Délégation aux outre-mer

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • discrimination
  • habitat
  • logement
  • outre-mer
  • propriétaire
  • rénovation
  • ultramarin

La réunion

Source

La réunion débute à 9 heures 15

Présidence de M. Olivier Serva, président

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7922703_5d1da18856543.delegation-aux-outre-mer--filiere-sucriere-ultra-marine--m-julien-denormandie-ministre-aupres-de-4-juillet-2019

Suspension

Filière agricole ultra-marine

Suspension

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Gérard Bally, président d'Eurodom

(disponible uniquement en vidéo)

Questions des députés

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Philippe Labro

(disponible uniquement en vidéo)

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Patrick Leveneur

(disponible uniquement en vidéo)

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Gérard Bally, président d'Eurodom

(disponible uniquement en vidéo)

Echange de vues

Suspension

La Délégation procède à l'audition de M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ville et du Logement.

L'audition commence à dix heures et cinq minutes.

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L'ordre du jour appelle l'audition de M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.

Cher Julien, je vous souhaite la bienvenue à la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation et me réjouis de l'écoute toujours attentive que vous accordez aux ultramarins et aux problématiques qu'ils portent à votre connaissance.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, notre délégation est particulièrement sensible aux questions du logement dans les outre-mer. Plusieurs sujets de préoccupation existent, mais je me contenterai d'en citer trois.

Qu'en est-il de la mise en place d'un dispositif pérenne de substitution à l'allocation personnalisée au logement (APL) accession ? La réhabilitation du logement social individuel pourrait être remise en cause par la suppression de certains dispositifs fiscaux. Comme vous le savez, la défiscalisation permise par l'article 199 undecies C du code général des impôts (CGI) est arrivée à échéance, fin 2018 ; or le dispositif n'a pas été prorogé. Que comptez-vous faire ?

Une autre difficulté se pose avec une certaine prégnance. Celle qui confronte nos citoyens, issus des territoires d'outre-mer, à une discrimination brutale face au respect de leur droit au logement. Le rapport édifiant de l'association SOS Racisme décrit une situation inquiétante, dans laquelle les personnes dites « noires » – les ultramarins – ont plus de risques de se voir écarter, que certains autres profils.

Cinquante et un pourcents des agences immobilières sur le territoire français accepteraient des pratiques discriminatoires, 27 % accepteraient de procéder à une sélection, et 24 % laisseraient le propriétaire le faire lui-même, selon SOS Racisme.

Cela est insupportable et notre responsabilité d'élus est d'adopter une réaction proportionnée à l'enjeu. La situation affecte notamment les ultramarins, qui sont confrontés, en plus de la discrimination raciale, à la discrimination territoriale, qui conduit à écarter les dossiers dans lesquels les cautions bancaires se situent en outre-mer. La loi de programmation relative à l'égalité réelle en outre-mer avait, sur ce point, entraîné quelques progrès dans le droit. Cependant, la question d'une mise en oeuvre effective des dispositifs qui en sont issus reste entière.

Je ne serai pas plus long, monsieur le ministre, car je sais que les questions qui suivront vos propos liminaires seront nombreuses. Aussi, monsieur le ministre, cher Julien, vous avez la parole.

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Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales, chargé de la ville et du logement

Merci beaucoup monsieur le président, cher Olivier. Bonjour à toutes et à tous, je vous remercie pour cette invitation à venir échanger avec vous sur ce sujet, ô combien important, de la situation du logement sur nos territoires ultramarins. Il s'agit d'un enjeu de taille, et je ne reviendrai pas sur l'état de la situation, vous la connaissez extrêmement bien. Le rapport que vous avez élaboré, en amont de cette audition, montre d'ailleurs bien quels sont les principaux enjeux.

Le premier enjeu est de construire davantage de logements, notamment de logements sociaux. La pénurie de logements, que nous pouvons constater en métropole, est très prégnante sur certains de nos territoires ultramarins. Mais cette construction doit prendre en compte les approches territoriales, c'est-à-dire les spécificités de nos territoires, qui sont très différentes d'un territoire ultramarin à un autre – deuxième élément.

Il s'agit là de la notion d'agilité, de différenciation qui, comme vous le savez, est chère au Président de la République, puisqu'il s'agit d'un des éléments de la réforme constitutionnelle qui s'est traduit, il y a quelques mois, dans le cadre de la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC), par un permis d'expérimenter. Il est aujourd'hui possible, en attendant la réécriture totale du code de la construction, d'introduire des différenciations dans l'acte de construction.

Le trosième élément que vous mettez en avant dans votre rapport, et qui a été rappelé ces derniers jours sur le territoire métropolitain, c'est l'adaptation de nos territoires au changement climatique ; le changement climatique est une réalité. C'est la raison pour laquelle, il est effrayant de voir que certains essayent encore de le nier ou sont encore climato-sceptiques. Par ailleurs, si certains de nos compatriotes, sur le territoire hexagonal, commencent tout juste à se rendre compte de cette réalité, nos compatriotes ultramarins s'en sont déjà rendu compte, il y a bien longtemps. La question de cette adaptation de nos territoires au changement climatique est donc essentielle.

Une fois ce constat posé, les enjeux sont de taille. Je voudrais saluer ici le travail de la ministre, Annick Girardin. Je pense au Livre Bleu, auquel vous avez très largement participé. Des mesures importantes ont été prises dans le cadre de la loi ESSOC et de la loi pour l'évolution du logement, de l'émanagement et du numérique (ÉLAN), notamment la possibilité du droit à la différenciation dans l'acte de construction, avec ce permis d'expérimenter, qui a été publié fin 2018 et qui est aujourd'hui opérationnel. Un outil d'autant plus nécessaire que vous devez parfois faire face à des injonctions contradictoires.

Je vous citerai, pour exemple, la nécessité, sur certains territoires, de mettre en place de normes, à la fois sismiques et anticycloniques. Ce qui est très contre-intuitif, puisque l'une appel à la rigidité des structures et l'autre à leur souplesse. Il serait donc très contre-productif d'édicter une norme qui irait s'appliquer de la même façon sur tous les territoires, certains n'étant concernés que par des risques sismiques et d'autres que par des risques cycloniques.

Nous devons également capitaliser sur l'engagement que nous avons a pris avec les bailleurs sociaux. L'un des éléments les plus importants opérés durant ces derniers mois, c'est l'entrée de CDC Habitat dans les six sociétés immobilières d'outre-mer (SIDOM). Il s'agit d'ailleurs d'un non dossier. J'ai eu l'occasion de me pencher dessus avec beaucoup de précision, il y a quelques années, lorsque la question de la présence de l'Agence française de développement (AFD) dans les SIDOM s'était posée. L'entrée de la CDC Habitat au capital des SIDOM est un élément très important.

Il est important de capitaliser sur le foncier, l'aménagement, avec notamment la création des établissements publics fonciers d'aménagement (EPFA), à la fois en Guyane et à Mayotte. S'agissant de la Guyane, il s'agit principalement de transférer une partie du foncier de l'État vers l'EPFA Guyane, qui a vocation, y compris dans le cadre de l'Opération d'intérêt national (OIN), à relancer la construction.

À Mayotte, cet EPFA est particulièrement important, notamment pour les habitats insalubres, parfois illégaux, qui sont une réalité qu'il nous faut aborder avec beaucoup de précision et de justice.

Par ailleurs, nous avons lancé, il y a maintenant deux ans, avec M. Jacques Mézard, la politique Action Coeur de Ville, qui vise à revitaliser les centres-bourgs et les centres-villes des villes de taille moyenne – une expression que je n'affectionne pas ; disons des villes de la taille d'une sous-préfecture.

Deux cents villes de France ont été identifiées pour bénéficier de cette politique Action Coeur de Ville et, notamment, de financements importants : 5 milliards d'euros, dont 1,5 milliard sera dédié à la rénovation de logements.

Ces villes bénéficient également, depuis la loi ÉLAN, de prérogatives nouvelles, des prérogatives accordées aux maires et aux préfets dans l'établissement du tissu commercial pour éviter, quand le maire le souhaite, un épandage de grandes surfaces en périphérie, qui tuerait le centre-ville. Jusqu'à présent, les outils dont disposaient le maire et le préfet n'étaient pas suffisants.

Par ailleurs, le nouveau dispositif fiscal, qui vise à rénover l'habitat dégradé, est opérant dans ces deux cents villes. Dans nos territoires ultramarins, treize villes sont concernées par cette dynamique Action Coeur de Ville, et toute autre ville qui mettra en place une opération de revitalisation du territoire aura la possibilité d'accéder directement aux outils que j'évoquais, quand bien même elles ne font pas partie du dispositif initial.

Il reste, cependant, des chantiers sur lesquels il nous faut aller encore plus loin et qui sont sur notre feuille de route. Je pense évidemment, en priorité, à la rénovation énergétique des bâtiments ; un enjeu considérable. J'en ai fait le marqueur de mon action, voulant être le ministre, à la fois de la construction et de la rénovation. Nous menons une politique forte et efficace – d'abord sur les copropriétés dégradées –, qui concilie la politique Action Coeur de Ville, le dispositif fiscal que j'évoquais, et le renforcement des moyens de la rénovation énergétique.

Je souhaite, aujourd'hui, que l'acte 2 s'oriente vers une massification, une amplification de la rénovation énergétique de nos bâtiments. Si tous les trois mois, mon ministère publie les chiffres de la construction, ceux de la rénovation n'ont jamais été publiés, puisque les indictateurs n'existent pas ; nous somme en train de les créer.

L'autre élément de cette feuille de route de la rénovation, c'est l'amplification de la rénovation urbaine. Plusieurs de nos territoires ultramarins sont concernés par les projets de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Aujourd'hui, l'ensemble des protocoles de préfiguration du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) dans nos territoires ultramarins sont en bonne voie, ou finalisés, avec un souci d'accélérer très fortement la mise en oeuvre de ces protocoles pour pouvoir commencer les travaux – il s'agit d'un enjeu de taille dans certains territoires.

Par ailleurs, nous avons conclu avec les partenaires sociaux un plan d'investissement volontaire (PIV), de 9 milliards d'euros de relance pour la construction et la rénovation du logement. Un plan qui est le fruit de nombreux travaux et qui montre que le paritarisme fonctionne dans notre pays.

Nous avons mené ces travaux avec Action Logement, qui, comme vous le savez, est un groupe paritaire composé du patronat et des syndicats, et conclu un grand plan de 9 milliards d'euros, avec une volonté très forte, portée par Laurent Berger, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) – encouragée par le gouvernement –de définir, sur ces 9 milliards, un volet ultramarin clairement identifié. De sorte, que 1,5 milliard d'euros sera consacré aux territoires ultramarins, pour l'accession sociale et la réhabilitation. Bien entendu, toutes mesures inclues dans ce plan investissement volontaire seront également éligibles dans les territoires ultramarins.

Je terminerai sur la question de la lutte contre l'habitat insalubre, indigne, voire illégal. Il s'agit d'un enjeu majeur, débattu dans le cadre de la loi ÉLAN. Certaines dispositions ont d'ailleurs été déjà adoptées dans cette loi, permettant ainsi de résorber un certain nombre de situations très difficiles. Je pense notamment à des endroits qualifiés de bidonvilles et, pour lesquels des dispositifs particuliers étaient nécessaires pour les résorber ; c'est chose faite.

Je n'occulterai pas le débat sur l'APL accession, l'un des éléments permettant de lutter contre l'habitat insalubre. Une question que vous avez soulevée et qui fait l'objet d'une mission du Conseil général de l'environnement et du développement (CGEDD), dont les résultats viennent de m'être remis et qui feront l'objet de discussions en amont du prochain projet de loi de finances (PLF).

Il s'agit également d'un des éléments importants du Plan logement que nous avons lancé avec la ministre des outre-mer, au mois de janvier dernier, et dont les principales conclusions seront discutées en milieu de semaine prochaine, dans le cadre de la suite des travaux menés par la ministre des outre-mer.

Tels sont, monsieur le président, les axes que je souhaitais vous présenter. J'ai bien noté vos questions et je suis disposé y répondre tout de suite, si vous m'accordez encore quelques minutes.

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Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales, chargé de la ville et du logement

Monsieur le président, vous avez évoqué trois points. D'abord, la réduction du périmètre de l'APL accession a eu une conséquence sur les territoires ultramarins qui, en majorité, ne sont pas en zone C – zone dans laquelle l'APL accession perdure –, cet instrument visant, en effet, à lutter contre les habitats insalubres.

En 2019, nous avons élaboré un modèle transitoire nous permettant de gérer les dossiers déjà en cours. Nous devons, pour 2020, trouver une autre solution dans le cadre du PLF. De sorte que nous avons mandaté le CGEDD pour nous présenter des propositions, que nous venons de recevoir – nous sommes en train d'en discuter. La question est de définir un mécanisme pérenne, permettant, au moment de la mutation, qui est souvent le moment où les gros travaux de rénovation sont effectués, de lutter efficacement contre l'habitat insalubre.

Votre deuxième question est très importante, mais également très technique. Dans le PLF 2019, une modification du dispositif fiscal s'est concrétisée. En effet, le dispositif fiscal sur l'accession à la propriété de bâtiments de plus de vingt ans, plus connu sous l'article 199 undecies C du code général des impôts, a été remplacé par le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), instauré en 2014.

Des instructions de l'administration fiscale sont encore en cours pour clore les dossiers qui n'ont pu l'être, car nous nous sommes rendu compte, non seulement de la difficulté de ce dispositif, mais aussi de la pertinence du crédit d'impôt.

Enfin, votre troisième question concerne la discrimination. Le rapport de SOS Racisme est accablant, mais en même temps très intéressant, car nous y trouvons des agences immobilières et des plateformes qui ne pratiquent aucune discrimination. Ce n'est donc pas un une fatalité. Dans le domaine du logement, un secteur par essence très discriminant, des opérateurs ont trouvé des voies et des moyens pour ne pas être discriminants.

Au lendemain de la publication du rapport, Marlène Schiappa, un représentant de Mme la ministre Annick Girardin et moi-même avons invité SOS Racisme à venir présenter son rapport devant l'ensemble des familles, des agences immobilières et des propriétaires, afin que nous puissions en tirer les conséquences. Cette réunion s'est déroulée à la fin du mois de mai, et nous sommes convenus d'établir une feuille de route avec l'ensemble des opérateurs.

Cet travail sera composé de trois axes. Le premier axe est la formation. Les formations délivrées sont-elles pertinentes ? À l'entrée des agences immobilières se trouvent, sur une table ou une étagère, un guide de lutte contre la discrimination, rédigé par la délégation des droits de l'Homme – un pavé de 70 pages. Très peu de jeunes gens le lisent lors de leur embauche. Il convient donc d'élaborer des formations beaucoup plus opérationnelles et d'élaborer, par exemple, un guide des dix bonnes pratiques qui tiendrait sur une page et qui serait affiché dans les agences.

Le deuxième axe vise à inclure, dans les documents contractuels, les rappels à loi – leur efficacité n'est plus à démontrer. De sorte, que nous avons sélectionné, avec les professionnels, à la fois dans les documents à disposition des propriétaires et les documents des agences immobilières, les dispositions visant à lutter contre la discrimination.

Enfin, nous avons évalué les sanctions qu'il conviendrait d'appliquer, en cas de récidive, aux agences immobilières.

Troisieme axe, lutter de façon efficace contre la discrimination nécessite de créer un lien entre le propriétaire et le locataire. Ce lien passera, par exemple, par le développement de la garantie Visale, que nous avons redéfinie il y a un an et demi.

Visale est une garantie gratuite, qui protège le propriétaire contre le non paiement des loyers et la remise en état du bien. Cette garantie existe depuis quelques années, elle a porté différents noms, et si vous avons souhaité garder son dernier nom, nous l'avons, en revanche, totalement revue.

Le premier public à bénéficier de cette garantie Visale sont d'ailleurs les étudiants ultramarins qui logent en résidences étudiantes ; cela fonctionne très bien.

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Merci cher Julien Denormandie, pour votre exposé liminaire. Vous nous avez bien expliqué que l'outre-mer est traité avec une accuité particulière, treize villes ultramarines bénéficiant d'Action Coeur de Ville et 1,5 milliard étant alloué à l'accession sociale et à la réhabilitation en outre-mer.

Je vous propose de passer aux questions des membres de la commission.

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Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos. Je suis député de Nouvelle-Calédonie, j'ai donc été attentif, en particulier, aux normes de construction nécessaires dans nos territoires. J'ai pu expérimenter ce que vous avez appelé « l'aspect contre-intuitif », dans le cadre du suivi de la construction du dernier hôpital, puisque nous avons des contraintes à la fois sismiques et cycloniques, qui ont représenté un surcoût non négligeable.

Une réflexion est conduite par le gouvernement calédonien pour élaborer des normes plus adaptées à notre environnement – une réflexion qui existe à La Réunion depuis quelques années. Je suis donc convaincu que la Nouvelle-Calédonie sera intéressée pour être associée à cette réflexion au niveau national.

Ma question concerne les discriminations dans les tentatives d'accès au logement des étudiants ultramarins. J'ai eu l'occasion de poser une question au ministre de l'économie et des finances, en février 2019, sur ce sujet ; j'ai reçu la réponse le 18 juin dernier. Elle indique, et donc confirme, que la discrimination est interdite depuis 1989. Pourtant, chaque année qui passe, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), notre délégation et les ministères doivent rappeler aux agences immobilières le caractère illégal de la discrimination.

Dans la réponse du ministère, le 18 juin, j'ai appris l'existence du dispositif Visale, que j'ignorais totalement, avec des statistiques très précises sur le nombre d'étudiants des départements et territoires d'outre-mer (DROM) qui en bénéficient depuis sa création : 5 900 sur 170 000 étudiants – 3,4 % issus des départements d'outre-mer, 0,2 % issu des territoires. Certes, la Nouvelle-Calédonie ne compte que 270 000 habitants, mais plus de 300 étudiants sont en permanence en métropole. Or nous relevons chaque année des témoignages insupportables de discrimination, notamment parce que leur domiciliation bancaire n'est pas dans l'Hexagone.

Il existe, par ailleurs, une complexité supplémentaire pour les étudiants calédoniens, car nous ne disposons pas de numéro de l'institut national des statistiques et des études économiques (INSEE), mais de l'institut de la statistique et des études économiques Nouvelle-Calédonie (ISEE). De sorte que, lorsque les étudiants, ou les évacués sanitaires, arrivent en métropole, ils sont considérés comme des étrangers.

Depuis quelques années, un dispositif dérogatoire a été adopté, grâce à la bonne volonté de l'INSEE, mais il arrive à son terme.

Il s'agit plus d'un témoignage que d'une question et je suis convaincu de votre détermination, mais je voulais vous dire que, en dépit des efforts réalisés, des conventions de partenariat ou des mécanismes existants, il s'agit de vraies discriminations, de freins et de suppressions de chance pour ces étudiants. Sachant que les parents doivent consentir des efforts importants pour envoyer leur enfant suivre ses études à 22 000 kilomètres.

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Ma question était relative à la discrimination, je me contenterai donc de saluer M. le ministre et de le remercier pour ses actions concrètes en faveur des quartiers et du logement.

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Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales, chargé de la ville et du logement

Selon les chiffres du ministère, les taux de discrimination sont tels qu'un enfant de la République d'un territoire ultramatin a deux à quatre fois moins de chance d'accéder à un logement qu'un enfant vivant en métropole ; c'est monstrueux. La première chose que nous devons faire, c'est de dénoncer la situation et ne rien laisser passer. C'est la raison pour laquelle, quand SOS Racisme a publié son étude, bien loin de moi l'idée de sous-estimer ces chiffres en présentant les actions qui sont menées en faveur des territoires ultramarins. Au contraire, cette dénonciation était utile.

Il ne sert cependant à rien de jeter en pâture les intermédiaires, tels que les agences immobilières. En effet, comme pour beaucoup d'autres actes de discrimination, les personnes qui les commettent ne s'en rendent pas toujours compte. Bien entendu, certains commettent des actes de discrimination à dessein et cela est odieux. Mais beaucoup d'actes sont pratiqués sans même que les auteurs s'en rendent compte – ce qui est tout autant terrible dans le résultat. Mais la façon dont nous devons traiter le sujet est différente.

Votre question concerne, en réalité, la différence les droits formels et les droits réels. Car formellement, la loi punit de trois ans de prison et d'une amende pouvant aller jusqu'à 45 000 euros – 225 000 euros pour une personne morale – tout acte de discrimination.

Cependant, il n'y a pas de fatalité. L'étude de SOS Racisme fait état de réseaux, notamment d'agences immobilières, qui ont réussi à instaurer des pratiques qui sont aujourd'hui reconnues comme non discriminantes.

Nous avons commencé à élaborer une feuille de route, que nous espérons terminer dans les prochains mois, et qui associe SOS Racisme, les agences immobilières et les représentants des propriétaires ; à terme, nous y inclurons les plateformes de location en ligne. Cette feuille de route comporte trois axes : la formation, le développement et l'évaluation des outils, tels que la garantie Visale, et les sanctions.

En attendant que les pratiques changent, nous devons mener une politique d'équité pour atteindre l'égalité – et donc lutter contre la discrimination. Or le dispositif Visale est l'un des éléments d'équité. Le couple Visale-Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) fonctionne très bien. Le couple Visale-propriétaire privé également.

Ensuite, il y a la question de la domiciliation bancaire. En effet, certains pensent encore qu'une caution provenant de territoires ultramarins sera beaucoup plus difficile à récupérer, s'imaginant encore que le réseau bancaire n'est pas exactement le même !

Enfin, de nombreux réseaux bancaires sont présents aussi bien en métropole que dans les territoires ultramarins ; comment faire en sorte que les agences d'un même réseau accordent leur confiance à tous les étudiants, en métropole, et dans les DROM ? Certains réseaux proposent de lutter contre la discrimination, nous allons donc travailler avec eux.

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Concernant les réseaux bancaires, que les bailleurs soient rassurés, les banques ont des filiales partout en France, même dans nos terrritoires ultramarins !

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Je vous remercie, M. le ministre, pour votre présence parmi nous ce matin. Ma question concerne très directement ma circonscription et particulièrement la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin. J'espère que mes collègues ne m'en tiendront pas rigueur.

Ce territoire, monsieur le ministre, vous en avez visité les décombres, quelques mois après le passage du cyclone Irma, pour dénoncer sur les plateaux télé, je vous cite : « des défaillances, sur le terrain qui entravaient la reconstruction ». Bien sûr, les responsabilités sont partagées, mais je m'interroge sur tous ces rendez-vous manqués qui auraient permis à Saint-Martin d'avancer.

Aujourd'hui, et la ministre des outre-mer l'a réaffirmé à votre place, il y a une quinzaine de jours, Saint-Martin doit sortir de la reconstruction pure et dure, pour penser avenir, et notamment, développement économique. Or, en termes de rendez-vous manqués, je pense notamment à votre programme Action Coeur de Ville, cette belle démarche partenariale en faveur des villes moyennes, portée notamment par la CDC Habitat.

Je sais que la collectivité souhaitait que Marigot, la capitale de Saint-Martin, dont la nécessaire revitalisation est l'une des grandes priorités de l'exécutif local, puisse bénéficier de ce dispositif, dans une logique de reconstruction solidaire et exemplaire de développement durable, et de valorisation des atouts locaux.

J'ai donc été douloureusement surprise que notre préfet de tutelle ait omis de proposer Marigot au ministère de la cohésion des territoires, et je tenais à vous en faire part ce matin. Permettez-moi, monsieur le ministre, de faire appel à votre vigilance, pour que Marigot, en toute logique, puisse être identifiée, dans les années à venir, parmi les villes éligibles à ce programme national. Je vous remercie.

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Monsieur le Ministre, je vous remercie pour vos propos liminaires, qui ont déjà répondu à certaines de nos préoccupations et de nos questions.

Je rappellerai néanmoins, et vous le savez, que le droit au logement est un sujet crucial pour nos territoires et principalement pour le mien, la Martinique et ses quatre circonscriptions. Mais il n'y a là rien d'étonnant, puisque nous sommes considérés comme la plus petite région française, est la deuxième région la plus densément peuplée, derrière l'Île-de-France et devant La Réunion.

À plusieurs reprises, nous nous sommes efforcés, nous, ultramarins, à sensibiliser le gouvernement aux nombreux enjeux liés au logement en outre-mer, qu'il s'agisse de la réhabilitation de l'habitat indigne et insalubre, de l'accès au logement et des dispositifs fiscaux de financement du logement social, ou des conséquences de l'indivision successorale.

Je rappelle qu'à l'occasion de l'examen du PLF 2019, nous étions parvenus, avec un certain nombre de collègues, dont Serge Letchimy, à faire adopter en séance publique un amendement visant à maintenir le dispositif de défiscalisation sur le logement social. Ce dispositif bénéficiait notamment aux opérateurs compétents en matière de construction de centres d'hébergement et de réinsertion sociale, de réhabilitation du patrimoine locatif, en faveur des plus démunis.

Tout le monde se rappelle ici, et il s'agit d'un souvenir un peu difficile pour moi, qui était partie en mission à Mayotte, à cette période, les conditions dans lesquelles le gouvernement a supplanté, trois jours après, notre amendement.

En décembre 2019, nous avons eu la joie de voir adopter notre proposition de loi sur l'indivision successorale dans les outre-mer. Nous avons obtenu l'adaptation du régime juridique en vigueur, afin de faciliter la sortie de l'indivision successorale, via l'autorisation des indivisaires possédant 50 % plus 1 % d'un bien, à en disposer dans les meilleurs délais : une victoire. Si les effets sont lents à venir, je suis certaine que nous y arriverons, notamment avec le concours des notaires.

Cependant, je souhaite, monsieur le ministre, profiter de cette audition pour vous alerter sur les inquiétudes de nos territoires, et notamment de la Martinique : la question épineuse du désamiantage des logements sociaux ou en accession à la propriété ; les menaces qui pèsent sur le devenir de l'Agence des 50 pas géométriques, même si elle ne dépend pas de votre ministère, après 2021 ; sur le processus de régularisation des habitats spontanés situés sur cette zone ; le sous-équipement en assainissement individuel ou collectif des habitats situés dans ces zones, mais également leur très forte exposition aux risques naturels majeurs, tels que les tsunamis, les érosions, les cyclones ou encore les inondations.

Telles sont mes inquiétudes. Monsieur le ministre, je souhaitais également vous parler du nouveau plan de logement outre-mer, mais vous l'avez évoqué dans vos propos liminaires. J'espère que vous serez à notre écoute. Je vous remercie.

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Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales, chargé de la ville et du logement

Madame la députée, je me suis en effet rendu sur l'île de Saint-Martin, et je voudrais, d'abord, saluer l'engagement des élus après le passage du cyclone Irma. De nombreuses actions restent à mener, mais beaucoup d'énergie a déjà été engagée.

S'agissant de la politique Action Coeur de Ville, il est vrai que Marigot n'a pas été retenue parmi les deux cents villes bénéficiaires. Ce qui ne veut pas dire, qu'elle ne peut pas mettre en place ces opérations de revitalisation du territoire, définies dans la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ÉLAN). Sous réserve d'un point précis, relatif aux compétences particulières de la collectivité qu'il convient de définir juridiquement – mais je n'ai pas les éléments en tête. Il s'agit des compétences particulières de la collectivité ; ces opérations de revitalisation s'appliquent-elles bien au terriroire de Saint-Martin ? Sinon, comment les adapter ?

Concernant la reconstruction de Saint-Martin, il me semble que nous avons déjà bien avancé sur un certain nombre de sujets, notamment sur la question de l'appui au logement social. Un certain nombre de changements, qui devaient être réalisés, l'ont été – des décisions qui n'étaient pas évidentes à prendre collectivement, et je m'en félicite. Des lignes de financement étaient attendues concernant l'appui à la reconstruction des logements sociaux. Il faut maintenant les utiliser, reconstruire.

Un autre point important concerne le tissu économique local : comment faire en sorte qu'il contribue à cette reconstruction ? Je parle-là de la compétence de la collectivité, avec, bien sûr, le soutien nécessaire de l'État. Il convient de finaliser ce qui a été enclenché s'agissant des opérations de revitalisation et de réhabitilisation du logement social.

Madame la députée Manin, vous avez évoqué deux sujets, ceux de la défiscalisation et du désamiantage. Je fais partie de ceux qui ne balaient pas d'un revers de main les dispositifs de soutien à la construction. Des dispositifs doivent aussi être orientés sur la rénovation. Les territoires ultramarins ont souvent pâti d'un certain nombre de régimes de défiscalisation, qui n'ont pas été pensés dans leur globalité.

À Saint-Martin, par exemple, six mois après le cyclone, certains appartements été rénovés et d'autres non – il y avait des trous dans les immeubles. Or ces trous étaient des appartements défiscalisés via des organismes de défiscalisation et personne ne connaissait le nom des propriétaires, ce qui pose un problème.

Quand le voisin de palier est un organisme de défiscalisation, que personne ne répond à cette adresse, comment voter les réparations des parties communes ? Des progrès doivent donc être réalisés s'agissant de ces régimes, et je sais que vous en avez conscience, puisque vous avez régulièrement présenté des propositions. Je ne suis pas en train de dire que nous allons réduire les soutiens, mais nous devons affronter les difficultés.

D'ailleurs, le désamiantage est aussi une difficulté. Dans le cadre des travaux que nous avons menés, notamment en ce qui concerne le plan logement, le sujet du désamiantage fait partie de la compétence d'un des sous-groupes de travail ; un sujet sur lequel Annick Girardin est particulièrement mobilisée et qu'elle connaît très bien. Des études ont été lancées afin d'évaluer le besoin exact et répondre à la question fondamentale qui est de savoir comment créer des filières locales de désamiantage – pour, in fine, réduire les coûts et bénéficier de l'expertise local.

Autre élément de réponse, nous devons définir le moyen d'accompagner la destruction, lorsqu'elle est nécessaire, notamment lorsque les propriétaires sont les bailleurs sociaux. Dans le cadre du plan d'investissement volontaire de 9 milliards d'euros que j'ai évoqué, toute une partie est dédiée à accompagner ces opérations de destruction.

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Monsieur le ministre, j'ai le sentiment que vous avez hérité d'une situation de non-équité en défaveur des outre-mer, notamment en matière de logement, mais également sur les problématiques qui ont été évoquées en termes de développement humain et de développement économique.

Les disparités, parfois trop fortes, sont l'héritage d'une histoire commune, d'une histoire qui a défavorisé ces territoires dédiés à l'accumulation du capital, avec un système de production que vous connaissez. Lorsque, en 1946, la Guadeloupe est devenue un département d'outre-mer, nous étions très en retard, en termes de développement humain, mais aussi en termes d'infrastructures. De gros efforts ont été entrepris pour une remise à niveau, qui n'est toujours pas atteinte. Nos populations ont consenti de gros efforts.

Les communautés travailleuses, les entreprises qui payent des impôts, les maires en place ont réalisé de gros efforts. Malheureusement, avec la crise, nous sommes restés en panne. Au moment où les choses étaient difficiles pour tout le monde, où l'argent public se raréfiait, nous sommes restés un panne. Néanmoins, j'ai le sentiment que vous avez bien compris nos problématiques, notamment en matière de logement, et je crois profondément à votre sincérité.

La loi logement que nous avons adoptée n'a pas apporté les solutions escomptées. Nous avons même été victimes d'une certaine incompréhension. Mais puisque j'ai le sentiment que vous avez compris les problématiques, je vous propose de nous rencontrer, de temps en temps, comme nous le faisons aujourd'hui, pour faire un point sur les avancées.

Je reviendrai maintenant sur la question des cautions solidaires. Le président l'a indiqué, toutes les banques ont des filiales sur l'ensemble du territoire français. Nous avons des succursales de banque bien intallées dans l'Hexagone. La banque des Antilles françaises est devenue la Caisse d'épargne. Pourtant, si mon fils veut acquérir un bien ou accéder à un logement et que je lui propose d'être caution solidaire, c'est encore très difficile. Alors, maintenant que je suis député, les choses seront peut-être plus faciles ?

Nous devons absolument trouver le moyen de mettre fin à ce type de discrimination inacceptable. Peut-être conviendrait-il de créer un lieu, où seraient examinées toutes les situations discriminatoires, et non pas seulement en matière de logement, et qui apporterait une réponse immédiate ? Le gouvernement devrait trouver un moyen de faire cesser ces discriminations, vexatoires pour nous.

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Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales, chargé de la ville et du logement

La loi ÉLAN a fait l'objet d'une préparation importante – la conférence de consensus était une première – visant à transmettre la première version du projet de loi, à tous les acteurs, et notamment aux parlementaires, avant de le déposer.

Il est vrai que nous avons beaucoup travaillé sur le sujet ultramarin, sans parvenir à avancer de façon significative. Mais ce n'est pas faute d'avoir essayé. Nous avons aménagé les schémas d'aménagement régionaux (SAR), une ordonnance est en cours ; une avancée significative avec le permis d'experimenter, d'innover, car ce sont bien les territoires qui ont des spécificités qui vont en bénéficier le plus. Mais également des avancées sur le volet du logement social et sur celui de la lutte contre l'habitat indigne.

Annick Girardin et moi-même avons cependant jugé nécessaire de lancer, en janvier dernier, la Conférence logement outre-mer, afin de combler les manques – qui ne doivent d'ailleurs pas être automatiquement comblés par des lois.

Ce que j'évoquais sur l'aménagement et la création d'EPFA, à Mayotte et en Guyane, est essentiel. Si, aujourd'hui, l'un des principaux enjeux est de lutter contre l'habitat insalubre, dans un contexte, parfois, d'habitat illégal, ou si la principale responsabilité est de reconstruire, dès à présent, des territoires pour qu'ils s'adaptent au changement climatique, ce sont des questions d'aménagement. Le fait d'avoir créé ces établissements publics nous permet de piloter ces politiques. Si les EPFA dépendent de mon ministère, la gouvernance est partagée avec les élus locaux. Le transfert du foncier que j'évoquais, sur la Guyane, est essentiel.

Les territoires ultramarins ne possèdent pas d'organismes fonciers solidaires (OFS). Dans un certain nombre de DROM, comme dans certains territoires métropolitains, le prix du foncier est beaucoup trop élevé par rapport au coût de l'opération ; d'où la création d'OFS dans l'Hexagone. Voilà typiqement le type de sujet sur lequel nous pouvons avancer dans les DROM.

Monsieur Mathiasin, je suis entièrement d'accod avec vous pour nous rencontrer régulièrement, que ce soit avec moi ou avec mes équipes, et notamment avec ma spécialiste logement, Rachel, qui est née et a vécu à La Réunion et qui a une appétence particulière pour ce sujet.

Concernant la caution solidaire, il ne faut pas nous la faire à l'envers. Qui peut nous faire croire, aujourd'hui, qu'il est plus compliqué de récupérer une caution quand la personne habite à des milliers de kilomètres ? Je n'ai jamais vu une banque envoyer l'un de ses employés, malette à la main, prendre l'avion pour aller récupérer une caution ! Tout est informatisé aujourd'hui. Il s'agit en fait d'anciennes d'habitudes.

De la même façon qu'il existe une discrimination au logement à l'égard des jeunes. Une idée reçue persiste en France, selon laquelle les jeunes de moins de trente ans paieraient moins bien leur loyer que les plus de trente ans. J'imagine que, si nous faisions le test dans cette salle, peu d'entre vous se sont mis à mieux payer leur loyer au lendemain de leurs trente ans !

Lorsque j'ai relancé la garantie Visale, j'ai été interviewé par une personne qui fait un peu la pluie et le beau temps dans les médias sur la question du logement. Je lui explique que nous allons modifier le dispositif Visale, afin de le rendre plus performant, mais que je garderai le même nom, afin de bénéficier de sa notoriété. Cette personne me répond : « ce système est très bon, mais il va coûter beaucoup d'argent, le taux de sinsitre des moins de trente énorme étant important » !

La principale lutte contre la discrimination vise à mettre fin à des croyances que nous développpons et ne cessons de faire perdurer. Mon plus grand combat est de réconcilier les propriétaires et les locataires. Il faut arrêter de penser que les propriétaires sont tous des nantis ; cela est faux. Et il faut arrêter de penser que les locataires ont pour principal jeux de mettre le bazard dans les logements ; cela est faux. Toutes ces croyances amènent à la situation actuelle, c'est-à-dire des centaines de milliers de logements vacants.

Les ministres de droite étaient taxés de « ministres des propriétaires » et les ministres de gauche de ceux des locataires. Ma mission, et je le dit très modestement, est donc d'être le ministre à la fois des propriétaires et des locataires, afin de réconcilier les uns avec les autres.

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Merci, monsieur le ministre, pour ces réponses. Avant que vous puissiez conclure notre rencontre, très constructive, j'aimerais, parce que vous vous dites ministre, non seulement du logement, mais aussi de la rénovation, vous parler de mon voisin.

Mon voisin, M. Clermont, 75 ans, agriculteur à la retraite, est propriétaire, avec Mme Clermont, de son logement. Leurs enfants habitent à côté de chez eux et ne travaillent pas ; ils habitent dans des maisons en cours de finalisation. Le fameux dispositif 199 undecies C, pour la réhabilitation et la défiscalisation du logement social collectif, leur avait été proposé. Un dispositf, qui, selon Bercy, permettait de rénover l'habitat social individuel.

M. et Mme Clermont n'ont pas les moyens de mettre 4 000 ou 5 000 euros. Or ce dispositif, qui fonctionnait bien, j'ai pu le vérifier, leur permettait de vendre leur logement, de le reprendre en location pour 50 euros par mois pendant cinq ans, puis de redevenir propriétaire. Entre-temps, leur maison était rénovée, pour un montant de 20 000 ou 30 000 euros.

Quatre cents dossiers sont dans les tuyaux, en attente d'aboutissement, Bercy ayant jugé qu'il s'agissait d'un abus de droit. Le ministère compte même remettre en cause ce dispositif et poursuivre les contrevenants délinquants qui ont bénéficié de cette rénovation et les organismes de défiscalisation.

Vous avez indiqué que, en 2020, l'APL accession, notamment, pourrait être une réponse. 2020 semble loin pour ces personnes de 75 ans dont la santé et les conditions de vie sont précaires. Monsieur le ministre, le dispositif en question permettait de façon pragmatique, la rénovation de l'habitation sociale individuelle indigne. Or aujourd'hui, ce dispositif a été arrêté et aucune solution alternative n'a été proposée. Je fais donc appel à votre sensibilité, pour apporter une réponse le plus rapidement possible à cette importante question. Je vous remercie.

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Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales, chargé de la ville et du logement

Je vous remercie, monsieur le président. Il s'agit malheureusement d'une situation que nous rencontrons trop souvent dans les territoires de la République. Il s'agit de la question du reste à charge, dès lors que vous voulez réaliser des travaux de rénovation.

Il ne faut absolument pas aborder cette question en prétendant que nos systèmes sont trop compliqués et qu'un guichet unique serait nécessaire. Nous devons nous demander, devant chaque cas qui se présente, quel dispositif est le plus adapté, à savoir celui dont le reste à charge est conforme à la capacité de financement du demandeur. Tel est le sens qu'a voulu donner le Président de la République, quand il a indiqué vouloir « remettre l'humain au centre de tout ». Car il peut y avoir de nombreux dispositifs, mais si, à la fin, le reste à charge est trop élevé, ils ne servent à rien.

Je connais énormément d'exemples très concrets. Je me suis rendu près de Compiègne, il y a à 72 heures, où un couple de retraités modeste, peut-être un tout petit peu plus jeune que M. et Mme Clermont, mais avec des problèmes de santé, avait un projet de rénovation énergétique, d'un montant de 54 000 euros. Huit opérateurs sont intervenus dans ce projet : l'État, les collectivités locales, des associations. De sorte que le reste à charge n'était que de 4 000 euros. Nous avons tous su nous regrouper pour offrir cet accompagnement. Nous avons étudié la meilleure possibilité – ce que j'appelle le « aller vers » – pour que le reste à charge soit le plus faible possible.

Le « aller vers » depend des territoires ; il n'y a pas de schéma magique. Dans certains territoires, il s'agira d'associations – à Compiègne, c'était le Secours catholique et un formidable organisme qui s'appelle l'Éco Habitat – dans d'autres, il faudra s'adresser à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ou à la plateforme FAIRE que nous avons créée, dont le numéro est le 0808 800 700, qui vous donne toutes les indications nécessaires.

Le second point est le reste à charge : comment faire pour le diminuer ? C'est vrai, l'article 199 undecies C permettait justement de diminuer ce reste à charge.

Alors pourquoi ce dispositif a-t-il été arrêté en 2019 ? Parce que nous nous sommes rendu compte que, dans certains cas, l'efficacité était très contestable et les montants de défiscalisation supérieurs au coût des travaux. Or nous sommes tous garants de la bonne utilisation des deniers publics.

Il convient, pour M. et Mme Clermont, de définir quel dispositif, et je pense notamment au CITE de 2014 – qui sera, l'année prochaine, non plus un crédit d'impôt, mais une distribution de prime – leur permettra d'être financés.

Je suis disposé, monsieur le président, à travailler sur le cas concret que vous venez d'évoquer, pour vous aider à définir le dispositif qui sera le mieux adapter à M. et Mme Clermont. Mon objectif étant, bien enendu, de leur proposer un dispositif dont le reste à charge sera supportable.

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Merci beaucoup monsieur le ministre, cher Julien Denormandie, d'avoir pris le temps d'échanger avec nous, point par point. Nous actons, mais nous n'en doutions pas, la connaissance précise que vous avez de ces dossiers, vous et vos équipes, et votre sensibilité particulière pour la question du logement, de la rénovation et pour les outre-mer, en général.

Je ne doute pas que vous ayez apporté toute réponse utile, et nous confirmons votre volonté de vouloir mieux accompagner les territoires ultramarins, avec des dispositifs existants et d'autres qui doivent être approfondis.

Au nom de la délégation aux outre-mer, je vous remercie. Nous restons en contact pour continuer à travailler dans l'intérêt du logement, de la rénovation et des outre-mer. Je vous remercie, monsieur le ministre.

L'audition se termine à onze heures quinze.

Suspension

Présentation du rapport d'information sur la production audiovisuelle dans les outre-mer

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Dr Raphaël

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La réunion s'est achevée à 12 heures.

Informations relatives à la Délégation

La Délégation a nommé Mme Ericka Barreigts et Mme Stéphanie Atger rapporteures d'information sur le grand âge et la dépendance dans les outre-mer.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Stéphanie Atger, M. Philippe Dunoyer, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Josette Manin, M. Max Mathiasin, M. Alain Ramadier, M. Olivier Serva.

Excusés. – Mme Françoise Dumas, M. Philippe Gosselin, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Gabriel Serville.