Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du jeudi 25 juillet 2019 à 15h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • carbone
  • co2
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  • renouvelable
  • technologies
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La réunion

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L'audition débute à quinze heures quarante.

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Nous recevons Mme Carole Mathieu et M. Jan Horst Keppler pour une audition conjointe sur les enjeux internationaux de la transition énergétique.

Madame, vous êtes responsable des politiques européennes de l'énergie et du climat au sein du Centre énergie de l'Institut français des relations internationales (IFRI). Vos axes de recherche portent sur les politiques de lutte contre le changement climatique et la transformation des systèmes énergétiques, notamment dans le cadre européen. Vous avez ainsi été chargée de mission au sein de la Commission de régulation de l'énergie, de 2010 à 2014. Vos travaux ont notamment porté sur l'harmonisation des règles de fonctionnement des réseaux et des marchés du gaz naturel en Europe, et les questions de sécurité d'approvisionnement énergétique de l'Union européenne. Vous êtes l'auteure, avec votre collègue M. Marc-Antoine Eyl-Mazzega, d'un rapport sur la dimension stratégique de la transition énergétique. Vous en profiterez pour nous dire l'état d'avancement de la transition bas carbone européenne et les différences d'approches entre les États membres, notamment les enjeux du positionnement de la chaîne de valeur dans les technologies bas carbone, et les conséquences en termes de politique industrielle,

M. le professeur Jan Horst Keppler, vous êtes économiste senior au sein de l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine. Vous dirigez la chaire des marchés européens d'électricité ainsi que le Master énergie, finances et carbone, avec des axes de recherche qui portent sur le secteur de la concurrence dans les technologies à bas carbone, tels que le nucléaire ou les énergies renouvelables (EnR). L'AEN a publié un rapport en mai dernier – « Le pouvoir de l'énergie nucléaire au sein du système d'énergie propre » –, dans lequel sont mis en évidence les risques pour la stabilité et la sécurité des réseaux liés à la part croissante des énergies renouvelables dans la production d'énergie électrique. Quelles sont les conclusions de ce rapport ?

Je vous vais vous donner la parole pour un exposé liminaire.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une Commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, Madame et Monsieur, à lever la main droite et à dire « je le jure ».

(Mme Carole Mathieu et M. Jan Horst Keppler, prêtent serment.)

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Jan Horst Keppler

Vous avez mentionné un rapport de l'OCDE sur de la stabilité des réseaux, datant de l'an dernier. Je ne connais pas ce rapport. En revanche, nous avons publié cette année un rapport intitulé « Les coûts de la décarbonisation » et portant sur les coûts de système avec des proportions différentes de nucléaire et d'EnR. Je vous parlerai donc des coûts et non de la stabilité du système.

Ce travail fait partie d'une réflexion entamée depuis plusieurs années au sein de notre agence. Nous étions parmi les premiers à nous y intéresser et, aujourd'hui, nous sommes en contact avec des chercheurs en Amérique, en Europe et ailleurs. Toutes ces considérations sur les coûts de système sont un domaine bien établi. Il est très important de bien appréhender les coûts de système des différentes technologies, notamment des énergies renouvelables variables. La variabilité des EnR a introduit des surcoûts, en plus des coûts habituels que nous avons pour habitude d'appeler les LCOE, pour Levelized cost of energy, qui sont les coûts moyens actualisés au niveau de la centrale. Vous êtes familiers avec la notion des coûts externes, comme le changement climatique, les coûts sociaux, et autres. Ce n'est pas de cela qu'on parle, mais bien des coûts en euros et en centimes qui sont générés dans le système électrique par la variabilité de certaines technologies. Il faut prendre en compte ces coups de système en sus des LCOE, des coûts moyens actualisés.

Nous publions nos études ( « Projected Costs of Generating Electricity ») tous les cinq ans, avec l'Agence internationale de l'énergie (AIE) : je le précise car, souvent, l'Agence pour l'énergie nucléaire est soupçonnée de trafiquer un peu les chiffres. Ce sont donc là des chiffres communs, et qui – pour les EnR – sont fournis par la Division des renouvelables de l'AIE. La dernière étude, une référence mondiale, date de 2015 : pour les LCOE, le charbon, le gaz et le nucléaire étaient toujours moins chers que les renouvelables. Depuis quatre ans, les coûts des renouvelables ont fortement diminué et ces chiffres ne seraient plus les mêmes. Mais ils sont néanmoins sous-jacents à notre étude. Il est indispensable de toujours associer les LCOE et les coûts de système. Ce sont deux composantes importantes de notre étude.

Celle-ci se place dans le cadre de l'Accord de Paris. C'est-à-dire qu'il s'agit de parvenir à un système énergétique qui limite l'augmentation de la température moyenne mondiale à 2 °C. Cela correspond à 450 PPM (partie par million) de CO2 ou équivalent dans l'atmosphère. Et cela signifie qu'on doit réduire les émissions annuelles de CO2 de 43 % au niveau mondial ou de 60 % au niveau de l'OCDE, et, pour le secteur électrique de l'OCDE, les réduire de 85 %. Nous avons comparé différents systèmes émettant tous 50 grammes de CO2 par kW/h, donc correspondant aux ambitions de l'Accord de Paris. Ces systèmes comportent différentes parts de nucléaire et d'EnR : soit entièrement nucléaire ; soit nucléaire avec un peu de renouvelable ; soit beaucoup de renouvelable et un peu de nucléaire ; et même uniquement du renouvelable.

Avant d'en venir aux résultats de ces différents scénarios, je rappelle que la France a le système électrique le plus sobre en carbone de tous les pays de l'OCDE, avec 60 à 70 gr de CO2 par kW/h : la différence avec les 50 gr souhaités n'est pas très grande. Je précise également, en réponse à ceux qui prétendent qu'il n'y a pas encore aujourd'hui de méthodologie bien arrêtée pour mesurer les coûts de système, qu'elle est cependant en train d'émerger. De plus en plus d'experts sont désormais d'accord sur ce qu'il est nécessaire de faire figurer dans les coûts du système électrique.

D'abord, évidemment le surcoût pour l'extension et le renforcement du réseau. On le sait, les renouvelables sont davantage distribués, ils sont parfois loin des centres de consommation : on a besoin de réseaux plus forts, plus finement maillés. Deuxième point : les coûts de raccordement. Pour l'offshore, par exemple, cela peut représenter des coûts importants. Troisième point : le coût de balancing ou d'équilibrage. La production d'énergie renouvelable n'est pas prévisible avec certitude : un nuage peut passer devant le soleil. On a donc besoin de capacités de production programmable qui tournent à la moitié de leurs capacités, afin d'être capables de monter très rapidement leur charge pour palier un manque de production subit en EnR. Mais les coûts de système les plus importants, et de loin, des renouvelables variables sont les coûts des profils ou de back-up : ceux dont nous avons besoin pour des capacités programmables qui sont indispensables en complément des EnR. L'exemple le plus banal, c'est celui du photovoltaïque : la nuit, le soleil ne produit rien, et il est indispensable d'avoir, en complément, des capacités d'énergie programmables. Le problème est que ces capacités programmables tourneront à des taux de charge moins élevés qu'en l'absence des EnR. Cette réduction du taux de charge des énergies programmables se traduit par une augmentation du coût moyen et du coût total des systèmes. Ce n'est pas un raisonnement de défenseur de l'ancien, du nucléaire, des énergies programmables : c'est un effet aujourd'hui reconnu même par les défenseurs des énergies renouvelables variables. Cela se traduit, certes, dans le contexte du marché de l'électricité, par une baisse du prix de revient des renouvelables. Prenons le solaire : en France, cette technique produit en moyenne de l'électricité entre 10 heures du matin et 14 heures. Toute la production d'origine solaire est concentrée dans ces heures-là, au cours desquelles vous avez effectivement une baisse des prix de revient de l'électricité. C'est la même chose pour le vent. Mais le revers de la médaille, c'est que cette baisse entraîne une augmentation des coûts de système, car pendant les autres heures, on a impérativement besoin de capacités supplémentaires.

Revenons à la comparaison des différents scénarios avec une émission de 50 gr de CO2. Nous avons testé un mix avec différentes parts de renouvelables (éolien, onshore et photovoltaïque), en collaboration avec un groupe de modélisateurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) aux États-Unis. Si ce mix comporte 10 % de renouvelables, il ne se passe pas grand-chose. On peut dire que cela correspond à peu près à l'état actuel de la France : la courbe est tout à fait comparable, mais un peu moins haute. Si vous incluez 30 % de renouvelables, c'est-à-dire ce qui se passe en Allemagne et d'autres pays européens, la courbe de charge est beaucoup plus déstructurée et vous commencez à avoir des heures avec des prix nuls ou négatifs. Et si vous êtes à 75 % de renouvelables, votre courbe de charge pour les programmables est en mode « écrêtement » : vous arrêtez vos renouvelables au moins un tiers du temps, faute d'un stockage bon marché. Première observation : les capacités de production, quelles qu'elles soient, vont fortement augmenter : si vous voulez du photovoltaïque à 20 % plutôt que des centrales nucléaires à 80 %, vous avez besoin de plus capacités. Et les coûts de système s'en ressentent : plus vous augmentez la part des renouvelables dans le mix, et plus cela devient cher par rapport au système de base. Le surcoût par MWh d'énergie renouvelable produite est estimé par notre étude comme pouvant monter jusqu'à 50 dollars. Pour faire un calcul économique correct, il faut donc ajouter ce surcoût aux coûts des renouvelables.

La volatilité des prix va fortement augmenter : dans un système avec 75 % de renouvelables, on aboutit à près de 4 000 heures – soit un peu plus de 40 % du temps – à des prix nuls : 0 euro. Et comme on ne peut pas occulter les contraintes de profitabilité, on aurait d'autres heures avec des prix beaucoup plus élevés. En moyenne, donc, des prix beaucoup plus volatils, avec un coût du capital plus élevé. Nous n'avons pas modélisé cet effet, mais tout le monde est d'accord pour considérer que la volatilité va augmenter, tout comme le coût du capital et les risques.

J'ai évoqué la baisse du coût de la construction des renouvelables. C'est un effet réel sur le marché, malheureux et très contraignant pour les entrepreneurs du secteur. Il est plus fort pour le soleil que pour le vent. Enfin, imaginons un système où les renouvelables sont moins chers que le nucléaire pour les LCOE : ce n'est pas encore tout à fait la situation, mais on va y arriver. Les renouvelables entrent donc sur le marché, sur leurs propres mérites. Mais quand ils entrent au même niveau, leurs coûts de système augmentent. Donc, à un certain niveau, le nucléaire sera à nouveau moins cher : un peu plus cher en termes de LCOE, certes, mais beaucoup moins en termes de coûts de système. Et on aurait une sorte d'équilibre least-cost, à moindre coût, entre renouvelables et nucléaire. C'est la vision que nous préconisons à l'OCDE : des systèmes least-cost avec des renouvelables et du nucléaire.

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Carole Mathieu

Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de présenter les travaux du Centre énergie de l'IFRI, autour de la dimension stratégique, géopolitique, de la transition énergétique. Pour plusieurs raisons, 2019 fait figure d'année charnière pour la politique climatique de l'Union européenne. D'abord, l'Union est en bonne position pour atteindre les objectifs énergie-climat adoptés en 2009 pour l'horizon 2020 : les émissions de gaz à effet de serre ont été réduites de 22 % entre 1990 et 2017 ; les énergies renouvelables sont en forte croissance, et représentent 17,5 % du mix énergétique européen en 2017. À noter toutefois que ce déploiement concerne prioritairement le secteur électrique, où les EnR représentent un tiers de la production, bien moins les autres secteurs comme le transport ou la production de chaleur. De plus, on relève de fortes disparités entre États membres : onze ont déjà rempli leurs objectifs pour 2020, sept autres, dont la France, ne sont pas sur une trajectoire cohérente avec leurs cibles.

La vigilance reste de mise pour la maîtrise des consommations énergétiques : après une baisse graduelle entre 2007 et 2014, la consommation énergétique est repartie à la hausse ces dernières années, avec en cause le regain de croissance économique, la relative faiblesse des prix du pétrole et un dynamisme sectoriel en particulier dans le transport. Il faudra parvenir à inverser la trajectoire pour respecter la cible de 2020 : consommation d'énergie primaire de 1 483 Mtoe (millions de tonnes équivalent pétrole), en 2020, contre 1 561 en 2017. Le bilan est donc honorable : en Europe, un palier a été franchi.

Mais les efforts se sont concentrés d'abord sur le secteur électrique ; le potentiel d'efficacité énergétique n'est pas pleinement exploité alors que cela devrait être la première des priorités ; des marges de flexibilité ont été préservées : allocation de quotas gratuits pour la grande industrie et le transport aérien dans le cadre de notre marché carbone, tandis que treize États, considérés comme les moins riches, restent autorisés à augmenter leurs émissions par rapport au niveau de 2005.

Nous sommes à un moment charnière car il faut désormais décider à l'échelle de l'UE de la trajectoire de décarbonation vers 2050 et du renforcement des objectifs pour 2030. Il est désormais probable de parvenir à un accord européen sur un objectif de neutralité carbone pour 2050. Reste aujourd'hui une minorité de blocage de quatre États membres avec à sa tête la Pologne, dont l'opposition pourrait néanmoins être levée si ces pays obtiennent satisfaction sur les aides financières associées. Mais un tel objectif implique de changer l'échelle horizontale – élargir, englober l'ensemble des domaines d'activité – et verticale – aller plus loin dans les domaines déjà identifiés – de la transition.

Plus concrètement, les scénarios établis par les services de la Commission à l'automne 2018 donnent de premières indications sur les changements à mettre en œuvre. Tous ces scénarios tablent sur une baisse de la consommation d'énergie primaire de 35 à 50 % par rapport au niveau de 2005. Il ne s'agit pas seulement de maîtriser notre consommation mais de la réduire drastiquement par des mesures d'efficacité et de sobriété énergétiques. Tous les secteurs, y compris le transport, l'industrie et l'agriculture doivent se réinventer pour intégrer la contrainte carbone dans leurs modèles d'activité. Des émissions résiduelles doivent être envisagées pour l'agriculture et une partie de l'industrie et, en conséquence, il faudra aussi développer les puits de carbone, la gestion des forêts et le recours à certaines technologies comme le CCS-CCUS (Carbon capture and storage/Carbon capture, utilization, and storage), le captage et le stockage du CO2, peu soutenues jusqu'ici.

Les énergies fossiles, qui représentent encore plus de 70 % du mix énergétique européen, doivent s'effacer et assurer moins de 10 % de l'approvisionnement de l'UE en 2050. Cela suppose de fermer l'ensemble des centrales électriques au charbon, qui représentent encore 40 % de la production d'électricité en Allemagne, 80 % en Pologne. Cela signifie aussi que le gaz n'a pas sa place dans un scénario de décarbonation profonde, sauf à envisager les gaz verts. Il faut, enfin, qu'il n'y ait plus de véhicules thermiques en circulation à ce même horizon.

À l'inverse, certaines technologies deviennent indispensables : les énergies renouvelables, bien sûr, dont le coût de déploiement a fortement baissé, mais aussi le nucléaire pour lequel les services de la Commission tablent sur un socle stable de 14 à 17 % du mix énergétique (contre 14 % actuellement). Or, à l'image du contexte français, la capacité nucléaire européenne a une moyenne d'âge élevée. Et, même si une partie pourra être prolongée au-delà de la durée d'exploitation envisagée initialement, la question du renouvellement de ces infrastructures se pose très sérieusement, sachant que quatre réacteurs seulement sont actuellement en construction (en Finlande, France, Slovaquie et au Royaume-Uni) et qu'un certain nombre de pays comme l'Allemagne et la Belgique sont engagés dans des plans de sortie complète, à l'horizon 2022-2025.

La neutralité carbone en 2050 comporte des défis immenses : ils peuvent être relevés à condition de prendre les bonnes mesures aux échelles nationale, régionale et européenne. À ce titre, il faut évidemment travailler sur l'acceptabilité, fortement liée à l'enjeu de la cohésion sociale et territoriale. On observe par exemple qu'en Allemagne, les principaux freins au développement des énergies renouvelables ne sont pas tant leur coût pour la collectivité – 25 milliards d'euros par an –, ni la facture pour les particuliers – trois fois plus élevée qu'en France –, mais la difficulté à implanter de nouvelles installations et plus encore d'opérer les renforcements du réseau : 7 500 km de lignes à haute tension doivent être construits d'ici 2025, en particulier sur l'axe nord-sud particulièrement congestionné.

Un autre impératif est d'accroître la capacité d'expérimentation des États, des territoires et des villes pour permettre aux différentes technologies et solutions bas carbone – énergies renouvelables non matures, éolien flottant, hydrogène, technologies vehicle-to-grid qui permettraient d'utiliser les batteries de nos véhicules électriques pour les besoins de flexibilité du réseau, etc. – de démontrer leur efficacité technique et économique, cela dans une vision systémique où les différents secteurs – électrique, chaleur et froid, industriels, transports – fonctionnent de manière intégrée, et non plus comme aujourd'hui en silo. Une large gamme d'options est sur la table mais le défi est celui de la cohérence des choix à l'échelle du système et pas seulement à celle du système énergétique. À ce stade, aucun modèle ne fait l'unanimité.

Il y a enfin un besoin pressant de penser le volet externe de la stratégie climatique européenne. La transition bas carbone dans le monde est inégale et trop lente : l'UE doit être un leader exigeant et contraignant de la lutte contre le changement climatique. L'Union européenne représente un peu moins d'un quart des émissions historiques de gaz à effet de serre, mais 10 % seulement des émissions mondiales en 2018. Agir radicalement sur son territoire, mais de façon isolée, serait d'une part inefficace du point de vue de la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi contraire à ses intérêts économiques puisque les partenaires commerciaux de l'UE tireraient un avantage compétitif de l'absence de contrainte réglementaire. Au niveau international, une étape majeure a évidemment été franchie avec l'Accord de Paris sur le climat : malgré l'annonce du retrait américain, les dernières COP (Conference of Parties) ont permis d'avancer, de définir des règles opérationnelles, sur la transparence notamment, si bien que l'Accord de Paris pourra être formellement appliqué à compter de 2020. Mais mise en œuvre formelle n'est pas synonyme de mise en œuvre effective : si les contributions nationales remises en 2015 sont pleinement remplies, elles nous placent sur une trajectoire de réchauffement de 3,5 °C, bien au-delà des 2 °C voire 1,5 °C cités dans les objectifs de l'accord de Paris. Et les émissions de CO2 liées à la combustion des énergies fossiles ont encore augmenté de 1,7 % en 2018.

Aux États-Unis, la substitution du charbon par le gaz se poursuit, les avantages fiscaux pour les EnR n'ont pas été levés par le Congrès et les États les plus allants comme la Californie poursuivent leurs efforts. Mais la dynamique fédérale s'est perdue, le Président Trump cherchant à détricoter l'héritage environnemental de son prédécesseur. Il n'y a pas eu d'autres décisions formelles de retrait, ailleurs dans le monde, mais le revirement des États-Unis invite au relâchement des efforts. En Chine, les signaux sont ambigus : le soutien à l'accord de Paris est très clair et continu. La Chine est championne mondiale de l'investissement dans les EnR, l'efficacité énergétique et la mobilité propre. Un marché carbone a été introduit fin 2017, mais d'importantes capacités électriques au charbon sont encore en construction ou envisagées. En outre, la stratégie des nouvelles routes de la soie n'a pas pour priorité le climat. Ces exemples montrent que la transition bas carbone au niveau mondial est fermement enclenchée, mais qu'elle se déploie timidement, de façon inégale et à un rythme trop lent par rapport à l'urgence climatique.

Il faut donc que l'Union européenne renforce sa capacité d'entraînement. Cela passe par l'exemplarité : l'UE doit adopter une stratégie de décarbonation à long terme mais aussi revoir à la hausse son engagement pour 2030, pour pouvoir légitimement exiger des efforts supplémentaires de la part de ses partenaires. Elle peut ensuite mettre sa puissance commerciale au service de la diplomatie climatique. Enfin, il faut reconnaître que les technologies bas carbone et numériques exacerbent la compétition internationale autour du contrôle des chaînes de valeur et des marchés. Cette compétition peut-être vertueuse si elle entraîne des baisses de coûts : si le coût des modules photovoltaïques a pu être réduit de 80 % depuis 2009, c'est en grande partie grâce à l'effort industriel de la Chine. Mais la dépendance technologique est le revers de la médaille : si les chaînes de valeur sont dominées par un nombre restreint d'acteurs et de pays, et que la transition bas carbone ne se traduit pas par la création d'emplois et de valeur ajoutée locale, mais seulement par une hausse des importations, alors ce processus pourrait être jugé contraire aux intérêts économiques nationaux, donc rejeté en bloc. Ces préoccupations sont notamment très fortes en Europe en ce qui concerne le déploiement de la mobilité électrique, sachant que l'Asie, et la Chine en particulier, ont pris une longueur d'avance. Les véhicules à énergies nouvelles sont une des grandes priorités de la stratégie Made in China 2025. La détermination de la Chine se traduit par une approche intégrée qui couvre tous les maillons de la chaîne, depuis l'extraction et la transformation des métaux critiques jusqu'au recyclage en passant par la fabrication des cellules et des packs de batteries. La stratégie chinoise associe soutien à la demande et à l'innovation, facilité d'accès au financement qui permet l'investissement dans des projets hautement capitalistiques, et coordination systématique de l'ensemble de la chaîne de valeur. Cela appelle une réaction de l'Union Européenne, longtemps centrée sur la défense des intérêts du consommateur, parfois au mépris des logiques industrielles. La prise de conscience progresse : dix chaînes de valeur stratégiques ont déjà été identifiées, l'Alliance européenne des batteries vise précisément à créer un cadre propice à l'investissement. La question est de savoir si ces initiatives auront une envergure suffisante et seront déployées de façon suffisamment rapide, sachant que l'on attend un boom de la demande européenne de véhicules électriques à l'horizon 2022-2025.

Je conclurai en disant que la transition bas carbone est impérative et qu'elle doit accélérer à tous les niveaux, mais qu'il faut pour cela un travail d'anticipation. Une fois la cible de long terme établie, il faut en cerner les implications de moyen et court termes, identifier les opportunités et maîtriser les risques.

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Vous avez dit, monsieur Keppler, que le coût d'adaptation du réseau aux EnR est considérable. Or, notre interlocuteur précédent, M. Jorge Vasconcelos, nous a expliqué qu'indépendamment des EnR, des investissements devaient être réalisés pour consolider le réseau. Les coûts que vous mentionnez sont-ils indépendants de cette nécessité ou sont-ils complémentaires et peuvent-ils être mutualisés ?

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Jan Horst Keppler,

Nous sommes dans un système énergétique qui évolue fortement. Selon moi, il est indubitable que la plus grande partie des investissements nécessaires dans les infrastructures de transport et de distribution est due aux énergies renouvelables. J'insiste sur ce point : la flexibilité. Vous avez par exemple des gens qui produisent pour leur propre consommation, grâce à des panneaux solaires sur leur toit. Par moments, ils produisent beaucoup de Kwh qu'ils veulent vite dégager, mais à d'autres, le soir par exemple, ils se connectent sur le réseau pour leur consommation. Cette variabilité mène à des pointes, qui sont plus difficiles à gérer pour le réseau. Vous avez donc besoin d'un réseau plus solide. Je ne veux pas accabler les EnR. C'est une question d'attribution des coûts, ce sont des choix sociétaux, Je pense que M. Vasconcelos a raison quand il dit que nous sommes dans une logique de mutualisation au niveau européen, d'investissements dans des infrastructures qui se feraient dans tous les cas, parce qu'on aimerait bien que cela devienne un vrai marché homogène intégré. Vous avez des phénomènes de flexibilisation de type effacement, qui se valorisent mieux si vous avez un meilleur réseau, mais je ne crois pas que ce sont des phénomènes aussi lourds que ceux liés aux renouvelables. Il y a certes quelques phénomènes annexes qui poussent à des investissements dans les réseaux, mais un réseau avec des renouvelables aura toujours besoin d'être plus solide, plus finement maillé qu'un réseau qui n'en comporte pas.

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En France, le problème des pics n'est pas lié à une période d'arrêt de production des EnR, mais aux pointes, notamment hivernales. La flexibilité du réseau pour gérer cette pointe-là et la décarboner est-elle selon vous partiellement ou complètement compensée par les investissements en cours sur ce réseau pour gérer les renouvelables ? Est-ce que les investissements réalisés pour gérer les EnR permettent ou permettront de gérer cela ?

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Jan Horst Keppler

Il faut faire distinguer réseaux de transport et de distribution. Effectivement, dans les réseaux de transport, en ce qui concerne les grandes lignes – je crois que c'est 60 000 kHz – la France a un bon réseau, très bien dimensionné : il n'y aura pas besoin d'investissements très lourds. La situation est complément différente en Allemagne, avec cette problématique nord-sud. Mais ce que j'entends des gestionnaires de réseaux de distribution, notamment d'Enedis, c'est qu'ils ont besoin d'investir davantage pour pouvoir gérer au niveau local ces pointes et ces effets de rebond. Et cela, c'est différent de la gestion de la pointe hivernale où il y a certes des grandes masses d'électricité en jeu, mais distribuée de manière assez homogène à travers tout le territoire, parce qu'à peu près toute la France consomme plus pendant les heures des soirées en hiver. Le besoin d'investissement, c'est vraiment au niveau local, parce qu'il y a des pointes locales.

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Aujourd'hui les charges de raccordement au réseau sont payées par les installateurs d'EnR. Qu'est-ce qui empêche de leur faire prendre en charge le potentiel surcoût qu'ils peuvent représenter pour le réseau ?

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Jan Horst Keppler

C'est une des mesures que nous préconisons : allouer les surcoûts aux technologies qui les créent. À l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'OCDE : c'est notre solution. Mais je connais les contre-arguments des soutiens aux renouvelables. Ils disent que ces surcoûts – pas tant ceux liés au réseau, mais ceux pour la flexibilité, le balancing et les profils –, ne sont pas liés à la variabilité des renouvelables, mais à l'inflexibilité du système résiduel. On entre alors dans une question politique de distribution des coûts. Il y aura des surcoûts, tout le monde – pro-renouvelables, pro-nucléaires – est d'accord, en raison de la variabilité. Il est vrai que si on avait aujourd'hui un système fonctionnant avec 60 % d'hydroélectricité complètement variable, la variabilité des nouveaux renouvelables jouerait beaucoup moins. Il est vrai que la nature du système dans lequel doit s'insérer la production renouvelable est importante pour déterminer les coûts des investissements. C'est la flexibilité du système à répondre à la variabilité des renouvelables qui est en question. Par exemple, face à une pointe de production des renouvelables, vous pouvez avoir une certaine flexibilité avec des batteries de stockage, qui sont précisément un formidable moyen de flexibilité, ou avec l'effacement : la production variable baisse mais, en face, consommateurs, industriels ou ménages consomment moins, à ce moment-là. C'est cette flexibilité du système résiduel qui peut amortir, absorber jusqu'à un certain point la variabilité des renouvelables. Il y a là un vrai débat sociétal et politique à avoir : à qui allouer les coûts ? Nous pensons qu'ils sont dus à la variabilité des renouvelables et que c'est à eux de les supporter.

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Diriez-vous qu'au stade actuel, l'inflexibilité du système existant entraîne des coûts CO2, dans le sens où la production traditionnelle est mobilisée à l'année sur les pointes de production ? Peut-on considérer que l'inflexibilité a un coût carbone ?

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Jan Horst Keppler

Le problème se pose de façon légèrement différente. Le nucléaire étant très capitalistique, vous cherchez à l'utiliser au maximum tout au long de l'année. Et si vous tournez à 100 %, vous ne pouvez pas passer à 110 %, au moment où vous en auriez besoin. On installe plutôt des centrales à gaz, des turbines à gaz, qui commencent à produire au moment où la production variable baisse. C'est plutôt un surcoût dû aux renouvelables, en termes de CO2. Car vous substituez au nucléaire un mélange de renouvelables variables et de gaz : au final, vous avez plus de production de CO2.

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Vous travaillez à l'Agence pour l'énergie nucléaire et on peut raisonnablement penser que vous défendez le nucléaire. Or vous réalisez une étude qui démontre que les énergies renouvelables – si on prend en compte le coût total – reviennent plus cher notamment que le nucléaire… Quel mécanisme interne à l'OCDE garanti que votre étude n'est pas en réalité marquée par un lobbying en faveur de l'industrie nucléaire ?

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Jan Horst Keppler

Je tiens beaucoup à l'une des parties de notre rapport, qui compare des systèmes à bas coût : y figurent des renouvelables et du nucléaire. Nous ne nous inscrivons pas du tout dans une logique « tout nucléaire ». Nous sommes supervisés par tous nos pays membres dans l'élaboration de ces études ; nous faisons partie de l'OCDE ; nous menons des travaux avec nos collègues de l'Agence internationale de l'énergie ; il y a donc des garde-fous. Je ne présente pas ici un brûlot pro-nucléaire. Si vous souhaitez épingler notre étude, faites-le sur les hypothèses des coûts. Vous pouvez dire, à la limite, que les coûts des renouvelables sont plus bas que nous ne le supposons dans nos scénarios. Oui, on pourrait estimer des coûts différents, mais nous avons des hypothèses très conservatrices. Nous n'avons pas compté l'augmentation du coût du capital suite à la volatilité des prix, ni dans tel ou tel système, les coûts techniques. Je présente souvent cette étude : j'étais lundi à Berlin, au ministère de l'économie. Le public est généralement plutôt intéressé et ouvert.

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Lors de l'audition précédente, M. Vasconcelos a dit que, les études étant très compartimentées, on ne pouvait pas obtenir de résultat avec le coût complet, que les chiffres variaient en fonction de leurs auteurs. Quels arguments avez-vous à livrer pour justifier les résultats de votre étude ?

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Jan Horst Keppler

Je vais être très violent : M. Vasconcelos vient d'une autre génération ! Nous venons de préparer la nouvelle étude 2020 Projected Costs of Generating Electricity avec l'Agence internationale de l'énergie, qui n'a rien de pro-nucléaire. Et nous allons y inclure un volet « coûts de système ». M. Vasconcelos a raison sur un point : il n'existe par une méthodologie toute faite, applicable immédiatement. Mais c'est en train d'émerger. Nous avons organisé un séminaire avec des experts, notamment allemands, vraiment très pointus et pro-renouvelables : l'existence des coûts de système n'est plus débattue.

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La conclusion de votre étude donne la formule du bon mix comprenant des énergies renouvelables, n'est-ce pas ?

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Jan Horst Keppler

Je me prononcerai de manière prudente. Cela dépend de quelques hypothèses de fonctionnement sous-jacentes, notamment sur les coûts. Nous sommes arrivés à un résultat, mais au terme d'études Green field où vous avez tous les coûts à assumer, à partir du premier instant où vous construisez votre centrale. Ce n'est pas du tout le cas de la France : vous avez 70 GW de nucléaire. S'il faut instaurer aujourd'hui un nouveau système, alors que vous ne possédez pas des centrales qui fonctionnent très bien mais dont on peut prolonger la vie, et que vous avez donc une électricité bas carbone à bas coût, pour faire simple, je dirais que le bon mix est composé de trois tiers : un tiers nucléaire, un tiers renouvelables, un tiers gaz, et vous avez un système qui tient la route.

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C'est un raisonnement économique. Et si vous deviez conseiller le gouvernement français sur le pourcentage d'EnR qu'il serait logique de développer dans un système assez rigide à 75 % de nucléaire ?

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Jan Horst Keppler

Je trouve le système actuel de la France très performant. Je peux comprendre que, pour des raisons politiques, il existe une demande sociale pour plus de renouvelable. Mais d'un point de vue économique, je n'en vois pas la nécessité.

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Se pose la question de la durée de vie du parc nucléaire existant et de son renouvellement. Il est possible de prolonger le plus longtemps possible la durée de vie des centrales, mais à un moment, il faudra reconstruire à neuf, si l'on réactive le nucléaire. Ne pensez-vous pas qu'il faille s'engager dès maintenant dans la direction d'un mix plus équilibré aux pourcentages un tiers-un tiers-un tiers, sans toutefois bien sûr arrêter pour cela du jour au lendemain ce qui marche ?

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Jan Horst Keppler

Il faut savoir qu'avec un tiers-un tiers-un tiers, vous aurez beaucoup plus d'émission de CO2 en France qu'aujourd'hui. L'Allemagne est encore aujourd'hui à 400 gr de CO2 par kW/h ; la France en est à 60 : sept fois moins ! Donc, il faut savoir ce que l'on veut. Je suis d'accord avec vous si l'on raisonne à très grande échelle : là, il faut préparer des choix. Mais dans ces choix, pourquoi faudrait-il forcément plus de 10 % de renouvelable dans le système ? Personnellement, je n'en vois pas la raison.

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Mme Mathieu, vous abordez la transition énergétique sous l'angle économique mais aussi sous l'angle écologique. Vous avez expliqué que le gaz est à proscrire, sauf si c'est du biogaz. Mais deux éléments m'ont interpellé : sur le nucléaire, vous dites qu'au niveau européen, on en est aujourd'hui à 14 %, et que l'Europe table sur 14 à 17 %. Mais en fait, la plupart des pays font l'inverse : on construit actuellement en Europe quatre centrales nucléaires, pendant que les autres pays en déconstruisent. Faut-il en déduire que l'Europe, soit pour la gestion du système, soit pour atteindre les fameux objectifs de décarbonation, devrait plutôt nous encourager à ne pas déconstruire les centrales nucléaires ?

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Carole Mathieu

Il est très clair qu'à l'heure actuelle, le nucléaire français est une chance pour le système européen. Cela, il faut le dire.

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Est-ce votre opinion ou est-ce une opinion largement partagée par les experts du climat ? Sur quoi vous basez-vous pour dire que c'est une évidence ?

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Carole Mathieu

Le nucléaire français aujourd'hui, c'est la moitié de la capacité de production en Europe, donc c'est la moitié de la question aussi, dans la perspective de boucler notre scénario neutralité carbone en 2050. On s'aperçoit qu'il y a une hypothèse dans ces scénarios : c'est que la capacité française se maintienne ou que d'autres pays se mettent à développer le nucléaire en compensation de notre effort de diversification.

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On sait, depuis six ans maintenant, que la France veut passer de 75 à 50 % de nucléaire. L'Europe devrait plutôt étudier un scénario avec une perte de 2-3 %, et un taux global passant de 14 à 11 voire 10 %…

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Carole Mathieu

Il faut intégrer que, dans le même temps, certains pays, notamment à l'Est de l'Europe, ont l'intention de développer le nucléaire, en tout cas dans leur stratégie officielle. C'est le cas de la Pologne, mais plutôt pour la décennie 2030-2040. Mais ce ne sont pas des projets validés, et c'est un peu la question. On voit cette capacité nucléaire, mais en revanche, on ne voit pas en face de décision formelle d'investissement. Celle-ci dépend d'une discussion sur le coût, difficile à avoir à froid. Parce que cela dépend du nombre de réacteurs que vous construisez, du coût du capital, qui lui-même dépend de votre cadre de régulation… Aujourd'hui, si on reste dans une logique tout marché, ce coût du capital sera plus élevé. En revanche, si l'État, les États sont prêts à prendre des participations, vous aurez un coût du capital plus faible.

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En caricaturant, je pourrais résumer : les Français baissent la part du nucléaire, en expliquant que c'est leur contribution à la transition écologique, et les Européens souhaiteraient plutôt la stabilité pour participer à la transition écologique.

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Carole Mathieu

Mais qui sont les Européens ? La question est aussi : de quoi se préoccupent les Européens ? Si on prend le contexte allemand, il y a une gradation des priorités, et la première des priorités n'a pas été jusqu'ici le climat. C'est une autre vision de l'écologie, de la transition environnementale.

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Vous avez dit que l'agriculture va devoir se réinventer, dans le cadre de la stratégie bas carbone, objectif 2050. Concrètement, si on divise par six les émissions de CO2, qu'est-ce que cela signifie pour l'agriculture française ?

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Carole Mathieu

Notre message, c'est de dire qu'il y a des secteurs qui jusque-là n'ont pas été pris en considération dans la réflexion sur la transition climatique : l'élevage notamment, mais ça ne s'arrête pas là, cela vaut pour l'ensemble des cultures. En fait, c'est peut-être le secteur où l'on voit de façon la moins évidente de leviers de progrès. Il en existe certainement, mais on ne s'est pas encore suffisamment penché sur la question. Mais en tout cas, on sait qu'on ne parviendra pas à zéro.

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Concrètement, dans une stratégie bas carbone avec une division par six des émissions de CO2, peut-on encore faire de l'élevage ?

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Carole Mathieu

On ne peut pas considérer cette question de façon isolée. Si vous décidez de développer les puits de carbone, que vous investissez dans la capture et le stockage du CO2… Cela existe, c'est technologiquement mature. Le seul problème est politique et commercial : êtes-vous prêt à en assumer le coût ? Avez-vous l'acceptabilité sociale suffisante pour pouvoir stocker ce CO2 alors que cela peut poser question ? Si vous êtes prêt à assumer ce coût, alors, oui, vous pouvez continuer à faire de l'élevage. Tout est une affaire d'arbitrage.

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Selon vous, la solution technologique au captage du carbone existe : je ne pensais pas qu'elle était encore au point. Et nous ferions face à une alternative : soit nous continuons à émettre du CO2, et nous le mettons dans la terre, sous le sol, au terme d'un investissement technologique ; soit nous changeons de modèle de société et nous arrêtons de manger de la viande. C'est cela ?

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Carole Mathieu

Il faut probablement un peu des deux. Dix-huit installations de capture et stockage du CO2 sont en fonction dans le monde, mais elles sont concentrées dans deux pays seulement : les États-Unis et le Canada. En fait, il n'y a pas énormément de volonté de développer ces technologies, du coup le prix de la tonne de carbone n'aide pas. Mais s'il y avait une vraie volonté, ces projets-là pourraient émerger : il n'y a pas d'obstacles, pas plus que pour d'autres technologies renouvelables.

L'audition s'achève à seize heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du jeudi 25 juillet 2019 à 15 h 45

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Vincent Descoeur, Mme Marjolaine Meynier-Millefert

Excusés. - M. Christophe Bouillon, Mme Véronique Louwagie