intérêt de la recherche, mais aussi la nécessité de protéger les données individuelles, le constat de la complexité du cerveau, le principe de la justice sociale notamment eu égard aux techniques de neuro-amélioration ;

– sur les données de santé, l'intelligence artificielle et la robotisation : le CCNE relève que les contributions sont formulées en termes de principes généraux, les participants aux débats ou aux auditions ayant insisté sur le déficit général d'information technique (anonymisation, pseudonymisation, sécurisation des données). Les préoccupations visent une demande d'explications sur le fonctionnement des outils numériques et l'exploitation des données collectées, la crainte d'« une perte de la relation humaine qui s'établit entre le patient et le médecin, avec, à terme, le risque que la décision médicale soit imposée par l'outil numérique et non plus explicitée et partagée entre le patient et le médecin » et « une méfiance partagée quant au devenir des données et au risque de leur exploitation malveillante, coercitive ou commerciale, en particulier vis-à-vis de personnes vulnérables, par des assureurs, ou des plateformes médicales, voire l'assurance maladie ».

Sur l'IA plus spécifiquement, le CCNE constate que, « quel que soit le canal par lequel sont remontées les réflexions », prévaut la considération des « promesses » de ces nouvelles technologies : « mettre un frein à leur développement (…) pourrait être analysé comme contraire à l'éthique. ». Pour autant, « des interrogations voire des inquiétudes » existent sur le risque de déshumaniser la médecine.

En résumé, les rapporteurs de l'Office constatent la comparabilité, voire l'identité, des enseignements des états généraux avec les informations qu'ils ont recueillies à l'occasion de leur évaluation pour l'Office de l'application de la loi de 2011 relative à la bioéthique.

En quatrième lieu, quelles sont les pistes d'action du CCNE, après ces états généraux ?

Tout d'abord, le CCNE souligne le besoin d'information, essentiel « non seulement pour les citoyens qui se sont exprimés, mais aussi pour les professionnels de santé ». Il estime aussi que, malgré ses efforts de pédagogie, « l'appropriation du contenu technique des questions mises en débat n'a été que partielle, ce qui a pu entraver la bonne compréhension des enjeux. »

L'Office scientifique a un rôle à jouer en la matière, et certains sujets requièrent qu'il se saisisse à intervalles plus courts que ceux de la révision de la loi de bioéthique. Pour cela, on pourrait suggérer de plus s'appuyer sur le rendez-vous annuel fixé par la loi avec l'Agence de biomédecine, en prévoyant des tables rondes annuelles, ou tous les deux ans, plutôt qu'un simple compte rendu d'activité de l'agence. De même, l'Office gagnerait à avoir la possibilité de s'autosaisir des sujets en temps opportun, mais la question de l'autosaisine de l'Office doit être traitée ailleurs que dans le cadre de la loi de bioéthique, qui ne constitue pas le « véhicule législatif » adapté pour ce faire.

Le CCNE relève aussi une adhésion assez générale au principe de la recherche, ce qui est heureux, qu'il s'agisse de la recherche en neurosciences, qui fait consensus ; ou du développement des recherches en génétique « encouragé par une majorité des participants ». En ce qui concerne les recherches sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires, les positions « restent très opposées ». Les participants se sont prononcés sur la question même de l'autorisation des recherches ; les scientifiques et les sociétés savantes mettent en avant, eux, les avancées scientifiques, et suggèrent une distinction, dans la loi, entre la recherche sur l'embryon et la recherche sur les cellules souches embryonnaires, en particulier sur les lignées cellulaires. Un certain consensus est apparu sur la nécessité d'un encadrement législatif de ces recherches. Une demande consensuelle est que la loi pose des limites à ne pas franchir.

Enfin, pour les participants, des attentes et des craintes sont directement liées aux évolutions de la technique et de la pratique médicales, notamment l'acte de soin et la relation patient-médecin à préserver et l'utilisation des données de santé, dans le sens des conclusions de l'Office après l'audition publique du 24 février dernier sur l'IA et les données de santé.

Ces préoccupations rejoignent les recommandations présentées en conclusion de l'évaluation de l'application de la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique.

Plus généralement, on ne peut que donner acte au CCNE de la rigueur et de la conscience avec lesquelles il a rempli, en 2018, la tâche d'organisateur des états généraux de la bioéthique que lui confie la loi, et de la qualité, à tous égards, de son rapport de synthèse.

Il y a plus matière à s'interroger sur la forme, sur la coordination formelle avec l'OPECST telle que prévue par la loi – il conviendra à l'avenir que les consultations prévues soient véritablement effectives -, et, sur le fond, sur l'adjonction aux états généraux de la bioéthique, conçus par le législateur pour des motifs liés à l'avancée des connaissances scientifiques, techniques et médicales, de sujets plus sociétaux voire relevant d'options philosophiques, comme la fin de vie.

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- Je confirme en tous points la présentation que vient de faire ma collègue sénatrice, et insisterai seulement sur trois aspects.

Tout d'abord, nous estimons que la relation de l'Office avec le CCNE devrait être aussi étroite que possible, en amont du débat public et dans le cadre de l'organisation du débat public, notamment pour ce qui concerne l'éventuel appui de la CNDP évoqué par la loi.

En second lieu, la consultation menée comprend un biais intrinsèque, que ce soit sous sa forme présentielle ou par voie numérique, et ne repose sur aucune forme d'échantillonnage. En particulier, les reprises dans les médias des opinions formulées doivent être regardées avec prudence, et uniquement en termes qualitatifs.

J'ai par ailleurs été très étonné que soient inclus dans ce débat public des questionnements hors loi de bioéthique, qui se limite en principe à la prise en compte de l'incidence des progrès médicaux. C'est bien pour cette raison que nous avions nous-mêmes choisi de ne pas commenter, dans notre premier rapport, la question de l'extension de la PMA.

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Je tiens à féliciter nos deux rapporteurs pour la qualité et la richesse de leur travail. Il est vrai par ailleurs que le débat médiatique se concentre en règle générale sur l'émotion, plus que sur la raison.

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- Je m'associe bien volontiers aux remerciements faits à nos deux rapporteurs, et ferai deux remarques. La première est qu'effectivement, une meilleure coordination en amont avec le CCNE serait souhaitable. La seconde est que les questions de bioéthique les plus scientifiques ont pu être quelque peu occultées par les débats les plus médiatiques, entraînant une certaine déformation du débat public. En tout état de cause, le rapport du CCNE sur le débat public ne saurait être considéré comme reflétant l'état de l'opinion publique.

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En effet, la consultation telle qu'elle a été menée met plus en exergue les positions des « sachants » et celles des « militants » que les autres. Je souhaite conclure notre présentation en rappelant que ceux-ci auront duré un an et demi environ au total.

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Annie Delmont-Koropoulis, sénatrice, rapporteure

- S'agissant du CCNE, peut-être certains de ses membres ont-ils souhaité optimiser l'attractivité de la consultation publique, qui aurait sans doute été moindre si certains des thèmes inclus dedans ne l'avaient pas été ?

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Je vous propose d'autoriser la publication du rapport.

La publication du rapport d'évaluation du rapport de synthèse des états généraux de la bioéthique par le CCNE est autorisée à l'unanimité.

La réunion est close à 13 h 30.

Membres présents ou excusés

Députés

Présents. - M. Philippe Bolo, M. Jean-François Eliaou, M. Jean-Luc Fugit, M. Patrick Hetzel, Mme Huguette Tiegna, M. Cédric Villani

Excusés. - M. Christophe Bouillon, M. Claude de Ganay, M. Antoine Herth, M. Jean-Paul Lecoq

Sénateurs

Présents. - Mme Annie Delmont-Koropoulis, Mme Angèle Préville

Excusés. - Mme Laure Darcos, M. Gérard Longuet, Mme Catherine Procaccia, M. Bruno Sido

1 Note n° 11 – Le Stockage de l'électricité. Février 2019 http://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/75684/776790/version/2/file/note_stockage_electricite.pdf

http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/opecst/quatre_pages/OPECST_2019_0009_note_stockage_electricite.pdf

2 Territoire Innovant de Grande Ambition

3 Dépense d'investissement de capital, de l'anglais « capital expenditure »

4 Crédit d'impôt pour la transition énergétique

5 Observatoire français des conjonctures économiques

6 Institut Photovoltaïque d'Île-de-France

7 Institut pour la Transition énergétique.

8 Loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, aussi dite de manière abrégée « loi de transition énergétique ».