La réunion

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L'audition débute à neuf heures.

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Nous recevons Mme Laurence Raineau, maître de conférences au département de sociologie de l'Université Paris 1, centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA), et Mme Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA.

Que nous apprend l'approche sociologique sur les choix des systèmes techniques, en particulier énergétiques, et sur leurs conséquences sociales, ou bien sur les présupposés sociopolitiques de tels choix ?

Que nous apprend un mix électrique dans lequel la production d'électricité est principalement d'origine nucléaire sur les mécanismes sociaux qui l'ont rendu possible ?

Ces mêmes mécanismes ne sont-ils pas à l'œuvre, aujourd'hui, dans le développement de l'éolien, malgré l'apparente opposition entre un mode de production concentré sur quelques sites et relié à un réseau centralisé et un mode de production diffus ou grand consommateur d'espace, mais lui aussi relié au même réseau ? Autrement, dit, est-ce que le phénomène Nimby (pour not in my backyard, soit pas dans mon arrière-cour) ne s'appliquerait pas, quelle que soit l'énergie et au-delà des argumentaires, qu'il s'agisse de déchets ou de pylônes ?

Cette centralisation peut-elle être le corollaire ou la conséquence de notre rapport collectif à l'égalité, même tempérée par l'existence des situations de vulnérabilité énergétique ?

Beaucoup de questions que nous nous posons. C'est pourquoi nous vous avons invitées, sur une idée originale de Mme la rapporteure, qui souhaitait auditionner des sociologues ou des gens s'intéressant à la sociologie des rapports avec le secteur de l'énergie.

Une des conséquences des nouveaux modes diffus de production d'énergies renouvelables (EnR) est de rendre visible à un plus grand nombre l'outil de production, alors que cet aspect restait masqué au plus grand nombre dans un système de production concentré sur un nombre plus restreint d'installations.

Mais cette différence n'est-elle pas à relativiser en s'attachant, par exemple, à l'opposition entre métropoles et territoires ? Après tout, les métropoles n'ont toujours vu ni centrales, nucléaires ou éoliennes, ni fils électriques, alors que les territoires et leurs habitants ont vécu à côté des centrales, du réseau de transport et, aujourd'hui, par conséquent, des éoliennes ? Il y aurait peut-être aussi des questions à se poser à ce sujet. Les décideurs ne voient pas l'impact négatif d'une stratégie énergétique élaborée depuis Paris. Ce qui était faisable dans les années 1960 est démultiplié quand c'est installé de manière diffuse avec des conséquences uniquement portées par les habitants des territoires qui, par ailleurs, sont critiques vis-à-vis de la place de l'État, de la disparition des services publics, de l'abandon des territoires ruraux, etc.

S'agissant d'une commission d'enquête, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous demande de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Veuillez lever la main droite et dire « Je le jure ».

(Mme Laurence Raineau et Mme Laure Dobigny prêtent successivement serment.)

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Laurence Raineau, Maître de conférences au département de sociologie de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA)

. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de présenter quelques résultats de nos recherches. Nos approches sont complémentaires : Laure et moi travaillons dans le même laboratoire, où nous étudions notamment la socio-anthropologie des techniques ; nous nous intéressons toutes deux à la transition écologique et au développement des énergies renouvelables, mais selon des entrées différentes. Je parlerai de l'implantation dans le territoire de grandes infrastructures pour le réseau centralisé, à laquelle vous avez fait allusion dans votre présentation, tandis que Laure traitera plus particulièrement du développement local et décentralisé des énergies renouvelables.

J'évoquerai donc l'implantation dans le territoire de grandes infrastructures et les oppositions qu'elles rencontrent. Je m'arrêterai sur trois points de nature à souligner le caractère passionnel du débat entre pro et anti-développement d'énergies renouvelables pour le grand réseau, tension conduisant dans certains pays à des actes de violence et même, aux Pays-Bas à qualifier les opposants de « terroristes ». Il me semble qu'au-delà d'un problème de Nimby, ou d'acceptabilité sociale, comme vous le disiez, on observe un questionnement et l'affrontement de conceptions différentes de la société, du pouvoir, voire de la démocratie.

Le premier point a trait à un sentiment d'injustice et d'inégalité, à partir de l'idée qu'on fait supporter à certains territoires le coût de la transition énergétique et du développement des énergies renouvelables, alors qu'ils n'en sont généralement pas les plus gros consommateurs. Certains ont le sentiment d'une opposition entre campagne et ville, entre milieu urbain et milieu rural, et qu'ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone, puisque c'est leur paysage qui subit les effets des décisions. Certains pensent même qu'on leur vole leur territoire et leur horizon avec de grandes infrastructures dont ils ne perçoivent pas l'intérêt puisque la production est diffuse et sans usage local. L'idée de mépris et même de mépris du peuple est souvent exprimée. Cette opposition, que j'ai constatée depuis longtemps, fait écho à la crise des gilets jaunes apparue cette année.

De leur côté, les développeurs, les acteurs et les exploitants, tel EDF, des centrales EnR défendent parfois sincèrement la valeur du grand réseau qui est aussi, vous l'avez rappelé, porteuse d'égalité. Développer les énergies renouvelables dans un réseau, c'est aussi continuer d'asseoir cette valeur qu'ils défendent, à savoir l'égalité d'accès et de coût à l'énergie, cette ressource de première nécessité.

Deuxième point : les opposants se demandent pourquoi toucher à leur paysage, développer de nouveaux parcs éoliens ou de nouvelles centrales d'énergies renouvelables, alors que nous sommes déjà en surproduction. Ils ne comprennent pas le sens de ces projets et ne sont pas sensibles à la stratégie à long terme dans laquelle ils s'inscrivent. Cette contradiction me donne l'occasion d'évoquer aussi l'idée que le développement des énergies renouvelables dans le réseau centralisé ne concourt que ponctuellement à la transition énergétique. Certes, la substitution de telles centrales à des centrales à énergies fossiles ou nucléaires entraîne une réduction actuelle ou future de CO2, mais, au-delà, elle n'induit ni dynamique ni sens au niveau local. Au niveau central, on mesure d'ailleurs l'efficacité des énergies renouvelables au fait qu'elles ne demandent pas d'adaptation des usagers et n'est pas ressentie par eux dans leurs usages quotidiens. Ils n'en voient donc que l'impact dans leur territoire sans comprendre en quoi elles participent d'un changement général dans lequel ils pourront peut-être être acteurs. Je parlais de contradiction car le réseau est conçu pour les énergies fossiles et pour fournir de façon fluide et presque abstraite de l'énergie aux usagers, dans une logique de toujours plus d'énergie. Les promoteurs ou les exploitants du réseau défendent l'idée que plus d'énergie, c'est mieux, tandis que la transition énergétique tend vers la réduction de la consommation d'énergie.

Le troisième argument avancé par les opposants, c'est que ces sources d'énergie ne sont pas adaptées au réseau et au système. Les éoliennes ne tournent qu'un tiers du temps. L'irrégularité et l'intermittence des énergies de flux, principalement le vent et le soleil, sont mises en avant. Leur rendement énergétique leur semble très faible en comparaison de l'impact qu'ils ont l'impression de subir. Le sens ne leur apparaît pas. Ils estiment qu'en raison de leur intermittence et de leur irrégularité, les énergies renouvelables ne sont pas adaptées au grand réseau, conçu avec et pour les énergies fossiles, lesquelles sont stockables et permettent un contrôle des flux et une production à la demande. En revanche, les énergies renouvelables obligent à réfléchir aux modalités de stockage, non pas de la source d'énergie puisqu'on ne peut pas capturer le vent ni le soleil, mais de l'électricité produite.

Au lieu de considérer l'inadaptation des énergies renouvelables au réseau, ne peut-on s'interroger sur l'inadaptation du réseau aux énergies renouvelables, en particulier celles de flux ? Il me semble important de réfléchir aux atouts et aux faiblesses du grand réseau dans le projet de développement des énergies renouvelables. Il me semble nécessaire de repenser la place et le rôle du réseau pour leur donner sens dans la perspective de la transition énergétique. Ne faudrait-il par relâcher la pression sur le réseau et développer les énergies renouvelables dans une logique globale ? Ce réseau est nécessaire. Il ne s'agit pas de condamner le développement de grands parcs éoliens, de parcs solaires ou d'autres formes d'énergie renouvelable pour le réseau, mais nous avons besoin de la fluidité d'accès et de cette énergie à disposition pour des infrastructures telles que les hôpitaux ou pour l'accès à l'eau potable. Mais, dans ce projet de développement des énergies renouvelables, ce réseau doit être complété, chaque fois que c'est possible, par d'autres réseaux, d'autres formes d'accès à l'énergie, pas exclusivement électriques. Sans repenser la place du réseau centralisé à partir d'une réflexion sur ses atouts et faiblesses, le développement des EnR risque de rester incompris, de ne pas prendre sens et de ne pas s'inscrire dans la dynamique plus générale de la transition énergétique.

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. Je me suis intéressée au développement décentralisé et local des énergies renouvelables à l'échelle de communes et de communautés de communes en France et en Europe, principalement en Allemagne et en Autriche. J'aborderai d'abord la question des leviers de l'acceptabilité des projets d'énergies renouvelables locaux, puis celle des freins, avant de souligner le rôle du système technique sur les consommations d'énergie finale.

L'acceptabilité des installations d'énergies renouvelables dépend de leur sens social, c'est-à-dire de leurs implications considérées comme positives ou non par les habitants. Les implications positives sont principalement énergétiques, économiques et symboliques.

Elles sont énergétiques, d'abord, puisque développer des installations d'énergies renouvelables pour une consommation locale de l'énergie produite est un élément clé de leur acceptabilité et de leur appropriation. Si l'énergie produite est directement consommée par les habitants, les installations d'EnR sont majoritairement plébiscitées car cette énergie est souvent moins chère, écologique et elle dynamise l'économie locale. C'est lorsque l'énergie produite part dans le réseau pour on ne sait qui et on ne sait quoi que les oppositions émergent, qu'il s'agisse des grandes installations centralisées, comme l'a souligné ma collègue, ou de petites installations locales raccordées au réseau mais dont on ne voit pas bien à qui elles profitent, sinon économiquement aux porteurs de projets. On peut penser à la multiplication actuelle des oppositions aux projets locaux de méthaniseurs, qui sont pourtant de petites unités portées par quelques agriculteurs.

Par conséquent, l'acceptabilité sociale ne dépend pas seulement de la taille des installations d'énergies renouvelables ou des porteurs de projet, mais bien du sens social que revêtent localement ces installations. Ce sens peut être économique. En effet, les installations d'énergies renouvelables ont un impact positif sur l'économie locale, puisque les gains de l'énergie bénéficient aux acteurs locaux – municipalités, citoyens, agriculteurs ou PME – et sont réinjectés dans l'économie locale. Ces projets permettent souvent la création ou le maintien d'emplois. Les agriculteurs ont un rôle central à jouer dans la transition énergétique des territoires ruraux ou semi-ruraux.

Mais, pour que la dimension économique soit perçue de manière positive localement, le projet doit bénéficier au territoire, au plus grand nombre, c'est-à-dire être soit multi-acteur, soit municipal et public, car, s'il ne bénéficie qu'à une seule catégorie d'acteurs, il est bien davantage susceptible de provoquer des oppositions.

Un troisième facteur d'acceptabilité à ne pas sous-estimer est la dimension symbolique des installations, qui peut être positive ou négative et, dans ce dernier cas, constituer un frein. Dans une commune des Côtes-d'Armor que j'ai étudiée, avait été installé un parc éolien pour des investisseurs de fonds de pension, sans la moindre dimension locale ou citoyenne. Pour autant, il a été très bien accueilli par les habitants, car c'était un des premiers parcs éoliens du département et il représentait l'innovation, la modernité, dans un territoire pauvre, perçu comme défavorisé. Ce parc donnait de ce territoire une image positive dont il manquait cruellement. Il a ouvert la voie à la création d'un second parc éolien, citoyen cette fois, toujours sans la moindre opposition.

Que ce soit par leur caractère innovant ou par la reconnaissance du territoire dans la médiatisation d'un projet d'énergie renouvelable, on voit se modifier l'image de la commune et, par conséquent, celle que les habitants ont d'eux-mêmes. Le sens social des installations d'énergies renouvelable est essentiel pour leur acceptabilité et leur appropriation sociale et locale.

Quant aux freins, le premier est la segmentation des acteurs et des projets d'énergies renouvelables en général en France. Les municipalités mettent en place des petits réseaux de chaleur qui raccordent quelques bâtiments publics, les agriculteurs réalisent des installations agricoles de méthaniseurs ou d'huileries, les citoyens créent des parcs citoyens éoliens ou photovoltaïques, mais il n'y a pas de coopération, pas de projets collectifs issus d'une vision partagée de la transition énergétique du territoire. Compte tenu de cette segmentation, on observe une défiance croissante de la population à l'égard du monde agricole, particulièrement perceptible vis-à-vis des projets de méthaniseurs locaux, et une défiance du monde agricole à l'égard des partenariats mixtes, qu'ils soient public-privé ou multi-acteurs. Ce n'est pas du tout le cas en Allemagne ou en Autriche, où des projets impliquant tous les acteurs – municipalités, citoyens, PME, agriculteurs – sont réellement la clé du succès.

Le deuxième grand frein que l'on observe en France est l'absence de sens de la production d'énergie pour la population lorsqu'elle n'est pas envisagée en réponse aux consommations locales. Cette absence est intimement liée à la segmentation des projets d'énergie renouvelable. Le fait que la production d'énergie fasse sens localement est cependant central si l'on souhaite voir diminuer les consommations, ce qui reste prioritaire avant même la production d'énergie. Or, comme l'a rappelé ma collègue, sur le grand réseau centralisé, les externalités de l'énergie sont cachées, notamment dans les murs : on appuie sur l'interrupteur et cela fonctionne. C'est la fée électricité. Cette abstraction totale de l'énergie ne permet pas, même avec la meilleure volonté, d'appréhender cette énergie dans le quotidien, donc sa consommation.

Précisément, le changement de technique que constitue l'usage d'énergies renouvelables à l'échelle locale – et la question d'échelle est fondamentale – permet cette conscience de la mise en œuvre de l'énergie dans le quotidien par le dévoilement du système de production d'énergie, mais aussi la compréhension de ses contraintes, de ses difficultés. On comprend qu'il est difficile de produire un kilowattheure et qu'il est très rapide d'en consommer un. Ce sens devient apparent : produire dévoile. De ce fait, on observe une modification des représentations de l'énergie, et des usages plus sobres.

Le système technique a un impact sur les représentations de l'énergie et sur les consommations. C'est la raison pour laquelle le raccordement d'énergies renouvelables au réseau, de manière directe, par revente totale et rachat, ou indirecte, par l'autoconsommation, n'entraîne pas les mêmes représentations et les mêmes usages de l'énergie. On ne voit pas les mêmes pratiques pour des installations techniques pourtant similaires. Ce n'est pas qu'une question de changement de compteur, cela change tout pour les utilisateurs.

Nous souhaitons souligner que les choix techniques jouent donc un rôle non négligeable dans les consommations finales d'énergie. Choisir une technique plutôt qu'une autre n'a pas les mêmes implications sociales, symboliques et politiques. Il ressort de nos travaux que le rôle du système dans le développement des énergies renouvelables ne doit pas être sous-estimé. On dit qu'il y a une abstraction de l'énergie sur le grand réseau centralisé. À l'échelle locale, dans la mesure où il y a une réelle appropriation de ces installations, c'est-à-dire quand la production d'énergie fait sens pour les consommateurs locaux, le développement d'énergies renouvelables permet d'envisager une modification des représentations tendant à des pratiques énergétiques plus sobres.

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. Je tiens d'abord à vous remercier, car je suis ravie de vous entendre ce matin.

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. Je pense depuis longtemps que l'énergie est principalement un sujet humain, alors qu'on essaie d'en faire un sujet technique ou économique et dépendant de la manière dont on se l'approprie.

À mon sens, ce sujet fait partie du contrat social. En France, l'accès à une énergie peu chère, disponible de manière quasi illimitée est inscrit dans le contrat social. La remise en question de ce droit distille une inquiétude, qui représente pour moi un des freins à son développement.

Une autre différence entre la France et l'Allemagne, où l'acceptation est nettement plus marquée, c'est l'histoire du nucléaire racontée par le pays. L'héritage de la fierté d'avoir développé cette technologie, qui reste très présent dans nos représentations collectives, est un frein au développement de sources d'énergies alternatives. En Allemagne, l'énergie nucléaire n'a jamais été un pilier, contrairement à la France ; en Allemagne, l'énergie a toujours été chère, contrairement à la France, et en Allemagne, l'approche est beaucoup plus locale qu'en France, pays très centralisé. Ces importantes divergences nourrissent les difficultés d'acceptation.

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Laurence Raineau, Maître de conférences au département de sociologie de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA)

. Je laisserai ma collègue répondre plus en détail sur cette comparaison, puisqu'elle y a beaucoup travaillé.

L'idée de contrat social était présente dans les points que j'ai soulignés. Comment, sans remettre en cause le réseau, en modifier la logique, l'adapter au nécessaire développement des énergies renouvelables dans les territoires tout en respectant le contrat social garantissant la fourniture d'énergie pour tous ? Il faut rendre compatibles l'égalité et la solidarité. L'égalité peut-elle être toujours pleinement à l'œuvre ? Le contraire de l'égalité n'est peut-être pas l'inégalité.

L'opposition entre nucléaire et énergies renouvelables alimente la virulence des débats. Certains acteurs, qui n'avaient pas d'avis sur le nucléaire, m'ont dit être devenus pro-nucléaires après l'apparition de l'éolien. L'alternative nucléaire-éolien est toujours présente. Je cite l'éolien sur lequel j'ai plus particulièrement travaillé, mais je suppose que cela vaut aussi pour d'autres sources renouvelables. Peut-être faudrait-il sortir le débat de cette alternative.

Vous l'avez souligné, notre système politique est très différent de celui de l'Allemagne où la décentralisation favorise une appropriation locale de l'énergie par les territoires et le développement des énergies renouvelables, dans une logique de complémentarité entre le central et le décentralisé.

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. La différence essentielle est la dimension fédérale de l'Allemagne et de l'Autriche face à la réputation centralisatrice de la France. Le point évoqué au sujet du contrat social tient au fait qu'après avoir entretenu l'illusion, peut-être à dessein, qu'il n'y avait pas de problème d'énergie en France, que l'on pouvait produire de manière illimitée une énergie peu chère, on affirme tout à coup la nécessité de développer des énergies renouvelables : si le nucléaire ne pose aucun problème, pourquoi doit-on le faire brutalement ? On tient aux citoyens deux discours contradictoires.

Je ne pense pas que les Français soient extrêmement attachés au nucléaire, hormis dans la classe politique. Le rayonnement de la France au travers du nucléaire est moins incarné dans les représentations de la population que dans celles des politiques, qui peinent à sortir de la production énergétique nucléaire en raison d'un attachement non partagé par toutes les catégories sociales et par tous les corps de métiers.

Dès lors, une fierté peut se développer au sujet des énergies renouvelables, en tant qu'initiatives locales et appropriables. Les habitants qui créent des coopératives locales d'énergies renouvelables en sont très fiers. Cette appropriation peut donc tout à fait se reporter sur un autre objet, à condition qu'il y ait un intérêt bien compris des habitants à le faire et qu'il ne s'agisse pas d'une production abstraite envoyée sur le réseau. Un réseau chaotique affecté de nombreuses coupures inciterait à des développements locaux, mais comme il fonctionne plutôt bien, il y a incompatibilité entre le discours des acteurs et le vécu des citoyens.

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Laurence Raineau, Maître de conférences au département de sociologie de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA)

. J'extrapolerai à partir d'une étude ancienne que j'ai réalisée en Allemagne sur un écoquartier. Le nucléaire y était le moteur du développement des énergies renouvelables, mais en opposition. Ce n'était pas le nucléaire en tant que source d'énergie qui posait problème mais le système politique qui l'accompagnait, dans un pays où l'on fait difficilement confiance à la bienveillance du pouvoir central pour garantir la sécurité. L'histoire politique de l'Allemagne a contribué à l'éclatement du pouvoir décentralisé, et l'énergie est devenue un outil politique et un moyen de se réapproprier le pouvoir.

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. Je partage votre analyse de l'appropriation de la transition énergétique par les gens. Devenir producteur à leur niveau est une manière de se sentir moins impuissant face à des changements inquiétants. Si l'on est à l'écoute des annonces faites sur le changement climatique et un tant soit peu conscient de la nécessité d'agir d'une manière ou d'une autre, devenir acteur de l'écosystème énergie permet de se libérer de l'angoisse. Compte tenu de la difficulté que l'on a en France à lâcher prise sur la centralité du réseau, je me demande dans quelle mesure on n'empêche pas les citoyens de devenir acteurs et où on ne les contraint pas à une situation d'angoisse.

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. C'est dans les représentations que réside notre différence fondamentale avec des pays comme l'Allemagne ou l'Autriche. Le citoyen français n'a pas la représentation qu'il doive être acteur localement, en particulier des questions d'énergie, puisqu'on l'en a dépossédé pendant des années. Environ 80 % des Français sont hostiles à la construction de nouvelles centrales nucléaires mais on continue d'en prévoir. Pendant une cinquantaine d'années, on n'a pas écouté les citoyens. À la différence des citoyens allemands ou autrichiens, ils ne se sentent ni légitimes ni directement concernés par le dossier. C'est pour moi le principal frein.

Bien entendu, certains citoyens voient que cela passe par une appropriation locale mais, comme vous le signaliez, l'énergie est toujours l'enjeu d'autre chose. Sous couvert de se réapproprier l'énergie, on se réapproprie non seulement le réchauffement climatique, mais aussi les enjeux locaux. C'est la même logique que celle de la remunicipalisation des réseaux d'eau. On ne se réapproprie pas l'énergie pour elle-même, mais une certaine autonomie de choix de ce qui peut advenir localement. Cela émerge un peu plus tard en France que chez nos voisins européens, mais cela émerge aussi. Le grand frein, c'est l'absence d'image du citoyen comme acteur, mais cela pourrait tout à fait être inversé.

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. Est-ce qu'il n'y aurait pas aussi une infantilisation des Français vis-à-vis de l'énergie, dans la mesure où, vous l'avez dit, on simplifie la description du réseau, on cache la fluctuation des prix et les moyens de production ? Il n'y a peut-être pas une volonté d'opacité, mais, dans un souci de simplification, on a dépossédé les gens de la complexité et du pouvoir qu'apporte la compréhension d'un sujet. Je me demande s'il n'y a pas une résistance à cette infantilisation avec l'affirmation du droit de choisir et de ne plus se voir imposer ces sujets.

On a « vendu » la sortie du nucléaire comme bonne pour le climat. Environ 80 % des gens croient que la fermeture de centrales nucléaires aurait un effet climatique, alors que le nucléaire ne dégage pas de CO2. Les gens risquent d'y voir une tromperie et de considérer qu'on leur a vendu deux sujets en même temps : la transition énergétique visant à remplacer un mode d'énergie par un autre et la lutte contre le changement climatique. Je me demande si cette contradiction n'est pas en train d'émerger de la confusion entre la volonté politique de transition énergétique et la nécessité de lutter contre le changement climatique, qui est un autre sujet auquel on doit répondre d'une autre manière.

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Laurence Raineau, Maître de conférences au département de sociologie de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA)

. Je voulais aussi relever des contradictions liées au morcellement des problèmes. On se demande s'il faut sortir ou non du nucléaire, alors qu'il se pare d'une nouvelle image d'énergie non ou très faiblement émettrice de CO2, de nature à contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. C'est sans doute pourquoi le nucléaire est toujours opposé à l'énergie renouvelable. Ces énergies peuvent être concurrentes face à la problématique climatique et il est logique qu'elles donnent lieu à un débat tendu. Il existe aussi une contradiction entre l'impératif de changer nos pratiques et la consolidation d'un système conçu pour une énergie abondante. Ces contradictions ne donnent pas sens à ce qui est fait.

Quand vous parliez de l'angoisse de l'impuissance, cela m'a rappelé une conclusion de la coordinatrice du grand débat sur la transition énergétique. Ce qui l'avait beaucoup surprise dans les discussions dans les régions et à l'Assemblée nationale, c'est le contraste entre le fait qu'au niveau central, on avait du mal à tracer une perspective et que dans les régions, on s'appropriait assez facilement la transition pour mettre en œuvre des projets. Au niveau local, on arrivait à embrasser différents problèmes – politiques, dynamique de la région, transition énergétique, déchets, etc. –, et tout cela prenait sens, une dynamique se créait, alors qu'au niveau central, il était beaucoup plus compliqué d'aborder globalement le réchauffement climatique tant les problèmes semblaient disjoints les uns des autres.

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. Évoquons maintenant la production éolienne qui a beaucoup occupé cette commission d'enquête. J'avais le sentiment qu'on était au-delà du rationnel et bien plus dans l'émotionnel. Des études réalisées par des sociologues ont montré que le volume sonore produit à l'oreille d'une violoniste durant des années n'avait nullement détérioré son audition, tandis que l'exposition d'une autre personne à un bruit de puissance analogue dans le cadre professionnel avait entraîné une dégradation physique. Je me demandais dans quelle mesure la réaction vis-à-vis des éoliennes ne résultait pas de l'impression de subir. De façon émotionnelle et pas du tout rationnelle, les uns verront dans la présence d'éoliennes la manifestation du progrès, l'amorce du monde de demain, un environnement plus propre ouvrant un imaginaire positif, quand d'autres la verront comme une agression, un élément perturbant ce qu'ils ont toujours connu, un changement imposé là où ils voudraient conserver ce qu'ils connaissent, une forme de viol d'un territoire et un envahissement. Dès lors, les gens se positionnent en résistance avec un sentiment éthique extrêmement fort, dans un sens comme dans l'autre. Les uns développent les éoliennes en pensant changer le monde, les autres réagissent en estimant entrer dans une résistance comparable à d'autres luttes historiques.

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Laurence Raineau, Maître de conférences au département de sociologie de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA)

. S'agissant des grands parcs éoliens, je ne sais pas si de telles attitudes sont perçues au niveau décentralisé. Vous exprimez des données psychologiques, ce qui est loin d'être négligeable, mais les études sont multiples et les résultats contradictoires. Dans l'ensemble il est souhaité qu'il n'y ait pas d'impact sanitaire, ce qui ne veut pas dire aucun impact. Effectivement, certains acteurs de terrain qui n'appartiennent pas à de grandes associations anti-éolien et qui voient un projet s'implanter en face de chez eux sont dans une véritable angoisse dépressive face à cette désappropriation, la sensation de ne plus être maîtres de rien, de ne plus comprendre. C'est le thème sur lequel nous avons insisté, c'est-à-dire le sens à donner à ces transformations.

L'impact sonore est souvent mis en avant, mais c'est d'abord l'impact visuel qui donne le sentiment de désappropriation et d'envahissement.

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. Je pensais moins à l'effet bruit qu'aux conflits de voisinage. Dans les conflits de voisinage à propos de haies ou de stationnement de véhicule entrent parfois des éléments totalement irrationnels. Je me demande s'il n'y a pas des éléments de cet ordre dans la relation aux éoliennes.

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. Dans votre perception de l'acceptabilité apparaît la notion d'intérêt général. Quand les gens ne comprennent pas l'intérêt général, il y a une perte de sens. Le fait de confier à des opérateurs privés, donc de privatiser, la poursuite de l'intérêt général, n'est-il pas un des sujets ? Pour le nucléaire, l'État représente l'intérêt général. S'agissant de l'éolien, j'ai l'impression que la méfiance à l'égard du promoteur qui fait de l'argent, qui finance telle association pour faire passer ses intérêts brouille le message. Politiquement, l'État dit que l'intérêt général est de sauver la planète, mais confier cela à des « mercenaires » de la transition énergétique ne complique-t-il pas l'acceptation ?

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. Certainement, d'autant plus que cet intérêt général doit être saisi. Quelqu'un convaincu des enjeux de la transition énergétique et du réchauffement climatique verra l'intérêt général dans le développement d'un parc éolien, quel qu'il soit. Ce sera moins le cas d'un citoyen qui considère que le réseau fonctionne bien et qui ne voit pas de problème avec le nucléaire qui n'émet pas de CO2. Dès lors, pourquoi développer un parc éolien, qui plus est par un promoteur qui va en tirer profit ? La défiance à l'encontre du monde industriel n'est pas aussi marquée dans d'autres pays européens, où l'intérêt général de ces installations est concret pour la population.

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. En vue de faciliter l'acceptation, n'aurait-il pas mieux valu que l'État négocie la préemption des terrains, réalise les études préalables, puis se tourne vers les candidats éventuels et les promoteurs ? N'en déplaise à Mme la rapporteure, la France, c'est une certaine idée de l'État. Depuis deux mille ans, nous sommes un État centralisé. On peut le déplorer mais force est de constater qu'un côté louis-quatorzien reste prégnant dans le substrat français. Une telle préconisation est-elle de nature à améliorer l'acceptabilité ?

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. Sans doute. Nous avons vu de telles logiques à l'œuvre à l'échelle régionale. Des régions ont décidé d'installer de l'éolien à tel endroit, des communes ont décidé de mener telle politique énergétique, puis de faire appel à des entreprises privées pour la mettre en œuvre. En revanche, à l'échelle nationale, nous avons observé que le développement de l'énergie renouvelable n'était pas la priorité. On a préféré assurer le maintien des installations existantes. On ne voit pas une volonté politique nationale claire de soutenir fortement les énergies renouvelables, comme on peut le voir ailleurs. L'empowerment des citoyens allemands et autrichiens vient aussi de ce que leurs gouvernements indiquent clairement les orientations à prendre.

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. Je ne veux pas défendre les gouvernements, mais je les trouve assez clairs depuis dix ans. Le gouvernement peut décider de telle action, mais on n'est plus dans les années 1960 et les gens ont besoin d'être convaincus sur le fond.

Je vous rejoins sur l'idée que hormis ceux travaillant dans les bassins, les Français ne sont pas particulièrement fiers du nucléaire, mais ils sont pragmatiques. Ils se disent que le nucléaire est peut-être dangereux, mais il produit de l'électricité peu chère et il convient de réfléchir avant de scier la branche sur laquelle nous sommes assis. Les tenants de la transition énergétique, qui met l'accent sur la dénucléarisation, ont du mal à faire passer le message de la défense de la planète. Entre une petite minorité très pro-nucléaire, constituée des gens qui travaillent dans les bassins, et une petite minorité très antinucléaire qui l'a toujours été pour des raisons idéologiques, on trouve une grande masse de gens sans opinion très déterminée mais qui ont plutôt digéré le nucléaire, un peu comme l'église au milieu du village. Si vous modifiez leur vie sur le terrain, la donne change. Sur le principe, ils ne sont pas hostiles, mais s'ils doivent avoir un parc éolien face à leur maison, ils revoient la hiérarchie des priorités. Faute d'avoir eu un débat très clair et d'avoir fait trancher, la poussée politique se heurte à l'inertie ou à la mauvaise volonté d'une partie de la population qui n'est pas entièrement convaincue.

À cela s'ajoute une part d'égoïsme. Tout le monde est d'accord pour défendre l'intérêt général de la planète, comme tout le monde est d'accord pour le recyclage des déchets ménagers et chacun refuse d'aller les porter à 400 mètres. Ce qui m'a étonné dans vos propos, c'est l'égoïsme. Les gens auraient besoin qu'on leur rende l'énergie qu'ils voient produire pour l'accepter. On est très loin d'un effort pour la planète. Mettrait-on de côté l'aspect dénucléarisation qu'on se heurterait au fait que les gens veulent bien décarboner, à condition que cela leur rapporte. Il est compliqué de concilier le gain collectif et le gain individuel.

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Laurence Raineau, Maître de conférences au département de sociologie de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA)

. Je n'ai pas voulu faire passer les citoyens pour des égoïstes. Chercher un sens est différent de chercher son intérêt. Glisse-t-on vers le devenir acteur dépossédant l'État d'une partie de son action ? Il serait plus rationnel et logique que l'État soit totalement l'acteur du développement des énergies renouvelables. On pourrait s'y opposer ou pas, mais au moins, ce serait clair. Il y a un manque de clarté. Si l'État préemptait les terres, je ne suis pas sûr que l'adhésion serait plus forte, car la sensation de dépossession serait maintenue. Mais l'argument que des lobbys profitent de la situation est souvent avancé.

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. Des lobbys, il y en a dans tous les sens.

Vous parlez de phénomène citoyen – au risque de choquer Mme Dobigny, je dirai que je n'aime pas cet adjectif que l'on met à toutes les sauces –, mais quand on dit aux gens qu'ils vont s'approprier leur énergie, devenir acteurs ou percevoir des dividendes, cela reste un moyen de réintégrer la logique économique. Il ne s'agit pas de devenir citoyen pour bâtir un projet énergétique, mais pour alléger la facture ou en tirer un bénéfice personnel. On réintroduit une logique d'appropriation de gains individuels dans une transition présentée comme un gain collectif. De même, on dit aux gens qu'on va placer des déchets nucléaires sous leurs pieds pour l'intérêt général, mais si on leur dit qu'ils en tireront un complément de revenus, ils y retrouveront quand même leur compte. Ce n'est pas exactement la même logique. Est-on obligé de passer par de telles logiques ?

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Laurence Raineau, Maître de conférences au département de sociologie de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA)

. J'ai assisté aux débats sur un projet de parc éolien au large de Courseulles-sur-Mer, en Normandie. Les acteurs n'exprimaient pas de l'égoïsme mais la volonté de trouver le sens du développement de ce parc. Une des questions était de savoir si, concrètement, l'énergie consommée localement proviendrait de ce parc. Il n'y avait pas de projet de participation ni de retour financier. L'interrogation était : « Puis-je faire un lien entre les grands pylônes que je verrais au loin et l'énergie que je consommerais ? ». Comme les éoliennes ne fonctionnent pas tout le temps, on pouvait aussi s'inquiéter de l'intermittence de la fourniture d'électricité, mais la préoccupation première était l'implication, faute de laquelle le développement reste totalement abstrait. La crainte était qu'on impose quelque chose sur leur territoire et qu'ils n'en sentent rien.

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. N'y a-t-il pas aussi un élément consubstantiel ? Vous l'avez dit, les énergies pilotables sont des énergies à la demande qui correspondent bien à un modèle consumériste, sur le mode : « J'ai besoin d'électricité, j'appuie sur l'interrupteur et on me donne l'électricité dont j'ai besoin. C'est moi qui choisis quand j'appuie sur l'interrupteur ». Les énergies intermittentes sont des modèles par l'offre. La production s'impose au consommateur, ce qui est contre-intuitif dans une société consumériste. Si on disait aux gens : ce matin, on a produit du lait et vous êtes priés d'aller en acheter au supermarché, ne résisteraient-ils pas en faisant valoir leur liberté et en protestant qu'ils n'ont pas envie de boire du lait ? N'y aurait-il pas, et c'est la faute à pas de chance, des énergies plus faciles à « digérer » dans un modèle consumériste ?

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. Totalement, mais pour une raison simple qui n'est pas « la faute à pas de chance », mais qui procède du fait que ces industries renouvelables sont, pour la plupart, préindustrielles, c'est-à-dire préalables à la volonté de maîtrise et à une technique fonctionnant tout le temps. Faire appel aux énergies renouvelables, c'est revenir à des techniques qui ne fonctionnent pas tout le temps mais quand il y a du soleil ou du vent, qui ne permettent pas de répondre à des besoins en tout temps et tous lieux, contrairement aux énergies fossiles et fissiles. Malheureusement, l'épuisement des modèles fossile et fissile nous oblige à faire autrement. Or les énergies renouvelables entraînent des modifications pratiques. Parce que cela ne marche pas tout le temps, on peut reprendre conscience de ce qu'est consommer de l'énergie et de la quantité d'énergie nécessaire pour faire fonctionner un lave-linge, par exemple.

Je prendrai, pour illustrer mon propos, un exemple plus flagrant à l'échelle individuelle qu'à l'échelle collective. Beaucoup d'utilisateurs de chauffe-eau solaires diront que par une belle journée, ils feront fonctionner trois ou quatre fois leur lave-linge afin de profiter d'une eau chauffée. On observe une modification radicale des pratiques. Ce n'est plus le besoin qui entraîne la consommation d'énergie, c'est la présence d'énergie qui entraîne des usages. À l'échelle d'immeubles, si on n'explique rien aux utilisateurs, leurs chauffe-eau sont vides lorsqu'ils veulent utiliser leur lave-linge et pleins quand ils sont au travail, mais la modification des usages est possible. Certes, c'est contraignant, et la contrainte est probablement le premier frein au développement des énergies renouvelables. On le constate notamment avec le bois. Se chauffer au bois réintroduit de la contrainte.

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. J'ai pris l'exemple de l'alimentation, parce que le rêve de l'humain pendant des siècles a été de contrôler la nature. On était jadis victime des disettes et la victoire de l'agriculture a été d'arriver à produire en quantité. Sauf que, et je ferai un peu de sociologie politique, l'époque du développement de l'industrie est aussi celle de la philosophie des Lumières où la civilisation occidentale soutient l'idée que l'homme est maître de son destin et que « l'homme est dieu ». Demander à des gens qui ont été éduqués dans une civilisation des Lumières disant qu'ils sont au centre de tout et qu'ils ont le pouvoir de contrôler la nature, d'accepter désormais que la nature réimpose sa loi comme à l'ère préindustrielle est plus qu'un fait politique, c'est une inversion anthropologique. Êtes-vous certaine qu'elle soit possible dans un environnement démocratique fondé sur la décision du citoyen ? Peut-on lui dire : tu ne décides pas, au nom de la planète on installe devant chez toi une éolienne, au nom de la sobriété, tu vas consommer moins ? On n'a pas encore consulté le citoyen, on le sensibilise, mais on a bien vu avec la crise des gilets jaunes, que lorsqu'on lui impose des freins trop puissants, il se réapproprie sa souveraineté, il repasse par les Lumières pour contester cette logique.

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. Je ne serai pas trop pessimiste. Cette représentation du monde de la modernité et de la nature datant de la philosophie des Lumières n'a pu être réalisée, il y a une centaine d'années, que par l'avènement et l'usage massif des énergies fossiles. Dans l'histoire de nos représentations, ce n'est pas si ancien que cela. Cela allait totalement à l'encontre des représentations d'alors et l'évolution a été assez rapide. On peut donc imaginer que le changement s'opère aussi rapidement en sens inverse, si la transition est désirable. Comme vous le disiez, le citoyen veut avoir le choix, mais il peut choisir d'aller vers des pratiques plus sobres s'il y voit un intérêt. Nous assistons à des phénomènes généraux de retour au Do-It-Yourself, qui introduisent de la contrainte dans le quotidien. Peut-être sommes-nous à un moment où la société est ouverte à la réintroduction d'une difficulté, si cela a du sens pour elle.

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Laurence Raineau, Maître de conférences au département de sociologie de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA)

. Vous avez hissé le débat au niveau anthropologique,…

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. J'ai commencé par faire de la sociologie et j'en profite !

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Laurence Raineau, Maître de conférences au département de sociologie de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA)

. …or nous sommes face à la remise en cause d'un modèle. Il faut changer progressivement nos façons de penser et de penser le système politique. Vous dites que, devenus maîtres de la nature, nous devons continuer de l'être, mais si le débat climatique est au centre de nos préoccupations, nous devons nous dire que la nature revient vers nous et nous impose des comportements. Il faut prendre acte du fait que nous ne sommes pas totalement maîtres de la nature. Dès lors, soit nous sommes dominés, devons nous soumettre, réduire nos consommations, nous contraindre, soit nous devons changer nos façons de faire et de penser. L'alternative n'est peut-être pas soit être dominé, soit être dominant. En agriculture, on peut employer des engrais chimiques pour obtenir l'effet souhaité et être moins dépendant des aléas de la nature, mais on peut aussi lui demander de produire ce dont on a besoin. Un important changement de mentalité peut conduire à la percevoir non plus comme soumise mais comme collaborative.

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. Dans le projet Linky, on a cherché à donner aux citoyens la possibilité de décider tout en contribuant à l'objectif général. On a installé chez eux un équipement leur permettant de piloter à leur niveau la transition énergétique et de faire des gains. Et, patatras, c'est l'un des projets les plus décriés en termes d'acceptabilité sociale ! Vous dites qu'il est possible d'organiser ces deux modèles. Comment en analysez-vous le semi-échec ?

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. Linky est l'incarnation de la continuité d'une vision du réseau énergétique et du consommateur. Linky revient à dire que, les citoyens étant trop bêtes et indisciplinés pour économiser de l'énergie, on va le faire à leur place : on leur coupera le chauffage pendant quelques minutes, ce qui n'affectera pas leur confort, mais on fera des économies d'échelle sur le réseau. C'est l'inverse de ce vers quoi il faut tendre selon nos travaux. Si l'on veut donner conscience de l'énergie et des pratiques sobres, il faut, au contraire, redonner aux gens la main sur le thermostat. Ce n'est qu'à ce prix, en faisant confiance aux citoyens, qu'on observera une appropriation de l'outil technique et que les consommations diminueront.

Je viens de passer deux ans en Suisse où les réseaux de chauffage dans les grandes agglomérations et dans les immeubles sont gérés de manière centralisée. Les gens ne peuvent pas régler la température et les appartements sont chauffés à 26 degrés. On ne voit pas du tout cela en France où les frais de chauffage sont individualisés et où, malgré les compteurs Linky, l'utilisateur peut encore intervenir sur le radiateur.

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. Vous êtes un peu dure avec le compteur Linky. Au-delà de la possibilité de coupure, c'est le moyen pour le citoyen d'aller sur un site internet pour moduler sa consommation. C'était aussi la promesse d'avoir un compteur communicant, offrant la possibilité de piloter sa propre offre énergétique.

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. Ces technologies intelligentes contribuent à l'abstraction. Certes, elles permettent de couper la fourniture d'énergie et de réaliser des économies d'échelle, mais pour l'utilisateur, les applications ne fonctionnent pas très bien ou pas très longtemps. De nombreuses études récentes sur les réseaux intelligents, les « Smart Home », montrent que c'est plutôt un gadget : au début, les gens l'utilisent, puis l'abstraction revient. Dans notre quotidien, ce n'est pas concret, alors que quelqu'un qui a installé dans son jardin une éolienne qu'il voit tourner quand il y a du vent, sait d'où provient l'énergie qui fait fonctionner son ordinateur ou son réfrigérateur.

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. J'ai peur que la volonté d'appropriation n'aboutisse à une forme d'autarcie énergétique, certains disant : je fais ma communauté, cela me rapporte, et qu'importe, ce qui expose à un risque de dislocation de la solidarité. Ceux qui auront accès à l'énergie, qui pourront avoir du vent et du solaire, le feront en invitant les autres à se débrouiller, et l'on retrouvera ensuite des coûts fixes assez élevés. L'autre solution, c'est de suivre votre opposition. Si, en dévoilant la production, on rencontre des problèmes, il vaut mieux prévoir des énergies qui s'adaptent à la demande et qui ne se dévoilent pas.

J'utilise souvent une métaphore qui fait se dresser les cheveux sur la tête des gens. Il n'y a jamais de débat sur la construction d'églises en France, parce qu'elles ont été construites il y a mille ans. Elles sont au milieu des villages et les gens y sont habitués. En revanche, quand on construit un lieu de culte pour une nouvelle religion, les gens demandent : pourquoi ici et pourquoi pas là ? Aujourd'hui, l'église au milieu du village, c'est le nucléaire, car les gens y sont habitués. C'est un avantage concurrentiel. La production des EnR serait concentrée, cela se verrait moins, mais elle est déconcentrée et les problèmes sont démultipliés. Pour quelques mégawatts, vous créez un problème quasiment de même intensité que pour une centrale nucléaire. Ne devrait-on pas orienter la production vers des énergies concentrées, pilotables, vertes, comme le nucléaire et d'autres ?

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Laurence Raineau, Maître de conférences au département de sociologie de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA)

. On reste dans l'opposition entre réseau et décentralisation. Il faut peut-être arriver à concilier les deux dans un contexte pacifié.

Il faut développer les énergies vertes sur le réseau, mais cela ne suffira pas à opérer la transition énergétique. Il n'est pas d'autre dynamique que la substitution immédiate d'énergies productrices de CO2 par d'autres qui ne le sont pas, ce qui est déjà beaucoup, mais il faut aussi changer nos façons d'agir et de produire au quotidien. Cela ne signifie pas « moins » ou « contrainte », mais appréhender une autre façon de s'accorder avec la nature. Cette dynamique ne peut être induite par le développement de l'énergie renouvelable dans le réseau. Il faut en passer par des éléments plus sensibles, mais le réseau est indispensable car on ne peut sortir du contrat social. Pour les besoins de première nécessité comme les soins et la distribution d'eau, l'énergie doit être disponible en flux continu. Il faut s'assurer de l'avenir et de la permanence de ce réseau mais bien des usages peuvent être décentralisés pour lui donner du sens et pour qu'il puisse continuer à jouer son rôle dans le cadre du « contrat social ».

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. Je me suis intéressée à la problématique autonomie versus solidarité. Beaucoup de communes que j'ai étudiées en Autriche étaient autonomes. Elles n'étaient pas coupées du réseau mais elles produisaient plus d'énergie qu'elles n'en consommaient. L'autonomie n'empêche pas l'échange ou la coopération, au contraire. Dans ces communes, les échanges sociaux avaient été grandement renforcés par ces projets, puisqu'elles étaient médiatisées. On venait de Corée du Sud pour voir ce qu'avait fait la petite commune autrichienne. Il y avait une ouverture sociale. Du point de vue énergétique, on peut très bien imaginer des îlots d'autonomie interconnectés où la production locale se fait en coopération et non plus en concurrence avec le territoire voisin, avec l'avantage de l'omniprésence des énergies renouvelables. Chaque territoire peut, à son échelle, en produire, ce qui n'était pas le cas avec le charbon qui était développé dans certains bassins. Avec les énergies renouvelables, tous les territoires peuvent être en situation équitable de production, en interconnexion et en échange.

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. Transmettre le message de la nécessité d'une modification de la consommation ou des modes de vie n'est pas lié à l'installation diffuse de l'énergie renouvelable. On pourrait très bien agir sur les comportements avec un mode de production très centralisé comme le nucléaire. J'en veux pour preuve que la gabegie d'énergie est plus le fait des villes. À Paris, bien qu'on soit moins concerné par les éoliennes, les panneaux photovoltaïques et toutes les difficultés de la transition énergétique, il y a un vrai sujet de comportement. Il ne faut pas compter sur les éoliennes construites dans la Creuse pour faire bouger le citoyen parisien.

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. Madame Raineau, vous dites que lorsque la transition énergétique est opérée au niveau d'un territoire, ses enjeux et l'acceptabilité sont bien mieux pris en compte, parce que l'organisation s'effectue entre les élus, les décideurs et la population. La suppression des zones de développement de l'éolien (ZDE), qui permettaient la planification au niveau d'un département, en gardant une compétence d'État, a-t-elle eu un effet sur l'acceptabilité du développement de l'éolien ? On observe l'incapacité de certaines collectivités à maîtriser ce qui se passe soit dans leur territoire même, soit dans le voisinage. Certains élus s'émeuvent beaucoup de n'avoir plus la possibilité de s'opposer, alors qu'une planification au niveau de l'État, avec des retours de fiscalités et de richesse pour les communes qui acceptaient, offrait une visibilité.

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Laurence Raineau, Maître de conférences au département de sociologie de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA)

. Mes études datent d'avant la ZDE. Au niveau local, on se plaignait parfois du fait que la création d'une ZDE nécessitait un projet d'au moins cinq éoliennes.

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. La ZDE créée en 2010 instaurait l'obligation de création de parcs comportant au minimum cinq éoliennes. On ne pouvait plus en faire des petites. Ce dispositif prévoyant la planification territoriale par le préfet du département et l'obligation d'un minimum de cinq éoliennes, a été supprimé en 2013.

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Laurence Raineau, Maître de conférences au département de sociologie de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheuse au centre d'études des techniques, des connaissances et des pratiques (CETCOPRA)

. Avec moins de cinq éoliennes, l'opération ne pouvait entrer dans le cadre d'une ZDE. Des acteurs déploraient le fait qu'il n'y ait pas de ZDE mais d'autres avaient comme stratégie de ne pas entrer dans le cadre de la ZDE.

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. C'est la raison pour laquelle, dans le prolongement de notre discussion, je ne suis pas convaincue qu'une planification étatique nationale imposant des installations à tel endroit et pas à tel autre serait garante d'acceptabilité. Elle serait plutôt garante d'opposition. Comme nous avons essayé de le démontrer ce matin, ces installations doivent faire sens localement. Un potentiel éolien peut exister dans une région dont les habitants refusent de voir des éoliennes dans le paysage. Je pense à des grands sites classés dont vous avez auditionné des acteurs. Dans ces régions, il peut y avoir des ressources en bois à ne plus savoir qu'en faire et les habitants peuvent répondre à leurs consommations avec d'autres énergies.

Par conséquent, une vision planifiée et étatique ne me paraît pas une voie à réexplorer, car elle déposséderait plus encore les habitants. Selon moi, il faudrait, au contraire, ouvrir des débats locaux sur la transition énergétique, mais on ne l'entend pas, on n'ouvre pas localement des réflexions sur les transitions énergétiques du territoire souhaitables. En le faisant, on verrait émerger des projets locaux et une prise de conscience de la nécessité de préserver l'énergie et de ne plus la gaspiller à tort et à travers.

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. Je ne souhaitais pas une planification nationale mais une planification départementale. Vous préconisez une maille infradépartementale ?

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. Oui.

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. Pour moi, la ZDE était départementale et elle permettait une concertation. Aujourd'hui, il n'y a plus aucune concertation réelle sur le sujet. Il va y en avoir dans le cadre des plans climat des communautés de communes qui ne sont pas prescriptifs. Mais, même si une réflexion locale extrêmement positive est conduite par des élus ou par les habitants, elle n'est pas prescriptive, de sorte que tous les promoteurs, acteurs privés, peuvent passer outre les recommandations, ce que ne ferait pas un acteur public.

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Laure Dobigny, docteure en sociologie, collaboratrice de recherche au CETCOPRA

. L'échelle des communautés de communes est bonne, mais s'il y a eu débat localement, s'il y a eu vision partagée d'une transition énergétique locale, un bon contre-pouvoir consiste à dire aux promoteurs énergétiques que leur projet n'entre pas dans ce qui a été décidé localement.

L'audition s'achève à dix heures trente.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du mercredi 17 juillet 2019 à 9 h 05

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Laure de La Raudière, Mme Marjolaine Meynier-Millefert

Excusés. - Mme Sophie Auconie, M. Christophe Bouillon, Mme Jennifer De Temmerman