Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Réunion du mardi 9 juillet 2019 à 18h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AOP
  • GMS
  • commerciale
  • indicateur
  • lait
  • producteur

La réunion

Source

La séance est ouverte à dix-neuf heures.

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Nous poursuivons nos auditions et accueillons M. Denis Berranger, agriculteur et président de France OP Lait, et M. Pierre Moineau, agriculteur et secrétaire de France OP Lait.

S'agissant d'une commission d'enquête, il me revient, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, de vous demander de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. Denis Berranger et M. Pierre Moineau, veuillez lever la main droite et dire « Je le jure ».

M. Denis Berranger et M. Pierre Moineau prêtent successivement serment.

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Je suis accompagné de notre rapporteur M. Grégory Besson-Moreau. Si une partie de nos échanges portent sur des sujets plus stratégiques ou confidentiels, nous aurons la possibilité d'organiser une partie de cette audition à huis-clos.

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Denis Berranger

Nous allons vous présenter rapidement France OP Lait avec quelques diapositives introductives, ainsi que notre objectif et nos missions ainsi que la manière dont nous espérons apporter un peu « d'eau au moulin » de la Commission d'enquête ce soir.

Je suis producteur de lait dans le nord de l'Ille-et-Vilaine, à l'entrée du Pays de Fougères, que certains d'entre vous connaissent. J'ai été en 2011 président d'une organisation de producteurs (OP) nommée de l'Ouest en production laitière avec ma femme et un salarié. Les organisations de producteurs se sont ensuite structurées et mises en place et nous avons de notre côté créé l'AOP Sunlait dont je suis encore président aujourd'hui. Très récemment (en 2018), nous avons créé un syndicat d'OP laitière, France OP Lait. Nous allons vous présenter les objectifs de cette fédération d'OP.

Je vais laisser Pierre présenter la première partie sur sa structuration, ses objectifs et ses enjeux et je vous présenterai ensuite notre cadre général et les domaines dans lesquels nous intervenons.

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Pierre Moineau

Je suis également agriculteur dans le nord de la Loire-Atlantique, en agriculture biologique. Je me suis installé il y a six ans. Je suis à l'origine de la création d'une OP horizontale « Seine et Loire », qui regroupe plusieurs associations d'OP de différentes laiteries. J'ai également été président de Lait bio de France, une association fédérative d'OP bio laitières.

Présentation d'un Powerpoint.

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Pierre Moineau

France OP Lait a été créée fin novembre 2019. Ses objectifs sont les suivants :

- créer des liens, mutualiser les moyens et favoriser une dynamique collective de toutes les OP laitière françaises, quel que soit le type d'animaux ou de segmentations présent sur le territoire

- représenter et défendre ses intérêts à l'échelle française et européenne et construire des positions communes

- contribuer aux travaux de l'interprofession et représenter les OP laitières auprès de l'administration nationale européenne et des pouvoirs publics.

Nos missions consistent à :

- promouvoir les OP laitières auprès des adhérents et les accompagner

- faire de la promotion auprès des services publics et au niveau de l'interprofession

- défendre nos intérêts à travers des valeurs fortes : producteurs reconnus et chefs d'entreprise compétents et responsables, afin de se valoriser en tant que producteurs laitiers

- adopter une posture responsable et cohérente dans la recherche de résultats durables et respectueux du vivant en restant en phase avec les attentes sociétales actuelles

- démontrer un attachement aux valeurs démocratiques, au dialogue et au partage, l'objectif étant de servir l'intérêt général des OP

- développer une gouvernance innovante. Nous avons essayé d'établir un mode d'élection basé sur la sociocratie

- atteindre la représentativité la plus large et précise possible au sein du conseil d'administration.

Notre collectif comporte aujourd'hui 18 OP membres qui peuvent s'appuyer sur les animateurs des OP. Nous produisons 2,5 milliards de litres de lait répartis dans plus de 5 000 exploitations laitières. Notre objectif est d'amener des compétences juridiques ou d'organisation afin d'épauler les OP sur la montée en compétences dont elles doivent faire preuve aujourd'hui.

Nous souhaitions également vous rappeler le cadre juridique de la construction des OP laitières en France :

- 2010 : mise en place de la contractualisation individuelle obligatoire en France avec la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche

- 2011 : proposition de contrats individuels par les acheteurs

- 2012 : adoption du « Paquet lait » avec une reconnaissance du rôle des OP dans les négociations contractuelles.

À ce jour, les OP et AOP laitières reconnues peuvent négocier collectivement des termes de contrats de vente avec l'industriel transformateur au nom des agriculteurs qui en sont membres, qu'il y ait transfert de propriété ou non. On constate une diversité importante des structurations d'OP. Avec le règlement Omnibus, le « Paquet lait » est pérennisé.

Nous voulions également mettre en avant le règlement du 14 mars 2012 dont l'objectif est le suivant : « Afin d'assurer un développement viable de la production, et de garantir ainsi des conditions de vie équitables aux agriculteurs laitiers, il convient que leur pouvoir de négociation vis-à-vis des transformateurs laitiers soit renforcé, ce qui devrait se traduire par une répartition plus équitable de la valeur ajoutée d'un bout à l'autre de la chaîne d'approvisionnement. »

Pour vous donner quelques repères sur les OP en France, il en existe aujourd'hui 64, dont 50 de vaches classiques et 14 de vaches en signe de qualité, ainsi que 3 coopératives reconnues OP et 5 associations de producteurs avec des structurations diverses :

- l'AOP France Milk Board Grand Ouest et Normandie, une association de producteurs transversale qui négocie chez différents partenaires de laiteries ou transformateurs de lait

- l'AOP territoriale Grand Ouest, qui regroupe plusieurs OP du Grand Ouest, avec une gestion de volumes et de montée en compétence territoriale des OP

- l'AOP Sud-Est, le penchant du Grand Ouest

- des AOP verticales de type Sunlait ou UNELL, auxquelles adhèrent les différentes OP affiliées à une laiterie.

Nous tenions également à rappeler que les OP et les AOP sont les acteurs économiques de la première mise sur le marché.

Les intérêts d'adhérer à une OP ou une AOP sont les suivants :

- marché sécurisé juridiquement

- première mise sur le marché collective avec force de négociation pour une amélioration du poids des producteurs dans la chaîne alimentaire, en lien avec les thèmes de la loi EGalim

- négociation contractuelle collective et bénéfice d'un contrat négocié par l'OP

- objectifs de prix (meilleur prix et stabilité) et de volumes (gestion des volumes)

- démarches de segmentation qui passent par les OP

- apport de services techniques de collecte ou d'aides spécifiques aux producteurs

Je vais maintenant laisser la parole à Denis, qui va présenter les liens avec la grande et moyenne surface (GMS) et cette fameuse chaîne alimentaire.

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Denis Berranger

Pour poursuivre, nous avons schématisé les enjeux d'un meilleur fonctionnement de la chaîne alimentaire au bénéfice des agriculteurs et des consommateurs. Nous cherchons à créer du lien entre nous, producteurs et adhérents à une OP ou une AOP, et le consommateur. Au vu de la situation actuelle, nous constatons un fort goulot d'étranglement, illustré au centre du schéma, avec des groupements d'achats GMS qui représentent 92 % des ventes. En face, nous n'avons pas le choix, nous devons passer des contrats avec des multinationales, des PME et des groupes industriels agroalimentaires pour transformer notre produit qui est le lait et le valoriser au moyen de tous les distributeurs représentés sur la droite. Le lien direct à la marge entre le producteur et le consommateur est très faible.

Nous observons depuis cette dernière décennie que les pratiques commerciales déloyales qui s'exercent dans cette chaîne alimentaire ont menacé et continuent à menacer la rentabilité agricole. En 2013, le préjudice causé par ces pratiques déloyales a été estimé à plus de 10 milliards d'euros par an. Il est essentiel d'essayer de modifier de telles pratiques.

Ce que nous avons voulu mettre en avant ce soir est le rôle des OP, premier acteur représentant des producteurs dans la négociation commerciale. Dans le cadre du travail qui a été réalisé tout au long des États généraux de l'alimentation (EGA), l'objectif mis en avant a été le renforcement du pouvoir des OP dans la négociation contractuelle. Même si c'est l'inverse qui s'est un peu produit en 2011, les EGA ont mis des choses positives « sur la table », notamment le fait que nous, en tant que producteurs et responsables d'OP, ayons l'obligation de faire une proposition contractuelle. Nous devons être à l'initiative de cette proposition, ce qui est intéressant et a permis aux OP d'avoir une réflexion interne à ce niveau. Ainsi, les producteurs peuvent également être acteurs au sein d'une proposition.

Auparavant, la proposition contractuelle OP ou AOP était constituée de conditions générales de vente, ce qui est complètement inversé aujourd'hui par rapport à la LMA. En avril 2011, tous les producteurs de lait ont reçu une proposition de contrat de la part des industriels privés. Aujourd'hui, le fait d'inverser cela nous permet d'espérer changer ce calcul de prix et donc rentrer dans une cascade. Dans la loi EGAlim, cette notion de cascade entre dans notre proposition contractuelle, avec la vision d'intégrer des indicateurs dans le contrat de vente, notamment des indicateurs de coûts de production. En tant que producteurs, suite aux différents travaux qui peuvent être menés auprès de l'interprofession, nous voulons nous servir d'indicateurs de référence qui peuvent être proposés par celle-ci ou construire nos propres indicateurs au sein d'une ou de plusieurs régions et proposer des choses aux entreprises. C'est ce qui est mis en place aujourd'hui, c'est le travail que nous promouvons auprès de toutes les OP et des producteurs pour qu'ils prennent conscience du fait que cela peut inverser les choses.

Ce qui est important dans cette négociation contractuelle aujourd'hui, c'est de réussir à mettre en oeuvre une cascade de prix au niveau de chaque OP.

2019 correspond à la première année de mise en place des EGA. Les industriels et les GMS ont beaucoup communiqué sur des accords qui ont eu lieu suite aux premières négociations tarifaires du début d'année. Très peu de producteurs et d'OP ont mis en avant leurs acquis et leurs négociations suite à cela car la négociation a davantage eu lieu entre les industriels et la GMS. En tant que livreurs à un producteur privé, nous n'avons pas forcément de vision très transparente sur ces négociations. Les avancées sont plus ou moins minimes à cet égard. Les producteurs ont proposé des contrats mais nombre d'entre eux se heurtent à un blocage au niveau de la signature de ces conditions générales de vente.

Comment pouvons-nous avancer et quelles relations pouvons-nous mettre en place entre OP, industriels et GMS ? Quels sont les enjeux pour une répartition de la valeur ? Dans tout le travail que nous mettons en oeuvre, un point clé et pivot est la manière de mieux répartir la valeur. Les relations contractuelles sont formalisées. Nous ne négocions pas le prix du lait chaque trimestre ou chaque mois auprès de notre industriel. Il est question d'indicateurs de marché (qu'il s'agisse de fromage ou de lait ou d'indicateurs export comme le beurre et la poudre, eux aussi des éléments importants de valorisation du lait). En fonction de ces indicateurs et de leur évolution, on calcule chaque mois ou chaque trimestre des évolutions de prix. La cascade est pour nous un enjeu important dans la transparence et dans le fait que nous, en tant que producteurs, à partir du coût de production, puissions réussir à mettre en oeuvre un prix en cascade.

Nous devons aussi travailler sur la montée en gamme des producteurs. Les attentes sociétales sont importantes et en tant que producteurs, nous devons prendre cela en main. Ce n'est pas à un industriel, vis-à-vis de l'évolution de ses marques ou de son marketing, ou à une GMS, de demander tel ou tel marché. Les producteurs doivent être en capacité de proposer des choses par rapport à cette montée en gamme et, par conséquent, de négocier une valorisation avant même de lancer ces marchés. Souvent, on ne nous propose, à l'inverse, qu'un marché avec un volume de lait sur telle ou telle différenciation et la négociation ne se fait qu'ensuite, après un retour des GMS. Nous devons inverser cette construction vis-à-vis des OP. Pour ce faire, les OP doivent monter en puissance et devenir fortes afin d'inverser la position fortfaible.

Pour terminer, j'aborderai nos différents enjeux. En termes de discussions et de négociations, nous devons responsabiliser tous les acteurs. Aujourd'hui, les producteurs se sont pris en main pour se regrouper, un grand nombre d'OP existent en France, ce qui a beaucoup apporté en termes de visibilité sur le territoire. Une négociation nationale avec un prix national n'est plus possible en France. Nous avons des spécificités que nous n'avons jamais réussi à valoriser et la filière doit mettre en place une nouvelle fixation des prix avec des acteurs économiques qui la comprennent et avec un intérêt. Nous sommes là pour faire du gagnant-gagnant, du partenariat et les industriels et les GMS doivent être totalement transparents vis-à-vis des producteurs. En tant qu'OP, nous avons des difficultés à voir plus loin. Les opérateurs que vous avez pu rencontrer ont plus de transparence que nous puisqu'ils peuvent être à la fois transformateurs et vendeurs et, par là même, ont la vision de la commercialisation de leurs produits, qui nous fait défaut. Il nous faut réussir à trouver ce lien au travers du distributeur et du transformateur pour mettre en place un partenariat, une relation équilibrée et surtout responsable. Des chiffres ont été récemment publiés et la France, pour la première fois depuis 1945, importe plus de produits agroalimentaires qu'elle n'exporte. Pour stopper ce retour en arrière, tout le monde doit être responsabilisé et changer la donne.

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Vous êtes une association d'organisations de producteurs. Chaque organisation de producteurs négocie avec son client qu'est la laiterie. Comment cela se passe-t-il précisément ? Allez-vous jusqu'aux négociations dites commerciales en parlant de tarif ?

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Denis Berranger

N'étant pas une association d'organisations de producteurs mais une fédération d'OP, nous ne sommes pas du tout négociateurs. La négociation se passe chez nos adhérents (OP ou AOP). Les structures AOP comprennent deux cadres : les AOP de négociation comme FMB, Sunlait ou UNELL, et les AOP territoriales, qui sont plutôt sur une vision politique de la filière.

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Pourriez-vous remettre le diaporama qui présente l'ensemble des organisations de producteurs et AOP ?

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Denis Berranger

Il existe 64 OP reconnues en France, dans le cadre desquelles nous avons la possibilité, en tant que producteurs, de déroger au droit à la concurrence. Deux producteurs lambda qui ne sont pas adhérents à une OP ne peuvent pas aller négocier ensemble chez un même client pour vendre leur lait avec les mêmes clauses, c'est interdit. En revanche, le fait d'adhérer à une OP et de rentrer dans un cadre collectif déroge au droit à la concurrence et en tant que producteurs, nous pouvons nous permettre de négocier un contrat cadre global en tant qu'OP. Toute personne non agréée ne peut pas le faire. La mission de négociation est portée par l'OP avec un mandat de négociation donné par les producteurs. Certaines OP ont fait le choix d'adhérer à une AOP. Trois d'entre elles sont des AOP de négociation (FMB, Sunlait et UNELL), négocient pour les OP et sont adhérentes chez elles. La fédération d'OP sert à ajouter de la transversalité et à promouvoir la loi EGalim sur des dossiers plus politiques afin que tout le monde l'intègre bien. Il était important pour nous de s'en approprier le cadre et de faire de la formation et de l'information envers les OP.

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Vos organisations de producteurs négocient directement avec des industriels.

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Denis Berranger

Oui. En plus d'être président de France OP Lait, je suis président de Sunlait et dans ce cadre, je négocie directement avec mon client, Savencia.

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Comment se passent les négociations, notamment cette année, suite aux États généraux de l'alimentation ?

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Denis Berranger

Je ne vais pas parler uniquement des négociations entre Savencia et Sunlait car nous sommes dans un cadre plus large.

Nous avons aujourd'hui le sentiment que les OP se sont approprié ce travail consistant à proposer un contrat à un industriel. La majorité d'entre elles n'est pas arrivée un aboutissement. La proposition contractuelle des OP réalisée chez beaucoup de PME et d'industriels n'a abouti que pour très peu d'entre elles à une signature. Nous sommes sur une négociation du contrat mais nous n'arrivons pas à obtenir une bonne répartition de la valeur et du risque dans ces contrats. Pour la majorité des contrats proposés, nous voulons également mettre en place une intégration des coûts de production en totalité ou en partie.

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Denis Berranger

Non. Très peu de contrats aujourd'hui bénéficient d'une signature et d'un impact réel sur l'intégration des coûts de production dans une formule de prix.

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Les coûts de production ne sont pas intégrés car le dispositif et la loi sont récents. J'imagine que c'est pour cette raison que vous n'avez pas encore réussi à bâtir des indicateurs et surtout à convenir de tels indicateurs.

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Denis Berranger

Non, ce n'est pas du tout là que réside le problème. Nous connaissons les indicateurs des coûts de production depuis longtemps (bien avant la loi EGalim). Chaque chef d'entreprise, s'il est capable de faire sa comptabilité, est capable de calculer son coût de production. Différents indicateurs peuvent être construits et les derniers à l'avoir été, qui sont assez connus dans la filière laitière et qui attendent un agrément pour un indicateur de référence publié par le centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL), nous annoncent un coût de production de 396 euros. La difficulté pour arriver à une formule contractuelle à ce niveau de prix est que nous n'arrivons pas à la faire signer à nos clients car ils ne veulent pas prendre ce risque.

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Cela signifie qu'ils contestent implicitement les indicateurs.

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Denis Berranger

Non. Ils ont accepté et validé les indicateurs dans l'interprofession, dont nous ne faisons pas partie, mais nous n'allons pas remettre en cause ces chiffres. En revanche, ils ne veulent pas prendre de risque car ils ont peur d'être en décalage avec leurs marchés. Ce sont leurs arguments.

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Si le coût de production est annoncé à 396 €, comment expliquer que certaines laiteries sont à 350 €, d'autres à 325 €… ?

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Denis Berranger

Il faut faire attention à la différence entre le prix de base et le prix payé. Un coût de production est un prix total payé. Dans les prix affichés, on voit souvent le prix de base, qui varie de quelques euros selon la qualité (en général entre 20 et 25 euros de différence pour milles litres). Ce sont les évolutions de marché qui font la différence aujourd'hui. Le lait ne se construit pas sur un mais sur plusieurs marchés. En fonction de cela, nos formules contractuelles connaissent des évolutions. Nous avons traversé une crise au cours des dernières années et aujourd'hui les évolutions du beurre et de la poudre sur le marché sont plutôt positives mais ne permettent pas forcément une valorisation.

Sur la base des coûts de production, on peut franchir des paliers en influençant le marché. C'est là que l'inversion du prix en cascade est intéressante pour nous. Nous ne voulons pas simplement subir le marché mais aussi l'influencer. Nous pensons que si nous réussissons à mettre en place un partenariat avec des industriels et avec nos clients, nous pourrons aller vers les GMS pour influencer ce marché avec un prix que nous aurons négocié en amont. Il ne correspondra pas forcément à notre coût de production en totalité mais nous pourrons juger la valorisation des marchés et donc construire des partenariats tripartites pour faire évoluer ces marchés.

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Vous comptez 64 OP au total et 5 associations d'organisations de producteurs. Certains de ces adhérents vous disent-ils qu'ils ont calculé l'indicateur avec l'industriel qui leur achète généralement du lait et qu'ils voudraient passer l'augmentation sur un produit transformé comme un fromage mais que la grande distribution refuse toute augmentation, voire leur achète moins cher que l'année d'avant ? Avez-vous déjà entendu ce genre de propos ou est-ce qu'ils vendent plus cher tandis que l'industriel garde l'argent pour lui ?

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Denis Berranger

Nous pouvons entendre ce genre de choses. Certains les ont entendus mais elles font partie des arguments de négociation. Comme nous le disions tout à l'heure, nous sommes au bout de la chaîne alimentaire et quand la pression de l'industriel vers le transformateur est forte et ne peut pas passer les hausses, elle se répercute un peu vers le producteur en négociation. Nos clients sont souvent pleins de bonne volonté mais il faut réussir à concrétiser et à inverser la situation. Aujourd'hui, nous avons l'impression que la méthode n'est pas la bonne. Tout le monde a la volonté de payer les producteurs pour que ces derniers gagnent leur vie et soient au moins payés à hauteur de leur coût de production, sauf qu'on attend toujours que l'effort vienne de l'autre. Ce que l'on nous dit surtout, c'est qu'il faut que les GMS aient accepté et validé la hausse pour nous la répercuter.

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Pierre Moineau

C'est exactement la même chose pour des marchés porteurs. Je pourrais vous en parler mais ce serait bien que nous passions à huis clos.

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Nous pourrons faire un huis clos en fin de séance et aborder un certain nombre de sujets plus confidentiels si vous le voulez bien.

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Bonjour à Pierre et Denis.

Pour compléter un peu la question que posait le rapporteur tout à l'heure sur la notion de relation commerciale, nous sommes dans une Commission d'enquête parlementaire qui a pour objet d'analyser les relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs. Vous vous êtes bien situés dans cette notion de relation commerciale mais nous sommes dans sa partie amont. Vous avez dit qu'il serait bien d'organiser le partenariat dans les relations commerciales au-delà des organisations de producteurs, c'est-à-dire vers les laiteries, les industriels, les transformateurs et les GMS. Je reviens sur cette question afin que vous nous disiez comment vous voyez les choses. On voit bien que la détermination du prix à partir des coûts de production ne peut pas être imposée et que c'est toujours la grande distribution ou les GMS qui l'imposent. Finalement, on est obligé d'attendre que les GMS fixent le prix pour que les négociations puissent avoir lieu. De qui ou de quoi avez-vous besoin en la matière ? Des solutions existent-elles par le biais de la loi ou d'actions menées par la profession ?

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Denis Berranger

Ce dont nous avons besoin, c'est d'une signature de nos contrats, de nos propositions de conditions générales de vente. Nous avons fait des propositions de conditions de vente qui ne sont pas signées aujourd'hui. Les OP sont dans une position assez fébrile car la loi donne quasiment obligation de signer et d'avoir des contrats signés, normalement au cours du premier semestre et même un peu plus tôt, mais nous n'y parvenons pas.

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Denis Berranger

Oui, et nous devons quand même avancer dans le sens des producteurs et être entendus par rapport à ce que nous voulons défendre. Comment pouvons-nous y arriver ? La loi existe et prévoit une médiation renforcée, ce dont nous avons besoin pour bien comprendre l'intérêt des producteurs à changer ces contrats et à inverser cette construction ainsi que, pour aller plus loin, une intégration jusqu'à la GMS de plus de visibilité entre chaque maillon. À cette fin, les OP doivent être fortes. La fédération d'OP travaille actuellement avec des producteurs de lait qui sont investis et nous devons nous structurer encore plus pour avoir plus de moyens juridiques. En voyant certaines centrales d'achat ou autres qui présentent l'organisation de leurs négociations, nous nous rendons compte qu'un gros travail reste à faire, que nous n'avons pas les moyens de faire aujourd'hui.

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Pensez-vous qu'il y a un lien de cause à effet entre les difficultés que vous avez à signer avec les industriels du lait, que vous appelez vos clients, et les tensions qui existent dans les négociations commerciales entre ces mêmes industriels du lait et le secteur de la distribution et des centrales d'achat ? Malheureusement, nous avons compris que les distributeurs achètent les produits mais qu'il faut quand même passer par des phases de négociation compliquées au niveau national et international. Le ressentez-vous dans les discussions que vous avez avec les laiteries ?

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Denis Berranger

Le lien est évident. La pression exercée entre les grandes distributions et les centrales d'achats vers les distributeurs est, de fait, exercée ensuite sur nous, avec des conséquences sur l'amont.

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Je vous propose d'organiser le huis clos pour se dire les choses, notamment traiter le volet que M. Moineau souhaitait aborder tout à l'heure.

L'audition se déroule ensuite à huis clos à partir de dix-neuf heures quarante

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 9 juillet 2019 à 18 h 55

Présents. - M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Yves Daniel, M. Hervé Pellois

Excusé. - M. Arnaud Viala